Origine Et Postérité de La Laure de Mar Chariton (Souka)

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1

Frère Abiel, Moine de Bethleem Institut Chrétien d’Orient

30 janvier 2024

Origine et postérité de la Laure de Mar Chariton


Introduction
Au cœur du désert de Jérusalem, ce trouve les vestiges du Deir Mar Chariton. Un
monastère niché dans les falaises du wadi Khareitun. Quelle est son origine ? Qui fut son
fondateur ? Quelle fut son histoire ? Ignoré du plus grand nombre et totalement ruiné, nul ne
pourrait imaginer qu’il fut un des centres monastiques les plus prestigieux pour tout le
christianisme oriental.

Le ménologe1 du Métaphraste renferme à la date du 28 septembre une vie de saint


Chariton2, originaire d’Iconium en Asie Mineur, fondateur de colonies d’ermites dans le
désert de Jérusalem dès la fin du III e siècle. La Vie de saint Chariton3 écrite au VIe siècle par
un auteur anonymes, révèle qu’en arrivant dans le désert de Jérusalem, notre saint s’insère
dans un environnement dont il n’est pas le précurseur : avant lui, une longue tradition
d’habitants du désert a déjà marqué cet espace sacré. Le désert de Judée a une histoire propre,
tout à fait unique, marquée par un climat eschatologique : la vie des ascètes chrétiens y a été
préparée des siècles durant tout au long de l’histoire du peuple élu. Il est l’espace saint des
patriarches et des prophètes, d’Élie et de Jean le Baptiste qui ont été les modèles de tous les
moines de l’Orient à l’Occident.

Les fondations monastiques de Chariton vont émerger dans le désert de Jérusalem 4 tout
au long du IVe siècle, alors que la Ville Sainte est en pleine expansion, devenant le centre

1
Dans la tradition byzantine, c’est un ouvrage contenant la liste des fêtes à célébrer, aussi appelé
synaxaire (équivalent du martyrologe en Occident). Syméon Métaphraste est considéré comme l’initiateur de ce
type d’ouvrages.
2
SYMEON METAPHRASTE, Vitae Sanctorum, Mensis September : MIGNE, PG tome CXV, 1864, “Vita et
conversatio et certamen Sancti Patris nostri et confessoris Charitonis”, p. 899-918.
3
DI SEGNI, L., Vita di Caritone, Cercare Dio nel deserto, ed. Qiqajon, Bose, 1990 ; “The Life of
Chariton”, Introduction and English, in Ascetic behavior in Greco- Rman Antiquity, A Source Book, in Studies in
Antiquity and Christianity, Fortress Press, U.S.A., 1990, p. 393-421.
4
ABEL F.-M., Géographie de la Palestine, tome 1 ; J. Gabalda et Cie Éditeurs, Paris 1967, p. 104 et 436.
2

religieux de tout l’empire romain 5. Dans ces wadis sauvages Chariton va établir ses laures 6, et
après lui, la plupart des grands monastères du désert de Jérusalem y seront fondés7.

Chariton commence par fonder le monastère de Pharan à Ein P’rat prêt d’Anatot. Sa
renommer le fait fuir vers Jéricho ou il établit la laure de Douka. Enfin sa soif extrême de
solitude le pousse vers un Wadi derrière Bethleem ou il fondera la Laure de Souka, qui
prendra le nom de monastère de Mar Chariton.

Des trois fondations de Chariton, la Laure de Souka aura la plus grande postérité jusqu’au
XIIIème siècle, devenant un grand centre d’étude et de traduction.

À la lumière de la vie de Mar Chariton, des sources littéraires agiographiques et


archéologiques, nous allons mettre en lumière l’originalité de la laure de Souka dont la
renommer fut décisive pour le christianisme de la région.

Nous commencerons par situer ce monastère de Souka dans son contexte géographique
et son histoire propre.

Nous serons préoccupés de mettre en valeur le patrimoine biblique qui fait la richesse de
ce lieu et qui est comme une assise spirituelle à la venue de Saint Chariton dans ce wadi
singulier.

À Jérusalem, si les témoins se taisent, « les pierres crient ». Attentif à la géologie et à la


topographie, et avec l’aide de l’apport archéologique et architectural de ses monastères, nous
serons plus aptes à comprendre le type de vie que Mar Chariton a mis en place dans le désert
de Jérusalem. Cette connaissance du témoignage des lieux mêmes, éclairée par l’histoire de
ses monastères, précisera le style de sainteté que l’on pouvait y mener, et les caractéristiques
de ces laures judéennes.

Enfin nous regarderons la postérité de ce monastère après Mar Chariton, durant la


période byzantine, puis son « âge d’or » a la période arabe, et enfin son extinction progressive
après le départ des croisés.
5
« L’histoire monastique appelle désert de Jérusalem la vaste solitude montagneuse qui, à l’est de la Ville
Sainte » ; GENIER R., Vie de saint Euthyme le Grand (377-473), Les moines et l’Église en Palestine au V ème
siècle, Librairie Victor Lecoffre, Gabalda, Paris, 1909, Introduction p.1..
6
L’archéologue Yizhar Hirschfeld certifie que « Chariton peut vraiment être décrit comme l’archétype du
moine du désert de Juda » ; Trad. française de HIRSCHFELD Y., « Life of Chariton in Light of Archaeological
Research », p. 425-447.
7
Au Ve siècle, le patriarche Salluste demandait à des moines rencontrés dans la Ville Sainte : « Dans quel
torrent demeurez-vous ? » (VS, §19, p. 31).
3

I/ Repères historiques et géographiques8


a : Fondation du Monastère de Souka

Vers 340, Chariton fuit Douka et la zone du désert de Jéricho vers le sud-ouest, dans la
région de Bethléem. Il trouve refuge dans une grotte d’un wadi du Paneremos, le grand
désert, descendant vers la Mer Morte. Il quitte donc l’« axe monastique » du wadi Qelt entre
Jérusalem et Jéricho, lieu de ses premières fondations, pour s’enfoncer dans des espaces plus
sauvages et plus éloignés des grandes voies de pèlerinage : « Ainsi il s’en alla dans un autre
lieu désert, qui était éloigné plus ou moins de quatorze stades du village de Téqoa » (VC §22).

8
HIRSCHFELD Y., “The Monastery of Chariton : survey and excavations”, in LA 50 (2000), p. 315-362.
4

Là, des disciples se rassemblent encore autour de lui, et Chariton fonde la laure de Souka, qui
deviendra l’un des plus grands et des plus importants centres du désert de Juda (VC §24).

b : Identification du monastère de Souka

L’identification du monastère de Souka, appelé « Monastère de Chariton », connu en

Figure 1. Vue du Wadi Khureiton, avec la Laure de Souka et l’Herodium au fond

arabe comme Khirbet Khureitûn, « ruine de Chariton » (réf. carte 1727/1172), est acceptée par
tous les spécialistes9. Le nom de Chariton apparaît non seulement dans le nom du site, mais
aussi dans le nom de la section canyonique de la vallée, wadi Khureitûn (ou Nahal Teqoa en
hébreu). La laure est située sur l’arête d’une falaise escarpée, sur la face ouest du wadi qui
coule du sud-est de Bethléem. Les pentes abruptes de ce wadi sont trouées de nombreuses
grottes naturelles, dont certaines sont occupées depuis l’époque préhistorique (100 000 à 10
000 av. J.-C.)10. Ce wadi se trouve au pied de l’Herodium, cette grande forteresse artificielle
au cœur du désert de Judée, construit par Hérode le Grand au début de notre ère, et qui durant
la première révolte juive devint un des centres stratégiques des révoltés. Les grottes

9
Pour l’identification de Souka avec le monastère de Chariton, voir TSAFRIR Y., DI SEGNI L. et GREEN J.,
Tabula Imperii Rmani, Iudaea Palaestina, Jérusalem 1994, p. 236.
10
Les fouilles archéologiques ont montré une occupation continue, s'étendant du Paléolithique inférieur
aux temps modernes. La grotte la plus fameuse « Oum el Qatafa », en face du monastère de la « Vieille Laura »,
a une importance particulière car elle fournit les premières preuves de l’utilisation domestique du feu en
Palestine. NEUVILLE R., Le Paléolithique et le Mésolithique du désert de Judée, Masson et Cie éditeurs, Paris,
Mai 1951.
5

karstiques11 du wadi Khareitun ont largement été utilisées au cours de cette période romaine
comme grottes refuges par les Judéens pendant les deux guerres contre les Romains12.

