Decroix 11401400 2019
Decroix 11401400 2019
Decroix 11401400 2019
Decroix, Romain
ABSTRACT
Dans un contexte où il est de plus en plus difficile de trouver du financement auprès des acteurs
financiers traditionnels, l’alternative du crowdfunding semble séduire de plus en plus d’entrepreneurs
souhaitant lancer leur projet. Cette pratique, qui consiste à chercher du financement auprès d’une large
foule de contributeurs, semble également plaire au grand public étant donné le nombre croissant de
personnes investissant dans différentes campagnes. La diversité de celles-ci s’explique alors par le type
de contrepartie, financière ou non, remise aux contributeurs en échange de leurs investissements, mais
également par la multitude de domaines de projets référencés. Dès lors, étudier les facteurs qui contribuent
au succès des différentes campagnes de crowdfunding est approprié. Ainsi, ce mémoire établi la liste des
différents facteurs qui poussent la foule à investir dans le crowdfunding, et plus particulièrement dans les
campagnes ayant recours au crowdfunding sous forme de récompense. La bonne présentation du projet,
une stratégie de communication adéquate, mais également la diversité des récompenses proposées
ainsi que la dimension sociale résidant autour de la campagne sont des facteurs qui semblent avoir un
impact important sur les probabilités de succès d’une campagne de financement participatif. Néanmoins,
le constat d’une étonnante différence de pourcentages de succès entre les différents domaines de projet
sur les plateformes nous a amené à étudier l’influence que peut détenir le domaine d’un projet s...
Decroix, Romain. Les facteurs d'incitation à l'investissement dans une campagne de crowdfunding sous
forme de récompense sont-ils influencés par le domaine du projet?. Louvain School of Management,
Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : Hermans, Julie. http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:20511
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Dans un contexte où il est de plus en plus difficile de trouver du financement auprès des
acteurs financiers traditionnels, l’alternative du crowdfunding semble séduire de plus en plus
d’entrepreneurs souhaitant lancer leur projet. Cette pratique, qui consiste à chercher du
financement auprès d’une large foule de contributeurs, semble également plaire au grand public
étant donné le nombre croissant de personnes investissant dans différentes campagnes. La
diversité de celles-ci s’explique alors par le type de contrepartie, financière ou non, remise aux
contributeurs en échange de leurs investissements, mais également par la multitude de domaines
de projets référencés. Dès lors, étudier les facteurs qui contribuent au succès des différentes
campagnes de crowdfunding est approprié. Ainsi, ce mémoire établi la liste des différents
facteurs qui poussent la foule à investir dans le crowdfunding, et plus particulièrement dans les
campagnes ayant recours au crowdfunding sous forme de récompense. La bonne présentation
du projet, une stratégie de communication adéquate, mais également la diversité des
récompenses proposées ainsi que la dimension sociale résidant autour de la campagne sont des
facteurs qui semblent avoir un impact important sur les probabilités de succès d’une campagne
de financement participatif. Néanmoins, le constat d’une étonnante différence de pourcentages
de succès entre les différents domaines de projet sur les plateformes nous a amené à étudier
l’influence que peut détenir le domaine d’un projet sur ces différents facteurs. Notre étude s’est
alors portée sur l’analyse de l’impact que détenaient ces facteurs sur le nombre de contributeurs
dans deux domaines de projets différents sur la plateforme de crowdfunding sous forme de
récompense « Crowd’in ». Les projets étudiés s’inscrivent ainsi dans les domaines culturels et
entrepreneuriaux. Nous avons alors constaté que les facteurs ayant une réelle influence sur le
nombre de contributeurs différaient d’un domaine de projet à l’autre. Par conséquent, il apparaît
que certains facteurs sont à prendre plus en considération dans un domaine que dans l’autre afin
de maximiser les chances de succès d’une campagne.
En préambule de ce mémoire, je tiens tout d’abord à remercier ma promotrice, Madame Julie
Hermans, pour sa disponibilité, son aide et ses précieux conseils tout au long de mes
recherches.
Je souhaite également adresser mes remerciements à mon maître de stage, Monsieur Bernard
Tilkens, pour le temps qu’il m’a accordé ainsi que pour les judicieux conseils qu’il m’a
transmis.
Ensuite, je tiens à adresser mes remerciements à Frédéric Wins et Geoffroy Ghion pour leur
temps et leurs explications lors de nos entretiens, ainsi qu’à tous les professionnels avec
lesquels j’ai eu la chance de discuter dans le cadre de la réalisation de ce mémoire.
Enfin, j’exprime également toute ma reconnaissance envers ma famille et mes amis qui n’ont
cessé de m’encourager durant l’élaboration de ce travail mais également tout au long de mon
parcours universitaire à l’UCL.
Table des matières
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 90
ANNEXES ............................................................................................................................... 97
Liste des tableaux
Figure 6: Les cinq facteurs incitant la foule à investir dans le crowdfunding ......................... 46
Figure 7: Résultats du modèle spécifique de régression linéaire multiple pour les projets
culturels .................................................................................................................................... 77
Figure 8: Résultats du modèle spécifique de régression linéaire multiple pour les projets
entrepreneuriaux ....................................................................................................................... 78
Liste des Annexes
Annexe 2: Guide d’entretien Geoffroy Ghion (Sunslice) ATTENTION MISE EN PAGE FIN
DE LIGNE................................................................................................................................ 98
Annexe 5: Base de données de projets culturels sur la plateforme Crowd’in ....................... 104
Annexe 6: Base de données de projets entrepreneuriaux sur la plateforme Crowd’in .......... 107
Depuis une dizaine d’années, le nombre de personnes qui investissent dans des
campagnes de crowdfunding monte en flèche. Cette nouvelle pratique consiste pour un porteur
de projet à faire financer celui-ci au moyen d’une multitude de contributions financières de la
part du grand public. L’investisseur, en échange de sa contribution, se verra alors recevoir une
contrepartie, financière ou non, à la hauteur de son investissement. Ainsi, il existe différentes
catégories de crowdfunding en fonction du type de contrepartie que recevront les contributeurs.
Selon un rapport réalisé par la société d’audit KPMG, le montant des fonds collectés en France
grâce à cette nouvelle méthode de financement s’élevait à 1.407 millions d’euros en 2018. Cela
représente une croissance d’environ 374% en comparaison avec l’année 2015 durant laquelle
297 millions d’euros avaient été collectés (KPMG, 2018). De plus, les statistiques proposées
par la plateforme KissKissBankBank, l’une des plus populaires en France, montrent que le
nombre de personnes prenant part à des campagnes de crowdfunding hébergées par celle-ci n’a
fait qu’augmenter depuis près de 10 ans. En juillet 2019, la plateforme comptait près de 1,7
millions de contributeurs à travers le monde entier depuis sa création (KissKissBankBank,
2019).
Néanmoins, il n’est pas toujours aisé, pour une personne qui souhaite lancer son projet,
de convaincre le grand public d’investir dans celui-ci. Il n’existe d’ailleurs aucune plateforme
de crowdfunding dont le taux de réussite s’élève à 100%. De plus, la majorité des plateformes
en ligne héberge généralement des projets s’inscrivant dans différents domaines. Dès lors, le
taux de réussite des projets diffère généralement d’un domaine à l’autre. Par exemple, sur la
plateforme Kickstarter, le leader mondial du crowdfunding, le taux de succès des projets
appartenant au domaine de la « danse » s’élève à 61,92%, contre 20,45% pour les projets
technologiques (Kickstarter, 2019). Ainsi, de nombreux chercheurs se sont attelés à étudier les
différents facteurs de succès d’une campagne de crowdfunding. Il est alors apparu que ces
facteurs différaient en fonction de la nature des contreparties proposées par le porteur de projet.
Dès lors, une classification des facteurs de succès en fonction de la catégorie de crowdfunding
a été progressivement établie dans la littérature depuis la création de ce nouveau mode de
financement.
2
Néanmoins, bien que cette classification soit établie en fonction des catégories de
crowdfunding existantes, celle-ci prend rarement en compte le domaine des projets considérés.
Le constat d’une différence parfois considérable des taux de réussite d’un domaine de projet à
l’autre, au sein d’une même catégorie de crowdfunding, nous a alors amené à formuler la
problématique suivante, qui fera l’objet de ce mémoire :
Le choix de cette problématique a été motivé, d’une part par le caractère émergent et
donc véritablement actuel de cette pratique qu’est le crowdfunding, mais également par les
études portant sur l’innovation que nous poursuivons à la Louvain School of Management.
Ainsi, répondre à cette question de recherche s’aligne tant avec l’actualité qu’avec l’intérêt que
nous portons pour l’entrepreneuriat. De plus, répondre à cette question de recherche permettra
de combler un certain vide existant dans les études effectuées dans le passé, et ainsi d’apporter
un outil supplémentaire aux différentes personnes souhaitant se lancer dans le crowdfunding.
Dans un second temps, nous présenterons les informations récoltées sur le terrain auprès
de deux acteurs que nous avons interrogés. L’un est un coach en crowdfunding, l’autre est un
entrepreneur ayant connu un échec lors de son premier recours au crowdfunding. L’objectif de
ces entretiens sera alors d’en apprendre davantage sur les pratiques qu’il est recommandé
d’appliquer lors d’une campagne de financement participatif. Les résultats de ces entretiens
nous permettront alors de confirmer ou de nuancer certaines données récoltées dans la
littérature.
3
Revue de la littérature
Chapitre 1 - Le crowdfunding
Avant même la création d’internet, de nombreux projets furent financés au moyen d’une
pratique similaire à celle connue aujourd’hui sous le nom de « Crowdfunding ». C’est
notamment le cas de la statue de la liberté qui, de 1875 à 1880, est parvenue à lever les fonds
nécessaires à sa construction grâce à des contributions financières sous forme de dons de la part
de milliers de particuliers (Joffre & Trabelsi, 2018). Nous pouvons également citer l’exemple
de Mozart et Beethoven, ces célèbres compositeurs qui ont financé une partie de leurs concerts
ainsi que la publication de leurs nouvelles partitions au moyen d’apports financiers de leur
public (Hemer, 2011).
définition finale1. Afin de le définir au mieux, il semble alors judicieux d’en développer les
origines. Pour cela, nous verrons que l’émergence de nouvelles technologies ainsi que la
raréfaction des ressources financières traditionnelles ont facilité son apparition.
Le crowdsourcing est donc, comme le définit Rubinton, le processus par lequel une
partie va atteindre ses objectifs en demandant et en recevant de petites contributions de
plusieurs autres parties en échange d’une contrepartie prédéfinie (Rubinton, 2011). Un exemple
illustrant bien cette démarche est le « Challenge Microsoft StudyKa ». Il s’agit d’un concours
1
Déjà en 2013, Loreta Valanciene et Sima Jegeleviciute avaient établi une liste des différentes définitions que
nous pouvions retrouver dans la littérature (voir Annexe 1).
7
organisé en 2013 dans lequel Microsoft a fait appel à une foule de 631 étudiants afin de solliciter
leurs idées à propos d’un plan de communication pour le lancement d’un nouveau produit. En
contrepartie de leur contribution intellectuelle, Microsoft leur a proposé une série de
récompenses allant de simples goodies à des offres d’emploi dans l’entreprise en passant par
des consoles de jeux vidéo pour les étudiants ayant proposé les meilleures idées. Tout comme
Belleflamme, Lambert et Schwienbacher, Rubinton définit le crowdfunding comme un sous-
ensemble du crowdsourcing et considère par conséquent qu’il doit être défini sur les mêmes
bases. Il définit alors le crowdfunding comme étant le processus par lequel une partie va
financer un projet en demandant et en recevant de petites contributions (ici financières) en
échange d’une contrepartie prédéfinie (Rubinton, 2011).
Nous avons donc, d’une part le crowdsourcing qui vise à atteindre des objectifs
opérationnels en externalisant différentes opérations auprès de la foule, et d’autre part le
crowdfunding qui lui, fortement inspiré de son ancêtre, vise à faire financer un projet au travers
de petites contributions uniquement financières de la part de la foule.
En 2019, 57% de la population mondiale est utilisatrice des réseaux sociaux, ce qui
représente près de 4,499 milliards d’internautes dans le monde (Seblain, 2019). Nous pouvons
dès lors les considérer comme étant l’un des plus grands moyens actuel permettant de
rassembler les foules. Leur apparition et la place prépondérante qu’ils représentent dans la vie
quotidienne de chacun a permis de rendre plus aisée la naissance du crowdfunding tel que nous
le connaissons aujourd’hui (Haquin, 2016). Nous parlons alors de la révolution du « web 2.0 ».
Comme l’indique Emmanuel Dabo, « L’expression web 2.0 s’est imposée à partir de 2004 pour
désigner les nouvelles applications rendues possibles par les évolutions technologiques, le Web
devenant plus simple et plus interactif » (Web 2.0 : origine et définition, para. 1).
8
- La création de contenu collaboratif est facilitée. C’est notamment le cas des blogs sur
lesquels les auteurs peuvent interagir facilement avec leur communauté à travers les
commentaires qu’il y est possible d’écrire en réaction à diverses publications. D’autre
part, le partage de liens pouvant renvoyer au blog d’autres auteurs permet aux lecteurs
de voyager d’un blog à l’autre très facilement (Murugesan, 2007). Le contenu
collaboratif est ainsi facilité grâce à la suppression de barrières géographiques induite
par cette nouvelle forme de Web qu’est le Web 2.0. ;
- Des réseaux sociaux de personnes ayant des intérêts communs y sont établis ;
- Il supporte la collaboration et aide à recueillir l’intelligence collective.
De plus, les nouvelles technologies apparues grâce au web 2.0 facilitent la mobilisation
ainsi que l’utilisation de moyens de communication adaptés, peu chers, rapides et à une échelle
bien plus globale que dans le passé (Bessière & Stephany, 2017). La communication autour
d’un projet ayant recours au crowdfunding pour être financé étant essentielle (cf. Chapitre 2,
Partie I), les médias sociaux ont joué un rôle capital dans le développement de cette nouvelle
forme de financement. Facebook, Twitter, les blogs, et autres réseaux sociaux, sont des
instruments importants permettant de communiquer des informations capitales relatives aux
projets de crowdfunding (telles que la somme d’argent qui leur est nécessaire, leur business
model, la description du produit fini ou du service, etc.) auprès des potentiels contributeurs
(Röthler & Wenzlaff, 2011).
Nous retrouvons donc, dans la définition même du web 2.0, de nombreux aspects dont
le crowdfunding a su tirer profit. Bien qu’il soit avant tout une source de financement, le
crowdfunding est même considéré par certains comme une approche philosophique appliquant
à la lettre les paradigmes propres au web 2.0 que sont la transparence et la participation (Röthler
& Wenzlaff, 2011). L’apparition du crowdfunding tel que nous le connaissons aujourd’hui
n’aurait par conséquent pas pu exister sans la création d’internet, et plus précisément sans cette
révolution qu’est le web 2.0.
9
(Fournier, 2014). Dès lors, il est très fréquent qu’une grande partie des projets à la recherche de
sources de financements soit susceptible de ne pas intéresser ce type d’acteurs. En effet, ces
acteurs auront tendance à soutenir des projets à forte croissance et détenant un retour sur
investissement important, ce qui n’est pas le cas de bon nombre de projets tels que des projets
à visée culturelle, sociale, etc. Pour les projets ayant des perspectives de croissance susceptible
d’intéresser ce type d’acteurs, c’est néanmoins lors de cette recherche d’apport financier
extérieur que leur créateur va généralement se retrouver en difficulté. En effet, lorsque les
premières sources de financement « informelles » (love money) sont épuisées, il arrive souvent
qu’il se retrouve dans une situation où les fonds qu’il souhaite lever soient trop élevés pour un
Business Angel, mais trop faible pour un Venture Capitalist. Il se retrouve alors face à un « fossé
de financement », plus connu sous le nom de « equity gap » (Bessière & Stéphany, 2017).
D’autre part, nous avons la dette financière comme autre source de financement. Pour
les start-ups et PME, il est de plus en plus difficile d’obtenir des financements de la part des
banques. Celles-ci préfèrent favoriser les prêts bancaires en faveur de grandes entreprises pour
lesquelles le remboursement des prêts est assuré. En effet, les banques ne prêtent que si elles
ont l’assurance d’être remboursées. Ce qui n’est pas forcément le cas pour les jeunes entreprises
ne disposant pas encore de suffisamment de ressources et d’expérience. En vue d’introduire
une demande de financement, bien souvent le jeune chef d’entreprise doit monter et présenter
son dossier, être capable d’expliquer ses comptes, exposer ses objectifs avec la seule aide de
son comptable (Boyer et al., 2016). Nous comprenons ainsi qu’il n’est pas aisé pour un
entrepreneur d’apporter suffisamment de preuves tangibles que l’entreprise connaitra une
croissance effective future grâce aux emprunts bancaires. Ceci augmente donc la réticence des
banques quant au financement de ces jeunes entreprises en phase de démarrage. Nous verrons
par la suite que le crowdfunding, en plus d’être une alternative de financement, peut également
s’avérer très utile afin de démontrer qu’il existe un marché adhérant au projet proposé, ce qui
permet ainsi de réduire la réticence des banques quant au soutien envers ces projets
(Schwienbacher & Larralde, 2010).
