Infectiologie en Réanimation
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Références
en réanimation
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Pierre Charbonneau
Michel Wolff
Infectiologie
en réanimation
Springer
Pierre Charbonneau
Service de réanimation médicale
CHU de Caen
Avenue Côte-de-Nacre
14033 Caen
Michel Wolff
Service de réanimation médicale et des maladies infectieuses
Hôpital Bichat-Claude Bernard
AP-HP, Université Paris-Diderot Paris-7
46, rue Henri-Huchard
75877 Paris cedex 18
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Philippe Sansonetti
Professeur au Collège de France
Professeur à l’Institut Pasteur
I
Bactériologie,
immunologie
et pharmacologie
appliquées
à l’infectiologie
en réanimation
Les défenses de l’organisme et immunité innée
1
J.-M. CAVAILLON
Introduction
non-soi. Il mit en exergue que s’il en était ainsi, on devait alors s’interro-
1 ger sur la nécessité d’utiliser des adjuvants pour initier une réponse im-
munitaire décente. Il qualifia alors les adjuvants de « sales petits secrets
des immunologistes » [1]. De son côté, Polly Matzinger offrit quelques
réflexions supplémentaires pour réviser la définition de l’immunologie.
Elle suggéra que l’objectif du système immunitaire n’était pas de faire
la distinction entre le soi et le non-soi, mais plutôt de reconnaître et de
réagir à des signaux de danger délivrés par l’organisme. Ces signaux de
danger découleraient de l’action des agents pathogènes sur l’organisme.
Elle proposa son modèle des « 4 D » du danger : distress, damage, des-
truction and death [2]. Néanmoins, sa perception des signaux de danger
interne, aujourd’hui connu sous l’acronyme de DAMP, pour damage
associated molecular patterns et la reconnaissance des PAMP ne sont pas
forcément contradictoires, puisque DAMP et PAMP partagent souvent
les mêmes récepteurs (fig. 1).
Fig. 1 – Les produits microbiens libérés lors d’une infection et les molécules de danger
endogènes libérées lors de lésions tissulaires et par les cellules nécrotiques initient la
réponse immunitaire innée au site de l’agression, suite à leur reconnaissance par des récep-
teurs spécifiques.
tion des bactéries avec le C3, le C1q, ou la lectine liant le mannose (MBL)
active respectivement les voies alterne, classique ou des lectines du com-
plément. Ces trois façons d’initier la cascade du complément conduisent
à la lyse de l’agent pathogène. En outre, les microbes sont aussi confrontés
aux réponses d’une grande variété de cellules. Les cellules natural killer
(NK) sont spécialisées dans la lutte contre les virus pathogènes et peuvent
lyser les cellules infectées grâce à leur sécrétion de perforine et granzyme.
Les macrophages et les neutrophiles identifient les agents pathogènes
grâce à leurs PRR, les phagocytent et initient la cascade inflammatoire. La
réponse inflammatoire conduit à la production et à la libération de com-
posés antimicrobiens comme les défensines et le surfactant pulmonaire,
et à la production de radicaux libres, de cytokines et de chémokines. Les
cytokines jouent un rôle non seulement au sein du foyer infectieux, mais
aussi de façon endocrine. Ainsi, les cytokines stimulent l’hématopoïèse
au niveau de la moelle osseuse, induisent la fièvre via leur action sur le
système nerveux central, et initient la production des protéines de phase
aiguë de l’inflammation par le foie (fig. 2).
Fig. 2 – Les différentes étapes de la réponse contre les pathogènes microbiens. Au cours du
processus infectieux, les agents pathogènes sont détectés par les composants humoraux
(système du complément, anticorps naturels). En outre, les leucocytes reconnaissent des
motifs moléculaires spécifiques des micro organismes (PAMP), initiant ainsi la réponse immu-
nitaire innée. La phagocytose est impliquée, les peptides antimicrobiens sont produits et
les cytokines sont sécrétées. Ces dernières contribuent à une réponse locale et systémique,
agissant sur les phagocytes, les endothéliums, la moelle osseuse, le système nerveux central
et le foie (Adapté de Kapetanovic R. et Cavaillon J-M., Expert. Opin. Biol. Ther. 2007, 7, 907).
6 Infectiologie en réanimation
Le système du complément
Le système du complément est un élément primordial de l’immunité
innée apparu tôt au cours de l’évolution des espèces, et qui remonte à
plus de 500 millions d’années. Il est composé de plus de 30 composants
solubles ou présents à la surface des cellules. La molécule C3 est le com-
posant central de la cascade du complément, et peut être activée de trois
façons différentes. Dans la « voie classique », les antigènes microbiens
Les défenses de l’organisme et immunité innée 7
sont reconnus par les IgM auxquelles se lie la molécule C1q, condui-
sant à l’activation d’une C3 convertase : C4bC2a. La « voie des lectines »
conduit aussi à la formation de la C3 convertase. La molécule qui initie
alors la cascade d’activation est la mannose binding lectin (MBL), qui inte-
ragit avec des oligosaccharides à la surface microbienne. Quant à la « voie
alterne », elle conduit à la formation d’une autre C3 convertase (C3bBb),
suite à l’activation des facteurs B et D du complément. L’activation du
C3 conduit ensuite à la formation du complexe d’attaque membranaire
C5b6789n qui aboutit à la lyse des agents pathogènes. Toutefois, l’acti-
vité du système du complément ne repose pas seulement sur les consé-
quences de l’activation du C3. Les anaphylatoxines, de petits fragments
libérés lors de l’activation du complément, à savoir les molécules C3a,
C4a et C5a, contribuent à la réponse inflammatoire locale. Le C5a induit
une vasodilatation, et est chimiotactique vis-à-vis des neutrophiles et des
monocytes. En outre, le C5a augmente la stimulation du métabolisme
oxydatif et la phagocytose, et agit en synergie avec l’endotoxine pour in-
duire des cytokines [9].
Le système du complément joue un rôle important dans l’immunité
innée contre une grande variété de microbes. Ainsi, les souris déficientes
en C1q sont plus sensibles aux infections bactériennes. Il en est de même
pour les souris déficientes en composants C3 et C4 du complément ou
en MBL. De la même façon, des souris déficientes en C3 sont plus sen-
sibles aux infections polymicrobiennes dans le modèle CLP [10]. Mais
le système du complément est aussi impliqué dans l’immunité contre les
virus et les champignons. Pour ces derniers, la MBL est un constituant
majeur de l’immunité innée, comme cela a été démontré par exemple lors
des réponses contre Candida albicans. Il y a aussi quelques travaux qui
illustrent l’implication du complément lors des infections virales. Ainsi
par exemple, les déficiences génétiques pour le C1q, le C4, le facteur B ou
le facteur D entraînent une augmentation de la mortalité chez les souris
lors d’une infection par le virus du Nil occidental. Chez l’homme comme
chez la souris, de faibles niveaux de MBL sont associés à une susceptibi-
lité accrue à l’herpès simplex virus type 2. Pour résumer, le système du
complément assure une grande partie de la réponse immunitaire innée
contre un large spectre d’agents pathogènes. Il est l’une des premières
lignes de défense pour retarder l’invasion, favoriser la lyse des pathogènes
et alerter le système immunitaire de l’infection grâce à l’action des ana-
phylatoxines.
Phagocytose et opsonisation
L’ukrainien Élie Metchnikoff fut le premier à concevoir le rôle anti-
infectieux des cellules phagocytaires de l’immunité innée, suite à ses tra-
vaux menés à Messine en 1882. Après son observation de la phagocytose
d’épines de rose par des larves d’étoile de mer et de levure par les daphnées,
il élabora puis démontra l’implication du phénomène de la phagocytose
dans l’immunité innée [11]. Sans doute avant lui en 1876, William Ol-
ser avait remarqué la présence de particules de charbon dans les macro-
phages alvéolaires de mineurs. La même année, Robert Koch avait bien
observé des bacilles de l’anthrax dans des globules blancs, mais sans en
comprendre la relation avec la lutte contre l’infection. Après avoir été cap-
turée à la surface de la cellule phagocytaire (macrophage, neutrophile), la
bactérie va être engloutie au sein d’une vacuole de phagocytose, nommée
phagosome. Celui-ci va alors fusionner avec des lysosomes qui vont dé-
verser leur contenu enzymatique et abaisser le pH de ce qui est désormais
un phagolysosome au sein duquel la bactérie sera détruite. En Angleterre,
Sir Almroth Edward Wright définira le phénomène de l’opsonisation dès
1903, liant ainsi les acteurs de l’immunité cellulaire et ceux de l’immunité
humorale [12]. En effet, l’opsonisation correspond à la fixation d’anti-
corps ou d’éléments du complément à la surface des bactéries qui permet-
tent une phagocytose plus rapide et plus ample. D’autres facteurs sériques
peuvent également se comporter comme des opsonines : c’est le cas de
la pentraxine-3, du MD2 soluble, de la sérum amyloïde A, de l’heparin
binding protein (HBP) ou de la MBL. Rappelons enfin le rôle essentiel de
la phagocytose dans l’élimination des cellules apoptotiques et des cellules
mortes. Le terme d’« efferocytose » a été proposé pour caractériser ce phé-
nomène [13], observé sans doute la première fois en 1889 par Marc Ar-
mand Ruffer, un élève de Metchnikoff et par Giulio Bizzozero dès 1871.
Formation de « filets »
Les neutrophiles sont les premières cellules à être recrutées sur le
foyer infectieux. Leur rôle clé dans l’immunité anti-infectieuse est il-
lustré par la grande sensibilité aux infections des patients souffrant de
neutropénies héréditaires ou acquises. Les neutrophiles peuvent libé-
rer des neutrophil extracellular traps (NET), à savoir des filets formés
de leur ADN nucléaire, contenant des histones et des enzymes telles
que l’élastase, la cathepsine G et la myéloperoxydase [14] (fig. 3). Ce
phénomène peut être amplifié par l’activation des neutrophiles par les
plaquettes [15]. Bien sûr, ce mécanisme implique la mort de la cellule,
on parle de mort par « étose ». Capturées dans ces filets, les bactéries
peuvent alors être tuées. Pour contrecarrer ce processus, certaines bac-
Fig. 3 – Le phénomène de mort par « étose » et la formation de filets (NET) impliquée dans la
capture et l’élimination des bactéries.
10 Infectiologie en réanimation
Peptides antimicrobiens
Suite à leur reconnaissance par les nombreux récepteurs de l’immu-
nité innée, les microbes activent diverses voies de signalisation condui-
sant à la production et à la sécrétion de peptides antimicrobiens comme
les protéines de reconnaissance du peptidoglycane, les cathélicidines et
les défensines. En ce qui concerne les peptidoglycan recognition proteins
(PGRP), si certaines molécules sont des récepteurs cellulaires à la surface
des cellules du corps gras chez les insectes, chez les mammifères il s’agit de
protéines sécrétées. Les mammifères ont quatre PGRP (PGLYRP1, 2, 3
et 4). Elles sont exprimées dans les neutrophiles (PGLYRP1), le foie (PG-
LYRP2), les muqueuses, et sont présentes dans les sécrétions comme la
salive ou la sueur (PGLYRP3 et PGLYRP4). Toutes reconnaissent le pep-
tidoglycane bactérien. Trois d’entre elles (PGLYRP1, 3, et 4) sont direc-
tement bactéricides pour les bactéries à Gram-positif et à Gram-négatif,
alors que PGLYRP2 est une N-acétylmuramoyl-l-alanine amidase [16].
Les cathélicidines sont trouvées dans les granules des neutrophiles et
dans certaines cellules épithéliales. Une cathélicidine, nommé LL-37 ou
CAP18 (peptide antimicrobien cationique) est exprimée chez l’homme et
joue un rôle lors des infections cutanées par le streptocoque de groupe A.
LL-37/CAP18 est également connue pour neutraliser l’endotoxine en
bloquant sa fixation aux cellules CD14-positives, bloquant ainsi la libéra-
tion de cytokines.
Les défensines humaines existent en tant qu’F et G-défensines, en
fonction de leurs séquences. Il y a 6 F-défensines humaines (HAD) et
4 G-défensines humaines (HBD). HAD 1 à 4 sont produites par les
macrophages, les neutrophiles et les cellules NK. Ces molécules sont stoc-
kées dans des granules et sécrétées au site inflammatoire lors de la stimu-
lation cellulaire. HAD-5 et -6 sont produites par les cellules de Paneth.
En plus de leurs actions antimicrobiennes, les F-défensines possèdent
quelques autres propriétés. Elles induisent la production d’IL-8 par les
cellules épithéliales et les kératinocytes, la dégranulation des mastocytes,
et elles améliorent la phagocytose par les cellules mononucléées. HBD-1
est exprimée de façon constitutive et est présente dans le plasma. HBD-2
et -3 sont produites par les cellules épithéliales lors de la stimulation par
l’interleukine-1 (IL-1) et le transforming growth factor F (TGFF), respecti-
vement. Les propriétés antimicrobiennes des défensines ont été largement
décrites. Schroder et al. [17] ont montré qu’HBD-2 est efficace dans la
lutte contre les bactéries à Gram-négatif et Candida albicans, et Harder et
al. [18] ont montré qu’HBD-3 joue un rôle contre Staphylococcus aureus.
Les défenses de l’organisme et immunité innée 11
des modèles de sepsis. Il se pourrait que cette cytokine soit bénéfique lors
1 de sepsis non sévères, et délétère lors des sepsis sévères [26, 27].
Notons enfin que les lymphocytes B, via leurs récepteurs TLR, peuvent
être directement activés par les produits microbiens et être également une
source de cytokines, et suite à leur activation polyclonale libérer des anti-
corps, présentant une large gamme de spécificité.
Fig. 5 – Nature des damage associated molecular patterns (DAMP) libérés par les cellules nécrotiques
et les tissus lésés et nature des récepteurs (pattern recognition receptors, PRR) impliqués dans leur
reconnaissance (adapté de Cavaillon J-M. Bull Assoc. Anciens Elèves Inst. Pasteur 2007, 49, 58).
de signalisation existent : l’une est partagée par l’ensemble des TLR, sauf
TLR3, et initiée par la molécule adaptatrice MyD88 qui aboutit à l’ac-
tivation du facteur nucléaire NF-PB et à la production des cytokines de
l’inflammation. L’autre est spécifique de TLR3 et est partagée avec TLR4,
requiert la molécule adaptatrice TRIF et aboutit à la voie d’activation,
dépendante du facteur nucléaire IRF3, requise pour la production d’in-
terféron de type I [31].
les plus connues de cette famille dite NOD-like receptors sont NOD1 et
1 NOD2, dont la signalisation s’effectue via un ou deux domaines CARD,
respectivement. NOD1 détecte l’acide N-acétylglucosamine-N-acétyl-
muramique (GlcNAc-MurNAc) lié à trois acides aminés [32], présent
dans le PGN des bactéries à Gram-négatif et qui contient un acide aminé
spécifique, le méso-diaminopimélate. NOD2 détecte le muramyl dipep-
tide (MDP) [33], un motif trouvé dans le PGN des bactéries à Gram-
négatif et à Gram-positif. Ces deux récepteurs jouent un rôle majeur dans
la détection de nombreux agents pathogènes bactériens, en particulier
au niveau des cellules épithéliales et des cellules endothéliales. Malgré la
description précise des ligands des molécules de NOD1 et NOD2, ces
derniers sont aussi impliqués dans l’immunité antivirale (virus respira-
toire syncytial) [34], antiparasitaire (Trypanosoma cruzi) [35] et dans des
modèles d’ischémie-reperfusion [36], laissant supposer leur implication
dans la reconnaissance de PAMP et de DAMP autres que ceux dérivés
du PGN.
Fig. 7 – Membres de la famille des NOD-like receptors, leurs ligands et quelques-unes des molé-
cules adaptatrices impliquées dans la signalisation de ces « sensors ». Le précurseur de la cas-
pase-1 et ASC, associés à l’une ou l’autre des molécules NLRP1, NLRP3, NLRP7, AIM, NLRC4…
constituent différents inflammasomes (Adapté de Kapetanovic R. et Cavaillon J-M., Expert. Opin.
Biol. Ther. 2007, 7, 907).
Parmi les membres de la famille des NLR, notons NLRC4 et NAIP5 qui
reconnaissent la flagelline bactérienne, et NLRP3 qui interagit avec les
ADN et ARN bactériens et viraux, mais aussi différents DAMP (cristaux
d’acide urique, peptide ß amyloïde) et différentes substances inflamma-
toires (amiante, silice, UV, nanoparticules, et sels d’aluminium). À noter
que NLRP3 et d’autres NLR peuvent constituer avec la molécule adap-
tatrice ASC et le précurseur de la caspase-1 ce qu’il est convenu d’appeler
des inflammasomes [37]. Ces derniers aboutissent à la maturation du pré-
curseur de l’IL-1ß et de l’IL-18.
Les défenses de l’organisme et immunité innée 17
Une partie de cette famille joue un rôle essentiel contre les infections virales.
Il s’agit en particulier des molécules RIG-I et MDA-5 qui reconnaissent
respectivement les ARN 5’-triphosphate et double brins viraux. Dans les
deux cas, la molécule adaptatrice, MAVS, liée aux mitochondries, sert d’in-
termédiaire dans la signalisation qui aboutit à la production d’interféron-L.
Fig. 8 – Les cytokines sont les chefs d’orchestre de la réponse immunitaire innée contre les infec-
tions en favorisant quatre éléments clés de la réponse anti-infectieuse (activation des cellules
phagocytaires, activation de l’hématopoïèse, recrutement des cellules sur le site de l’infection,
induction de la fièvre) (Adapté de Cavaillon J.-M. IN Encyclopedia of Molecular Cell Biology and
Molecular Medicine, Viley-VCH, (Meyers RA Ed.) 2005, 8, 431.)
Les défenses de l’organisme et immunité innée 19
Conclusion
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Prédisposition génétique et sepsis
2
G. GERI, A. BOUGLÉ, C. ROUSSEAU, J.-P. MIRA
Introduction
Génétique et sepsis
Études animales
Depuis la description de lignées de souris résistantes à une infection
en 1933, de nombreuses études chez l’animal ont contribué à renforcer
la conviction de la contribution de facteurs génétiques dans le sepsis.
Ainsi, les souris de la lignée BALB/c sont résistantes à l’instillation intra-
nasale de pneumocoque, contrairement aux lignées CBA/Ca et SJL [5].
Dans ce travail de Gingles et al., une seule souris BALB/c mourrait
parmi 20 testées, alors que toutes les souris des deux autres lignées
mourraient d’infection invasive à pneumocoque dans un délai maximal
de 48 heures. D’autres lignées de souris présentaient des caractéristiques
intermédiaires. De façon cohérente, l’étude de la charge bactérienne
pulmonaire mettait également en évidence une baisse significative à la
48e heure chez les souris BALB/c, alors que celle-ci restait identique
chez les souris issues des lignées susceptibles. Enfin, le pneumocoque
était également détecté plus tôt dans les hémocultures des souris CBA/
Ca et SJL que chez les souris BALB/c, témoignant du caractère invasif de
l’infection pneumococcique chez ces souris susceptibles. Une des expli-
cations possibles de cette susceptibilité est le défaut de recrutement des
Prédisposition génétique et sepsis 25
Conclusion
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34 Infectiologie en réanimation
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Évolution des résistances bactériennes
en réanimation
3
V. CATTOIR, R. LECLERCQ
Introduction
V. Cattoir , R. Leclercq
CHU de Caen – Service de microbiologie
CNR de la résistance aux antibiotiques (laboratoire associé « Entérocoques et résistances particulières
des bactéries à Gram positif »)
Avenue Côte de Nacre – 14033 Caen Cedex 9
E-mail : [email protected]
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
37
38 Infectiologie en réanimation
Staphylococcus aureus
Les taux de résistance à la méticilline chez S. aureus ont atteint de
hauts niveaux depuis plusieurs décennies, excepté dans les hôpitaux des
pays européens nordiques. Les infections à SARM sont le plus souvent
liées aux soins, et la surveillance de leur taux fournit un indicateur de
qualité des soins. En France, un exemple d’évolution est montré, tous
services et prélèvements confondus, pour le CHU Henri Mondor de Cré-
teil [3] (fig. 1). La proportion de SARM, qui atteignait 40 % dans les an-
nées 1970, a fortement décru jusqu’en 1977 pour des raisons inconnues,
pour ensuite augmenter fortement jusque dans les années 1990. Ce n’est
qu’à partir du milieu de cette décennie que ce taux a de nouveau décru
progressivement. Ces variations se sont accompagnées de changement
de clones de staphylocoques. Ceux des années 1970 étaient sensibles à
la gentamicine ; l’émergence au cours des années 1980 a vu la diffusion
Évolution des résistances bactériennes en réanimation 39
Fig. 1 – Évolution de la résistance à la méticilline (oxacilline) chez S. aureus au CHU Henri Mon-
dor depuis 1969 [3]. Les flèches dirigées vers le bas indiquent les principaux phénotypes de
résistance des souches ; les flèches dirigées vers le haut datent l’introduction de divers antibio-
tiques en thérapeutique ou mesures d’hygiène.
Depuis les années 1990, des chiffres sont disponibles spécifiquement pour
les services de réanimation. La figure 2 montre l’évolution de la propor-
tion de SARM dans le groupe Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. La
décroissance s’observe dans les diverses spécialités médicales, mais elle est
surtout remarquable en réanimation. Ses raisons ne sont pas complète-
ment comprises. Le changement de clones serait en partie en cause, mais
on considère généralement que l’application stricte des mesures de pré-
vention, notamment des précautions contact après les années 1990, puis
l’introduction des frictions hydroalcooliques dans les années 2000 ont été
des éléments déterminants [5, 6]. L’influence de la consommation d’anti-
biotiques est indéniable ; elle participe à l’émergence des clones successifs
plus ou moins multirésistants. L’utilisation massive des fluoroquinolones
à la fin des années 1980 a été incriminée dans la dissémination des SARM
multirésistants. Une expérience d’arrêt quasi complet de l’utilisation des
quinolones pendant une année au CHU de Caen en 2001 a été corrélée
avec une réduction significative du taux de SARM [7].
40 Infectiologie en réanimation
Fig. 2 – Évolution de la résistance à la méticilline (oxacilline) chez S. aureus dans les services de
soins intensifs (losanges bleus), chirurgie (carrés roses) et médecine (triangles jaunes) des hôpi-
taux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris [5].
Entérocoques
La résistance à l’ampicilline est rare chez Enterococcus faecalis, alors
qu’elle est fréquente chez Enterococcus faecium. Dans l’étude REA-Raisin,
la résistance à l’ampicilline chez E. faecium a progressé de 43,6 % en
2007 à 73 ,8 % en 2010 [8].
La résistance à la vancomycine, décrite depuis la fin des années 1980,
est suivie avec attention. En effet, certains pays comme les États-Unis
connaissent une diffusion importante de ces souches multirésistantes.
Ainsi dans une étude publiée en 2001, le taux moyen de résistance à la
vancomycine chez les entérocoques dans 126 unités de soins intensifs des
États-Unis était de 10 % avec une dispersion de 0 à 59 % [17]. Les pour-
centages de résistance observés chez les souches de E. faecium isolées d’hé-
mocultures sont montrés dans le tableau I. En France, l’étude REA-Raisin
montre un taux stable inférieur à 2 % chez E. faecalis et entre 2,6 et 6,3 %
chez E. faecium entre 2007 et 2010 [8].
Évolution des résistances bactériennes en réanimation 43
Pneumocoques
Les pneumocoques ont développé des résistances aux G-lactamines de-
puis la fin des années 1970. Les pourcentages de souches intermédiaires
et résistantes à la pénicilline G dans divers pays européens sont montrés
dans le tableau I. En France, même si les taux de non-sensibilité à la
pénicilline G ont pu atteindre il y a une dizaine d’années environ 40 %,
il s’agit surtout de sensibilité diminuée [18]. Ainsi, pour les souches in-
vasives isolées chez l’enfant et chez l’adulte, en 2009, le pourcentage de
souches résistantes à l’amoxicilline est faible (< 1 %) et le pourcentage de
souches sensibles est au moins de 91 % et de 97 %, respectivement pour
le cefotaxime et la ceftriaxone [18]. Une seule souche isolée d’une hé-
moculture chez un patient adulte exprimait une résistance au céfotaxime
(CMI > 2 mg/L) [18].
Entérobactéries
Les espèces de la famille des Enterobacteriaceae sont responsables de
nombreuses infections communautaires et nosocomiales. En 2007, une
étude internationale rapportait des taux de prévalence des infections dans
les services de réanimation d’Europe de l’Ouest de 17,1 % pour Esche-
richia coli, de 9,7 % pour Klebsiella spp. et de 6,9 % pour Enterobacter
spp. [19]. En France en 2010, les infections à E. coli, Klebsiella pneumo-
niae, Klebsiella oxytoca, Enterobacter cloacae, Enterobacter aerogenes et Pro-
teus mirabilis représentaient respectivement 12 %, 5,1 %, 1,5 %, 4,9 %,
2,1 %, et 2,2 % des cas d’infections en réanimation associées à un dis-
positif invasif [8]. Plus spécifiquement, E. coli était responsable de 9,1 %
des pneumopathies, de 9,4 % des bactériémies et de 30 % des infections
urinaires [8].
Les profils de résistance naturelle aux G-lactamines sont différents d’une
espèce à une autre : E. coli et P. mirabilis ne produisent pas de G-lactamase
et sont donc sensibles ; Klebsiella spp. produit une pénicillinase chromo-
somique avec une résistance aux aminopénicillines dont l’activité est res-
taurée par les inhibiteurs ; Enterobacter spp. produit une céphalosporinase
chromosomique avec une résistance aux aminopénicillines ± inhibiteurs
et aux céphalosporines de première et deuxième générations. Le principal
problème de résistance aux G-lactamines est l’apparition de la résistance
aux céphalosporines de troisième génération (C3G), qui peut être due
à une hyperproduction de céphalosporinase chromosomique (en géné-
ral sélectionnée in vivo), l’acquisition d’une céphalosporinase (ex. CMY,
DHA) ou d’une bêtalactamase à spectre étendu (BLSE) plasmidiques. En
France, les céphalosporinases plasmidiques sont rares, représentant moins
de 0,6 % des souches d’E. coli, de Klebsiella spp. et de P. mirabilis en
44 Infectiologie en réanimation
2009 [20]. Au contraire, les BLSE ont très largement diffusé au niveau
3 international. Ces enzymes appartiennent à trois groupes principaux
(TEM, SHV et CTX-M) dont il existe plusieurs centaines de variants
décrits à ce jour. Avant 2000, les principales BLSE étaient des dérivés des
pénicillinases de type TEM ou SHV et étaient principalement retrou-
vées chez les espèces des genres Klebsiella et Enterobacter. Depuis 2000, la
situation épidémiologique a complètement changé avec la diffusion des
BLSE de type CTX-M (notamment CTX-M-15), notamment chez l’es-
pèce E. coli [21]. Cette « pandémie » correspond à une diffusion mixte de
souches et de plasmides, avec la dissémination de certains clones hyper-
épidémiques, comme le clone B2 E. coli O25 :H24 ST131 qui produit une
CTX-M-15 [22]. En 2010, 27,1 % des souches d’entérobactéries isolées
d’infections dans les services de réanimation français étaient résistantes
aux C3G, tandis que 18,4 % étaient productrices de BLSE, ces taux de
prévalence augmentant régulièrement depuis 2006 (fig. 3) [8]. En 2010,
7 % des souches invasives d’E. coli isolées en France étaient résistantes aux
C3G, avec une augmentation constante depuis 2005 (fig. 4) [2]. Pour
K. pneumoniae, 18 % des souches invasives isolées en France étaient résis-
tantes aux C3G en 2010 (fig. 4) tandis que certains pays, comme la Grèce,
présentaient des taux de prévalence supérieurs à 50 % [2]. Dans une étude
internationale (422 services de réanimation dans 36 pays) menée entre
2004 et 2009, la proportion de souches d’E. coli et K. pneumoniae résis-
tantes aux C3G dans les infections liées à un dispositif invasif était res-
pectivement de 66,7 % et 76,3 % pour les bactériémies sur cathéter, de
67,5 % et 68,9 % pour les pneumonies sous ventilation mécanique et
de 49,7 % et 72,2 % pour les infections urinaires sur sonde [23]. Par
comparaison, aux États-Unis en 2006-2007, la proportion de ces souches
d’E. coli et K. pneumoniae résistantes aux C3G était respectivement de
8,1 % et 27,1 % pour les bactériémies sur cathéter, de 11 % et 23,7 %
pour les pneumonies sous ventilation mécanique et de 5,5 % et 21,2 %
pour les infections urinaires sur sonde [24].
Fig. 3 – Évolution de la résistance bactérienne chez les bacilles à Gram négatif responsables
d’infections nosocomiales dans les services de réanimation français de 2004 à 2010 [8].
Évolution des résistances bactériennes en réanimation 45
Fig. 4 – Évolution de la résistance bactérienne chez les souches invasives d’E. coli (A), de K. pneu-
moniae (B) et de P. aeruginosa (C) en France (tous services confondus) de 2003 à 2010 [2].
Tableau II – Activité in vitro (CMI90 en mg/L) et taux de sensibilité ( % S) de 12 antibiotiques vis-à-vis de souches de bacilles à Gram négatif isolées dans les services de
réanimation en Europe entre 2004 et 2009 [34].
Pseudomonas aeruginosa
À côté de son rôle pathogène chez le patient atteint de mucovisci-
dose, le bacille pyocyanique est une cause majeure d’infections nosoco-
miales, notamment chez le patient de réanimation et le grand brûlé. Dans
une étude internationale de prévalence menée en 2007, les infections à
Pseudomonas spp. représentaient 17,1 % des cas dans les 667 services de
réanimation d’Europe de l’Ouest [19]. En France, P. aeruginosa était res-
ponsable de 16 % des infections en réanimation associées à un dispositif
invasif en 2010 : 20,5 % des pneumopathies, 9,4 % des bactériémies et
13,9 % des infections urinaires [8].
Bactérie de l’environnement, P. aeruginosa est naturellement résistant à
de nombreux antiseptiques et antibiotiques (amoxicilline ± acide clavula-
nique, céphalosporines de première et deuxième générations, céfotaxime,
ceftriaxone, ertapénème, tétracyclines, chloramphénicol, triméthoprime
et quinolones). Ceci est dû à la production d’une céphalosporinase chro-
mosomique, à une faible perméabilité membranaire et à la présence de
nombreux systèmes d’efflux actif (ex. MexAB-OprM) [38]. Inductible par
certaines G-lactamines (ex. acide clavulanique, imipénème), la céphalos-
porinase peut aussi être déréprimée par mutation(s), conférant ainsi une
résistance aux céphalosporines actives telles que la ceftazidime ou le céfé-
pime [39]. Même si les BLSE peuvent être fréquentes dans certaines régions
du monde (ex. PER-1 en Turquie, VEB-1 en Asie du Sud-Est) [40], ces
enzymes restent très rares en France, avec une prévalence estimée à 0,3 %
en 2007 [41]. En 2010, 34,5 % et 18,2 % des souches de P. aeruginosa
isolées d’infections dans les services de réanimation français étaient res-
pectivement résistantes à la ticarcilline et à la ceftazidime (fig. 3) [8]. À
titre de comparaison, les prévalences de la résistance à la pipéracilline et
la ceftazidime étaient respectivement de 20 et de 13 % parmi les souches
invasives de P. aeruginosa isolées en France en 2010 (fig. 4) [2].
La résistance aux carbapénèmes chez P. aeruginosa est principalement liée à
la perte de la porine D2 (aussi appelée OprD) souvent associée à la surex-
pression de systèmes de pompes d’efflux [42]. De plus, cette résistance
peut également être due à l’acquisition de carbapénèmases plasmidiques,
notamment des métallo-G-lactamases (ex. VIM-1 en Italie, VIM-2 en
Grèce) [43], mais ces enzymes sont rares en France, avec une prévalence
de 0,2 % en 2007 [41]. En 2010, 18 % des souches invasives de P. aeru-
ginosa étaient résistantes aux carbapénèmes en France, ce taux variant
entre 12 % et 17 % sur la période 2005-2009 (fig. 4) [8]. Dans une étude
internationale (422 services de réanimation dans 36 pays) menée entre
2004 et 2009, la proportion de souches résistantes à l’imipénème et/ou
au méropénème dans les infections liées à un dispositif invasif était res-
pectivement de 47,2 %, de 42,7 % et de 36,5 % pour les bactériémies
sur cathéter, les pneumonies sous ventilation mécanique et les infections
urinaires sur sonde [23]. Aux États-Unis en 2006-2007, la proportion des
souches résistantes aux carbapénèmes était respectivement de 23 %, de
25,1 % et de 26,4 % pour ces trois types d’infections [24].
50 Infectiologie en réanimation
Acinetobacter baumannii
Longtemps considérée comme une espèce peu pathogène, A. bau-
mannii est devenu en quelques décennies une cause majeure d’infections
nosocomiales, notamment dans les services de réanimation. Dans une
étude internationale de 2007, la prévalence des infections à Acinetobac-
ter spp. dans 667 services de réanimation était de 5,6 % en Europe de
l’Ouest [19]. Colonisant et infectant les patients les plus fragiles, cette
bactérie opportuniste est principalement responsable de pneumonies ac-
quises sous ventilation mécanique, de bactériémies sur cathéter et d’in-
fections urinaires sur sonde, tandis que les méningites postneurochirur-
gicales ne sont pas exceptionnelles [45]. En 2010, A. baumannii était
responsable de 2,1 % des infections liées à un dispositif invasif dans les
services de réanimation français : 2,8 % des pneumopathies, 1,3 % des
bactériémies et 0,3 % des infections urinaires [2].
Du fait da sa survie prolongée dans l’environnement (due à sa résistance
aux antiseptiques et à la dessiccation) et de sa résistance naturelle à de nom-
breux antibiotiques (G-lactamases, imperméabilité, efflux actif), A. bau-
mannii est à l’origine de nombreuses épidémies hospitalières. Sa résistance
intrinsèque aux G-lactamines (amoxicilline ± acide clavulanique, cépha-
losporines de première et deuxième générations, aztréonam) est en partie
liée à la production d’une céphalosporinase, qui peut être surexprimée en
conférant la résistance aux céphalosporines actives comme la ceftazidime
ou le céfépime [46]. En 2010, 75,6 % des souches d’A. baumannii isolées
d’infections dans les services de réanimation en France étaient résistantes
à la ceftazidime, ce taux variant entre 60,4 % et 80,2 % entre 2004 et
2009 (fig. 3) [2]. En Europe, les taux de résistance à la ceftazidime et au
céfépime étaient respectivement de 64,3 % et 59,5 % parmi les souches
isolées en réanimation entre 2004 et 2009 (tableau II) [34]. De plus,
Évolution des résistances bactériennes en réanimation 51
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Prévention de l’émergence ou de l’acquisition
des résistances en réanimation
4
J.-C. LUCET, G. BIRGAND
Introduction
contrastée, avec des variations importantes selon les pays, les espèces bac-
4 tériennes et le niveau de résistance. Ces données sont détaillées dans le
chapitre précédent, mais les évolutions divergentes sont pour certaines
non expliquées, par exemple la décroissance des taux de SARM au regard
de l’augmentation des taux des EBLSE, alors que d’autres illustrent des
phénomènes épidémiologiques particuliers.
Deux phénomènes sont particuliers à la réanimation : d’abord le fait que
tous les phénomènes y sont exacerbés, qu’il s’agisse de l’épidémiologie
de la résistance, de son impact individuel sur le pronostic du patient
et de son impact collectif dans les phénomènes d’amplification et de
dissémination de la résistance. Sans entrer dans le détail, les services de
réanimation conjuguent le confinement physique des patients, une pres-
sion de colonisation provenant des cas importés porteurs de BMR [3],
une pression de sélection par les antibiotiques élevée, une densité de
soins qui conduit à de multiples opportunités de transmission de bac-
téries résistantes entre patients, soit par les mains du personnel soit par
du matériel partagé, enfin un risque plus élevé d’infections plus graves
que dans les autres secteurs de soins. Ces caractéristiques font que la
majorité des études épidémiologiques et d’intervention ont été menées
en réanimation, ce qui d’ailleurs en gêne la généralisation dans les autres
secteurs de soins.
Au regard de ces risques, ce sont des réanimateurs qui, avec un groupe
de bactériologistes, ont, les premiers en France, conçu et mis en œuvre
des stratégies de prévention de la résistance bactérienne. Les premières
actions ont débuté au tout début des années 1990, permettant alors un
contrôle des phénomènes épidémiques, d’abord à Klebsiella pneumoniae
BLSE [4], puis plus lentement, à SARM [5]. Cependant, ces stratégies
ont été centrées sur l’interruption de la transmission croisée des BMR
entre les patients, alors que les stratégies de bon et moindre usage des
antibiotiques sont encore balbutiantes. Cette mise au point abordera
successivement l’épidémiologie de la résistance bactérienne en réanima-
tion, les raisons du choix des cibles bactériennes, les particularités micro-
biologiques de certaines BMR, le rôle de la pression de sélection par les
antibiotiques, les mesures de maîtrise ; enfin un certain nombre de ques-
tions seront listées.
Épidémiologie en réanimation
deux BMR réside d’abord dans leur caractère commensal, qui conduit à leur
implantation prolongée dans les flores une fois la résistance acquise. La durée
médiane de portage de ces bactéries est sensiblement la même, de l’ordre de
6 à 8 mois chez des patients régulièrement réhospitalisés [13]. La deuxième
raison de ce choix est la stabilité du mécanisme de résistance par acquisition
de matériel génétique. À ces deux BMR, responsables de situations épidé-
miques prolongées et bien installées en France, on ajoute les entérocoques
résistants aux glycopeptides (ERG), puisqu’il s’agit d’une bactérie commen-
sale avec un mécanisme de résistance par acquisition de matériel génétique.
