MetaMedia Cahier
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méta-media
#1
Ca h ier de t endances m édias de France Télévisions
Eric scherer
Usages :
URL = IRL !
Révolutions,
ruptures,
dislocations
Les géants
du Web :
choses vues
La vie
connectée
m e ta - m edia.fr
Edité par : la direction générale déléguée au développement numérique et à la stratégie
Directeur de la publication : Rémy Pflimlin
Directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie : Bruno Patino
Coordination : Nathalie Pavageau, Laetitia Poli - direction de la communication interne
Directeur de la collection : Eric Scherer
ont collaboré à ce numéro : Olivier Jouinot, Edmond Debar, Charles De Cayeux & Matthieu Parmentier
Secrétariat de rédaction : Jacques Barbaut
Responsable de la direction artistique : Philippe Baussant
Conception et réalisation : Virginie Bergeaud
Illustration de couverture : Jean-Christophe Defline
Impression : Advence
La vie
connectée
Eric scherer
Illustration de couverture : Jean-Christophe Defline, Directeur Associé, Copilot Partners, www.copilotpartners.com
ÉDITO
Après la musique et la presse, voici venu le tour de la télévision !
La révolution Internet – sans équivalent depuis le 19ème siècle - chamboule tout sur son pas-
sage. Impossible pour le petit écran de rester plus longtemps à l’abri de bouleversements
sociétaux considérables, vite adoptés, et surtout très appréciés par nos contemporains. Cer-
titudes et habitudes ne peuvent plus être de mise dans les médias, qui convergent tous vers
une culture de l’écran.
Nous avons donc souhaité, avec Eric Scherer, tenter d’observer, expliquer et de rendre
compte de ces profondes transformations qui sont à l’œuvre, partout dans le monde, dans la
manière de s’informer, se cultiver et se divertir. Car c’est d’abord en partageant la compréhen-
sion des nouveaux usages du numérique, en évolution rapide, que nous pourrons mieux agir
dans ce nouveau contexte tout en restant fidèles à nos missions.
Ce premier Cahier de tendances Méta-Média de France Télévisions raconte notre nouvelle
vie connectée. En attendant le prochain numéro, vous en retrouverez aussi la chronique sur
notre blog meta-media.fr.
Bonne lecture
Bruno Patino
Directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie
.8 .16 .40
Introduction Usages : URL = IRL Révolutions,
L’Internet intégré à notre existence
ruptures, dislocations
p.18 La 3D, l’image en relief
(Olivier Jouinot, Charles De Cayeux,
Sur Internet, les gens vivent d’abord Matthieu Parmentier) et glossaire 3D
sur les réseaux sociaux p.42
p.20
Les débuts désordonnées de
« The Next Big Thing after computer ? » la TV connectée ou « smart TV »
p.21 p.47
L’Internet des objets (web 3.0) Médias d’informations : leur avenir
ou l’humanité augmentée ne leur appartient plus
p.23 p.59
La maison connectée existe déjà Médias en ligne : 10 tendances tech US
p.25 p.61
Le smartphone au centre de notre vie L’état 2011 de l’info sur les télévisions
numérique américaines
p.27 p.64
La vidéo au cœur L’essor du journalisme collaboratif,
des nouvelles expériences mutualisé, augmenté
p.36 p.65
La télévision, média dominant, Quelques sites de journalisme
renforcé par mobilité et réseaux sociaux de formats longs
p.37 p.67
Les nouveaux paliers qui vont La « gamification » : prendre le jeu au
révolutionner, de nouveau, les usages sérieux
p.38 p.69
What's next ?
p.39
ES
INTRO
DUCTION
}
INTRO
DUCTION
L’Homo connectus tient désormais pour acquis de pouvoir profiter des contenus, où qu’il se
trouve et sur tous ses écrans qui fusionnent. On l’a dit : il ne télécharge plus mais profite des
INTRO
DUCTION
contenus en streaming. Encore une fois, c’est leur accès permanent qui compte. Internet se fond
en de multiples écrans.
Ordinateurs, télévisions, smartphones, tablettes vont se synchroniser pour déboucher sur une
expérience d’utilisation homogène à la maison, au bureau et en déplacement. Les constructeurs
travaillent beaucoup au transfert sans peine, sans frictions, des contenus entre tablettes et télé-
viseurs. Nous regarderons une émission chez nous le matin, la suivrons en mobilité avant de la
retrouver au bureau. L’accès aux expériences vidéo se fera de plus en plus en mobilité.
Sous peu, chacun aura un smartphone ou une tablette. La création par Apple d’un nouvel usage
(accès par écran portatif à tout ce qui est écrit, joué, radio et télédiffusé), qui n’existait pas il y a
un an, provoque l’arrivée de très nombreux concurrents de l’iPad. L’attrait de la tablette est ex-
L’explosion de la vidéo :
un Web audiovisuel de divertissement et de loisirs
Après avoir chahuté, déstabilisé les industries de la musique, de la presse, de l’édition, de la
publicité, des telcos, l’Internet vient envahir le monde de la télévision.
D’ici à cinq ans, la plupart des téléviseurs seront connectés. Le téléviseur s’ouvre au Web et
ne sera plus à sens unique. Impossible pour l’instant d’en saisir tous les effets. Mais une chose
est sûre, le téléspectateur obtiendra ce qu’il voudra y trouver, d’une manière ou d’une autre…
Là encore, une économie de la rareté est sur le point d’être submergée par une économie de
l’abondance et de… l’ubiquité. Comme dans la presse, une nouvelle logique de la demande va
l’emporter sur celle de l’offre, plus banale, moins puissante.
Inversement, la télévision et la vidéo vont influencer l’Internet : dans quelques années, plus de 80 % de
son trafic sera composé de vidéos. Mais le réseau partout pour de la vidéo a un coût qui n’est
pas encore prévu dans les modèles économiques actuels. La possible fin de l'Internet en accès
illimité forfaitisé se profile et avec elle des menaces importantes sur la neutralité du Net et donc
sur des libertés publiques et fondamentales, comme le droit d’expression et l’accès à l’informa-
tion et à la connaissance.
Chaque jour un peu plus, Internet devient un média audiovisuel ! Après un Web d’outils (search,
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comparatifs, cartes, wikis, annuaires…), puis un Web de communication (email, messagerie, ré-
seaux sociaux, téléphone sous IP), le nouvel Internet pourrait bien être celui du divertissement et
des loisirs… de qualité (vidéos, musique, lecture enrichie, jeux…).
Renforcée par la mobilité et les réseaux sociaux, de plus en plus utilisés en parallèle, la télévision
reste le média dominant. Le public ne se contente plus de la regarder, chez lui ou en déplace-
ment, il en parle, via SMS, email, Twitter ou Facebook. La dimension sociale, qui a toujours fait
partie intégrante de l’expérience télévisuelle — on la regarde rarement seul — est renforcée par
les nouveaux outils. Elle devient sociale.
Mais la télévision se consomme aussi de plus en plus à la demande, pendant que les chaînes
traditionnelles perdent progressivement le monopole du téléviseur et ont peur de voir leur au-
dience, et donc la valeur, partir ailleurs. Avec leurs nouveaux magasins d’applications embar-
quées, les fabricants rêvent d’en faire un grand iPhone horizontal dans le salon. Les chaînes
redoutent, elles, la fragmentation de l’offre, le recul de leur rôle d’agrégateur et de prescripteur
d’une offre organisée ou, pire, de n’être plus qu’une application parmi mille autres, coincée entre
celle d’Angry Birds et de la SNCF. La lutte pour être sur le premier écran, la porte d’entrée, sera
rude ! Il leur faudra surtout travailler dur sur la relation unique qui les lie à leur audience pour
répondre à cette « délinéarisation » de leurs contenus.
Les chaînes misent beaucoup sur l’aspect fédérateur des grands événements, du direct, de
leurs animateurs, et sur la qualité de leurs contenus.
À coup sûr, Internet va modifier la perception que nous avons de la télévision et de la vidéo,
créant de nouvelles habitudes et des demandes inédites. La bataille entre l’engagement (« lean
forward »), propre au PC, et le divertissement (« lean back »), lié à la télévision, n’est pas terminée
! Avant que l’expérience télévisuelle ne s’écoule sans rupture d’un écran personnel à l’autre, la
bagarre entre les nouveaux entrants disruptifs et les dinosaures cathodiques expérimentés va
INTRO
DUCTION
Les médias ont toujours été sociaux, l’info l’est de plus en plus
Les nouveaux médias sociaux, plateformes de création, de collecte et de partage d’informations,
n’en sont qu’à leur début. Déjà règne la cocréation distribuée, le partage massif et jubilatoire !
Les gens disent et écrivent ce qu’ils savent et sont de plus en plus impliqués dans la création,
chaque jour plus aisée, de contenus photo et vidéo.