Cette difficulté rencontrée par les chercheurs de fonds existe notamment depuis la crise
bancaire de 2008, devenue financière et aujourd’hui même économique, ainsi que depuis les
nouvelles restrictions légales en terme de rentabilité des banques. En effet, les accords de Bale
III, présentés en 2010 par le comité de Bale afin d’empêcher qu’une telle crise financière ne se
reproduise, ont pour objectif de renforcer les critères de rentabilité et de solvabilité des banques
11
(Beaudon, 2015). Trois ratios leur sont alors imposés en terme de liquidité à court terme, de
fonds propres et de ressources stables (Boyer et al., 2016). C’est en grande partie suite à la mise
en place de ces restrictions que les banques ont développé une aversion grandissante concernant
les prêts envers les entrepreneurs, créateurs d’entreprise et initiateurs de start-ups.
En plus de l’existence d’un equity gap posant problème lors du financement de certains
projets ou du fait que certains d’entre eux ne s’alignent pas avec les conditions d’accès à du
financement extérieur, nous nous retrouvons également dans la situation où le schéma classique
dans lequel nous avons un entrepreneur, un actionnaire et un banquier prêteur, est remis en
cause pour se diriger vers un modèle de financement collaboratif mettant en relation un porteur
de projet et une foule de contributeurs: le crowdfunding. Cette pratique peut alors être assimilée
tant à une ressource « de substitution » quant aux outils traditionnels de financement qu’à une
ressource « complémentaire » à ces derniers grâce aux signaux de crédibilité du projet qu’elle
est en mesure de renvoyer comme expliqué précédemment.
1.2.2. La foule
Il est également important de préciser que pour un porteur de projet, il ne suffit pas de
s’inscrire sur une plateforme de crowdfunding pour que son projet y apparaisse. En effet, parmi
plusieurs projets candidats, les plateformes choisiront non seulement ceux qui sont les plus
innovants, originaux ou créatifs (Mipise, 2015) mais aussi ceux dont les ambitions s’alignent
2
La definition complète du crowdfunding qu’ils proposent est la suivante: “an open call, essentially through the
Internet, for the provision of financial resources either in form of donation or in exchange for some form of
reward and/or voting rights in order to support initiatives for specific purposes.”
13
correctement avec le montant demandé par le porteur (Bessière & Stéphany, 2017), et
également ceux détenant les potentiels de réussite et de rentabilité les plus élevés. La raison de
cette sélection est simple. Lorsqu’un projet réussi à récolter le montant désiré de sa campagne,
la plateforme percevra ce que nous appelons un « success fee » qui est un pourcentage du
montant levé, avoisinant généralement les 5-6% de la somme totale récoltée, et variant en
fonction des différents business models établis par les différentes plateformes.
Cette sélection s’explique également par le caractère concurrentiel existant entre toutes
les plateformes sur le marché du crowdfunding leur imposant de présenter leur taux de réussite
de campagnes. Un faible taux de succès aura alors tendance à décourager un porteur cherchant
une plateforme en particulier afin de faire financer son projet, alors qu’une plateforme ayant un
taux de réussite de campagnes élevé est attrayante tant pour les investisseurs potentiels que pour
les entrepreneurs. D’une part, l’investisseur veut s’assurer que son argent permettra bel et bien
de financer la campagne qu’il aura sélectionnée, et qu’il recevra ainsi la contrepartie qui lui est
due. D’autre part, l’entrepreneur aura tendance à se tourner vers une plateforme dont le taux de
réussite est élevé pour s’assurer que son projet soit financé.
Cela explique également la raison pour laquelle les plateformes procèdent au coaching
des projets qu’elles hébergent. Une politique de communication efficace lors d’une campagne
de crowdfunding permettra non seulement aux projets d’atteindre plus facilement leurs
objectifs financiers, augmentant ainsi le taux de réussite de leur plateforme, mais également
aux plateformes d’obtenir une meilleure visibilité et notoriété sur les réseaux sociaux (Boyer et
al., 2016). Cette notion fut également développée par Ricordeau en 2013, et reprise par Bessière
et Stéphany (2017) :
« C’est un véritable cercle vertueux qui lie les plateformes et les créateurs. Grâce à leur
travail de sélection et de valorisation des contenus, les plateformes gagnent en visibilité
et en audience qui se répercutent en contributions sur les projets. En réalisant le travail
nécessaire de médiatisation de leurs collectes, les créateurs attirent un public de plus
en plus nombreux sur les plateformes, ce qui profitera à l’ensemble des projets en
ligne » (Bessière & Stéphany, 2017, p.34-35).
14
1.2.4. Fonctionnement
(1) La première étape consiste pour le porteur de projet à émettre un appel ouvert, le
fameux « open call », sur la plateforme en ligne. Il s’agit d’une phase de communication basée
sur des échanges entre les personnes composant la foule d’une part et le chercheur de fonds
d’autre part (Bessière & Stephany, 2017). Lorsqu’il émet son appel sur une plateforme, il doit
systématiquement indiquer au préalable le montant d’argent qu’il souhaite lever. Nous
appellerons ce montant le « montant objectif ». Ce montant permettra au porteur de réaliser les
différents objectifs relatifs à son projet. Un descriptif de l’utilisation de cet argent, lorsqu’il sera
récolté, doit généralement figurer dans la description du projet présente sur la plateforme en
15
ligne afin de réduire au maximum les asymétries d’informations pouvant exister entre le porteur
de projet et la foule de contributeurs (Mollick, 2014).
(2) La seconde étape correspond à celle de l’envoi des fonds, par les personnes ayant
été conquises par le projet, vers le porteur de projet. Ces fonds sont d’abord versés sur la
plateforme en ligne. Généralement, le chercheur de fonds y aura accès seulement une fois qu’il
aura réussi à récolter la somme d’argent qu’il avait prédéfini sur la plateforme. Si en revanche
ce dernier ne parvient pas à récolter le montant objectif, alors il ne recevra aucune des
contributions de la foule, qui sera par conséquent remboursée de son investissement initial. Il
s’agit ici de la forme de collecte basée sur le principe du « tout ou rien » (« all or nothing » en
anglais) comme définie par Cumming, Leboeuf et Schwienbacher (2015). Néanmoins, il existe
également certaines collectes de fonds basées sur le principe du « tout est pris » (« keep it all »
en anglais). Dans ce cas de figure, le porteur est autorisé à conserver tous les fonds recueillis,
même si le montant objectif de la campagne n’est pas atteint.
(3) Enfin, la dernière étape est celle durant laquelle le chercheur de fond ayant réussi à
récolter le montant objectif fixé en amont de la campagne va remercier la foule de l’avoir aidé
à financer son projet. Pour se faire, le chercheur de fonds offrira une contrepartie à chacun des
investisseurs ayant contribué à son projet.
16
2.1. De la contrepartie
Une première manière d’établir une classification des différents types de crowdfunding
est de les distinguer en fonction des types de contreparties que recevront les investisseurs de la
part du chercheur de fonds, après avoir atteint le montant objectif de sa campagne. Comme
expliqué par Kirby et Worner (2014), nous pouvons classer ces différents types de
crowdfunding en deux grands familles : le crowdfunding « communautaire » ou « non-
financier », et le crowdfunding « financier ». Chacune de ces deux familles regroupe deux types
de crowdfunding différents. Par conséquent, nous retrouvons les quatre modèles suivants : le
crowdfunding sous forme de don, le crowdfunding sous forme de récompense, le crowdfunding
sous forme de participation en capital, et enfin le crowdfunding sous forme de prêt. Cette
classification est résumée sur la figure 2 ci-dessous.
Figure 2: Les différentes formes de crowdfunding selon la contrepartie obtenue par l'investisseur
Source: Kirby, E., & Worner, S. (2014). Crowd-funding: An infant industry growing fast. IOSCO
Research Department.
17
Cette pratique est probablement la plus ancienne mais aussi la plus simple de toutes les
formes de crowdfunding. Ici, les personnes investissant dans un projet n’attendent rien en
retour, aucune récompense. Les investisseurs contribuent financièrement au projet du chercheur
de fonds pour la simple et bonne raison que le projet leur tient à cœur. Il va de soi que les
montants récoltés grâce aux dons sont nettement inférieurs que dans les autres formes de
crowdfunding. Selon Boyer & al. (2016), ce modèle est surtout utilisé pour financer des causes
bien précises telles que: les organisations à but non lucratif comme des associations caritatives
ou des partis politiques ; les personnes dans le besoin comme par exemple quelqu’un ayant du
mal à payer ses factures ; ou encore pour financer des événements privés comme un
anniversaire par exemple. En guise d’exemple, nous pouvons citer « Les Restos du Cœur », à
Paris, qui ont eu recours au crowdfunding sous forme de don afin de rénover leur centre
d’hébergement d’urgence, « La péniche du cœur », dont les normes en terme de sécurité et de
conditions d’accueil ne seront plus respectées en 2021 (Les restos du cœur, 2019).
Il s’agit de la forme la plus connue du grand public des financements participatifs. Elle
est le plus souvent employée dans le but de financer des projets culturels ou entrepreneuriaux
(Bessière & Stéphany, 2017). Dans le cadre du crowdfunding sous forme de récompense,
l’investisseur prend part au projet de l’entrepreneur dans le but de recevoir, une fois le montant
objectif atteint, une contrepartie non financière de la part du chercheur de fonds. Étant donné
que chacun n’investit pas le même montant dans une campagne, il est normal que chacun ne
reçoive pas le même type de contrepartie. Il est donc primordial pour le porteur de projet de
définir une gamme relativement large de récompenses à offrir aux investisseurs. Ces
récompenses prennent alors différentes formes. Elles peuvent aller d’un simple remerciement
jusqu’au produit fini faisant l’objet de la campagne de crowdfunfing, parfois même
personnalisé, en passant par de simples accessoires aux couleurs de l’entreprise chercheuse de
fonds. Lorsque le montant initial investi par un contributeur lui permet d’obtenir, en guise de
récompense, le produit fini, Onnée et Renault (2014), Hemer (2011) ainsi que d’autres auteurs
parlent de « crowdfunding basé sur le préachat ». Parmi les plateformes de crowdfunding
utilisant ce modèle, les plus connues sont KissKissBankBank, Ulule, Kickstarter ou encore
Indiegogo.
18
Il existe différents avantages à cette pratique. Le plus évident est que l’entrepreneur ne
devra pas rembourser financièrement chacun des investisseurs en cas de succès de sa campagne.
Ensuite, ce type de crowdfunding permet d’établir une première base de clients potentiels avant
même d’avoir commencé à commercialiser le produit en question. Comme le disent Germon et
Maalaoui (2015), pour les chercheurs de fonds, le crowdfunding s’apparente à un « vecteur
marketing de leur projet entrepreneurial faisant de l’investisseur d’aujourd’hui le client de
demain ». Il représente dès lors une opportunité pour lui de tester son produit ou service. S’il
arrive à convaincre suffisamment de personnes d’investir dans sa campagne de crowdfunding,
c’est que son idée plaît, qu’une demande existe. Une campagne de crowdfunding réussie
représente dès lors une preuve auprès d’autres futurs investisseurs potentiels que la demande
est réelle et qu’il est donc moins risqué d’y investir de l’argent (Valanciene & Jegeleviciute,
2013). Cependant, il faut garder à l’esprit que chaque récompense devra être produite et livrée
à chaque investisseur, ce qui engendre nécessairement des coûts supplémentaires pour
l’entreprise.
3
« "Boni de liquidation" est une expression par laquelle on désigne les sommes que se partagent les associés
d'une société dissoute, après que les actifs aient été réalisés, que les créanciers et le personnel aient été payés et
que les apports aient été repris. Le "boni" représente les bénéfices qui n'ont pas été distribués au cours de la vie
de l'entreprise. » (Dictionnaire du droit privé, s.d.)
19
Un avantage majeur pour l’entreprise ayant recours à ce type de financement est que
l’investisseur va alors généralement lui fournir un accompagnement en mettant son expertise
au service de celle-ci. D’autre part, il existe de nombreux avantages pour l’investisseur. Parmi
ceux-ci nous pouvons citer le fait qu’il peut à tout moment décider de vendre les parts qu’il
détient et ainsi obtenir un retour sur investissement plus ou moins conséquent en fonction du
montant investi lors de la campagne. Bien que l’aspect financier puisse être un facteur
déterminant pour l’investisseur dans le choix du modèle de crowdfunding dans lequel il va
s’investir, un autre facteur est également le fait qu’il puisse être attiré par l’aventure
entrepreneuriale que représente un tel projet. De plus, afin de réduire les risques de non-
profitabilité de son investissement, l’investisseur prendra souvent part au projet en mettant ses
connaissances et son savoir-faire au profit du projet.
L’un des avantages majeurs du crowdlending est qu’il permet aux investisseurs non
seulement de prendre part dans un projet qui leur tient à cœur, mais également de placer leur
argent comme ils le feraient dans une banque, mais à des taux plus avantageux. En effet, les
taux d’intérêt proposés par les plateformes de crowdlending peuvent s’élever jusqu’à 10% du
montant investi, contrairement aux banques qui proposent des taux dépassant rarement les 2%.
20
C’est d’ailleurs le type de crowdfunding qui a connu la plus forte croissance concernant
les fonds collectés en 2018 avec un taux de croissance de 40% comparé à 2017, alors que les
fonds récoltés dans les crowdfunding sous forme de don (avec et sans récompense confondus)
et sous forme d’investissement en capital ont connu des décroissances respectives de -2% et -
19%. Déjà en 2017, le crowdlending détenait 85% des parts de marchés du crowdfunding
financier, face à 15% de parts de marché pour le crowdequity (Bolero Crowdfunding, 2019).
Cette partie vise également à établir une classification des types de projets susceptibles
d’être financés au moyen d’une campagne de financement participatif. Bien que nous puissions
différencier les types de crowdfunding par les récompenses obtenues par la foule en cas de
succès, une autre manière de les différencier consiste à identifier le profil du chercheur de fonds.
21
2.2.1. Le particulier
Le particulier est défini comme étant indépendant et solitaire, il porte ainsi son projet
seul. Il est susceptible de présenter deux types de projets différents :
- le premier est le financement d’un projet personnel. Ce type de projet est généralement
associé au crowdlending, ou crowdfunding sous forme de prêt ;
- le second est le financement d’un évènement dont les types de plateformes associées
sont généralement les plateformes de crowdfunding sous forme de don.
2.2.2. L’association
- tout d’abord il y a le financement de projets réguliers tels que des festivals avec des
contreparties matérielles. Les types de plateformes associées sont par conséquent les
plateformes de crowdfunding sous forme de récompense ;
- ensuite, le second type de projet susceptible d’être présenté par une association est le
projet visant à aider financièrement des entrepreneurs. Dans ce cas, l’association se
tournera plutôt vers des plateformes de crowdlending ;
- enfin, le dernier type de projet généralement proposé par les associations sont des
événements éphémères telles que des opérations humanitaires. Ici, les associations se
tourneront vers des plateformes de crowdfunding sous forme de don.
22
2.2.3. L’entrepreneur
Enfin, le dernier type d’acteur nous permettant d’effectuer une classification est
l’entrepreneur, le projet innovant, prédisposé à connaitre une potentielle croissance. L’objectif
de ce dernier acteur est celui de véritablement créer une entreprise, et s’inscrit dans une logique
entrepreneuriale. Ici encore, nous pouvons retrouver deux types de projets de natures
différentes :
Comme expliqué par le livre de Bessière et Stephany (2017), « les projets financés sont
particulièrement diversifiés ». Nous ne pourrons par conséquent pas présenter tous les
domaines dans lesquels il est possible de rencontrer des campagnes de crowdfunding étant
donné l’ampleur de la tâche à laquelle cela correspondrait. Cependant, afin de se rendre compte
de cette diversité, nous présenterons dans la Table 1 ci-après les différentes catégories
proposées par différentes plateformes. Pour cela, nous avons choisi une plateforme relativement
réputée pour chaque type de crowdfunding :
Nous constatons alors qu’il existe bel et bien une multitude de domaines auxquels
s’applique le crowdfunding. Certains domaines tels que l’environnement, l’alimentation ou la
23
culture apparaissent même dans plusieurs types de crowdfunding différents, tandis que d’autres
secteurs tels que l’immobilier sont propres à un seul type de crowdfunding, ici le crowdequity.
C’est également le cas pour les plateformes telles que Homunity ou Raizers qui, elles, proposent
du crowdequity uniquement pour le secteur de l’immobilier.
L’objectif de ce second chapitre est de décrire les éléments fournis par la littérature nous
permettant de comprendre les enjeux d’une campagne de crowdfunding. Ainsi, nous avons
relevé différents éléments à considérer par les porteurs de projet afin de mener au mieux leur
campagne, d’atteindre le plus de contributeurs possible, et ainsi parvenir à récolter le montant
objectif de cette dernière. Nous verrons dans ce chapitre l’importance capitale de la
présentation du projet ainsi que le rôle central qu’occupent la communication et les réseaux
sociaux tant dans la préparation du dossier que lorsque le projet est déposé sur une plateforme.
1. La présentation du projet
Lorsque le premier Macintosh fut lancé par Apple en 1984, l’entreprise au logo
aujourd’hui mondialement connu fut très surprise de ne pas réussir à vendre son produit.