Cependant, l’épidémiologie en est différente avec une bactérie encore émer-
gente, et des objectifs de contrôle qui sont d’empêcher leur implantation
dans les hôpitaux français [14]. Les entérobactéries productrices de carbapé-
nèmase (EPC) font elles aussi partie de ce groupe et répondent aux mêmes
objectifs d’éradication que l’ERG, avec des stratégies d’intervention lourdes.
La situation des bactéries saprophytes multirésistantes est différente ; il
s’agit essentiellement de A. baumannii et P. aeruginosa. Pour P. aerugi-
nosa, et sans entrer dans les détails épidémiologiques, l’analyse moléculaire
des souches de portage et d’infection en réanimation montre une grande
variété de situations : dans certains services, les souches sont diverses,
dues à la multiplication de P. aeruginosa présents dès l’admission dans
le tube digestif sous l’effet de la pression de sélection antibiotique [15].
Dans d’autres services, des souches de P. aeruginosa souvent plus résis-
tantes sont transmises de patient à patient [16-17]. A. baumannii est une
bactérie principalement saprophyte, parfois commensale sous les climats
chauds et humides. Elle possède la capacité de se maintenir dans des
réservoirs secs, constituant ainsi un réservoir stable pour la transmission.
Le caractère saprophyte de ces bactéries amène à plusieurs conséquences.
D’abord, les infections concernent essentiellement les secteurs de réa-
nimation, conjuguant le confinement des patients, l’utilisation de pro-
cédures invasives et une pression de sélection antibiotique importante.
La deuxième conséquence est que l’environnement participe à l’épidé-
miologie de ces souches, compte tenu de leur survie possible dans un
environnement sec (A. baumannii) ou humide (P. aeruginosa). Cepen-
dant les enjeux sont surtout individuels en raison de la gravité des infec-
tions à ces bactéries et de leur évolution vers la panrésistance, maintenant
régulièrement observée en France et beaucoup plus fréquente dans les
pays sud-méditerranéens ou en développement. Les enjeux collectifs de
dissémination de ces BMR sont limités aux secteurs où ces bactéries se
transmettent dans l’hôpital, essentiellement en réanimation ou d’autres
secteurs où la densité de soins et d’antibiotiques reste importante.
Bêtalactamine
Fluoro- Carba
+ Inhibiteurs C3G
quinolones pénèmes
de BL
SARM Oui Oui
Entérobactéries Oui
HPCASE
A. baumannii R Oui Oui Oui
aux carbapénèmes
P. aeruginosa multi-R Oui Oui Oui Oui
K. pneumoniae R Oui Oui Oui
aux carbapénèmes
Entérocoque R Oui
aux glycopeptides
SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, BLSE : bêtalactamase à spectre étendu ;
C3G : céphalosporine de troisième génération, HPCase : hyperproductrice de céphalosporinase.
Précautions standard
Les mesures pour limiter la transmission croisée entre patients sont
d’intensité croissante [26]. Elles peuvent se limiter aux seules précautions
standard, fondées essentiellement sur le respect de l’hygiène des mains
grâce aux solutions hydroalcooliques (SHA) avant contact avec chaque
patient ou son environnement immédiat [27]. Nous disposons d’indi-
cateurs d’observance de l’hygiène des mains au niveau national. Mais les
audits de pratiques comportent des biais, et sont maintenant complé-
tés par l’indicateur national réglementaire de consommation des SHA
(ICSHA). Leur consommation a augmenté notamment dans les CHU et
dans les grands hôpitaux. Mais les volumes consommés restent en deçà
des volumes souhaitables pour refléter une utilisation adéquate. L’aspect
qualitatif et la technique de friction des mains (durée, couverture des
mains et des poignets) sont aussi importants, l’audit national 2011 était
centré sur ce point.
64 Infectiologie en réanimation
Précautions contacts
4
Les précautions contacts s’ajoutent aux précautions standard pour
améliorer les comportements, en limitant la transmission à partir de
patients porteurs de certains pathogènes et notamment les SARM et
EBLSE [28]. Elles peuvent être appliquées aux seuls patients trouvés por-
teurs de BMR dans les prélèvements cliniques, ou être couplées à une
politique de dépistage pour identifier l’ensemble du réservoir des patients
porteurs. Le débat sur l’extension de la politique de dépistage est tou-
jours actif pour le SARM, un relatif consensus semblant maintenant être
obtenu en sa faveur, à la lumière des expériences notamment dans les ser-
vices de réanimation français [29]. En revanche, l’utilité d’une politique
de dépistage pour les EBLSE est moins claire ; on peut probablement
calquer cette politique sur celle du SARM, tout au moins en réanima-
tion, avec l’objectif d’identifier à l’admission et en cours de séjour les
EBLSE avec une capacité de transmission plus importante (K. pneumo-
niae ou Enterobacter spp. porteurs d’enzymes de type SHV ou TEM) que
d’autres (E. coli CTX-M) [30, 31].
La nature des précautions contacts a été récemment revue, la modifica-
tion essentielle pour les BMR étant de ne plus recommander le port de
gants, qui constituent plus un obstacle à l’hygiène des mains qu’une bar-
rière pour empêcher leur contamination [28]. Le placement en chambre
individuelle est efficace et reste recommandé [32]. Les autres mesures et
notamment l’identification rapide et la signalisation du portage restent
essentielles, puisqu’on sait que l’observance de l’hygiène des mains est aug-
mentée au contact d’un patient identifié comme porteur de BMR [33].
SARM, et il n’y a pas de raison de penser que leur efficacité serait diffé-
4 rente pour les porteurs de BLSE. La politique de dépistage en revanche
peut être différente pour SARM et pour BLSE, dans la mesure où il est
possible d’identifier un profil de patients porteurs de SARM (patient âgé,
présence de lésions cutanées chroniques, hospitalisation récente) alors que
les facteurs de risque de portage de BLSE ne permettent pas d’identifier
une population à dépister, sauf peut-être les patients admis en court séjour
venant de secteurs de soins chroniques ou médicosociaux, type EHPAD.
Un autre élément important pour le succès d’une intervention réside
moins dans le choix des mesures techniques que dans la façon dont elles
sont introduites et appliquées. Un exemple est fourni par deux travaux
publiés simultanément sur le contrôle du SARM en réanimation. Les
mesures, dépistage et précautions contacts étaient proches dans ces deux
études, mais l’une a permis de réduire fortement les taux de SARM [43]
et pas la seconde [44]. La principale différence résidait dans la stratégie
de mise en place des mesures : seulement techniques et avec une forma-
tion minimale dans l’une ; accompagnée d’une implantation utilisant les
sciences sociales, des leaders dans chaque hôpital, des audits de pratiques
avec rétro-information, et une stratégie comportementale appelée positive
deviance dans le cadre d’un programme multimodal (bundle) dans l’autre.
Faut-il considérer E. coli BLSE, souvent importé de la communauté, au
même niveau que les autres EBLSE, K. pneumoniae et Enterobacter spp.,
qui semblent circuler plus facilement, au moins dans les services de réani-
mation ? Trois raisons principales militent pour inclure E. coli BLSE avec
les autres EBLSE : d’une part, la nécessité d’avoir une politique cohérente
et facile à expliquer aux équipes de soins, et donc de ne pas différencier les
entérobactéries les unes par rapport aux autres ; ensuite, le fait que E. coli
BLSE peut se transmettre entre patients, même si c’est moins fréquent
que chez les autres EBLSE ; enfin, l’épidémie d’EBLSE est autant une
épidémie de supports de résistance qu’une épidémie de souches, comme
l’a montré l’intrication entre différentes entérobactéries et différentes
BLSE [45, 46].
Conclusions
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70 Infectiologie en réanimation
Introduction
Services cliniques Nombre d’échantillons SeptiFast positif SeptiFast positif SeptiFast négatif Référence
ou types de patients positifs quelle que soit et hémoculture et hémoculture et hémoculture positive
la méthode positive négative [a]
Soins intensifs et autres 198 50 (25 %) 124 (62 %) 24 (12) % [6] [24]
[a] : indique le nombre d’échantillons pour lesquels l’espèce est non présente dans le panel SeptiFast et donc ne pouvait être détectée par ce test.
Méthodes diagnostiques rapides des sepsis sévères en réanimation
73
74 Infectiologie en réanimation
pas compris dans le panel SeptiFast. Tous les travaux concluent que Septi-
5 Fast apparaît clairement comme une méthode diagnostique complémen-
taire des hémocultures. Plusieurs études, enfin, relèvent un taux plus faible
de contamination avec SeptiFast qu’avec les hémocultures. Si sur le plan
analytique le bénéfice apparaît indiscutable, des travaux restent à mener
pour une évaluation médicoéconomique de SeptiFast, afin de déterminer
s’il existe un gain réel, notamment en termes de durée d’hospitalisation et
de morbi-mortalité.
Cette approche du diagnostic moléculaire du sepsis apparaît donc pro-
metteuse. Toutefois certaines limites doivent encore être levées. Le coût
est élevé, il est en moyenne de 150 euros par test, par exemple, pour le
SeptiFast Test. L’absence d’informations sur la sensibilité du pathogène
en cause ne permet pas d’optimiser pleinement la prise en charge théra-
peutique. Enfin l’interprétation de la détection d’ADN d’un pathogène
n’équivaut pas forcément à sa responsabilité dans le sepsis en cours, en
particulier l’ADN d’un pathogène impliqué dans un premier sepsis traité
peut continuer de circuler plusieurs jours alors que l’antibiothérapie est
adaptée. Enfin et surtout, il s’agit d’une méthode qui n’est que partielle-
ment automatisée et qui ne peut être réalisée 24 heures sur 24. La rapidité
de réponse du test SeptiFast (6 heures en théorie) apparaît donc toute rela-
tive, en fonction du moment de survenue du sepsis. Des premiers essais
d’automatisation apparaissent prometteurs [2]. Il est probable qu’une fois
le problème de l’automatisation résolu, cette approche modifiera considé-
rablement la prise en charge des sepsis graves.
Recherche ciblée
Dans certains contextes cliniques, la recherche du clinicien pourra
être orientée spécifiquement vers un pathogène donné. Le cas le plus
démonstratif est représenté par la survenue d’un sepsis en présence de
lésions purpuriques devant faire évoquer une méningococcémie (fig. 1).
Le diagnostic microbiologique est d’autant plus difficile que, dans ce
contexte, le patient a le plus souvent reçu une antibiothérapie préalable-
ment à tout prélèvement, dans la crainte de la survenue d’un purpura ful-
minans. Le diagnostic moléculaire représente alors un atout majeur, non
pas tant sur le plan du diagnostic lui-même mais surtout sur la conduite
à tenir en termes de prophylaxie vis-à-vis du méningocoque. Depuis plu-
sieurs années ont été développées des PCR permettant de mettre en évi-
dence de l’ADN de méningocoque et de déterminer le sérogroupe cap-
sulaire auquel appartient la souche en cause. L’ADN du méningocoque
persiste dans le sang plusieurs heures après le début d’une antibiothérapie,
et il est possible de réaliser un diagnostic moléculaire à partir du sang
jusqu’à 24 heures après la première prise d’antibiotiques [3]. Dans ce
contexte particulier, le clinicien doit connaître l’intérêt majeur que repré-
sente la biopsie d’une lésion cutanée, dans laquelle le méningocoque peut
être observé à l’examen direct jusqu’à 43 heures après le début de l’anti-
Méthodes diagnostiques rapides des sepsis sévères en réanimation 75
Fig. 2 – Examen direct d’une biopsie de lésion purpurique, 12h après l’administration de cef-
triaxone. La présence de cocci à Gram négatif permet d’affirmer le diagnostic d’infection à
méningocoque.
1 2
Conclusion
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Méthodes diagnostiques rapides des sepsis sévères en réanimation 81
O. PETITJEAN, R. GAUZIT
Introduction
O. Petitjean* , R. Gauzit**
*Département de pharmacologie, CREPIT 93, Université Paris XIII, Hôpital Avicenne, 125 route de Stalingrad,
93000 Bobigny, [email protected]
**Unité de réanimation - l’Hôtel Dieu de Paris, Université Paris V, Réanimation Saint-Charles, Place du Parvis
de Notre-Dame, 75004 Paris
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
83
84 Infectiologie en réanimation
CMI 5 7 10 15 20 25 30
(mg/L)
1 27,3 49,7 73,2 90,1 96,2 98,5 99,4
2 2,6 9,9 27,2 55,1 73,4 84,0 90,0
4 0,0 0,3 2,6 12,6 27,5 41,9 55,0
8 0,0 0,0 0,0 0,5 2,6 6,7 12,6
Vancomycine
C’est de manière extrêmement empirique et en raison de sa mau-
vaise tolérance que l’usage de la vancomycine dans les années 1970-1980
était de ne pas dépasser une concentration résiduelle sérique de 10mg/L.
Cependant, l’évaluation des connaissances a permis d’aboutir aux deux
constats suivants : d’une part que ces concentrations cibles augmentaient
les risques d’échec clinique lors d’infections à S. aureus, notamment en
cas d’infection à S. aureus résistant à la méticilline (SARM) avec des CMI
supérieures à 1 mg/L [67] et que, d’autre part, ces concentrations favo-
risaient les risques de sélection de mutants résistants [68, 69]. Dans les
faits, il faudra attendre 2006 pour que l’ATS ( American Thoracic Society)
préconise l’obtention d’ une concentration résiduelle comprise entre 15
et 20 mg/L, recommandation qui sera reprise 3 ans plus tard par plusieurs
sociétés savantes [68, 70, 71]. Sur ces concentrations minimales recom-
mandées, à savoir 15-20 mg/L, il convient de faire deux remarques :
– d’une part, elles correspondent, exprimées en fraction libre, à 4 à 5 fois
la concentration critique de la vancomycine (Ccrit = 2 mg/L) puisque
cet antibiotique est lié à 55-65 % chez le volontaire sain et autour de
50 % chez le patient de réanimation septique.
– d’autre part, que Cmin à 15-20 mg/L, est également la concentra-
tion résiduelle que l’on est sensé observer lorsqu’on réalise un rapport
AUC24/CMI voisin de 350-400. Or, Moise-Broder et coll. [72] ont
montré dans une étude clinique de type PK/PD portant sur 108 in-
fections respiratoires basses à S. aureus (avec un score APACHE II
médian de 18) que le pourcentage de succès clinique est 7 fois supé-
rieur lorsque le rapport AUC24/CMI est ≥ 350, comparativement à
un rapport < 350 (p<0.0036). Or, les calculs montrent que donner
1,5 g à un sujet à fonction rénale normale conduit une AUC24/CMI
plus proche de 250 que de 350-400 et ce, pour une CMI de 1 mg/L.
La seule manière de parvenir à cet objectif est de passer à la perfusion
continue puisque la réalisation d’une concentration à l’équilibre (Css)
de 20 mg/L conduit à une AUC24 de 480 (24h × 20). Si on augmente
la Css à 30 mg/L, on respecte encore les objectifs d’AUC24/CMI préci-
tés, même pour des CMI de 1,5 ou de 2 mg/L.
MD. Kitzis et coll. [73] se fixent pour objectif une Cmin de 15-25 mg/L
en cas de SARM sensible à la vancomycine et de 30-40 mg/L en pré-
sence d’une souche de sensibilité diminuée ( GISA/VISA). Cette valeur
de 40 mg/L peut paraître importante mais ces souches à CMI élevées ont,
semble-t-il, davantage de chance de s’accompagner d’un fort inoculum
[74, 75]. Or la vancomycine est sensible à l’effet inoculum et encore
davantage in vivo qu’in vitro [76]. Craig et Andes [77] sur un modèle
d’infection de la cuisse de la souris à hétéro-VISA montrent que l’objectif
90 Infectiologie en réanimation
Les β-lactamines
Depuis la fin des années 1980, les G-lactamines sont considérées au re-
gard de leur profil de bactéricidie comme des antibiotiques temps-dépen-
dants (ou concentration-indépendants) dont l’efficacité est étroitement
corrélée au pourcentage de temps pendant lequel leurs concentrations
plasmatiques se maintiennent au-dessus de la CMI (% T>CMI). Ces tra-
vaux historiques sont menés sur des animaux à cinétique non humanisée
(t½ proches de 10-20 min qui obligent à recourir à des doses sans com-
mune mesure avec les doses humaines.
Tableau III – Pourcentage de T>CMI nécessaires pour aller de la bactériostase à la bactéricidie
maximale ; informations tirées de modèles infectieux murins à cinétique non humanisée.
Pénèmes 20 40
Cette proposition (tableau III) n’a jamais été validée en clinique autre-
ment que par la compilation de 5 études menées dans l’otite moyenne
aiguë de l’enfant. Ce travail a comme objectif, au sens PK/PD, de maxi-
Objectifs pharmacocinétiques, pharmacodynamiques (PK/PD) et adaptation posologique… 91
– Imipénème ND 12 (0,5 g)
– Méropénème ke = 0,006Clcr + 0,08 28 (1 g)
– Doripénème ke = 0,0044 Clcr + 0,197 23 (0,5 g)
• Pipéracilline (perf. 0,5 h) ke = 0,0049 Clcr + 0,21 110 (4 g)
– Vancomycine (perf. 1,0 h) ke = 0,00073 Clcr + 0,0122 34 (1 g)
– Colimycine
Dose de charge (UI) à j1 = Cmoy cible × 0,06 × Pds idéal (kg)
[sans dépasser 10 MUI et en retenant le Pds total s’il est inférieur au Pds idéal]
Dose d’entretien (UI/j) à partir de j2 = Cmoy cible × 0,045 (Clcr + 20), avec un intervalle
d’administration de 12 heures
La concentration moyenne (Cmoy) cible recommandée qui est le rapport AUCY divisée par Y
(Y = intervalle d’administration choisi, ici 12 heures), est de 2,5 mg/L (Garonzic et al. [134])
96 Infectiologie en réanimation
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Objectifs pharmacocinétiques, pharmacodynamiques (PK/PD) et adaptation posologique… 103
Avertissement
Introduction
Les azolés
Tableau I – Activité des principaux antifongiques systémiques sur les principales infections fongiques.
Infectiologie en réanimation
C. albicans + + + + + + +
C. krusei + – +/- + + + +
Cryptococcus spp. + + + + + – +
Aspergillus spp. + – + + + + –
Zygomycètes + – – – + – –
Le fluconazole
Le fluconazole est le traitement antifongique systémique le plus uti-
lisé en réanimation. Il inhibe la lanostérol déméthylase, enzyme dépen-
dante du cytochrome P450 indispensable à la transformation du lanos-
térol en ergostérol. L’ergostérol est essentiel à l’intégrité et à la fonction
de la membrane fongique. Le fluconazole exerce une activité fongista-
tique contre les levures sensibles et n’est pas actif sur les champignons
filamenteux.
En réanimation, la proportion de souches de Candida sp. restant sensibles
au fluconazole est de l’ordre de 80 % [2, 3]. Elle est très faible, inférieure
à 6 % pour Candida albicans et beaucoup plus importante pour Candida
glabrata (50 % des souches environ) [2]. Candida krusei est naturelle-
ment résistant au fluconazole. La proportion de souches sensibles au flu-
conazole est diminuée en cas d’exposition antérieure au produit et chez
les patients d’hématologie.
Tableau II – Pharmacocinétique comparée des antifongiques à action systémique. Adapté de [14, 15, 18, 48].
Polyènes
Amphotéricine B
déoxycholate 0,6-1 mg/kg/j 0,5-2 95 0-4 0-38 3-20 0 Fèces, 50 50
Amphotéricine B liposomale 3-5 mg/kg/j 8,3 > 95 <5 0-38 5 0 100-
Amphotéricine B complexe ? 153
lipidique 5 mg/kg/j 1,7 95 <5 0-38 <5 0
173
Azolés
Fluconazole 6-12 mg/kg/j 6-20 11 > 60 28-75 90 Foie Rénale 31
Itraconazole 200 × 2/j 0,5-2,3 99,8 < 10 10 1-10 Foie++ Foie 24
Voriconazole 6 mg/kg × 2 3-4,6 58 60 38 <2 Foie++ Rénale 6
puis 4 mg/kg × 2
Posaconazole 600-800 mg/j 1,5-2,2 99 ? 26 <2 Foie Fèces 25
en plusieurs doses
5-Fluorocytosine 100-150 mg/kg/j 30-40 4 60-100 49 90 0 Rénale 3-6
en 4 administrations
ou prises
Molécules Dose usuelle Pk Diffusion (%) Métaboli- Élimina- T 1/2 (h)
sation tion
Cmax Fixation pro- SNC Vitrée Urines
(mg/L) téique (%)
Échinocandines
Caspofungine 70 mg/j 8-10 97 <5 0 <2 Foie Rénale 30
Micafungine puis 50 mg/j*
100 mg/j 10-16 99 <5 <1 <2 Foie Fèces 15
Anidulafungine 200 mg j1 6-7 84 <5 0 <2 Aucun Fèces 26
puis 100 mg/j
* 70 mg/j tous les jours si poids > 80 kg.
De la bonne utilisation des antifongiques systémiques en réanimation
109
110 Infectiologie en réanimation
Pharmacodynamie du fluconazole
Parmi les antifongiques, le fluconazole a fait l’objet du plus grand
nombre d’études pharmacodynamiques (tableau III). Un meilleur taux
de succès est obtenu chez l’animal avec un rapport ASC 0-24 h/CMI
> 25. Chez l’homme, un rapport dose/CMI > 50 [7] ou 100 et une ASC/
CMI > 11,5 [8] sont des paramètres associés au succès microbiologique et
à une moindre mortalité chez les patients non neutropéniques présentant
une candidémie.
Il faut enfin garder en mémoire que l’activité du fluconazole est
réduite ou absente sur les biofilms fongiques in vitro [9, 10]. Une
grande prudence doit donc rester de mise pour l’utilisation du fluco-
nazole dans les infections sur matériel étranger, si celui ne peut pas
être retiré.
Effets secondaires
Le succès du fluconazole en réanimation s’explique en partie par le peu
d’effets secondaires. Ceux-ci sont plus fréquemment rapportés pour des
doses supérieures à 400 mg/j. La toxicité hépatique est rare [11]. L’éléva-
tion des enzymes hépatiques survient dans moins de 10 % des cas, et jus-
tifie l’interruption du traitement dans moins de 1 % des cas. Bien que la
toxicité soit dépendante de la dose, la bonne stabilité des concentrations
obtenues et l’index thérapeutique large ne justifient pas la surveillance des
concentrations circulantes [4].
Voriconazole
Pharmacologie, pharmacocinétique
Le voriconazole (VRZ) est un dérivé triazolé à large spectre d’activité
sur les levures, y compris C. krusei, et sur Aspergillus sp. Le voriconazole
est le traitement de référence des aspergilloses.
Les propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques du VRZ sont
rappelées dans les tableaux II et III. La posologie est précédée le premier
jour d’une dose de charge de 6 mg/kg × 2 du fait de sa pharmacocinétique
112 Infectiologie en réanimation
Effets secondaires
Le VRZ est bien toléré aux concentrations thérapeutiques. L’effet
indésirable principal pouvant gêner son utilisation en réanimation
est la neurotoxicité centrale responsable d’encéphalopathie, d’autant
plus fréquente que les concentrations résiduelles sont supérieures à
5,5 mg/L [12]. À des concentrations élevées (interactions médicamen-
teuses), il faut noter que tout comme les autres azolés, le VRZ peut en-
traîner un allongement de l’intervalle QT avec des troubles du rythme
ventriculaire.
Posaconazole
Le posaconazole, utilisé surtout en prophylaxie en hématologie, est
peu utilisé en réanimation, notamment du fait que seule la forme orale
est disponible. Il peut être utile pour le traitement des mucormycoses.
Sa biodisponibilité orale est variable d’un malade à l’autre. L’absorption
orale est d’autant plus faible que les patients ont des altérations de la mu-
queuse digestive, une diarrhée, qu’ils reçoivent un traitement modifiant
le pH gastrique ou des médicaments inducteurs du cytochrome P450.
Des taux < 719 ng/mL sont associés à des échecs de la prophylaxie en
hématologie [20]. Des taux résiduels de 1000 à 1500 ng/mL sont
conseillés dans les infections à champignons filamenteux [16].
Pour le posaconazole, la posologie journalière de 600 à 800 mg chez
l’adulte est le plus souvent administrée en quatre doses journalières. En
réanimation, son utilisation doit être associée à un suivi systématique des
concentrations sanguines [21]. Un dosage du taux résiduel doit être réalisé
chez tous les patients après 4 à 7 jours de traitement [14, 16].
114 Infectiologie en réanimation
7 Les polyènes
La 5-fluorocytosine
La 5-FC est active contre les levures. Cependant, elle doit toujours être
7 associée à un autre antifongique pour prévenir les mutations de sa cible
intracellulaire. Elle reste le traitement de référence de la cryptococcose
neuroméningée, en association avec l’amphotéricine B.
Les propriétés pharmacocinétiques de la 5-FC sont indiquées dans le
tableau II.
La 5-FC possède une excellente diffusion dans les tissus, en particulier
dans le système nerveux central, l’œil et l’endocarde, ce qui peut justi-
fier son utilisation en association dans des endocardites, méningites ou
endophtalmie à levures.
Les effets secondaires limitant l’utilisation du 5-FC sont son hépatotoxi-
cité et sa toxicité médullaire, toutes deux liées à des taux circulants au pic
supérieur à 100 mg/L. Sur 1071 dosages pratiqués chez 233 patients, la
concentration de 5-FC était indétectable dans 5 % des cas et toxique dans
39 % des cas. Seulement une concentration sur cinq était dans la four-
chette thérapeutique [36]. Le suivi des taux circulants de 5-FC est donc
un élément indispensable de la prescription du 5-FC, permettant d’en
optimiser l’efficacité et contribuant à limiter sa toxicité [16]. En effet, la
5-FC est fréquemment utilisée avec des drogues néphrotoxiques, or une
insuffisance rénale peut perturber son élimination et favoriser des surdo-
sages. La mesure de concentration est généralement réalisée 1 à 3 heures
après l’administration. Il faut obtenir un taux de 50 à 80 mg/L.
Les échinocandines
Pharmacocinétique
Les candines, uniquement disponibles par voie intraveineuse, diffu-
sent bien dans les tissus à l’exception du système nerveux central et de
l’œil, si bien que ces molécules ne doivent pas être utilisées pour traiter
une méningite à Candida spp. ni une endophtalmie. Les éléments de
pharmacocinétique des trois candines disponibles sont indiqués dans le
tableau II.
Les ASC obtenues augmentent de 30 à 49 % en cas d’insuffisance rénale
pour la caspofungine, alors qu’elles sont inchangées pour la micafungine
et l’anidulafungine.
De la bonne utilisation des antifongiques systémiques en réanimation 117
Pharmacodynamie
Les échinocandines sont des antifongiques fongicides sur Candida
spp., et fongistatiques sur Aspergillus spp. Leur activité est concentration-
dépendante. On considère qu’un rapport pic/CMI > 5 voire > 10 ou une
ASC/CMI > 250 sont nécessaires pour obtenir une efficacité maximale.
Les CMI90 sont inférieures à 0,5 mg/L pour l’ensemble des molécules et
pour toutes les espèces de Candida sauf Candida parapsilosis [43]. La poso-
logie obtenue est donc théoriquement optimale pour toutes ces espèces en
réanimation. Pour C. parapsilosis en revanche, la CMI90 est à 1-2 mg/L et
des concentrations cibles au pic de 5-20 mg/L de candines ne seront pas
obtenues chez tous les malades.
La relation entre concentration et efficacité est cependant discutée par
l’observation d’une croissance paradoxale fongique in vitro en présence de
concentrations élevées d’échinocandines. Cet effet est connu sous le nom
d’« effet Eagle » [38]. Le mécanisme de cette recroissance paradoxale des
levures sous l’effet de concentrations importantes d’échinocandines est
inconnu. L’effet Eagle n’a pu être reproduit dans les modèles murins que
de façon très inconstante avec la caspofungine. Son importance clinique
est inconnue.
Du fait de leur bon index thérapeutique, une augmentation des poso-
logies des échinocandines est possible. Une étude a comparé 150 mg de
caspofungine par jour à la dose classique [44]. Le taux d’effets adverses
significatifs était de 1,9 % dans le bras classique et de 3 % dans le bras
118 Infectiologie en réanimation
Conclusion
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120 Infectiologie en réanimation
Introduction
Les anticorps
S. aureus [7]. Ces produits de biotechnologie ont un coût très élevé par
rapport aux antibiotiques. Le tableau I reprend un ensemble d’immuno-
thérapies anti-infectieuses par anticorps monoclonaux selon les catégories
d’antigènes et les pathogènes ciblés.
Les toxines bactériennes représentent une cible de choix pour une action
neutralisante des anticorps. Plusieurs anticorps en développement ciblent
ainsi les toxines de Bacillus anthracis, responsables du charbon bactéri-
dien (anthrax), pour un traitement postexposition [8]. Ces anticorps sont
dirigés contre l’antigène protecteur (PA) du système à trois toxines, le
raxibacumab (ABthrax®), l’Anthim® et le Valotrim® [9], ou contre le PA et
le facteur œdématogène (EF) simultanément [10]. De même, plusieurs
anticorps monoclonaux ont été développés et testés [11, 12] contre la
toxine Shiga-like des Escherichia coli sécrétrices de Shiga-like toxin (STEC)
dans le syndrome hémolytique urémique (SHU) [13]. Dans les infections
à Clostridium difficile dont la clinique est liée à l’expression des toxines A
et B, l’utilisation adjuvante d’anticorps monoclonaux anti-A et B (CDA1
et CDB1) versus placebo a permis d’obtenir une diminution des récidives
(8 % dans le groupe anticorps contre 32 % pour le groupe placebo, p
= 0,06) [14].
D’autres immunothérapies monoclonales ciblent des facteurs de viru-
lence répandus au sein d’une espèce tels que Staphylococcus spp. comme
l’acide lipotéichoïque [15, 16], le clumping factor A (ClfA), le récepteur
du fibrinogène [17, 18], ou l’alpha-hémolysine (H1a) [19]. Le facteur de
virulence ciblé peut aussi être un motif conservé comme la heat shock pro-
tein 90 (Hsp90) des Candida spp. et Cryptococcus spp. [20-22]. Cet anti-
Hsp90, l’enfungumab (Mycograb®) a montré une efficacité en phase III
en association avec l’amphotéricine B dans le traitement des candidoses
invasives, avec une diminution de la mortalité attribuable de 18 à 4 % en
en utilisant l’association [23].
Les motifs moléculaires liés au pathogène (MMP) majeurs, tels que l’acide
lipotéichoïque des bactéries à Gram positif ou le lipopolysaccharide (LPS)
des bactéries à Gram négatif, par leur capacité à suractiver des voies de
signalisation majeures aboutissant à des réponses délétères de l’hôte, sont
également des cibles de choix. L’acide lipotéichoïque est ainsi la cible
d’un anticorps monoclonal spécifique, le Pagibaximab®, efficace contre
les staphylocoques coagulase négatifs et S. aureus [15]. Il a montré son
innocuité et son efficacité au cours d’une étude phase II chez les nouveau-
nés à risque [16]. Le lipopolysaccharide de P. aeruginosa est lui ciblé par
un anticorps monoclonal conjugué, KBPA-101. Dans la prévention des
pneumonies acquises sous ventilation, il a montré une bonne tolérance
chez les patients en réanimation [24].
Certains systèmes de virulence représentent une cible intéressante. Le
quorum-sensing (QS) [25] est capable de coordonner la sécrétion de mul-
tiples facteurs de virulence en fonction de la densité bactérienne ; le sys-
tème de sécrétion type 3 (SST3) est lui capable « d’injecter » des toxines
dans les cellules eucaryotes. Ainsi, par exemple, des anticorps monoclo-
naux inhibant les molécules auto-inductrices (AI) du système QS (Agr) du
124 Infectiologie en réanimation
L’inhibition du « quorum-sensing »
Les bactériophages
Les probiotiques
dans leur stabilité et leur viabilité lors du stockage ; faits qui permettent
8 d’expliquer tout au moins des résultats partiels ou contradictoires en pra-
tique clinique [74, 75].
Conclusion
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9
C. DAUBIN, A. SEGUIN, X.VALETTE
Introduction
Conclusion
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II
Pathologies
infectieuses sévères
les plus fréquentes
en réanimation
Méningites purulentes et méningoencéphalites
graves (à l’exclusion des patients immunodéprimés)
10
M. WOLFF, R. SONNEVILLE
Introduction
M. Wolff, R. Sonneville
Service de réanimation médicale et des maladies infectieuses
Hôpital Bichat-Claude-Bernard, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
Université Paris Diderot, Paris 7
46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18
E-mail : [email protected]
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
145
146 Infectiologie en réanimation
Diagnostic
Le LCR est trouble, avec la composition classique suivante : cellu-
larité importante (plus de 1000 polynucléaires/mm3), hypoglycorachie
148 Infectiologie en réanimation
Antibiothérapie
Situations particulières
– L’allergie aux bêtalactamines (qui est le plus souvent aux pénicil-
lines) impose de débuter l’antibiothérapie en réanimation. En cas de
contre-indication absolue aux céphalosporines, le traitement d’une mé-
ningite à N. meningitidis peut comporter une fluoroquinolone (lévofloxa-
cine : 500 mg × 2) associée à la rifampicine, et celui d’une méningite
à S. pneumoniae, l’association vancomycine + rifampicine ou linézolide
(600 mg × 2).
– Les posologies d’antibiotiques en cas de méningite associée à une in-
suffisance rénale sont mal standardisées. Il peut être recommandé de
ne pas modifier les doses le premier jour, puis de les réduire d’environ
50 % sauf en cas d’hémodialfiltration veino-veineuse continue, situ-
tation dans laquelle les doses pleines devraient être administrées. Les
mesures des concentrations d’antibiotiques dans le sérum et éventuel-
lement le LCR sont utiles.
150 Infectiologie en réanimation
Tableau I – Antibiothérapie des méningites communautaires de l’adulte.
10 Micro- Antibiothérapie Antibiothérapie Commentaires
organismes initiale (contexte après
présumés et examen direct documentation
ou documentés du LCR)
Streptococcus Céfotaxime1 CMI – L’association
pneumoniae ou ceftriaxone2 – Péni G ≤ 0,1 mg/L : C3G + rifampicine6
amoxicilline3 peut être utilisée
– Péni G > 0,1 mg/L au cours
et C3G4 < 0,5 mg/L : du traitement initial
poursuite C3G seule – Pour les souches
– C3G > 0,5 mg/L : avec CMI de C3G
C3G + vancomycine5 > 1 mg/L :
imipénème
ou méropénème
+ vancomycine
Neisseria Céfotaxime1 ou CMI de Péni G
meningitidis ceftriaxone2 < 0,1 mg/L :
amoxicilline3
CMI de Péni G
> 0,1 mg/L : C3G
Listeria Amoxicilline3 Amoxicilline3 Le cotrimoxazole7
monocytogenes + gentamicine est recommandé
(3 jours) en cas d’allergie
sévère
à l’amoxicilline
Entérobactéries Céfotaxime1 Céfotaxime1 Les fluoroquino-
ou ceftriaxone2 ou ceftriaxone2 lones (ofloxacine
ou ciprofloxacine)
sont une alternative
aux C3G
Streptocoques Amoxicilline3 Amoxicilline3
Autres traitements
La corticothérapie
En 2002, de Gans et al. ont montré dans une étude multicentrique
randomisée contre placebo chez l’adulte que la dexaméthasone (10 mg
IVL toutes les 6 heures, débutée juste avant ou au moment de la première
injection d’antibiotiques, pour une durée totale de traitement de 4 jours)
réduisait le risque d’évolution défavorable (handicap résiduel sévère et
mortalité) [17]. Cet effet était particulièrement net dans les méningites
à pneumocoque, où la mortalité était réduite de 34 à 14 %. Cependant
une méta-analyse publiée par les mêmes auteurs en 2010 ne retrouve pas
d’avantages sur la mortalité [18], alors qu’une analyse Cochrane publiée
un an auparavant montrait un effet bénéfique de la dexaméthasone sur
les séquelles auditives et le handicap neurologique. Des manifestations
neurologiques graves ont été observées chez quelques malades plusieurs
jours après l’arrêt de la dexaméthasone (phénomène de rebond) [19].
Malgré ces données contrastées, l’utilisation des corticoïdes au cours des
méningites bactériennes de l’adulte est actuellement recommandée [14]
selon les modalités indiquées dans l’article princeps [17], au moins pour
les méningites à S. pneumoniae. Ce traitement n’est pas recommandé
chez les patients immunodéprimés et ceux qui ont reçu préalablement un
antibiotique par voie parentérale, encore que le délai au-delà duquel la
dexaméthasone n’est plus efficace soit inconnu.