Le public aime ces médias de découverte de contenus inattendus, portés par le flux du temps
réel, émanant de sources et filtres auxquels il a accordé sa confiance (amis, proches, experts,
personnes admirées, etc.). Car ces réseaux sont surtout devenus d’influence, aidant à trier, à
réduire le bruit d’Internet ! La « curation » — sorte d’édition partagée — est cruciale. Les gens ne
consultent plus les nouvelles, mais leurs nouvelles, leurs informations. Là où ils veulent, quand ils
veulent et sous la forme qu’ils veulent.
Facebook, qui domine en Amérique et en Europe (20 millions d’utilisateurs en France), est l’en-
droit où nous passons le plus de temps et en sait de plus en plus sur nous. Même Google est
contraint d’imiter le fameux « like button » qui organise, depuis un an, la socialisation de ses utili-
sateurs. Twitter est devenu une agence de presse mondialisée et personnalisée en temps réel.
La grande majorité des moins de 35 ans aujourd’hui se sentent au moins aussi bien informés
par les réseaux sociaux que par les médias traditionnels. D’ailleurs, la recommandation via les
réseaux sociaux — le bon vieux bouche-à-oreille version geek — est devenue une source de
Une nouvelle représentation du monde par l’exploitation visuelle des données se développe.
Dans la course à l’attention, la visualisation de l’information aide à la compréhension de situa-
tions complexes. L’un des grands défis des rédactions, qui doivent aussi parler de plus en plus
à l’intelligence visuelle du public, est aujourd’hui d’apprendre à travailler étroitement avec les de-
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signers, graphistes, statisticiens, développeurs pour enrichir l’information. Là aussi les barrières
traditionnelles sautent, notamment dans l’illustration, favorisant un travail collectif. Cet habillage
de l’information favorise l’immersion dans les sujets traités.
C’est aussi l’une des caractéristiques des « serious games ». En plein boom, le jeu en ligne et
collaboratif, le plus souvent sérieux, bientôt en 3D, devient un élément central de l’engagement
et de la fidélité des audiences. Les designers de jeux vidéo sont devenus les nouveaux experts
de l’immersion et de la fidélité de l’audience. Le couple Zynga/Facebook attire plus de 200 mil-
lions de joueurs chaque mois. Nombreux sont ceux qui se demandent comment profiter de ces
nouvelles expertises dans l’éducation, la vie civique, la santé, mais aussi la fiction et l’information.
Des points d’entrée multiples et des formes d’interaction et de navigation inédites sont proposés
dans de nouvelles formes narratives. L’audience s’est familiarisée, ces dernières années, avec
d’autres formes de contenus que l’article ou le JT ! Personne n’a encore trouvé le bon modèle de
narration entre le Web et la télévision. Mais nous ne sommes qu’au début de cette histoire. Il faut
favoriser la démarche de création pour faite naître des savoir-faire, puis une industrie.
Internet est bien aujourd’hui l’un des endroits les plus créatifs du monde.
Eric Scherer
Directeur de la prospective, stratégie numérique
et relations internationales nouveaux médias
Blog : meta-media.fr
USAGES :
URL=IRL ! *
* In Real Life
L’Internet intégré à notre existence
Le smartphone au centre
de notre vie numérique
What's next ?
}
USAGES :
URL=IRL !
L’INTERNET INTÉGRÉ À NOTRE EXISTENCE
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Plus de 80 % des Américains utilisent aujourd’hui Internet !
La moyenne du temps passé par semaine sur le Web est aux Etats-Unis de 19
O
n l’a dit, les gens vivent de plus en plus sur In- Web et l'outil principal de communication avant même
ternet, au point que se confondent nos vies « l'email. De plus en plus aussi, Facebook sert d’iden-
offline » et « online ». Et, sur Internet, ils vivent tité numérique aux internautes, tandis que certains bu-
d’abord sur les réseaux sociaux, pour communiquer, siness ne donnent même plus les URL de leur site mais
échanger et partager. proposent de les retrouver sur Facebook.
En terme de dissémination et d’accès aux contenus, la
La soif et l’appétit d’information, de savoir et de connais- recommandation prend donc le pas sur le « search » !
sance ne font que croître. Une étude récente montre À tel point que les réseaux sociaux deviennent l’origine
que nous consommons chaque jour l’équivalent de 174 croissante du trafic vers les sites d’information. En
journaux en données diverses et variées, soit cinq fois d’autres termes, les gens s’informent de plus en plus via
plus qu’en 1986. la recommandation sociale. Et la France compte, elle,
Pour trier cette surabondance, les médias ne suffisent plus de 20 millions d’utilisateurs de Facebook !
Selon Cnet :
} Les smartphones La voiture va aussi rapidement devenir un environne-
} Les tablettes ment wifi. Un grand constructeur français devrait propo-
} La TV connectée ser ce service avant la fin de l’année 2011.
La chaîne américaine MTV relève trois tendances au- C’est l’impression que l’on peut avoir de la manière dont
jourd’hui chez les téléspectateurs : évoluent les nouveaux usages : de plus en plus, l’impor-
} Le multitasking (cinq occupations simultanées pour tant n’est pas de posséder les contenus, d’en disposer
les jeunes) physiquement, mais d’y avoir accès dans de bonnes
} Le multicasting (consommation sur différents ré- conditions (any time, any where, any how). « Les inter-
seaux : sociaux, visuels…) nautes téléchargent de moins en moins, et consomment
} Le multi-plateforme (différents appareils d’accès) de plus en plus en streaming. L’important, c’est l’accès à
tout instant », à la maison, au bureau, en déplacement.
Vers une vie multi-écrans : Franck Herrmann, responsable produit chez Sony
Ericsson, janv.
Nombre d’appareils dans la maison : à part le smart-
phone, pas d’appareil couteau-suisse qui ferait tout au- Un peu comme quand nous pouvons désormais obte-
jourd’hui. Les gens vont acheter plusieurs appareils. nir du liquide dans les tous les distributeurs de billets du
Un tiers des foyers américains possède au moins quatre monde entier.
téléviseurs. (Nielsen)
C’est vrai pour les contenus audio, comme le dit Fred
Aux États-Unis, 45 % des Américains accèdent au Wilson, le capital risqueur en high tech et Internet le plus
même contenu via trois appareils différents. connu de la côte Est :
« Bientôt, vous pourrez reprendre la consommation d’un « C'est l'avenir. Nous n’achèterons pas des fichiers, nous
contenu sur un appareil là où vous l’aurez stoppé sur un ne déplacerons pas des fichiers et nous n’écouterons
autre ». pas de fichiers. Nous disposerons d’un streaming audio
John Donovan, CTO AT&T, févr. en provenance du cloud vers nos appareils connectés à
la maison et au bureau, sur nos mobiles, à la salle de gym,
La télévision devient « écran agnostique ». en vélo, en voiture, etc. Et je pense que le streaming audio
VP Comcast Interactive, janv. en mobilité va être énorme. »
USAGES :
URL=IRL !
C’est vrai pour les contenus vidéo : regarder un film donc pas un hasard si Amazon vient de racheter le lea-
sur sa tablette dans le train, poursuivre pendant la der européen du streaming video sur TV et ordinateur,
pause-déjeuner au bureau sur son ordinateur, et finir de Lovefilm, pour plus de 200 millions de dollars. La BBC a
le visionner le soir à la maison. C’est aussi le sens des ainsi enregistré, pour le seul mois de décembre, un re-
campagnes menées par les grands de la télévision aux cord de plus de 150 millions de téléchargements de
États-Unis comme Time Warner, des câblo-opérateurs vidéos !
comme Comcast et des telcos comme Verizon avec leur
slogan commun : « Television everywhere », soit la télé- Vers des médias gazeux ?
vision multi-écrans. C’est aussi le rêve d’Hollywood de
reprendre le contrôle d’Internet à son profit. Après l’état liquide, l’étape suivante, c’est l’état gazeux !
Des offres de plus en plus insaisissables, trouvant sou-
« Une TV peut être un téléphone, un téléphone peut être vent leurs origines dans les nuages, avec l’essor extra-
un magnétoscope, un PC peut être une TV : c’est la fin ordinaire attendu du « cloud computing ». Et, bien sûr, de
des frontières entre mes appareils. Le cloud va fournir plus en plus, des services, des expériences, des statuts,
des services contextualisés à tous ces appareils. » et non plus seulement des contenus. Et, en complément,
John Donovan, CTO d’AT&T, févr. l’instauration d’une relation différente avec l’audience.
On voit bien, par exemple, comment l’industrie de la mu-
L’AirPlay d’Apple permet déjà de transférer instantané- sique s’y est résolue depuis peu en valorisant bien da-
ment et sans fil vers le téléviseur des contenus iPhones vantage les concerts et les spectacles par rapport aux
et iPad. parfois lourds. CD.