Dans la zone rocheuse où le


monastère a été fondé coulent deux
cours d’eau : un petit qui serpente à
partir du sud-ouest jusqu’au centre de
la laure, et un autre, ‘Ein en-Natuf en
arabe : « la source qui goutte »,
coulant au sud de la laure13. Cette
source était considérée comme une
ἁγίασμα, une « eau sainte », une eau
miraculeuse14. Bien que ces deux cours
d’eau soient peu abondants, ils sont
suffisants pour pourvoir aux besoins
de la communauté monastique, du
moins à la première étape de son

Figure 2. Carte de la laure de Souka


existence. À quelques 400 mètres au
sud de la laure se trouve une des plus

11
Grotte de formation calcaire caractérisée par la prépondérance du drainage souterrain et par le
développement d’une topographie originale due à la corrosion de la roche (grottes, gouffres, résurgences, etc.).
La formation des reliefs karstiques est surtout due à l’action corrosive et érosive de l’eau, qui dissout le
carbonate de calcium.
12
En 2019, Mika Ulman, Boaz Langford, Amos Frumkin et Roi Porat, en collaboration avec une équipe
de chercheurs de l’Université hébraïque, ont mené une étude archéologique de plusieurs grottes situées dans la
paroi orientale du wadi Kharitun. Les découvertes dans deux d’entre elles, la grotte Haner (lampe à huile) et la
grotte Hapitria (champignon), étaient datées de la révolte de Bar Kokhba.
13
La source d’Ein en-Natuf coule d’une fente d’une falaise rocheuse de 20 m de haut. Sur une terrasse en
rocher naturel sous la source ont été trouvés deux petits bassins creusés par les moines, identifiés par les pèlerins
comme la fontaine de Saint Chariton.
14
“Au midi de Saint-Sabas, se trouve le monastère de Saint-Chariton, il contient une Hagiasma, que Dieu
lui accorda en raison de sa prière” édité par PAPADOPOULOS-KERAMEUS, Pravosl. Pal. Sbornik, 1900, 53e fasc.,
p. 34.
6

grandes grottes karstiques de la région : el-Ma’aza15. Un chemin venant du monastère dépasse


la source et continue au sud-est vers une autre grotte de trois niveaux, identifiée comme la
« grotte suspendue » de Chariton16.

c : Histoire des recherches sur le monastère de Mar Chariton

Le premier savant à décrire le monastère de Chariton fut le suisse Titus Tobler, qui
visita le site au milieu du XIX e siècle17. Le second visiteur sur le site fut le savant français
Victor Guérin qui signala la tour, que les habitants de la région appelaient Bab el-Wad
Khureitun, « la porte du ravin de Chariton »18. Les chercheurs du Fonds d’exploration de la
Palestine datèrent la plupart des restes du monastère (comprenant la tour, des voûtes et des
citernes) de la période croisée (XIIe siècle)19. Un résumé complet de l’histoire du monastère
fut publié en 1904 par S. Vailhé et S. Pétridès, qui signalent l’existence de la « grotte
suspendue »20. A. Strobel publia une étude sur le terrain du site traditionnel de la grotte de
Chariton (el Ma’aza)21. Un article de B. Bagatti fournit un examen complémentaire de
l’histoire du monastère et une description générale de ses restes 22. Au cours des années 1981-
1982, Y. Hirschfeld conduisit une étude complète du monastère de Chariton, au cours de
laquelle la plupart des restes visibles à la surface furent documentés, fournissant un plan
précis. En 1989 la « grotte suspendue » de Chariton fut identifiée et fouillée, et tous ses
éléments dégagés et documentés23.
15
Pour une description de la grotte et l’histoire de sa recherche, voir SROBEL A., « Die Charitonhöhle in
der Wüste Juda », ZDPV 83 (1967), p. 46-63.
16
HIRSCHFELD Y., Archaeological Survey of Israel : Map of Herodium (108/2), Jérusalem 1985, p. 53-
55, site n° 26 (hébreu) ; HIRSCHFELD Y., « La grotte de saint Chariton », RB 95 (1988), p. 270-272.
17
TOBLER T., Topographie von Jerusalem und seinen Umgebungen, II, Berlin 1854, p. 509-510, 528.
18
GUERIN V., Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, III, Judée, Paris
1869, p. 133-139.
19
CONDER R. and KITCHNER H. H., The Survey of Western Palestine, II, Judaea, London 1883, p. 357.
20
Pour un examen historique complet du monastère de Chariton depuis sa fondation au IV e siècle jusqu’à
son abandon à la période croisée, voir. VAILHE S. et PETRIDES S., « Saint Jean le Paléolaurite » op.cit., p. 333-
356.
21
Pour une description de la grotte et l’histoire de sa recherche, voir STROBELL A., « Die Charitonhöhle
in der Wüste Juda », ZDPV 83 (1967), p. 46-63.
22
BAGATTI B., « La laura di Souka sul wadi Kareitun », LTS 47 (1971), p. 336-345.
23
Les résultats de l’examen du monastère de Chariton furent publiés dans HIRSCHFELD Y., Map of
Herodium, p. 36-48 et p. 56-58. Voir HIRSCHFELD Y., « Chariton », in E. Stern (éd.), New Encyclopedia of
Archaeological Excavations in the Holy Land, Jérusalem 1993, p. 297-298. La fouille de la “grotte suspendue”
fut menée avec l’assistance de Rivka Calderon. Nous sommes spécialement redevables de l’excellent travail
d’Hirschfeld sur le monastère de Chariton.
7

d : Les noms du monastère : Souka, Paleo-Lavra, Monastère de Mar Chariton

La Vie précise que « Chariton fonda aussi en ce lieu une sainte laure, à qui certains qui
s’expriment en langue syriaque donnèrent le nom de Souka » (VC §23). Chitty24 explique que
le nom Souka dérive du mot suq (« place de marché » en arabe), qui peut être traduit en grec
par laure. D’après l’opinion du Père Abel en revanche, le nom dérive de tsuq (« falaise » en
hébreu), à cause des falaises escarpées du Nahal Teqoa dans lequel le monastère est situé25.
Pour S. Vailhé et S. Pétridès, le mot signifie « monastère » en syriaque26, et la première
littérature arabe chrétienne venant directement du syriaque l’appelait Siq el ‘Atiq (‫)سيق العتيق‬,
« l’ancien siq ». Avant d’avoir le sens de monastère, le mot siq en arabe désigne un canyon
profond27, mais aussi le chemin étroit qui en résulte. L’autre nom du monastère, la « Vieille
Laure », est une traduction du nom syriaque en langue grecque, παλαιάν λαύραν ; il est utilisé
dès la fin du Vème siècle, afin de la distinguer de la laure de Saba appelé la « Grande Laure » et
de la « Nouvelle Laure » qui fut fondée au sud de Teqoa, par d’anciens disciples de Saba 28. Le
mot « laure » signifie « petit sentier » ; il est lié à la configuration des lieux, l’église étant
reliée par des sentiers à chaque cellule. Ce nom de « laure » deviendra typique des monastères
judéens, et se diffusera à toutes les laures du monde29.

