E.T 3: Juste La Fin Du Monde, Partie I Scène9

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E.

T 3 : Juste la fin du monde, Partie I scène9

Présentation extrait :
Depuis début de la pièce, les retrouvailles entre L et sa famille sont marquée par une
tension palpable. Le malaise est perceptible mais la crise n’éclate pas parce que les
reproches ne se font qu’à demi-mots, ils ne sont pas clairement formulés. Mais en fin de
repas, éclate une dispute.

Mouvements :
1. L.1 à 7 : une fin de repas de famille : le calme qui annonce la tempête.
2. L.8 à 27 : crise violente entre Suzanne et Antoine.
3. L.28 à 46 : contamination de la crise à l’ensemble de la famille qui se dissout.

Projet de lecture : montrer que cette scène de conflit familial en apparence comique révèle
bien la crise communicationnelle en jeu au sein de la famille et s’inscrit finalement dans le
tragique.

1. L.1 à 7 : une fin de repas de famille : le calme qui annonce la tempête.


Scène débute sur une apparente atmosphère de calme et de détente.
-Réplique de la mère qui met en avant le caractère « ordinaire » et paisible de ce repas
familial. Expression elliptique « toujours été ainsi » (= Cela a toujours été ainsi) insiste sur le
caractère habituel de ce repas. Adverbes « longtemps » « toujours » + verbe « dure »
donnent impression de durée. + la didascalie interne « on n’a rien à faire, on étend ses
jambes » évoque un moment paisible, de détente.
- Idée renforcée par la question de Catherine= interrogative dans un niveau de langue
familier= banalité et impression du repas qui s’éternise renforcée par l’adverbe « encore ».
Mais cette question en apparence anodine et polie est le déclencheur de la crise.
- Elle entraîne une autre question de Suzanne : « Tu vas le vouvoyer toute la vie, ils vont se
vouvoyer toujours ? ». Répétition de la question avec changement de pronom comme si elle
prenait les autres à témoin montre l’agacement de Suzanne : il ne s’agit pas d’une véritable
question mais d’un reproche. S perçoit bien la distance qui persiste entre C et L et la
regrette.
- Intervention d’Antoine se veut pacificatrice mais le ton utilisé : exclamation + apostrophe
Suzanne apparaît condescendant et déclenche la dispute frère-sœur.
→ La scène de repas de famille paisible et habituelle ne l’était qu’en apparence et
l’évolution du dialogue la remet très vite en cause.
2. L.8 à 27 : la crise entre Suzanne et Antoine.

Explosion du conflit entre le frère et la sœur au travers d’une succession de répliques


de longueurs équilibrées.
- L.8 à 14 : réplique de S qui souligne sa colère et sa violence
 Exclamation grossière « Mais merde, toi, à la fin ! »
 Phrases courtes+ parataxe
 Rythme ternaire « Je ne te cause pas, je te parle pas, ce n’est pas à toi que
je parle »+ sonorités = allitérations de dentales/ en « r » = agressivité de S
à l’égard d’Antoine.
 Répétition de 3 négatives totales + la tournure emphatique de la
dernière= rejet de son frère + changement de pronom =mise à distance du
frère dont l’avis ne l’intéresse pas.
 + les verbes niés sont tous des verbes de parole « cause »/ « parle » x2/
« demande »= révèle l’absence de communication.
 Répétition du verbe « s’occuper »= reproche fait à son frère de se
comporter comme le grand frère ou le père absents.
3. La dernière phrase de sa réplique : question rhétorique montre que S n’a
pas conscience du caractère gênant de sa remarque à l’égard de C.

- L.15 à 20 : réplique d’A qui apparaît comme un commentaire exaspéré de celle de


S et révèle une incapacité à communiquer entre eux. Ne répond pas à ses
reproches mais réagit avec la même colère et de la même manière :
 Réponse à la question par une autre question.
 Même jeu sur les pronoms personnels « Tu me parles » « Elle veut avoir
l’air » qui crée un effet de rejet similaire à la réplique précédente.
 Répétitions « Louis est là », « tu es là », « Elle veut avoir l’air ». Remarque
ironique qui sonne comme un reproche à la fois pour S mais aussi pour L.
Phrase inachevée qui laisse à penser que S cherche à paraître ce qu’elle
n’est pas comme le ferait L.

- L.21 à 27 : dernière réplique de S = apogée de la colère.