22
Tous les grands fabricants de hardware et software du Quelle monétisation ?
secteur disent travailler activement à la synchronisa-
tion, prochaine et sans effort, des contenus sur nos dif- Pour la musique, PaidContent vient d’en faire un relevé
férents écrans : smartphones, tablettes, ordinateurs et quasi exhaustif, avec, en tête, le formidable Spotify.
téléviseurs. Pour la vidéo, chaque producteur de contenu cherche
C’est bien sûr le consommateur qui l’exige, lui qui tient encore tous les moyens de protéger ses contenus. Les
de plus en plus les contenus pour garantis, quelle que chaînes de télévision ne sont pas prêtes à voir s’afficher
soit la plateforme. C’est ce qui explique notamment le des contenus tiers sur l’écran du salon (problèmes de
partage des revenus publicitaires, de contrôle édito-
rial…). Mais chacun sent bien aussi que le public veut du
choix, de la qualité, et un accès simple. Chacun voit bien
que la consommation à la demande est en train d’explo-
ser.
A
ujourd’hui, il y a déjà plus d’objets connectés à l’In- donner des vitesses, des températures, lutter contre la
ternet que d’ordinateurs, selon la firme NetGear. somnolence au volant…
Des dizaines de milliards d’objets vont bientôt Seront aussi concernés par l’essor rapide des cap-
être reliés à l’Internet. Eric Schmidt, de Google, parle teurs, et donc de la connectivité : le transport automo-
d’« humanité augmentée ». bile, la santé (auto-surveillance), les jeux…
C’est avant tout quand nous ne nous en rendons plus Nous allons nous enregistrer (check in) de manière vo-
compte que nos outils web dialoguent entre eux, par des lontaire et/ou être enregistrés souvent involontairement.
capteurs, le GPS, etc., à notre service. Plus les appareils en sauront sur nous, plus ils seront en
mesure de répondre à nos envies. Ils offriront alors des
« Nos appareils photo, caméras, deviennent des yeux et contenus contextualisés en fonction de nos habitudes,
des oreilles pour nos applications » du jour, de l’heure, du lieu, de notre humeur et de nos
Tim O’Reilly, mars amis. Avec le danger de voir la vie des gens tracée par-
tout dans des machines communicantes.|
Le problème, c’est quand on ne sait pas bien avec qui
sont partagées ces données.
Ces capteurs peuvent être déjà aujourd’hui un micro,
une caméra, un gyroscope, une boussole, un baromètre,
etc., et être utilisés pour se situer, stabiliser des images,
mesurer la pression des pneus, déployer des airbags,
USAGES :
URL=IRL !
LA MAISON CONNECTÉE
EXISTE DÉJÀ
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Par Olivier Jouinot & Edmond Debar, presque tous les équipements de la maison pour offrir
Innovations & Développements, France Télévisions de nouveaux services.
V
érifier que les portes de la maison sont bien fer- Un réseau s’est développé
mées en étant dans le train ou répondre à un li-
vreur depuis son lieu de travail, c’est la promesse L’adhésion du public au téléphone portable, à Internet
de la maison connectée. De la cuisine à la salle de bains, puis aux réseaux sociaux, a accompagné le développe-
elle offre à des objets du quotidien de nouvelles possibi- ment des réseaux. Ils sont de type câble, fibre optique,
lités. Les téléphones portables, par exemple, deviennent sans fil, etc. Ce maillage permet aujourd’hui de couvrir
alors de véritables télécommandes qui agissent sur nos la quasi-totalité du territoire et de supporter un nombre
équipements intérieurs. d’utilisateurs toujours croissant ayant des besoins de
plus en plus étendus.
Les foyers d’aujourd’hui sont dotés d’équipements
connectés. Entendons par là connectés à Internet. L’or- De la même manière, l’intérieur de nos maisons dispose
dinateur en tête, bien sûr, mais progressivement se sont d’un réseau qui repose sur des technologies aisées à
ajoutées les box qui permettent de disposer d’une ligne mettre en œuvre comme le wifi ou le CPL (courant por-
de téléphone sur IP, d’un bouquet de chaînes de télévi- teur en ligne), en complément des solutions filaires clas-
sion ou encore d’accéder à des programmes en VoD. siques.
Viennent ensuite les imprimantes qui aujourd’hui dis-
posent, comme au travail, d’une connexion réseau — Le wifi, aujourd’hui intégré à toutes les box ADSL, offre
qu’elle soit ethernet ou wifi — puis, plus récemment, les des débits théoriques importants (300 Mbps), mais il
téléviseurs et certains lecteurs DVD ou Blu-ray. est sensible aux perturbations électromagnétiques,
pose des problèmes de sécurité, consomme beaucoup
Demain, les objets connectés ne seront pas limités à ce d’énergie, et ses performances chutent à mesure que
matériel informatique et audiovisuel, mais associeront les équipements se multiplient.
L
e smartphone devient l’interface principale, le l’an dernier. Ils devraient représenter 40 % des ventes
centre nerveux de notre vie numérique (pour cette année (TNS Sofres). Leurs prix devraient aussi
l’information, la musique, la photo, la vidéo, les baisser fortement.
échanges, la communication). Il change notre façon de Les smartphones, qui jouent déjà un rôle éminent dans
vivre au quotidien, de nous informer, de nous divertir et la consommation de musique mais aussi dans la pro-
de travailler dans un cadre « partout et tout le temps ». duction de photos et de vidéos, vont aussi avoir un rôle
croissant comme mode de paiement, notamment sans
Les smartphones et les tablettes, presque aussi rapides et contact.
puissants que des ordinateurs de la maison, sont désormais La moitié des ventes de Vodafone en Europe sont des
le maillon central de la chaîne d’appareils (ordis, tablettes, té- smartphones. Au Japon, c’est 85 % des lycéens qui
léviseurs) qui laissent s’écouler à peu près sans friction les s’équipent ainsi. D’ici à 2015, 7 à 8 milliards de comptes
contenus d’un média à l’autre. mobiles seront connectés, contre 600 millions au-
Cette tendance s’accélère vite, plus vite encore que les ex- jourd’hui, selon Ericsson.
perts ne l’avaient prévu, au point d’être l’événement technolo-
gique majeur de ces derniers mois dans les pays riches.
Les données sont le nouveau pétrole. C’est d’ailleurs sur Le temps passé sur mobiles augmente
l’explosion des transmissions de données que les telcos en-
visagent de gagner leur argent à l’avenir. Aux États-Unis, le temps passé sur les mobiles repré-
« Nous sommes au tout début d’un nouveau changement sente désormais 7,5 % du temps consacré aux médias,
de consommation, avec les smartphones et les tablettes au contre 6 % en 2008, pour atteindre 50 minutes par
centre, interfaces principales et centre nerveux de nos vies jour, soit le temps dédié aux journaux et aux magazines
technologiques. » combinés. Ce temps, qui progresse le plus vite de tous
Cnet, janv. les supports (+ 22 % en 2010), va encore s’ac- sss
USAGES :
URL=IRL !
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Les consommations de contenus changent : 66 % du La neutralité du Net en danger : les opérateurs se plai-
trafic de l’Internet mobile devrait être le fait de la vidéo gnent aussi de payer pour des infrastructures très oné-
d’ici à 2015, selon Cisco. Le Japon est le premier de reuses et utilisées gratuitement par d’autres, comme
la classe pour la bande passante mobile, suivi par les YouTube.
États-Unis et l’Europe, selon NTT Docomo.
Réponse d’Eric Schmidt, de Google : les pouvoirs pu-
YouTube est devenu le 2e moteur de recherche mondial blics devraient mieux redistribuer les ressources dispo-
derrière Google. nibles en bande passante, les utilisateurs doivent être
encouragés le plus possible à switcher en wifi, et nous
Technologies : tout repose sur partageons déjà des revenus sur le search mobile.
l’association mobilité, réseau à haut dé-
Le Congrès des mobiles à Barcelone a été aussi domi-
bit et « cloud » né par le renoncement de Nokia sur les logiciels, via son
accord avec Microsoft. Un Congrès comme toujours
La 4G et la norme LTE commencent à se déployer, per- boudé par l’éléphant dans le magasin de porcelaine…
mettant des connexions plus rapides. Mais l’Europe est Apple !
ici en retard face au Japon et aux États-Unis.