Le troisième nom, « Monastère de Chariton », semble avoir été donné au début de la


période arabe, peut-être à l’arrivée des reliques de Chariton à la laure 30.

II/ Souvenir biblique dans l’aire de Souka


a : La grotte d’Adullam : le « refuge » de David

24
CHITTY D.-J., Et le désert…, op. cit., p. 15.
25
ABEL F.M., Géographie de la Palestine I, Paris, 1933, p. 471.
26
VAILHE S. ET PETRIDES S., « Saint Jean le Paléolaurite », op.cit., p. 333.
27
En Jordanie il existe le fameux site du Siq de Pétra, et les Siq du wadi Roum.
28
VS, §36, p. 49.
29
CHITTY D.-J., Et le désert …, op.cit., p. 48.
30
DONNER H., « Die Palästinabeschreibung des Epiphanius Monachus Hagiopolita », ZDPV 87 (1971), p.
71. ; Sur l’assertion que le nom fut donné au monastère après l’enlèvement du corps de Chariton du monastère
de Pharan suite à la conquête arabe, voir. SCHIWIETZ S., Das morgenländische Mönchtum, II : Das Mönchtum
auf Sinaï und in Palästina im vierten Jahrhundet, Mains 1913, p. 142.
8

La tradition orale palestinienne fait de la grotte de Chariton dans le wadi Khureitun celle
d’Adullam31, « refuge » du jeune David alors qu’il était pourchassé par Saül 32 (1 S 22,1-5 ;
24,23), c’est probablement là qu’il chante le psaume 56. Ce refuge au désert met encore une
fois Chariton en lien avec tous les persécutés, les bannis, les rejetés. Comme pour David,
rejoint par plus de 400 hommes dans son refuge, la solitude de Chariton est vite habitée par
une multitude de disciples qui, à son école, dans l’ascèse et la conversion, font l’expérience
avec les psaumes de David, que : « Mon refuge c’est Dieu, je m’abrite en lui, mon rocher,
mon bouclier, ma corne de Salut, ma citadelle et mon refuge » (2 S 22,3).

b : Guerre sainte dans la vallée de la Berakha (2 Ch 20)

Le deuxième livre des Chroniques raconte qu’à l’époque du roi Josaphat, les
Ammonites, les Moabites et les habitants de Seïr se rassemblèrent au-delà de la Mer Morte
pour attaquer Jérusalem, partant d’En Gaddi en remontant par le wadi Khureitun. Un jeûne est
alors proclamé pour tous les Judéens, qui se rassemblent autour du roi dans le Temple pour
supplier le Seigneur. Alors l’Esprit fond sur un certain Yahaziel, qui prédit la victoire, invitant
le peuple à ne pas craindre, car le salut viendra de Dieu. Les lévites et le peuple se mettent
donc à louer le Seigneur à pleine voix. Partis pour le désert de Teqoa, arrivant au point où l’on
a vue sur le désert, les Judéens se trouvent devant un champ de cadavres : le Seigneur avait
combattu pour eux ! Le nom de la vallée devient alors vallée de la Berakha, « car c’est là
qu’ils bénirent et rendirent gloire à Dieu » (2 Ch 20, 26).

Ce texte peu connu est très précieux car il nous introduit à la puissance de la liturgie, qui
donne la victoire non par les armes et la guerre, mais par la seule force de la louange. Ce wadi
de la Berakha, devient le wadi de Chariton : wadi de la « grâce ».

c : Souvenir du prophète Amos de Teqoa : le Jour du Seigneur

Le wadi Khureitun se situe juste en contrebas de Teqoa, la patrie du prophète Amos,


berger dans les collines, arraché par Dieu à sa tranquillité. Il est le premier prophète, avant
Osée et Isaïe, dont on a conservé le livre prophétique dans la Bible, datant du VIII e siècle av.
J.-C. Dans sa prophétie est introduit pour la première fois le thème du « Jour du Seigneur »33,

31
WALTER. S. B., Hiding place in Canaan ; Ch. V ; The cave of Adullam, or Olam, not near Adullam,
But at wadi Khareitun, in Palestine exploration fund, Western Palestine, by Patron the Queen, Quaterly
statement. London, 1883 ; Mais aussi le guide : In Giudea e Galilea, Firenze 1896, p. 148-149.
32
L’abbé Daniel, un pèlerin russe en Terre Sainte dans les années 1106-1107 ; WILSON C. W., The
Pilgrimage of the Russian Abbot Daniel, PPTS 4, Londres, 1985, p. 48.
33
Am 5,18-20 ; 8,9-10.
9

l’espérance de la venue du Seigneur pour le salut du peuple élu (Am 4, 12). Il prépare tout
Israël à l’attente des temps messianiques dans la venue du Messie, fils de David (Am 9, 11-
12). À son école, Chariton, et après lui les moines de Jérusalem, ont reçu cette tension
eschatologique de la venue imminente du « Jour du Seigneur », développée par tous les
prophètes et l’Église naissante.

d : Habacuc et les prophètes

L’higoumène russe Daniel, décrivant le lieu de Souka, témoigne de la vénération


d’Amos avec douze prophètes, spécialement d’Habacuc : « Sur la montagne qui est à une
verste du couvent vers le sud, il y a un endroit uni dans un champ, d’où l’Ange enleva le
prophète Habacuc qui apportait à boire et à manger aux moissonneurs, et le transporta à
Babylone, dans la fosse du prophète Daniel. Ayant rassasié et désaltéré ce dernier, il fut de
nouveau transporté, le même jour et à la même heure, près des moissonneurs auxquels il
donna leur dîner ; sur ce lieu est érigée une espèce de chapelle en mémoire du miracle.
Babylone en est éloignée de quarante jours. Non loin s’élève aussi une grande église, à toit en
charpente, consacrée aux saints prophètes. Sous l’église, se trouve une grande caverne, dans
laquelle reposent, dans trois châsses, les reliques de douze prophètes : Habacuc, Nahum,
Michée, Ezéchias, Abdias, Zacharie, Ezéchiel, Ismaël, Saveïl, Baruch, Amos et Osée. Un très
grand village, situé sur la montagne voisine, est habité par beaucoup de Sarrasins et de
chrétiens. C’est le village où naquirent les saints prophètes, et c’est là leur patrie »34.