Traitement symptomatique
Le traitement d’une crise convulsive et la prévention des récidives font
appel aux antiépileptiques conventionnels. Le bénéfice des anticonvulsi-
vants en prévention primaire n’est pas démontré. Une hypertension in-
tracrânienne symptomatique est fréquente et associée à un risque d’évo-
lution défavorable. Le maintien d’une pression de perfusion cérébrale
adéquate est un objectif essentiel. Outre l’obtention d’un état hémodyna-
mique satisfaisant, des mesures de réduction de la pression intracrânienne
doivent être considérées chez les malades sévères. Les moyens classique-
ment préconisés sont : surélévation de la tête à 30°, sédation, ventilation
mécanique (normocapnie 35-40 mmHg). Le mannitol en bolus unique
peut être proposé en situation immédiatement menaçante (engagement
cérébral). Malgré des données encourageantes [20], aucun argument dans
la littérature ne permet de recommander la mesure continue de la pres-
sion intracrânienne (PIC) au cours d’une méningite. Les autres mesures
comportent des apports hydrosodés conventionnels et une surveillance
régulière de la natrémie et de la diurèse pour dépister et traiter une anti-
diurèse inappropriée, le contrôle de la température dans les formes avec
hypertension intracrânienne sévère et lorsque la fièvre est mal tolérée,
la correction d’une hyperglycémie par insulinothérapie intraveineuse. Le
soluté salé hypertonique (3 %) améliore la pression de perfusion intracé-
rébrale dans un modèle expérimental de méningite à Escherichia coli [21].
152 Infectiologie en réanimation
Définition
La méningoencéphalite (ME) se définit comme un processus inflam-
matoire du cerveau associé à des manifestations cliniques aiguës ou su-
baiguës comportant les trois critères suivants : fièvre > 38 °C ou épisode
Méningites purulentes et méningoencéphalites graves … 153
Épidémiologie. Étiologies
Trois grandes études récemment publiées ont permis de mieux
cerner l’épidémiologie des méningoencéphalites. Le « California En-
cephalitis Project » porte sur 1570 patients chez lesquels fut porté le
diagnostic de ME entre 1998 et 2005 [26]. Près de 60 % de ces malades
étaient hospitalisés en réanimation. Le résultat le plus marquant est le
fait qu’une étiologie certaine/probable (16 %) ou possible (13 %) a inté-
ressé moins de 30 % des malades. On y trouve une assez grande diversité
d’étiologies (tableau I). Parmi les virus, Herpes simplex 1 (HSV1) est la
première cause alors que Mycoplasma pneumoniae prédomine parmi les
bactéries, mais selon les définitions des auteurs, il s’agit seulement d’une
cause « possible ». Dans cette étude, les pourcentages de mortalité les
plus élevés sont observés avec HSV1 (18 %), West Nile virus (11 %) et
la tuberculose, incluse dans les encéphalites (21 %). Une étude française
menée en 2007 et publiée en 2009 [26] a porté sur 253 patients, en ma-
jorité des adultes, hospitalisés sur le territoire français métropolitain et
dont 118 (47 %) l’étaient dans un service de réanimation. Le pourcen-
tage de causes identifiées est de 52 %, dépassant donc celui obtenu en
Californie. Là encore, HSV1 vient au premier plan, représentant 22 %
de l’ensemble des patients, suivi de façon assez inattendue par le virus
varicelle zona (VZV) et la tuberculose (8 % chacun). Contrairement
aux données de l’étude californienne et à une étude bicentrique menée
précédemment en France chez des malades de réanimation [28], le pro-
nostic à court terme de l’encéphalite herpétique est meilleur, du moins
concernant la mortalité qui est « seulement » de 5 %, alors que les ME
à VZV et à Mycobacterium tuberculosis ont dans cette étude des taux de
mortalité hospitalière respectivement de 15 et 30 %. Le suivi à 3 ans des
survivants de la cohorte française montre que 61 % des malades récu-
pèrent sans séquelle, mais seulement 42 % parmi les patients atteints de
ME herpétique [29]. La répartition des agents infectieux est peu diffé-
rente dans une étude menée en Angleterre portant sur 203 patients [30].
Le tableau II résume les principales étiologies retrouvées dans ces trois
études.
Dans la mesure où dans ces études les recherches étiologiques ont été
exhaustives, il est peu probable qu’elles aient manqué un nombre
important de causes infectieuses. Il est vraisemblable qu’un pourcentage
154 Infectiologie en réanimation
Tableau II – Étiologies des méningoencéphalites : adultes et enfants.
10 Micro-organismes « California Étude Étude
Encephalitis multicentrique multicentrique
Project » française anglaise
(1570 patients) (253 patients) (203 patients)
[26] [27] [30]
HSV1/HSV2 53/5 55 38
VZV 44 20 10
EBV 18 3 1
CMV – 3 –
HHV6 2 3 1
Entérovirus 71 2 3
Influenza A et B 22 1 2
Para-influenza 1 – –
West Nile virus 19 1 –
Adénovirus 14 – –
Toscana 2 – –
Encéphalite à tiques – 3 –
Métapneumovirus 2 – –
Virus respiratoire 2 – –
syncytial
Rotavirus 2 – –
Rougeole 6 – 1
Listeria – 13 1
M. tuberculosis 19 20 10
M. pneumoniae 98 2 –
Chlamydia sp. 10 – –
Bartonella sp. 13 – –
Rickettsia sp. – 1 –
Brucella sp. 2 – –
Tropheryma whippelii 1 – –
Auto-immune – – 42
Pas de cause retrouvée 1115 122 75
Méningites purulentes et méningoencéphalites graves … 155
peut être fortement suggéré que par l’IRM. Il n’en reste pas moins que
10 l’IRM peut être normale notamment à la phase initiale d’une ME, et
que sa réalisation n’est pas toujours simple chez des malades de réani-
mation, parfois instables.
Tableau III – Orientations en fonction des signes cliniques (d’après [2, 41]).
La méningoencéphalite herpétique
Il convient de toujours prendre en compte cette étiologie car HSV1
est la première cause de ME aiguë sporadique grave de l’adulte, et contrai-
rement à beaucoup d’autres agents infectieux responsables de ME, HSV1
peut être traité efficacement. Il a été montré une relation entre la pré-
cocité du traitement antiviral par aciclovir et le pronostic. Les facteurs
associés à un traitement tardif sont un tableau atypique et le retard à la
réalisation de l’imagerie [33].
La ME typique, et d’ailleurs habituelle, est une maladie aiguë survenant
chez des individus sans terrain particulier. Le LCR est inflammatoire avec
des lymphocytes, une protéinorachie voisine de 1 g/L et une glycorachie
normale. La TDM est généralement le premier examen d’imagerie effectué
dans le cadre de l’urgence. Elle objective des hypodensités temporales uni-
ou bilatérales avec des prises de contraste irrégulières en leur sein. Il peut
exister des hyperdensités spontanées, témoins de lésions hémorragiques.
Le diagnostic peut être plus difficile devant une forme non typique : sur-
venue dans un contexte de comorbidité (ainsi ont été décrites des ME
à HSV1 après radiothérapie, chimiothérapie, après neurochirurgie, chez
des transplantés d’organe ou des patients sous inhibiteurs du TNF-&) ;
signes frustes ou absence de fièvre (15 % des patients) ; LCR paucicellu-
laire, avec moins de 10 éléments/mm3 (15 % des patients) ; TDM nor-
male surtout si le patient est vu tôt ; atteinte prédominante voire isolée
du tronc cérébral.
158 Infectiologie en réanimation
Fig. 2 – Patient de 39 ans : IRM en séquence Flair : hypersignaux diffus touchant la substance
blanche évocateurs d’encéphalite aiguë démyélinisante (« ADEM »).
Stratégie diagnostique
Lors de l’enquête nationale, la Société de pathologie infectieuse de
langue française (SPILF) a proposé une stratégie de demande de PCR
/ dosages d’anticorps en trois étapes [27]. La première étape comporte les
agents les plus fréquents, HSV1, HSV2 et VZV pour les virus, M. pneu-
moniae pour les bactéries. La prévalence importante de M. pneumoniae
observée en Californie ne l’est cependant pas en France. D’autre part,
certaines trousses de PCR comportent aussi les entérovirus. En cas de né-
gativité, une seconde étape consisterait à rechercher les agents suivants :
– pour les virus : entérovirus, CMV (exceptionnel), EBV, adénovirus,
HHV6. Il faut remarquer qu’il s’agit de causes très rares de ME graves
chez les sujets immunocompétents ;
– pour les bactéries : Chlamydia sp., Borrelia burgdorferi, Coxiella burne-
tii, Bartonella hensellae. Là encore, il s’agit d’infections bien rares, du
moins dans leur expression encéphalitique.
Enfin, dans une troisième étape seraient recherchés, selon le contexte, les
micro-organismes suivants :
– virus : M. influenzae, para-influenzae, West Nile virus, Toscana, virus
de l’encéphalite à tiques, rage, arbovirus divers, Nipah, Hendra… ;
– bactéries : rickettsies, Tropheryma whipplei, Ehrlichia shaffeensii.
Outre les PCR et les recherches d’anticorps dans le sérum et le LCR,
il pourra être utile, selon le contexte, d’effectuer d’autres recherches :
cultures virales à partir de prélèvements respiratoires, pharyngés ou de
selles, PCR sur ces mêmes prélèvements ou sur des biopsies cutanées
ou à partir du sang total.
Tuberculose neuroméningée
La tuberculose neuroméningée est une cause fréquente de ME dans
les pays occidentaux. Outre la présence d’un terrain favorisant, le dia-
gnostic de tuberculose neuroméningée doit être suspecté sur les don-
Méningites purulentes et méningoencéphalites graves … 163
En conclusion
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Pneumonies communautaires graves
11
O. LEROY, P.Y. DELANNOY, N. BOUSSEKEY, A. MEYBECK, A. CHICHE, H. GEORGES
Introduction
11 Incidence
Diagnostic
Résultats
Le diagnostic étiologique d’une pneumonie communautaire
grave n’est établi que dans un peu plus de 50 % des cas (tableau I).
Les agents pathogènes isolés sont majoritairement de nature bacté-
rienne [13-15].
L’agent bactérien causal principal est Streptococcus pneumoniae qui repré-
sente environ 40 % des germes identifiés. Viennent ensuite, dans des pro-
portions variables selon les études, Haemophilus influenzae, Staphylococcus
aureus, Legionella pneumophila et les entérobactéries (tableau I). Au vu
de données récentes [15], il est possible d’estimer qu’il n’existe pas de
spécificité étiologique propre à la pneumonie communautaire grave. La
comparaison des agents étiologiques identifiés, selon que le patient est
traité en ambulatoire, hospitalisé ou admis en réanimation, ne montre
que quelques différences significatives : les bactéries dites atypiques
(Mycoplasma pneumoniae et Coxiella burnetti) et les virus sont moins sou-
Pneumonies communautaires graves 173
vent retrouvés chez les patients admis en réanimation que chez les autres
patients. À l’inverse, en cas d’amission en réanimation, les agents étiolo-
giques multiples sont plus fréquents.
Tableau I – Données bactériologiques au cours des pneumonies communautaires graves.
Références 13 14 15
Nombre de patients 308 199 488
Diagnostic étiologique négatif 45,5 % 43,7 % 47 %
Nombre de pathogènes retrouvés 201 123 260
S. pneumoniae 39,6 % 44,7 % 42 %
S. aureus 5,0 % 8,9 % 2%
Autres Cocci à Gram positif 17,4 % – –
H. influenzae 20,4 % 10,6 % 3%
Enterobacteriaceae 8,0 % 6,5 % 1%
P. aeruginosa – 4,9 % 5%
L. pneumophila 3,5 % 8,9 % 8%
Chlamydia spp. 2,5 % – 3%
M. tuberculosis – 2,4 % –
Autres pathogènes 3,5 % 13 % *
Virus – – 4%
* Autres pathogènes ou pathogènes multiples : 32 %.
Antibiothérapie curative
Paramètres Points
Facteurs démographiques
Âge
– Hommes Âge en années
– Femmes Âge en années - 10
Vie en institution + 10
Comorbidités
Maladie néoplasique + 30
Maladie hépatique + 20
Insuffisance cardiaque congestive + 10
Maladie cérébrovasculaire + 10
Maladie rénale + 10
Données de l’examen physique
Atteinte des fonctions supérieures + 20
Fréquence respiratoire > 30/min + 20
TA systolique < 90 mmHg + 20
T°< 36 °C ou > 40 °C + 15
Fréquence cardiaque ≥ 125/min + 10
Pneumonies communautaires graves 179
Paramètres Points
Données radiologiques et biologiques
pH artériel < 7,35 + 30
Urée ≥ 0,3 g/L + 20
Na < 130 mEq/L + 20
Hématocrite < 30 % + 10
PaO2 < 60 mmHg + 10
Épanchement pleural + 10
La British Thoracic Society a élaboré deux scores très voisins. Il s’agit des scores
CURB 65 et CRB 65, acronymes de Confusion, Urea, Respiratory rate et Blood
pressure, le chiffre 65 correspondant à l’âge de 65 ans [44, 45]. À chaque
paramètre est attribuée une valeur de 0 ou 1 selon l’absence ou la présence
d’une confusion mentale, d’une urée sanguine > 7 mmol/L, d’une polypnée
≥ 30 cycles/min, d’une hypotension artérielle systolique < 90 mmHg ou dias-
tolique ≤ 60 mmHg et d’un âge ≥ 65 ans. Ces deux scores obtenus par addi-
tion des valeurs varient ainsi respectivement entre 0 et 5 et 0 et 4.
Une étude multicentrique d’Aujeski portant sur 3181 patients a montré
que le PSI, le CURB 65 et le CRB 65 permettaient de prédire le pronos-
tic avec des sensibilités et des spécificités équivalentes [46]. Les taux de
mortalité selon les valeurs des scores sont rapportés dans le tableau III.
Ces trois scores ont été largement validés par de nombreuses études, ce
qui souligne leur fiabilité et leur intérêt. Toutefois, leur utilisation pour
les patients ayant une forme sévère de pneumonie apparaît potentielle-
ment limitée. En effet, il s’agit de scores généraux s’adressant à l’ensemble
des patients souffrant de pneumonie communautaire. De plus, ils ont
été essentiellement élaborés pour guider le clinicien dans l’orientation des
patients depuis leur domicile ou depuis le service des urgences.
Tableau III – Comparaison des taux de mortalité des pneumonies communautaires
selon les scores PSI, CURB 65 et CRB 65 (d’après [46]).
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Grippe sévère
12
N. BRÉCHOT, C.-E. LUYT, J.-L. TROUILLET, J. CHASTRE, A. COMBES
Généralités
Les virus de la grippe (Myxovirus influenzae) sont des virus à ARN, ap-
partenant au genre des Influenzavirus. Ils sont classés en trois groupes :
A, B et C, suivant l’antigénicité de leurs nucléoprotéines. Les virus des
groupes A et B, possédant une structure proche, sont recouverts de deux
glycoprotéines de surface, l’hémagglutinine (H) et la neuraminidase (N).
L’hémagglutinine, très immunogène, est impliquée dans la fixation du vi-
rus sur l’arbre bronchique, tandis que la neuraminidase est responsable de
la dissémination du virus, en libérant les particules virales néoformées. Les
virus de type A possèdent différentes présentations antigéniques, et sont
classés selon leurs protéines de surface H et N [1]. Au cours du dernier
siècle, les épidémies de grippe chez l’homme ont été causées par des virus
de types A (H1N1 et H3N2 principalement) et B, en proportions variables
suivant les années [2, 3]. Le virus pandémique A H1N1 apparu en 1918
a été responsable de la pandémie la plus sévère, avec plusieurs dizaines de
millions de décès induits dans les 3 années suivantes [2]. Le virus C n’est lui
responsable que de cas sporadiques d’expression le plus souvent modérée.
Ces virus grippaux ont une forte propension au réassortiment géné-
tique, responsable de phénomènes de glissement antigénique (mutations
de gènes entraînant des mutations mineures du virus) ou des cassures
antigéniques (réassortiment de gènes entraînant des modifications plus
importantes). Les glissements antigéniques rendent compte des variations
saisonnières du virus de la grippe, tandis que les cassures antigéniques
N. Bréchot, C.-E. Luyt, J.-L. Trouillet, J. Chastre, A. Combes
Service de réanimation médicale
iCAN, Institute of Cardiometabolism and Nutrition
Institut de Cardiologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière
Université Pierre et Marie Curie – Paris 6
47 boulevard de l’Hôpital
75651 Paris cedex 13
E-mail : [email protected]
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
185
186 Infectiologie en réanimation
Surinfections pulmonaires
Les surinfections pulmonaires sont fréquentes au cours de la grippe
et responsables de la majorité des évolutions défavorables [5, 9, 10]. En-
viron 8 % des patients hospitalisés pour une grippe ont également une
surinfection bactérienne bronchopulmonaire, avec un taux d’admission
en réanimation de 15 % et de décès de 8 %. Les germes les plus fré-
quemment mis en cause sont le pneumocoque, Haemophilus influenzae,
le staphylocoque doré méthicilline sensible, Moraxella catarrhalis [10]
et parfois Chlamydia pneumoniae et Legionella pneumophila [12, 13].
Certaines souches de staphylocoques dorés porteurs du gène de la leu-
cocidine Panton-Valentine sont responsables de pneumonie nécrosante
associée à une mortalité pouvant excéder 30 % [11]. Enfin, plusieurs cas
d’aspergillose bronchopulmonaire invasive ont été décrits dans les suites
d’une pneumonie grippale chez des patients sans antécédents et immu-
nocompétents [14].
Atteintes extrapulmonaires
Les atteintes extrapulmonaires sont fréquentes au cours de la grippe,
mais souvent infracliniques. Si près de la moitié des patients présentent
des modifications électrocardiographiques, l’évolution vers une réelle myo-
cardite et/ou péricardite reste un événement rare [18]. L’existence d’une
myosite est fréquente, le plus souvent quelques jours après l’atteinte respi-
ratoire et d’évolution spontanément favorable [18]. Très rarement l’atteinte
musculaire peut évoluer vers une rhabdomyolyse massive [19]. Les atteintes
neurologiques liées au virus sont plus fréquentes chez l’enfant, mais peu-
vent se voir également chez l’adulte [20]. Après la méningite aseptique,
courante et d’évolution favorable, les plus fréquentes sont les encéphalites
et les encéphalopathies. Les symptômes débutent en général quelques jours
188 Infectiologie en réanimation
à une semaine après les signes généraux. L’atteinte est aspécifique et peut se
12 manifester par une altération de la conscience, des convulsions, voire des
signes neurologiques focaux comme une parésie, une aphasie, une atteinte
des paires crâniennes ou des mouvements choréoathétosiques. Le pronostic
global est mauvais, avec une mortalité d’environ 30 % et un risque im-
portant de séquelles [20]. L’encéphalite aiguë nécrosante associée aux virus
Influenza est une forme fulminante très souvent fatale : les lésions associent
très rapidement une atteinte multifocale souvent bithalamique, périven-
triculaire et cérébelleuse, à un important œdème cérébral. Le syndrome
de Reye, quasiment exclusivement décrit chez l’enfant, associe quant à lui
une encéphalopathie non inflammatoire à une atteinte hépatique d’origine
mitochondriale, éventuellement favorisée par la prise d’aspirine. Des cas
de myélite et de manifestations auto-immunes postinfectieuses de type
Guillain-Barré ont été décrits, mais restent exceptionnels [20]. Enfin, dans
les formes les plus graves de la maladie, on peut observer un syndrome
de défaillance multiviscérale associant un SDRA, une encéphalite, une
rhabdomyolyse et une insuffisance rénale aiguë anurique, une myocardite
avec défaillance hémodynamique, et une CIVD. Le pronostic est alors très
sombre, avec une mortalité de l’ordre de 70 % [21].
tions à risque. Devant un cas déclaré, la prise en charge comprend des me-
sures d’isolement, l’initiation précoce d’un traitement antiviral et la prise en
charge symptomatique des différentes défaillances d’organes. Certains cas
particulièrement sévères nécessitent le recours à des techniques exception-
nelles de sauvetage, comme la ventilation mécanique en oscillation à haute
fréquence, ou la mise en place d’une assistance repiratoire extracorporelle
de type ECMO (extracorporeal membrane oxygenation).
La vaccination
En France, la vaccination consiste essentiellement en l’administration
intramusculaire d’un vaccin inactivé, les vaccins vivants atténués étant re-
commandés chez l’enfant. L’efficacité de la vaccination varie en fonction de
l’âge, de l’immunocompétence et du degré de concordance entre les virus
vaccinaux et les souches circulantes. L’efficacité vaccinale est variable suivant
les études, mais serait de l’ordre 59 % chez l’adulte de 18 à 64 ans selon une
méta-analyse récente, et de 42 % chez l’adulte de plus de 65 ans [40]. Le
vaccin est particulièrement utile pour prévenir les formes graves, avec une
efficacité de 72 % chez les séniors et de 80 % chez les patients de moins de
65 ans porteurs d’une maladie chronique [35]. Sur la base de ces données,
la vaccination est recommandée en France chez les personnes de plus de
65 ans, les personnes porteuses d’une comorbidité lourde, les femmes en-
ceintes au-delà du second trimestre, les personnes obèses, les professionnels
de santé et de l’industrie du voyage, et les sujets résidant en établissement
de moyen et long séjour et en hébergement médicosocial [41].
Il existe également une vaccination immunogène contre la souche A
H5N1, recommandée actuellement chez les personnes travaillant en
contact proche avec des oiseaux en zone de panzootie aviaire.
L’isolement
Les virus de la grippe sont particulièrement contagieux. Ainsi, les
études épidémiologiques lors de la pandémie de 2009 font état d’une
acquisition nosocomiale de l’infection chez environ 7 % des patients
graves [29]. De ce fait, tout patient suspect de grippe doit faire l’objet
d’un isolement respiratoire associé à un isolement de contact et à une
protection oculaire en cas de contact rapproché. Il a été démontré que
les masques chirurgicaux standard offrent une protection équivalente aux
masques à protection renforcée de type FFP2 [42].
Le traitement antiviral
Le traitement antiviral est efficace à titre de prophylaxie secondaire,
diminue le risque d’évolution vers une forme grave en cas d’infection
et diminue la mortalité chez les patients atteints de formes sévères [43,
192 Infectiologie en réanimation
44]. Les deux classes d’antiviraux disponibles actuellement sont les blo-
12 queurs du canal ionique M2, les amantadases, représentés par l’aman-
tadine (Mantadix®) et la rimantadine (Flumadine®), et les inhibiteurs de
neuraminidase, représentés par l’oseltamivir (Tamiflu®) et le zanamivir
(Relenza®).
Les bloqueurs du canal M2 ne sont plus recommandés actuellement
dans la prise en charge de la grippe, tant en traitement prophylactique
que curatif [25]. Ils ont en effet un spectre antiviral étroit, possèdent de
nombreux effets indésirables gastro-intestinaux et neurologiques et sont
inefficaces sur de nombreuses souches saisonnières [45]. Plusieurs inhibi-
teurs de neuraminidase sont actuellement en cours d’évaluation, comme
le peramivir et le laninamivir. L’intérêt potentiel d’une bithérapie, voire
d’une trithérapie associant un bloqueur de canal M2, un inhibiteur de
neuraminidase et la ribavirine, est également en cours d’évaluation [43].
Oseltamivir
L’oseltamivir est la molécule la plus utilisée actuellement. Seule la voie
orale est disponible actuellement, et la biodisponibilité est très bonne. La
distribution du produit se fait essentiellement dans l’arbre respiratoire,
très peu dans le système nerveux central. L’élimination se fait sous forme
inchangée dans les urines, avec une demi-vie de 6 à 10 heures [46]. Les
doses recommandées sont de 75 mg/j pendant 5 jours en prophylaxie
secondaire, de 75 mg × 2/j pendant 5 jours en cas de traitement curatif,
et de 150 mg × 2/j pendant 10 jours en cas de forme sévère [25]. Le
traitement est absorbé de façon satisfaisante par voie nasogastrique chez
les patients de réanimation [47]. Il existe une accumulation du méta-
bolite actif en cas d’insuffisance rénale, nécessitant une adaptation des
posologies chez les patients insuffisants rénaux [43, 48-50]. Les doses re-
commandées chez les patients insuffisants rénaux sont représentées dans
le tableau I. La tolérance du traitement est globalement bonne, les effets
indésirables les plus fréquemment rapportés étant des nausées/vomisse-
ments et des céphalées, spontanément résolutifs en quelques jours sous
traitement. À noter quelques cas de troubles neuropsychiques (convul-
sion, delirium, hallucinations voire troubles du comportement) décrits
chez l’enfant et l’adolescent, pour lesquels il a été difficile de faire la
part des choses entre un effet indésirable lié au traitement et une forme
encéphalitique de la maladie. Le spectre antiviral de la molécule est large,
incluant la majorité des virus A et B saisonniers, le virus H5N1 et le vi-
rus H1N1 pandémique [46, 51]. En particulier, l’acquisition de souches
résistantes sous oseltamivir a été un phénomène sporadique au cours de
la pandémie grippale en 2009. L’émergence de ces souches résistantes
est survenue dans la plupart des cas dans un contexte de prophylaxie ou
d’immunodépression [25]. En revanche, de nombreuses souches du virus
H1N1 saisonnier ont développé une résistance à l’oseltamivir, essentiel-
lement par mutation H275Y. L’utilisation de l’oseltamivir permet une
clairance efficace du virus [46].
Grippe sévère 193
Tableau I – Posologies recommandées d’oseltamivir dans le traitement curatif de l’infection
virale à virus Influenza (d’après [43, 48-50]).
Prophylaxie secondaire
L’utilisation prophylactique d’oseltamivir à la dose de 75 mg/j a été
associée à une réduction de 89 % du risque de développer une maladie
symptomatique dans le cadre d’un essai randomisé conduit chez 377 pa-
tients exposés au virus [52]. Au cours de la grippe H1N1 pandémique,
la prophylaxie par oseltamivir a également été efficace, l’incidence d’une
grippe symptomatique passant de 6 à 0,6 % au sein d’une population de
1175 personnes exposées [53].
Traitement curatif
Au cours de la grippe saisonnière, le traitement par oseltamivir à une
posologie de 75 mg × 2/j pendant 5 jours a permis une diminution de
l’incidence des formes graves et de la consommation d’antibiotiques,
particulièrement dans les populations à risque de développer une forme
compliquée [54].
Dans les formes sévères de grippe saisonnière admises en réanimation, le
traitement a permis une réduction de plus de 70 % de la mortalité [55]. De
même, pour les formes graves de grippe A H1N1 pandémiques 2009 [32,
46] ou d’infection par le virus aviaire H5N1 [22, 56], l’utilisation d’osel-
tamivir a permis une diminution significative de la mortalité. Cependant,
l’efficacité du traitement n’est maximale qu’en cas d’administration très
précoce après le début des symptômes [55].
194 Infectiologie en réanimation
Zanamivir
12 Le zanamivir, un autre inhibiteur de neuraminidase, est beaucoup
moins utilisé que l’oseltamivir du fait d’une absence de biodisponibilité
par voie orale. La forme inhalée utilisée chez l’enfant en prévention se-
condaire est peu compatible avec la ventilation mécanique, car pouvant
entraîner des obstructions de filtres [57]. Cette molécule conserve en re-
vanche une efficacité sur les souches de virus A résistantes à l’oseltamivir,
notamment les souches mutées H275Y [45]. Ainsi, la forme intravei-
neuse de zanamivir a été utilisée avec succès au cours d’infections sévères
à virus H1N1 et H5N1 résistants à l’oseltamivir [58].
Corticothérapie
L’utilisation des corticoïdes au cours du SDRA est actuellement
controversée [60]. Spécifiquement, l’utilisation de corticoïdes chez les
patients atteints de formes sévères de grippe A H1N1 a été associée à une
mortalité accrue, à une durée de ventilation mécanique prolongée et à
un excès de pneumonies acquises sous ventilation mécanique [61, 62].
Au cours de l’infection par le virus H5N1, la mortalité est également
supérieure chez les patients ayant reçu des corticoïdes [22]. De ce fait,
l’utilisation de corticoïdes est actuellement déconseillée dans la prise en
charge des grippes sévères.
12
Fig. 1 – Radiographie thoracique d’une patiente de 18 ans ayant développé un SDRA sévère
compliquant une grippe A H1N1p2009 et ayant bénéficié de la mise en place d’une ECMO vei-
noveineuse (noter la présence des canules fémorale et jugulaire). L’évolution de la maladie a été
favorable et la malade a pu regagner son domicile après 2 mois d’hospitalisation.
Ainsi, la survie des 68 malades qui ont reçu une ECMO dans les centres
australiens et néozélandais [63] a été de 75 % malgré l’extrême sévérité de
l’atteinte pulmonaire initiale (PaO2/FiO2 à 56 mmHg, malgré des niveaux
de PEP médians à 18 cmH2O et un score de Murray médian de 3,8). Le
réseau ECMOnet assurant le transfert et la prise en charge des malades
les plus graves vers les 14 centres habilités à mettre en œuvre une ECMO
en Italie a rapporté une survie hospitalière de 68 % [67]. Dans cette série,
les malades recevant une ECMO dans les 7 jours suivant l’initiation de
la ventilation mécanique bénéficiaient du meilleur pronostic (survie hos-
pitalière à 77 %) et la durée de ventilation mécanique avant l’ECMO
était associée de manière indépendante au pronostic. Plus récemment,
Noah et al. ont rapporté les résultats de la série britannique portant sur
80 malades transférés vers un des cinq centres permettant l’implantation
d’une ECMO et dont 69 ont finalement reçu le dispositif [68]. La morta-
lité hospitalière a été de 27,5 %, et significativement plus basse que dans
un groupe apparié de malades de gravité identique mais n’ayant pas été
transférés. Par ailleurs, la mortalité des 123 malades ayant bénéficié d’une
ECMO dans les centres français du réseau REVA a été de 36 % [66, 71] et
comparable à un groupe de malades appariés sur un score de propension.
Cependant, seulement 50 % des malades ECMO ont pu être appariés et
Grippe sévère 197
Conclusion
La grippe dans sa forme tant saisonnière que pandémique est une
pathologie pouvant conduire à une hospitalisation en réanimation en rai-
son de la constitution rapide d’une insuffisance respiratoire aiguë ou de
la décompensation de comorbidités sous-jacentes. La vaccination et la
prophylaxie secondaire par oseltamivir des sujets à risque sont les théra-
peutiques les plus efficaces pour la prévention de la maladie, et tout par-
ticulièrement de ses formes les plus graves [41, 59]. Le diagnostic d’une
forme suspecte repose sur la RT-PCR pratiquée sur des prélèvements
respiratoires profonds, les tests rapides antigéniques manquant de sen-
sibilité. La prise en charge des formes les plus sévères de la maladie asso-
cie l’isolement du patient, l’administration précoce d’oseltamivir à fortes
doses et le contrôle des défaillances d’organe, en premier lieu la ventila-
tion mécanique en cas de détresse respiratoire. En revanche, l’administra-
tion de corticoïdes n’est pas recommandée en raison d’une augmentation
de la mortalité. Enfin, l’implantation précoce d’une ECMO veinovei-
neuse a été associée à une amélioration très significative du pronostic chez
les malades les plus graves lors de la pandémie de l’hiver 2009-2010 liée
au virus A H1N1.
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Endocardites en réanimation
13
P. CHARBONNEAU
Introduction
P. Charbonneau
Service de réanimation médicale
CHU Côte de Nacre
14033 Caen cedex
E-mail : [email protected].
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
203
204 Infectiologie en réanimation
Épidémiologie
40,0 %
38,0 %
35,0 %
30,0 %
25,9 %
25,0 %
21,7 %
20,0 %
20,0 %
15,4 % 15,1 %
15,0 %
11,2 %
9,5 %
10,0 % 8,2 % 8,5 %
5,0 %
0,0 %
1 2 3 4 5
Fig. 1 – Mortalité intrahospitalière dans cinq propensity groups d’après Cabell C. [9].
Dans une autre série [12], 0,8 % de tous les patients admis en réani-
13 mation dans quatre unités autrichiennes sont porteurs d’endocardites,
45 % des diagnostics d’endocardite ont été portés au sein de l’unité de
réanimation.
Étiologies microbiennes
Critères diagnostiques
Critères majeurs
Hémocultures positives
Microorganismes typiquement rencontrés dans les endocardites sur 2 prélèvements
séparés/
Streptococcus viridans ou bovis, Staphylococcus aureus, ou germes du groupe HACEK ou
enterococcus communautaire ou microorganismes habituellement responsables d’endocardites
retrouvés de façon persistante dans les hémocultures à savoir :
Au moins 2 hémocultures positives prélevées à plus de 12 heures d’intervalle ou
3 hémocultures positives ou au moins la majorité de 4ou plus hémocultures positives (la
première et la dernière étant prélevées à au moins une heure d’intervalle).
ou une seule hémoculture positive à Coxiella burnetti ou taux d’anticorps sup à 1/800
Preuve d’une atteinte de l’endocarde
Atteinte de l’endocarde à l’échocardiogramme (échographie transoesophagienne (ETO)
chez les patients porteurs de valves prothétiques ou en cas de doute à l’échographie
transthoracique (ETT)).
Mise en évidence de complications : Abcès péri valvulaires, masse ou végétation mobile,
appendue à une valve ou aux structures adjacentes, signe de fuite ou de régurgitation,
déhiscence partielle nouvelle d’une valve prothétique.
Régurgitation ou fuite valvulaire récente ou s’étant aggravée par rapport
aux données précédentes.
Critères mineurs
Anomalie cardiaque préexistante et prédisposant à une endocardite
Injection de drogue intraveineuse
Manifestations vasculaires (purpura), embolie artérielle, infarctus pulmonaire septique,
anévrysme mycosique, hémorragie intracrânienne, hémorragies conjonctivales, taches
de Janeway
Manifestations immunologiques : glomérulonéphrite, nodules d’Osler, taches de Roth,
facteur rhumatoïde.
Hémoculture positive (sans atteindre le niveau d’exigence des critères majeurs ou
preuve sérologique d’une infection active liée à un germe habituellement responsable
d’endocardite ( une seule hémoculture positive à Staphylococcus coagulase négative n’est
pas un critère mineur).
Endocardites en réanimation 209
Tableau III – Critères diagnostiques d’une endocardite (d’après [16]).
trées en réanimation. Cependant cette évolution est aussi grevée d’un pro-
13 nostic plus sombre et doit conduire à une décision chirurgicale précoce
(cf. infra).
La place de l’échocardiographie est essentielle dans cette situation, afin
d’évaluer les paramètres de fonction ventriculaire gauche (fonction pompe
et fonction muscle indépendantes des conditions de charge du ventricule
gauche) et de visualiser les atteintes anatomiques du cœur gauche. L’éva-
luation de la fonction ventriculaire gauche et droite (fonction muscle et
fonction pompe), la quantification des fuites valvulaires, la visualisation
des végétations, la détection de fistules périannulaires aortiques, la mise
en évidence d’abcès septal myocardique ou périprothétique en cas d’en-
docardites sur prothèses, la mise en évidence d’un épanchement péricar-
dique (pus ou sang), sont autant d’éléments indispensables pour poser,
en collaboration avec l’équipe chirurgicale, l’indication et le type d’in-
tervention [20]. En effet, les études récentes montrent que tout retard
pris dans le traitement chirurgical de la défaillance ventriculaire gauche
grève le pronostic des patients. Retarder une intervention sous le prétexte
« d’une meilleure imprégnation antibiotique des tissus » est une erreur :
l’incidence d’une nouvelle endocardite sur valve récemment implantée
chez des patients ayant une endocardite grave avec défaillance cardiaque
est estimée à 2-3 %, incidence très inférieure à la mortalité liée à une
défaillance hémodynamique non contrôlée [13].
Au moins six publications récentes confirment le rationnel de cette atti-
tude basée à défaut d’études randomisées sur la méthodologie des propen-
sity scores (9, 21-25).Les tableaux IV et V extraits de ces publications en
sont l’illustration.
Tableau IV – Analyses de type propensity scores étudiant les effets de la chirurgie dans
les endocardites (d’après [25]).
Mortalité
Période Type Nbre de % de Conclusion
suivi Sans/Avec
d’inclusion d’endocardite patients chirurgie Des auteurs
Chirurgie
Vikram 1990-2000 EVN 513 44,8 % 6 mois 28 %/15 % Bénéfice
Mourvillier 1993-2000 EVN 146 49,3 % i.hosp. 47,3 %/29,7 % Benef NS
Cabell 1985-1999 EVN 1516 40,2 % i.hosp. 16,4 %/13,6 % Bénéfice.
Wang 1985-1999 EVP 355 41,7 % i.hosp. 32,4 %/22,1 % Benef NS
Tleyjeh 1980-1998 EVN et EVP 546 23,6 % 6 mois 19,4 %/29,0 % Benef NS
Sy 1996-2006 EVN et EVP 223 27,8 % 5,2 ans 51 %/32 % Benef NS
Banney 1999 EVN et EVP 449 53,4 % 5 ans 50 %/30 % Bénéfice
Lalani 2000-2005 EVN 1552 46,4 % i.hosp. 17,4 %/11,8 % Bénéfice
Alsoy 1996-2002 ENV et EVP 333 23,0 % 5 ans 18,0 %/11,5 % Bénéfice
EVN : endocardite sur valve native
EVP : Endocardite sur valve prothétique
Nbre : nombre
Conclusion des auteurs : Bénéfice pour les patients de la chirurgie ou Bénéfice non significatif (NS)
Nb : Dans certaines séries tout le collectif des patients n’a pas fait l’objet d’un calcul de « propensity
score ». La mortalité avec ou sans chirurgie ne concerne que les patients ayant été inclus dans ce type
de calcul.
Endocardites en réanimation 211
Tableau V – Circonstances cliniques nécessitant une intervention chirurgicale rapide selon
Thuny F [25].