Conreaux (2014) nous explique que la raison de cet échec est liée au fait que les différentes
caractéristiques de ses potentiels acheteurs, ainsi que le changement radical « imposé » à ces
derniers en raison de l’apparition de ce nouvel ordinateur aux fonctionnalités révolutionnaires,
n’avaient pas été préalablement pris en compte par la firme. Bien que le potentiel de succès du
tout premier Macintosh était considérable étant donné le succès que connait Apple aujourd’hui,
le lancement de ce dernier fut un échec total. Nous comprenons alors deux aspects à considérer
lors de la préparation d’une campagne de crowdfunding. Ces aspects sont d’ailleurs valables
pour tout type de campagne marketing. Le premier consiste à dire qu’il ne suffit pas de disposer
d’un bon projet pour réussir à convaincre le public de s’y intéresser. Le second relate de
l’importance d’accorder une attention particulière à la manière dont est transmis ce projet aux
potentiels investisseurs. Conreaux (2014) affirme alors que « l’objectif n’est pas de bien parler,
mais de bien être entendu » et que pour cela, « il faut adapter le discours à son public » en se
mettant à sa place. Pour se mettre à la place de son public, la première étape consiste donc à
l’identifier.
Il est important de garder à l’esprit que le public touché ne sera pas le même selon la
plateforme choisie par le porteur de projet, et également selon la nature de celui-ci. Les
investisseurs sur les plateformes de crowdfunding « financier » (crowdequity et crowdlending)
ne s’attendent pas au même type de discours que ceux sur les plateformes de crowdfunding
« communautaire ». Dans le cadre d’un projet s’inscrivant dans le crowdfunding
communautaire, il est attendu du porteur de s’adresser à sa communauté de sorte à se rapprocher
de celle-ci, la présentation pouvant alors s’effectuer sous forme de story-telling. Lorsqu’il
s’agit de crowdfunding financier, le porteur s’adressera à sa communauté de manière beaucoup
plus formelle étant donné les enjeux financiers importants résidant dans ce type de campagnes.
Conreaux (2014) explique même que dans ce dernier cas, le porteur de projet doit s’adresser à
sa communauté avec un discours similaire à celui pouvant être tenu face à un acteur financier
traditionnel tel qu’un business angel ou un banquier.
26
La manière dont sont présentés les différents contenus présents sur la page de
présentation d’un projet est capitale afin de permettre au contributeur potentiel de faire son
choix d’investissement. Cette page doit ainsi être structurée de manière stratégique pour ne pas
perdre le lecteur en cours de route et s’assurer qu’il aura emmagasiné toutes les bonnes
informations. Les écrits de Simon Sinek (2009) nous permettent d’en apprendre davantage sur
la manière de présenter une idée de façon inspirante. Dans son livre “ Start with why : How
great leaders inspire everyone to take action ” (2009), Sinek étudie de nombreux discours très
populaires et connus pour avoir réussi à inspirer les foules. Parmi ceux-ci, nous retrouvons ceux
de Dr. Martin Luther King Jr., de John F. Kennedy, ou encore de Steve Jobs. Sinek explique
que dans chacun de ces discours, le même schéma semblait ressortir systématiquement : celui
du cercle d’or (voir figure 4 ci-dessous).
Source: Sinek, S. (2009). Start with why: How great. leaders inspire everyone to take action.
Le cercle d’or décrit la manière dont un discours impactant est structuré. Celui-ci se
décompose en trois parties qui se succèdent : le « Pourquoi ? », le « Comment ? » et le
« Quoi ? ». Sinek décrit alors ces trois parties en partant du dernier cercle, celui du « Quoi ? »
afin de comprendre au mieux ce que chacun des trois cercles apporte à un discours efficace.
Le « Comment ? » quant à lui cherche à montrer quels sont les moyens mis en œuvre
pour parvenir à obtenir le « Quoi ? ». Il est en effet nécessaire de présenter la manière dont
l’équipe porteuse de projet compte s’y prendre et le rôle de chacun dans la gestion du projet.
Enfin, l’objectif du « Pourquoi ? » est de présenter les différentes raisons qui ont poussé
le porteur à fonder son projet. Il ne s’agit pas ici d’expliquer que la raison qui pousse le porteur
à mener cette campagne est de gagner de l’argent grâce à la vente de son produit, l’argent étant
une conséquence et non une raison (Sinek, 2009). Il s’agit en revanche d’exposer la raison pour
laquelle son projet doit voir le jour, pourquoi la foule devrait s’intéresser à celui-ci et quels sont
les éléments qui ont amené le porteur à avoir son idée (Conreaux, 2014). Des trois questions
présentées (Quoi ?, Comment ?, Pourquoi ?), c’est à celle-ci qu’il est le plus difficile de
répondre.
Il est important pour un porteur de projet de garder à l’esprit que l’enjeux majeur de sa
campagne est de réussir à convaincre la foule de la pertinence de son projet. La relation qu’il
construira avec elle est donc primordiale. Comme le rappelle Conreaux (2014), à travers sa
campagne, le porteur s’adresse à des hommes et des femmes qui ne résonnent pas forcément
comme le ferait un investisseur classique. Il décrit alors l’importance d’humaniser son discours
28
de présentation, de le rendre vivant, afin notamment de créer une réelle identité au projet, de se
démarquer, ou de permettre au lecteur de le retenir plus facilement.
1.3.1. Le story-telling
Conreaux (2014) évoque dès lors l’importance de structurer la présentation de son projet
sous forme d’histoire. Nous parlons alors de storytelling, un outil très utilisé dans les campagnes
marketing de tout type afin de captiver son audience tout en influant sur ses croyances (Berut,
2010). En effet, de nombreuses recherches ont prouvé que le storytelling pouvait avoir une forte
influence sur la prise de décision d’investissement chez les acteurs financiers traditionnels tels
que les business angels ou les investisseurs institutionnels (Pollack, Rutherford, & Nagy, 2012 ;
Martens, Jennings ,& Jennings, 2007). Il est d’autant plus important de structurer sa
présentation sous forme de récit dans le contexte du crowdfunding étant donné le caractère
« naissant » des différents projets (Allison, McKenny & Short, 2013). C’est en racontant
l’histoire qui l’a mené à construire son projet que le porteur répondra à la question
« pourquoi ? » essentielle dans la structuration efficace de sa présentation. C’est du moins ce
qu’affirme Conreaux (2014) : « Lorsque nous choisissons, plus que d’acheter un bien, nous
achetons son « pourquoi », et la meilleure manière de le transmettre est de raconter une
histoire ». Décrire son projet sous forme de récit permet ainsi au porteur d’induire une certaine
interprétation tant de la nature que du potentiel de son idée auprès des potentiels investisseurs
(Lounsbury & Glynn, 2001), les conduisant ainsi à prendre leur décision de contribuer ou non
dans le projet (Martens & al., 2007). Dès lors, nous comprenons que le storytelling est un outil
essentiel dans la construction de la description d’un projet en vue d’obtenir des financements.
Cependant, toutes les histoires ne sont pas nécessairement bien racontées. Il ne suffit
pas de raconter une histoire pour réussir à convaincre le lecteur. Il est en effet important de
raconter son histoire de manière pertinente, tout en allant dans le sens des valeurs de son
audience préalablement identifiée afin d’induire chez elle une meilleure interprétation du projet
(Lounsbury & Glynn, 2001). Pour cela, Conreaux présente les 6 critères établis par Seth Godin
(2006) permettant de construire au mieux une histoire dans le cadre du storytelling. Ainsi, une
bonne histoire raconte des choses vraies, communique une promesse, est probable, fait appel
aux sens, ne s’adresse pas à tout le monde, et est en accord avec les valeurs de son audience.
Prendre en compte ces différents critères lors de la construction de la présentation d’un projet
29
est par conséquent primordial. Une importance toute particulière doit être accordée à
l’authenticité des récits (Wuillaume, 2017).
Il apparait également que le ton employé dans le discours narratif a un impact différent
selon le type de crowdfunding utilisé par un projet. En effet, étant donné que les investisseurs
dans le cadre du crowdfunding communautaire ne reçoivent aucune contrepartie financière, ces
derniers sont alors beaucoup plus sensibles aux dimensions émotionnelles rattachées à un projet
(Fisher, Kuratko, Bloodgood, & Hornsby, 2017). Les travaux d’Amélie Wuillaume (2017)
montrent que les investisseurs dans le cadre du crowdfunding communautaire (don pur et don
avec récompense) accordent moins d’importance aux aspects économiques des projets
contrairement aux investisseurs dans le cadre du crowdfunding financier (crowdequity et
crowdlending). Dès lors, l’emploi d’un langage émotionnel dans le récit décrivant un projet
aura un impact fortement positif sur les chances de succès d’une campagne s’insérant dans le
cadre du crowdfunding communautaire. En revanche, lorsqu’il s’agit de projets utilisant le
crowdfunding financier, l’emploi d’un langage plus cognitif est alors recommandé (Wuillaume,
2017). Employer un ton plus émotionnel a dès lors une forte influence sur les probabilités de
succès d’une campagne de crowdfunding basé sur le don ou sur la récompense. Il en va de
même pour les aspects liés au sentiment d’appartenance à une communauté (Wuillaume, 2017).
Il est alors important d’employer le ton émotionnel avec précaution afin de ne pas susciter chez
le lecteur une impression de manque d’authenticité provoqué par un appel abusif aux émotions
de celui-ci (Wuillaume, 2017).
L’objectif de cette vidéo est multiple. Tout d’abord, elle permet de faire passer des
émotions à travers les images présentées mais également à travers la manière dont elles sont
disposées, la musique de fond utilisée, le ton avec lequel l’entrepreneur s’adressera aux
personnes visionnant la vidéo. En d’autres termes, elle permet de mobiliser les sens de celui ou
celle qui la regarde, tout en lui permettant de répondre au « pourquoi ?» du projet. De plus, elle
a pour but de présenter le projet de manière générale et brève. L’objectif n’est alors pas de
présenter tous les détails du projet, mais d’en apporter une vision globale de manière
accrocheuse. Plus la vidéo donnera une vision attrayante au projet, et plus l’internaute sera tenté
de découvrir dans la suite de la présentation les détails de ce dernier. En d’autres termes, elle
doit être présentée comme une bande-annonce du projet, incitant celui qui la visionne à aller
découvrir le projet dans son entièreté (Conreaux, 2014). Elle facilite également la création de
la confiance entre le porteur et les internautes en leur permettant d’assimiler un visage au projet,
celui du porteur de projet.
Boyer et al. (2016) citent les différents éléments devant se retrouver dans une vidéo de
présentation de projet. Leur premier conseil est d’employer un langage accessible à tous et
permettant à n’importe qui de comprendre l’histoire qui lui est racontée. Ensuite, ils évoquent
l’importance d’inclure dans la vidéo des éléments nouveaux, innovants, se distinguant des
autres présentations de projet. Procéder en amont à un benchmarking4 des autres projets exposés
sur la plateforme est dès lors judicieux. Cela permettra au porteur de projet d’avoir non
seulement un aperçu du type de vidéos qui fonctionnent à travers les projets ayant connu un
succès, mais également de se différencier de ces derniers en y apportant quelque chose de
nouveau. Enfin, ils conseillent également de ne pas réaliser une vidéo dont la durée dépasse les
trois minutes afin de ne pas perdre l’internaute.
Lorsque ce dernier aura terminé de visionner la vidéo, si cette dernière lui a plus, les
chances pour qu’il s’oriente vers la lecture du corps de texte de la page de présentation sont
relativement fortes. Il est alors conseillé d’apporter dans ce dernier des précisions quant aux
différents éléments présentés dans la vidéo, le tout agrémenté d’images, d’exemples, de
métaphores pouvant apporter une plus-value au projet (Conreaux, 2014). Il est également
primordial d’y présenter les différentes contreparties, financières ou non, auxquelles les
4
Le benchmarking est une pratique utilisée généralement en marketing qui consiste à évaluer les différentes
pratiques de gestion et d’organisation d’autres firmes, souvent concurrentes, dans le but de s’en inspirer
(L’internaute, s.d.)
31
Tout d’abord, il est primordial pour un porteur de projet d’identifier son audience, à qui
il va s’adresser. De nombreux auteurs tels que Bessière et Stéphany (2017), Onnée et Renault
(2014), Agrawal et al. (2011), ou encore Hemer (2011), s’accordent à dire que l’audience d’un
porteur de projet peut être décomposée en trois « cercles communautaires » représentés sur la
figure 5. Il est dès lors essentiel d’identifier chacun de ces cercles et d’y adresser la
communication adéquate. Pour Hemer (2011) et Agrawal & al. (2010), le processus de collecte
d’argent durant une campagne de crowdfunding est associé à une procédure d’accumulation
qui se décompose en trois étapes. Chacune de ces étapes est alors associée à l’un des trois
cercles communautaires.
Figure 5: Les cercles communautaires
Le premier cercle est celui des proches du porteur de projet, c’est-à-dire sa famille et
ses amis. Il est plus communément appelé « cercle des 3F », soit « friends, family and founder »
33
comme mentionné précédemment. Nous pouvons également le retrouver dans la littérature sous
le nom de « love money ». Généralement, les études ayant déjà été menées considèrent que les
amis Facebook du porteur de projet font partie de cette première catégorie de cibles vers
laquelle le porteur va devoir axer sa politique de communication5. De par les relations que ses
membres entretiennent avec le porteur, ce cercle est sensé déjà connaître le projet avant même
qu’il n’apparaisse sur la plateforme. De plus, ils accordent déjà une certaine confiance envers
le porteur car ils le connaissent personnellement. C’est donc ce premier cercle d’individus que
le porteur de projet va devoir mobiliser.
Enfin, le troisième cercle est composé d’inconnus, d’acteurs divers n’ayant aucun lien
avec le porteur de projet. Il s’agit du « grand public » (Bessière & Stephany, 2017). Il arrive
que les porteurs de projets parviennent à récolter le montant objectif de leur campagne en ne
mobilisant que les deux premiers cercles. Néanmoins, réussir à atteindre le grand public qui n’a
personnellement aucun lien direct ou indirect avec le porteur de projet reste l’enjeux majeur
d’une campagne de crowdfunding. Pour parvenir à atteindre ce cercle, différents facteurs sont
présentés dans la littérature. Tout d’abord, de nombreuses plateformes décident de présenter
certains projets sur la page principale de leur site web dans le but de provoquer une dynamique
de financement. Les projets mis en avant sont généralement ceux ayant déjà réussi à récolter
un certain montant d’argent et qui sont donc fortement susceptibles de connaitre un succès.
Dans certains cas, les projets présentés d’entrée de jeu par les plateformes peuvent également
être des projets n’ayant pas encore reçu beaucoup de financement mais qui plaisent
particulièrement aux gestionnaires de la plateforme. Parvenir à toucher les deux premiers
cercles est primordial afin de donner de la visibilité au projet de par les montants déjà récoltés.
5
C’est notamment ce qu’a fait Ethan Mollick en 2014 dans son étude « The dynamics of crowdfunding : an
exploratory study ». Il s’agit d’une étude dans laquelle sont étudiés différents facteurs de succès d’une campagne
de crowdfunding basée sur le modèle de récompense et de don pur. Dans son étude, E. Mollick a choisi
différentes variables d’intérêt. Parmi elles : la taille du réseau social du porteur de projet. Afin de mesurer cette
dernière, il a alors considéré le nombre d’amis Facebook que détenait le porteur de projet lors de sa campagne.
34
Un projet ayant une première base de financement relativement élevée aura dès lors plus de
chances de se retrouver présenté sur la page d’accueil de la plateforme hébergeant le projet.
Dès lors, Bessière et Stéphany (2017) parlent de l’importance que joue la notoriété de la
plateforme et ainsi de l’importance qui réside pour le porteur dans le choix de la plateforme qui
hébergera son projet. Apparaitre sur la page d’accueil d’une plateforme réputée constitue dès
lors un avantage considérable en terme de visibilité, permettant ainsi au projet d’être connu des
inconnus, augmentant ainsi la taille du troisième cercle. Un autre moyen pour le porteur
d’atteindre ce dernier cercle est de parvenir à mobiliser les médias, la presse, etc. afin
d’augmenter la popularité du projet. En revanche, pour que les médias s’intéressent à un projet,
celui-ci se doit d’être hautement qualitatif, la qualité ou qualité perçue d’un projet ayant un
grand impact sur les probabilités de succès de celui-ci (Mollick, 2014). Nous aborderons
l’importance capitale que représente la qualité perçue d’un projet dans la probabilité de succès
d’une campagne de crowdfunding dans le chapitre 3 de cette revue de littérature.
Étant donné la capacité de diffusion énorme provoquée par les réseaux sociaux, nous
comprenons le rôle crucial joué par ces derniers afin d’atteindre le plus de personnes possible
lors d’une campagne de financement participatif. Pour qu’un projet soit le plus rentable qui soit,
le porteur doit parvenir à créer la plus large communauté possible. Une présence accrue sur les
réseaux sociaux est dès lors indispensable afin de relayer des informations importantes et
augmenter ainsi la visibilité et la notoriété du projet (Mitra, Gilbert, 2014; Mollick, 2014). Si
chaque individu prenant part au projet décide de partager ce dernier sur ses réseaux sociaux, la
taille de la communauté est alors susceptible d’augmenter de façon exponentielle grâce à un
effet « boule de neige » (Tarteret, 2014).