Même s’il est évident que cette attribution est inexacte, il est fort intéressant de voir que
c’est tout proche du monastère de Chariton que la tradition a voulu mettre ensemble cette
tradition prophétique, attribuant une filiation spirituelle et géographique à Chariton et ses
disciples, comme descendants directs des prophètes.

e : Jardin d’Etham : chambre nuptiale de Salomon

Ce même abbé Daniel décrit ainsi le monastère de Chariton : « Au sud de Bethléem, le


monastère de Saint Chariton est juché au-dessus de la rivière Etham, déjà mentionnée. Il est à
peu de distance du lac de Sodome, encadré par des roches escarpées, dans un lieu désert.
L’endroit est austère et aride, tout à fait dépourvu d’eau ; une gorge effrayante s’ouvre au
pied »35. Le wadi Etham est directement en lien avec le wadi Khureitun, dans la tribu de Juda,
que le second livre des Chroniques situe entre Bethléem et Teqoa (2 Ch 11,6). Flavius

34
WILSON C. W., The Pilgrimage of the Russian Abbot Daniel, op. cit., §57, p. 48.
35
Ibid.
10

Josèphe le décrit comme un lieu de plaisance, à la distance de cinq lieues de Teqoa, où


Salomon allait souvent, parce que ce lieu était très agréable par ses beaux jardins et par ses
belles eaux36. La tradition rapporte que c’est dans le wadi Etham, dans les jardins d’Artas,
sous les vasques de Salomon, que le roi Salomon aurait composé son Cantique des Cantiques,
devenant un symbole du Paradis et de l’union nuptiale entre Dieu et son peuple37.

Chariton dans sa remontée au refuge près de Bethléem est donc poussé par l’Esprit à
vivre en plénitude de cette nouvelle naissance, et de cette entrée dans le royaume, pour goûter
dès ici-bas des délices du Royaume.

e : Nazir de Dieu dans le désert de Juda

Les nazirs de Dieu38, consacrés au Seigneur, pratiquent une ascèse sous forme de vœu,
renonçant à toute boisson fermentée et à couper leur chevelure. Le plus connu de tous est sans
aucun doute Samson, nazir que le Seigneur a revêtu de sa force depuis le ventre de sa mère
(Jg 13, 5). Or, la Vie, lors du miracle de la source qui jaillit dans la grotte du wadi d’Etham 39,
40
compare Chariton à Samson , qui avait lui aussi fait jaillir une source alors qu’il s’était
réfugié au rocher d’Etham (Jg 15,15-19).

III/ Description du monastère


a : Description générale de la laure

Les restes du monastère de Souka témoignent des caractéristiques d’une laure : le cœur,
comprenant une église et divers bâtiments communautaires, et des cellules, éparpillées sur un
large espace. Un système complet de chemins reliant les différents éléments créait un
complexe monastique cohérent. La laure de Chariton appartient aux grandes laures qui ont
deux ou trois fois le nombre de cellules des petites laures comme Pharan. Mais cette grande
taille est probablement la conséquence d’un développement postérieur à la fondation de
Chariton. Sa superficie totale avoisine 450 000 m². Les ruines qui forment la bordure nord de
l’extension sont les bâtiments du cœur de la laure, tandis que les cellules s’étendent vers le

36
FLAVIUS JOSÈPHE, Antiquités judaïques, tome 1, éd. Hachette, Paris 2013, 1.8.C.51, 3.
37
Le wadi Khureitûn remonte jusqu’aux vasques de Salomon, trois vastes bassins aux eaux abondantes
que l’on voit encore aujourd’hui dans le voisinage de Bethléem, qui servaient à alimenter Jérusalem et le temple
à l’époque d’Hérode. Tout proche se trouve le monastère d’Artas réputé pour ses jardins et son goût du paradis.
L’Herodium qui est juste en dessous a reçu le nom de Fardous en arabe, qui signifie Paradis !
38
Nb 6,3-5.
39
Nous avons vu que le wadi Etham peut être un des noms du wadi Khareitun.
40
(VC §24).
11

sud jusqu’à la « grotte suspendue ». Dans cet espace ont été trouvés les restes de plus de
quarante cellules de moines, liées entre elles par des sentiers. La plupart des cellules sont
petites41, semblables à celle de la laure de Pharan, et possèdent des citernes d’eau installées
dans leurs fondations, ainsi que des petits jardins potagers sur leurs côtés. Cette image de la
laure avec le nucléon central comprenant les bâtiments communautaires et les cellules à
l’extérieur dans le wadi, demeura durant toute la période byzantine, mais changea durant la
période arabe ancienne. À partir du VIIIème siècle et au-delà, à cause du manque de sécurité,
les moines abandonnèrent les cellules et se déplacèrent dans les bâtiments du cœur de la laure
qui fut entourée d’un mur défensif et de tours. Durant cette période et jusqu’à la fin du XII e
siècle, le monastère de Chariton ressemblait probablement au monastère actuel de Mar Saba,
un complexe fortifié collé à la falaise escarpée du ravin.

b : Le cœur de la laure

Le cœur de la laure est construit sur une pente abrupte dans la partie nord du site. Au
sommet, à 590 mètres au-dessus du niveau de la mer, au nord, se trouvent les restes d’une tour
stratégique de contrôle. Un mur tourne vers le sud en direction d’une deuxième tour encore
debout42, qui permettait aux moines de se réfugier en cas d’attaque de bédouins qui très
souvent ravageaient et détruisaient les monastères du désert 43. Vers l’est, on trouve les
fondations d’une troisième tour et la porte d’entrée du monastère. La pente abrupte, sur
laquelle les bâtiments sont construits, s’achève sur une falaise verticale. La superficie totale
enclose par les murs est d’environ 2 000 m².

Le cœur de la laure contenait deux églises retrouvées lors de fouilles 44. D’après la liste
des διακονίαι (« services ») décrites dans la vie de saint Kyriakos, moine à la laure au V e
siècle, nous apprenons nombre d’éléments sur la Vieille Laure. On voit le moine cuire le pain,

41
La superficie moyenne est de 23,30 m².
42
Cette tour sud est préservée sur toute sa hauteur originelle de plus de 6 mètres.
43
On retrouve les mêmes tours de protection des moines dans les monastères coptes du wadi Natrun et
ceux de la Mer Rouge. Mais le meilleur exemple, tout proche, est celui de Mar Sabas.
44
L’higoumène Daniel en mentionne deux à l’époque des croisades. Voir DE KHITROWO B., Itinéraires
russes en Orient, vie et pèlerinage de Daniel, Genève 1889, p. 48. Pour une traduction en anglais, voir WISON
C.W., The Pilgrimage of the Russian Abbot Daniel (PPTS 4), London 1895, p. 48-49. L’archéologie a retrouvé
deux éléments architecturaux sur le site : un fragment d’un montant de jubé et une pierre de base creusée pour
l’insertion d’un panneau de jubé.
12

s’occuper des malades, accueillir les hôtes, agir comme intendant, être trésorier de l’église et
chef de prière45. Avec cette liste, nous apprenons que la Vieille Laure contenait, en plus de
l’église, une boulangerie, une infirmerie, une hôtellerie et un complexe 46 de services qui peut
avoir compris des magasins pour l’équipement et les provisions. Sur la pente qui descend vers
le sud-ouest du cœur de la laure, des restes de terrasses agricoles de différentes tailles et un
système d’irrigation consistant en citernes et bassins sont discernables, témoignant des
besoins domestiques et de l’irrigation des jardins du monastère47.