Agrément Niveau
Délai
(classe) de preuve
Défaillance cardiaque
Endocardite mitrale ou aortique ou sur prothèse Immédiat I B
avec fuite ou régurgitation aigue ou obstruction sans délai
valvulaire ou fistule responsables d’OAP ou de
choc cardiogénique
Idem mais sans OAP ni choc cardiogénique, Urgent I B
avec des signes
échographiques de mauvaise tolérance
hémodynamique
Endocardite mitrale ou aortique ou déhiscence Spécifique IIa B
prothétique sévère avec fuite majeure sans
défaillance cardiaque
Défaillance ventriculaire droite par fuite tricuspide Urgent ou IIa C
avec une réponse faible aux diurétiques Spécifique
Non contrôle de l’infection
Infection locale non contrôlée (abcès, faux Urgent I B
anévrysme, fistule, Végétation de taille
grandissante)
Fièvre persistante et hémocultures positives plus Urgent I B
de 7 à 10 jours sous traitement et sans causes
extracardiaques
Endocardite fongique ou à germes multirésistants Urgent ou I B
Spécifique
Endocardite sur prothèse à staphylococcus ou Urgent ou IIa C
à Gram- (souvent endocardite précoce) Spécifique
Prévention de migrations emboliques
Endocardite mitrale ou aortique avec végétations Urgent I B
de plus de 10 mm avec épisodes antérieurs d’un
ou plusieurs événements emboliques malgré une
antibiothérapie appropriée
Idem avec présence de complications (défaillance Urgent I C
ventriculaire, infection persistante, abcès)
Endocardite mitrale ou aortique ou sur prothèse Urgent IIb C
avec végétations de plus de 15 mm
Végétations tricuspide de plus de 20 mm Urgent ou IIa C
après plusieurs embolies pulmonaires Spécifique
Définitions :
Délai : Immédiat : intervention à effectuer dans les 24 heures
Urgent : intervention à effectuer sous 2 ou 3 jours
Spécifique : intervention à discuter dans les 7 à 14 jours comprenant un traitement antibiotique
Classe et niveau de preuves cf. références internationales
212 Infectiologie en réanimation
Embolisations
Les emboles septiques (fragments de végétations et/ou de valves) sur-
viennent selon les séries dans 22 à 50 % des cas. Tous les territoires peu-
vent être concernés, mais 65 % des événements emboliques concernent
le système nerveux central, et en particulier le territoire des artères céré-
brales moyennes [27]. Les emboles se voient plus fréquemment lors des
endocardites du cœur gauche, et lorsque les germes en cause sont Staphy-
lococcus aureus, Candida, les germes du groupe HACEK.
La prédiction d’un accident embolique est extrêmement difficile à réaliser.
La taille de la végétation (≥ 1 cm), sa position mitrale, la période ini-
tiale de traitement antibiotique efficace (avant la deuxième ou troisième
semaine de traitement) sont des facteurs de risque d’accident embolique
reconnus dans toutes les études. Beaucoup de ces accidents emboliques
sont inauguraux et sont souvent responsables de l’admission du patient
en réanimation (cf. infra « Complications neurologiques »). La prise en
compte de ces données ainsi que la surveillance échographique doivent
aider à porter éventuellement l’indication d’une intervention chirurgicale
précoce, afin d’éviter les complications majeures de ces migrations en par-
ticulier cérébrales. Toutefois, les indications chirurgicales destinées à pré-
venir ces accidents doivent être posées au cas par cas [13, 28].
Endocardites en réanimation 213
Complications neurologiques
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Endocardites en réanimation 219
Introduction
Classification de Hambourg
Péritonites primitives
Péritonite spontanée de l’enfant
Péritonite spontanée de l’adulte
Péritonite au cours des dialyses péritonéales
Péritonite granulomateuse
Péritonite tuberculeuse
Péritonites secondaires
Perforation intrapéritonéale (suppuration aiguë) :
– perforation gastro-intestinale
– nécrose de la paroi intestinale
– pelvipéritonite
Péritonite secondaire à une translocation bactérienne
Classification de Hambourg
14
Péritonite postopératoire
– lâchage d’anastomose
– lâchage de suture
– lâchage de moignon
– iatrogénie : perforation perendoscopique, radiologie interventionnelle
Péritonite post-traumatique :
– traumatisme fermé
– traumatisme par plaie pénétrante
Péritonites tertiaires
Péritonite sans germes
Péritonite fongique
Péritonite avec germes à faible pouvoir pathogène
est à cheval sur les deux étages, le mésocôlon transverse naissant à sa face
antérieure.
Étiologies
Péritonites post-traumatiques
Les péritonites post-traumatiques communautaires se divisent en
deux grandes entités nosologiques selon le mécanisme pénétrant ou non
du traumatisme :
– les péritonites liées à un traumatisme pénétrant de la paroi abdo-
minale sont le plus souvent secondaires à une agression (arme blanche,
arme à feu…) ou à un polytraumatisme. Les bactéries identifiées se-
ront liées au contexte traumatique : germes cutanés (en particulier
staphylocoque), entérobactéries, entérocoques et anaérobies en cas
de perforation digestive, voire streptocoques ou Candida si la perfo-
ration digestive est haute (œsophage, estomac, duodénum). À cette
catégorie peuvent être rattachées des causes plus rares de perforations
de l’intérieur vers l’extérieur du tube digestif (corps étrangers recto-
sigmoïdiens, ingestion d’objets perforants) ;
– les péritonites peuvent également compliquer des traumatismes ab-
dominaux fermés et sont liées aux lésions initiales génératrices d’is-
Péritonites communautaires 225
Traitement chirurgical
La prise en charge des péritonites repose sur la collaboration étroite
entre les équipes chirurgicale, d’anesthésie et de réanimation. L’indica-
tion chirurgicale est posée dès le diagnostic [13]. La réanimation pré-
opératoire ne doit pas retarder l’intervention et doit servir à optimiser le
patient sur les plans hémodynamique, ventilatoire et hydroélectrolytique.
La chirurgie des péritonites repose sur quatre axes principaux :
– 1 : exploration, confirmation du diagnostic et de l’étiologie ;
Péritonites communautaires 227
– 2 : prélèvements bactériologiques ;
– 3 : contrôle de la source infectieuse et baisse de l’inoculum bactérien ;
– 4 : prévention de la récidive.
L’abord peut se faire par cœlioscopie (en particulier dans les péritonites
appendiculaires ou secondaires à une perforation duodénale ou chez le
grand obèse) ou par laparotomie médiane, cette deuxième option étant la
voie privilégiée en cas d’instabilité hémodynamique.
En cas de péritonite sur perforation, la résection avec mise en stomies
du tube digestif est la règle, le risque de lâchage de sutures étant élevé
en milieu septique. Dans certaines conditions (sujet en bon état général,
absence d’état de choc, atteinte grêlique, prise en charge dans les 12 pre-
mières heures) et selon l’expérience du chirurgien, une anastomose en un
temps est envisageable. En dehors de ces situations, une stomie de protec-
tion en amont doit alors être discutée. Toute zone ischémique devra être
réséquée afin d’éviter sa perforation secondaire. En cas de sigmoïdite, plu-
sieurs attitudes peuvent être envisagées : suture simple de la perforation,
résection-anastomose en un temps avec stomie de protection ou mise en
Hartman. Certains proposent même un traitement non opératoire en cas
de poussée de diverticulite sigmoïdienne avec pneumopéritoine chez des
patients sans défaillance hémodynamique [14]. Si l’origine de la périto-
nite est appendiculaire, l’appendicectomie sera nécessaire, le choix de la
voie d’abord chirurgicale (laparostomie ou laparoscopie) étant fonction
du terrain, de l’extension infectieuse et des habitudes chirurgicales.
Concernant les péritonites biliaires, il convient de réaliser une cholécys-
tectomie et une dérivation biliaire externe en cas d’obstruction. La réa-
lisation d’une anastomose biliodigestive dans le même temps opératoire
sera évitée.
Les perforations duodénales peuvent être traitées par suture simple sous
cœlioscopie. La perforation d’un ulcère gastrique impose d’y associer la
résection de l’ulcère. En cas de perforation sur cancer gastrique, une gas-
trectomie partielle ou totale sera réalisée d’emblée. Pour les perforations
ulcéreuses gastriques ou duodénales, un traitement médical non invasif
type « méthode de Taylor » peut être discuté si le patient remplit certains
critères : bon état général, perforation survenue à jeun et prise en charge
dans les 6 heures, absence de fièvre, de signes de choc ou d’hémorragie.
Il repose sur l’aspiration gastrique, la rééquilibration hydroélectrolytique,
la nutrition parentérale, une antibiothérapie et un traitement par inhibi-
teurs de la pompe à protons à fortes doses.
Le lavage péritonéal, réalisé après le contrôle de la source infectieuse et
les prélèvements à visée microbiologique, doit être abondant ; l’adjonc-
tion d’antiseptiques ou d’antibiotiques locaux n’a pas fait preuve de son
efficacité.
Le drainage du foyer opératoire n’est pas systématique, il dépend du
contexte et des habitudes chirurgicales [15]. Il repose sur plusieurs pro-
cédés : drainage passif, aspiratif (drains tubulés, VAC…), lames, drai-
nage par capillarité (Mikulicz). Certains procédés de drainage comme
l’irrigation-lavage ou le drainage systématique des zones déclives de la
228 Infectiologie en réanimation
cavité n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. En cas de péritonite opérée
14 au-delà de 12 heures d’évolution, ou de péritonite stercorale, un drainage
simple en regard du foyer causal peut être envisagé. En l’absence de synd-
rome du compartiment abdominal ou de défect pariétal important, il n’y
a pas d’indication à la laparostomie. Il n’y a pas d’indication non plus à
une reprise systématique programmée [16, 17].
Il est important de retenir que la chirurgie est le principal traitement de
la péritonite et ne doit donc pas être retardée. Il ne faut en aucun cas
débuter une antibiothérapie « test » pour stabiliser le patient ou se don-
ner un délai de réflexion sur l’indication opératoire sous réanimation,
au risque d’abâtardir le tableau clinique et d’attendre une complication
sévère avant d’opérer. Une bonne transmission d’informations, si possible
directe, entre le chirurgien et l’équipe médicale de réanimation est capi-
tale (schéma du montage chirurgical consigné dans le dossier médical).
En effet, les constatations peropératoires (type de résection, vitalité intes-
tinale, qualité du drainage, contrôle efficace ou non de la source infec-
tieuse) conditionnent la prise en charge ultérieure et notamment la durée
d’antibiothérapie, la survenue potentielle de complications, la possibilité
d’alimentation entérale précoce et le pronostic fonctionnel du patient.
Antibiothérapie
L’antibiothérapie probabiliste des péritonites communautaires est
ciblée sur les germes les plus fréquemment retrouvés : entérobactéries
et anaérobies. Si le tableau général est d’une gravité particulière (sepsis
sévère, choc septique), l’antibiothérapie devra être élargie afin de cou-
vrir des germes plus rarement impliqués mais dont le retard de prise en
charge compromettrait la survie du patient. La première injection d’an-
tibiotiques sera réalisée dès la suspicion diagnostique sans attendre les
prélèvements chirurgicaux [13]. Elle ne négativera pas l’examen bacté-
riologique réalisé en peropératoire du fait de l’importance de l’inoculum
bactérien, mais diminuera le risque de bactériémies peropératoires. Les
résultats de la culture et l’antibiogramme permettront son adaptation
secondaire, en gardant à l’esprit que les péritonites sont le plus souvent
polymicrobiennes. Bien que le type de germes présents et le rapport aé-
robies/anaérobies soient variables le long du tube digestif, il n’y a pas
d’arguments pour adapter l’antibiothérapie en fonction de la localisa-
tion de la source infectieuse [13]. Une activité antianaérobie de l’anti-
biothérapie doit être maintenue pendant 5 jours, délai qui correspond à
la fin des cultures anaérobies, puis adaptée aux résultats bactériologiques.
L’examen direct du liquide péritonéal retrouvera le plus souvent une flore
variée comprenant des BGN et des cocci à Gram positif. Il est donc peu
pertinent pour le choix de l’antibiothérapie initiale. En revanche, la pré-
sence de levures à l’examen direct est en faveur de la mise en route d’un
traitement antifongique car elle est prédictive de la réalité d’une périto-
nite fongique [18].
Péritonites communautaires 229
Suivi thérapeutique
L’évolution clinique reste le principal critère de guérison (baisse ou
arrêt des amines, sevrage ventilatoire, amélioration de la fonction ré-
nale, apyrexie) [13]. Le suivi du syndrome inflammatoire biologique
(leucocytose, CRP, PCT) n’est pas indispensable mais permet la détec-
tion précoce d’une complication ou d’un échec thérapeutique. Le suivi
dynamique de la PCT semble bien corrélé à l’évolution d’un syndrome
septique [29], mais son utilisation dans le cadre des péritonites n’a pas été
suffisamment étudiée pour permettre d’affirmer son intérêt.
La persistance ou l’aggravation d’une défaillance d’organe, une fièvre pro-
longée ou la réapparition d’une symptomatologie abdominale (contrac-
ture, défense, vomissements, syndrome occlusif) après plusieurs jours
de traitement doivent faire évoquer une complication [13, 30]. En cas
de doute sur un sepsis abdominal persistant, la réalisation d’une TDM
injectée après j5 permet de détecter un foyer infectieux intra-abdominal.
Elle guidera la stratégie thérapeutique qui repose sur une réintervention,
Péritonites communautaires 231
Entérocoque
Certaines études montrent que la présence d’entérocoque dans les
prélèvements microbiologiques semble associée à une mortalité et à un
risque de complications postopératoires plus élevés [31-33]. Cependant,
aucune différence n’est observée entre deux groupes de patients bénéfi-
ciant d’un traitement par bêtalactamines large spectre, que cette anti-
biothérapie soit active (pipéracilline-tazobactam) ou non (ertapénem)
sur l’entérocoque [34, 35]. L’entérocoque agit de façon synergique avec
les entérobactéries et les anaérobies mais a un rôle pathogène modéré
isolément. À l’heure actuelle, il n’est pas recommandé de cibler spéci-
fiquement l’entérocoque en probabiliste, même si certains protocoles
antibiotiques utilisés couvrent l’Enterococcus faecalis, souche la plus fré-
quemment isolée en contexte communautaire. Néanmoins, le péritoine
étant une cavité normalement stérile, il paraît cohérent de prendre en
compte dans l’antibiothérapie probabiliste ce germe dans les péritonites
graves, pour éviter la survenue d’abcès secondaires. La mise en évidence
bactériologique (hémoculture, prélèvement opératoire) d’un entérocoque
doit sûrement être prise en compte dans l’adaptation du traitement chez
les patients présentant des défaillances viscérales sévères.
« Candida »
Le Candida est un saprophyte du tube digestif essentiellement présent
au niveau de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum. Sa pathogé-
nicité est liée à un déséquilibre microbiologique, sa prolifération étant
secondaire à une disparition de la flore bactérienne commensale (dénu-
trition, antibiothérapie prolongée) et/ou à une immunosuppression. Son
rôle est bien reconnu en contexte nosocomial mais est plus difficile à
232 Infectiologie en réanimation
Conclusion
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Les infections sévères de la peau
et des parties molles
15
D. MATHIEU
Aspects nosologiques
Aspects cliniques
Bactériologie
Six espèces de Clostridium sur plus de 150 identifiées ont été mises en
cause dans la gangrène gazeuse, mais Clostridium perfringens est l’agent
principal de la myonécrose [5]. Il est retrouvé dans 80 à 90 % des cas.
Dix pour cent environ des myonécroses ne sont pas d’origine clostridiale.
Des germes du groupe Bacteroïdes fragilis ou des streptocoques anaérobies
sont alors les plus fréquemment impliqués.
Circonstances d’apparition
La porte d’entrée est le plus souvent externe, traumatique, à partir
de germes telluriques. On retrouve là toute l’écologie bien connue des
Clostridium : plaies contuses, souillées de terre, mal désinfectées ; corps
étrangers résiduels. Souvent l’inoculation est massive (grand délabre-
ment de la traumatologie routière) et associée à des lésions favorisant la
prolifération microbienne anaérobie (lésions vasculaires, fractures ou-
vertes…).
L’étiologie peut également être médicale par contamination d’ulcères
cutanés ou d’escarres. Les lésions du pied diabétique représentent actuel-
lement près de 40 % des lésions retrouvées à l’origine d’une gangrène
gazeuse. Plus rarement, il peut s’agir de gestes infectants tels que les injec-
tions intramusculaires ou intra-articulaires, surtout en cas d’injection de
corticoïdes ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. La porte d’entrée
peut également être chirurgicale, opératoire, en particulier après ampu-
tation dans le cas de la chirurgie vasculaire ou chez le diabétique. Plus
rarement, certains cas peuvent survenir après des gestes chirurgicaux
« aseptiques » notamment aprés chirurgie de hanche. La contamination se
fait plus rarement de manière interne à partir des flores endogènes. Dans
ce cas, la recherche d’un cancer colique ou rectal s’impose.
240 Infectiologie en réanimation
Présentation clinique
15 Le délai séparant la contamination des signes d’infection est le plus
souvent court de 12 à 24 heures. Parfois évoquée devant un aspect de
plaie atone, l’infection se manifeste d’abord localement par une douleur
vive et d’intensité croissante, une peau froide et décolorée, un œdème
« tendu », un exsudat peu abondant. C’est à ce stade que le diagnostic
doit être évoqué et la plaie explorée.
Une radiographie des parties molles peut montrer l’existence de bulles
ou de traînées gazeuses dans les masses musculaires apportant ainsi un
élément de confirmation, mais la présence de gaz intratissulaire n’est ni
précoce ni constante (20 % dans notre expérience) et ne doit pas être
attendue pour évoquer le diagnostic [6]. La présence de gaz n’est pas non
plus spécifique, d’autres germes étant producteurs de gaz (Escherichia coli,
Proteus, Aerobacter…) et de plus, l’injection d’air dans les parties molles
lors du traumatisme est également possible et trompeuse. Dans ce der-
nier cas, le délai extrémement court (quelques minutes à quelques heures)
entre le traumatisme et la constatation d’une crépitation neigeuse, la pré-
sence d’images gazeuses sur les premiers clichés radiographiques pris après
le traumatisme, l’absence de signes infectieux locaux et généraux redres-
sent le diagnostic.
Le diagnostic de gangrène gazeuse est donc avant tout un diagnostic cli-
nique. Attendre la confirmation bactériologique expose à laisser l’évolution
se faire vers l’extension et l’apparition de signes généraux : hypotension,
troubles de conscience, oligurie, ictère et coagulopathie, qui ont tous été
identifiés depuis longtemps comme des signes de mauvais pronostic.
Bactériologie
Si dans la description initiale de Meleney, tous les patients présen-
taient des cultures positives au streptocoque bêtahémolytique, depuis et
parallèlement aux progrès des méthodes de prélèvement et de cultures
bactériologiques, de nombreux auteurs ont rapporté l’isolement de flores
mixtes où le streptocoque n’est plus retrouvé [7, 8].
Les infections sévères de la peau et des parties molles 241
Circonstances d’apparition
Considérée comme rares, la fréquence des DHBN-FN liées à Strepto-
coccus pyogenes est estimée à 4 pour 100 000 habitants, et elles entraînent
une mortalité d’environ 25 % [2]. Le point de départ des DHBN-FN est
une effraction du revêtement cutané ou muqueux, parfois évidente : trau-
matisme, plaie opératoire, surinfection d’une lésion primitive : ulcère, es-
carre talonnière, mal perforant plantaire du diabétique…, parfois discrète
voire méconnue ou négligée par le patient : éraflure cutanée, piqûre par
une épine ou un insecte, lésion d’acné traumatisée…
Des cas indiscutables ont été observés après extraction dentaire banale,
intervention chirurgicale réglée, de même qu’après injection sous-cutanée
ou intramusculaire (surtout de corticoïdes ou d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens). Les injections septiques des toxicomanes à l’héroïne sont éga-
lement une porte d’entrée fréquente dont les caractéristiques bactériolo-
giques sont particulières (fréquence des germes d’origine salivaire comme
les Prevotella).
Description clinique
Après le traumatisme initial, la phase d’incubation est en général
courte (6 à 72 heures), parfois marquée par de discrets signes locaux :
plaie atone, paresthésies localisées, sensation de tension locale…
Puis apparaît un érythème rapidement accompagné d’œdème et de dou-
leurs. Dès lors, l’évolution est explosive avec apparition en quelques heures
de signes locaux et généraux.
Localement, apparaît une zone érythémateuse, infiltrée, chaude, doulou-
reuse, débordée par un œdème rendant ses bords non délimitables par la
palpation. Il n’existe en général ni traînée de lymphangite, ni adénopathie
satellite. Cette lésion s’étend rapidement, de façon souvent évidente aux
examens cliniques répétés. Une crépitation neigeuse traduisant la présence
de gaz intratissulaire est possible, bien que de constatation moins fré-
quente qu’en cas de myonécrose clostridiale. Des clichés radiographiques
des tissus mous peuvent montrer la présence de gaz en traînées, dissociant
le tissu sous-cutané et dessinant les masses musculaires [2]. Ces signes
locaux sont surtout frappants par le caractère rapidement extensif, voire
même explosif. Ainsi par exemple, il ne s’écoule parfois que 36 heures
entre la constatation d’une zone érythémateuse localisée au pourtour
242 Infectiologie en réanimation
Circonstances d’apparition
Les DHBNN se développent le plus souvent autour d’une plaie après
une chirurgie thoracique ou abdominale, autour d’un orifice de drainage
d’une pleurésie purulente ou d’un abcès péritonéal. Elles peuvent égale-
ment apparaître autour d’un orifice de colostomie ou d’iléostomie, ou
succéder à une plaie banale, ou apparaître spontanément sans lésion pri-
mitive apparente.
Bactériologie
Les prélèvements bactériologiques au niveau de la zone centrale mettent
en évidence de très nombreuses bactéries sans signification propre quant à
l’infection et résultant de la colonisation de la plaie. Les prélèvements faits
dans la zone périphérique révèlent eux la présence de streptocoques hé-
molytiques de groupe A ou parfois, non hémolytiques associés à d’autres
germes : Staphylococcus aureus, Protéus, Enterobacter, Pseudomonas…
Le streptocoque semble jouer un rôle essentiel. Retrouvé dans les zones les
plus externes, il paraît avoir pour mission de préparer les tissus à l’action
des autres germes. C’est en cela que, depuis longtemps, cette infection a été
dénommée synergistique. L’isolement du streptocoque peut être cependant
difficile, et dès lors sa responsabilité méconnue au profit des germes associés.
244 Infectiologie en réanimation
Aspects cliniques
15 Cliniquement, la lésion se manifeste par des douleurs spontanées et à
la pression. Localement, la lésion consiste en une zone indurée centrale,
de couleur rouge sombre, entourée par une zone érythémateuse.
L’évolution se fait vers l’extension et au stade d’état, on retrouve une lésion
composée de trois zones : une zone périphérique érythémateuse, une zone
intermédiaire rouge sombre et douloureuse, une zone centrale gangré-
neuse et nécrotique qui va évoluer vers une ulcération large où apparais-
sent parfois des bourgeons de granulation et des ilôts d’épidermisation.
Très caractéristique est le fait que les fascias profonds entourant les masses
musculaires ne sont pas touchés. L’hyperesthésie de la zone intermédiaire
est également évocatrice.
L’extension est lente mais continue sur quelques jours à quelques semaines.
Des lésions satellites peuvent survenir, liées à une diffusion sous-cutanée.
Les manifestations infectieuses générales sont discrètes et les complica-
tions exceptionnelles.
Diagnostic
Il repose essentiellement sur l’aspect clinique des lésions, qui sont suf-
fisamment évocatrices pour permettre de mettre en route le traitement
sans attendre la confirmation bactériologique.
Diagnostic clinique
Confondre une DHBN avec une myonécrose, qu’elle soit à Clostri-
dium (gangrène gazeuse) ou non clostridiale, n’aurait que peu de consé-
quences, les conduites à tenir étant très voisines. En fait, le diagnostic est
aisé en raison d’un processus infectieux intéressant essentiellement les
masses musculaires qui sont œdémaciées, de coloration brunâtre et sai-
gnant peu lors de l’incision. La peau et le tissu sous-cutané apparaissent
normaux ou atteints seulement de façon secondaire. À un stade évolué,
les différences anatomiques entre les deux infections sont masquées, et
seul l’interrogatoire et le contexte permettent d’évoquer l’une plus que
l’autre à l’origine du tableau clinique.
Les cellulites à germes aérobies (staphylocoque, Hemophilus influenzae…)
sont très différentes dans leur présentation : cellulite localisée, d’appari-
tion et d’extension beaucoup plus lente, sans tendance aisée au décolle-
ment des plans sous-cutanés. Le contexte (âge, lésion sous-jacente…), la
présence d’un pus plus franc, le caractère modéré des signes généraux, les
différencient facilement même avant le résultat des examens bactériolo-
giques. Compte tenu des différences dans l’urgence de la prise en charge,
un score biologique (LRINEC) a été proposé pour aider à distinguer entre
DHBN-FN et infections comme DHBNN ou cellulite [17]. Dans notre
Les infections sévères de la peau et des parties molles 245
Diagnostic radiologique
Si la constatation de gaz dans les parties molles est un bon signe
d’orientation, il est peu sensible. La tomodensitométrie est surtout utile
pour rechercher une porte d’entrée de l’infection, mais permet mal de dé-
terminer l’extension de l’infection. L’imagerie par résonance magnétique
semble être actuellement le meilleur examen pour apprécier l’atteinte des
structures tissulaires et différencier ainsi les DHBN-FN des autres infec-
tions non nécosantes [18].
Diagnostic bactériologique
Traitement
Le traitement antibiotique
L’antibiothérapie, administrée par voie parentérale, doit être débutée
dès le diagnostic suspecté et avant le résultat des prélèvements bactério-
logiques [21].
Les infections sévères de la peau et des parties molles 247
La chirurgie
Principes généraux
Dès avant l’ère des antibiotiques, les chirurgiens militaires avaient
montré qu’une chirurgie radicale, mutilante, consistant en une ampu-
tation haute à la racine du membre, voire une désarticulation pouvait,
si elle était pratiquée tôt devant une infection encore limitée, sauver la
vie du blessé. Cette attitude, de façon surprenante parfois encore recom-
mandée, n’est pas dépourvue d’une mortalité immédiate importante, et
surtout laisse d’importantes séquelles fonctionnelles.
Actuellement, la conception de l’acte chirurgical a complètement changé.
Celui-ci doit avant tout éliminer les tissus nécrosés et diminuer les phé-
nomènes compressifs liés à l’œdème qui interrompent la circulation san-
guine, entraînant une hypoxie favorisant la pullulation microbienne et
un arrêt de la pénétration des antibiotiques [9]. Ceci explique l’impor-
tance de la précocité de l’intervention chirurgicale, qui est un facteur bien
établi du pronostic [22].
Cette chirurgie repose sur le principe du débridement large et précoce
avec des incisions ouvrant le tissu sous-cutané jusqu’aux aponévroses
musculaires, et l’ouverture des espaces de décollement jusqu’à ce que
la main ressente une résistance, traduction d’un tissu non encore clivé.
Lors du premier geste, et en dehors de toute situation dramatique où
l’amputation est le seul geste de sauvetage possible, il ne s’agit pas
d’une chirurgie mutilante d’emblée, l’exérèse ne concerne que les tis-
sus manifestement nécrosés. Les tissus inflammatoires seront incisés
jusqu’en zone saine. Une irrigation abondante complète ce geste et un
drainage, assuré habituellement par de multiples lames, est laissé en
place. Enfin, bien sûr, la porte d’entrée doit bénéficier de son traite-
ment propre.
Cet acte chirurgical initial doit être suivi de pansements pluriquoti-
diens (dans notre pratique, toutes les 8 heures pendant les 5 premiers
jours), véritables mini-interventions chirurgicales au cours desquelles
on effectuera une exérèse à la demande des tissus nécrosés, une irri-
gation large des zones de décollement, voire un complément de drai-
Les infections sévères de la peau et des parties molles 249
Traitements adjuvants
L’oxygénothérapie hyperbare
Introduite en 1960 dans le traitement des gangrènes gazeuses par
Brummelkamps et Boerema, l’oxygénothérapie hyperbare (OHB) voit
encore sa place discutée bien que ses bases physiopathologiques soient
solidement établies et que de nombreux auteurs aient rapporté son effi-
cacité en clinique.
Sur le plan physiopathologique, l’OHB exerce une action à la fois directe
sur les germes anaérobies et indirecte sur les moyens de défense de l’or-
ganisme en restaurant le pouvoir bactéricide des polynucléaires. En effet,
l’hypoxie régnant au sein du foyer infectieux explique l’incapacité des
polynucléaires à détruire les germes qu’ils ont phagocytés. L’OHB, en res-
250 Infectiologie en réanimation
Immunoglobulines intraveineuses
Compte tenu du rôle joué par les exotoxines dans l’apparition et l’in-
tensité des manifestations systémiques, l’injection intraveineuse d’immu-
noglobulines polyvalentes a été proposée dans le traitement des DHBN-
FN surtout d’origine streptococcique [29]. Quelques courtes séries ont
rapporté des resultats positifs, mais ceux-ci n’ont pas été confirmés par
une étude randomisée ultérieure [30].
caractère thrombotique des lésions, la mise sous héparine doit être systé-
matique et se faire à faibles doses, à la seringue autopulsée. L’apport nu-
tritionnel est important et doit couvrir les dépenses énergétiques souvent
considérables de ces patients. Enfin, en cas d’infections d’origine trauma-
tique, une prévention antitétanique doit être systématique, si l’immuni-
sation vaccinale du sujet est ancienne ou douteuse.
Conclusion
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Les infections sévères de la peau et des parties molles 253
Introduction
F. Daviaud, F. Pène
Service de réanimation médicale, hôpital Cochin, AP-HP, Paris
Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité
27 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris
E-mail : [email protected]
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
255
256 Infectiologie en réanimation
Tableau I – Définitions du sepsis (American College of Chest Physicians/Society
16 of Critical Care Medicine) [1].
Présentations cliniques
Stratégie thérapeutique
poids moléculaire (≥ 200 kDa) et à haut degré de substitution (> 0,4). Les
cristalloïdes demeurent donc le principal soluté de remplissage à utiliser au
cours du choc septique [46]. Outre ses capacités d’expansion volémique,
l’albumine possède des propriétés adjuvantes susceptibles de jouer un rôle
bénéfique au cours du sepsis. Dans une méta-analyse récente, l’utilisation
d’albumine comme soluté de remplissage chez des patients porteurs de
sepsis sévère ou de choc septique a été associée à une amélioration de la
survie [47].
La vasoplégie est responsable d’une hypotension persistante malgré la
restauration de la volémie et va nécessiter l’adjonction de drogues vaso-
pressives, définissant ainsi l’entité de choc septique. Une étude multicen-
trique comparant l’administration de noradrénaline à la dopamine au
cours des états de choc dont la majorité de chocs septiques, a retrouvé
une tendance à une supériorité de la noradrénaline sur la survie et un
excès d’effets indésirables (principalement des troubles du rythme) chez
les patients traités par dopamine [48]. La vasopressine comparée à la
noradrénaline n’a pas montré d’avantage de survie, mais pourrait être
utilisée comme traitement vasopresseur adjuvant en cas de choc réfrac-
taire [49]. Certains patients nécessitent en outre un support inotrope en
association avec le traitement vasopresseur, en raison d’une insuffisance
cardiaque chronique ou d’une incompétence myocardique transitoire liée
au sepsis. La persistance d’une ScvO2 < 70 % malgré la restauration de la
volémie et une PAM > 65 mmHg peuvent également indiquer un trai-
tement inotrope afin d’optimiser le débit cardiaque [44]. L’association
dobutamine-noradrénaline ou l’adrénaline seule représentent deux alter-
natives d’efficacité équivalente dans ce contexte [50].
Support ventilatoire
La plupart des patients traités pour choc septique vont nécessiter un
support ventilatoire en raison d’une insuffisance respiratoire aiguë liée
à un foyer infectieux pulmonaire ou à un œdème lésionnel, ou bien à
des troubles neurologiques. La présence d’un choc septique et plus
généralement d’une défaillance extrarespiratoire constitue clairement une
contre-indication à la ventilation non invasive, et ce support sera assuré
au mieux de manière invasive après une intubation endotrachéale [51].
La stratégie de ventilation dans le SDRA a été précisée par une large
étude américaine qui a démontré le bénéfice sur la survie d’une venti-
lation dite « protectrice » à faible volume courant (6 mL/kg) versus une
ventilation à volume courant élevé (12 mL/kg) afin de limiter la pression
de plateau à une valeur inférieure à 30 cmH2O [52]. Des tendances si-
milaires étaient observées dans des sous-groupes de patients porteurs de
sepsis ou de pneumonies [53].
264 Infectiologie en réanimation
Épuration extrarénale
16
Au cours du choc septique, les indications d’épuration extrarénale
sont le plus souvent liées à une insuffisance rénale aiguë, mais peuvent
s’étendre aux désordres métaboliques aigus comme les acidoses pro-
fondes au cours des premières heures. D’une manière générale, les mo-
dalités intermittentes et continues d’épuration extrarénale en réanima-
tion apparaissent équivalentes sur la survie et sur la récupération de la
fonction rénale, y compris chez les patients septiques [54]. Le choix de
l’une ou l’autre de ces méthodes est donc souvent lié à l’expérience des
équipes et aux effets indésirables propres inhérents à chaque technique.
Ainsi les méthodes continues sont associées à une meilleure tolérance
hémodynamique et facilitent la gestion de la balance volémique, mais
imposent en revanche une anticoagulation continue et sont susceptibles
d’induire une consommation plaquettaire sur le filtre [55]. Les tech-
niques d’anticoagulation régionale par citrate permettent de s’affranchir
des effets secondaires hémorragiques liés aux techniques continues, mais
demeurent contre-indiquées en cas d’insuffisance hépatocellulaire qui ex-
pose à une accumulation du citrate.
Corticothérapie
Historiquement, la corticothérapie utilisée à fortes doses à visée anti-
inflammatoire a plutôt été associée à une augmentation de la mortalité
dans le choc septique [56]. La mise en évidence d’une insuffisance surré-
nalienne fonctionnelle fréquente au cours du choc septique (plus de 50 %
des patients) a provoqué au début des années 2000 un regain d’intérêt
pour ces médicaments, utilisés cette fois-ci à des doses bien inférieures
dites substitutives (200 à 300 mg/j d’hémisuccinate d’hydrocortisone),
dans le but notamment de restaurer la sensibilité vasculaire aux catécho-
lamines. Dans l’étude prospective randomisée multicentrique française
Ger-Inf-05, D. Annane et al. ont rapporté une diminution de la durée du
choc et une amélioration de la survie chez les patients traités par une asso-
ciation d’hémisuccinate d’hydrocortisone (50 mg/6 h pendant 7 jours) et
de fludrocortisone (50 μg/j pendant 7 jours) (mortalité à 28 jours 55 %
vs 61 % dans le bras contrôle ; p = 0,09). De manière intéressante, le
bénéfice n’était observé que dans le sous-groupe des patients non répon-
deurs à un test à l’ACTH (mortalité à 28 jours 53 % vs 63 % ; p = 0,04),
validant ainsi le concept d’opothérapie substitutive dans ce contexte [57].
Ces résultats n’ont pas été reproduits par l’étude européenne COR-
TICUS qui évaluait le bénéfice d’un traitement par hydrocortisone
(50 mg/6 h pendant 5 jours) réalisée chez des patients porteurs de choc
septique. Cette étude n’a pas retrouvé de bénéfice de survie à l’uti-
lisation de corticostéroïdes (mortalité à 28 jours 39,5 % vs 36,1 %
dans le bras contrôle) [58]. Néanmoins, ces deux études retrouvent de
manière homogène une diminution de la durée du choc dans le bras
Choc septique 265
Contrôle glycémique
L’hyperglycémie représente une manifestation quasi constante au
cours des états infectieux graves, liée à la production importante d’hor-
mones de stress et à une insulinorésistance périphérique. L’hyperglycémie
par elle-même a été associée à une incidence accrue de complications in-
fectieuses. Plusieurs études observationnelles suggèrent ainsi que la durée
d’exposition à l’hyperglycémie est associée à un pronostic péjoratif dans
diverses pathologies aiguës et notamment en réanimation [61].
Une première étude randomisée monocentrique belge réalisée à Louvain
chez 1548 patients de réanimation chirurgicale dont la plupart avaient
subi une chirurgie cardiaque avait montré qu’un contrôle glycémique
strict par insulinothérapie intensive visant à maintenir un taux de glucose
de 0,8 à 1,1 g/L sous couvert d’un apport nutritionnel conséquent était
associé à une amélioration de la survie par rapport à un groupe contrôle
avec un objectif glycémique entre 1,8 et 2 g/L [62]. L’étude suivante
réalisée dans le même centre avec les mêmes objectifs glycémiques chez
des patients porteurs de pathologies médicales avec une durée de séjour
en réanimation attendue de plus de 3 jours n’a pas montré de bénéfice
d’un contrôle glycémique strict sur la survie [63]. Néanmoins, les patients
du bras interventionnel avaient une durée de ventilation plus courte avec
une diminution de la durée de séjour en réanimation, mais une incidence
très élevée (18,7 %) d’épisodes hypoglycémiques. En outre, les patients
avec une durée effective de séjour en réanimation de plus de 3 jours
bénéficiaient d’une insulinothérapie intensive avec une diminution de
la mortalité et de l’incidence des bactériémies nosocomiales. Enfin, le
bénéfice sur la survie apparaissait relativement tardivement, au-delà des
266 Infectiologie en réanimation
Implications thérapeutiques
des avancées physiopathologiques
Conclusions
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Infections fongiques sévères en réanimation
17
N. LEROLLE, P. PARIZE ET O. LORTHOLARY
Introduction
Candidoses sévères
Quelles espèces
De façon moins prononcée qu’en hématologie, la répartition des
espèces de Candida identifiées dans les candidoses invasives prises en
charge en réanimation s’est modifiée ces dernières années au profit des
Candida non albicans, Candida albicans restant toutefois en tête, aux
alentours de 55-65 % des espèces identifiées selon les études. Dans
deux travaux prospectifs multicentriques français menés en réanima-
tion, AmarCand (en 2002) [6] et CandiRéa (en 2006) [7], C. albicans
représente 57/54 % des espèces, suivi de C. glabrata dans 17 % des cas,
puis de C. parapsilosis, C. krusei et C. tropicalis. Dans l’étude Amar-
Cand, 17 % des espèces sont rendues de sensibilité dose-dépendante
(SDD) ou résistante (R) au fluconazole, soit 4 % des C. albicans, 10 %
des C. parapsilosis, 14 % des C. tropicalis et 50 % des C. glabrata [6].