Vincent Dutot (2014) définit alors trois étapes clés à considérer dans la stratégie de
communication lors d’une campagne de crowdfunding : la première est celle de la préparation
de la communication, suivie de la relance pour enfin se concentrer sur la communication à
opérer en fin de collecte.
a) La préparation
Cette première étape vise à atteindre le plus de personnes possible faisant partie du
premier cercle communautaire du porteur de projet avant même que le projet ne soit présenté
sur la plateforme, afin de créer une large communauté de personnes adhérant au projet et
susceptibles de le diffuser, en amont de la campagne. Pour cela, une première stratégie à opérer
est celle de la promotion sur les réseaux sociaux (voir infra). Seulement, Dutot (2014) explique
que cette étape de préparation ne doit pas s’opérer uniquement en ligne car les potentiels
investisseurs ne se trouvent pas uniquement sur internet. En effet, il arrive que des investisseurs
ne connaissent pas l’existence de cette nouvelle méthode de financement qu’est le
crowdfunding. C’est pourquoi Dutot (2014) conseille d’organiser un ou plusieurs événements
(un cocktail par exemple) avant le début de la collecte afin de présenter le projet et de prévenir
du lancement à venir de la collecte de fonds. Durant ces événements, l’objectif principal est
d’amener les potentiels investisseurs à se diriger vers la plateforme qui hébergera le projet afin
qu’ils soient tous présents lors du lancement officiel de la collecte. Il précise également qu’un
facteur augmentant les chances de parvenir à un tel résultat est de parler, lors de ces événements,
des différentes contreparties proposées.
b) La relance
financement. Il donne ainsi des exemples d’outils à mobiliser tant en ligne que hors ligne.
Concernant les outils en ligne, l’e-mailing ainsi que les réseaux sociaux se révèlent être les deux
outils les plus performants, alors que parmi les outils « hors lignes » ce sont les relances
téléphoniques qui sont décrites comme étant les plus efficaces afin de recréer un certain intérêt
pour le projet en question.
c) La fin de la collecte
Bien que la gestion du rythme de la communication soit essentielle, la forme que prendra
celle-ci joue également un rôle important. Cette communication envers la foule peut alors
prendre différentes déclinaisons que nous appellerons « mises à jour » . Un aspect essentiel lors
d’une campagne de crowdfunding est l’utilisation de ces dernières afin de communiquer
diverses informations à son public (Mitra, Gilbert, 2014 ; Kuppuswamy, Bayus, 2013). Les
auteurs Xu, Yang, Rao, Fu Huang et Bailey (2014) ont réalisé une classification des différents
types de mises à jour à utiliser lors d’une campagne de crowdfunding. Souvent, chacune d’entre
elles est associée à un moment précis de la campagne de financement. En effet, certaines
informations s’adressent parfois à un cercle communautaire en particulier plutôt qu’à un autre.
37
La première forme de mise à jour à réaliser est celle de la promotion sur les réseaux
sociaux. Il est conseillé d’effectuer ce type de mise à jour tout au long de la campagne mais à
un rythme différent selon le moment. En effet, il est judicieux pour un porteur de promouvoir
son projet sur les réseaux avec un rythme très soutenu en début de campagne et même avant
que celle-ci n’ait commencé afin de réussir à atteindre le plus d’individus composant son
premier cercle communautaire. Comme expliqué précédemment, c’est en mobilisant le réseau
du premier cercle communautaire que le porteur parviendra à atteindre le second cercle. Les
apports du premier cercle représentant généralement environ 30% du montant objectif désiré
(Bessière & Stéphany, 2017), il est dès lors primordial de passer cette barre des 30% de
financement le plus rapidement possible afin de commencer à atteindre les autres cercles au
plus vite (Burgot, 2014). Comme expliqué par O. Tarteret (2014), un faible nombre de
contributeurs ou un faible montant récolté a pour conséquence d’envoyer un signal négatif aux
potentiels contributeurs, diminuant ainsi la confiance qu’ils peuvent avoir envers le projet et in
fine les chances de succès de la campagne.
Atteindre le premier cercle sur les réseaux sociaux est donc le point de départ de la
dynamique qui va se créer autour du projet. Il va permettre de passer l’étape du syndrome du
« restaurant vide » n’attirant personne de par le fait que personne ne s’y soit installé (Onnée &
Renault, 2013). Une personne ne connaissant pas un projet aura plus de chance de le remarquer
si la jauge de financement a déjà commencé à augmenter et que donc d’autres personnes y ont
déjà investi. Les réseaux sociaux en tant qu’outil de promotion du projet occupent donc une
place prépondérante dans la politique de communication lors d’une campagne de
crowdfunding.
Un second type de mise à jour qu’il est important de communiquer pour un porteur est
celle concernant l’avancée de son projet. Il s’agit, selon Xu et al. (2014) du type de mise à jour
ayant la seconde plus forte influence sur les probabilités de succès d’une campagne. Un projet
dont l’avancée est décrite par le porteur témoigne ainsi du sérieux de ce dernier ainsi que de
son implication. Ensuite, un troisième groupe de mises à jour est celui du « contenu nouveau ».
Puis nous retrouvons les « mises à jour de rappel ». Les informations communiquées à travers
38
ces dernières concernent les différentes dates importantes de la campagne, notamment la date
de fin de collecte. Envoyer une piqûre de rappel concernant l’échéance de la campagne est un
signal fort ayant pour but de rappeler au potentiel investisseur que le projet existe, et de le
motiver à prendre part au projet au plus vite car une fois la date limite passée, il sera trop tard
pour prendre part dans un projet prometteur qui ne verra par conséquent peut être jamais le jour.
La cinquième forme de mise à jour concerne les interactions directes entre le porteur de projet
et les internautes. Il s’agit des « réponses aux questions ». Certains internautes, potentiels
investisseurs ou personnes ayant déjà investi, sont en mesure de poser des questions au porteur
concernant son projet. Ces questions peuvent être posées à travers différents outils tels que les
mails, les commentaires Facebook réagissant aux publications de promotion du projet, etc. Il
est dès lors important pour le porteur de veiller à répondre à un maximum de leurs
interrogations. Ainsi, cela évitera à d’autres internautes de se questionner sur certains aspects
du projet, mais cela permettra également de renforcer les liens entre le porteur et les
contributeurs. La sixième forme de mise à jour est celle dans laquelle le porteur de projet
informe la foule de l’existence d’une « nouvelle contrepartie ». Une telle information aura plus
d’impact si elle est transmise en fin de campagne, quelques jours avant la clôture de cette
dernière. En effet, une nouvelle récompense est susceptible d’intéresser de nouveaux
contributeurs n’ayant pas été séduits par les contreparties proposées avant l’annonce de celle-
ci. Elle est également susceptible d’intéresser les personnes ayant déjà investi un certain
montant dans le but d’obtenir l’une des récompenses préalablement exposées. Si la nouvelle
récompense lui plaît, il est probable qu’il investisse une somme supplémentaire, moins élevée
que ce qu’il aura déjà investi au préalable mais ajoutée à sa mise de départ, lui permettant
d’atteindre la nouvelle contrepartie annoncée. Enfin, la septième mise à jour à considérer est
celle des remerciements. Elle intervient tout au long de la campagne du porteur afin qu’il puisse
témoigner sa reconnaissance envers les personnes ayant déjà contribué au projet. Remercier les
contributeurs est un signal fort montrant aux personnes n’ayant pas encore décidé d’investir
dans son projet que ce dernier est soutenu par un certain nombre de personnes, incitant ainsi les
autres à participer à leur tour.
Lorsque les cibles ont été identifiées et que le rythme de la communication a été établi,
le troisième et dernier axe à considérer dans le cadre d’une stratégie de communication efficace
est celui des relais de communication, soit les supports que le porteur va utiliser pour diffuser
39
ses informations. Selon Bessière et Stéphany (2017), une stratégie de communication efficace
implique pour le porteur de projet d’utiliser différents supports afin de transmettre les
informations nécessaires. Parmi ces supports, nous retrouvons les différents réseaux sociaux à
forte influence tels que Twitter, Facebook, Linkedin, et YouTube mais également les
campagnes d’e-mailing ou les communiqués de presse. Dans le livre « Crowdfunding : Les clés
du financement participatif » (2014), Dutot a effectué une classification des supports les plus
répandus mais surtout les plus efficaces en terme de public touché et de coûts. Il précise
néanmoins qu’il est important pour le porteur de se servir d’une multitude de supports plutôt
que de se concentrer sur un seul d’entre eux. Ainsi, c’est en combinant de façon stratégique
l’utilisation des différents supports aux moments adéquats que la campagne de communication
sera la plus efficace.
Le premier relais de communication décrit par Dutot (2014) est celui des campagnes
d’emailing. Ce type de support permet essentiellement d’atteindre les membres des second et
troisième cercles communautaires. Afin de mener au mieux ces campagnes, quelques conseils
sont alors fournis. Tout d’abord, il s’agit pour le porteur de projet de s’assurer que la base de
données composée des différentes adresses mail est bien à jour. Ensuite, l’objet, le titre des
mails envoyés doit être choisi de manière judicieuse de façon à ce que le but commercial du
mail soit directement perçu pas son lecteur. Il indique ensuite qu’une attention particulière doit
être accordée à la structure du mail ainsi qu’au prorata d’images contenues dans le mail par
rapport au texte. Il s’agit ici de s’assurer que les mails envoyés ne soient pas directement dirigés
dans la catégorie « spam » des différentes boîtes mail6.
Ensuite, nous avons déjà évoqué l’importance des réseaux sociaux ainsi que le rythme
à accorder à leur utilisation dans la promotion d’un projet (voir Chapitre 2 - Section 1.2.2.).
Néanmoins, il est important pour le porteur d’avoir recours à différents réseaux sociaux au bon
moment, chacun ne permettant pas de répondre aux mêmes objectifs, d’atteindre les même
6
Typiquement, un mail contenant des images représentant au moins 60% du corps du message aura de grandes
probabilités de se retrouver redirigé dans les spams.
40
cibles. Nous présenterons dès lors les quatre réseaux sociaux les plus influents qu’il est
nécessaire d’utiliser dans une politique de communication lors d’une campagne de
crowdfunding : Twitter, Facebook, YouTube et Linkedin. Nous considérons également
qu’Instagram représente un outil de communication très efficace en 20197. Cependant, étant
donné le caractère récent de ce réseau social en comparaison avec Twitter, Facebook, YouTube
et Linkedin, très peu d’études ont pour le moment été menées quant à son utilisation lors de
campagnes de crowdfunding.
a) Twitter
b) Facebook
c) YouTube
Le troisième réseau social qu’il est judicieux d’utiliser à un rythme plus rare que les
deux premiers présentés est Youtube. Son utilisation se fera plutôt pour des événements
7
En 2019, Instagram compte près d’un milliard d’utilisateurs actifs (Tauzin, 2019).
41
d) Linkedin
Les derniers relais de la communication présentés par Dutot (2014) sont les support dits
« offline » puisqu’ils ne nécessitent pas l’utilisation d’internet pour être mobilisés. Les deux
supports offline qui apparaissent comme étant les plus efficaces et les plus abordables en terme
de coût sont le téléphone et la presse. Tandis que le téléphone est un bon moyen d’obtenir un
contact direct avec les potentiels investisseurs afin de leur présenter le projet, la presse va quant
à elle permettre de générer un certain engouement et de la notoriété autour de ce dernier.
3. Conclusion du chapitre 2
Ce chapitre nous a permis d’en apprendre davantage quant aux pratiques recommandées
par la littérature lors du déroulement d’une campagne de crowdfunding en général. Nous avons
ainsi abordé l’importance capitale de la présentation du projet sur la page qui lui est dédiée ainsi
que sa structure suivant un schéma « pourquoi – comment – quoi » , notamment à travers le
storytelling dont le ton variera alors en fonction du type de crowdfunding employé et de
42
l’audience préalablement identifiée. Nous avons vu que la présentation pouvait avoir un impact
d’autant plus fort sur l’internaute lorsque celle-ci comporte une vidéo prenant la forme d’une
bande-annonce aguicheuse du projet. Ensuite, nous avons étudié l’importance que détenait une
campagne de communication efficace dans le but d’atteindre le plus large public possible tout
en créant une vaste communauté adhérant au projet au moyen de trois axes à considérer que
sont les cibles, le rythme et enfin les relais de la communication.
Une autre approche que nous souhaitons aborder concernant les recommandations pour
mener une campagne de crowdfunding avec succès est de se concentrer sur la foule en elle-
même et sur les études qui ont été menées à propos de ses motivations à investir dans le
crowdfunding et plus particulièrement dans un projet qu’elle aura sélectionné. Nous estimons
que de telles études peuvent ainsi apporter une réelle plus-value quant à nos recherches visant
à identifier les incitants poussant la foule à investir dans un projet en particulier, et plus
précisément dans les projets ayant recours au crowdfunding sous forme de récompense. Le
chapitre 3 de cette revue de littérature abordera ainsi cette approche.
43
Chapitre 3 - La foule
Ayant posé les bases du cadre théorique concernant le crowdfunding ainsi que les
campagnes qui le composent, nous considérons qu’il est primordial d’étudier la foule et les
caractéristiques la définissant. Pour cela, nous rappellerons dans un premier temps qui sont les
individus qui la composent ainsi que le rôle qu’elle détient dans ce mode de financement.
Ensuite, nous tenterons d’éclaircir les motivations qui la poussent à prendre part au
crowdfunding pour finalement étudier son processus de décision quant à la sélection des projets
qu’elle soutiendra. Ces motivations feront largement appel aux différents éléments présentés
dans le chapitre 2. En effet, il s’agit ici d’étudier les différentes réactions du public quant aux
éléments qu’il est recommandé d’appliquer dans le cadre de la gestion d’une campagne de
crowdfunding.
1. Qui la compose ?
Nous avons déjà étudié les composantes de la foule à travers le spectre des trois cercles
communautaires. Une autre approche de classification a été établie en 2014 par Lin, Boh et
Goh. Dans leur étude, ces derniers la décomposent en quatre catégories d’individus distincts
sur base d’un échantillon de 2.000 projets regroupant un total de plus de 180.000 contributeurs
sur la plateforme Kickstarter.
La première catégorie est celle des « soutiens actifs » (« active backers »). Ce groupe
d’individus est défini comme investissant dans une multitude de projets. Le terme « actif » fait
dès lors référence à une présence accrue sur les plateformes de crowdfunding. Cette présence
se traduit par le fait qu’ils s’impliquent énormément sur les plateformes, investissent
généralement dans une multitude de projets de catégories variées, et écrivent un grand nombre
de commentaires sur les projets. Parmi les quatre catégories d’investisseurs, ils représentent la
plus petite part de l’échantillon étudié, soit 9,27%.
Le second type de profil défini est celui des « suiveurs de tendance » (« trends
followers »). Ces derniers représentent 23,62% de l’échantillon étudié et sont largement attirés
par les projets étant déjà soutenus par un grand nombre d’individus, diminuant ainsi le risque
lié à leur investissement.
44
Ensuite, la troisième catégorie qui ressort de leur étude est celle des « altruistes »
(« altruistic »). Ceux-ci, contrairement aux « suiveurs de tendance », sont définis comme étant
susceptibles de prendre des risques dans leur investissement en n’investissant pas forcément
dans des projets connaissant déjà une certaine popularité, et n’étant pas nécessairement attirés
par les récompenses. La proportion des « altruistes » ressortant de leur étude correspond à
12,28% des contributeurs.
Enfin, la dernière catégorie définie est celle de « la foule » (« crowd »). Les membres
de cette catégorie sont considérés comme étant une « masse indistincte » (54,83% de
l’échantillon étudié) dans laquelle il est difficile de présenter les caractéristiques
prépondérantes (Bessière & Stéphany, 2017).
Dans le crowdfunding, bien que l’un des intérêts majeurs à se tourner vers la foule est
d’obtenir des financements pour un projet, la littérature nous enseigne qu’il existe d’autres
raisons poussant les porteurs de projet à faire appel à un large public pour financer leur projet.
Comprendre le rôle global de la foule dans le cadre du crowdfunding nous permet ainsi de
mieux saisir les raisons pour lesquelles un porteur de projet aura tendance à se tourner vers une
telle méthode de financement.
2. Le rôle de la foule
Le rôle de la foule est multiple. Selon certains auteurs tels que Onnée et Renault (2014),
nous retrouvons les différents types d’apports non-financiers de la part de la foule dans le cadre
du crowdfunding en nous intéressant aux principes même de son ancêtre le crowdsourcing
défini en 2006 par James Howe (voir Chapitre 1 – section 1.1.1.). Selon lui, le crowdsourcing
s’articule en quatre grandes familles que sont le Crowd voting, le Crowd wisdom, le Crowd
creation et le Crowdfunding.