Au sommet du ravin qui passe à travers la zone du monastère, il y a l’énorme citerne 48


d’époque byzantine, connue en arabe sous le nom de Bir el-’Uneiziya, témoignant de
l’importance du site et du grand nombre de moines vivant dans la laure.

c : Les cellules

Les fouilles de la Vieille Laure identifient trente-neuf cellules concentrées sur la pente
au sud-ouest du cœur de la laure, et éparpillées sur une zone mesurant 700 mètres du nord au
sud et quelque 150 mètres d’est en ouest, soit un total de 10,5 hectares. Pour la plupart, les
cellules sont de simples bâtiments à une seule pièce. Des citernes furent installées dans les
fondations d’un grand nombre d’entre elles. Les terrasses agricoles trouvées près de la plupart
des cellules contenaient parfois des citernes complémentaires. Les cellules sont reliées entre
elles par un système de petits chemins et sont éloignées les unes des autres d’une distance
moyenne de 35 mètres, qui augmente entre les cellules à mesure que l’on s’éloigne du cœur
de la laure, pouvant atteindre 60 mètres et même 160 mètres pour certaines plus au sud. Si
nous arpentons le wadi Khareitun sur plusieurs kilomètres, nous pouvons encore découvrir un
nombre incalculable de restes de
cellules dans des grottes naturelles
ou bâties, une dizaine de petites
skites, ainsi que des monastères
satellites clairement identifiés.

45
(VK, §7, p. 43). Sur les diverses occupations des moines dans une laure du désert de Juda, voir
HIRSCHFELD Y., The Judean Desert Monasteries in the Byzantine Period, New Haven et London 1992, p. 72-79.
46
VK, §8, p. 44.
47
Description du système d’approvisionnement en eau du monastère de Chariton dans : HIRSCHFELD Y.,
« The Water Supply System of the Monastery of Chariton », in AMIT, HIRSCHFELD Y. et PATRICH, Aqueducts…,
Figure5. Une grotte refuge de Souka
p. 205-312 (hébreu).
48
Réservoir rectangulaire, mesurant 14 m x 19,40 m, pouvant contenir au moins 600 m3 d’eau.
13

Cela montre qu’il y a différentes sortes de cellules : certaines très bien construites et
d’autres beaucoup plus simplement aménagées.

d : La grotte suspendue de Mar Chariton

+ El-Ma’aza

Selon la toponymie arabe conservée par les Palestiniens de la région, le nom de


Mgharrat Khareitun, « grotte de Chariton », est donné à une grotte toute proche du
monastère. Cette grotte a pris le nom du wadi et du monastère, mais est également nommée
el-Ma’aza (« la grotte des chèvres »), « grotte de Moïse » ou « grotte d’Adullam »49 par les
bédouins. Elle est facilement reconnaissable par les deux grandes pierres qui se trouvent à son
entrée. Longue de plus de 220 mètres, elle est l’une des plus grandes grottes karstiques de la
région. Ce « Labyrinthe »50 est un dédale de sept salles souterraines liées entre elles par des
galeries étroites et des boyaux qui ne sont parfois accessibles qu’en rampant 51. Guillaume de
Tyr témoigne qu’elle fut le lieu de refuge des habitants de Teqoa en 1138, pour échapper aux
massacres des Sarrasins52. S’il est possible que les moines aient vécu dans cette grotte, et que
beaucoup aient fait des temps de retraite et de réclusion en son sein, il est cependant moins
évident qu’elle soit la grotte de saint Chariton dont parle la Vie. Au cours des années 1970, un
examen détaillé de la grotte d’el-Ma’aza fut mené par Man53, qui montra de façon concluante
que son identification avec Chariton n’était pas prouvée. Bellarmino Bagatti en 1971 se pose
la question lors de son étude sur le monastère : « Quelle est véritablement la grotte de saint
Chariton ? Selon sa Vie celle-ci était tellement élevée qu’il n’était pas possible d’y accéder
sans échelles, et c’est pourquoi elle était appelée κρεμαστόν (« suspendu »), et elle se trouvait
en dehors de la laure mais pas trop loin. Or, celle-ci ne semble pas bien s’accorder avec le

49
« À quelques pas de là se trouve une grotte, que je nommerais un miracle de la nature […] c’est une
vaste cavité qui figure une église […] où se cacha David avec six cents fidèles qui le suivaient pour éviter la
rencontre de Saül qui le poursuivait à mort ». ANTONIO G., In Giudea e Galilea, Firenze 1896, p. 148-149.
50
Ainsi nommé par le Père Francesco Cassini da Perinaldo qui le visita en 1847. Voir : La Terra Santa
III, lett. IX, 1849.
51
ABEL F.-M., Géographie de Palestine, tome 1 ; J. GABALDA et Cie Éditeurs, Paris, 1967, p. 441.
52
GUILLAUME DE TYR, Histoire des Croisades, Tome 1, Éd Belin, Paris, 1824, Ch. XV, 6.
53
MAN G., « Mapping the Cave of Chariton », Teva Vaaretz 18 (1976).
14

« Labyrinthe » identifié aujourd’hui comme la grotte du Saint »54. Hirschfeld répondra à cette
question lors de sa première fouille du site en 1980, confirmée par son travail en 1989.

+ La vraie grotte-chapelle suspendue de Chariton

À 300 mètres de cette grotte, plus au sud, le long du wadi, a été découvert un autre
réseau de grotte, à trois niveaux, avec une claire utilisation monastique à l’époque byzantine.
Un des premiers indices qui permet d’attribuer cette grotte à Mar Chariton est que la section
du wadi à l’est du wadi Khureitûn est appelée wadi Mu’allak, qui signifie « la vallée en
surplomb » ou « la vallée surplombante ». Or, ce nom préserve clairement la mémoire de la
grotte de Chariton55 que la Vie qualifie de « κρεμαστόν » (VC §24). Elle est décorée de croix
et de monogrammes grecs. L’accès n’en est possible qu’au moyen d’une échelle ; détail qui
correspond à la description dans l’œuvre de Cyrille, qui aime la nommer « la cellule
anachorétique de saint Chariton »56, ou « la grotte de saint Chariton »57. Plus tard, durant toute
la période byzantine, la « grotte suspendue » devint un site de pèlerinage58.

La grotte à trois niveaux :


devant une terrasse59, la première
grotte du bas contient de
nombreuses citernes et bassins.
Au-dessus, il y a un étage,
accessible par un puits intérieur à
6 mètres du sol, qui était une
chapelle contenant des niches
creusées dans le roc et des

54
BAGATTI B., La laura di Souka sul wadi Kareitun, dans : La Terra Santa, 1971, anno 47 n° 10 ; p. 345.
55
PALMER, The Survey, 418 ; CHITTY D.-J., Et le désert…, op. cit., p. 15.
56 Figure 6. Grotte suspendue de Mar Chariton
VK, §10, p. 46.
57
Ibid., §11, p. 46.
58
HIRSCHFELD Y., “The Hanging Cave of Chariton”, ILAN 12 (1987), p. 149-152 ; HIRSCHFELD Y.,
“Memorial and Venerative Site of Saints in the Vicinity of the Chariton Monastery”, in JACOBY D. et TSAFRIR
Y., Jews, Samaritans and Christians in Byzantine Palestine, Jérusalem 1988, p. 113-118 (hébreu).
59
Sur la plateforme de rocher naturel à l’extérieur de la grotte, il y a une terrasse agricole avec deux
bassins à côté d’elle.
15

citernes, aménagées en lieu de culte 60. Enfin, une petite alcôve, cellule d’ermite, se trouve au-
dessus d’elle.