Appareils intuitifs et devins Le patron de la technique d’AT&T ne croit pas dans l’ave-
nir des applications, univers très fermé, mais dans l’es-
Pour Rich Green, CTO de Nokia, les prochains mobiles sor du « cloud », catalyseur des prochaines évolutions.
passeront du search à l’anticipation : « Le téléphone sera « Avec les nuages, vous pourrez passer d’un appareil à
un compagnon bien plus proche de nous qu’avant. Il sera un autre sans frictions (…) et vous pourrez emporter vos
presque magique. Il saura ce que vous voulez faire, qui contenus, bibliothèque, discothèque, filmothèque, etc.,
vous voulez appeler. » avec vous, chez vos amis, sur votre mobile. »
« Ses moteurs de recherche autonomes sauront ce que La puissance croissante de connexion (8 à 10 méga-
vous voulez, avant même de les avoir consultés ! », a ren- bytes attendus par seconde, contre 1 méga aujourd’hui)
chéri le PDG de Google, Eric Schmidt. permettra aussi une nouvelle génération d’applications
inédites. Ainsi, malgré les problèmes de bande pas-
Appareils sociaux sante très gourmande pour la vidéo et les graphiques,
Jan Uddenflet, CTO de Sony Ericsson, estime que « les
« Le prochain téléphone deviendra une plateforme de sé- téléphones portables tireront toute la révolution des ap-
31
rendipité vous permettant aussi de rencontrer des gens pareils connectés ».
nouveaux », ajoute Schmidt.
Attention, toutefois, avertissent les professionnels, au
Dans un monde contextualisé et personnalisé problème croissant des données personnelles et de la
protection de la vie privée, notamment dans le secteur
« En 2020, chaque appareil sera conscient de votre si- sensible de la santé.
tuation géographique, du moment de votre journée, de
votre type de productivité et de votre humeur. (…) Les À voir absolument : ce superbe exemple de proto-
applications, devenues nos compagnons naturels, vous type de téléphone en trois écrans pliables, réalisé
seront proposées en fonction de votre situation : elles se- par un élève de l’école danoise dskd.
ront différentes selon que vous êtes à un arrêt de bus ou Kristan Larsen, 25 ans, sans budget et à l’aide de son
à la maison », prédit John Donovan, CTO d’AT&T. laptop, en avait assez de voir toujours les mêmes appa-
Demain, nos mobiles « seront sensibles à votre envi- reils. Il a conçu ceci :
ronnement et toujours connectés », assure Paul Otellini,
CEO d’Intel.
« Ces appareils en sauront vraiment beaucoup sur votre
vie personnelle et seront aussi puissants que tous les
autres appareils que vous possédez », estime Jan Ud-
denfelt, CTO de Sony Ericsson.
Chimie et biologie dans les portables - Trouver un taxi, obtenir des infos touristiques sur un lieu,
- Localiser autour de soi des utilisateurs de Twitter, de
Chez Nokia, on travaille activement sur des capteurs messagerie instantanée,
sous nanotechnologie, là où des opérations chimiques - Obtenir les instructions d’un appareil, d’une machine,
et biologiques se passeront à l’intérieur de nos télé- d’une voiture,
32 phones. - Des applis Android (Lonely Planet),
« L’avenir, ce ne sont pas des appareils qui vont plus vite - Remplir ses notes de frais,
mais qui font des choses différentes. » - Des jeux,
- Obtenir des réponses à un quizz TV…
La réalité augmentée en rajoute une couche Les pare-brise des voitures vont en être équipés rapide-
ment. Chacun s’attend que des lunettes le soient aussi…
La réalité augmentée, cette couche de données pla- un jour.
quée sur le monde réel, est en train de démarrer pro- Mais les modèles d’affaires restent incertains (applis
gressivement sur les smartphones, en répondant à de payantes, un peu de pub). L’un des risques est de voir
vrais besoins. les opérateurs téléphoniques qui ont ces informations
Jusqu’ici, nous trouvions essentiellement des infos pra- précises de localisation les céder à des tiers, à notre insu.
La Consumer Electronics Association prévoit 30 mil- D’autres modèles : « LePad » de Lenovo au tout début du
lions de tablettes vendues en 2011 et 19 millions de salon, la jolie tabletteGalapagos de Sharp.
lecteurs e-book. RIM (Blackberry) a lancé la Playbook, et Panasonic, la
En France, l’institut GfK table sur un million de ta- Viera. A noter également : un beau succès de fréquen-
blettes vendues cette année. tation pour la petite tablette Galaxy (7 pouces) sss
USAGES :
URL=IRL !
« Les applications ne sont pas en concurrence avec Inter- Cette « applification du Web », qui concerne en premier
net. Ce ne sont que des étagères de l’Internet » lieu les jeux et les loisirs, est en train d’arriver aussi sur les
sir Martin Sorell, CEP WPP, févr. futures télévisions connectées.|
Communication 40%
Face au succès des applications, huit grands opérateurs
Weather 31%
et une soixantaine de partenaires ont ouvert en février au Navigation on maps 31%
public leur plateforme commune d’applications (WAC), Musics 31%
lancée l’an dernier, pour lutter contre la fragmentation des News 28%
Games 25%
formats et éviter qu’un ou deux géants (Apple et Google)
Social Networking 22%
ne contrôlent le marché. Entertainment / food 18%
Mais les magasins d’applications, étagères du Web, res- Video / Movies 16%
tent pour l’instant en silos séparés et posent des pro- Sports 15%
blèmes de bande passante aux opérateurs. Banking / Finance 14%
Shopping / Retail 14% 35
Près de 10 milliards d’applications ont été téléchargées
Health / Fitness 9%
en trois ans (environ un tiers payantes), 60 en moyenne ebook reader
par utilisateur, le marché est estimé à 17 milliards de dol- other 2%
Packaged Software
1980s
Software downloads
1990s
Cloud computing
2000s
2010s
Devices
USAGES :
URL=IRL !
LA VIDÉO AU CŒUR
DES NOUVELLES EXPÉRIENCES
firme son PDG Paul Ottelini.
Ces nouvelles puces doivent aussi favoriser l’essor at-
tendu du temps réel sur les réseaux sociaux et des jeux
vidéo.
« Nous ne sommes qu’au début de la mutation du texte « Jamais le public n’a autant consommé d’informations
vers l’image. » vidéo. Cette audience est en train d’exploser en ligne,
Ivan Seidenberg, CEO Verizon, janv conduisant à un appétit sans fin pour le journalisme vi-
déo (…) le problème est de produire moins cher et de
« La vidéo représente déjà la moitié du trafic sur le Web, meilleure qualité. »
et en représentera 90 % très prochainement.» Paul Slavin, directeur du numérique sur ABC News,
John Chambers, CEO Cisco, janv. Beet.TV, avril
36
T
out va aussi s’organiser dans la maison pour « C’est un changement de paradigme. Nous vivons les
stocker, traiter et partager — souvent en wifi — années d’or de la télévision », assurait en janvier Jeff
l’accroissement des fichiers vidéo, profession- Bewkes, PDG de Time Warner, très optimiste sur le po-
nels et personnels, lourds (HD, 3D, caméras légères, tentiel de la TV sur smartphones et tablettes. « Tout est à
iPhones…), mais aussi dans les espaces publics. la hausse : l’audience, la consommation à la demande sur
Les derniers chiffres de YouTube sont impression- tous les supports, la pub, le nombre de chaînes, la qualité,
nants : l’originalité et la diversité des programmes, les talents de-
vant et derrière les caméras… ».
} En 2010, plus de 13 millions d’heures de vidéo ont été
ajoutées sur YouTube. 35 heures de vidéo y sont mises « Cette année marque le début de beaucoup de transfor-
en ligne chaque minute. mations dans le secteur. »
} Chaque semaine, les vidéos YouTube équivalent à Darcy Antonellis, Warner Brother, pdte technical opera-
plus de 150 000 films en version intégrale. tions, janv.
} Le nombre de vidéos mises en ligne sur le site en 60
jours est supérieur au nombre de vidéos créées par les « Le grand changement, c’est l’explosion des choix et le
trois principaux réseaux américains en 60 ans. fait que les gens regardent ce qu’ils aiment. »
} En 2010, le site a dépassé la barre des 700 milliards Jeff Bewkes, Time Warner
de vidéos visionnées.
Time Warner a lancé il y a 18 mois l’opération « Televi-
Intel, qui rappelle que ce sont désormais les consom- sion Everywhere » (réseaux, câbles, web, mobiles…)
mateurs qui tirent le secteur (66 % du CA), mise ainsi sur pour créer un contexte uniforme pour le consommateur
la montée en puissance de la vidéo et du visuel. Le afin qu’il ne paie pas plus que son abonnement au câble
fabricant de micro-processeurs a lancé, à Las Vegas, et puisse retrouver ses programmes, quel que soit le
Sandy Bridge, sa seconde génération de puces Intel support. Comcast, le plus gros câblo- opérateur US, qui
Core, permettant d’associer des fonctions graphiques a fait une offre de rachat de NBC, a lancé la même cam-
et médias aux fonctions classiques CPU. pagne « v », pour justifier les 60 $ (souvent 100 $) payés
chaque mois par ses dizaines de millions de clients.
« Aujourd’hui, les gens communiquent avec des photos ESPN réussit, par exemple, très bien, le déploiement de ses
et des vidéos. Avant, c’était seulement avec du texte », af- contenus sur tous les écrans. |
} Mobiles : le déploiement de la 4G (LTE), qui démarre aux Etats-Unis (Verizon) au 1er trimestre
2011 et est attendue en 2012 en France, permettra les jeux en temps réels, la vidéo HD et 3D, la
surveillance médicale.