Le Crowd voting consiste pour une entreprise à se tourner vers la foule afin de connaître
son avis sur les différentes démarches à opérer dans le futur ou sur les différents éléments déjà
en place dans l’entreprise. D’autre part, le Crowd wisdom consiste à faire appel à la sagesse
ainsi qu’à l’intelligence de la foule. Enfin le Crowd creation consiste à faire appel au travail ou
à la création de la part de la foule (Howe, 2008). Dans le cadre du crowdfunding, des démarches
ressemblant fortement à celles opérées dans le cadre de démarches de Crowd voting ou de
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Crowd wisdom apparaissent. En effet, dans les limites du crowdfunding tel que nous l’avons
défini, les pages de présentation des projets détiennent un espace consacré aux commentaires
des internautes. Ces commentaires leur permettent ainsi de donner leur avis quant au projet. Il
peut s’agir alors de retours positifs tels que des messages d’encouragement ou informant de la
manière dont le projet est perçu (Bessière & Stéphany, 2017), ou encore de conseils concernant
certains aspects de la campagne de financement de la part de professionnels ou d’individus
« lambda ». Nous comprenons ainsi qu’au-delà de l’apport financier qu’elle génère, la foule est
également une ressource clé en termes d’accompagnement, de conseil. Certains contributeurs
tels que les « soutiens actifs » s’impliquent même dans certains projets au-delà de simples
commentaires laissés sur la page des projets. Ces contributeurs font généralement preuve de
réelle implication en termes d’apport d’expertise, se rapprochant alors du crowd creation.
Enfin, la foule permet de donner une certaine crédibilité à un projet. En effet, comme
expliqué par Mollick (2014), le crowdfunding peut être utilisé par des porteurs de projet afin
de démontrer qu’il existe une demande et par conséquent un marché pour leur produit. Si un
projet arrive à capter l’attention de suffisamment de contributeurs, c’est que la demande est
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réelle. La foule contribuant à une campagne représente dès lors un vecteur marketing (Germon
& Maalaoui, 2015) du potentiel d’un projet auprès d’autres potentiels investisseurs parfois plus
traditionnels.
Afin de mieux comprendre les aspects motivationnels poussant la foule à investir dans
un projet en particulier, il est approprié d’étudier en amont les facteurs l’incitant à se tourner
vers le crowdfunding de manière générale. Les différentes études menées dans le passé nous
ont permis d’identifier cinq grandes tendances entrainant la foule à investir dans le
crowdfunding. Ces cinq tendances sont reprises sur la figure ci-dessous.
Le premier élément motivant les foules à se tourner vers le crowdfunding est simplement
le fait qu’elles puissent éprouver une certaine curiosité pour ce nouveau mode de financement
(Bretschneider, Knaub, & Wieck, 2014). Il apparaît alors que les contributeurs sont
susceptibles d’investir dans le crowdfunding parce qu’ils sont véritablement curieux
d’apprendre les différentes pratiques d’investissement liés au financement participatif
47
(Schwienbacher & Larralde, 2010), mais également pour ne pas s’ennuyer (Bretschneider &
al., 2014).
Ensuite vient l’engagement. Le besoin d’aider les autres (Gerber et al. 2012), la
philantropie (Ryu & Kim, 2012), l’altruisme (Bretschneider et al., 2014) sont des valeurs
humaines poussant la foule à vouloir s’engager dans le financement de projet dans le but de
venir en aide. Ainsi, il apparaît souvent que certains acteurs se tournent vers le crowdfunding
dans le but de soutenir l’autre, le porteur de projet qui se lance (Gerber et al., 2012 ; Bessière
& Stéphany, 2017). Au-delà du besoin de soutenir une personne, le besoin de soutenir une cause
qui leur est chère, une mission sociétale importante (Onnée & Renault, 2014), fait également
partie des motivations de certains investisseurs. En effet, souvent les contributeurs s’identifient
personnellement dans un thème de projet, dans ses objectifs, les poussant ainsi à s’y engager
(Hemer, 2011). En plus de cette dimension philanthropique, il apparaît clairement que l’une des
raisons principales de l’attirance qu’a la foule envers le crowdfunding est l’envie de participer
à une aventure entrepreneuriale pouvant être considérée comme un « jeu » (Bessière &
Stéphany, 2017), de s’engager dans un projet innovant et en croissance tout en participant au
développement de celui-ci (Tarteret, 2014 ; Bessière & Stéphany, 2017), de se sentir investi au
sein d’une équipe de projet (Hemer, 2011).
investissent dans une start-up sur base de leur première impression selon laquelle il existerait
une certaine relation émotionnelle fondée sur de la sympathie ou de l'affection émotionnelle
pour l'équipe porteuse de projet (Bretschneider et al., 2014). De plus, au-delà du besoin
d’appartenance à la communauté composée par l’équipe entrepreneuriale, le besoin
d’appartenance à une communauté de contributeurs avec des priorités similaires (Hemer, 2011)
et réunis autour d’un même projet (Schwienbacher & Larralde, 2010) est également un facteur
contribuant à l’attirance qu’éprouvent certains contributeurs envers le crowdfunding.
Il existe également des facteurs poussant la foule à investir, non pas dans un projet en
particulier, mais dans un type de crowdfunding. Par exemple, dans le cadre du crowdlending,
il apparaît que l’une des raisons pour laquelle la foule investit dans ce type de financement
participatif est liée aux taux s’appliquant aux prêts des investisseurs. Ces taux étant plus élevés
que ceux proposés par les banques, investir dans le crowdlending représente dès lors une
nouvelle forme de gestion de son épargne qui s’avère intéressante (Bryman, 2018). Un autre
exemple est celui des facteurs poussant les investisseurs à se tourner vers le crowdequity. Parmi
ceux-ci nous retrouvons le Tax Shelter, un incitant fiscal dont se servent certaines plateformes
de crowdequity telle que « Spreds » permettant à des personnes physiques d’investir dans des
start-up tout en réduisant leurs impôts, sous couvert de certaines conditions (tels que le montant
de l’investissement, le statut de l’investisseur, la taille de l’entreprise, etc.). En résumé, en plus
d’englober divers objectifs pour les porteurs de projet, les plateformes de crowdfunding
permettent également aux contributeurs d’atteindre différents objectifs (Willaume, 2017). Sur
les plateformes de crowdfunding sous forme de dons et de récompenses, les contributeurs
souhaitent soutenir une cause ou une personne (Mollick, 2014), aider ou prendre part à un projet
(Allison et al., 2013 ; Mollick, 2014). À l’inverse, sur les plateformes de crowdequity et de
49
Il ne suffit pas de comprendre quelles sont les motivations de la foule à investir dans le
crowdfunding pour saisir ce qui la pousse à investir dans un projet en particulier. Dans le cadre
du crowdfunding sous forme de récompense, différents facteurs influençant le processus de
sélection d’un projet ont préalablement été étudiés dans la littérature. Bien que le niveau de
nouveauté d’un projet, son originalité ou encore son « pourquoi » soient des facteurs ayant un
rôle important dans les probabilités de succès d’une campagne de crowdfunding (Bessière et
Stéphany, 2017), il ressort principalement de la littérature que ce sont les éléments témoignant
de la qualité du projet qui ont la plus grande influence sur les probabilités de succès d’une
campagne (Mollick, 2014). Une analyse des différents signaux de qualité d’un projet envoyés
par le porteur sera par conséquent établie dans cette section. Nous montrerons également que
la sélection par la foule d’un projet en particulier dépend en partie de l’influence sociale
rattachée à celui-ci (Tarteret, 2014).
Tout d’abord, les récompenses proposées par les porteurs de projets peuvent avoir une
forte influence sur la prise de décision d’investissement d’un potentiel contributeur. D’autant
plus lorsque cet investissement prend la forme d’un préachat (Belleflamme et al., 2014).
Lorsque l’investissement d’un contributeur lui permet d’obtenir le produit fini avant même qu’il
ne soit commercialisé à grande échelle, l’investisseur est en mesure de ressentir une certaine
satisfaction liée à l’idée que ce dernier puisse être l’un des pionniers du produit en question
(Hemer, 2011). Étant donné que les contributeurs cherchent à maximiser leur utilité en
investissant dans une certaine campagne, Belleflamme et al. (2014) ont montré qu’une
condition à l’investissement était que l’utilité retirée d’effectuer ce préachat était supérieure à
celle qui aurait été dégagée si le contributeur avait dû attendre la commercialisation à grande
50
échelle du produit en question pour se le procurer. De plus, nous avons montré dans la section
3 de ce chapitre que l’une des raisons pour lesquelles la foule se tournait vers le crowdfunding
était l’envie de recevoir une récompense (Bessière et Stéphany, 2017 ; Onnée et Renault, 2014 ;
Gerber et al., 2012 ; Ryu et Kim, 2012). Dès lors, il est primordial pour le porteur de projet de
proposer une large gamme de récompenses suffisamment attractives, chacune associée aux
différents montants pouvant être investis dans sa campagne.
Burtch, Ghose et Wattal (2013) ont montré que, bien que les contreparties pouvaient
avoir une certaine influence sur l’attirance des contributeurs envers les projets, ce qui explique
en grande partie l’attrait d’un investisseur pour un projet est la qualité perçue de ce dernier.
Plus un projet est perçu comme étant de qualité, et plus les probabilités de succès de sa
campagne de crowdfunding sont élevées (Mollick, 2014). Mollick développe alors les
différents éléments présentés comme étant des signaux de qualité d’un projet. Une importance
particulière doit ainsi être accordée à la présentation de ce dernier (cf. Chapitre 2 – section 1).
De plus, un signal fort de la qualité d’un projet est celui témoignant la préparation de celui-ci.
En outre, la manière dont un projet est présenté témoignera de la préparation en amont de la
campagne. Une campagne qui semble avoir été préparée témoigne alors du sérieux du porteur
et ainsi de la qualité supposée du projet qui en découle (Mollick, 2014).
Le premier signal indiquant qu’une campagne a été préparée est la présence d’une ou
plusieurs vidéos sur la page de présentation d’un projet. Il s’agit d’un signal clair d’au moins
une préparation minimale (Mollick, 2014). D’autres études ont montré l’étroite relation que la
présence d’une vidéo de présentation de qualité détenait avec les probabilités de succès d’une
campagne (Petitjean, 2018 ; Mollick, 2014 ; Mitra et Gilbert 2014, Hui Gerber Greenberg
2014). De plus, un autre facteur témoignant de la qualité d’un projet sont les différentes mises
à jour publiées par le porteur, ainsi que leur fréquence. Une fréquence élevée de mises à jour
est alors associé à de plus grandes chances de succès d’une campagne (Mollick, 2014). Enfin,
les fautes d’orthographe présentes dans la page de présentation du projet sont des signaux très
négatifs concernant la préparation d’un projet. En effet, étant donné la prévalence des logiciels
de vérification orthographique et l'absence de relecture de base qu'impliquent les erreurs, une
présentation comportant certaines fautes d’orthographe apparaîtra aux yeux des potentiels
51
contributeurs comme ayant été fait dans la précipitation, témoignant ainsi d’une mauvaise
préparation du projet et du manque de sérieux du porteur (Mollick, 2014).
Dans le cadre du crowdfunding, les signaux de qualité envoyés par le porteur de projet
ont tendance à être renforcés à travers un « effet Matthew » (Mollick, 2014). Cet effet fut
introduit en 1957 par R. K. Merton. Il décrit le phénomène selon lequel à travail égal, les
chercheurs bénéficiant déjà d’une certaine popularité sont plus susceptible de recevoir des
crédits et de la mise en valeur de la part de la communauté scientifique que d’autres chercheurs
ne s’étant pas encore fait de nom dans le milieu (Bichot, 2002). Mollick (2014) explique qu’il
en va de même dans le crowdfunding. En effet, il a constaté lors de ses études que les campagnes
détenant déjà un grand montant d’argent collecté seront plus susceptibles d’attirer de potentiels
investisseurs que des campagnes ayant récolté de faibles montants. Petitjean (2018) a alors
montré deux éléments essentiels concernant l’influence que pouvait avoir la popularité d’un
projet sur le comportement des investisseurs envers celui-ci. Dans un premier temps, il nous
explique que les investisseurs auront plus tendance à soutenir des projets étant déjà dans une
dynamique de financement plutôt que des projets n’ayant pas ou très peu reçu de contributions.
D’autre part, il a montré que les premiers jours de campagne pouvaient être déterminants dans
le succès de celle-ci. De par des contributions obtenues rapidement ou non, la campagne peut
alors entrer dans un cercle vicieux ou vertueux de financement. Nous comprenons alors que
lorsqu’un projet est fortement soutenu dès les premiers jours de campagne, cela renverra aux
potentiels futurs contributeurs un fort signal de qualité rattachée au projet. Ce phénomène est
décrit par Tarteret (2014) comme étant un effet de « cold-starting » selon lequel « si il y a peu
de contributeurs ou si peu de capital est récolté au début de la collecte, cela envoie un signal
négatif qui ne donne pas confiance aux potentiels contributeurs et limite fortement les chances
de succès de la collecte » (Tarteret, 2014, p. 29-30). Ainsi, le comportement des investisseurs
précoces peut avoir un impact déterminant sur les chances de succès d’une campagne (Tarteret,
2014) étant donné qu’ils représentent un vecteur de confiance (Gerber, Hui, 2014) et de qualité
auprès des potentiels contributeurs qui agissent généralement par mimétisme (Ward,
Ramachandran, 2010). Ward et Ramachandran (2010) ont alors démontré qu’il existait bel et
bien des effets de pairs selon lesquels les décisions individuelles étaient souvent influencées
par les comportements de groupes.
52
Nous comprenons dès lors que les signaux témoignant de la qualité perçue d’un projet
seront d’autant plus forts à mesure que le projet récolte des contributions de la part de divers
investisseurs. La réussite d’une campagne de crowdfunding est ainsi fortement influencée par
la dimension sociale construite autour de celle-ci.
Un autre constat est alors celui selon lequel la taille du réseau social des porteurs de
projet aurait une grande influence sur les probabilités de succès de leur campagne (Mollick,
2014). En effet, nous avons étudié l’importance de parvenir à mobiliser son premier cercle
communautaire afin de réussir à atteindre les second et troisième cercles. Le premier cercle
étant composé des amis et de la famille du porteur de projet, la taille de celui-ci sur les réseaux
sociaux (source de communication principale autour des projets) joue dès lors un rôle crucial
dans le succès d’une levée de fond (Agrawal et al., 2010). De plus, les échanges établis pendant
la campagne entre le porteur de projet et la foule sont également un facteur impactant les
chances de réussite d’une campagne de crowdfunding. Ces échanges instaurent dès lors une
plus grande proximité entre le chercheur de fonds et les investisseurs et par conséquent la
confiance qu’ils lui accordent (Ryu et Kim, 2014). Ces échanges sont principalement
caractérisés par les mises à jours partagées par le porteur de projet mais également par ses
réponses aux commentaires publiés par les internautes en réaction à ces différentes mises à
jours (Petitjean, 2018).
4.4. Les signaux ayant une mauvaise influence sur le succès d’une campagne
5. Conclusion du chapitre 3
Cette revue de littérature nous a permis d’en apprendre davantage sur le crowdfunding,
cette nouvelle méthode d’accès à du financement, dont l’émergence a été facilitée par
l’apparition, au préalable, de différentes méthodes d’externalisation par la foule, mais
également par l’arrivée de nouveaux outils de communication engendrés par le web 2.0 ou
encore par le constat que l’accès aux ressources traditionnelles pour le financement d’un projet
devenaient de plus en plus limité. Bien qu’il existe différentes formes de crowdfunding, toutes
prennent racine sur base d’un fonctionnement similaire. Ainsi, un porteur de projet émet une
demande de financement auprès d’une large communauté de potentiels investisseurs – la foule
– par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne. Nous avons alors constaté qu’il existe deux
grandes familles de crowdfunding : le crowdfunding communautaire dans lequel nous
retrouvons le crowdfunding sous forme de don et sous forme de récompense, ainsi que le
crowdfunding financier composé du crowequity et du crowdlending.
De plus, elles apportent de la crédibilité aux projets grâce à un effet levier permettant la
mobilisation de plus en plus de contributeurs à mesure que ces communautés grandissent.
Bien que l’aspect communautaire rattaché au crowdfunding puisse figurer comme étant
un facteur poussant la foule tant à s’intéresser au crowdfunding que d’y investir dans un projet
en particulier, de nombreux autres facteurs ont alors été décrits comme pouvant inciter celle-ci
à s’engager dans une démarche d’investissement. Ainsi, la curiosité envers ce concept
relativement nouveau, les récompenses qui lui sont assignées, le fait de s’engager dans un projet
ou encore le besoin de réciprocité sont des facteurs pouvant expliquer l’engouement existant
autour du crowdfunding depuis ces dernières années. Néanmoins, d’autres facteurs ont été
préalablement étudiés dans la littérature concernant les incitants poussant la foule à investir
dans un projet en particulier faisant appel au crowdfunding sous forme de récompense. Parmi
ces facteurs, ceux qui semblent avoir la plus grande importance sont ceux liées aux récompenses
spécifiques proposées par les porteurs de projet, ainsi que les différents signaux de qualités
renvoyés par ces derniers à travers la présentation et la communication autour du projet. De
plus, au sein des récits visant à décrire leur projet, les émotions transmises par le porteur
semblent également jouer un rôle important pour les contributeurs dans leur processus de
décision.
cette dernière n’explore pas les différences de facteurs au sein d’une même catégorie de
crowdfunding.
Notre objectif est alors d’étudier, au sein des campagne de crowdfunding sous forme de
récompense, si ces différents facteurs de succès spécifiques auront le même impact en fonction
du domaine de projet.