Dans la sous-étude des péritonites à levure incluses dans AmarCand,
Infections fongiques sévères en réanimation 275
des espèces de Candida non albicans sont retrouvées dans 30 % des cas
communautaires, 45 % des cas nosocomiaux, avec 28 % de Candida
SDD ou R (sur 55 % testés) [8].
Le fait d’être infecté par un Candida non albicans (et en particulier C. gla-
brata et C. krusei) [9, 10] et par un Candida résistant au fluconazole [11]
est associé à un risque accru de décès, alors que les candidémies à C. parap-
silosis sont les moins sévères [10]. Il est difficile de prédire, devant une
candidémie, si celle-ci sera liée à un Candida albicans ou non albicans.
Cependant, plusieurs facteurs de risque ont été identifiés comme favo-
risant à la fois un Candida non albicans et un Candida résistant au flu-
conazole chez le sujet non neutropénique de réanimation : la chirurgie
gastro-intestinale et l’exposition au fluconazole dans les 30 jours [12].
L’exposition au fluconazole mais aussi à la caspofungine le mois précédent,
influence l’épidémiologie des candidémies, d’après une étude française
prospective multicentrique (fig. 1) : l’exposition préalable au fluconazole
augmente la proportion de C. glabrata et C. krusei, tandis que l’expo-
sition à la caspofungine augmente celle de C. parapsilosis, C. glabrata et
C. krusei [13]. Enfin, l’âge a une influence notable sur le profil épidé-
miologique des Candida : C. glabrata est plus souvent retrouvé chez les
personnes âgées, en particulier de 80 ans et plus (31 % des candidémies),
alors que C. albicans est largement prédominant chez l’enfant (plus de
90 % des candidémies avant 1 an) [14].
Levures Candida
Cryptococcus
Trichosporon
Geotrichum
Rhodotorula
Moisissures Filaments septés
– pigmentés : dématiés = phaeohyphomycetes (Alternaria, Clados-
porium, Exophiala…)
– non pigmentés : moisissures hyalines = hyalohyphomycetes
(Aspergillus, Fusarium, Scedosporium…)
Filaments non septés : mucorales (Rhizopus, Lichtheimia, Mucor…)
Champigons Histoplasma capsulatum var. capsulatum/duboisii
dimorphiques Blastomyces dermaditidis
Coccidioïdes immitis/posadasii
Paracoccidioïdes brasiliensis
Penicillium marneffei
Scedosporiose Voriconazole
Candidoses invasives
Les tableaux cliniques et outils diagnostiques des candidémies chez le
sujet immunodéprimé diffèrent peu de ce qui est décrit et recommandé
chez les patients « standard » de réanimation. Les patients immunodé-
primés partagent les mêmes facteurs de risque de candidose invasive et
cumulent souvent ces facteurs.
Chez les patients d’oncohématologie, la survenue d’une candidose inva-
sive résulte de la conjonction d’une neutropénie, d’une altération des
288 Infectiologie en réanimation
Cryptococcose
La cryptococcose est une infection opportuniste qui se voit chez le
sujet vivant avec le VIH très immunodéprimé (CD4 < 100/mm3, 50 %
des cas de cryptococcose en France), chez le transplanté d’organe solide et
en particulier le transplanté rénal (à 18 mois de la greffe en médiane), et
de façon plus anecdotique dans certains déficits immunitaires primitifs,
dans la lymphopénie CD4 idiopathique, chez la femme enceinte, le dia-
bétique et le cirrhotique. Elle est due à une levure encapsulée de sérotype
A ou D (Cryptococcus neoformans var grubii ou neoformans) dans les pays
tempérés, ou B/C (Cryptococcus gatii) dans les zones (sub)tropicales. L’in-
fection est plus sévère chez les patients vivant avec le VIH, chez les sujets
de sexe masculin et pour les sérotypes A [51]. La mortalité est encore
élevée, de l’ordre de 20 % dans les pays industrialisés, 50 % dans les pays
en voie de développement et 100 % en l’absence de traitement approprié.
L’atteinte la plus fréquente (environ 80 % des cas) est une ménin-
goencéphalite lymphocytaire souvent subaiguë, suivie de la localisation
pulmonaire, associée à un tableau d’insuffisance respiratoire aiguë chez 14
à 30 % des patients. L’atteinte radiologique pulmonaire est polymorphe :
infiltrat (réticulo) micronodulaire, nodule/masse unique/multiple, zone
de condensation ± bronchogramme aérien, plus rarement pleurésie, adé-
nopathie hilaire [52]. La cryptococcose peut aussi donner une atteinte
cutanée, le plus souvent mimant de façon aspécifique un Molluscum
contagiosum. Un bilan d’extension doit être réalisé, avec au minimum
des hémocultures, un examen mycologique des urines, une ponction lom-
baire avec mesure de pression du LCR, un LBA en cas d’atteinte pulmo-
naire, et une IRM cérébrale en cas d’atteinte neurologique. L’antigène
cryptococcique, qui peut être dosé dans le sérum, le LBA et le LCR est
très sensible et spécifique, surtout chez le patient VIH (tableau V) [53].
Les recommandations de traitement sont résumées dans le tableau VI [54].
Les facteurs de mauvais pronostic identifiés sont les suivants : hyperpres-
sion du LCR, hypoglycorachie, examen direct du LCR positif, locali-
sations extraméningées. Des ponctions lombaires itératives, voire une
dérivation lombopéritonéale sont nécessaires en cas d’hyperpression du
LCR. Un bilan complet avec ponction lombaire doit être réalisé à la fin
du traitement d’attaque avant de passer au traitement d’entretien. Les
290 Infectiologie en réanimation
Aspergillose
L’aspergillose invasive est l’infection fongique filamenteuse la plus fré-
quente chez le patient immunodéprimé, en première position des IFI chez
l’allogreffé de moelle osseuse [43] et en deuxième position chez le trans-
planté d’organe solide (plus fréquente chez les transplantés de cœur et de
poumon, avec en particulier le risque d’ aspergillose trachéobronchique
ulcéronécrosante au niveau de l’anastomose) [44]. D’autres situations
sont à risque d’aspergillose invasive : l’aplasie médullaire idiopathique,
l’infection chronique par le VIH (CD4 < 100/mm3), la granulomatose
septique chronique et les pathologies pulmonaires chroniques, qui, as-
sociées à d’autres facteurs (diabète, dénutrition, corticothérapie orale ou
inhalée), peuvent favoriser la survenue d’une aspergillose pulmonaire
chronique nécrosante [56].
Une étude prospective française menée de 2005 à 2007 dans trois régions
rapporte le profil épidémiologique et clinique de 393 cas d’aspergillose
invasive prouvés ou probables [57]. Aspergillus fumigatus est l’espèce la
plus prévalente (80 % des cas documentés), mais peuvent aussi se voir
Aspergillus niger, flavus, nidulans et terreus et d’autres espèces. Le pou-
mon est le site infecté dans 93 % des cas, associé dans 10 % des cas à
une autre localisation, essentiellement sinusienne et cérébrale, parfois en
l’absence d’atteinte pulmonaire. Les cas sont répartis de la façon suivante :
78 % d’hémopathies (35 % de LA, 21 % d’allogreffes de moelle, 22 % de
syndromes lymphoprolifératifs), 8 % de transplantations d’organe solide,
4 % de cancers solides, 5 % de maladies de système et 2 % de pathologies
respiratoires chroniques.
Les signes cliniques d’aspergillose pulmonaire et sinusienne sont variés et
aspécifiques : fièvre souvent élevée, toux, dyspnée, douleurs thoraciques
pleurales, hémoptysie pour la localisation pulmonaire ; œdème facial
asymétrique, épistaxis, ptosis, atteinte des paires crâniennes et ischémie
du palais pour la sinusite aspergillaire [56], mais l’aspergillose peut ne
donner qu’une fièvre prolongée isolée. Le scanner thoracique est incon-
tournable mais les signes radiologiques sont également aspécifiques [58]
Infections fongiques sévères en réanimation 291
Pneumocystose
La pneumocystose [74, 75] est une infection essentiellement pulmo-
naire à Pneumocystis jirovecii chez l’homme, un champignon atypique
incultivable in vitro, transmissible par voie respiratoire par les sujets in-
fectés ou colonisés transitoirement. La gravité de cette pathologie est
plus liée à la réaction inflammatoire locale délétère qu’au champignon
lui-même. Les groupes à risque sont nombreux : infection VIH avec
CD4 < 200/mm3 (deuxième infection opportuniste et 25 % des cas
de pneumocystose en France), certains déficits immunitaires primitifs,
transplantation d’organe solide (surtout au premier semestre, en cas de
rejet et d’infection à CMV), hémopathie maligne traitée par corticoïdes,
immunosuppresseurs, chimiothérapies et anticorps monoclonaux (en
particulier analogues des purines, bendamustine, alemtuzumab), allo-
greffe de moelle, cancers solides surtout si corticothérapie ou témozo-
lomide, maladies de système traitées par corticoïdes et/ou immunosup-
presseurs. Une prophylaxie par triméthoprime + sulfaméthoxazole est
indiquée dans la plupart de ces situations. Dans deux études françaises
rétrospectives, la pneumocystose pulmonaire rendait compte respective-
ment de 11, 5 et 35 % des admissions en réanimation pour insuffisance
respiratoire aiguë chez le transplanté rénal [76], et chez le patient vivant
avec le VIH [77].
Le tableau clinique est celui d’une pneumopathie diffuse hypoxémiante,
aiguë ou subaiguë, fébrile ou non fébrile, sans anomalie à l’auscultation
pulmonaire. La radiographie de thorax étant normale dans environ 40 %
des cas, le scanner thoracique est très informatif et montre le plus souvent
un syndrome interstitiel diffus à type de verre dépoli, avec condensation
et épaississement des lignes septales, et plus rarement des kystes, nodules,
adénopathies ou un pneumothorax.
Le diagnostic est fait sur crachat induit et/ou LBA, mais le traitement
doit être débuté dès la suspicion clinique vu la gravité potentielle de l’in-
fection, les prélèvements restant positifs au moins 48 heures. Différentes
techniques sont utilisées : l’examen direct, l’immunofluorescence et la
PCR. La PCR est plus sensible mais a surtout une excellente VPN de
l’ordre de 99 %. Le dosage sanguin du G-d-glucane est positif dans 96 %
des cas, souvent à taux élevé (cf. tableau V).
En comparaison aux patients infectés par le VIH, les pneumocystoses
survenant chez les non-VIH sont souvent d’évolution plus rapide et plus
sévère avec une mortalité plus élevée (de l’ordre de 20-50 % chez les
294 Infectiologie en réanimation
Contextes particuliers
IF post-traumatique
Certains agents fongiques étant présents dans le sol, des infections
fongiques sévères peuvent survenir par inoculation cutanée directe au
cours de traumatismes de grande ampleur avec écrasement de membre,
de brûlure et de noyade, ou suite à un traumatisme dans un contexte de
catastrophe naturelle. L’infection peut être secondaire à des pansements
ou des bandages infectés. Il s’agit le plus souvent de mucormycoses, qui
peuvent être dramatiques du fait d’une extension locorégionale nécro-
tique très rapide, et nécessitent une prise en charge médicochirurgicale
agressive [65-67]. D’autres agents fongiques peuvent se rencontrer,
comme Scedosporium [82]. Des formes rhinocérébrales peuvent se voir en
cas de noyade ou de traumatisme facial.
Les candidoses invasives sont relativement fréquentes chez les grands brû-
lés, qui partagent les mêmes facteurs de risque que la population « clas-
sique » de réanimation, avec certains facteurs de risque spécifiques comme
la profondeur et la surface de brûlure et le nombre de passage en salle
d’opération [83].
Néonatologie
L’infection fongique la plus fréquemment rencontrée en réanimation
néonatale est la candidose invasive du prématuré. Les facteurs de risque
sont les mêmes que chez l’adulte, avec en outre la colonisation maternelle
à Candida, le niveau de prématurité (plus fréquent en dessous de 1000 g),
le score d’APGAR (American pediatric gross assessment record) et l’exis-
tence de malformations congénitales [3]. Les atteintes cliniques sont va-
riées : atteinte digestive et en particulier perforation digestive isolée, pul-
monaire, rétinienne, rénale, neurologique (méningite, abcès cérébral). La
réalisation d’une ponction lombaire et d’un fond d’œil est systématique,
une imagerie du système abdominal sera réalisée en cas de fongémie ou
candidurie persistante. Chez le nouveau-né et chez l’enfant, les espèces les
plus souvent rencontrées sont C. albicans et C. parapsilosis, et les Candida
sont plus souvent sensibles au fluconazole que chez l’adulte [91, 92].
Toute suspicion de candidose invasive, résultat d’hémoculture positive à
levures ou candidurie chez l’enfant hypotrophe de moins de 1000 g doit
conduire à l’introduction d‘un traitement antifongique. Le traitement
repose sur l’amphotéricine B, le fluconazole ou la micafungine, et sur le
retrait des cathéters infectés quand cela est possible [28]. Le pronostic est
très sévère, la mortalité étant plus élevée que dans les infections bacté-
riennes, de l’ordre de 30 %, voire 50 % en dessous de 750 g de poids de
naissance. Les risques de séquelles sont élevés : dysplasie bronchopulmo-
naire, leucomalacie, rétinopathie sévère, retard neurologique et déficience
sensorielle. L’intérêt d’un traitement prophylactique est encore actuelle-
ment débattu, mais il semble qu’une prophylaxie par fluconazole chez les
prématurés de très petit poids (< 1000 g), dans des services où l’incidence
des candidoses invasives est élevée, serait justifiée [92, 93].
Infections fongiques sévères en réanimation 297
Conclusion
ABRÉVIATIONS
ABPA Aspergillose broncho-pulmonaire allergique
Ag GM Antigène galactommanane
AI Aspergillose Invasive
AmB Amphotéricine B
APACHE Acute Physiology and Chronic Health Evaluation
APGAR American Pediatric Gross Assessment Record
BPCO Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive
CI Candidose invasive
CMV CytoMégaloVirus
CVC Cathéter Veineux Central
ECIL European Conference on Infections in Leukemia
EORTC European Organization for Researchand Treatment of
Cancer
ESCMID European Society of Clinical Microbiology and Infec-
tious Diseases
HC HémoCulture
IDSA Infectious Disease Society of America
IFI Infection Fongique Invasive
Ig Immunoglobuline
IRM Imagerie par Résonance Magnétique
IV IntraVeineux
LAL Leucémie Aiguë Lymphoïde
LAM Leucémie Aiguë Myéloïde
L-AmB Amphotéricine B Liposomale
LBA Lavage Broncho-Alvéolaire
LCR Liquide Céphalo-Rachidien
LLC Leucémie Lymphoïde Chronique
MSG Mycoses Study Group
298 Infectiologie en réanimation
ND Non disponible
17 NP Nutrition parentérale
PCP Pneumocystse pulmonaire
PCR Polymerase Chain Reaction
PI PrimoInfection
PNP PNeumoPathie
PO Per Os
pO2 Pression partielle en O2
SDD Sensibilité dose-dépendante
SDRA Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë
SIDA Syndrome d’ImmunoDéficience Acquise
spé Spécificité
sté Sensibilité
SNC Système Nerveux Central
TARV Traitement AntiRétroViral
TNF Tumor Necrosis Factor
TOS Transplantation d’Organe Solide
Tt Traitement
VAI Voies aériennes inférieures
VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine
VPN Valeur Prédictive Négative
VPP Valeur Prédictive Positive
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tion_du_Pr-_Patrick_Yeni.pdf
Pathologies infectieuses d’importation
en réanimation
18
P. TATTEVIN, F. BRUNEEL
P. Tattevin*,** , F. Bruneel***
*
Service des maladies infectieuses et réanimation médicale
Rue Le Guilloux
CHU Pontchaillou
35033 Rennes cedex - E-mail : [email protected]
**
Inserm U835, Université Rennes-1
35033 Rennes cedex
E-mail : [email protected]
***
Service de réanimation médico-chirurgicale
Centre Hospitalier de Versailles
Hôpital André Mignot
177 rue de Versailles
78150 Le Chesnay
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
305
306 Infectiologie en réanimation
Fig. 1 – Répartition des zones à risque de paludisme dans le monde (OMS 2010).
Pathologies infectieuses d’importation en réanimation 307
classique par la quinine, avec un relais par l’artésunate s’il est disponible dans
18 les premières 48 heures. Après les 3 premiers jours de traitement, si seule la
voie IV est disponible le traitement sera poursuivi par l’artésunate à 2,4 mg/
kg/j pour un total de 7 jours. Si la voie digestive est envisageable, le relais doit
être pris par un traitement complet avec l’artéméther-luméfantrine (Riamet®)
ou l’atovaquone-proguanil (Malarone®) [7]. La surveillance de ce traitement
est primordiale : suivi neurologique, numération formule sanguine durant le
premier mois et frottis/goutte épaisse à j3, j7 et j28.
Autres traitements
L’indication des antibiotiques (doxycycline, 100 mg × 2/j pendant
7 jours ou clindamycine, 10 mg/kg × 3/j pendant 3 à 7 jours) en asso-
ciation avec l’artésunate ou la quinine IV fait débat, et les pratiques diffè-
rent en Europe. Ces antibiotiques ont une action lente, parasitostatique.
L’exsanguino-transfusion, la pentoxifylline, les anti-TNF, la déféroxamine,
les Ig IV, la ciclosporine A et la N-acétylcystéine n’ont pas prouvé leur
efficacité et ne sont pas recommandés [2, 7]. De nouveaux traitements ad-
juvants (lévamisole, immunomodulateurs, arginine, oxyde nitrique inhalé,
érythropoïétine) sont en cours d’évaluation [17], et une nouvelle classe thé-
rapeutique, les spiro-indolones, semble prometteuse dans le modèle murin.
Les arboviroses
Les arboviroses forment un groupe hétérogène d’infections liées à des
virus transmis par des arthropodes hématophages, essentiellement des
moustiques (Aedes, Culex, phlébotomes) et des tiques. Le terme « arbovi-
rus » dérive de l’acronyme anglais ARthropod-BOrne VIRUSes. Le principal
réservoir des arboviroses est animal (fièvre jaune) et/ou humain (dengue).
La transmission du virus se fait essentiellement entre hôtes vertébrés, à l’oc-
casion d’un repas sanguin de l’arthropode. La plupart des arbovirus sont
des virus à ARN simple brin, enveloppés, sans traitement antiviral d’effi-
cacité documentée. Le diagnostic des arboviroses repose sur deux types de
tests : i) la mise en évidence directe du virus, par polymerase chain reaction
(PCR) ; ii) les tests sérologiques. Pour optimiser la rentabilité des tests réali-
sés, il est fortement recommandé de contacter préalablement le laboratoire
qui réalisera ces tests, voire le centre national de référence (CNR) des ar-
boviroses (http ://www.pasteur.fr/sante/centres-nationaux-de-reference-et-
centres-collaborateurs-de-l-omscadrecnr/arbo-index.html).
Plus de 550 arbovirus ont été identifiés à ce jour [18], mais les arboviroses
qui pourraient être rencontrées dans un service de réanimation en France
métropolitaine sont principalement : la dengue, la fièvre jaune, la fièvre
hémorragique Crimée-Congo et la fièvre de la vallée du Rift (tableau II).
La dengue justifie d’un développement particulièrement important,
compte tenu de son expansion continue en zone tropicale et subtropicale
au cours des trois dernières décennies, et des premières documentations
de dengue autochtone, de transmission vectorielle (Aedes albopictus), en
France métropolitaine, pendant l’été 2010 [19].
312 Infectiologie en réanimation
Tableau II – Les arboviroses qu’on pourrait rencontrer en réanimation en France
18 métropolitaine en 2012.
Dengue Fièvre jaune Fièvre Fièvre
hémorragique de la vallée
Crimée-Congo du Rift
Famille Flaviviridae Flaviviridae Bunyaviridae Bunyaviridae
Vecteur Moustique Moustique Tique Moustique
Aedes sp. Aedes sp. Hyalomma sp. Aedes sp.
Réser- Humain Primates non Bovins, Bovins, ovins,
voir Aedes sp. ? humains équidés, ovins, camélidés,
caprins, porc, caprins
rongeurs
Épidé- – 100 millions – 200 000 cas/ – Émergence – Émergence
miologie de cas/an an (Afrique, Afrique, Asie Afrique
(régions Amérique et Europe du (dont Égypte,
tropicales et du Sud) Sud (Turquie, Madagascar,
subtropicales) – Très rares Grèce, Mayotte
– 2 cas cas importés Bulgarie) et Comores)
autochtones en Europe – 1 cas importé Arabie
à Nice en 2010 (voyageur à Rennes saoudite,
non vacciné) en 2004 Yémen
Incuba- 4 à 7 jours 3 à 6 jours 3 à 7 jours 4 à 7 jours
tion
Formes – Dengue hé- – Fièvre hé- – Fièvre – fièvre
graves morragique morragique hémorragique hémorragique
– Syndrome de – Défaillance – défaillance
fuite capillaire multiviscérale multiviscérale
Traite- Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique
ment Corticoïdes ? Ribavirine
La dengue
Les virus de la dengue appartiennent à la famille des Flaviviridae
et comprennent quatre sérotypes distincts : DEN-1, DEN-2, DEN-3
et DEN-4. L’infection par un sérotype confère une immunité durable
contre ce sérotype uniquement. Le principal vecteur est le moustique
Aedes aegypti qui cumule les caractéristiques favorisant la dissémination
du virus : il se contamine facilement, se nourrit préférentiellement de
sang humain, présente une activité essentiellement diurne, est capable de
piquer plusieurs proies humaines consécutives pour compléter son repas
sanguin et sa piqûre passe le plus souvent inaperçue. En 2012, Aedes ae-
gypti sévit dans toutes les zones tropicales et subtropicales du globe. Bien
que moins efficace, le vecteur Aedes albopictus a été incriminé dans plu-
sieurs épidémies de dengue, notamment au Mexique et en Thaïlande. De-
Pathologies infectieuses d’importation en réanimation 313
Épidémiologie
Chaque année, entre 50 et 100 millions de personnes développent une
dengue, dont 500 000 sont hospitalisées, 250 000 présentent une dengue
hémorragique et 25 000 décèdent (10 % des dengues hémorragiques) [22,
23]. Depuis les années 1980, on assiste à une émergence spectaculaire de
cette arbovirose, avec une expansion de l’Asie du Sud-Est vers les îles du
sud Pacifique, les Caraïbes et l’Amérique latine. La dengue est l’arbovirose
la plus fréquente chez le voyageur et la deuxième cause d’hospitalisation
pour fièvre au retour d’un séjour en zone tropicale, après le paludisme (pre-
mière cause de fièvre au retour d’Asie du Sud-Est). Son incidence a été
multipliée par 30 au cours des 50 dernières années, qui ont vu la plupart
des régions tropicales et subtropicales du globe devenir des zones « endé-
miques » (fig. 2).
Fig. 2 – Répartition des zones à risque de dengue dans le monde (OMS 2008).
314 Infectiologie en réanimation
Formes cliniques
Le plus souvent, la dengue est considérée comme « bénigne » par les
médecins, même si les témoignages des patients sont beaucoup plus sévères
(‘you don’t die from it, but you wish you could’ [25]). L’incubation est variable
(3 à 14 jours), le plus souvent entre 4 et 7 jours. Une fièvre débutant plus de
2 semaines après le départ de la zone d’endémie ne peut pas être une den-
gue. Les principales caractéristiques sont l’installation brutale de la fièvre,
l’intensité des céphalées (classiquement rétro-orbitaires) et des douleurs de
l’appareil locomoteur (arthralgies, myalgies), qui lui ont valu l’appellation
breakbone fever, ainsi qu’un rash maculeux ou maculopapuleux confluent,
présent chez la moitié des patients mais parfois discret, avec des îlots de
peau saine. Des signes hémorragiques mineurs ne sont pas rares. Une série
de 219 cas de dengue importée en Europe retrouvait un âge médian de
32 ans et un sex ratio de 1/1 [26]. La dengue est essentiellement acquise en
Asie du Sud-Est (35 %), dans le sous-continent indien (29 %) ou en Amé-
rique (28 %), les trois principaux pays d’acquisition étant l’Inde (23 %), la
Thaïlande (17 %) et le Sri-Lanka (8 %). En France métropolitaine, la plu-
part des dengues sont importées des Antilles (Martinique, Guadeloupe) et
de la Guyane française, les pays d’Asie venant en seconde position [19, 21].
Les principales manifestations de la dengue importée sont rapportées dans le
tableau II. À noter que la leucopénie initiale est suivie de l’apparition d’une
lymphocytose, avec lymphocytes hyperbasophiles dans 15 % des cas, la den-
gue figurant au diagnostic différentiel d’un syndrome mononucléosique au
décours d’un séjour tropical. Les autres anomalies évocatrices sont la cytolyse
hépatique, l’élévation du taux de lactate déshydrogénase (LDH) et une hypo-
natrémie. Dans cette première série européenne, 51 patients (23 %) ont été
hospitalisés au cours de cet épisode de dengue, avec une durée médiane d’hos-
pitalisation de 4 jours. Un seul patient, âgé de 60 ans, a été admis en réanima-
tion à l’occasion d’un épisode de fibrillation auriculaire mal tolérée. Vingt-trois
patients (11 %) ont présenté des signes de gravité définis dans ce travail par une
Pathologies infectieuses d’importation en réanimation 315
La fièvre jaune
Le virus de la fièvre jaune, également appelé virus amarile, est un virus
ARN simple brin appartenant à la famille des Flaviviridae comme la den-
gue. Le réservoir est essentiellement composé de primates non humains,
au sein duquel le virus circule par l’intermédiaire de moustiques à activité
diurne (Haemogogus spp. en Amérique, Aedes spp. en Afrique) [32]. Si les
singes infectés sont asymptomatiques en Afrique, ceux d’Amérique du Sud
318 Infectiologie en réanimation
Épidémiologie
Environ 200 000 patients contractent une fièvre jaune chaque année,
la majorité (90 %) en Afrique Sub-Saharienne, avec une augmentation
des cas depuis 1980, à la fois en Afrique et en Amérique du sud (fig. 3).
Si le Pacifique, les îles de l’Océan Indien et l’Asie restent indemnes de fièvre
jaune en 2012, la présence d’Aedes aegypti et l’intensité des échanges trans-
continentaux pourraient permettre l’implantation de la fièvre jaune en Asie,
ce qui aurait des conséquences majeures compte tenu de la démographie de
ce continent. Les cas de fièvre jaune importée en Europe restent très rares,
grâce à l’efficacité de la vaccination antiamarile, basée sur l’injection d’un
virus vivant atténué (souche 17D) qui confère une protection proche de
100 % [34]. Entre 1970 et 2002, neuf cas ont été rapportés aux États-Unis
et en Europe chez des voyageurs non vaccinés au retour du Brésil (trois cas),
Sénégal (deux cas), Vénézuéla, Côte d’Ivoire, Gambie et Afrique de l’Ouest
(un cas chacun). Un cas a été rapporté en Espagne chez un voyageur pour-
tant vacciné, au décours d’un séjour en Afrique de l’Ouest [33].
Map is from the following publication: Jentes ES. Poumerol G, Gershman MD, et al. The revised global yellow fever risk map and
recommendations for vaccination, 2010: consensus of the Informal WHO Working Group on Geographic Risk for Yellow Fever.
Lancet Infect Dis. 2011;11:622-32.
Pathologies infectieuses d’importation en réanimation 319
Map is from the following publication: Jentes ES. Poumerol G, Gershman MD, et al. The revised global yellow fever risk map and
recommendations for vaccination, 2010: consensus of the Informal WHO Working Group on Geographic Risk for Yellow Fever.
Lancet Infect Dis. 2011;11:622-32.
Fig. 3 – Répartition des zones à risque de fièvre jaune dans le monde (OMS 2008).
Diagnostic
L’incubation est de 3 à 6 jours après la piqûre du moustique infectant.
La fièvre jaune présente un large éventail de formes cliniques, de la forme
asymptomatique à la fièvre hémorragique avec défaillance multiviscérale.
Trois phases sont classiquement décrites :
– la première phase dite « phase rouge » est caractérisée par une fièvre
élevée d’apparition brutale, des myalgies, des céphalées, des frissons,
des nausées, une conjonctivite, un faciès rouge ou vultueux, et un
aspect général « toxique » avec dissociation pouls-température. La vi-
rémie est élevée à ce stade et les anomalies biologiques comportent
une leucopénie précoce et une cytolyse hépatique à partir du troisième
jour, prédominant sur les ASAT ;
– la seconde phase, inconstante, comporte une régression des signes
avec apyrexie pendant 24 heures ;
– la troisième phase, dite « phase jaune » survient chez 15 % des
patients, avec réapparition de la fièvre, des vomissements et ap-
parition d’un ictère franc avec signes hémorragiques. La virémie
se négative à ce stade, tandis que les anticorps apparaissent. Un
tableau de défaillance multiviscérale s’installe rapidement, avec in-
320 Infectiologie en réanimation
Traitement
Il est essentiellement symptomatique, mais la ribavirine à fortes doses
mérite d’être discutée : sans effet dans les modèles simiens et murins, elle
apporte un bénéfice chez le hamster. L’administration d’Ig intraveineuse
n’a d’intérêt qu’en cas d’administration très précoce après l’inoculation,
et est recommandée uniquement en cas d’AES. Les corticostéroïdes n’ont
pas été correctement évalués, mais ils semblent présenter un intérêt dans
les complications viscérales sévères du vaccin antiamarile. Compte tenu
d’une physiopathologie proche (les complications viscérales du vaccin
correspondent à la dissémination du virus amarile atténué), il n’est pas
aberrant de proposer une corticothérapie systémique en cas de fièvre
jaune, d’autant que les défaillances surviennent au point culminant de
la réponse immunologique (disparition de la virémie, apparition des an-
ticorps).
Épidémiologie
La zone de répartition de la FHCC suit la répartition des tiques vec-
trices, très vaste, et comprend l’Asie, l’Afrique et l’Europe du Sud (fig. 4).
Il n’existe aucune trace de sa présence en Amérique. Les populations
les plus touchées sont les sujets en contact avec le bétail : ainsi, 90 %
des cas rapportés en Turquie concernent des fermiers. L’autre catégo-
rie professionnelle exposée dans les pays en développement concerne
les professions de santé dans les hôpitaux où les précautions standard
ne sont pas prises vis-à-vis du risque d’exposition aux produits biolo-
giques. Ceci s’explique par la concordance d’une virémie élevée et de
manifestations hémorragiques sévères à la phase d’état, mais le risque
Pathologies infectieuses d’importation en réanimation 321
Fig. 4 – Répartition des zones à risque de fièvre hémorragique Crimée-Congo dans le monde
(OMS 2008).
Diagnostic
Les formes asymptomatiques prédominent : seuls 20 % des patients
développeront des symptômes. L’incubation est alors brève, comme c’est
la règle pour les arboviroses (3 à 7 jours). La phase préhémorragique dure
en moyenne 3 jours (extrêmes, 1-7 jours) et comporte une fièvre élevée
d’apparition brutale et des myalgies. Une conjonctivite, des symptômes
digestifs (diarrhée, nausées, vomissements) et une hépatosplénomégalie
peuvent être notés. À ce stade, leucopénie, thrombopénie, élévation des
transaminases, des LDH, des CPK et anomalies des tests de coagulation
sont habituelles. Seule l’intensité de la cytolyse hépatique est un mar-
queur précoce du risque d’évolution vers la phase hémorragique (ASAT
> 700 et/ou ALAT > 900 UI/L) [36].
La phase hémorragique, inconstante, apparaît brutalement entre le troi-
sième et le cinquième jour et comprend des pétéchies, des hémorragies en
322 Infectiologie en réanimation
Traitement
La ribavirine a une certaine efficacité in vitro, mais aucune donnée
convaincante n’a été obtenue chez l’homme, malgré plusieurs études
observationnelles de qualité, une étude quasi-expérimentale et un essai
randomisé : aucun bénéfice clinique ou biologique n’a pu être mis en
évidence. Le principe du primum non nocere justifie l’asbtention compte
tenu de la toxicité de la ribavirine à fortes doses [39]. Le traitement
symptomatique ne comporte pas de particularités par rapport à la den-
gue et à la fièvre jaune. Les précautions d’isolement-contact appliquées
en Turquie semblent suffisantes, en l’absence de toute séroconversion
chez les soignants exposés au décours d’une épidémie. Cependant,
compte tenu de la gravité de cette maladie et des doutes qui persistent
sur une possible transmission respiratoire dans des conditions extrêmes,
un isolement respiratoire est également recommandé, avec la nécessité
d’informer les laboratoires qui recevront les prélèvements provenant du
patient.
Fig. 5 – Répartition des zones à risque de fièvre de la vallée du Rift dans le monde (OMS 2008).
Épidémiologie
La FVR, décrite pour la première fois en 1930 au Kenya, évolue sous
forme d’épidémies au décours de précipitations pluvieuses anormales.
Il s’agit d’un des modèles d’épidémies provoquées par les changements
climatiques, pour lesquelles les conditions météorologiques permettent
d’anticiper de quelques semaines la survenue de ces épidémies. Long-
temps cantonnée aux pays d’Afrique subsaharienne, la FVR s’est éten-
due à partir du dernier quart du xxe siècle avec une épidémie en Égypte
en 1977-78 (18 000 cas, 598 décès), en Arabie Saoudite en 2000-2001
(683 cas documentés, 95 décès), et les premiers cas signalés dans l’Océan
Indien à partir de 2007 (Mayotte, Comores, Madagascar) [40]. Les
facteurs de risque de développer une FVR en période d’épidémie sont
proches des facteurs de risque d’acquisition de FHCC : les patients sont
essentiellement des hommes, d’âge moyen, travaillant au contact du bé-
tail. Cependant, deux différences majeures sont à signaler : i) la FVR en-
traîne des zoonoses sévères avec avortements spontanés et pertes majeures
parmi le bétail en période d’épidémie ; ii) la manipulation de carcasses et
la consommation du bétail atteint sont des facteurs de risque de contrac-
ter la FVR.
Diagnostic
Une fois sur deux, l’infection reste asymptomatique. Pour les cas
symptomatiques, l’incubation s’étend de 2 à 6 jours et plus de 95 % des
patients développent un tableau proche d’une dengue non compliquée
324 Infectiologie en réanimation
Fièvres typhoïdes
Les fièvres typhoïdes sont endémiques dans de nombreux pas tropicaux.
Chaque année, entre 150 et 200 cas sont déclarés en France, le plus souvent au
décours d’un séjour en Afrique (deux tiers des cas) ou dans le sous-continent
Indien (un tiers). Les typhoïdes sont dues à certains sérotypes de Salmonella
enterica (typhi et paratyphi A, B et C), dont le réservoir est exclusivement hu-
main, transmises de manière directe (mains sales) ou plus souvent indirecte
(ingestions de boissons, fruits de mer, légumes crus contaminés) [42].
Après une incubation de 10 jours en moyenne, le début est habituelle-
ment progressif, marqué par une fièvre d’augmentation croissante, des
céphalées, une insomnie et des troubles digestifs (constipation plutôt que
diarrhée). Cette première phase dure environ 1 semaine (premier septé-
naire), avant de laisser place au deuxième septénaire avec fièvre en pla-
teau, souvent > 40 °C, associée à des signes neuropsychiques (somnolence,
obnubilation), une diarrhée « jus de melon », une éruption diffuse dis-
crète (taches rosées lenticulaires au niveau du tronc), et des ulcérations des
piliers antérieurs du voile du palais (angine de Duguet). C’est à ce stade
qu’on peut observer des complications susceptibles de conduire le patient
en réanimation : hémorragies ou perforations digestives, myocardite,
encéphalite. En pratique, ces complications ne sont pas observées dans
Pathologies infectieuses d’importation en réanimation 325
les pays développés, compte tenu de l’accès aux soins en cas de fièvre au
décours d’un séjour tropical, avec prescription d’une antibiothérapie effi-
cace. Celle-ci doit reposer, en première intention, sur une céphalosporine
injectable (ceftriaxone, 60 à 75 mg/kg/j en IV, sans dépasser 4 g/j), dans
l’attente des tests de sensibilité, compte tenu de l’émergence des souches
résistantes aux fluoroquinolones, principalement en Asie. Les fluoroqui-
nolones per os restent le traitement recommandé en cas de souche sen-
sible, lorsque la voie orale est praticable [43]. Aucun décès n’a été rapporté
parmi les 800 cas de typhoïde déclarés en France entre 2004 et 2009.