L’identification de la grotte comme le lieu où Chariton se retira lui-même à la fin de sa


vie est fondée sur deux faits :

1) la découverte de croix et de monogrammes de la période byzantine dans l’alcôve


située au-dessus du niveau supérieur, avec
des traces évidentes de vénération ;

2) le fait que l’accès au niveau


supérieur et à l’alcôve n’est possible qu’au
moyen d’une échelle, exactement comme le
décrit la Vie de Chariton (VC §24).

Lorsqu’il vivait dans la grotte,


Chariton effectua un miracle. Son âge
avancé lui rendait difficile la tâche d’aller
chercher de l’eau. Puisqu’il ne voulait pas
l’imposer aux membres de la communauté,
il pria Dieu et « immédiatement, d’un angle
de la grotte, un flot limpide et frais se mit
désormais à couler, et coule jusqu’à ce
jour » (VC §24). Ce miracle supposé a laissé
des traces tangibles : sur le mur rocheux de
la grotte il y a des restes de travertin,
témoignage d’un flot constant d’eau de
Figure7. Coupe de la grotte suspendue de Mar Chariton
source61.

60
Les visiteurs montaient pour vénérer la mémoire de Chariton. Un examen attentif permet de discerner
les restes de morceaux de fresques avec des écritures en grec, IC XC, et des traces d’auréoles.
61
L’eau était drainée par un système de canaux vers une série de citernes, découvertes durant la fouille.
De récentes études ont montré que le IVe siècle marqua le commencement d’une période plus humide,
caractérisée par une augmentation significative des chutes de pluie, détail qui donne un certain éclairage sur le
miracle de la source. ISSAR A.S. et YAKIR D., « The Rman Period’s Colder Climate », BA 60 (1997), p. 101-106.
16

+ L’alcôve : la grotte suspendue

À 3 mètres au-dessus de la chapelle se trouve l’alcôve dans laquelle Chariton se retira


vraisemblablement. Cette petite grotte en forme de cloche, de 2 mètres de long sur 1,20 mètre
de large, avec une hauteur de 2 mètres au maximum, est creusée dans le roc à une hauteur
terrifiante d’environ 15 mètres au-dessus de la terrasse,
et de plus de 100 mètres au-dessus de la vallée. Pour
l’atteindre à partir de l’extérieur, on devait escalader la
face de la falaise verticale. L’accès à l’alcôve n’est
possible qu’au moyen d’une étroite corniche naturelle
en rocher, le long de laquelle circule un canal qui
drainait l’eau s’écoulant de la falaise vers le système
hydraulique de la grotte. Durant le temps de vie de
Chariton, une corde était utilisée pour grimper62, avant
l’installation d’une échelle dans la grotte et l’ouverture
des passages. À l’entrée63, il y a une petite citerne qui
assurait un approvisionnement en eau pour l’ermite.
L’intérieur de l’alcôve était achevé avec grand soin. Un
petit banc, profond de 0,40 mètre et haut de 18
centimètres, circule sur toute la largeur de l’extrémité
orientale (1,20 mètre), utilisé par l’ermite pour s’asseoir Figure8. Reconstitution de la grotte
suspendue de Mar Chariton
ou peut-être pour dormir64.

Sur le mur est de l’alcôve, du côté du soleil levant, à 1,50 mètre au-dessus du sol, ont
été trouvées trois croix peintes. La plus grande des trois 65, peinte en rouge éclatant, est
entourée à l’extrémité des bras des lettres grecques représentant la formule Ἰησοῦς Χριστός

62
Saint Sabas dans sa grotte du Nahal Kidron « suspendait une corde à la bouche de la grotte lorsqu’il
montait ou descendait à cause de la difficulté de l’ascension » (VS, §15, p. 26).
63
Un mur maçonné fermait la façade ouest de l’alcôve, offrant une protection contre les rigueurs
climatiques et le temps orageux, spécialement en hiver.
64
Il est raconté qu’Euthyme avait coutume de dormir assis, tenant des deux mains une corde suspendue à
un angle de sa cellule (VE, §21, p. 88).
65
Son bras vertical mesure 18,50 cm et son bras horizontal 16 cm.
17

Υἱός θέου, « Jésus Christ Fils de Dieu ». Sous cette croix, un second monogramme peint en
rouge brillant consiste en deux lettres : Alpha et Omega66.

IV/ Historique du monastère de Souka


Le monastère de Chariton fut en activité durant une longue période, depuis sa fondation
au milieu du IVe siècle, avant d’être abandonné au XIVe siècle sous les Ayyoubides, soit
presque après mille ans d’histoire67.

a : Période Byzantine

Le plus ancien souvenir écrit du monastère68 semble venir de Jean Cassien à la fin de
IVème siècle, quand il fait mention de ce monastère près de Téqoa dont les moines ont été
martyrisés par les Bédouins du désert 69. L’auteur de la Vie, qui a connu Souka, donne
quelques détails sur la laure 70, racontant comment Chariton s’établit au lieu appelé Souka et
fonda la laure après qu’un grand nombre de moines se soient rassemblés autour de lui, puis
trouva asile dans une grotte suspendue de la falaise. Après Chariton, la « grotte suspendue »
devint un site sacré qui attira les pèlerins. Saint Kyriakos y demeura de nombreuses années,
immortalisé grâce à Cyrille de Scythopolis qui en écrivit la vie 71. La biographie de Kyriakos
est riche en histoires illustrant la vie dans la Vieille Laure. Ainsi, par exemple, lorsqu’il était
chef de prière, un de ses devoirs était de sonner la simandre (en frappant sur une planche de
bois), pour prévenir les moines de la laure du temps de la veille nocturne et de la prière
solitaire en cellule. On peut aisément imaginer comment le son pouvait résonner entre les
falaises du ravin, dans le silence de la nuit du désert. Kyriakos est aussi bien connu pour être
un mélode qui composa de nombreuses hymnes72, dont Étienne le sabaïte dit « qu’il chantait

66
Ce monogramme en association avec une croix est extrêmement commun dans les inscriptions
chrétiennes du désert, par exemple au monastère de Théoctiste ; PATRICH J.et DI SEGNI L., « New Greek
Inscriptions from Theoctistus Monastery in the Judean Desert”, Eretz-Israel 19 (1987), p. 274 (hébreu).
67
Voir note 189.
68
Cette thèse est soutenue par les Bollandistes.
69
JEAN CASSIEN, Conférences 1-VII, traduction de E. PICHERY, SC 42, Éd. du Cerf, Paris, 1955, p. 219.
70
Sur l’auteur de la Vie de Chariton, voir Di Segni, « Life of Chariton », op. cit., p. 393.
71
D’après Cyrille, Kyriakos se déplaça au monastère de Chariton immédiatement après la scission entre
les monastères d’Euthyme et de Théoctiste, qui commença en 485. Sur la chronologie de la Vie de saint
Kyriakos, voir VE, p. 68-69, n. 29. Sur la carrière de Kyriakos comme moine et ermite, voir CHITTY D.-J., Et le
désert…, op. cit., p. 126-127.
72
PETRIDES S., Les Mélodes Cyriaque et Théophane le Sicilien, Écho d’Orient, tome 4, n° 5, 1901, p.
282-287.
18

harmonieusement à la vigile »73. Après lui, saint Jean le Paléolaurite 74 au VIIIe siècle, puis
saint Abba Eustratius durant la première moitié du IX e siècle75, et enfin le stylite Paul76, furent
ermites dans la même grotte que Chariton.