57
Partie empirique
Ce mémoire a pour objectif, d’une part, d’identifier les facteurs poussant la foule à
investir dans un projet en particulier faisant appel au crowdfunding sous forme de récompense,
et d’autre part d’étudier si parmi les facteurs identifiés, certains auront un impact différent en
fonction du domaine du projet considéré. Afin de répondre à ces deux questions, nous avons,
sur base des éléments collectés dans notre revue de littérature, d’une part mené une étude
qualitative et d’autre part une analyse quantitative. L’étude qualitative que nous avons menée
sur base d’entretiens semi-directifs nous a alors permis de confirmer certains éléments étudiés
dans la littérature, mais également de nous en apprendre davantage. Nous nous sommes alors
basés sur la théorie établie à travers la revue de littérature ainsi que sur les résultats de notre
étude qualitative afin de réaliser une étude quantitative. Cette étude quantitative porte sur les
différences de facteurs influençant le nombre de contributeurs dans une campagne de
crowdfunding sous forme de récompense en fonction du domaine du projet considéré.
1. Étude qualitative
1.1. Méthodologie
Une première approche qualitative fut d’interroger deux types d’acteurs distincts afin
de récolter le plus d’informations possible concernant les incitants à l’investissement dans une
campagne de crowdfunding basée sur la récompense : un coach en crowdfunding que nous
avons interrogé dans son bureau, et un entrepreneur avec qui l’entretien s’est déroulé par
téléphone pour des raisons pratiques. Il nous paraissait en effet évident que l’avis d’un expert
pouvait être très bénéfique à notre recherche, de même que l’avis d’un entrepreneur ayant fait
face aux difficultés pouvant être rencontrées lors d’une levée de fonds par crowdfunding. Nous
avons alors réalisé un guide d’entretien semi-directif propre à chacun de ces deux acteurs en
raison de leur différence de profil (Annexes 2 et 3), bien que l’objectif final était dans les deux
cas d’obtenir des informations concernant les facteurs de succès d’une campagne de
crowdfunding. Le choix du caractère semi-directif de nos entretiens résidait dans l’envie de
laisser libre court à la parole de la personne interrogée tout en nous laissant la possibilité de
rebondir sur les différents éléments qu’il évoquerait. Nous avions néanmoins préparé ces
58
questionnaires en amont afin de pouvoir suivre une certaine ligne directrice durant nos
entretiens dans le cas où les acteurs ne répondaient pas à certaines de nos interrogations.
avec lesquels Frédéric Wins a travaillé, nous avons estimé que son expertise pouvait être une
grande source d’informations dans le cadre de nos recherches. Nous l’avons interrogé le 26
avril 2019.
Comme indiqué précédemment, nous avons réalisé deux guides d’entretiens distincts
propres à chacun des acteurs interrogés. L’entretien effectué avec Geoffroy Ghion était alors
divisé en 4 parties : la présentation de l’entreprise, la première levée de fonds par crowdfunding,
la seconde levée de fonds, et enfin une conclusion générale. L’entretien effectué avec Frédéric
Wins, quant à lui, s’est articulé en quatre parties que voici : la présentation du coach et du
crowdfunding spot, la préparation des campagnes, les investisseurs, et pour finir une conclusion
générale. Nous analyserons dans un premier temps les réponses obtenues dans le cadre de notre
entretien avec Geoffroy Ghion, puis dans un second temps celles obtenues lors de l’entretien
avec Frédéric Wins. Ces analyses présenteront ainsi les éléments pertinents dans le cadre de
notre question de recherche ayant été évoqués par les interrogés.
1.4. Résultats
Sunslice a effectué sa campagne de crowdfunding sur le site Kickstarter qui est une
plateforme de crowdfunding sous forme de récompense et suivant le concept du « tout ou rien ».
La raison pour laquelle les deux co-fondateurs se sont tournés vers le crowdfunding était
principalement liée à la difficulté qu’ils avaient rencontrée à trouver un investisseur de type
traditionnel pour financer la production de leur produit. En effet, M. Ghion nous a expliqué
que, bien qu’ils avaient le sentiment que leur produit plairait, ce dernier n’était pas encore
industrialisé. Ils ne pouvaient ainsi fournir aucune garantie à quelconque investisseur que la
production financée par ceux-ci déboucherait sur une vente à grande échelle de leur produit leur
permettant dès lors de rembourser leur emprunt. Lorsqu’un investisseur traditionnel investit
dans un projet, il est alors exposé à un risque de perte financière trop grand. En effet, si le
60
produit ne se vend pas, il ne récupèrera pas son argent. C’est pourquoi Sunslice s’est tourné
vers le crowdfunding. Ici, ils ont pu constater que leur produit plaisait étant donné qu’ils ont
réussi à convaincre environ 400 contributeurs d’y investir. De plus, dans le cadre du
crowdfunding, les investisseurs ont la garantie de ne rien perdre du tout. Les campagnes de
crowdfunding sur le site Kickstarter fonctionnant sur le principe du « tout ou rien », si le
montant objectif n’est pas atteint, les investisseurs récupèrent leur argent. Au contraire, dans le
cas de Sunslice, les investisseurs avaient la possibilité d’économiser de l’argent. En effet, selon
M. Ghion, outre l’aspect novateur et pratique du produit proposé, ce qui a séduit les
contributeurs était le fait que Sunslice leur proposait de préacheter leurs chargeurs à un prix
nettement inférieur à celui qu’ils proposeraient lorsqu’il serait industrialisé à grande échelle.
Cependant, bien que le produit proposé avait séduit un certain nombre d’investisseurs,
leur campagne fut un échec. En effet, le montant objectif de leur campagne était de 75.000€, et
ils n’ont réussi à récolter qu’environ 50.000€. L’objectif de cette campagne était de pouvoir
produire leur chargeur solaire dont la conception avait déjà été réalisée en amont. En d’autres
termes, Sunslice avait besoin d’argent pour financer la production des produits qu’ils allaient
alors directement livrer aux contributeurs. Il s’agissait donc bien d’une campagne de
crowdfunding basée sur la récompense et plus particulièrement sur le préachat. Au terme de
cette campagne, Sunslice a donc dû rembourser chacun des investisseurs et n’a par conséquent
reçu aucune ressource financière. Cependant, ils avaient désormais la preuve que leur produit
plaisait au grand public étant donné qu’ils avaient réussi à générer une communauté de près de
400 personnes prêtes à acheter leur produit.
C’est ce qui leur a permis d’obtenir par la suite un prêt « convertible » auprès du fond
d’investissement « WING » (« Wallonie Innovation and Growth »). Grâce à leur campagne de
crowdfunding qui, certes, fut un échec, ils avaient désormais la preuve qu’il existait un marché
répondant à leur offre. C’est grâce à cette preuve qu’ils sont parvenus à obtenir ce prêt. Lorsque
la production de leurs chargeurs fut lancée grâce à l’argent obtenu, ils ont alors recontacté toutes
les personnes ayant investi dans la campagne de crowdfunding pour leur annoncer que le
produit sortirait prochainement, et qu’ils pouvaient l’acheter dès à présent.
61
L’objectif de cette préparation en amont décrit par M. Ghion est d’avoir un grand
nombre de personnes investissant dans la campagne dès le lancement de cette dernière. Il nous
62
a alors parlé de l’effet boule de neige : « Plus il y a de monde qui investit, plus il y aura de gens
qui investiront par après », d’où l’importance d’effectuer une « pré-campagne » efficace.
Bien que le crowdfunding permette de récolter de l’argent pour financer un projet, selon
lui il s’agit surtout de rassembler les gens, de créer une communauté. L’enjeux est de toucher
la foule, de mobiliser les intimes au projet. Selon lui, afin d’y parvenir, deux étapes
fondamentales sont à prendre en compte : identifier le « pourquoi » de notre projet, et ensuite
créer une communauté. Ces deux étapes sont étroitement liées. En identifiant le « pourquoi »
de son projet, le porteur va réussir à exprimer ses valeurs auprès de la foule. Cela permettra de
créer une communauté de personnes étant en accord avec ces valeurs. Mieux comprendre sa
communauté permet ainsi d’effectuer une communication plus ciblée et donc plus efficace. De
plus, l’identification du « pourquoi » du projet va permettre au porteur de mettre en place un
story-telling autour de celui-ci. M. Wins insiste énormément sur l’importance de la notion de
« partage de valeurs » entre le porteur et les investisseurs qui se retrouvent dans ces valeurs
exprimées à travers la présentation du projet. Certaines personnes se retrouveront ainsi
tellement dans les valeurs exprimées par le porteur qu’elles auront même envie de « goûter » à
l’innovation en question avant tout le monde, d’être avant-gardistes sur un produit en
adéquation avec leurs valeurs.
63
M. Wins nous a alors expliqué que le choix de la plateforme sur laquelle le porteur
déposera son projet peut avoir de lourdes répercussions sur les chances de succès de sa
campagne. Certaines plateformes sont spécialisées dans un domaine particulier. Par exemple,
Miimoza est destinée aux projets portant sur l’agriculture et l’alimentation ; ECCO NOVA
s’adresse aux projets accordant une certaine importance à la transition énergétique ;
KissKissBankBank héberge des projets plus généralistes ; Kickstarter héberge des projets
visant une portée internationale ; etc. Ainsi, un porteur ne parviendra pas à mobiliser la
communauté souhaitée s’il présente son projet sur une plateforme n’allant pas de le sens des
valeurs de celui-ci.
Bien que la symbolique créée autour des valeurs d’un projet puisse avoir un impact
positif sur les chances de succès d’une campagne de crowdfunding, un point important relevé
par M. Wins est l’importance de ne pas en faire de trop dans cette symbolique. En effet, il est
fondamental que l’aspect symbolique du projet ne dépasse pas le produit proposé, ce qui peut
mener à une perte d’authenticité et ainsi de crédibilité du projet.
c) La préparation
1.5. Discussion
À l’issue de ces entretiens, nous nous sommes aperçus que bon nombre d’éléments
identifiés dans la littérature se retrouvaient dans les témoignages des acteurs interrogés.
Tout d’abord, le cas de Sunslice nous a démontré que l’une des raisons principales du
succès actuel du crowdfunding résidait dans la difficulté d’accès aux ressources financières
65
traditionnelles. Il nous a aussi confirmé le rôle prépondérant que jouait la foule dans une
campagne de crowdfunding au-delà de l’aspect financier véhiculé par celui-ci. Les réponses
émanant des deux entretiens que nous avons menés ont confirmé le rôle de conseils et
d’accompagnement que la foule pouvait jouer lors d’une campagne de crowdfunding, mais
également son aptitude à donner de la crédibilité à un projet. En effet, le concept d’influence
sociale expliquant le phénomène de « boule de neige » développé dans la revue de littérature
de ce mémoire fut largement expliqué par les deux acteurs interrogés. Étant donné qu’une forte
influence sociale est considérée comme un facteur de succès dans les campagnes de
crowdfunding, il apparaît alors évident que parvenir à créer une communauté de personnes
soutenant le projet à travers l’identification aux valeurs transmises par celui-ci est d’une
importance capitale. C’est en identifiant le « pourquoi » du projet que le porteur parviendra à
transmettre de telles valeurs à la foule. Tout comme expliqué par M. Wins, identifier ce
« pourquoi » permet ainsi d’optimiser la structure du récit de présentation du projet, tant dans
le texte que dans la vidéo de présentation présents sur la plateforme hébergeant le projet. Il
s’agit bien des enseignements que nous avions tirés des écrits de Simon Sinek (2009). De plus,
l’importance de la vidéo de présentation abordée dans la littérature fut alors largement
confirmée dans les deux entretiens que nous avons effectués.
Néanmoins, pour que la foule puisse s’identifier aux valeurs d’un projet et ainsi tenir
ces différents rôles, il est dès lors primordial que cette dernière existe, qu’une communauté de
personnes soutenant le projet soit créée. Pour cela, nous avons alors eu la confirmation de
l’importance capitale d’une préparation en amont. Il en va de même concernant l’importance
d’une communication efficace sur les réseaux sociaux mais également de manière « offline »
au contact direct de la foule. Cette préparation aura alors pour conséquence de renvoyer des
signaux de qualité rattachés au projet auprès des potentiels investisseurs, augmentant ainsi les
chances de succès de la campagne concernée. Plus la qualité perçue du projet est grande, et plus
le projet aura de la crédibilité auprès des investisseurs potentiels. Nous avons également retenu
qu’en souhaitant accorder trop de crédibilité à leur projet, les porteurs risquent parfois de
renvoyer des signaux de manque d’authenticité auprès des potentiels contributeurs. De plus, la
préparation d’une campagne se traduit également par la mise en place de récompenses
adéquates, d’autant plus lorsque le porteur permet aux investisseurs de préacheter son produit.
66
2. Étude quantitative
Dans cette partie, nous étudions au moyen de régressions linéaires multiples effectuées
à l’aide du logiciel « R studio » l’impact des différents facteurs de succès précédemment
identifiés sur le nombre de personnes ayant investi dans une campagne de crowdfunding en
particulier. Ces facteurs prennent alors la forme de variables. L’objectif de cette partie est ainsi
de voir si chacun de ces facteurs détient la même influence sur le nombre de personnes ayant
investi dans une campagne de crowdfunding sous forme de récompense en fonction du domaine
de projet considéré.
Afin d’étudier les facteurs poussant la foule à investir dans un domaine de projet en
particulier, nous avons créé deux bases de données distinctes sur base de différentes campagnes
terminées observables sur la plateforme de crowdfunding belge « Crowd’in ». Nous avons
choisi cette plateforme pour plusieurs raisons. Tout d’abord, Crowd’in est une plateforme qui
réunit des campagnes de crowdfunding sous forme de prêt et sous forme de don et récompense.
Étant donné que notre étude porte sur les incitants poussant la foule à investir dans un projet en
particulier dans le cadre du crowdfunding sous forme de récompense, le choix de cette
plateforme était ainsi approprié. De plus, les projets présents sur cette plateforme sont répartis
selon quatre domaines différentes :
- les projets entrepreneuriaux : « tout projet visant à lancer une nouvelle activité
commerciale au sens large, qu’il s’agisse d’une start-up ou d’une société existante
désirant lancer un nouveau produit ou service » ;
- les projets culturels, créatifs et artistiques : « tout projet incluant la création, la
production, la diffusion de produit ou service reflétant l’expression culturelle, artistique
et médiatique » ;
- les projets non-marchand, sociaux, humanitaires : « tout projet étant porté par des
associations, fondations ou coopératives dont la finalité n’est pas axée uniquement sur
le profit mais sur le bien-être collectif » ;
67
Nous avons ainsi collecté les données observables relatives aux 53 campagnes présentes
sur la plateforme et dont la date de fin de collecte était comprise entre 2017 et 2019. Parmi ces
53 campagnes, 37 appartiennent à la catégorie de projets « culturels, créatifs et artistiques » et
16 appartiennent à la catégorie de projets « entrepreneuriaux ».
Comme mentionné supra, Crowd’in est une plateforme de crowdfunding belge basée
sur le don, la récompense ou le prêt. Cette plateforme utilise le principe du « tout ou rien ». En
d’autres termes, lorsque le porteur de projet n’a pas réussi à atteindre le montant objectif de sa
campagne, les contributeurs récupèrent le montant de leur investissement. Dans ce cas, le
porteur de projet ne perçoit aucune des contributions de la foule. En revanche, si le montant
objectif de sa campagne est atteint, il perçoit 93% de l’argent récolté. Les 7% restants
68
correspondent à la commission prélevée par la plateforme en cas de succès. Les projets qu’elle
héberge appartiennent chacun à l’une des quatre catégories citées précédemment. A son actif,
elle a déjà hébergé environ 150 projets différents dont 110 ont connu un succès, ce qui
correspond à environ 810.000€ de levés.
Chaque projet détient une page qui lui est dédiée. Sur cette page apparaît un certain
nombre d’informations relatives au projet. Tout d’abord, en tête de page, nous observons le titre
du projet, son montant objectif, le montant qu’il a récolté, la date de fin de campagne, le nombre
de personnes ayant contribué financièrement au projet ainsi qu’une potentielle vidéo de
présentation. Ensuite, nous retrouvons le corps de présentation du projet rédigé par le porteur.
Cette partie peut contenir du texte, des images, des vidéos, et des liens renvoyant sur d’autres
pages internet. Sur cette page apparaissent également différents onglets :
- l’onglet « News » dans lequel le porteur de projet peut publier des annonces concernant
l’avancée de son projet par exemple ;
- l’onglet « Commenter » dans lequel les internautes peuvent s’adresser directement au
porteur de projet afin de l’encourager, lui poser des question, etc. ;
- l’onglet « Conseiller » dans lequel les internautes peuvent partager leur expertise,
donner des conseils et suggestions au porteur concernant son projet ;
- l’onglet « Actes » dans lequel les internautes peuvent proposer de mettre leurs
compétences au service du projet en agissant concrètement sur le terrain ;
- l’onglet « Contributions » dans lequel apparaissent les différents montants investis par
les différents contributeurs.
Lors de la création de nos bases de données, nous avons relevé, pour chaque projet, un
certain nombre d’informations pertinentes dans le cadre de l’évaluation des facteurs de succès
d’une campagne amenant la foule à investir dans un projet. Chacun de ces facteurs prend alors
la forme d’une variable. Chaque variable étudiée est ainsi décrite dans cette partie.