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III
Pathologies
nosocomiales
et/ou liées
aux soins
Complications infectieuses
intracrâniennes postopératoires
19
A.-M. KORINEK
Introduction
Diagnostic
Les méningites postopératoires surviennent habituellement 8 à
15 jours après la chirurgie [3, 5]. Le diagnostic est difficile car les signes
cliniques ne sont pas spécifiques en période postopératoire. La fièvre
sans autre cause et les troubles de conscience sont les signes les plus fré-
quemment observés, et doivent faire pratiquer un scanner cérébral à la
recherche d’une complication chirurgicale ou d’une contre- indication à
la ponction lombaire.
Les résultats de la ponction lombaire sont eux aussi difficiles à interpré-
ter : l’augmentation des éléments dans le LCR est habituelle au cours de la
première semaine postopératoire du fait des phénomènes inflammatoires
induits par la chirurgie et de l’éventuelle présence de sang dans le liquide
(chirurgie vasculaire), si bien que ce critère possède une faible sensibilité
et une faible spécificité. Il en est de même de la protéinorachie. L’hypo-
glycorachie serait plus spécifique de l’infection avec un rapport glycorachie/
glycémie inférieur à 0,3 et/ou une glycorachie inférieure à 2 mM/L [7].
Toutefois, la glycorachie peut être également basse au cours des ménin-
gites carcinomateuses ou même lors d’hémorragies sous-arachnoïdiennes.
Le dosage des lactates dans le LCR permettrait de distinguer les méningites
bactériennes des méningites aseptiques, avec une valeur seuil supérieure à
4 mM/L ; la sensibilité de cet examen serait de 88 %, la spécificité de 98 %,
la valeur prédictive positive de 96 % et la valeur prédictive négative de 94 %
[8]. D’autres examens ont été évalués : les dosages de la C-réactive protéine
et de la procalcitonine dans le sang ou le LCR ne sont pas discriminants. La
polymérase chain réaction (PCR), qui détecte la présence d’ADN bactérien
dans le LCR, a aussi été étudiée : il semble exister de nombreux faux posi-
tifs, en revanche aucune culture de LCR n’était positive chez les patients
ayant une PCR négative, suggérant qu’une PCR négative est prédictive de
l’absence d’infection [4].
Le diagnostic de méningite postopératoire repose sur la mise en évidence
d’un germe à l’examen direct du LCR et/ou en culture, associé à une cli-
nique évocatrice et des anomalies cytologiques et biochimiques du LCR.
Malheureusement, l’examen direct n’est positif que dans un tiers des cas
et la culture dans 60 à 70 % des cas, parce que l’inoculum bactérien est
faible et les patients ont souvent reçu des antibiotiques pour une infection
intercurrente. Lorsque la clinique est évocatrice, associée à des anoma-
lies du LCR, il peut être licite, chez un patient correctement surveillé
en milieu spécialisé, de répéter les ponctions lombaires à 12-24 heures
d’intervalle pour juger de l’évolution des paramètres du LCR et augmen-
ter la probabilité d’isoler un germe avant d’instaurer un traitement anti-
biotique probabiliste.
334 Infectiologie en réanimation
Bactériologie
19
Les staphylocoques, coagulase positifs ou négatifs, représentent plus
de la moitié des germes responsables des méningites postcraniotomie [1,
3, 5]. Viennent ensuite les entérobactéries qui représentent environ 30 %
des pathogènes isolés et les autres bacilles à Gram négatif (Acinetobacter
spp., Pseudomonas spp.) qui représentent habituellement moins de 10 %
mais peuvent atteindre 20 % dans certaines séries selon l’écologie des
unités [5].
Traitement curatif
La dure-mère et la barrière hématoméningée sont d’extraordinaires
moyens de défense contre l’infection du LCR. Leur rupture, par la
chirurgie ou un traumatisme, permet la colonisation bactérienne du
LCR qui peut ensuite conduire à l’infection : le risque est propor-
tionnel à la durée. Les règles générales du traitement reposent donc
sur la fermeture des brèches dure-mériennes, l’ablation d’éventuels
corps étrangers et le traitement antibiotique. Du fait de l’immuno-
incompétence du LCR, ce traitement doit comporter des antibiotiques
bactéricides, à bonne diffusion tissulaire, possédant une activité intrin-
sèque élevée. Ces derniers sont prescrits à fortes posologies par voie
parentérale du fait de la diffusion médiocre de la majorité des molé-
cules disponibles. Ils doivent être débutés après documentation bac-
tériologique pour une durée de 10 à 15 jours. Une ponction lombaire
de contrôle est recommandée 72 heures après le début du traitement ;
à cette date, le patient doit être apyrétique et le LCR doit être stérile,
même si les éléments sont encore élevés et la glycorachie encore basse.
En cas de persistance de cultures positives, il faut rechercher une com-
plication : abcès ou empyème, brèche persistante ou présence d’un
corps étranger.
La diffusion dans le LCR des différentes familles d’antibiotiques est
résumée dans le tableau I. La vancomycine, grosse molécule peu liposo-
luble diffuse mal dans le LCR. Il a été montré que si elle est prescrite à
fortes posologies (50 à 80 mg/kg/j) en perfusion continue après une
dose de charge, elle peut atteindre des taux liquidiens de 30 % des taux
sanguins [9]. Cependant la diffusion est variable d’un sujet à l’autre,
lente, et diminue lorsqu’il n’y a plus d’inflammation méningée. Les
dosages sanguins doivent être fréquents pour éviter les taux toxiques ;
dans le LCR, les dosages doivent être faits lors du contrôle de la ponc-
tion lombaire, 2 à 4 jours après le début du traitement pour s’assurer de
concentrations liquidiennes au moins égales à 5 mg/mL. La poly-
myxine B et la colimycine diffusent très mal dans le LCR. Des taux
efficaces ont toutefois été retrouvés avec des posologies de colimycine
de 5 mg/kg [10], et des patients infectés avec des germes multirésistants
ont pu être traités avec de la polymyxine avec 80 % de guérison [11].
Complications infectieuses intracrâniennes postopératoires 335
Tableau I – Diffusion des antibiotiques dans le liquide céphalorachidien
(taux de diffusion LCR/sang).
Germes Antibiotiques
Staphylocoques méti-S Quinolones associées à rifampicine
ou cotrimoxazole
Staphylocoques méti-R Vancomycine monothérapie
ou associée à rifampicine, linézolide,
cotrimoxazole selon antibiogramme
Propionibacterium acnes Amoxicilline associée à rifampicine
ou quinolones
Entérobactéries sauvages Céfotaxime ou céfépime seuls
ou associés aux quinolones
Entérobactéries multirésistantes, Ceftazidime ou méropénem
Pseudomonas aeruginosa, associés à des injections intrathécales
Acinetobacter spp. d’aminosides ou de colimycine
336 Infectiologie en réanimation
Traitement préventif
Il repose sur des mesures d’hygiène et une technique chirurgicale ri-
goureuse : shampoing préopératoire aux antiseptiques, tonte des cheveux
en préopératoire immédiat (pas de rasage), port d’une double paire de
gants pour les chirurgiens, hémostase soigneuse pour éviter les héma-
tomes cutanés postopératoires, prévention des fuites de LCR. L’effica-
cité de l’antibioprophylaxie chirurgicale est discutée pour prévenir les
méningites postopératoires. En effet, ces dernières sont rarement dues
à une contamination directe au moment du geste chirurgical. Elles ré-
sultent plus souvent d’une colonisation postopératoire du LCR par le
biais d’une fuite de liquide, ce qui rend compte des germes retrouvés
(staphylocoques et bacilles à Gram négatif). Une méta-analyse récente
regroupant six essais randomisés, avec analyse des sous-groupes de pa-
tients ayant fait une méningite, concluait à une efficacité modeste de
l’antibioprophylaxie [13]. Dans une autre étude non randomisée, l’an-
tibioprophylaxie peropératoire ne permettait pas de réduire l’incidence
des méningites postcraniotomie. En outre, cette antibioprophylaxie de
courte durée était associée à une augmentation des infections méningées
dues à des germes résistants à l’antibiotique utilisé pour la prophylaxie et
donc plus difficiles à traiter [3].
Complications infectieuses intracrâniennes postopératoires 337
Bactériologie
Les germes les plus souvent retrouvés au cours des ventriculites sur
DVE sont les staphylocoques à coagulase négative ; viennent ensuite les
staphylocoques dorés, les autres cocci, les corynébactéries et les bacilles à
Gram négatif. Les germes cutanés représentent souvent plus de 70 % des
bactéries responsables des ventriculites [14, 16].
Normal Anormal
Chercher autre foyer infectieux Germe +
Prélèvement au robinet
proximal
Germe + Germe +
Normal LCR normal LCR anormal
Fig. 2 – Arbre décisionnel devant un prélèvement positif de LCR prélevé sur une dérivation
ventriculaire externe.
Traitement préventif
Les mesures préventives se déduisent de la connaissance des facteurs
de risque.
Les indications
Elles ne sont pas discutables en urgence, en cas d’hydrocéphalie aiguë ;
on peut toutefois discuter la pose d’emblée d’une dérivation interne
ou d’une ventriculocisternostomie endoscopique dans certaines étiolo-
gies d’hydrocéphalie (hydrocéphalies non communicantes). En neuro-
traumatologie, la principale indication est la surveillance de la pression
intracrânienne. Celle-ci peut être réalisée à l’aide de capteurs extraduraux,
qui présentent un risque infectieux quasi nul [17] mais ne permettent pas
la dérivation du LCR en cas d’hypertension intracrânienne.
La technique de pose
Elle doit répondre à des critères d’asepsie chirurgicale et se fait au
mieux au bloc opératoire ; toutefois la mise en place en unité de réani-
mation ne semble pas augmenter le risque infectieux [14, 15]. Malgré
l’urgence, la préparation cutanée doit être parfaite : shampoing aux an-
tiseptiques préopératoire, nouveau shampoing au bloc opératoire, rasage
limité au point d’insertion, effectué juste avant l’incision, voire tonte de
la totalité des cheveux. Une attention toute particulière lors de la fixation
du cathéter est nécessaire pour éviter tout risque de fuite de LCR autour
340 Infectiologie en réanimation
L’antibioprophylaxie
Dans la majorité des études, l’antibioprophylaxie par voie générale est
dirigée contre les staphylocoques méticilline-sensibles. Certains utilisent
des injections intrathécales d’antibiotiques pendant toute la durée du
drainage. Une seule étude randomisée en double aveugle a regardé l’inté-
rêt d’une antibioprophylaxie lors de la pose d’une DVE, et a conclu à son
inefficacité [24]. Toutes ces études sont discutables car elles sont pour la
plupart rétrospectives, et l’antibioprophylaxie n’étant pas le but principal
du travail, les patients ne sont pas randomisés. Elles conduisent à des
résultats contradictoires ne permettant pas de conclure [14]. Si le choix
du type de molécule semble unanime (activité antistaphylococcique), la
durée est aussi très controversée : flash au moment de la pose, ou trai-
tement pendant toute la durée de la procédure, voire même 2 à 3 jours
après l’ablation du cathéter.
Récemment, des cathéters imprégnés d’antibiotiques (rifampicine-
minocycline), capables de prévenir la colonisation du matériel, ont été
commercialisés. Ils ont été évalués dans une étude prospective randomisée
chez 288 patients. La colonisation des cathéters était réduite de moitié et
les cultures positives de LCR étaient sept fois moins fréquentes dans le
groupe traité. Cependant aucune donnée clinique des patients, ni cyto-
logique et biochimique du LCR n’était disponible, et la diminution des
cultures positives du LCR ne reflète possiblement qu’une diminution
des contaminations [25]. Une étude multicentrique randomisée avec des
données cliniques et cytologiques du LCR est en cours pour évaluer ces
cathéters.
Liés à l’hôte
L’âge est un facteur de risque important : en pédiatrie, le taux d’in-
fection est de 15,7 % pour les nourrissons de moins de 6 mois et de
5,6 % chez les enfants âgés de plus de 6 mois [32]. L’état cutané pré-
opératoire est aussi déterminant, et il a été montré que les enfants qui
s’infectaient étaient ceux qui avaient une forte densité de bactéries sur
Complications infectieuses intracrâniennes postopératoires 343
Physiopathologie
La diffusion hématogène
Elle est rare, responsable d’infection des valves ventriculocardiaques
chez des patients bactériémiques. Elle doit être prévenue par une an-
tibioprophylaxie lors de tout geste potentiellement bactériémiant chez
un patient porteur de DVA (soins dentaires, endoscopies digestives ou
urologiques).
344 Infectiologie en réanimation
La colonisation rétrograde
19 Elle s’observe surtout avec les valves ventriculo- ou lombopéritonéales,
lorsqu’il existe une infection du péritoine ou une érosion du tube digestif
par le cathéter. Elle se voit aussi lors des érosions cutanées sur le trajet de
la valve ou du cathéter. Ces complications infectieuses surviennent habi-
tuellement très tardivement après l’implantation.
Bactériologie
Les germes cutanés sont principalement retrouvés au cours des infec-
tions de valve, avec 70 à 80 % de cocci à Gram positif ; parmi ceux-ci, les
staphylocoques à coagulase négative sont prédominants et représentent
jusqu’à 60 % de l’ensemble des germes isolés [28, 30, 32, 38], suivis par
les staphylocoques dorés (20 % environ), puis les streptocoques et enfin
les bacilles à Gram négatif, plus fréquents sur les valves ventriculopérito-
néales [38].
Complications infectieuses intracrâniennes postopératoires 345
Diagnostic
La date de survenue de l’infection est tardive, en moyenne dans un
délai de 2 mois, et plus de 75 % au cours des 6 premiers mois [28, 30].
Les signes d’appel les plus fréquents sont : une fièvre dans plus de 75 %
des cas qui peut être isolée dans 18 % des cas, des signes cutanés sur le
trajet de la valve ou du cathéter dans environ 25 % des cas, et un dys-
fonctionnement de la valve avec réapparition de signes d’hydrocépha-
lie dans deux tiers des cas [30, 39]. Les signes d’irritation péritonéale
(valves ventriculo- ou lombopéritonéales), les septicémies et les endocar-
dites droites (valves ventriculoatriales) sont beaucoup plus rares. Quant
aux syndromes méningés, ils ne sont retrouvés que dans 2 % des cas. La
glomérulonéphrite sur shunt est une complication non exceptionnelle
des infections de valves ventriculoatriales à staphylocoques à coagulase
négative. Elle se traduit par un syndrome néphrotique avec ou sans hé-
maturie et une insuffisance rénale. Elle est due au dépôt de complexes
immuns dans le parenchyme rénal. Elle guérit ad integrum avec l’ablation
du matériel et le traitement antibiotique.
Le diagnostic d’infection sur valve est affirmé par l’isolement d’un
germe sur le matériel, ce qui nécessite l’ablation de la valve. L’examen
cytobactériologique du LCR lombaire est rarement contributif [39]. La
culture du LCR ventriculaire seul est positive dans 62 % des cas ; elle
est toujours positive en cas de syndrome méningé. La culture de la valve
et/ ou du cathéter est positive dans 92 % des cas ; elle est toujours positive
en cas de dysfonction de valve. Une autre façon d’aboutir au diagnos-
tic sans retirer la valve d’emblée, est de cultiver le LCR obtenu soit par
ponction directe de la valve soit par ponction d’un réservoir adjacent à la
valve : la positivité est de 92 % [40].
Traitement curatif
Pour le traitement des infections de valves, trois attitudes sont pro-
posées dans la littérature pédiatrique : ablation du matériel avec mise en
place d’une dérivation ventriculaire externe et antibiothérapie efficace ;
ablation du matériel et remplacement immédiat par une nouvelle valve,
avec un traitement antibiotique adapté ; enfin, antibiothérapie seule, ma-
tériel en place. Bisno a effectué une revue de la littérature et retrouve un
taux de guérison de 96 % avec la première attitude, 65 % avec la seconde
et 36 % avec le traitement médical seul [41]. Une autre étude prospective
randomisée sur trois groupes de 10 enfants a évalué ces différentes possi-
bilités thérapeutiques. Le groupe 1 consistait en l’ablation du matériel, la
pose d’une dérivation externe ou d’un réservoir, une antibiothérapie par
voie générale ± locale, puis la pose d’une nouvelle valve à distance ; il y a
eu 100 % de guérison avec une durée moyenne d’hospitalisation de 25
± 17 jours. Le groupe 2 avait l’ablation du matériel et la mise en place
dans le même temps opératoire d’une nouvelle valve interne, associée à
346 Infectiologie en réanimation
Traitement préventif
Les mesures d’hygiène
Ce sont les mesures préventives les plus importantes. Les interventions
doivent être programmées en début de journée, le personnel au bloc doit
être limité au minimum ; avec le respect de ces règles et l’instauration
d’une antibioprophylaxie, le taux des infections de valve a pu être abaissé
de 12,9 à 3,8 % [44]. Il faut aussi assurer une préparation méticuleuse de
la peau du patient en période pré- puis postopératoire, que l’intervention
soit de courte durée et pratiquée par un chirurgien expérimenté ; à ce
prix, le taux d’infection peut être inférieur à 1 % [31]. Le port de double
paire de gants et le changement de la paire externe pour manipuler les
Complications infectieuses intracrâniennes postopératoires 347
L’antibioprophylaxie
Différentes études, randomisées ou non, ont démontré sur de petits
effectifs un bénéfice de l’antibioprophylaxie, mais les taux d’infection
dans le groupe placebo étaient souvent anormalement élevés [24, 48, 49].
Les antibiotiques utilisés étaient le cotrimoxazole [24], l’oxacilline [48]
ou une association rifampicine-cotrimoxazole [49]. Une autre étude a
utilisé la vancomycine en prophylaxie, car la majorité de leurs infections
était due à des staphylocoques blancs méti-R ; le taux d’infection n’était
pas différent dans le groupe recevant la prophylaxie et dans celui n’en re-
cevant pas ; cependant, le nombre de patients inclus était faible et l’étude
non randomisée, ne permettant pas de conclure [66].
Deux méta-analyses ont tenté de démontrer le bénéfice d’une antibiopro-
phylaxie dans la chirurgie d’implantation des valves [51, 52] : elles retrou-
vent toutes les deux une diminution des infections dans le groupe qui
reçoit des antibiotiques. Une revue plus récente de la littérature conclut
la même chose, et suggère des études comparant l’efficacité de différents
antibiotiques [53]. En effet, le choix des molécules n’est pas tranché. Les
antibiotiques doivent être actifs sur les staphylocoques, y compris les méti-
R, et diffuser correctement et rapidement dans le LCR pour être présents
à dose efficace au moment du geste. Une des manières de résoudre ce
problème peut être ce qu’a proposé la conférence d’experts britanniques :
l’instillation intraventriculaire de 50 mg de vancomycine, au moment de
la pose de la valve [54]. Il convient d’y associer une antibioprophylaxie
active sur les germes cutanés, comme une céphalosporine de première
génération. En utilisant une combinaison d’un antistaphylococcique par
voie générale et l’injection intrathécale de gentamicine et de vancomy-
cine, il a été possible de diminuer les infections de valves à un taux de
0,4 % [55].
Ostéites du volet
Il s’agit de l’infection du volet osseux au décours d’une craniotomie.
Son incidence est de 1,7 % [2]. Le délai de survenue est tardif, entre le
premier et le troisième mois après la chirurgie. Les signes cliniques habi-
tuels sont la survenue d’une petite fistule cutanée au niveau de l’ancienne
cicatrice, qui ne guérit pas avec le traitement antibiotique ; la fièvre est
absente ou inférieure à 38 °C ; il existe un syndrome inflammatoire peu
important. On retrouve souvent la notion d’infection superficielle de la
cicatrice en postopératoire immédiat.
Les signes radiologiques sont tardifs : aspect irrégulier du volet, présence
de petites bulles d’air en regard du volet ou même à l’intérieur de l’os.
Les germes responsables sont des germes cutanés dans plus de 75 % des
cas : Staphylococcus aureus, staphylocoques à coagulase négative, P. acnes [2].
Le traitement curatif de ces ostéites comporte obligatoirement l’ablation
du volet osseux avec nettoyage des berges de l’os adjacent. En effet, le trai-
tement antibiotique est inefficace car le volet n’est pas vascularisé. Après
l’ablation du volet, un traitement antibiotique complémentaire est pres-
crit pour stériliser les berges de l’os sain qui a été au contact de l’os infecté.
La durée de ce traitement est empirique, habituellement de 30 jours. Une
cranioplastie est ensuite envisagée, 6 mois à un an après l’ablation du
volet, à condition que la cicatrice soit parfaite et qu’il n’existe aucun foyer
infectieux local (sinusite, brèche sinusienne).
Le traitement préventif repose sur la pratique de volets pédiculés ce qui
améliore la vascularisation du volet, une fermeture soigneuse en évitant
les hématomes de cicatrice qui peuvent favoriser l’infection cutanée, et
surtout l’antibioprophylaxie peropératoire qui permet de diminuer la fré-
quence des ostéites de plus de 50 % [2].
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Infections postopératoires : médiastinites
20
J.-L. TROUILLET
Les médiastinites sont la forme la plus grave des infections du site opé-
ratoire (ISO) qui incluent les infections superficielles, les ostéites sternales
et les infections du médiastin antérieur [1, 2]. Seules ces deux dernières
correspondent stricto sensu à une médiastinite, encore désignée infection
sternale profonde. Les malades hospitalisés en réanimation pour une mé-
diastinite sont des patients qui ont bénéficié d’une reprise chirurgicale
pour mise à plat de la plaie sternale [3]. Lors de cette mise à plat, le
chirurgien a constaté un aspect patent d’infection avec la présence de pus
et de tissus nécrotiques. Les cultures des prélèvements médiastinaux sont
habituellement positives.
L’incidence est généralement estimée entre 0,5 et 2 %, mais des écarts
importants sont rapportés dans la littérature, compris entre 0,25 et
J.-L. Trouillet
Réanimation médicale
Institut de cardiologie
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière
47-83 Boulevard de l’Hôpital
75651 Paris cedex 13
E-mail : [email protected]
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
353
354 Infectiologie en réanimation
Les bactéries responsables des médiastinites sont très diverses [3, 8, 10,
12, 14-18, 38, 45, 71]. Si les S. aureus (40 à 60 %) et les staphylocoques
à coagulase négative demeurent les agents les plus fréquents, les bacilles à
Gram négatif (BGN) sont retrouvés plus souvent qu’auparavant et peu-
vent représenter 20 à 35 % des isolats. Les entérocoques peuvent cor-
respondre à 10 % des agents responsables. Les autres micro-organismes
sont beaucoup plus rares telles les levures (< 1 %), voire anecdotiques
(mycobactéries, légionelle, mycoplasmes…) [21].
Parmi les bactéries multirésistantes, si le pourcentage de S. aureus résistant
à la méticilline a constamment diminué depuis 15 ans passant de 35 % à
358 Infectiologie en réanimation
Traitement
Le volet chirurgical
La reprise chirurgicale doit être rapide (dans les 24 heures) une fois
le diagnostic posé ou fortement suspecté, réalisée au bloc opératoire sous
anesthésie générale [38, 45, 47]. L’évacuation du pus, l’excision des tissus
infectés et nécrosés, un lavage au sérum salé isotonique éventuellement
additionné d’un antiseptique sont complétés par la réalisation de prélè-
vements multiples à visée bactériologique.
La suite du traitement chirurgical dépend des constatations lors de la
reprise et de la stratégie définie localement [3, 25, 45, 47-50].
Chaque fois que cela est possible, il semble préférable de refermer le thorax
avec un système permettant un drainage aspiratif du médiastin. Lorsque
les lésions sont très évoluées, nécessitant une excision large des tissus, ou
lorsqu’il s’agit d’un échec d’une technique fermée utilisée en première
intention, le thorax est laissé ouvert, avec réalisation secondairement de
pansements itératifs, selon des modalités diverses. Sans entrer dans les
détails techniques propres aux chirurgiens, nous résumons ci-dessous les
différentes possibilités chirurgicales.
Les techniques à thorax fermé correspondent à deux modalités. La pre-
mière est la technique des drains de Redon aspiratifs, qui assurent une
forte dépression au niveau de la plaie (moins 600 mmHg). Elle consiste
à placer dans l’espace médiastinal nettoyé plusieurs drains (de trois à une
dizaine) de petit calibre et multiperforés [51]. Le système doit être parfai-
tement étanche et le sternum stabilisé pour assurer le succès de cette tech-
nique simple à réaliser, facile à surveiller, relativement confortable pour
le patient et peu coûteuse. Les drains sont laissés en place une dizaine de
jours puis retirés progressivement dès que leur débit devient négligeable.
Un contrôle bactériologique répété permet de s’assurer de la négativation
des liquides recueillis. Cette technique donne des résultats satisfaisants
localement dans 80 à 90 % des cas [52-54]. C’est aussi la technique la
moins traumatisante pour le malade et qui permet une mobilisation pré-
coce.
La deuxième modalité correspond à la technique de « l’irrigation drai-
nage » [55]. Elle consiste à installer dans le médiastin des drains qui per-
mettent d’irriguer la plaie avec une solution antiseptique (par exemple de
la bétadine dermique à 10 p. 100 diluée au dixième dans du sérum salé
isotonique) à un débit élevé. D’autres drains, mis en aspiration modé-
rée (moins 20-30 cm d’eau) permettent de recueillir l’effluent. Cette
360 Infectiologie en réanimation
Le volet médical
Il comprend l’antibiothérapie et les techniques de suppléance de dé-
faillance d’organe [38].
L’antibiothérapie est initialement probabiliste, mais peut être orientée
par l’examen direct de la ponction aspiration médiastinale, la culture
d’électrodes épicardiques ou des hémocultures déjà positives. En l’ab-
sence d’orientation, elle doit cibler les staphylocoques mais doit prendre
en compte la possibilité d’autres germes tels qu’entérobactéries ou enté-
rocoques. Elle doit tenir compte également de l’écologie bactérienne
locale. Afin d’élargir le spectre, la plupart des experts préconisent une
association de deux, voire trois antibiotiques, conduisant par exemple à
une combinaison d’un antistaphylococcique actif sur les souches méti-
cilline résistantes, d’une bêtalactamine à large spectre (prenant en compte
la possibilité d’une BLSE) et d’un aminoside. Le traitement est ensuite
adapté en fonction du résultat des cultures et de l’antibiogramme. Il
n’existe aucune étude ni aucun essai comparatif permettant de définir le
meilleur traitement ou la durée optimale. Les recommandations ne sont
que des avis d’experts fondés sur les recommandations du traitement des
ostéites et des infections de matériel étranger. Nous rappelons que les
pénicillines M (orbénine, oxacilline) sont supérieures à la vancomycine en
cas de staphylocoque méticilline sensible, et que les aminosides doivent
être administrés en une fois et pour une durée brève (< 5 jours). Certains
auteurs proposent de garder une association avec en particulier des molé-
cules diffusant bien dans l’os (rifampicine, fluoroquinolones). Initiale-
ment (les trois premières semaines), le traitement sera administré par voie
intraveineuse sauf pour certains antibiotiques avec une très bonne absorp-
tion digestive (rifampicine, fluoroquinolones). Un traitement de relais,
per os, peut être proposé durant 3 semaines supplémentaires d’autant plus
que le malade a été bactériémique et qu’il est porteur de matériel étranger.
Des molécules mises sur le marché plus récemment peuvent être utilisées
en relais, comme le linézolide, ou en présence de matériel étranger comme
la daptomycine [65].
Le traitement d’un choc septique et d’une défaillance multiviscérale asso-
ciée est identique à celui réalisé dans les états septiques d’autre origine.
La cardiopathie sous-jacente peut nécessiter des traitements spécifiques.
La multiplicité des traitements n’est pas sans conséquence notamment
sur la fonction rénale, qui doit être surveillée très régulièrement. Enfin, si
un apport nutritionnel « suffisant », par sonde gastrique et dès que pos-
sible per os, fait partie des recommandations de bons sens, les régimes
362 Infectiologie en réanimation
Morbi-mortalité
Toutes les mesures pour prévenir cette infection associée aux soins
potentiellement très grave doivent donc être rigoureusement appli-
quées [79]. Mais les preuves de leur efficience et leur poids dans la pré-
vention ne sont pas uniformes.
Les mesures standard d’hygiène s’imposent comme pour toute chirur-
gie et tous soins. L’utilisation des produits hydroalcooliques entre chaque
changement de gants et une double paire de gants sont recommandées.
Les contrôles microbiologiques de l’environnement, la désinfection des
matériels réutilisables sont encadrés par des protocoles validés par les
sociétés savantes et les équipes locales d’hygiène.
En préopératoire, plusieurs mesures sont préconisées. Tout d’abord, il
faut identifier les sujets les plus à risque. Des scores existent, souvent basés
sur les comorbidités décrites dans le paragraphe « facteurs de risque », et
le type de chirurgie [29, 80]. La décontamination des patients porteurs de
S. aureus est fortement suggérée par un essai randomisé comparant une
décontamination à un placebo, en montrant une réduction significative
des infections sternales profondes [81]. S’il apparaît donc logique de dépis-
ter la présence de S. aureus, en utilisant éventuellement des techniques
de PCR automatisées, la logistique pour assurer ce dépistage demeure
compliquée et ne peut s’appliquer aux malades opérés en urgence. Aussi,
beaucoup de centres ont choisi une attitude plus pragmatique avec appli-
cation systématique de mupirocine au niveau des fosses nasales dès l’ad-
mission. Cette application est poursuivie 24 heures après l’intervention.
Les malades dépistés porteurs de SARM doivent être isolés, lavés avec
364 Infectiologie en réanimation
Conclusion
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Infections intraabdominales postopératoires
21
P. MONTRAVERS, P. MASCITTI, I. BALCAN
Introduction
Physiopathologie
Diagnostic clinique
Les PPO sont observées chez 1,5 à 3,5 % des patients ayant subi une
laparotomie [6, 7]. Leur fréquence maximale est observée entre le cin-
quième et le septième jour postopératoire avec un second pic retardé au-
delà de la seconde semaine.
Le diagnostic est souvent difficile, marqué par la survenue d’une fièvre au
décours d’une chirurgie abdominale, isolée ou associée à des manifesta-
tions abdominales ou extra-abdominales (tableaux I et II, fig. 2 et 3) [8].
La présentation clinique peut être déroutante ou atypique et orienter dans
une fausse direction. C’est le cas pour :
– des troubles de conscience, une agitation ou des troubles psychia-
triques, évocateurs de syndrome de sevrage alcoolique ou médicamen-
teux ou de confusion ;
– une insuffisance rénale d’aggravation progressive ou brutale, suggé-
rant une complication toxique médicamenteuse ou une cause médi-
cale d’insuffisance rénale ;
– une détresse respiratoire aiguë, attribuée à tort à une embolie pulmo-
naire, un œdème pulmonaire ou une infection pulmonaire respon-
sable de la fièvre ;
– un œdème pulmonaire lésionnel, inexpliqué ou considéré comme une
pneumopathie d’inhalation ou un œdème pulmonaire cardiogénique ;
– une thrombopénie ou des troubles de l’hémostase ;
– une cholestase inexpliquée, évoquant une pathologie biliaire.
374 Infectiologie en réanimation
Tableau I – Signes cliniques rapportés au cours des péritonites postopératoires (%).
21 Signes cliniques Hinsdale Kermarrec
[6] [8]
Fièvre 86 74
Douleurs abdominales 90 78
Aspiration gastrique abondante – –
Ileus 85 37
Diarrhées – –
Ballonnement abdominal 15 –
Issue de pus ou de liquide digestif 10 33
Masse palpable 2 –
Fig. 2 – Arbre décisionnel en cas d’évolution anormale au décours d’une chirurgie abdominale
en cas de signes cliniques évocateurs ou de défaillance monoviscérale.
* Fièvre persistante, hyperleucocytose, troubles du transit, bactériémie, écoulement anormal…
Infections intraabdominales postopératoires 375
† troubles de conscience, détresse respiratoire ou circulatoire isolée, insuffisance rénale, anoma-
lies hématologiques ou de la coagulation, cholestase…
Fig. 3 – Arbre décisionnel en cas d’évolution anormale au décours d’une chirurgie abdominale
chez un patient en état de choc ou en défaillance polyviscérale.
Biologie
Les examens biologiques sont décevants et ne permettent en général
pas de s’orienter vers le diagnostic avant le stade de défaillance viscérale.
Le bilan biologique permet surtout d’évaluer les besoins de réanimation.
La mesure des concentrations de biomarqueurs (protéine C réactive, pro-
calcitonine…) a été proposée comme élément du diagnostic par certains
auteurs. Ces éléments sont décevants en période postopératoire et restent
l’objet d’évaluation clinique.
Imagerie médicale
La recherche d’épanchement liquidien ou gazeux, de collections ou
d’abcès intra-abdominaux ou des signes de souffrance du tube digestif
est le principal objet de la tomodensitométrie (fig. 2 et 3) [12]. Dans
le contexte d’une suspicion d’une PPO, ces examens peuvent guider la
décision opératoire. Un examen tomodensitométrique « normal » n’éli-
mine pas pour autant le diagnostic. De manière à documenter une per-
foration digestive inapparente à l’échographie ou à la tomodensitométrie,
le recours à des examens radiographiques digestifs avec un produit de
contraste non baryté (gastrographine) à la recherche d’une fuite extralu-
minale a été proposé. Cependant les résultats de cette opacification n’ont
de valeur que lorsqu’ils identifient l’extravasation du contraste. En cas de
suspicion d’une complication postopératoire dans les trois premiers jours
postopératoires, la décision de reprise chirurgicale peut être prise sans ico-
nographie devant un tableau clinique de dégradation inexpliquée [13].
Au-delà du troisième jour, cette décision doit être étayée par des examens
iconographiques, au premier rang desquels la tomodensitométrie [13].
Infections intraabdominales postopératoires 377
Examens microbiologiques
Les examens microbiologiques sont également décevants pour faire la
preuve d’une PPO. Une bactériémie à germes « digestifs » (entérobacté-
ries, entérocoques, anaérobies…) ou des hémocultures plurimicrobiennes
peuvent être un élément d’orientation vers le diagnostic [14] mais cette
éventualité est rare, de l’ordre de 10 % des patients.
Chez les patients opérés et ayant bénéficié d’un drainage externe (lame,
drain), la culture les drainages ouverts est inutile car leurs résultats sont
ininterprétables [15]. Il est impossible de faire la part entre la contami-
nation par les flores cutanées et environnementales et les germes issus du
drainage proprement dit.
Tableau III – Principaux critères conduisant à une décision opératoire en cas de suspicion de
péritonite postopératoire.
Principes chirurgicaux
Le traitement chirurgical de l’infection est la pierre angulaire du trai-
tement étiologique. L’indication chirurgicale est formelle et immédiate
dès que le diagnostic est suspecté. Seule la chirurgie permet de faire un
bilan étiologique complet de l’infection. Le pronostic est directement lié
à la rapidité du diagnostic et du traitement [15, 17-20].
L’intervention chirurgicale ne présente pas en soi de particularité. Les
objectifs de la chirurgie sont ceux de toutes les urgences digestives :
– identifier la source de contamination ;
– supprimer la source de contamination ;
– identifier les germes en cause ;
– réduire la contamination bactérienne ;
– prévenir la récidive ou la persistance de l’infection.
L’abord chirurgical peut faire appel, en fonction de la pathologie, du ter-
rain et de l’expérience de l’opérateur, à une laparotomie ou à une cœlios-
copie. La laparotomie médiane doit être envisagée d’emblée, en cas de
contre-indication à la cœlioscopie ou en cas d’état hémodynamique pré-
caire. Les voies d’abord électives sont principalement utilisées chez l’en-
fant. Les prélèvements bactériologiques doivent être systématiques [15].
L’exploration de la cavité péritonéale implique un contrôle de toutes les
régions déclives et de tous les viscères abdominaux, complété par une toi-
lette péritonéale avec lavage abondant.
Infections intraabdominales postopératoires 379
21 Particularités de l’antibiothérapie
Suivi thérapeutique
Un âge avancé, les maladies sous-jacentes, les très grandes obésités (indice
de masse corporelle > 50 kg·m-2) sont associés à une surmortalité [8, 17].
Le nombre des défaillances viscérales est un élément important qui reflète
la sévérité de l’affection. Pour Mäkelä et al., le décès est observé chez 35 %
des patients atteints d’une défaillance viscérale unique, 75 % des patients
avec deux défaillances et 100 % des patients avec trois défaillances [9]. En
chirurgie bariatrique compliquée, Kermarrec et al. rapportent une morta-
lité de 11 % chez les patients atteints de deux ou trois défaillances, 50 %
avec quatre défaillances et 100 % avec cinq défaillances ou plus [8]. Cer-
taines défaillances pourraient avoir une valeur pronostique plus impor-
tante que d’autres ; c’est le cas d’un état de choc, d’une insuffisance rénale
ou d’une insuffisance respiratoire aiguë, dont la présence au moment de la
reprise est de mauvais pronostic [14, 45].
Le clinicien n’a capacité d’agir que sur deux critères : la précocité de la
réintervention et la qualité du traitement anti-infectieux. Le délai de la
réintervention est un facteur majeur du pronostic [15-20, 23]. Dans le
travail de Bohnen et al. [18], la mortalité était de 61 % chez les patients
porteurs d’une défaillance viscérale réopérés précocement (< 24 heures)
et 88 % chez les patients réopérés au-delà de la 24e heure. Enfin, comme
signalé précédemment, une antibiothérapie initiale inadaptée pourrait
être associée à une surmortalité [14, 23, 45].
Conclusion
Malgré les progrès effectués, le pronostic des PPO reste sévère. La col-
laboration interspécialité est indispensable. La vigilance des profession-
nels, l’évocation facile du diagnostic, les réinterventions précoces sont les
éléments fondamentaux d’une amélioration de la prise en charge.