} Web : l’essor de la « big broad band » va faciliter le développement des grands écrans, de la
vidéo HD, 3D, des jeux puissants, des vidéo-conférences via TV, des voyages virtuels, à la maison,
au bureau et à l’école.
38 Les applications, devenues des compagnons naturels, vous seront proposées en fonction de
votre situation : elles seront différentes selon que vous êtes à un arrêt de bus ou à la maison.
« Jamais les gens n’ont autant regardé la télévision. Ce qui change, c’est la manière de consommer
des vidéos. »
« Que veulent les gens ? la 3D, des hologrammes, des médias disponibles partout, des interfaces
humaines, des machines qui se parlent, des maisons intelligentes, des villes intelligentes, une société
intelligente. »
« Pour les jeunes, la technologie est devenue un disque dur supplémentaire en plus de leur cerveau,
une seconde peau. »
« Ils ne veulent pas nous entendre leur dire : No, you can’t ! »
CEO Verizon — janv.
« Ils veulent une connexion web facile, une navigation facile et beaucoup de contenus. »
CEO LG – janv.
Il faudra faire plus simple et plus rapide : il ne suffit plus de proposer de beaux produits, le consom-
mateur veut qu’on fasse le travail pour lui et qu’on lui simplifie la vie.
Xerox — janv.
WHAT'S NEXT ?
s3MART46il faut s’attendre dans les mois qui viennent à de gros efforts portés sur la simplification des interfaces
pour faciliter l’arrivée de la TV connectée dans le grand public.
s)NTERNETDESOBJETS les appareils, dotés de capteurs, seront connectés et sauront où vous êtes. La maison sera
devenue intelligente, le réseau aura un IQ élevé !
s/RDINATEURS Intel estime que le clavier et la souris vont rapidement disparaître. Nous interagirons d’ici deux ou
trois ans directement avec l’ordinateur : tactile, voix, geste à distance…
sDemain verra aussi l’arrivée du très très haut débit, notamment en mobilité (LLTE, 4G+) et la généralisation
de l’utilisation du cloud pour stocker et accéder aux contenus.
« La technologie va devenir comme le sucre ou la graisse : tout le monde sait qu’il faut éviter, mais on ne sait plus
s’en passer. »
Hampus Jacobsson, fondateur TAT, févr.
RÉVOLUTIONS, :
RUPTURES, DISLO
La 3D, l’image en relief
(Olivier Jouinot, Charles De Cayeux,
Matthieu Parmentier) et glossaire 3D
Médias d’informations :
leur avenir ne leur appartient plus
OCATIONS
}
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
42
D
écembre 2009, le public découvre Avatar au ci- La 3D offre un argument marketing aux industriels pour
néma en 3D stéréoscopique. Cet événement ci- mettre sur le marché des produits innovants comme les
nématographique constitue le point d’entrée de téléviseurs, les consoles de jeux, les téléphones, les
la vague 3D qui investit aujourd’hui différents domaines vidéoprojecteurs, etc., à moindres frais. La technologie
technologiques. Jeux vidéo, smartphones, téléviseurs… choisie n’engendre pas un surcoût de fabrication trop élevé.
les images en relief deviennent familières pour le grand
public. Les producteurs, et notamment les grandes majors
américaines, ont vu dans ce dispositif un excellent
Pourquoi la 3D aujourd’hui ? moyen de combattre la hausse du piratage.
Ce dispositif n’a rien de nouveau, puisque la première Le spectateur, lui, profitera d’une meilleure immersion.
image 3D est née en 1850. Dans les années 1980, on se Depuis les années 1990 et l'invention du home-cinéma, la
souvient d’une tentative consistant à percevoir le relief hausse continue des tailles des écrans et de leur définition
au moyen de lunettes rouge et bleu. Cette technologie participe à cette quête de l'immersion. Le son multicanal
dite « anaglyphe » n’avait pas reçu le suffrage du public 5.1 offrait déjà un « enveloppement » de l'auditeur en per-
tant les couleurs étaient dégradées. mettant au réalisateur de spatialiser des informations de
gauche à droite et d'avant en arrière. L'arrivée de contenus
Trente ans après, la technologie propose une 3D de visuels en 3D réalise pleinement l'adéquation de l'image
qualité et les équipements domestiques (ordinateurs et du son 5.1 autour des sensations de profondeur et de
personnels, consoles de jeux, mobiles), associés à jaillissement. Plusieurs cinéastes profitent même de cette
l’essor d’Internet, sont autant de vecteurs de dévelop- vague marketing pour imposer la 3e dimension sonore :
pement. la verticalité. De nombreux principes de restitution sonore
3D s'opposent encore, mais déjà l'ajout de haut-parleurs
La 3D répond à un besoin pour chacun supplémentaires au-dessus de l'écran facilite indéniable-
ment ces sensations d'immersion.
des acteurs de la chaîne audiovisuelle
La contrainte de la télédiffusion
Et France Télévisions ?
Anaglyphe
Système de restitution parmi les premiers à naître, en 1853. Il est fondé sur le principe de
deux couleurs. Les deux images œil gauche/œil droit sont « teintées » à l'aide de deux cou-
leurs complémentaires. Le plus souvent, la vue gauche est teintée en rouge et la vue droite
en cyan. La restitution du relief est obtenue en plaçant des filtres de couleurs identiques et
inversées sur une paire de lunettes.
L’inconvénient de ce système est qu’il détériore considérablement les couleurs du résultat
3D. Ceci a eu pour effet de stopper son évolution dans les années 1980.
Auto-stéréoscopie
Visualisation 3D relief sans lunettes, nécessitant au minimum deux points de vue. Les prin-
cipes les plus performants utilisent entre cinq et douze sources.
Distance interoculaire
La quasi-totalité des productions 3D sont faites en partant du principe qu’un individu moyen
a une distance interoculaire de 6,5 cm.
Doliprane
Comprimé aidant à supporter la mauvaise 3D ! Si les micro-différences de couleurs, de
45
définition ou de perspective entre les vues gauche et droite ne sont pas éliminées dès la
production, elles sont corrigées inconsciemment par le cerveau et engendrent une fatigue
insoupçonnable.
Effet de fenêtre
Effet relief où les objets de la scène sont perçus en profondeur, derrière l’écran. Les bords de
l’écran forment une fenêtre ouverte vers l’infini. Cela correspond à une parallaxe positive.
Effet de jaillissement
Effet relief où les objets sont perçus devant l’écran, comme s’ils jaillissaient vers le specta-
teur. Cela correspond à une parallaxe négative.
Entraxe
Distance entre les axes optiques des caméras.
Plan de convergence
Plan de l’espace à l’intersection des axes optiques des yeux ou des caméras convergeant
vers celui-ci. Les objets situés dans ce plan se trouvent pour le spectateur dans le plan de
l’écran.
Points homologues
Points correspondants d’un même objet vus par l’œil gauche et par l’œil droit. Les écarts de
distance entre ces deux points (appelés « parallaxe ») définissent la position de l’objet dans
le plan 3D.
Polarisé
Les deux sources sont associées à une polarisation. L’avantage pour l’utilisateur est la légè-
reté et le faible coût des lunettes. L’inconvénient concerne l’écran qui doit être équipé d’un
filtre polarisant très coûteux.
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
Rig
Système de fixation pouvant héberger deux caméras pour une captation stéréoscopique. Se-
lon l’encombrement des caméras et le type de prise de vues, deux familles de rig existent :
Mirror rig et Side-by-side.
Shutter actif
Ou système à images séquentielles, car une image sur deux arrive alternativement à l'un des
deux yeux grâce à des lunettes équipées d’obturateurs. L’avantage pour les salles de cinéma
est qu’elles n’ont pas à changer leur écran. En revanche, le système de diffusion et les lunettes
actives en elles-mêmes sont assez coûteux. Un autre problème important est la présence de
piles dans les lunettes à changer ou à recharger régulièrement.
Stéréographe
Personne déterminant avec le réalisateur le « plan relief » et l’amplitude de la profondeur qui
convient à chaque séquence et pour l’ensemble d’une production. Ce travail s’effectue en
amont, puis pendant la captation, et peut être poursuivi en post-production selon les cas. Le
stéréographe détermine également avec le directeur photo le matériel le plus approprié au
tournage.
Stéréoscopie
46 Principes permettant la création puis la restitution d’un couple d’images gauche et droite, don-
nant la perception du relief.
Technicien stéréographe
Cette personne est en charge de l’ajustement physique du ou des systèmes relief utilisés à la
prise de vues. Il prend alors l’initiative des réglages du rig et de la caméra, de la vergence, de
l’entraxe et de tous les problèmes de disparités involontaires.