69
Variable Description
Nom du projet Nom donné par le porteur à son projet sur la plateforme
Crowd’in.
Date Date de fin de la campagne de crowdfunding.
MONTANT_OBJ Montant objectif de la campagne à atteindre afin qu’elle soit
considérée comme « fructueuse » et que le porteur de projet
puisse accéder à l’argent récolté.
MONTANT_ATT Montant d’argent que le porteur de projet est parvenu à récolter
durant sa campagne de crowdfunding.
SUCCES Variable dichotomique prenant la valeur de 1 lorsque le montant
objectif a été atteint ou dépassé, et 0 lorsque la valeur du montant
atteint est inférieur à celle du montant objectif.
2.4.2. Variables décrivant les mesures prises par le porteur de projet observables
directement sur sa page de présentation
Variable Description
NB_RECOMP Nombre de récompenses proposées par le porteur de projet.
VIDEO Variable binaire prenant la valeur de 1 lorsqu’une vidéo de présentation
du projet est présente en tête de la page de présentation de celui-ci, et 0
lorsqu’il n’y en a pas.
DUREE_VIDEO Durée en secondes de la vidéo de présentation du projet. Lorsqu’il ne
figure pas de vidéo de présentation, cette variable prend la valeur 0.
70
VIDEO_SUPP Variable binaire prenant le valeur de 1 lorsqu’au moins une autre vidéo
est présente dans le corps de présentation du projet, et 0 lorsqu’il n’y
en a pas.
IMAGE Variable binaire prenant le valeur de 1 lorsqu’au moins une image est
présente dans le corps de présentation du projet, et 0 lorsqu’il n’y en a
pas.
SITE_WEB Variable binaire prenant la valeur de 1 lorsqu’un lien renvoyant au site
web du projet est présent dans le corps de présentation du projet, et 0
lorsqu’il n’y en a pas.
COMMENTAIRES Nombre de commentaires publiés par les internautes sur la page de
présentation du projet.
MAJ Nombre de mises à jours (onglet « News ») publiées par le porteur de
projet sur sa page de présentation.
IDEES Nombre de conseils (onglet « Conseiller ») publiés par les internautes
sur la page de présentation du projet.
ACTES Nombre d’actes publiés par les internautes sur la page de présentation
du projet.
FAUTES_ORTHO Nombre de fautes d’orthographe présentes dans le texte de présentation
du projet. Afin de connaître le nombre de fautes d’orthographe de
chacun des textes, nous avons copié/collé chacun d’eux sur un
document Word. Ensuite, nous avons observé le nombre de fautes
d’orthographes repérées par le logiciel.
2.4.3. Variables décrivant la portée du projet qui ne sont pas observables sur la
plateforme
Variable Description
LIKE_FB Nombre observé de « likes » sur la page Facebook du projet.
71
2.4.4. Variables décrivant le ton employé dans le texte de présentation du projet sur la
plateforme
Afin d’évaluer le ton employé dans les récits descriptifs des différents projets, nous
avons utilisé la version française du « Linguistic Inquiry and word count (LIWC) Dictionary »,
soit le « dictionnaire d’enquête linguistique et de décompte de mots ». Ce logiciel permet de
connaitre le pourcentage de mots appartenant à une certaine catégorie dans un texte. Il est
composé de 2.290 mots et racines de mots classés dans 74 catégories différentes. Le détail de
ces différentes catégories est repris dans l’annexe 4. Ainsi, dans la catégorie regroupant les
processus psychologiques, nous retrouvons les sous-catégories suivantes : Processus sociaux,
Processus affectifs, Processus cognitifs, Processus perceptuels, Processus biologiques, et
Relativité. Nous avons dès lors analysé le pourcentage de mots relatifs aux processus sociaux,
affectifs et cognitifs dans chacun des textes de présentation analysés.
Variable Description
POURC_SOCIAL Pourcentage de mots présents dans le texte de présentation du projet
s’inscrivant dans une dimension sociale.
POURC_AFFECT Pourcentage de mots présents dans le texte de présentation du projet
s’inscrivant dans une dimension affective.
POURC_COGN Pourcentage de mots présents dans le texte de présentation du projet
s’inscrivant dans une dimension cognitive.
72
Nous avons ainsi créé deux bases de données distinctes, l’une (Annexe 5) regroupant
les projets culturels, l’autre (Annexe 6) les projets entrepreneuriaux. Le résumé des différentes
variables est repris dans les tables 2 et 3 ci-après. La table 2 décrit le résumé des variables pour
les projets culturels, la table 3 décrit le résumé des variables pour les projets entrepreneuriaux.
Afin de connaitre les facteurs ayant un impact significatif sur le nombre de personnes
investissant dans un domaine de projet, nous avons, pour les deux bases de données, effectué
la même régression linéaire multiple de départ. Ainsi, notre variable expliquée est la variable
« CONTRIBUTEURS » que nous expliquons au moyen des variables explicatives suivantes :
« MONTANT_OBJ », « NB_RECOMP », « VIDEO », « DUREE_VIDEO »,
« VIDEO_SUPP », « SITE_WEB », « COMMENTAIRES », « MAJ »,
« FAUTES_ORTHO », « LIKE_FB », « POURC_SOCIAL », « POURC_AFFECT » et
« POURC_COGN ». La régression linéaire multiple de départ que nous avons effectuée sur les
données relatives aux projets culturels et entrepreneuriaux prend alors cette forme :
Les coefficients ß1, ß2, […] ß13 sont respectivement les coefficients de régression des
variables « MONTANT_OBJ », « NB_RECOMP » […] « POURC_COG ». ß0 quant à lui
correspond à la constante de notre modèle de régression. Ces différents coefficients sont
automatiquement calculés par le logiciel R studio au moyen de la méthode des moindres carrés
ordinaires.
L’objectif est ainsi d’observer l’impact attendu qu’auront ces différentes variables
explicatives sur le nombre de contributeurs dans une campagne de crowdfunding en fonction
de son domaine. Pour cela, nous observons la valeur des différents coefficients de notre
régression linéaire. De plus, afin de connaître la significativité de chacune des variables, soit le
degré pour lequel ces variables sont « justes », nous observons la p-valeur du test de nullité des
différents coefficients de régression calculé automatiquement par le logiciel R studio. Afin
d’obtenir les modèles finaux les plus significatifs possible, nous avons choisi de ne garder que
les variables apparaissant comme significatives à un seuil de 5% au maximum. En d’autres
termes, les résultats que nous obtenons détiennent une probabilité de 0,05 d’être dus au hasard.
Pour cela, nous avons tout d’abord observé le résultat de la première régression linéaire
multiple, la plus générale. Ce résultat nous indique la significativité de chacun des coefficients
du modèle. Ainsi, la variable dont la p-valeur du test de nullité de son coefficient est la plus
75
élevée est la moins fiable de notre modèle. Nous avons alors effectué la même régression
linéaire multiple en retirant la variable la moins significative. Dès lors, nous avons procédé de
la sorte en retirant successivement la variable la moins significative de notre modèle, jusqu’à
atteindre un modèle dans lequel toutes les variables étaient significatives à un seuil de 5%
maximum. Nous avons suivi cette démarche d’une part sur les données relatives aux projets
culturels, et d’autre part sur les données relatives aux projets entrepreneuriaux. Ainsi, nous
sommes passés de modèles généraux à des modèles spécifiques (ou parcimonieux) dans
lesquels seules les variables explicatives étant significatives au seuil de 5% maximum étaient
conservées.
Nous avons choisi les treize variables explicatives précédemment citées pour deux
raisons. D’une part, car elles représentent les différents incitants identifiés dans la revue de
littérature et dans l’étude qualitative de ce mémoire. D’autre part, parce qu’il s’agit des seules
données qu’il nous est possible d’observer sur la plateforme ou sur les réseaux sociaux. Ainsi,
nous nous attendons à ce que chacune de ces 13 variables détiennent un impact significatif sur
le nombre de contributeurs dans une campagne de crowdfunding sous forme de récompense.
Dès lors, la première hypothèse formulée est la suivante :
Ensuite, la seule variable que nous analysons qui a été décrite dans la littérature comme
ayant un impact négatif sur le nombre de contributeurs dans une campagne de crowdfunding
est celle concernant les fautes d’orthographe. En effet, des fautes d’orthographes présentes dans
le texte de présentation témoignent d’une mauvaise préparation de la campagne et donc d’une
qualité réduite du projet considéré. Les douze autres variables ont par ailleurs été décrites
comme ayant un impact positif sur le nombre de contributeurs. Par conséquent, nous formulons
la seconde hypothèse suivante :
76
De plus, nous avons vu que, tandis que l’emploi d’un ton cognitif dans le texte de
présentation d’un projet était à favoriser dans le cadre de campagnes de crowdfunding financier,
un ton plus émotionnel est à employer dans le texte de présentation des campagnes de
crowdfunding « communautaire ». Bien que les deux catégories considérées dans notre étude
appartiennent au crowdfunding communautaire, la catégorie de projet entrepreneuriale est
décrite comme regroupant des projets ayant une visée commerciale et donc en attente de
potentiels rendements financiers. Dès lors, nous pouvons nous attendre à ce qu’un ton plus
cognitif soit employé dans les projets entrepreneuriaux à défaut d’un ton plus émotionnel
employé dans les projets culturels. Ainsi, nous formulons les deux hypothèses suivantes :
Dès lors, une validation des hypothèses 3 et 4 nous amènerait à considérer qu’il existe
bel et bien des différences de facteurs incitant la foule à investir dans une campagne de
crowdfunding sous forme de récompense en fonction du domaine de projet considéré. Par
conséquent, la cinquième hypothèse formulée est la suivante :
Hypothèses 5 : Les facteurs ayant un impact sur le nombre de contributeurs dans une
campagne de crowdfunding sous forme de récompense ne sont pas les mêmes en
fonction du domaine de projet considéré.
77
2.8. Résultats
En passant du modèle général de régression linéaire multiple, dans lequel nous incluions
les treize variables explicatives précédemment décrites, au modèle spécifique, dans lequel
seules les variables explicatives étant significatives au seuil de 5% étaient conservées, nous
obtenons des résultats différents en fonction du domaine de projet considéré.
Figure 7: Résultats du modèle spécifique de régression linéaire multiple pour les projets culturels
78
De plus, il apparaît que ces trois variables sont positivement corrélées à la variable
« CONTRIBUTEURS ». Ainsi, plus le projet propose de récompenses, contient des
commentaires ainsi que de likes sur sa page Facebook, et plus le nombre de contributeurs est
susceptible d’augmenter.
Figure 8: Résultats du modèle spécifique de régression linéaire multiple pour les projets
entrepreneuriaux
Par ailleurs, ces cinq variables sont positivement corrélées à notre variable expliquée, à
l’exception de la variable « VIDEO_SUPP » qui lui est négativement corrélée. Cela signifie
79
ainsi que la présence d’une ou plusieurs vidéos dans le corps de texte de présentation du projet
influence négativement le nombre de contributeurs dans une campagne pour un projet de type
entrepreneurial.
Par conséquent, nous constatons que le seul point commun entre les projets culturels et
entrepreneuriaux, en termes de facteurs significativement explicatifs incitant la foule à investir
dans un projet, est le nombre de commentaires publiés par les internautes. Ainsi, dans le cadre
de notre étude, nous ne pouvons pas considérer l’intégralité des facteurs étudiés comme
détenant un pouvoir explicatif significatif quant au nombre de contributeurs. Nous ne sommes
par conséquent pas en mesure de valider notre hypothèse 1 (« Chaque facteur considéré détient
un pouvoir explicatif significatif quant au nombre de contributeurs, indépendamment du
domaine de projet considéré. »).
80
De plus, nous avons constaté que, d’une part, la variable relative aux fautes
d’orthographe présentes dans le texte de présentation des projet n’était significative ni pour les
projets culturels, ni pour les projets entrepreneuriaux. D’autre part, nous avons également
constaté que dans le cadre des projets entrepreneuriaux, la variable relative à la vidéo
supplémentaire était significative et négativement corrélée à notre variable dépendante. Ainsi,
nous ne sommes pas en mesure de valider notre hypothèse 2 (« Chaque facteur apparaissant
comme significatif est positivement corrélé au nombre de contributeurs, à l’exception du facteur
concernant les fautes d’orthographes présentes dans le texte de présentation du projet qui lui
est négativement corrélé. »).
Ensuite, nous observons que dans le texte de présentation des projets entrepreneuriaux,
bien que cette variable ne soit pas significative pour notre modèle, un pourcentage plus élevé
de mots appartenant à la catégorie « cognitif » du LIWC Dictionary aura un impact positif sur
le nombre de contributeurs, alors qu’il aura un impact négatif sur celui-ci dans le cas des projets
culturels. Ainsi, nous ne rejetons pas l’hypothèse 3 (« La variable « POURC_COGN » détient
un impact plus élevé sur le nombre de contributeurs dans le cadre des projets entrepreneuriaux
que dans celui des projets culturels. »). Néanmoins, étant donné l’incertitude de nos résultats8,
nous ne sommes pas en mesure de valider totalement l’hypothèse selon laquelle l’emploi d’un
ton cognitif est recommandé dans le pitch de présentation des projets entrepreneuriaux
contrairement aux projets culturels.
De même, bien que la variable « POURC_SOCIAL » ne soit pas significative dans les
deux cas, elle apparaît étonnamment comme étant négativement corrélée à la variable
« CONTRIBUTEURS » pour les deux domaines de projets. Nous observons qu’un pourcentage
plus élevé de mots appartenant à la catégorie « social » a un impact négatif plus faible sur le
nombre de contributeurs dans le cadre de projets culturels que entrepreneuriaux (ß11(culturel)
= -10,4 > ß11(entrepreneurial) = -18,4). En revanche, concernant la variable
« POURC_AFFECT », les résultats sont trop asymétriques d’une catégorie de projet à l’autre
pour que nous puissions en tirer une conclusion pertinente. En effet, dans le cadre de projets
entrepreneuriaux, la variable « POURC_AFFECT » détient un pouvoir explicatif significatif
positif sur la variable « CONTRIBUTEURS » tandis que pour les projets culturels, son pouvoir
8
Comme mentionné précédemment, la variable « POURC_COGN » ne fait pas partie des variables retenues
dans les modèles spécifiques de nos régressions linéaires. Par conséquent, il est difficile de se fier à ces résultats.
81
explicatif n’est ni positif ni significatif. Ainsi, nous ne sommes pas en mesure de nous
positionner quant à l’hypothèse 4 (« Les variables « POURC_SOC » et « POURC_AFFECT »
détiennent un impact plus élevé sur le nombre de contributeurs dans le cadre des projets
culturels que dans celui des projets entrepreneuriaux. »).
Enfin, nous avons constaté que les facteurs qui s’avèrent avoir un pouvoir explicatif
significatif au regard du nombre de contributeurs investissant dans une campagne étaient
différents en fonction du domaine de projet considéré. Ainsi, nous ne rejetons pas l’hypothèse
5 selon laquelle les facteurs ayant un impact sur le nombre de contributeurs sont différents en
fonction du domaine de projet considéré.
Une première interprétation de nos résultats réside dans le constat que le facteur lié aux
commentaires présents sur la page de présentation des projets détient un pouvoir explicatif dans
les deux domaines de projets étudiés. En effet, ce constat confirme l’importance de l’aspect
social résidant dans une campagne de crowdfunding. Par ailleurs, ce facteur détient un impact
plus élevé dans le cadre des projets culturels que dans les projets entrepreneuriaux. Une piste
d’interprétation est que l’aspect culturel d’un projet aura tendance à susciter une plus grande
interaction de la part des internautes que si ce dernier détenait une visée plus entrepreneuriale.
De plus, le nombre de likes sur la page Facebook d’un projet culturel détient, sur un plan
statistique, un impact sur le nombre de contributeurs, tandis que ce n’est pas le cas pour les
projets entrepreneuriaux. Ainsi, l’influence sociale résidant autour des projets culturels peut
être considérée comme détenant plus de poids que dans les projets entrepreneuriaux.
Néanmoins, il est difficile d’interpréter les autres résultats. En effet, aucune piste
d’interprétation n’a été trouvée concernant le fait que le nombre de récompenses soit un facteur
incitant la foule à investir dans un projet lorsque celui-ci est culturel alors qu’il n’en est rien
pour les projets entrepreneuriaux. Il en va de même pour les variables concernant la durée de
la vidéo de présentation, la présence d’une ou plusieurs vidéos supplémentaires, la présence
d’un site web, ou le pourcentage de mots appartenant à la catégorie « affectif ».
82
2.10. Conclusion
L’objectif de cette étude quantitative était d’étudier si chacun des facteurs établis en
amont de celle-ci détenait la même influence sur le nombre de personnes ayant investi dans une
campagne de crowdfunding sous forme de récompense en fonction du domaine de projet
considéré. D’une part nous avons montré que seuls certains facteurs détenaient un réel impact
sur le nombre de contributeurs, et d’autre part que ces facteurs étaient bel et bien différents en
fonction du domaine de projet considéré.