Vers l’année 507, soixante moines révoltés contre Mar Saba arrivent à la Vieille Laure
pour s’y installer, mais le supérieur Abba Aquilinus refuse de les accueillir. Les rebelles se
retirèrent finalement au-delà de Téqoa, dans les ruines du monastère de Romain, fondant ainsi
la Nouvelle Laure77. Plus tard, Cyrille de Scythopolis fait mention d’Abba Cassianus de
Scythopolis, un disciple de Mar Saba, higoumène de la communauté de Souka de 540 à 547,
qui lutta contre l’origénisme actif à la Nouvelle Laure 78. La Vie syriaque de Maxime le
Confesseur79, conservée dans un manuscrit maronite, raconte qu’au début du VII ème siècle,
saint Maxime fut placé dès sa jeunesse avec son petit frère par le prêtre Martyrios dans le
monastère de la Vieille Laure 80. Cette vie nous confirme aussi que la Vieille Laure fut
impliquée dans la controverse origéniste81. Durant toute l’époque byzantine, la Vieille Laure
possédait une hôtellerie à Jérusalem près de la Tour de David82.

b : Période arabe

La Vieille Laure, connue à partir de cette époque sous le nom de Monastère de Mar
Chariton83, fut parmi les monastères importants qui continuèrent à fonctionner après la

73
Menaion, édit. Venise, 1899, p. 167-172.
74
Célébré le 19 avril dans le calendrier de Jérusalem : AASS., t. II, April, p. 622.
75
Texte traduit par TREIGER A., « Unpublished Texts from the Arab Orthodox Tradition, Miracles of
saint Eustratius of Mar Saba (860) », in Chronos, Revue d’Histoire de l’Université de Balamand, Numéro 33, p.
2016.
76
PENA I., Les Stylites syriens, Studium Biblicum Fraciscanum, collection minor n°16, Milano, 1975, p.
82.
77
VS, §36, p. 49.
78
Ibid., §88, p. 126.
79
La version syriaque de la Vie de Maximos a été traduite en anglais par BROCK S., « An Early Syriac
Life of Maximus the Confessor », AB 91 (1973), p. 229-346.
80
Ibid., §4, p. 315.
81
Ibid., §4, p. 335.
82
VK, §6, p. 43.
83
Elle est mentionnée sous le nom « Mar Chariton » dans l’œuvre du moine Épiphane, qui visita la Terre
Sainte aux environs de 715. Voir WILKINSON J., Jerusalem Pilgrims before the Crusades, Jérusalem, 1977, p.
118-119 ; DONNER H., « Die Palästinabeschreibung des Epiphanius Monachus Hagiopolita », ZDPV 87 (1971),
p. 66-82. Sur l’assertion que ce nom fut donné au monastère après l’enlèvement du corps de Chariton du
monastère de Pharan suite à la conquête arabe, voir SCHIWIETZ S., Des morgeblandische Mönchtum, II : Das
Mönchtum auf Sinaï und in Palästina im vierten Jahrhundet, Mains, 1913, p. 142.
19

conquête musulmane84. Au début du VIIIe siècle, la Vie d’Étienne le Sabaïte nous montre son
lien vivant avec les autres laures du désert85.

La laure de Mar Chariton est alors un centre très important de traduction des œuvres
syriaques et grecques en arabe. Avec le monastère de Saint-Saba et le monastère de Sainte-
Catherine dans le Sinaï, il a participé à l’œuvre d’inculturation de l’Église chalcédonienne
soumise au joug des nouveaux envahisseurs arabes. Le monastère de Sainte-Catherine
conserve de nombreux manuscrits arabes, syriaques, et même géorgiens, qui viennent
directement des scriptoriums de Mar Chariton, dont des évangéliaires et synaxaires des VIII e
et IXe siècles86. Samir Arbache vient de publier un des premiers évangiles arabes connue,
copié et traduit directement au monastère de Saint Chariton 87. Les moines savants du
monastère, tels qu’Étienne de Ramla88 ou le moine et physicien Thomas 89, traduisirent des
œuvres littéraires grecques en arabe.

Nous possédons un Paterikon de Mar Chariton en arabe datant de cette époque, qui
vient d’être publié et traduit en anglais par Alexandre Treiger 90. Il rend accessible un
document négligé de la tradition chrétienne arabe orthodoxe, qui contient des informations
précieuses sur sept pères ascétiques peu connus de ce célèbre monastère palestinien. Nous
découvrons que le monastère de Mar Chariton était un centre monastique international. Ainsi
connaît-on la vie d’Andrée de Mar Chariton, un moine d’origine franque ; de Constantin de
Mar Chariton, appelé le Roumi, ce qui atteste de son origine Byzantine ; de Kyriakos,

84
Saint Willibald, pèlerin latin à la fin du VIII e siècle, l’appelle « la vallée de la laure », et y rencontre de
nombreux moines. BROWNLOW C., The Hodceporicon of saint Willibald. (Circa 754 a.d.), Trinity college,
Cambridge, Collection Palestine Pilgrims', London, 1891. 23, §XXII. Sur l’existence continue du monastère
après la conquête, voir SCHICK R., The Christian Communities of Palestine from Byzantine to Islamic Rule,
Princeton, 1995, p. 373.
85
La Vie d’Étienne le Sabaïte mentionne les moines de la Vieille Laure (Souka) ; voir Vita Stephani
Sabaites, AASS Julii III, 589. Sur cette vie, voir GARITTE G., « Le début de la vie de saint Étienne le Sabaïte
retrouvé en arabe au Sinaï », AB 77 (1959), p. 332-369.
86
Voir par exemple ARBACHE S., L’Évangile arabe, texte du VIIIème siècle, copié en 897 à Mar Chariton,
du manuscrit Arabe du Sinaï 72, éd Safran, Bruxelles, 2012.
87
ARBACHE S., L’Évangile arabe selon Mathieu, Marc, Luc, Jean, éd Safran, Bruxelles, 2023.
88
Sur l’intense activité littéraire à Mar Saba et Mar Chariton aux VIII e-IXe siècles, voir GRIFFITH S.,
« Greek into Arabic : Life and Letters in the Monasteries of Palestine in the Ninth Century », Byzantion 56
(1986), p. 117-138.
89
Il fut abbé du monastère (807-821) avant de devenir patriarche de Jérusalem. Voir : LINDER A., « The
Christians Communities in Jerusalem », in J. Prawer (éd.), The History of Jerusalem in the Early Islamic Period
(638-1099), Jerusalem 1987, 103 (Hebrew).
90
TREIGER A., “Unpublished Texts from the Arab Orthodox Tradition (3) : The Paterikon of the
Palestinian Lavra of Mar Chariton” ; dans Chronos, Revue d’Histoire de l’Université de Balamand, Numéro 38,
2018.
20

l’anachorète de Corinthe ; de saint Cosmas de Mar Chariton, un syriaque d’Alep ; de Gabriel


l’ermite et un autre Gabriel originaire de Balqa en Jordanie, témoignant qu’il y avait aussi des
vocations locales ; une attention particulière est accordée au saint Eustrate de Mar Chariton,
originaire de Sicile, dont on fait mémoire dans l’Église orthodoxe le 17 octobre.

Toutes ces vies témoignent de l’importance de la langue arabe dans ce monastère, mais
aussi du fait que la langue la plus commune de la communauté était toujours le syriaque
christo-palestinien91.