Tous les constructeurs japonais et coréens continuent de miser gros sur la 3D, loin d’être
entrée dans les usages américains et européens. Mais il est difficile, après un rapide test sur
leurs stands lors du CES 2011, de leur donner tort, tant la qualité est impressionnante, avec ou
sans lunettes. « 3D is here to stay », commentait un visiteur convaincu.
Samsung dit contrôler 70 % du marché de la 3D et assure que plus d’un million de postes sont
en fonction aux États-Unis et compte en vendre 6 millions dans le monde cette année. La majo-
rité des ventes des grands téléviseurs (plus de 55 pouces) est en 3D.
Sony : 80 % des grands téléviseurs (40 pouces et +) seront 3D natifs. La 3D est l’axe straté-
gique dominant. L’ensemble de la chaîne de production est concerné : téléviseurs, prise de
vues, caméscopes, jeux, vidéoprojecteurs, etc.
Panasonic, qui a ouvert un centre d’innovation à Hollywood, pense qu’un tiers de ses ventes
sera en 3D en 2014.
Lunettes 3D : il n’y pas encore d’harmonisation des formats. Chaque constructeur a les
siennes. Certaines sont gratuites (LG), d’autres sont élaborées (Samsung). Mais tous travaillent
activement à la 3D sans lunettes. |
47
L
a TV connectée, la smart TV, la TV dans laquelle en plus l’Internet. Après dix années de tentative de vaine
on navigue via un moteur de recherche ou un conquête de la télévision, le Web y arrive enfin cette an-
magasin d’applications. née. La télévision connectée, c’est donc « le mariage du
siècle », titrait en février Le Nouvel Economiste.
Aujourd’hui, les Américains passent pratiquement autant
de temps à regarder la télévision qu’à surfer sur Internet. Un mariage qui sera donc consommé en 2011 ! Nos té-
La moitié d’entre eux fait même les deux à la fois. Et, sou- léviseurs seront bientôt tous en ligne. Nous aurons alors
vent, en liaison avec les programmes présentés, via les un rapport différent avec les contenus proposés, qui
réseaux sociaux. incluront un choix accru de vidéos et de nouveaux ser-
vices interactifs.
Le public aime toujours la télévision et apprécie de plus La télévision connectée, c’est, en effet et avant sss
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
48
« Smart TV »
Après les smartphones, le monde de la TV s’approprie désormais le mot « smart » ; ici, LG ou Samsung :
1 « Déjà vu all over again » ! Les principaux défis pour le monde de la télévision vont
beaucoup ressembler à ceux rencontrés avant lui par la musique et la presse :
s3ER·INVENTERPOURCONTINUERDEXISTERßDANSUNNOUVEAUMONDETR¸SDIFF·RENT DOMIN·PAR
l’hyper-choix et la surabondance de contenus qui s’apprêtent à déferler sur un public avide
de nouveaux modes d’accès à l’information, à la culture et au divertissement, mais aussi
désireux de meilleures expériences enrichies.
sTrouver vite de nouveaux modèles d’affaires pour financer la création de ces contenus,
alors que le nouveau public jeune est moins enclin à payer et que la publicité va s’éparpiller
sur les milliers de nouvelles formes de sollicitations.
sFaire face aux nouveaux entrants disruptifs du web beaucoup plus agiles et innovants,
mais aussi – et c’est plus nouveau– partager avec de nouveaux concurrents hyper pointus
en nouvelles technologies, souvent très gros, et qui veulent s’intercaler entre lui et son au-
dience (Telcos, FAI, fabricants de téléviseurs, géants de l’informatique ou des jeux vidéos).
2 Broadcast vs. unicast : nous ne sommes qu’au tout début de l’aventure et, mainte-
nant que les moyens de délivrer les contenus sont à peu près en place, chacun s’interroge
sur les usages qui l’emporteront : « search », découverte, recommandation ? Un savant
mélange de ces trois types de consommation aboutira à la génération suivante de smart
TV : celle qui saura ce que vous cherchez en fonction de vos goûts, de votre historique
et de vos amis. Le public veut pouvoir choisir mais déteste le faire. Il a besoin d’aide. Il veut
51
aussi de la personnalisation et du sur-mesure. Et bien sûr rester toujours connecté !
Tout le monde cherche la « killer app » de la télévision connectée. Personne ne l’a encore
trouvée, mais chacun semble d’accord pour estimer que la smart TV n’est pas restreinte au
web sur la TV, ni à un magasin d’applications.
Le succès extraordinaire de Netflix –30% de la bande passante US–, qui devrait débarquer
en Europe en fin d’année, s’explique par son rôle très efficace de moteur de recomman-
dations.
3 La « social TV » existe déjà sous de multiples formes. Elle devrait permettre aux chaînes
de TV de gagner un peu de temps. Les médias sociaux sont les nouveaux compagnons
de la télévision. De plus en plus, l’expérience télévisuelle est enrichie par l’écoute des
conversations qui se tiennent simultanément sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter).
Il suffit de voir combien sont commentés en temps réel les grandes émissions (Top Chef),
l’actu chaude (DSK) ou les grands matchs. La télévision profite également des recomman-
dations qui sont véhiculées sur ces réseaux. C’est le règne du multitasking.
4 La TV connectée ce n’est pas YouTube ! C’est une offre énorme de films de cinéma,
de séries TV, de musique, de sports, de jeux, de documentaires, de services qui va arriver
quand vous voulez, là où vous le souhaitez et sur l’appareil de votre choix. La télévision qu’on
connaît depuis des dizaines d’années va disparaître. L’expérience va être considérable-
ment enrichie.
5 Chacun cherche aussi à proposer au public une expérience multi-écrans sans fric-
tions : des contenus liquides qui s’écoulent d’un appareil à un autre, d’une pièce à l’autre de
la maison, voire des médias gazeux vaporisés depuis le « cloud ». Mais gérer toutes ces
plateformes différentes et une offre ubiquitaire reste, pour l’instant, une prouesse technique.
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
9 Les défis pour les chaînes : les droits sportifs, la publicité adaptée aux nouvelles tech-
nos, la neutralité du net. Mais aussi l’intégration de l’offre de flux linéaire à l’offre à la
demande, la gestion de l’interactivité et des jeux, les multiples formats.
Le numérique permet non seulement aux consom- Qui gagnera entre la consommation à la carte (Ama-
mateurs la multiplicité des choix, mais aussi l’accès zon, iTunes…), par abonnement (Hulu, Netflix, câble,
direct aux sources sans intermédiaire. C’est-à-dire satellite…), et un accès ouvert sur le Web ? Il y a fort
sans passer par les chaînes ni même par les nou- à parier que, comme dans l’industrie des médica-
veaux agrégateurs comme Netflix, Amazon ou Apple. ments, les systèmes propriétaires ne dureront pas.
« Les consommateurs resteront fidèles à quelques Les nouveaux acteurs connaissent déjà de belles réus-
marques, pour le reste, ils iront regarder ailleurs », ré- sites :
sume le patron du numérique de NPR, Kinsey Wilson. s .ETFLIX MILLIONS DABONN·S AUX 53! MILLION AU
Canada (notamment à l’origine de la faillite de la chaîne
Mais l’accès au Web est pour l’instant timide de location de DVD Blockbuster). Est devenu sss
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
SONY
55
95 % du parc de télévisions Sony sera connectable
cette année. Sans browser web. Sony Internet TV
Smart TV LG
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
Google TV
Le second écran
La BBC mène des expériences de contextualisation A ce stade, il faut s’attendre dans les mois qui viennent
et de socialisation de programmes TV qui passent à de gros efforts portés sur la simplification des inter-
par l’iPad, synchronisé avec le téléviseur. Il y a fort à faces, des connexions web et de la navigation pour
parier que les smartphones et les tablettes joueront faciliter l’arrivée de la TV connectée dans le grand
un rôle essentiel dans la consommation simultanée public.
et complémentaire TV/Internet. D’une part et malgré
Internet, la consommation de télévision continue de Beaucoup de questions en suspens dans la relation
croître. D’autre part, elle croît en multi-activité : les entre les chaînes et le public :
jeunes communiquent sur Facebook et surfent sur le s1UEVERRALET·L·SPECTATEURSURLEPREMIER·CRANEN
Web tout en regardant la télé. Cette part de l’audience allumant son téléviseur ? (l’interface du constructeur
simultanée s’accentue (3 Américains sur 4, et la moi- ? du FAI ? de la dernière chaîne ouverte ? d’un nouvel
tié chaque jour), notamment pour l’info et le sport. entrant, type Google ou Yahoo ?)
s1UELSACTEURSSERONTENMESUREDOFFRIRLESMEILLEURS
La personnalisation des écrans sera l’une des pro- contenus et services, en bref l’expérience la plus per-
chaines grandes étapes de la révolution numérique. tinente dans une ergonomie simplifiée pour attirer
Compte tenu de l’essor et de la fragmentation des l’audience et donc les revenus?