Tout d’abord, seuls trois facteurs sont apparus sur le plan statistique comme détenant
un réel impact sur le nombre de contributeurs dans le cadre de projets culturels. Ces facteurs
sont le nombre de récompenses proposées, le nombre de commentaires publiés et le nombre de
likes détenus par la page Facebook du projet. Premièrement, plus le nombre de récompenses
proposées par le porteur de projet est élevé, plus celui-ci est susceptible de rassembler un grand
nombre de contributeurs. Selon les résultats de nos régressions linéaires, une récompense
supplémentaire engendre environ 5 contributeurs supplémentaires. Ensuite, plus le nombre de
commentaires publiés par les internautes est élevé, plus le nombre de contributeurs le sera
également. En effet, un commentaire supplémentaire engendre environ 25 contributeurs
supplémentaires. Enfin, le dernier facteur apparaissant comme détenant un réel impact sur le
nombre de contributeurs est le nombre de likes sur la page Facebook du projet concerné.
Néanmoins, un like supplémentaire ne permet au projet d’acquérir « que » 0,007 contributeurs
supplémentaires, ce qui est relativement faible. Ce constat s’explique alors par l’ordre de
grandeur de cette variable. En effet, nous avons constaté dans la Table 1 que le nombre de likes
par projet variait entre 146 et 20.245. Ainsi, un seul like supplémentaire n’aura pas de réel
impact sur le nombre de contributeurs. En revanche, un impact sera constaté dans le cas où le
projet détient mille likes supplémentaires (engendrant ainsi 7 contributeurs supplémentaires).
Ensuite, dans le cadre de projets entrepreneuriaux, nous avons constaté que sur le plan
statistique, seuls cinq facteurs détenaient un réel impact sur le nombre de contributeurs. En
premier lieu, tout comme pour les projets culturels, plus le nombre de commentaires est élevé,
plus le nombre de contributeurs augmente. En revanche, cette augmentation n’est pas la même
que pour les projets culturels. En effet, ici un commentaire supplémentaire engendre 15
contributeurs supplémentaires (contre 25 dans les projets culturels). Il en va de même pour la
présence, sur la page de présentation, d’un lien renvoyant directement au site web du projet
83
Nous pouvons ainsi tirer la conclusion qu’il existe véritablement une différence
concernant les facteurs poussant la foule à investir dans une campagne de crowdfunding sous
forme de récompense en fonction du domaine du projet considéré.
Cependant, un regard critique est à apporter à ces résultats. Premièrement, seules les
variables que nous étions en mesure d’observer ont été étudiées. Par conséquent, la présence
d’autres facteurs non observables dans notre étude économétrique (tels que le nombre d’amis
Facebook du porteur de projet, l’existence d’une campagne de communication offline ou encore
le nombre de contributeurs dès les premiers jours de campagne par exemple) pourrait amener à
observer des résultats finaux différents de ceux que nous avons obtenus. De plus, les projets
que nous avons étudiés s’étendent du 3 février 2017 au 3 juillet 2019 (voir Annexe 5 et 6). Par
conséquent, certaines variables observées ne reflètent peut-être pas exactement la réalité. Par
exemple, le nombre de likes observés sur les pages Facebook des projets a été relevé durant le
mois de juillet 2019. Or, certaines campagnes se sont achevée en 2017, soit deux ans avant.
Ainsi, certains projets « fructueux » ont certainement vu leur nombre de likes augmenter depuis
la fin de leur campagne. Ainsi, les résultats de notre étude peuvent s’avérer biaisés en raison du
caractère « passé » des différents projets.
84
Conclusion générale
L’objectif principal de ce mémoire était de comprendre si, dans le cadre d’une campagne
de crowdfunding sous forme de récompense, le domaine d’un projet pouvait avoir une influence
sur les facteurs poussant la foule à investir dans celui-ci. Ainsi, nous avions énoncé la question
de recherche suivante :
Afin de répondre à cette question, nous sommes passés par trois étapes distinctes mais
toutefois étroitement liées. La première étape de notre démarche consistait à établir la liste des
différents facteurs étant décrit par la littérature comme pouvant amener au succès d’une
campagne de crowdfunding. Cette première étape a alors été décomposée en trois chapitres
distincts. Tout d’abord, il était pertinent d’établir un cadre théorique concernant la notion de
crowdfunding en général. Étant donné le caractère relativement émergent de cette pratique de
financement, en définir les concepts clés était donc approprié. Celui-ci se décompose en quatre
grandes familles : le crowdfunding sous forme de don, le crowdfunding sous forme de
récompense, le crowdfunding sous forme de participation en capital et enfin le crowdfunding
sous forme de prêt. Cette distinction est établie en fonction du type de contrepartie que recevra
le contributeur lorsqu’il aura investi dans une campagne. Bien que le type de contrepartie puisse
différer d’une forme de crowdfunding à l’autre, le fonctionnement de cette pratique reste
toutefois similaire. Dans les quatre cas, il s’agit d’un porteur qui finance son projet au moyen
d’une multitude de contributions, de la part de la foule, par l’intermédiaire d’une plateforme en
ligne. De plus, le crowdfunding s’applique à une multitude de domaines de projets, allant des
projets culturels a des projets immobiliers en passant par des projets entrepreneuriaux.
Une fois le cadre théorique du crowdfunding posé, nous nous sommes alors intéressés,
dans un second chapitre de la revue de littérature, au déroulement d’une campagne de
crowdfunding de manière générale. Ce chapitre décrit alors l’importance que représentent la
présentation du projet sur la plateforme en ligne et une stratégie de communication multicanale
adaptée au public que le porteur de projet souhaite viser. Concernant la présentation du projet,
85
il est primordial pour un porteur d’identifier, d’une part, les différentes cibles qu’il souhaite
atteindre et, d’autre part, la raison fondamentale pour laquelle son projet mérite d’être financé.
Ainsi, la présentation de son projet doit être ciblée en fonction du public visé et en adéquation
avec ses valeurs. Dans ce cas, le storytelling occupe une place prépondérante en terme d’outil
à mobiliser afin d’inciter la foule à s’intéresser à un projet. Concernant la stratégie de
communication à définir en amont de la campagne et à appliquer avant, pendant et après celle-
ci, trois axes importants sont à prendre en compte : les cibles de la communication, le rythme
de la communication et enfin les relais de la communication. Les différents messages
communiqués par le porteur de projet à la foule prennent alors l’aspect de « mises à jour »
pouvant prendre différentes formes possibles. La fréquence de publication de ces dernières suit
généralement une courbe en « U » s’alignant avec le rythme de financement de la campagne.
De plus, différents supports sont à utiliser dans le cadre d’une campagne de communication
efficace. Ainsi nous retrouvons les supports « online » tels que les réseaux sociaux, et les
supports « offline » tels que les conférences, les évènements, les relations avec la presse, etc.
attirée par un projet ayant déjà réussi à convaincre une première base conséquente de
contributeurs. En effet, celui-ci apparaitra alors comme plus crédible et de meilleure
qualité. L’un des enjeux majeurs d’une campagne de crowdfunding est dès lors de parvenir à
rassembler cette première base d’investisseurs le plus rapidement possible. Enfin, certains
signaux apparaissent comme ayant une influence négative sur l’investissement de la foule.
Parmi ceux-ci figurent les fautes d’orthographe présentes dans le texte de présentation du projet
ou une durée de campagne trop longue.
Par ailleurs, les facteurs poussant la foule à investir dans une campagne de
crowdfunding peuvent différer d’un type de crowdfunding à l’autre. À titre d’exemple, les
personnes investissant dans le crowdfunding sous forme de participation en capitale ou de prêt
sont attirées par le rendement financier qu’engendre leur contribution. En revanche, les
contributeurs dans le crowdfunding sous forme de don ou de récompense investissent dans le
but de soutenir une cause, d’aider, ou de prendre part à un projet. Ainsi, une différence en terme
de facteurs d’incitation à l’investissement réside notamment dans le ton employé par le porteur
dans son texte de présentation. Un ton à connotation émotionnelle ou sociale sera dès lors
favorisé pour les campagnes sous forme de don ou de récompense, tandis qu’un ton plus
cognitif sera privilégié pour les campagnes financières.
La première étape de notre recherche consistait ainsi à étudier l’ensemble des facteurs
poussant la foule à investir dans une campagne de crowdfunding à travers les différentes études
présentes dans la littérature. La seconde étape de notre recherche fut alors d’interroger deux
acteurs afin d’en apprendre davantage sur les différentes pratiques recommandées menant au
succès d’une campagne de crowdfunding sous forme de récompense. Le premier acteur est le
co-fondateur de l’entreprise Sunslice, et le second est un coach en crowdfunding. Les réponses
émanant de ces deux entretiens nous ont alors permis de confirmer certains éléments rencontrés
dans la littérature. Ainsi, le rôle joué par la foule en terme d’apport de crédibilité à un projet,
l’importance de la préparation de la campagne, l’aspect communautaire rattaché autour de celle-
ci ainsi que l’importance de la communication autour des projets furent tous confirmés lors de
ces entretiens.
Enfin, la dernière grande étape de notre recherche a été de confronter les éléments
théoriques rassemblés dans les deux premières parties avec la réalité du terrain. Ainsi, la
troisième partie de notre recherche était d’étudier si le domaine d’un projet détenait une
87
influence sur ces différents facteurs préalablement identifiés dans le cadre du crowdfunding
sous forme de récompense. En effet, cet aspect du crowdfunding n’a pas encore été analysé
dans la littérature. Nous avons alors créé deux bases de données distinctes sur base de projets
hébergés sur la plateforme belge de crowdfunding sous forme de récompense « Crowd’in ». La
première base de données regroupait des projets culturels, la seconde des projets
entrepreneuriaux. Ainsi, nous avons évalué le pouvoir explicatif de treize variables que nous
étions en mesure d’observer sur le nombre de personnes ayant investi dans les campagnes. Les
résultats de nos analyses ont alors montré que les facteurs qui apparaissent comme détenant un
pouvoir explicatif quant au nombre de contributeurs dans une campagne étaient différents d’un
domaine de projet à l’autre. Dans le cadre de projets culturels, ces facteurs sont, d’un point de
vue statistique : le nombre de récompenses proposées par le porteur de projet, le nombre de
commentaires publiés par les internautes sur la page de présentation, et le nombre de « likes »
que contient le projet sur le réseau social Facebook. D’autres part, nos analyses ont montré que
dans le cadre des projets entrepreneuriaux, ces facteurs étaient : la durée de la vidéo de
présentation, la présence d’une ou plusieurs vidéos supplémentaires sur la page de présentation,
la présence d’un lien renvoyant vers le site web du projet, le nombre de commentaires publiés
par les internautes sur la page de présentation, et le pourcentage de mots à connotation affective
présents sur celle-ci. Dès lors, nous étions en mesure de répondre à notre question de recherche.
En effet, notre étude a prouvé qu’en fonction du domaine de projet considéré, les facteurs ayant
un impact sur le nombre de contributeurs étaient différents, à l’exception de celui concernant
le nombre de commentaires publiés par les internautes. Ainsi, l’importance de la dimension
sociale relative aux échanges entre le porteur de projet et les investisseurs, peu importe le
domaine de projet considéré, a été confirmée.
La réalisation de ce travail nous a ainsi permis d’établir certaines limites quant aux
facteurs de succès d’une campagne de crowdfunding tels qu’établis dans la littérature. En effet,
le constat d’une telle différence nous amène à penser qu’il est important d’apporter de la nuance
lorsque des facteurs de succès de campagnes sont établis pour un type de crowdfunding donné.
De plus, notre démarche consistait à étudier les facteurs de succès d’uniquement deux domaines
de projets ayant recours au crowdfunding sous forme de récompense sur une plateforme
donnée : le domaine culturel et le domaine entrepreneurial. Une démarche similaire appliquée
à d’autres plateformes, types de crowdfunding ou domaines de projet, permettrait d’étendre les
recherches relatives à l’influence du domaine d’un projet sur les facteurs de succès qui lui sont
propres. De plus, les résultats de nos recherches impliquent qu’il est important pour un porteur
88
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97
Annexes
Présentation de l’entreprise
3. Quels sont les raisons qui vont ont poussé à faire appel au financement participatif
lorsque vous y avez eu recours lors de votre première campagne ?
4. Quelle plateforme avez-vous utilisé pour mener votre première campagne ? Pourquoi
celle-ci plutôt qu’une autre ?
5. Quelles étaient vos craintes quant à la réussite de la campagne avant de la lancer ? Y-
a-t-il des risques importants que vous avez dû prendre ?
6. Quelles ont été les différentes étapes de préparation de cette campagne ?
7. Une fois la campagne lancée, quelles dispositions avez-vous dû prendre afin de
convaincre la foule d’investir dans votre projet et ainsi atteindre le montant désiré ? En
d’autres termes, quels ont été les moyens de communication mis en œuvre afin
d’attirer les investisseurs sur la page web de financement du projet, et d’investir dans
votre projet ?
8. Au terme de cette campagne, vous n’avez pas réussi à récolter les fonds souhaités.
Quelles en sont les causes selon vous ?
9. Comment avez-vous réagi face à cet échec ?
10. La seconde levée de fonds que vous avez réalisée portait-elle sur le même projet que
celui de la première campagne ? L’objectif financier de cette seconde campagne était-
il identique à celui de la première ?
11. Avez-vous utilisé la même plateforme de crowdfunding ?
12. Sous quel angle avez-vous abordé cette nouvelle campagne ? Quels sont les
changements que vous avez mis en œuvre entre cette campagne et la première afin de
vous mener à atteindre l’objectif financier désiré ?
99
13. Avez-vous pris des risques nouveaux pour l’entreprise en vous lançant dans cette
seconde campagne ?
14. Selon vous, quels ont été les facteurs de succès de cette campagne (facteurs mis en
place par la société ou non) ? Quelles stratégies avez-vous mis en place pour réussir à
récolter la somme désirée?
15. Comment avez-vous convaincu la foule d’investir dans votre projet? Que leur avez-
vous proposé en échange?
16. Quels sont les profils d’investisseurs auxquels vous avez été confronté lors de cette
seconde campagne ?
Conclusion générale
5. Quelles sont les différentes étapes de suivi effectuées avec vos clients ?
6. Sur base de quels critères définissez-vous, avec les entrepreneurs, le type de
crowdfunding, de plateforme et de contreparties utilisées pour tel ou tel type de
projet ?
7. Lorsque vous analysez en amont la faisabilité d’une campagne, quels sont les éléments
qui vont déterminer si oui ou non cette dernière a le potentiel nécessaire pour pouvoir
être lancée ?
8. En quoi l’identification du 1er (Créateurs, Famille, Amis et Fans) et du 2ème (amis et
réseaux de la famille et des amis) cercle d’investisseurs est-elle une étape capitale
dans la préparation d’une campagne crowdfunding ? Pouvez-vous me parler de cette
phase ?
9. Concernant le 3ème cercle d’investisseurs (les inconnus), la création d’une large
communauté de personnes croyant au projet et prête à y investir peut être déterminante
du succès d’une campagne. Quelles sont par conséquent les démarches à entreprendre
afin de créer une telle communauté ?
101
10. La presse et les réseaux sociaux sont des médias pouvant mobiliser de grandes foules.
Comment mener à bien les relations avec les médias susceptibles de donner de la
visibilité à notre campagne ?
11. Dans votre travail avec vos clients, y-a-t-il des aspects qui retiennent plus votre
attention que d’autres, des aspects de la campagne que vous estimez être plus
importants que d’autres ?
Les investisseurs
12. Quels sont selon vous les éléments présents sur la présentation d’une campagne qui
font pencher la balance aux yeux d’un potentiel investisseur n’étant ni un ami proche
des entrepreneurs, ni un membre de leur famille ?
13. Les incitants poussant la foule à investir dans un projet sont-ils des incitants mis en
place uniquement par les entrepreneurs ou existe-t-il des incitants totalement
extérieurs au projet en lui-même ? (Tax Shelter, confiance envers la plateforme
choisie pour héberger notre projet, etc.)
14. Parmi les investisseurs du 3ème cercle, y a-t-il des profils que l’on rencontre plus
souvent que d’autres ?
15. Les Business Angels jouent-il un rôle important et récurrent dans le financement de
campagnes crowdfunding ?
Conclusion
16. Selon vous, quelles sont les caractéristiques d’une campagne crowdfunding réussie ?
17. Selon vous, y a-t-il des projets « types » propices à connaître un succès (domaine,
secteur, etc.) ?
102
Source : https://www.kovcomp.co.uk/wordstat/LIWC.html
ÉCORGA - DES ÉVÉNEMENTS SPORTIFS DURABLES 0 0 0 0 491 1099 5,08 6,46 12,36
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PLAT'O 0 0 0 0 540 603 1,14 3,43 12,59
ELLE S'APPELLE MONSIEUR 0 0 0 0 878 4,89 3,44 12,86
MIRELYS 0 0 0 2 2328 2,52 5,46 12,46
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TRICKSTERS - DES VETEMENTS POUR VOS VESTIVALS 1 0 0 1 416 1111 2,56 5,48 12,82
ATRIBU - A NEW BELGIAN LABEL […] WHOLE FAMILY 0 0 0 0 2764 4,62 5,44 15,49
108
109
La variable « DUREE_VIDEO » est la moins significative étant donné que c’est celle qui
détient la p-valeur du test de nullité la plus élevée (0,9479). Par conséquent, nous la retirons
du modèle.
110
La variable « MONTANT_OBJ » est la moins significative étant donné que c’est celle qui
détient la p-valeur du test de nullité la plus élevée (0,996). Par conséquent, nous la retirons du
modèle.
116