Infections intraabdominales postopératoires 389
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Infections ostéoarticulaires (IOA) en réanimation
22
E. SENNEVILLE, S. NGUYEN, H. DÉZÉQUE, E. BELTRAND, H. MIGAUD
Introduction
Diagnostic
Diagnostic clinique
Le diagnostic d’une IOA à l’origine d’un état septique sévère ne fait
rarement de doute, s’agissant pour la très grande majorité des cas de
structures anatomiques facilement accessibles à l’examen clinique, à la
différence des viscères profonds. L’impotence fonctionnelle, des douleurs
associées ou non à la fièvre et les signes éventuels de sévérité du sepsis
sont les éléments clés du diagnostic clinique. Chez le patient porteur
d’une prothèse articulaire, la présence d’une fistule sur le trajet cicatriciel
signe l’existence d’une infection des implants sous-jacents [1]. En de-
hors du contexte postopératoire, une porte d’entrée doit être recherchée
(geste intra-articulaire, toxicomanie intraveineuse, infection urinaire
Infections ostéoarticulaires (IOA) en réanimation 395
Diagnostic biologique
Il n’y a pas de spécificité de nature biologique de ces états septiques
associés à une IOA par rapport aux infections sévères d’autre origine.
Diagnostic microbiologique
Les IOA peuvent bénéficier dans la plupart des cas d’une documen-
tation microbiologique fiable par la simple réalisation d’une ponction
articulaire qui est l’examen diagnostique de base, et plus inconstam-
ment par les hémocultures. La confirmation définitive sera généra-
lement apportée par l’analyse des prélèvements peropératoires. Il est
habituellement recommandé de ne pas prescrire d’antibiotique avant
tout geste à visée de diagnostic microbiologique de façon à éviter les
résultats faussement négatifs, mais cette règle est difficilement appli-
cable en cas de sepsis sévère ce qui conduit à faire les prélèvements
sous antibiothérapie. Il ne faut pas s’abstenir de faire ces prélèvements
même si des antibiotiques ont déjà été prescrits, car l’inoculum généra-
lement très élevé dans ce type d’infection peut représenter un obstacle
à la stérilisation des prélèvements tissulaires profonds [2]. La notion
d’une antibiothérapie doit être précisée au laboratoire de microbio-
logie ; les techniques de biologie moléculaire ont montré leur intérêt
dans ce type de situations [3].
Imagerie
Les examens complémentaires d’imagerie ne doivent pas retarder la
prise en charge médicochirurgicale du patient. La radiographie standard
peut généralement être obtenue sans délai et permet d’évaluer le degré
d’extension aux tissus osseux, de vérifier l’absence de corps étranger et
de gaz dans les tissus et d’objectiver un aspect de descellement bipolaire
très évocateur d’une origine infectieuse en cas de prothèse articulaire.
L’échographie comme le scanner permettent de visualiser les collections
dans les parties molles, avec une préférence pour le scanner qui a l’avan-
tage sur l’échographie de fournir des images anatomiques pouvant être
discutées entre cliniciens et chirurgiens [8]. L’imagerie par résonance
magnétique nucléaire (IRMN) avec injection de gadolinium et les scin-
tigraphies notamment aux leucocytes marqués ont une place très limitée
dans ce contexte d’urgence.
Antibiothérapie
22
On peut séparer le traitement antibiotique des IOA relevant d’une
prise en charge en unité de réanimation en deux phases distinctes dans
leur chronologie, leurs objectifs et leur composition, la première cor-
respondant au traitement probabiliste et la seconde au traitement do-
cumenté.
Antibiothérapie probabiliste
Les IOA relevant d’une antibiothérapie probabiliste sont surtout les
infections aiguës potentiellement associées à une bactériémie, notam-
ment les arthrites et ostéomyélites (y compris les spondylodiscites) aiguës
avec ou sans matériel, et les infections postopératoires précoces avec réim-
plantation ou irrigation-lavage avec maintien d’un matériel. L’urgence
thérapeutique est liée, pour les premières, à la gravité du sepsis et/ou
des conséquences de la bactériémie éventuellement associée et pour les
secondes, à la nécessité de réduire le temps d’organisation du biofilm qui
peut réduire les chances de guérison sans ablation du matériel infecté.
Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de réduire le risque de (re)
contamination du matériel respectivement laissé en place ou implanté.
Il est souvent nécessaire d’envisager une couverture antimicrobienne la
plus large en raison des difficultés d’obtenir une documentation micro-
biologique fiable avant l’intervention, y compris à l’aide de la ponction
articulaire dont la fiabilité est discutée [16]. Il a été montré récemment,
en dehors du contexte de la réanimation, que le caractère inadapté de
l’antibiothérapie postopératoire immédiate est un facteur d’échec chez
les patients traités pour une infection de prothèse articulaire (IPOA) à
S. aureus [17].
Comme pour toute autre situation relevant d’une antibiothérapie pro-
babiliste, le spectre antimicrobien sera restreint dès que les données des
prélèvements bactériologiques seront disponibles (désescalade antibio-
tique). Dans les deux cas, il s’agit d’un traitement à large spectre, par voie
parentérale à forte dose et bactéricide compte tenu de l’inoculum initial
et de l’activité métabolique bactérienne élevée en cas de sepsis aigu mais
également en cas d‘infection chronique du fait des phénomènes inflam-
matoires locaux à la suite de l’intervention chirurgicale. Au cours de cette
phase, les bêtalactamines, les glycopeptides, la daptomycine et les amino-
sides remplissent les critères requis et sont à ce titre des molécules essen-
tielles pour le traitement probabiliste des IOA.
Arthrite aiguë
Cibles bactériologiques : S. aureus (méticilline-sensibles ou résistants),
streptocoques, entérocoques et entérobactéries (E. coli, Proteus spp.…).
Infections ostéoarticulaires (IOA) en réanimation 399
Ostéomyélite aiguë
Le traitement probabiliste est identique à celui des arthrites.
Antibiothérapie documentée
Le traitement documenté ne peut être envisagé qu’une fois les résultats
des cultures disponibles, le plus souvent dans la semaine qui suit l’inter-
vention en notant cependant qu’il est recommandé de prolonger la culture
des prélèvements au moins 2 semaines [1]. Cette antibiothérapie a pour
objectif de compléter la stérilisation initiée par la reprise chirurgicale.
Cette phase chirurgicale a une importance primordiale car elle condi-
Infections ostéoarticulaires (IOA) en réanimation 401
Infection à staphylocoques
Bien qu’il existe un rationnel solide pour privilégier l’utilisation de la
rifampicine au cours des IOA à staphylocoques, cette option thérapeu-
tique doit être envisagée avec beaucoup de prudence dans le contexte
particulier de la réanimation. Le recours à la rifampicine expose en effet
au risque de sélection des mutants nécessairement présents au sein de
l’inoculum souvent élevé dans ce contexte d’infection sévère, et au risque
d’effets secondaires en particulier hépatiques (cytolyse aiguë parfois asso-
ciée à une cholestase ictérique de mauvais pronostic) avec risque d’évo-
lution vers l’hépatite grave qui semble majoré dans ce contexte de sepsis
sévère et/ou de période postopératoire immédiate [32]. Même lorsqu’il
s’agit d’un effet secondaire modéré lié directement à une prescription
trop précoce dans ce contexte, le patient risque d’être déclaré définitive-
ment intolérant (« allergique ») à la rifampicine et de ne plus avoir accès
à cet antibiotique réputé le plus efficace en présence d’un matériel infecté
notamment en association avec une fluoroquinolone [10, 11, 15, 17,
33, 34]. La rifampicine ne doit pas être administrée en cas d’infection à
fort inoculum bactérien, en pratique chez tout patient en sepsis avec hé-
mocultures positives et/ou porteur de collection non drainées y compris
le liquide articulaire infecté. Cet antibiotique ne doit pas être utilisé de
façon probabiliste afin de limiter le risque de sélection de résistance bac-
térienne si le traitement n’en en réalité qu’une monothérapie active par
la rifampicine (compagnon de la rifampicine non actif sur les pathogènes
et/ou dont la cinétique de diffusion au site infecté est insuffisante). En
pratique, le traitement comprenant de la rifampicine ne doit être envisagé
que lorsque le sepsis est contrôlé, les collections drainées, les hémocul-
tures contrôlées négatives et lorsque le dossier microbiologique issu de
prélèvements fiables est complet, de façon à être certain de prescrire un
compagnon approprié à la rifampicine.
Si le profil de sensibilité de la souche l’autorise et en l’absence de contre-
indication, le partenaire de la rifampicine est généralement une fluoro-
quinolone en privilégiant celles non métabolisées par le foie (ofloxacine et
lévofloxacine), en privilégiant la lévofloxacine en raison de ses meilleures
performances pharmacocinétiques [35]. L’association d’une cycline ou
d’un macrolide avec la rifampicine expose probablement au risque de
402 Infectiologie en réanimation
Infection à streptocoques/entérocoques
Les recommandations actuelles privilégient le recours à l’amoxicilline
voire aux glycopeptides en cas de souches résistantes [1]. Le traitement
de ce type d’infection par les associations comprenant la rifampicine et
une fluoroquinolone à activité élargie sur les CGP (lévofloxacine et moxi-
floxacine) n’est actuellement pas validé.
Voie d’administration
Conclusions
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Pneumonies acquises sous ventilation mécanique
23
J.-L. TROUILLET, C.-E. LUYT, A. COMBES, J. CHASTRE
Introduction
23 Physiopathologie
Agents responsables
23 Mortalité, morbidité
Diagnostic
23
Monothérapie ou bithérapie
Une association d’antibiotiques permet d’élargir le spectre et peut-être
parfois améliorer l’efficacité thérapeutique en augmentant la vitesse de
bactéricidie. En réalité, peu d’études ont montré un intérêt pronostique
à recourir systématiquement à une bithérapie, en dehors des bactériémies
à Pseudomonas aeruginosa [32]. Quoi qu’il en soit, une association semble
logique initialement en cas de pneumonie tardive ou bien lorsqu’on sait
que le malade est porteur de bactéries multirésistantes. En revanche au-
delà du troisième jour, lorsque le ou les germes ont été identifiés et leur
sensibilité aux antibiotiques disponible, l’utilité de poursuivre une bithé-
rapie n’est pas démontrée [33, 34].
Durée du traitement
Prolonger la durée du traitement au-delà de 8 jours n’est probablement
pas nécessaire, sauf dans de rares cas particuliers [35]. Ainsi les traitements
supérieurs à 8 jours, la règle il y a 15 ans, ne sont encore justifiés qu’en cas
d’abcès du poumon, d’une infection survenant sur un terrain sévèrement dé-
bilité ou immunodéprimé, ou quand l’infection est due à des germes associés
à des taux élevés d’échecs ou de rechutes, tels P. aeruginosa, Acinetobacter bau-
mannii, et Staphylococcus aureus résistant à la méticilline. En pratique, deux
attitudes peuvent se discuter. La première est de décider une durée du trai-
tement « a priori », par exemple 8 jours, sauf cas particuliers comme indiqué
précédemment. L’autre attitude est d’adapter la durée pour chaque patient
en fonction des germes en cause et de l’évolution clinique, en s’aidant éven-
tuellement de l’évolution de biomarqueurs [36]. L’intérêt d’une telle stratégie
a été confirmé par plusieurs méta-analyses d’essais randomisés [37, 38].
Programme multifacette
Des mesures simples, peu onéreuses et relativement faciles en mettre
en œuvre ont donc montré leur efficacité dans la prévention des PAVM
[27, 51, 52]. En pratique, l’application quotidienne de toutes ces mesures
Pneumonies acquises sous ventilation mécanique 419
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Infections de cathéters intravasculaires
en réanimation
24
C. BRUN-BUISSON, J.-J. PARIENTI
Épidémiologie et pathogénie
cathéter est très élevée [9, 10]. Cette méthode est dérivée des hémocul-
24 tures pairées cultivées quantitativement [11], où un différentiel de compte
de colonies de 4 à 10 fois est prédictif de bactériémie associée au CVC,
avec une très bonne VPP [12]. Elle est cependant plus complexe et coû-
teuse, et dorénavant peu utilisée depuis l’arrivée des automates à hémocul-
tures. La limite de cette méthode est évidemment la nécessité d’avoir une
paire d’hémocultures prélevées et positives [13], ce qui explique sa faible
VPN. D’autre tests ont été décrits, mais ne sont pas de pratique courante,
tels que le test acridine-orange éventuellement associé à un brossage du
cathéter, dont les sensibilité et spécificité ont été estimées respectivement
à 96 et 92 % [14, 15]. La figure 1 montre la stratégie diagnostique actuel-
lement utilisée en pratique [16].
Fig. 1 – Stratégie diagnostique devant une suspicion d’infection de cathéter (d’après Mermel
et al. [16]).
HC : hémocultures ; CVC : cathéter veineux central ; ABT : antibiothérapie.
Le retrait du cathéter
Il s’impose en présence d’un syndrome septique sévère ou choc at-
tribué au cathéter, sans autre porte d’entrée apparente, ou bien en pré-
sence de signes locaux francs (tunnellite, purulence au site d’insertion) ;
un traitement empirique sera également prescrit, adapté aux données
d’un examen direct de prélèvement du site d’insertion. En leur absence,
c’est-à-dire dans la majorité des cas où une infection de cathéter est cli-
niquement suspectée, il est habituel de laisser le cathéter en place sous
surveillance, tandis que l’on obtient les hémocultures pairées et le prélè-
vement du site d’insertion. L’attitude thérapeutique ultérieure est fonc-
tion de l’évolution clinique et des résultats de ces prélèvements (fig. 2).
En l’absence de positivité de ces prélèvements, le cathéter suspect peut
être laissé en place. Si les hémocultures reviennent positives en faveur
d’une infection de cathéter, il faut retirer le cathéter, et administrer les
antibiotiques appropriés au germe impliqué. Les résultats de ces prélè-
vements peuvent s’avérer discordants, avec notamment la seule hémo-
culture centrale positive ; dans ce cas, le cathéter peut être impliqué si
le délai de pousse est bref, de moins de 24 heures. Il faut rappeler qu’un
prélèvement négatif du site d’insertion permet d’éliminer en pratique
l’infection du cathéter. Il est possible de traiter l’infection cathéter en
place en utilisant des « verrous » antibiotiques, lorsque le remplacement
du cathéter est jugé dangereux ou impossible, et que l’infection est due
à un staphylocoque blanc, voire à une entérobactérie ; dans les autres
cas (staphylocoque doré, pyocyanique, levures), cette attitude est dé-
conseillée [16]. Le traitement cathéter en place est rarement utilisable
en réanimation, mais plus souvent en hémato-oncologie ; lorsqu’il est
utilisé pour une infection à staphylocoque à coagulase négative ou à
428 Infectiologie en réanimation
Fig. 2 – Stratégie thérapeutique devant une infection de cathéter (d’après Mermel et al. [16]), et
après identification du germe.
BLC : bactériémie liée au cathéter ; HC : hémocultures ; CVC : cathéter veineux central ; ABT :
antibiothérapie ; ETO : échographie transœsophagienne.
Le traitement antibiotique
En cas d’infection sévère ou bactériémique, le choix du traitement
empirique initial peut être guidé par l’examen direct du prélèvement
au site d’insertion, ou par l’examen direct du cathéter lui-même [24].
Dans tous les cas d’infection avérée avec bactériémie, il faut s’assurer de
l’absence de thrombophlébite sur la veine perfusée, ainsi que d’endo-
cardite, notamment en cas d’infection à staphylocoque doré ; dans ce
dernier cas, une échographie transœsophagienne est indispensable après
quelques jours de traitement [16], une endocardite étant retrouvée dans
un quart des cas [25]. La présence d’une de ces deux complications,
comme d’une métastase septique — en particulier pulmonaire ou os-
seuse — impose un traitement de 4 à 6 semaines [16]. Dans les autres
cas non compliqués, la durée du traitement antibiotique recommandée
est en général de 7 à 10 jours pour les infections à staphylocoques blancs
ou bacilles à Gram négatif (fig. 2). Cependant, les infections à staphy-
locoques dorés doivent être traitées pour au moins 14 jours, même en
l’absence de complication [16].
L’infection à Candida est de plus en plus souvent observée ; elle est clas-
sique au cours de la nutrition parentérale prolongée et chez les malades
chirurgicaux ou immunodéprimés. L’ablation rapide du cathéter est indis-
pensable, et sa précocité est associée au pronostic [18, 26]. Le traitement
par fluconazole est efficace [27], mais en cas d’incertitude sur l’espèce en
Infections de cathéters intravasculaires en réanimation 429
Des progrès très sensibles ont été réalisés ces dix dernières années
en matière de prévention, permettant de réduire les taux d’infection à
1/1000 jours-cathéter ou moins, au point que certains experts pensent
possible de réduire ce taux à près de zéro pour les cathéters de brève durée
(7-10 jours) [28].
Mesures complémentaires
À coté de ces mesures de base indispensables en toutes circonstances,
des mesures complémentaires peuvent être utiles lorsque le taux d’infec-
tion reste élevé (en pratique > 1/1000 jours-cathéter) malgré une bonne
observance des mesures précédentes. Celles-ci comportent notamment les
pansements imprégnés mentionnés plus haut, et les cathéters imprégnés
d’antiseptiques ou d’antibiotiques. Ces derniers permettent de réduire de
50 % le taux d’infection bactériémique, et ont un rapport coût-efficacité
Infections de cathéters intravasculaires en réanimation 431
favorable dans des études où les taux de base étaient sensiblement plus
élevés que ceux observés actuellement [42, 43] ; les cathéters imprégnés
d’antibiotiques (minocycline-rifampicine) apparaissent un peu plus ef-
ficaces que ceux imprégnés d’antiseptiques (chlorhexidine-sulfadiazine-
argent) [44-46], probablement en raison d’une durée d’action préventive
plus prolongée, jusqu’à 4 semaines. La crainte d’émergence de résistance,
notamment chez les staphylocoques, avec les cathéters imprégnés d’anti-
biotiques, réelle in vitro [45], n’a pas été confirmée jusqu’ici dans les études
cliniques ; le risque de sélection de Candida a également été souligné. Des
accidents anaphylactiques ont été rapportés au Japon et au Royaume-Uni
avec les cathéters imprégnés d’antiseptiques [45]. Les cathéters imprégnés
d’argent seul n’ont pas fait la preuve de leur efficacité préventive.
Compte tenu de ces réserves, ces cathéters imprégnés sont réservés aux
situations à haut risque d’infection, et pour des cathéters prévus pour res-
ter en place plus de 1 semaine [2, 47].
Contrairement aux cathéters périphériques, il n’est pas recommandé de
changer les cathéters centraux systématiquement à intervalle prédéfini ou
sur guide, cette méthode étant associée à un risque accru de complications
infectieuses ou mécaniques. Le changement sur guide doit être évité [2].
Il peut être rarement utilisé en cas de suspicion faible ou modérée d’in-
fection chez un patient à haut risque de complications mécaniques [48] ;
si le cathéter échangé s’avère positif en culture, un nouveau cathéter doit
être posé sur un site différent.
Les toilettes quotidiennes à la chlorhexidine sont un apport potentielle-
ment utile dans la stratégie préventive globale. Dans deux études, elles
ont permis de réduire le taux de bactériémies associées aux cathéters et
des infections à SARM [49, 50]. Leur utilisation prolongée en routine fait
néanmoins craindre le risque d’émergence de résistance aux antiseptiques,
et leur efficacité apparaît limitée aux bactéries à Gram positif [51].
Les verrous antibiotiques et les pommades aux antibiotiques appliquées au site
d’insertion ne sont pas recommandés, sauf pour les cathéters d’hémodialyse
où ils peuvent être utilisés, notamment en cas d’infections récidivantes [2].
Bien que les infections liées aux CVC induisent une morbi-mortalité
importante [48], il persiste un débat pour savoir si les mesures de préven-
tion appliquées aux CVC utilisés pour l’administration des traitements
ou le monitoring des patients en réanimation sont également utiles aux
CVC utilisés pour l’épuration extrarénale (EER) [52]. La plupart des
manuels ou des recommandations sur la prévention des infections liées
aux CVC ne font pas de différence en ce qui concerne l’utilisation du
CVC. L’usage d’un CVC pour l’EER est néanmoins le marqueur d’une
432 Infectiologie en réanimation
Physiopathologie et épidémiologie
La physiopathologie des infections liées aux CVC d’EER est su-
perposable à celle des CVC utilisés pour l’administration des traite-
ments [57], et les deux voies de contamination, intra- et extraluminale
sont possibles. Le principal micro-organisme responsable des infections
liées aux CVC d’EER est le Staphylococcus epidermidis suivi des bacilles
à Gram négatif, du Staphylococcus aureus, des entérocoques, et enfin des
Candida et autres infections fongiques [37, 52, 58]. Dans la première
cohorte publiée décrivant le risque d’infection du CVC selon son type
d’utilisation (pour l’EER versus pour l’administration des traitements),
l’incidence de colonisation n’était pas plus élevée pour les cathéters
d’hémodialyse [52]. Les mêmes résultats ont été retrouvés dans une
autre étude du même groupe, suggérant une épidémiologie similaire
quelle que soit la raison de pose du CVC [58]. La plus importante
étude s’étant intéressée au risque d’infection des CVC d’EER en réani-
mation est l’étude multicentrique CATHEDIA [37]. Dans cette étude,
les principaux facteurs de risque de colonisation des CVC d’EER étaient
l’hypertension artérielle et des taux de lactates artériels élevés, alors que
l’utilisation de CVC imprégnés d’antiseptiques ou le fait de recevoir des
antibiotiques par voie systémique au moment de la pose étaient asso-
ciés à un risque de colonisation significativement plus faible [59]. Les
incidences de colonisation et de bactériémie liées aux CVC étaient res-
pectivement de 39,9 et de 1,9 pour 1000 jours-CVC [59]. Dans cette
même étude, le site d’insertion pour l’accès vasculaire était tiré au sort.
Contrairement à l’hypothèse de départ, le risque de colonisation (ou de
bactériémie) liées au CVC n’était pas plus important pour la voie fémo-
Infections de cathéters intravasculaires en réanimation 433
rale (40,8 pour 1000 jours-CVC) que pour la voie jugulaire (35,7 pour
1000 jours-CVC ; p = 0,31), pourtant considérée comme la voie d’ur-
gence la plus à risque (fig. 3). Ce résultat a d’ailleurs été retrouvé dans
une étude complémentaire analysant le second CVC d’EER inséré dans
le site opposé au premier [60]. Néanmoins, une analyse plus approfon-
die des résultats [37] a mis en évidence une augmentation du risque de
colonisation en voie fémorale comparée à la voie jugulaire chez les pa-
tients obèses (fig. 4). Le résultat de cette analyse en sous-groupes méri-
terait d’être confirmé dans une autre étude. Le mode d’EER (hémodia-
lyse intermittente et hémodiafiltration continue) n’avait pas d’influence
majeure sur le risque de colonisation, après ajustement des groupes par
un appariement sur le score de propension [59]. En revanche, le risque
instantané augmentait de façon importante après le 10e jour chez les pa-
tients ayant débuté l’EER par hémodiafiltration continue (fig. 5) alors
qu’il restait stable pour l’hémodialyse intermittente.
Fig. 3 – Courbes de Kaplan-Meier rapportant la survie sans colonisation des CVC d’EER*.
*Les flèches indiquent les bactériémies liées aux CVC d’EER.
434 Infectiologie en réanimation
24
Fig. 4 – Risque de colonisation du CVC d’EER en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC)
selon le site d’insertion (A : jugulaire, B : fémoral).
Infections de cathéters intravasculaires en réanimation 435
Fig. 5 – Risque instantané de colonisation du CVC d’EER selon le type d’EER (IHD : hémodialyse,
CRRT : hémodiafiltration).
Malgré une physiopathologie très similaire aux CVC utilisés pour les
24 traitements, les CVC d’EER présentent certaines particularités. Pour
une prise en charge moderne de l’insuffisance rénale aiguë en réani-
mation, la voie fémorale ne doit pas être systématiquement écartée
au profit de la voie jugulaire interne droite, sauf chez le patient obèse.
Cette stratégie ne semble pas diminuer la qualité de l’EER ni aug-
menter le risque de dysfonction du CVC d’EER [63]. Les mesures de
prévention applicables à tous les CVC peuvent contribuer à limiter
la morbi-mortalité attribuable aux infections associées aux cathéters
d’EER, avec un intérêt particulier pour l’usage du citrate, susceptible
de prévenir à la fois la thrombose et l’infection. Le traitement des
infections liées aux CVC d’EER ne présente pas de spécificité par rap-
port aux autres types de CVC [16].
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Infections digestives à Clostridium difficile :
diagnostic et traitement
25
F. BARBUT, J.-L. MEYNARD, É. MAURY, L. SURGERS, C. ECKERT
Introduction
***
F. Barbut*,**,***** , J.-L. Meynard***,*****, Service des maladies infectieuses et tropicales
É. Maury****,*****, L. Surgers***,*****, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP
C. Eckert**,***** 184, rue du faubourg Saint-Antoine
*
Unité d’hygiène et de lutte contre les infections 75571 Paris cedex 12
****
nosocomiales Service de réanimation médicale
Hôpital Saint-Antoine, AP-HP Hôpital Saint-Antoine, AP-HP
184, rue du faubourg Saint-Antoine 184, rue du faubourg Saint-Antoine
75571 Paris cedex 12 75571 Paris cedex 12
E-mail : [email protected] *****
Groupe de recherche clinique n° 2 « EPIDIFF »
**
Laboratoire « Clostridium difficile » associé UPMC Univ. Paris 6
au CNR des Anaérobies et du Botulisme, 27 rue de chaligny
Faculté Pierre et Martie Curie – Site Saint-Antoine 75012 Paris
27 rue de Chaligny
75571 Paris cedex 12
Sous la direction de Pierre Charbonneau et Michel Wolff, Infectiologie en réanimation.
ISBN : 978-2-8178-0388-3, © Springer-Verlag Paris 2013
441
442 Infectiologie en réanimation
hôpitaux d’Amérique du Nord et d’Europe [1], iii) une souche dite « hy-
25 pervirulente » (souche 027/NAP1/BI) a émergé et diffusé rapidement [2,
3], et iiii) davantage d’échecs cliniques ont été rapportés avec le métroni-
dazole [4].
En France, l’incidence des ICD a récemment été estimée à 2,28 cas pour
10 000 patient-jours dans les hôpitaux de court séjour et à 1,14 cas pour
10 000 patient-jours dans les hôpitaux de long séjour/soins de suite et
rééducation (Eckert C., 50th ICAAC, 12-15 septembre 2010, Boston).
En extrapolant ces résultats aux données d’hospitalisations fournies par la
DREES (Direction des recherches des études de l’évaluation et des statis-
tiques) (http://www.sae-diffusion.sante.gouv.fr/) en 2008, le nombre de
cas d’ICD par an est estimé à 24 350 dont 3409 formes sévères (14 %) et
974 décès (4 %).
En réanimation, jusqu’à 40 % des patients développent une diarrhée
au cours de leur hospitalisation [5]. Cette complication représente un
facteur de risque de déshydratation, d’instabilité hémodynamique et
de déséquilibre hydroélectrolytique. La nutrition entérale est la prin-
cipale cause non infectieuse de diarrhée, tandis que l’ICD représente
la principale étiologie infectieuse. L’incidence des ICD en réanimation
est plus élevée que celle de la population générale hospitalière, pouvant
atteindre 4 % des patients hospitalisés [6]. À l’hôpital Saint-Antoine
(hôpital universitaire de court séjour de 750 lits), l’incidence des ICD
en réanimation médicale est d’environ 20 cas pour 100 000 patient-
jours, soit trois fois supérieure à la moyenne globale de l’hôpital (fig. 1).
Environ 10 % des patients de réanimation qui acquièrent une ICD vont
progresser vers une colite fulminante, dont la mortalité peut atteindre
60 % [7, 8].
Physiopathologie et virulence
Facteurs de risque
Les principaux facteurs de risque d’ICD identifiés dans la lit-
térature incluent la prise récente (< 2 mois) d’antibiotique, l’âge
> 65 ans, la sévérité de la pathologie sous-jacente (présence de co-
444 Infectiologie en réanimation
Manifestations cliniques
Les ICD sont habituellement classées en deux groupes distincts : les
diarrhées postantibiotiques de sévérité variable et les CPM [21, 22]. Les
symptômes surviennent en moyenne entre 3 et 7 jours après le début de
l’antibiothérapie, avec des extrêmes allant de un jour à plusieurs semaines
après la prise d’antibiotiques.
Les diarrhées postantibiotiques « simples » consistent en des diarrhées
fécales (au moins trois selles non formées par jour, sans glaires ni sang
visibles) et nauséabondes sans altération marquée de l’état général.
La présentation clinique des CPM est plus bruyante : elle débute par une
diarrhée liquide abondante (> 7 selles/jours), souvent accompagnée de fièvre
(> 65 %) et de douleurs abdominales (70 %). Une hyperleucocytose et un
syndrome biologique inflammatoire (augmentation de la protéine C réac-
tive [CRP]) sont habituels. À l’endoscopie, la muqueuse colique est recou-
verte de plaques surélevées jaunâtres (pseudomembranes), adhérentes, de 2 à
10 mm de diamètre, éparses ou confluentes selon le stade de la maladie (fig. 2).
Infections digestives à Clostridium difficile : diagnostic et traitement 445
Les deux principaux défis thérapeutiques auxquels doit faire face le cli-
nicien sont la prise en charge des formes compliquées d’ICD et celle des
récidives multiples.
La colite fulminante et le mégacôlon toxique représentent les principales
complications nécessitant une prise en charge médicochirurgicale. Elles
surviennent chez environ 10 % des patients [23]. Les manifestations sys-
témiques comprennent une altération profonde de l’état général, avec une
diarrhée profuse et un abdomen tendu et douloureux, une déshydrata-
tion pouvant évoluer secondairement vers le choc hypovolémique. Une
hyperleucocytose > 20 000/mm3 est fréquente. Lorsque le diamètre du
côlon transverse dépasse 6 cm sur le cliché de l’abdomen sans prépara-
tion ou à l’examen tomodensitométrique, on parle de mégacôlon toxique.
Dans ce cas, la diarrhée peut être absente. Le scanner abdominal montre
un épaississement des haustrations en « accordéon » dans 7 à 15 % des
cas [24]. Il permet également de diagnostiquer la présence d’une ascite, qui
est un bon marqueur de sévérité de la colite, en association en général avec
une hypoalbuminémie marquée (< 15 g/L) [25, 26]. Enfin, le scanner per-
met de déceler les perforations coliques en péritoine libre, qui constituent
une indication chirurgicale formelle de colectomie subtotale en urgence.
De nombreuses équipes ont tenté d’établir un score clinique prédictif d’une
évolution sévère, si possible facile à calculer au lit du malade au moment
du diagnostic, dans l’espoir de mieux ajuster les traitements et de diminuer
le risque de mortalité ou d’évolution vers des formes compliquée. En pra-
tique, aucun de ces scores n’est actuellement validé et recommandé.
Les récidives d’ICD sont fréquentes (20 %) et représentent un défi thé-
rapeutique majeur. Certaines études ont suggéré que le taux de récidives
avait tendance à augmenter ces dernières années [4, 27], sans doute en
relation avec une augmentation de la sévérité des ICD et la diffusion de la
souche épidémique BI/NAP1/027. Les récidives sont liées soit à la persis-
tance, malgré un traitement efficace, de la souche responsable de l’épisode
initial dans le tube digestif sous forme sporulée (rechute), soit à l’acquisi-
tion d’une souche différente (réinfection) [28]. Les rechutes surviennent en
général dans les 15 jours suivant le premier épisode, tandis que les réinfec-
tions sont plus tardives. Les facteurs de risque de récidive comprennent un
âge > 65 ans, l’administration concomitante d’antibiotiques, la sévérité de
la maladie sous-jacente (index de Horn) et la durée prolongée d’hospitali-
sation [29]. Un autre facteur particulièrement prédictif de rechutes est la
faible réponse immunitaire après un premier épisode [10, 30].
446 Infectiologie en réanimation
25 Diagnostic
Diagnostic endoscopique
La détection de pseudomembranes au cours de l’examen rectosig-
moïdoscopique ou colonoscopique est pathognomonique d’ICD. Dans
plus de deux tiers des cas, les lésions intéressent notamment le rectum et
peuvent donc être vues par une simple rectoscopie au tube rigide. Dans
10 % des cas, les lésions ne touchent que le côlon droit et ne sont ac-
cessibles que par une colonoscopie. Le diagnostic endoscopique est une
méthode qui manque de sensibilité ; en effet, les pseudomembranes ne
sont pas toujours présentes dans les cas d’ICD modérées ou au début de
la maladie. Un résultat négatif ne permettra donc pas d’exclure une CPM
ou une ICD. L’endoscopie est par ailleurs invasive, et le risque de perfo-
ration en cas de colite fulminante est réel. Le diagnostic endoscopique
peut s’avérer utile dans certaines situations lorsqu’un diagnostic rapide
est nécessaire (en cas d’iléus par exemple), dans les formes fulminantes,
pour confirmer une ICD lorsque les résultats de laboratoire ne sont pas
concluants ou pour exclure d’autres pathologies qui pourraient coexister.
résultat peut s’avérer délicate, notamment chez les patients hospitalisés depuis
25 longtemps dont le taux de portage peut atteindre 20 à 30 %. S’il est vrai
que l’isolement d’une souche toxinogène ne prouve pas formellement que le
patient est infecté, il n’en demeure pas moins la cause la plus probable [34].
Gerding et al. ont montré que 11 % des patients diarrhéiques porteurs d’une
souche toxinogène et pour lesquels la présence de toxine dans les selles n’a
pu être mise en évidence, présentaient des pseudomembranes à l’endosco-
pie témoignant d’un réel processus infectieux [34]. Plus récemment, il a été
montré que les tableaux cliniques des patients atteints d’ICD chez lesquels
la toxine libre est retrouvée dans les selles (test immunoenzymatique positif)
ne différaient pas de ceux chez qui elle n’était pas retrouvée (test immunoen-
zymatique négatif) [35]. La culture est, par ailleurs, nécessaire pour pouvoir
typer les souches lors de l’investigation de cas groupés ou de formes sévères
et détecter l’émergence de nouveaux clones. La culture permet également
d’étudier et de surveiller la sensibilité aux antibiotiques.
La glutamate deshydrogénase (GDH) est une enzyme produite par les
souches de C. difficile. Si la détection de la GDH permet d’affirmer la
présence de C. difficile, elle ne permet pas de renseigner le caractère toxi-
nogène de la souche, qui devra être déterminé par une autre méthode. La
recherche de la GDH est actuellement utilisée comme méthode de dépis-
tage : un résultat négatif permet d’écarter le diagnostic d’ICD car la valeur
prédictive négative (VPN) de ce test est excellente (> 99 %).
Les tests immunoenzymatiques qui détectent les toxines A et B directement
à partir des selles sont largement utilisés par les laboratoires du fait de leur
rapidité. Les différentes recommandations récemment publiées s’accordent
à dire que ces méthodes, qu’elles soient réalisées en plaque ou par immu-
nochromatographie (tests unitaires), manquent de sensibilité et ne doivent
plus être utilisées comme seules méthodes diagnostiques [32, 33, 36].
Depuis 2009, de très nombreuses méthodes moléculaires ont été commercia-
lisées ; elles permettent de détecter les gènes des toxines directement dans les
selles. Ces méthodes sont basées sur des techniques de réaction de polyméri-
sation en chaîne en temps réel (PCR-TR) ou sur des techniques d’amplifica-
tion isotherme de l’ADN facilitée par boucle (loop-mediated isothermal DNA
amplification, LAMP). Certains tests ciblent une partie conservée du gène
de la toxine A (IllumigèneTM C. difficile, Illumigène C. difficile, Meridian
Bioscience), d’autres une région conservée du gène de la toxine B (BDGe-
neOhm C. diff, BD, ProGastro Cd, Prodess). RIDA®GENE (R-Biopharm)
est un test de PCR en temps réel qui permet la détection de fragments de
gènes spécifiques de C. difficile et de ses toxines A et B dans les selles. Enfin,
le test commercialisé par Cepheid, XpertTM C. difficile, permet la détection
simultanée des gènes codant la toxine B, la toxine binaire ainsi que la délé-
tion en 117 sur le gène tcdC, marqueur présomptif de la souche épidémique
027. Ces méthodes moléculaires sont à la fois rapides et sensibles [32]. Leur
utilisation comme outil diagnostique semble très prometteuse mais nécessite
plus de recul avant de pouvoir être recommandée en routine [33]. Les limites
de ces méthodes sont leur coût souvent prohibitif et leur manque de spé-
cificité relatif à la possible détection de patients porteurs asymptomatiques
Infections digestives à Clostridium difficile : diagnostic et traitement 449
Traitement
Mesures générales
Des recommandations concernant le traitement des ICD ont été pu-
bliées sous l’égide de l’ECDC/ESGCD (European Centers for Disease
Control/European Study Group on C. difficile) et de la SHEA/IDSA [32, 33].
450 Infectiologie en réanimation
recommandations. Par ailleurs, une séparation entre les formes peu sé-
vères et sévères demeure quelque peu subjective et artificielle, compte
tenu du continuum des présentations cliniques de l’infection.
Si l’efficacité clinique d’un traitement par métronidazole ou vancomycine
était considérée dans les années 1990 comme équivalente, les études pros-
pectives les plus récentes tendent à montrer que les échecs thérapeutiques
avec le métronidazole sont plus fréquents qu’avec la vancomycine [4, 27].