Durant cette période, les moines souffrirent grandement de vols et de massacres 92, qui
poussèrent les moines de la Vieille Laure à abandonner leurs cellules solitaires et à construire
des murs autour des bâtiments centraux de la laure, pour se réfugier à l’intérieur. Ceci
n’empêcha pas le monastère de rayonner et d’avoir une intense activité littéraire 93.

En 817, saint Théodore-le Studite écrit une longue lettre aux moines de la Vieille Laure
pour qu’ils continuent à lutter contre l’iconoclasme94. En dépit de l’insécurité, des moines
continuèrent à vivre à la Vieille Laure jusqu’à la période croisée.

c : Période croisée et extinction

Dans les sources de la période croisée, le monastère est décrit avec ses murailles. Le
pèlerin russe l’Abbé Daniel, qui visita la Terre Sainte en 1106, décrit précisément le
monastère : « Au midi de Bethléem, se trouve le couvent de Saint-Chariton, sur le fleuve
Etham, non loin de la Mer de Sodome, au milieu de montagnes pierreuses et dans un endroit
désert. Il est terrible cet endroit et aride : l’eau y manquant absolument ; une effrayante gorge
rocailleuse est à ses pieds. Ce couvent était entouré de murailles, et au milieu de l’enceinte,
s’élèvent deux églises dont la plus grande contient le tombeau de saint Chariton. Hors des
murs se trouve une grande grotte sépulcrale, contenant des reliques des saints pères, qui y
reposent au nombre de plus de sept cents, il y a, entre autres, les reliques de saint Cyriaque le

91
Pour cela voir GRIFFITH S., From Aramaic to Arabic : The Languages of the Monasteries of Palestine
in the Byzantine and Early Islamic Periods Author(s), Dumbarton Oaks Papers, 1997, Vol. 51 (1997), p. 11-31.
92
Dans l’histoire des vingt martyrs de la Grande Laure de Mar Saba en 797, nous apprenons aussi, à
propos d’ermites de la Vieille Laure, qu’ils furent capturés et torturés par les Sarrasins. Passio XX martyrum
Sbaitarum, AASS Mart. III, p.170. Quelques années plus tard, aux environs de 809, le monastère fut attaqué à
nouveau, comme cela est attesté par THÉOPHANE, Chronographia, éd. C. de Boor, Leipzig 1883, p.499 ; MIGNE,
PG, t. CVIII, col. 973 A, et col. 1001 B.
93
Au Xe siècle un calligraphe géorgien écrit sur le Colophon d’un codex géorgien : « Ce manuscrit a été
traduit à Jérusalem de Seth et écrit dans la Paleolavra par la main de Paolo. Amen ». TARCHNISVILI, Literatur,
63 ; Catal. Tiflis, H IV, 89 (Cod. H 1662), daté de 1040.
94
MIGNE, PG, T. XCIX, col. 1168-1173.
21

Confesseur, dont le corps est parfaitement conservé, et des fils de Xénophon, Jean et
Arcadius, qui exhalent un merveilleux parfum »95. Cette période abonde de témoignages sur le
monastère et l’église de Mar Chariton, proches de Téqoa96. La composition de Jean Phocas de
1185 est une des sources les plus tardives qui décrit le monastère de Chariton comme étant en
activité97. À la fin du XIIIème siècle, une grande foule de pèlerins continue à visiter ce lieu 98. La
laure fut abandonnée après cette période et utilisée comme refuge par les habitants de la
région. Les cellules des moines furent détruites, les citernes furent percées et utilisées comme
habitations99 par les Bédouins jusqu’à aujourd’hui. Pourtant les pèlerins continueront à passer
par ce lieu, se souvenant de Chariton et de ses moines100.

Conclusion
Cette recherche avec les apports géographiques, archéologiques et historiques du
monastère de Mar Chariton a révélé beaucoup de détails précieux pour connaître le
monachisme initié par Chariton à Jérusalem. Chaque laure est caractérisée par son
implantation autour d’une grotte-mère, située dans un wadi-canyon, près d’une source d’eau,
dans une solitude proche des zones habitées et de la Ville Sainte. Elle est structurée autour
d’un nucléon central, entouré de cellules.

La nouveauté de Chariton, qui s’insère dans une tradition ascétique du désert, est
d’apporter une structure communautaire qui lie les solitaires entre eux dans un monastère, la
laure.

95
Ibid.
96
Description of the Holy Land, by OF WÜRZBURG J. (A.D. 1160-1170), by STEWART A., Palestine
Pilgrim’s Text Society, M.A., London, Hanover Square, W., 1896, Vol. V, p. 55. Le pseudo Beda, témoigne
aussi du monastère de saint Chariton prêt de Téqoa, et de la mort tragique des moines. Anonymous Pilgrim VI.
Peudo Beda, XIIe siècle, by STEWART A., ibid.
97
PG 133, éd. MIGNE, col. 960 : « About six miles beyond this Laura, near the desert of Ruba, in the
monastery of St. Chariton » dans : STEWART A. The Pilgrimage of Joannes Phocas in the Holy Land (In the year
1185), Palestine Pilgrims’ Text Society, M.A., London, 1896, §25, p. 33-34.
98
« More than a league from Bethlehem, on the road leading to Tekoa, is the sepulchre of St. Karioth, the
Abbot, with all his monks, who all departed this life together with him. Once crowds of people used to visit this
place. » STEWART A., Buchard of Mount Sion (1280), in Palestine Pilgrims’ Texte Society, M.A., London, 1896,
p. 93.
99
Cette occupation fut datée de la période mamelouke, aux XIIIe- XIVe siècles : HIRSCHFELD Y., Map of
Herodium, op.cit., p. 38.
100
QUARIESMO F., Historica, theologica et moralis Terrae Sanctae elucidatio. Tome 2 ; Venise :
Antonellianis, 1881, p. 517 ; PIACENZA I., Terra Santa nuovamente illustrata, 1669, p. 298.
22

À la lumière des découvertes bibliques autour du monastère de Mar Chariton, ce laisse


pressentir l’importance de la Bible et des lieux saints pour les moines ayant choisi de vivre
dans le désert de Jérusalem. Cela les rend actifs dans la participation et la création de la
liturgie Hagiopolite.

De plus, l’origine international des moines de Mar Chariton, durant la période byzantine
et même au long de la période arabe, est une richesse propre à tout le monachisme de
Jérusalem, centre de pèlerinage de toute la chrétienté.

Ainsi, le monastère de Mar Chariton a joué un rôle imminent avec son activité littéraire
et théologique, enrichit par la présence de grands théologiens et de poètes liturges. Cette
activité intellectuelle créatrice a continué après l’invasion arabe, grâce à ses scriptoriums
actifs qui ont réalisé une intense œuvre de traduction en arabe des textes chrétiens
fondamentaux, posant les bases de l’Eglise de langue arabe. Ce travail de traduction de la
Bible et des Pères, ainsi que la production d’ouvrage écrit directement en arabe, a permis
l’inculturation nécessaire pour la survie de l’Eglise de Jérusalem.

Ce patrimoine chrétien arabe née dans le désert de Judée, est encore pour beaucoup à
découvrir, car ignoré jusqu’à aujourd’hui. Il y aurait un grand travail à faire pour mettre en
valeur l’œuvre littéraire extraordinaire qui à jaillit de ce monastère de Mar Chariton, d’autant
plus nécessaire face aux circonstances géopolitiques du christianisme de la région.
23

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25

278-9, 299-301, 309-11, 328-31, 342-6, 360-2, 372-5 ; 21 (1904) 7-10 ; 24 (1907),
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