contenus vidéo, il va être rapidement possible de se s1UIVADOMINERLARECOMMANDATION
constituer ses propres chaînes : sports, jardinage, fi- s1UIG·RERALESSYST¸MESDEPAIEMENT
nances, cuisine…
Que se passe-t-il de nouveau ? Mais ce sont les journaux — les seuls l’an dernier à conti-
nuer à reculer — qui souffrent le plus, preuve que leurs
Simplement l’accélération de la désintermédiation. problèmes structurels sont plus graves que ceux des
autres médias. Entre 1 000 et 1 500 emplois y ont encore
« À chaque avancée technologique viennent s’intercaler été perdus en 2010; leurs rédactions sont désormais plus
un peu plus de complexité et de nouveaux acteurs entre petites de 30 % par rapport à 2000.
les producteurs traditionnels d’information, leur audience
et les annonceurs. ». Autre étape importante franchie par le numérique :
59
pour la première fois aussi, les Américains ont dit
Dans le numérique, les médias traditionnels dépendent de s’informer davantage par le Web que par les jour-
plus en plus de réseaux publicitaires indépendants pour naux. Il n’y a que la télévision pour faire mieux , mais l’écart
vendre leur pub, d’agrégateurs (comme Google) et de ré- là aussi se comble.
seaux sociaux (comme Facebook) pour accroître leur au-
dience, des constructeurs (comme Apple), des fabricants Côté revenu, un palier identique a été franchi : la publicité
de logiciels et d’OS pour réussir dans la mobilité. Évidem- sur Internet aurait ainsi dépassé pour la première fois celle
ment, ils prennent tous une part de leurs revenus et, pire, des journaux. « Mais le souci, c’est que la plus grande
contrôlent souvent les données de leurs consommateurs. partie — et de très loin — de ses revenus publicitaires en
ligne va vers des acteurs non liés à l’info, en particulier les
Or, estime Pew, « ce sont ces données qui risquent d’être agrégateurs. »
l’élément déterminant. Dans un monde où les consomma-
teurs décident quelles infos ils veulent et la manière dont Journalisme
ils veulent y avoir accès, l’avenir appartiendra à ceux qui
comprendront l’évolution des comportements du public L’année 2010 a été marquée par une autre nouveauté : les
et pourront cibler contenus et pubs adaptés à chacun. suppressions d’emplois dans les journaux ont été com-
Cette connaissance et l’expertise pour l’obtenir sont pensées par les embauches dans les nouveaux grands
l’apanage de plus en plus des sociétés technologiques acteurs nationaux de l’info. Ces derniers, qui, jusqu’ici, se
qui œuvrent en dehors du journalisme ». contentaient souvent d’agréger des infos, se sont mis à en
produire eux-mêmes. Yahoo ! a ainsi renforcé ses équipes
« Au XXe siècle, les médias étaient indispensables pour de plusieurs douzaines de journalistes généralistes, spor-
toucher le consommateur final. Au XXIe, il y a de plus en tifs et financiers. AOL faisait travailler 900 journalistes, dont
plus une nouvelle intermédiation assurée par les déve- 500 sur ses sites locaux Patch, avant d’en faire partir 200
loppeurs de logiciels, les agrégateurs de contenus et les après son rachat du Huffington Post. Bloomberg devrait
fabricants de matériel qui contrôlent l’accès au public. avoir 150 journalistes fin 2011 rien que dans son bureau de
Les médias d’information, lents à s’adapter et culturelle- Washington ; News Corp (Murdoch) aurait embauché entre
ment plus liés à la création de contenu qu’à sa fabrication, 100 et 150 personnes pour The Daily (iPad).
se retrouvent dans une position passive et non active
pour déterminer leurs modèles d’affaires. » sss
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
Diversification, sélection, curation plus flexibles, plus jeunes, plus engagées dans des pré-
Autre tendance : celle des sites communautaires qui met- sentations multimédias, des agrégations de contenus tiers
tent autant d’énergie à s’assurer de nouvelles sources de et des blogs. »
revenus et affiner leur audience qu’à créer des contenus.
Beaucoup disent aussi qu’ils trient et utilisent les contenys Avantage : les rédactions sont plus nerveuses et enclines
de leur audience. à expérimenter.
Inconvénient : des trous et des impasses dans les cou-
Rédactions vertures.
« Petit à petit, et parfois à contrecœur, nouveaux et vieux
médias commencent à se ressembler (…) car les rédac- Autre risque : la déprofessionnalisation, en raison des
tions traditionnelles ne ressemblent pas à ce qu’elles salaires tirés à la baisse, de moindre formation, des de-
étaient avant la récession. Elles sont plus modestes, leurs mandes d’aller de plus en plus vite, de faire plus avec
ambitions aussi. Selon leurs responsables, elles sont aussi moins… l
ÊUÊÊ`½kÌÀiÊ«ÕÃÊëiÃ]ÊiÃÊÕÌÃÊ`iÊiÃÕÀiÊ`iʽvÊ Ê UÊ >Ê `iÃÌiÊ Ài«ÀÃiÊ `ÕÊ ÃiVÌiÕÀÊ `iÃÊ j`>ÃÊ iÃÌÊ -
en ligne sont devenus plus confus. tamment due au plan de sauvetage de l’industrie auto-
mobile américaine.
Autres exemples :
dances technologiques appliquées aux médias. ÊUÊMiso
ÊUÊTunerfish (Comcast)
Voici le cru 2010 ÊUÊFanvibe
ÊUÊSuperglued
1 | Le scan des codes-barres par téléphone mobile ÊUÊiSwig
ÊUÊTabbedOut
Utilisé depuis une quinzaine d’années en Asie, le fait de ÊUÊPlerts
scanner, via des smartphones, des codes-barres, répar-
tis un peu partout dans la ville et les médias, se développe 3 | L’analyse prédictive des comportements
fortement aux États-Unis. Il permet de renforcer l’engage-
ment du média et de ses annonceurs avec son audience. L’analyse prédictive permet d’anticiper le comportement
Les médias devraient utiliser davantage ces comporte- des utilisateurs en ligne et dans les réseaux sociaux, pour
ments urbains en offrant des liens vers leurs médias ou déterminer ce qu’ils voudront regarder, lire, acheter, etc.
depuis leurs médias. Google utilise bien cette fonction.
Extension progressive vers la reconnaissance optique de Des informations d’analyse prédictive, produites à par-
caractères. tir de données personnelles librement communiquées
(volontairement ou non), sont utilisées par des marques
dans Facebook où il est désormais possible d’acheter
des produits. (Cf. Kembrel.)
61
ÊUÊAmazon s’est ainsi associé à Facebook pour y présen-
ter des solutions e-commerce. À utiliser en combinaison
avec Quora.
ÊUÊESPN.com les utilise aussi à son avantage pour cibler
son audience et mieux comprendre l’attitude de ses visi-
teurs internautes.
ÊUÊTwitter va lancer sous peu un outil mesurant vos centres
d’intérêt.
Scan code
4 | De l’hyperlocal à l’hyperpersonnel
2 | Les clôtures géolocalisées
Oui, les gens veulent savoir ce qui se passe autour d’eux,
Aujourd’hui, les gens qui utilisent Foursquare ou Yelp peu- mais ils souhaitent une approche plus sophistiquée que
vent tricher sur leurs vrais lieux d’enregistrement manuel. ce qui est proposé aujourd’hui. Pour l’instant, les initiatives
Les distances réelles restent floues en raison des limites hyperlocales sont limitées à un public de geeks, d’univer-
des systèmes d’exploitation. Certains téléphones offrent sités et de fondations. Le grand public n’en a cure.
des notifications push, mais d’autres n’en ont pas. Il faut Le tableau ci-après montre les limites du succès des ini-
alors vérifier les mises à jour. C’est contraignant. tiatives hyperlocales (voir page suivante).
Mais il est facile de créer des notifications envoyées auto- Il vaut donc mieux privilégier l’hyperpersonnel :
matiquement à partir de l’entrée sur un territoire, pour des ÊUÊLe contenu doit être un « contenu de niche ». Pas hyper-
applications mobiles, des réseaux sociaux et des conte- local, mais géographiquement spécifique.
nus. (Pratique pour surveiller ses enfants , recevoir des ÊUÊ« Local » signifie l’endroit où je suis maintenant. Pas for-
messages pertinents de boutiques dans une zone ou des cément là où je vis ou là où je travaille.
informations pour des lecteurs d’une région.) ÊUÊLe contenu doit être crédible et en temps réel.