Une nouvelle fois, il s’agit d’une réaction, une opposition à la réplique précédente
plutôt qu’une véritable réponse.
 Succession de phrases interrogatives et exclamatives de plus en plus
décousues et courtes qui traduisent son agressivité.
 Répétition du prénom de Louis + reprise à la forme négative de la phrase
d’A « Ce n’est pas parce que Louis est là »= insistance qui révèle que le
reproche l’a touchée. + L est bien un intervenant essentiel dans la dispute
alors qu’il n’a pas dit un mot.
 L.26 « Compris ? Entendu ? Saisi ? » rythme ternaire, redondance qui
cherche à faire taire A, à le mettre en position de celui qui écoute : à le
dominer
 Mais agressivité qui atteint son maximum avec les grossièretés et le geste
insultant. ( cf didascalie interne) viennent affaiblir son propos : coupe
court à la conversation car incapable d’un discours, d’une argumentation .
= puérilité du propos. = passage qui peut même paraître comique=
comique de farce avec jurons + comique de caractère.

→C’est bien une crise qui éclate entre A et S mais elle tourne très vite court (comme les
phrases des protagonistes). Rôle de L dans la crise semble essentiel alors qu'il n'a pas
encore dit quoi que ce soit…

3. L.28 à la fin : fin du repas et de la réunion familiale


La fin de la scène est révélatrice d’une contagion du conflit à tous les membres de la famille :
la discussion se disloque, et la scène évolue vers une situation absurde où chacun quitte la
table.
- La mère fait des reproches implicites à Antoine en lui adressant des injonctions.
Ordre à l’impératif « Ne la laisse pas partir » et conseil au conditionnel « Tu
devrais la rattraper ! ». Elle le rend bien implicitement responsable du départ de S
- Réponse laconique d’A au futur de l’indicatif et à la 3ème personne « Elle
reviendra » montre sa volonté de ne pas agir et donc de ne pas obéir aux
injonctions de la mère. = contagion du conflit entre A et sa mère.
- L.33 = 1ère réplique de Louis= réponse à la question banale de Catherine l.4 crée
un effet comique qui relève du comique de situation= réponse calme et posée à
une question posée bien plus tôt : L fait comme si la dispute enter S et A n’avait
pas eu lieu. Mais en même temps, révèle aussi à quel point la communication
« normale » est difficile.
- Son intervention est d’ailleurs ridiculisée par A qui la répète : les guillemets
montrent bien qu’il l’imite de façon ironique. A provoque son frère : le conflit
entre A et S s’étend à L.
- Les lignes 35 à 40 constituent une stichomythie typique du conflit de comédie
(répliques très courtes qui s’enchainent rapidement, nombreuses interro et
exclamatives) :
 Intervention de C : apostrophe d’A = reproche mais réponse de L à ce
reproche par une question très courte constituée uniquement du pronom
interro
« Quoi ? » → révèle que le conflit s’étend cette fois au couple mari-femme
qui ne communique pas.
 Réplique de L « Tu te payais ma tête, tu essayais »= remarque à la fois
amusante et provocatrice : l’épanorthose (reformulation avec correction)
« tu essayais » sous-entend qu’A n’y parvient pas, qu’il n’est pas à la
hauteur.
 Généralisation du conflit traduite par utilisation par A du pronom
« Tous ».
 Dernière réplique de C = didascalie interne : révèle le départ d’A = un
nouveau membre de la famille quitte la table= la scène.

- Dernière réplique de la mère prend une tonalité absurde, crée un comique de


situation. Tous les personnages, elle comprise, quittent la scène comme l’indique
la didascalie finale « Catherine reste seule. ». Or les paroles prononcées sont en
décalage total à nouveau avec la situation : « Je suis contente, je ne l’ai pas dit, je
suis contente que nous soyons tous là, tous réunis. ». Elles traduisent son
aveuglement face à la situation mais aussi et surtout son impuissance : sa
prophétie « Ils reviendront » est mise à mal, ridiculisée par la sortie de Louis… et
finalement la sienne qui le suit et l’appelle.
Ne reste plus sur scène, à la table familiale que C qui n’est pas membre à part
entière de la famille.

→ Conflit familial qui apparaît léger, comique mais qui révèle le dysfonctionnement de
cette famille, leur incapacité à communiquer, à se parler : de la situation comique naît le
tragique.

Conclusion :
Une scène qui pourrait être une scène de comédie, voire de farce: un repas de
famille qui dégénère qui crée un comique de situation, de caractère et même de mots.
Néanmoins, elle révèle également à quel point il est impossible de communiquer au sein
de cette famille et que la « réunion » voulue pourtant par chacun est impossible. Du
comique naît donc le tragique. On voit donc bien ainsi l’influence du Théâtre de l’Absurde
sur l’écriture de Lagarce.

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