ÊUÊIl ne s’agit pas seulement de cartographies et de conte-
Certaines notifications peuvent être dynamiques et réac- nus UGC.
tualisées en temps réel en fonction de votre position géo- UÊ Le contenu doit impliquer les réseaux sociaux pour
graphique. réussir.
sss
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
De nouveaux outils de recherche moissonnent les ré- L’année 2011 sera celle des tablettes ! Et pas seulement
seaux sociaux pour creuser et trouver l’information. Très pour l’iPad !
utile pour les journalistes mais, attention ! danger pour Essai comparatif Webmedia ici.
vos données personnelles. ( hyperlien)
9 | La télévision connectée
10 | Mesures personnelles
Évidemment, tous les regards sont tournés vers la
Google TV et son OS Android. De plus en plus, l’Internet des objets et les puces RFID
Mais, attention aussi aux fabricants de téléviseurs (Sam- éparpillent des tags et des étiquettes un peu partout
sung, Toshiba, Vizio, Sony), aux fabricants de boîtes- dans le monde réel. Ces données pourront être reliées
décodeurs, aux fournisseurs d’accès, aux différents à nos vies personnelles.
intermédiaires. Et bien sûr à Apple (application iPad Exemple de BodyMedia : un bracelet envoie toutes
MyGeneration). sortes d’informations pertinentes sur notre santé et se
L’informatique « dans les nuages » va stocker nos conte- synchronise avec notre ordinateur ou notre iPhone tout
nus préférés. au long de la journée.
Certaines tablettes sont capables d’« écouter » la télé et Apple a déposé beaucoup de brevets autour de ces su-
de donner du background pertinent ! jets. l
La recommandation est de ne pas fournir des contenus
aux seules fins de marketing. Pour l’instant, ces initia-
tives manquent encore de contenus…
RÉVOLUTIONS,
RUPTURES, DISLOCATIONS
ABC News : « transformation fondamentale » des opéra- Même si l’année 2010 a été terrible pour CNN (-37 %
tions de production de l’info, qui s’est traduite par une ré- pour le prime time), toutes les chaînes ont reculé en au-
duction d’un quart de la rédaction. Environ 300 départs. dience, y compris Fox News (-11 %).
Par souci d’économie et d’efficacité, la chaîne, qui ferme Trente ans après leur création, un plateau semble avoir
ses bureaux, même aux Etats-Unis, a accru le nombre été atteint.
des segments réalisés par des journalistes numériques Leurs profits ont toutefois progressé, et elles ont conti-
qui collectent, filment et montent leurs sujets. Les inter- nué à investir dans les ressources éditoriales. Elles sont
views sont davantage réalisés par Skype et faits souvent de plus en plus marquées politiquement et privilégient
depuis NYC. très souvent le commentaire.
CNN, FOX, MSNBC ont migré agressivement vers les
NBC News, qui reste en tête et tirait déjà l’essentiel de plateformes numériques. Elles sont dans le top 10 des
ses revenus du câble (MSNBC, CNBC), change de nou- sites de news. CNN, n°2, tire environ 10 % de ses reve-
veau de propriétaire pour entrer dans le giron du géant nus du Web. La vidéo en ligne est poussée en avant.
câblo-opérateur Comcast.
3 | TELEVISIONS LOCALES
CBS News reste 3e et a aussi réduit un peu la voilure
(75 postes sur 1 400). Si les audiences info des stations affiliées des grands
networks et du câble ont continué de reculer, l’audience
Les trois grands JT américains du soir ont encore per- générale de l’info des TV locales est restée stable, en
du 752 000 téléspectateurs l’an dernier. raison du succès croissant de chaînes indépendantes
Le problème n°1 est d’attirer les jeunes vers les annon- et de nouveaux horaires de consommation. Les revenus
ceurs : la moyenne d’âge est de 53 ans ! ont tous rebondi, et l’espoir est mis dans l’info en mobi-
lité.
Pour la première fois, deux des trois journaux sont pré-
sentés par des femmes. L’embauche a repris dans les rédactions.
Les JT du matin perdent aussi de l’audience, pour la 6e La prise d’antenne devient régulière à 4h30, voire à
année consécutive. Age moyen : 51 ans. 4 heures du matin ! l
P
our s’informer, le public, qui d’un clic a accès à du président Obama. L’événement a été bien sûr diffusé
des centaines de sources chez lui ou en mobilité, en live sur le site avec participation du boss, Mark Zuc-
continue de varier sa consommation. 60 % des kerberg.
Américains combinent offline et online, et près des deux
tiers (65 %) n’ont pas de sites d’info préférés.
Pew Center Study, 2010
QUELQUES SITES
DE JOURNALISME DE FORMATS LONGS
Entre le
magazine et le livre (format de plus de 5 000 mots)
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Kindle Single : format plus court que les livres sur Amazon.
69
Les designers de jeux vidéo sont bien devenus des experts pour « engager » les jeunes. Nombreux
sont ceux qui se demandent comment profiter de cette expertise pour l’éducation, la vie civique, la
santé, l’aide au développement, mais aussi la fiction et l’information.
« En tant que concepteurs de jeux, nous sommes persuadés que le jeu est, pour beaucoup, comme
la science. Il s’agit de résoudre des problèmes, d’explorer, de collaborer, de faire des hypothèses,
de tester et d’apprendre de nos erreurs. »
Scot Osterweil, MIT, Fast Company, avril
Après les réseaux sociaux, les jeux en ligne, souvent mobiles, devraient être de nouveaux points de
passage, une nouvelle expérience, injectés dans les nouvelles écritures de nos médias.
Collaboration, partage, stimulation, fiction, plaisir, décentralisation, règles claires… sont ici les
ingrédients de réussite des mécaniques ludiques d’une nouvelle révolution des usages et de la
création.
Il arrive d’ailleurs très fréquemment que le public arrive sur Internet via les consoles de jeux Kinect,
Nintendo, Sony, etc.
Ce passage par les jeux pourra concerner l’information, la découverte (documentaires, maga-
zines), l’éducation et la fiction. l
LES GÉANTS DU W
CHOSES VUES
Voyage dans la Silicon Valley
chez Google, Facebook, Twitter, Yahoo !
WEB :
}
LES GÉANTS DU WEB :
CHOSES VUES
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74
Ce « prêche du vendredi » par les dirigeants est aussi une tradition en vigueur chez Google. Mais, ici, tout est plus pro
et encore plus… secret! On nous accompagne d’ailleurs partout, même pour aller jusqu’aux toilettes !
Et surtout, tout ici est « Google », c’est-à-dire énorme, riche, coloré ! À l’image des centaines de vélos en libre service
qui permettent aux 3 500 geeks de se déplacer d’un bout à l’autre du campus de Mountain View.
Le « Googler » est bien soigné : aucun d’entre eux ne doit se trouver à plus de 45 mètres d’un ravitaillement gratuit
(nourriture et boissons) ! Il dispose d’une salle de gym, de piscines à courants, d’un terrain de beach-volley, de points
de dépôt pour le linge sale, de laveries automatiques, d’un docteur, d’un camion de coiffure itinérant, de fauteuils de
massage et des fameux babyfoots et autres flippers.
« C’est simple, résume un patron d’une société high-tech de San José, Google a plus d’argent que Dieu ! ».
Mais gare au syndrome du dinosaure! Son squelette rôde sur le campus pour rappeler aux Googlers que tout dis-
paraît !
Ce qui frappe chez Yahoo ! — comme chez Google, d’ailleurs —, c’est la très forte présence de jeunes employés
d’origine asiatique, chinoise notamment, et du sous-continent indien. « Parfois, dans les réunions, je me retrouve le
seul Américain né aux Etats-Unis », raconte un responsable témoignant du fort brassage des cultures et des talents.
Ce qui frappe aussi, c’est le côté bon enfant et rassurant d’un campus installé dans une zone d’affaires, et qui res-
semble fort à celui d’une belle université ! « Tout est fait pour rendre les ingénieurs heureux. »
Mais, ici, les vieux réflexes ont la vie dure ! La lumineuse cafétéria reste payante, et les employés travaillent toujours
dans des « cubicles », ces espaces individuels séparés par des cloisons à hauteur d’homme. Comme si Yahoo !, qui
exploite sa propre boutique de souvenirs à l’ancienne, et qui est le seul des quatre à disposer d’une rédaction, restait
encore bien ancré dans le « vieux monde ».
Enfin, autre idée intéressante : celle des points de dépannage technique ouverts et faciles d’accès, situés sur les
lieux de passage de l’entreprise (vus aussi chez Google et Facebook), où chacun peut s’arrêter, demander un
conseil, se faire dépanner ou « rebooter » rapidement son ordinateur, son smartphone ou sa tablette !
LIVRES
RECOMMANDÉS
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Les nouvelles formes narratives du XXIe siècle : Hollywood, Madison Comment se libérer de l’addiction
Avenue et la manière de raconter des histoires ne seront jamais plus Internet, par l’ancien rubricard tech du
les mêmes… Washington Post.
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« L’Internet, c’est comme le noir, ça va avec tout ! »
Stéphane Distinguin, CEO faberNovel, mars
SOURCES