Le métronidazole (500 mg × 3/j, 10 jours) per os est recommandé à l’heure
actuelle comme traitement de première intention des diarrhées simples et des
colites peu sévères à C. difficile. Rapidement absorbé par la muqueuse diges-
tive, le métronidazole peut être responsable d’effets secondaires (nausées,
vomissements, goût métallique, éruption ou rash cutané, effet antabuse lors
de prise d’alcool, neuropathie périphérique en cas de traitement prolongé).
La vancomycine per os est indiquée soit pour les patients présentant une
symptomatologie d’emblée sévère, soit pour ceux qui ne répondent pas
au métronidazole ou qui ont une intolérance à cet antibiotique. La van-
comycine s’est avérée plus efficace que le métronidazole pour les formes
sévères d’infections dans deux études indépendantes prospectives rando-
misées en double aveugle [43]. Administrée per os, la vancomycine n’est
pratiquement pas absorbée par la muqueuse digestive et n’a pas les effets
secondaires néphrotoxiques pouvant être observés lors d’un traitement
IV. Les inconvénients de la vancomycine comprennent son coût supé-
rieur au métronidazole, l’absence de vancomycine en France dédiée à la
forme orale et le risque potentiel de sélection d’entérocoques résistants à
cet antibiotique.
Dans le cas où l’administration per os est difficile ou impossible (vomisse-
ments ou chirurgie abdominale récente, iléus), le métronidazole peut être
administré en IV (500 mg/8 h). L’élimination biliaire de cette molécule
et son exsudation dans la lumière du côlon à partir du compartiment
sanguin sont suffisantes pour atteindre des taux thérapeutiques dans la
lumière colique.
En cas de formes compliquées, la vancomycine par voie entérale (lave-
ment, sonde nasogastrique) peut être ajoutée au métronidazole IV et la
perfusion d’imunoglobulines doit être discutée [44].
La chirurgie doit être envisagée en cas de perforation, de mégacôlon
toxique, de péritonite avec défaillance organique ou d’échec du traitement
médical. C’est un traitement de sauvetage, consistant en une colectomie
subtotale avec double stomie (iléostomie et sigmoïdostomie). La mortalité
périopératoire de cette chirurgie sur des terrains très débilités est élevée,
allant jusqu’à 50 % [45].
L’efficacité d’un traitement repose sur des critères cliniques (amélioration
de la symptomatologie digestive) et biologiques (diminution très précoce
en cas d’efficacité thérapeutique du taux sérique de CRP). La réalisation
d’une coproculture de contrôle à l’issue du traitement est déconseillée,
car environ 30-40 % des selles de patients guéris cliniquement peuvent
encore être positives à C. difficile pendant plusieurs jours, voire plusieurs
semaines.
452 Infectiologie en réanimation
Nouvelles perspectives
25 La fidaxomicine (Astellas) appartient à une nouvelle classe d’anti-
biotique macrocyclique à 18 atomes de carbone. La fidaxomicine a
récemment été approuvée par la FDA et l’EMA et est actuellement
commercialisée aux États-Unis. Elle présente un spectre d’activité
étroit (bactéries à Gram positif ) et une faible absorption digestive
(même en cas d’inflammation colique). Elle agit en inhibant l’ARN
polymérase et possède une activité bactéricide. Les CMI de la fidaxo-
micine varient de 0,015 à 0,25 μg/mL avec une CMI90 de 0,125 μg/
mL [46]. Deux études internationales randomisées double aveugle de
phase III (essai 003 en Amérique du Nord et 004 en Europe et Amé-
rique du Nord) comparant un traitement par la fidaxomicine à la van-
comycine (125 mg × 4/j, 10 jours) ont montré que l’efficacité clinique
de la fidaxomicine à la fin du traitement est équivalente à celle de la
vancomycine (fig. 5) mais que le traitement par fidaxomicine entraîne
Fig. 5 – Résultats des essais cliniques de phase III (études 003 et 004) comparant la fidaxomicine
à la vancomycine [47, 48].
La téicoplanine (100 à 200 mg, 2 fois par jour) a montré une efficacité
clinique équivalente à celle de la vancomycine. Si initialement il a été
montré que la téicoplanine entraînait moins de rechutes que la vancomy-
cine, ce résultat n’a pas été confirmé par la suite.
La bacitracine présente une bonne activité in vitro sur C. difficile et est
faiblement absorbée par la muqueuse digestive. Cependant, les résultats
des études cliniques ont montré une efficacité de l’ordre de 83 % et sur-
tout un taux de rechutes supérieur à 34 %.
L’acide fusidique (0,5 à 1 g par jour, pendant 7 à 10 jours) a été utilisé
avec succès pour traiter certains cas de diarrhées ou colites à C. difficile,
mais l’expérience clinique reste limitée.
Des dérivés de la rifamycine (rifampicine, rifaximine et rifalazil)
ont montré une excellente activité in vitro sur les souches de C. dif-
ficile (CMI90 de la rifaximine = 0,015 mg/L) [46]. Néanmoins, des
résistances à haut niveau (CMI > 256 mg/L) semblent émerger assez
rapidement au cours du traitement. Une étude pilote randomisée en
double aveugle de phase III visant à évaluer l’efficacité de la rifaxi-
mine (400 mg × 3/j, 20 jours), administrée à la suite d’un traite-
ment conventionnel par vancomycine ou métronidazole, a montré
une réduction (non significative) du taux de récidive (31 % vs 15 %,
respectivement ; p = 0,11) [49].
La nitazoxanide agit en bloquant les voies du métabolisme anaérobie.
Elle présente une excellente activité in vitro sur les souches de C. dif-
ficile (CMI90 = 0,125 mg/L) [46]. Un essai randomisé double aveugle
comparant la nitazoxanide (500 mg × 2/j, 7 jours) au métronidazole
(250 mg × 4/j, 7 jours) a montré des taux équivalents de guérison cli-
nique et de rechutes. Ces résultats encourageants ont été récemment
confirmés en utilisant la vancomycine comme comparateur [50, 51].
Autres approches
D’autres approches ont été évaluées pour le traitement des ICD.
Les perfusions de gammaglobulines polyvalentes humaines (200 à
400 mg/kg, dose unique ou répétée) riches en anticorps antitoxines
ont été utilisées pour traiter avec des succès variables des formes sévères
d’ICD ou des colites réfractaires à C. difficile. Le mécanisme d’action
Infections digestives à Clostridium difficile : diagnostic et traitement 455
Prévention
Des recommandations pour la prévention et le contrôle des ICD
ont été publiées sous l’égide de la SHEA et de l’ESCMID. La pré-
vention primaire repose avant tout sur le bon usage des antibiotiques
selon une politique définie au sein de chaque établissement. La réduc-
tion de certains antibiotiques à risque (notamment la clindamycine,
les céphalosporines ou les fluoroquinolones) a été corrélée à une di-
minution significative de l’incidence des ICD [58, 59]. Lors de l’épi-
démie d’ICD due à la souche 027 au Québec, l’introduction d’un
programme de maîtrise des antibiotiques a entraîné une diminution
de 54 % de leur consommation et une réduction de 60 % de l’inci-
dence des ICD [60].
La prévention de la transmission croisée requiert un diagnostic précoce
des ICD afin de mettre en place rapidement les précautions complémen-
taires « contact ». Ces mesures tiennent compte de la grande résistance des
spores dans l’environnement et comprennent :
– l’isolement géographique en chambre seule des patients infectés pen-
dant toute la durée de l’épisode diarrhéique ;
– la désinfection quotidienne des locaux par l’eau de Javel à 0,5 %
de chlore actif après nettoyage ou l’utilisation d’un désinfectant
sporicide ;
– le port de gants systématique pout tout contact avec un patient infecté
ou son environnement proche ;
– le renforcement de l’hygiène des mains après le retrait des gants (la-
vage à l’eau et au savon suivi d’une friction hydroalcoolique). L’étape
de lavage est importante pour enlever une partie des spores de C. dif-
ficile par un effet mécanique, et l’étape de friction permet d’agir de
manière plus efficace sur les autres bactéries potentiellement manu-
portées. Les solutions hydroalcooliques utilisées seules sont inactives
sur les spores de C. difficile.
Infections digestives à Clostridium difficile : diagnostic et traitement 457
Conclusion
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IV
Infections
chez les patients
immunodéprimés
en réanimation
Stratégie diagnostique devant une insuffisance
respiratoire aiguë chez un patient
26
d’oncohématologie admis en réanimation
D. SCHNELL, É. AZOULAY
Introduction
L’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) est définie par des critères cli-
niques comme la polypnée, le recrutement des muscles respiratoires acces-
soires ou l’épuisement respiratoire, une saturation en oxygène à moins
de 90 % en air ambiant ou la nécessité d’oxygène au masque à haute
concentration, et la nécessité de recours à un support ventilatoire invasif
ou non. Elle reste un événement préoccupant chez les patients traités
pour un cancer ou une hémopathie maligne. En effet, l’IRA chez les pa-
tients d’oncohématologie (POH) est fréquente, grave, et encore souvent
mortelle. Elle pose des problèmes diagnostiques et thérapeutiques, et sa
prise en charge reste à ce jour controversée bien que codifiée [1-3]. L’IRA
est fréquente chez les POH, compliquant près de 5 % des tumeurs so-
lides et jusque 20 % des hémopathies malignes [4]. Chez les patients
neutropéniques ou greffés de moelle, elle survient jusque dans 30 %
des cas [2, 5-8]. Cette incidence est croissante du fait de la constante
augmentation des pathologies malignes [9, 10] et de l’allongement de
l’espérance de vie des POH [11] grâce à l’amélioration des traitements
supportifs [12-15] et à l’administration de traitements curatifs de plus en
plus intensifs [16-18] mais immanquablement de plus en plus immuno-
suppresseurs ou toxiques [18-20]. La sévérité de l’IRA sur ce terrain est
attestée par la lourde mortalité observée chez ces patients : la moitié des
POH admis en réanimation avec une IRA décèderont, essentiellement
du fait des mauvais résultats de la ventilation mécanique encore associée
à la mortalité chez près de 75 % des patients [12, 14, 21]. De même, dans
26 une cohorte de patients non sélectionnés de réanimation polyvalente qui
reçoivent de la ventilation mécanique, les POH font partie des patients
au pronostic le plus sévère [22]. Enfin, si la fibroscopie bronchique avec
lavage bronchoalvéolaire (FOB-LBA) a pendant longtemps été la pierre
angulaire de la prise en charge diagnostique des POH en IRA [23], sa
réalisation n’est pas sans innocuité [2, 3, 24, 25] et sa rentabilité diagnos-
tique et thérapeutique n’avoisine que 50 % [2, 3, 6, 26, 27]. De façon
intéressante, l’essor de nouvelles techniques diagnostiques non invasives
(tomodensitométrie de haute résolution en coupes fines, antigénémies,
antigénuries, immunofluorescences et méthodes moléculaires) amène à
rediscuter la place des techniques semi-invasives comme la FOB-LBA.
Nous avons récemment montré que si la FOB-LBA réalisée dans des
centres experts ne s’accompagne pas d’un recours accru à la ventilation,
elle n’améliore pas la rentabilité diagnostique, comparée à une stratégie
privilégiant les investigations non invasives [28]. Dans le même sens, les
indications résiduelles de la biopsie pulmonaire, qu’elle soit réalisée par
voie transbronchique, par ponction sous scanner, ou encore chirurgicale
(par vidéothoracoscopie ou thoracotomie) restent encore à définir, mais
sont devenues très rares dans notre expérience.
Si cet ouvrage a pour thème les pathologies infectieuses en réanimation, il
est difficile et de peu de sens de traiter séparément des pathologies infec-
tieuses à l’origine d’une IRA chez le POH. Ces pathologies sont en effet
indissociables des pathologies non infectieuses dans ce contexte. Le bilan
étiologique de ces dernières passe souvent par l’exclusion des pathologies
infectieuses. Cette revue rapporte donc une analyse détaillée de la litté-
rature récente sur l’IRA du POH adulte. Elle apporte un complément
aux revues déjà existantes [23, 29-31] en y ajoutant les données les plus
récentes de la littérature et en se focalisant sur les méthodes diagnostiques
non invasives récemment développées. Elle n’aborde qu’exclusivement
les POH et les patients en IRA de réanimation, et reste centrée sur la
démarche diagnostique et la relation entre le diagnostic et le pronostic
sans entrer dans le détail des différentes pathologies. Elle aborde successi-
vement la stratégie diagnostique devant une IRA chez un POH, les outils
invasifs et non invasifs disponibles pour établir le diagnostic étiologique
et leur rentabilité sur ce terrain, et les éléments permettant d’appréhender
le pronostic de ces patients. Les données rapportées dans cette revue ne
s’appliquent pas à l’IRA survenant chez d’autres patients immunodépri-
més comme les patients sous immunosuppresseurs pour une vascularite
systémique ou une connectivite, les patients transplantés d’organe solide,
ou encore ceux infectés par le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH). Nous avons en effet la conviction que la prise en charge de l’IRA
chez les POH est différente de celle des autres patients immunodépri-
més du fait d’un profil de pathologies pulmonaires particulier, d’un type
d’immunodépression spécifique et d’une rentabilité médiocre des prélè-
vements semi-invasifs (FOB-LBA). De même, du fait de notre expérience
de réanimateurs, nous n’aborderons dans cette revue que le cas du POH
Stratégie diagnostique devant une insuffisance respiratoire aiguë ... 465
Mycobactéries
– Tuberculose et mycobactéries atypiques
CMV : cytomégalovirus ; GVH : maladie du greffon contre l’hôte ; HHV6 : human Herpesvirus 6 ;
HSV : herpes simplex virus ; IPS : pneumonie idiopathique postallogreffe ; VZV :
virus varicelle-zona.
Fig. 1 – Étiologies d’une IRA selon le temps écoulé depuis le diagnostic de l’hémopathie
maligne ou du cancer.
HIA : hémorragie intra-alvéolaire ; OAP : œdème aigu pulmonaire cardiogénique.
468 Infectiologie en réanimation
26
Fig. 2 – Étiologies d’une IRA selon le temps écoulé depuis l’allogreffe de moelle.
CMV : cytomégalovirus ; COP : pneumonie organisée cryptogénétique ; GVH : maladie
du greffon contre l’hôte ; HIA : hémorragie intra-alvéolaire ; HSV : Herpes simplex virus ; IPS :
pneumonie idiopathique postallogreffe ; VZV : virus varicelle zona.
Bactériologie
Examens sur les sécrétions Recherche de virus respiratoires sur les aspirations
respiratoires nasopharyngées en PCR, immunofluorescence
ou culture sur lignée cellulaire
(VRS, influenza, parainfluenzae, metapneumovirus,
adénovirus, rhinovirus, coronavirus)
Examens radiographiques
Radiographie thorax
Tomodensitométrie thoracique spiralé de haute
résolution (coupes fines)
Échographie cardiaque
Échographie pleurale
Autres examens
474 Infectiologie en réanimation
Bactériologie
26
Marqueurs biologiques :
– Brain natriuretic peptide
– Procalcitonine
– C reactive protein
À combiner à l’exploration/biopsie de toute lésion extrathoracique et à la ponction exploratrice
d’un épanchement pleural.
CMV : cytomégalovirus ; PCR : polymerase chain reaction ; VRS : virus respiratoire syncytial.
même, c’est dans ces situations complexes que les nouveaux outils dia-
26 gnostiques telle par exemple la PCR Pneumocystis [97, 98] auront une
place des plus pertinentes.
aussi sur la base de l’existence d’un projet thérapeutique [12, 61]. Qua-
26 trièmement, l’estimation du pronostic des POH admis en réanimation
ne peut pas être basé sur les scores physiologiques [140, 141, 147-150].
Au contraire, la nature et le nombre de défaillances d’organe sont direc-
tement associés à la mortalité [66, 139, 146]. De plus, l’évolution du
nombre de défaillances d’organe au cours des premiers jours de réani-
mation est très étroitement associée au pronostic [4, 66, 151]. Parmi ces
défaillances d’organe, la ventilation mécanique invasive est associée à la
mortalité la plus élevée [4, 12, 14, 15, 21, 26, 61, 63-69]. En particulier,
la ventilation mécanique dans le cadre particulier de la greffe de moelle
allogénique est associée à un pronostic effroyable, surtout quand les pa-
tients sont traités par immunosuppresseurs pour une réaction du greffon
contre l’hôte active et sévère [73, 150, 152-155]. Cinquièmement, dans
le cadre particulier de l’IRA des POH admis en réanimation, l’étiologie
de l’IRA conditionne le pronostic. Ainsi, un patient admis pour OAP
aura un bon pronostic ; en contrepartie, un patient porteur d’une asper-
gillose pulmonaire invasive aura un pronostic plus sombre [4]. Cepen-
dant, il faut ajuster ces résultats aux avancées récentes dans le diagnos-
tic [81, 156] et le traitement des aspergilloses pulmonaires [157, 158].
Aussi, comme discuté précédemment, les patients pour lesquels aucun
diagnostic n’a pu être établi malgré les investigations diagnostiques ont
un plus mauvais pronostic [4, 30, 36, 84].
Conclusion
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Infections chez les patients neutropéniques
27
B. GACHOT, F. BLOT, É. CHACHATY
27 Épidémiologie
Infection bactérienne
Cinquante à 70 % des épisodes de neutropénie fébrile restent non do-
cumentés : il n’y a ni point d’appel ou foyer clinique, ni documentation
microbiologique [2]. Ceci ne signifie pas que ces fièvres ne sont pas d’ori-
gine infectieuse, puisque la flore intestinale est composée essentiellement
de firmicutes, bactéries anaérobies strictes à Gram positif, dont on ne sait
cultiver que quelques espèces [6].
L’infection est documentée cliniquement dans 20 à 30 % des épisodes
fébriles : pneumopathie, infection cutanée et des tissus mous, foyer buc-
codentaire… Dix à 25 % des patients sont bactériémiques, les épisodes de
bactériémies survenant avant tout lors de neutropénies profondes (< 100/
mm3) et prolongées (plus de 10 jours). L’épidémiologie de ces bactérié-
mies a évolué ces dernières décennies [1]. Depuis les années 1980-1990,
les cocci à Gram positif prédominent, notamment en raison de l’utilisa-
tion larga manu des cathéters veineux centraux, de la toxicité muqueuse
des chimiothérapies et de l’utilisation des quinolones en prophylaxie. À
l’Institut Gustave-Roussy, sur 218 épisodes bactériémiques ou fongé-
miques survenus en hématologie entre janvier 2010 et juin 2011, un
quart étaient dus à des staphylocoques à coagulase négative (fig. 1). Les
bactériémies à staphylocoque doré sont très rares chez les patients neutro-
péniques. Les autres bactéries à Gram positif impliquées sont des entéro-
coques, mais aussi des streptocoques non hémolytiques, particulièrement
quand il existe une mucite importante, ce qui est le cas après chimiothé-
rapie par la cytarabine à forte dose [7]. Dans notre série, un quart des
bactériémies étaient dues à des entérobactéries, au premier rang desquelles
figure Escherichia coli. Ces entérobactéries sont souvent productrices de
bêtalactamases à spectre élargi dans certains pays [8]. Les entérobactéries
productrices de carbapénémases, endémiques dans plusieurs pays d’Eu-
rope du Sud, sont encore isolées sporadiquement en France [9]. Les autres
bacilles à Gram négatif en cause sont des Pseudomonas ou apparentés.
Les souches de P. aeruginosa sont fréquemment multirésistantes, représen-
tant un tiers des cas dans une étude italienne récente [10]. L’interruption
de la prophylaxie par les fluoroquinolones dans certains centres, devant
une prévalence croissante de la résistance à cette classe d’antibiotiques, a
entraîné une augmentation de la proportion des bactériémies à bacilles à
Gram négatif [11].
Infections chez les patients neutropéniques 493
Infection fongique
Les champignons sont rarement en cause lors du premier épisode fé-
brile au début de la neutropénie. Les infections fongiques surviennent
en général après la première semaine, chez des patients déjà sous antibio-
thérapie à large spectre [1, 2]. Les levures, avant tout du genre Candida,
peuvent être à l’origine d’une simple candidose oropharyngée, mais aussi
de fongémie à point de départ intestinal. Lors de l’évaluation effectuée
récemment dans notre institution, les fongémies représentaient, en hé-
matologie, 3 % des hémocultures positives (fig. 1). Les candidoses hépa-
tospléniques sont très rares.
Les infections à champignons filamenteux sont surtout des aspergilloses
invasives, pulmonaires ou sinusiennes, et surviennent dans la majorité des
cas après la deuxième semaine de neutropénie. La mucormycose est beau-
coup plus rare [12]. D’autres champignons filamenteux peuvent être en
cause, notamment chez les patients qui ne sont pas hospitalisés en secteur
protégé. Enfin, l’administration d’échinocandines en traitement empi-
rique est susceptible de sélectionner certaines espèces résistantes, telles
Hormographiella aspergillata [13].
494 Infectiologie en réanimation
Infection virale
27
L’épidémiologie des infections virales chez les patients neutropéniques
est mal connue. La fréquence des viroses respiratoires est possiblement
sous-estimée. La survenue d’un herpès buccal n’est pas rare, et peut
contribuer à la gravité de l’atteinte muqueuse déjà présente. Les infec-
tions à cytomégalovirus (CMV) ou adénovirus concernent surtout les
greffés de moelle, souvent après la phase de neutropénie.
Mesures environnementales
Les mesures les plus importantes sont le respect des précautions stan-
dard chez tous les patients, en particulier l’hygiène des mains. Les mesures
d’isolement protecteur sont la règle chez les patients neutropéniques à haut
risque, en particulier les allogreffés et les patients traités pour une leucémie
aiguë, malgré l’absence de preuve de leur efficacité. Un système spécifique
de traitement de l’air (taux de renouvellement horaire > 12, filtration de
type HEPA, pression positive) est recommandé chez les allogreffés [2], et
souvent proposé aux autres catégories de patients à haut risque fongique
(myélodysplasie, induction de leucémie aiguë). Chez les patients à très
haut risque transférés en réanimation, la rupture de l’isolement peut être
compensée par l’utilisation de systèmes individuels de traitement de l’air.
Conclusions
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Prise en charge des infections
chez les adultes transplantés d’organe(s)
28
F. SCHNEIDER, M. GUILLOT, M.-C. CHOMETTE, N. DOUIRI, J.-É. HERBRECHT, M. DIOUF,
S. KREMER*, T. LAVIGNE, P. LUTUN
Introduction
Infections bactériennes
Communautaires ou associées aux soins, les infections bactériennes
n’ont pas de particularité clinique et ne réclament pas d’approche bio-
logique inhabituelle, bien que le transplanté présente une fragilité no-
table du système de défenses immunitaires qui l’expose davantage aux
infections opportunistes. Il est primordial d’identifier au plus vite agents
infectieux banals ou opportunistes responsables en spécifiant au micro-
biologiste les raisons de recherches particulières (contexte clinique, trai-
tements déjà en cours…). Pour un épisode initial, le bilan biologique
comporte deux volets standardisés, mais des tests sophistiqués en cours
d’évaluation sont disponibles dans les centres de référence (tableau II,
d’après [1, 4]). Les infections bactériennes compliquent fréquemment
les épisodes infectieux viraux communautaires (grippe, virus respiratoire
syncytial, méta-pneumovirus…).
Certaines affections bactériennes méritent une mention particulière.
La tuberculose
Elle survient chez 0,5 à 2,3 % des transplantations hépatiques se-
lon la prévalence de la tuberculose à l’endroit où vivent donneur et
receveur [5]. Elle peut être transmise par le donneur par le biais du
greffon [6]. Le risque de tuberculose est de 50 % supérieur à celui de
la population générale [7] : les facteurs de risque sont un antécédent
personnel du donneur, la profondeur de l’immunosuppression (en par-
ticulier après anticorps antilymphocytaires), l’âge avancé et les comor-
bidités (diabète, co-infections par CMV, pneumocyste ou Nocardia).
La tuberculose survient en moyenne 4 mois après la greffe, touche
plutôt les poumons sous forme d’atteintes nodulaires ou bronchecta-
siantes (50 % des cas), mais les atteintes systémiques ne sont pas ex-
ceptionnelles [5]. Les tuberculostatiques (isoniazide, rifampicine, py-
razinamide) exposent au risque d’hépatite toxique, mais aussi à celui
506 Infectiologie en réanimation
1. Prélèvements « classiques »
– Recherches standard de bactéries, levures, virus et étude de leur sensibilité in vitro
– Mesure des charges virales et recherches d’antigènes circulants (polymerase chain
reaction (PCR) CMV, herpès, antigènes fongiques (Aspergillus, Candida…)
2. Évaluation du statut immunitaire
– Numération et formule sanguines ; numération plaquettaire
– Grandes fonctions d’organes (rein, foie, métabolisme glucidique)
– Déficits immunitaires associés (hypogammaglobulinémie)
– Intégrité cutanée et muqueuse (clinique)
– Concentrations plasmatiques des immunosuppresseurs (à comparer avec la cible
idéale qui varie selon le temps écoulé depuis la greffe et selon l’organe)
– Prise en compte des traitements associés (chimioprophylaxie antérieure…)
3. Explorations sophistiquées (voir [1] pour revue)
– Recherches microbiologiques multiplex
– Biomarqueurs de rejet (cytokines)
– Analyse des sous-populations lymphocytaires
– Cytotoxicité lymphocytaire
– Marquages intracellulaires de cytokines (dont interféron)
– Profils d’expression génétique du métabolisme médicamenteux (antirejets)
La listériose
Elle survient 100 à 1000 fois plus souvent chez le transplanté que dans
la population générale [9]. La maladie se raréfie actuellement du fait d’un
moindre usage des anticorps antilymphocytaires. Son expression est celle
de rhombencéphalites fébriles ou d’abcès cérébraux, mais des formes sys-
témiques (abcès multiples) ne sont pas exceptionnelles. Dans les formes
cérébrales, le diagnostic différentiel est difficile avec d’autres atteintes op-
portunistes (aspergillose, candidose, cryptococcose, toxoplasmose…). Le
traitement antibiotique (amoxicilline (200 mg/kg) + aminoside (genta-
mycine 3 mg/kg) ou cotrimoxazole) ne comporte pas de particularité. La
mortalité est de 30 %.
Prise en charge des infections chez les adultes transplantés d’organe(s) 507
La nocardiose
Plus fréquente après transplantation du rein avec antécédent de rejet,
elle survient en moyenne entre 2 et 3 ans après la transplantation [10].
Son expression usuelle est une atteinte pulmonaire (nodules parenchyma-
teux avec infiltrats extensifs aux organes de proximité) dans 30 à 50 % des
cas. La détection du germe réclame des mesures particulières de culture.
Le thrimétoprime-sulfaméthoxazole donné en prévention de la pneumo-
cystose, ou d’autres antibiothérapies (céphalosporines, carbapénèmes et
linézolide) inhibent le développement de Nocardia in vitro. Un traite-
ment prolongé (cotrimoxazole injectable associé à un aminoside pendant
4 à 6 semaines, puis relais cotrimoxazole seul per os jusqu’à 6 mois) est
nécessaire dans les formes disséminées.
Des tendances épidémiologiques récentes se dégagent du fait des chan-
gements de stratégies de l’immunosupression depuis les années 1980
et de la mise en place systématique de préventions au long cours [11,
12]. La fréquence et la sévérité des infections bactériennes communau-
taires classiques et opportunistes, et celles liées aux soins se modifient.
Actuellement, on observe une diminution des infections opportunistes
par manque d’hygiène, mais une augmentation des infections commu-
nautaires à bactéries encapsulées (Streptococcus, Haemophilus…) et des
infections à germes multirésistants (acquis par colonisation pendant les
hospitalisations). Enfin, du fait de la bonne tolérance de la greffe, de nom-
breux transplantés voyagent à l’étranger en zones d’endémies, rapportant
des germes et des parasites auxquels ils sont plus sensibles que le sujet
normal.
Infections virales
Les infections à Herpesviridae sont de loin les plus fréquentes. Elles
ont été responsables d’une telle morbi-mortalité que leur prévention est
systématiquement organisée après transplantation.
fois la détection d’antigènes du virus dans une biopsie (foie, tissu digestif,
28 cellules du LBA, du LCR…), puisque de véritables atteintes d’organes
(encéphalite, hépatite, rétinite, SDRA…) sont rapportées avec des anti-
génémies et des charges virales sanguines indétectables. Dans les formes
avec atteinte viscérale ou systémique, le traitement de première intention
repose sur le ganciclovir intraveineux (5 mg/kg/12 h pendant 15 jours,
posologie à adapter selon la fonction rénale) associé à une diminution
des immunosuppresseurs (demi-posologie des anticalcineurines, ou sup-
pression de l’azathioprine ou du mycophénolate mofétil dans le cadre
d’une triple association). La survenue d’une neutropénie (< 2000/mm3)
qui peut être la manifestation hématologique de la maladie virale, doit
faire stopper les autres médicaments responsables de leucopénie et faire
administrer un facteur de croissance avant de diminuer la dose de ce
médicament (toxicité hématologique possible du ganciclovir). La durée
de traitement est guidée par la négativation de la charge virale pendant
2 semaines. Il existe un risque de récidive (> 30 %), en particulier chez
les transplantés de rein, de rein-pancréas, et de poumon. En cas d’at-
teinte pulmonaire (SDRA), une perfusion d’immunoglobulines anti-
CMV (0,5 g/kg) a été préconisée par analogie avec la transplantation
de moelle [13]. Après traitement, une prophylaxie secondaire doit être
envisagée. La résistance du CMV au traitement survient chez 5 à 10 %
des malades, surtout après prophylaxie prolongée, et chez des transplan-
tés pulmonaires : elle s’envisage si la maladie clinique s’aggrave ou si la
charge virale s’amplifie après 7 jours de traitement bien conduit. Elle est
souvent de nature génétique et s’évalue dans des laboratoires spéciali-
sés [1, 4]. Dans l’attente des résultats, cette suspicion rend licite d’associer
du foscarnet ou du cidofovir qui ont des toxicités propres (respectivement
rénale et du métabolisme du calcium).
Les infections à Herpes simplex virus (HSV) et à virus de la varicelle et du zona (VZV)
Elles sont fréquentes, puisque 40 à 70 % des receveurs d’organes sont
séropositifs pour HSV et présenteront des signes cutanéomuqueux ty-
piques ou des formes généralisées de cette infection par réactivation du
virus latent à la faveur de l’immunosuppression induite, et/ou de fac-
teurs de risque (immunosuppression par OKT3, antithymoglobulines,
mycophénolate mofétil, absence de prévention par aciclovir ou ganciclo-
vir…) [3]. Encéphalite et hépatite sont les motifs les plus courants d’ap-
pel aux réanimateurs. Le traitement nécessite des posologies d’emblée
maximales d’aciclovir (30 mg/kg/j).
chambre à flux laminaire avec air filtré (filtre à air à très haute efficacité).
28 Les expressions cliniques les plus classiques sont respiratoires, sinusiennes
et neurologiques, souvent avec peu de fièvre. La preuve d’infection est
obtenue par la mise en évidence d’Aspergillus dans des prélèvements pro-
fonds (LBA, LCR). La recherche d’antigènes galactomananes ou bêta-d
glucane sériques est préconisée deux fois par semaine chez les malades
à risque. Certains préconisent la mise en place d’un traitement dès l’as-
cension des antigénémies. Néanmoins, malgré les bonnes sensibilité et
spécificité des techniques ELISA, la survenue de faux positifs est établie
(antibiotiques, aliments…). La mortalité globale de l’aspergillose est de
66 à 100 %, supérieure chez les greffés multiorganes. Le traitement de
première intention est le voriconazole (6 mg/kg/12 h en dose de charge le
premier jour, puis 4 mg/kg/12 h en entretien), mais certaines échinocan-
dines sont efficaces, et remplacent avantageusement l’amphotéricine B en
cas d’atteintes hépatiques et rénales associées [21]. L’exérèse chirurgicale
de lésions uniques non contrôlées ou exposant à un risque hémorragique
(hémoptysie) est une éventualité à envisager [21].
La cryptococcose
Provenant de l’inhalation de spores de C. neoformans issues de fientes
d’oiseaux, et donnant une primo-infection pulmonaire susceptible de
disséminer à tout l’organisme, en particulier aux méninges, la maladie
se diagnostique par la positivité d’une hémoculture ou d’une antigéné-
mie. Il y a 15 à 20 % d’échec thérapeutique dans ces formes cliniques
malgré l’application des recommandations de traitement (15 jours par
amphotéricine B liposomale ± flucytosine, puis 10 semaines de mono-
thérapie par fluconazole) [23, 24]. L’un des enjeux du traitement est le
syndrome de restauration immunitaire qui mime une aggravation de la
maladie.
Les mucormycoses
Rares, ces infections sont en général dues à un Mucor ou un Rhizo-
pus, champignons filamenteux de l’ordre des Mucorales, couramment
présents dans l’environnement (sol, végétaux en décomposition, déjec-
tions animales) [25]. L’hyperglycémie chronique et l’immunodépression
concourent à leur développement. Les formes rhino-orbitaires sont ty-
piques (fig. 1), mais d’autres atteintes sont possibles (système nerveux,
poumon, dissémination générale). Le traitement repose sur l’amphotéri-
cine B liposomale et la chirurgie d’exérèse large des lésions. La mortalité
est effroyable.
Mesures générales
Les stratégies générales de prévention (vaccination, prophylaxie uni-
verselle et/ou ciblée, traitements préemptifs) ont modifié l’incidence
et la sévérité des épisodes infectieux graves après transplantation [1, 2,
11]. L’immunisation réelle du receveur contre certaines infections, vi-
rales ou bactériennes, doit être évaluée avant transplantation (oreillons,
rougeole, rubéole, diphtérie, tétanos, VHB, polio, varicelle, Haemophi-
lus influenza, pneumocoque), et des vaccinations adaptées sont à mettre
en œuvre avant inscription sur liste (l’efficacité immunologique du vac-
cin est plus limitée dans le temps et dans le spectre par comparaison
avec le sujet sain). Le vaccin antipneumococcique est recommandé tous
les 3 à 5 ans et celui contre la grippe tous les ans. Les vaccins vivants
sont contre-indiqués parce qu’ils présentent un risque d’infection dis-
séminée chez le transplanté. Après la transplantation, dès le service de
réanimation, il faut promouvoir les changements de vie qui limitent
l’exposition à certains pathogènes (hygiène corporelle parfaite de la
peau, des muqueuses et des cicatrices postopératoires, contact interdit
avec des mains non lavées ou des personnes ayant des maladies conta-
gieuses), respect de consignes diététiques strictes (éviter de boire de
l’eau non propre, de manger des plats à cuisson sous-maximale ou des
fruits et légumes non lavés, ne pas rompre la chaîne du froid, prévenir
le diabète cortico-induit).
Mesures spécifiques
L’histoire de la transplantation a appris au clinicien le rôle majeur dé-
volu à la prévention systématique de cinq infections : celles par le CMV,
par les virus HSV-VZV, par le virus de l’hépatite B, et par Pneumocystis
et Toxoplasma gondii.
L’infection à cytomégalovirus
La prévention de l’infection à CMV est l’objet de recommandations
internationales [32] résumées dans le tableau IV. Débutée dès la transplan-
tation selon le statut sérologique du receveur et du donneur, variable dans
le temps selon l’organe transplanté, elle fait appel au valganciclovir oral
d’emblée ou après une période de perfusion de ganciclovir. Selon l’éva-
luation hebdomadaire de la charge virale, une prévention antivirale est
débutée pour une durée qui dépend aussi du type de transplantation. Des
prophylaxies de 12 mois sont préconisées après transplantation du pou-
mon et du grêle. Au-delà, le risque d’infection est moindre mais constant,
en particulier chez le transplanté pulmonaire [33] ou multiorganes.
Prise en charge des infections chez les adultes transplantés d’organe(s) 517
L’infection à HSV-VZV
La prévention contre HSV-VZV est habituellement assurée par les
mêmes médicaments que ceux de la prévention du CMV. Après l’arrêt
de ces derniers, la prévention contre HSV-VZV doit être instituée par
aciclovir ou valaciclovir au moins 30 jours, avec prolongation (90 jours
voire plus) chez les malades aux antécédents d’atteintes cutanées ou géni-
tales importantes [3]. Le risque de récurrence est majoré chez les malades
très immunodéprimés, après 60 ans, et recevant plus de 0,3 mg/kg de
prednisone au long cours. En cas d’exposition clinique accidentelle d’un
receveur séronégatif à HSV-VZV, l’administration d’immunoglobulines
hyperimmunes moins de 96 heures après le contage améliore l’efficacité
du traitement par aciclovir.
Tableau IV – Schémas de prévention de l’infection par CMV.
La récidive de l’hépatite B
La prévention de la récidive de l’hépatite B (VHB) dépend de la réplica-
tion du virus B. Elle reste l’objet de discussion [34]. Actuellement, en l’ab-
518 Infectiologie en réanimation
La pneumocystose
Concernant la pneumocystose, dont l’incidence en nette régression ne
doit pas faire oublier la dangerosité, la prophylaxie de première intention
reste le triméthoprime-sulfaméthoxazole sauf contre-indication absolue
ou intolérance, à raison d’une prise quotidienne de sulfaméthoxazole
400 mg-triméthoprime 80 mg (ou de 3 comprimés hebdomadaires à
800 mg/160 mg) [35] qui est aussi active contre la toxoplasmose. Comme
alternative, le clinicien peut s’orienter vers la dapsone (100 mg/j), l’ato-
vaquone (750 mg × 2/j). La durée de la prévention est individualisée :
elle peut s’arrêter (quand la corticothérapie devient très faible, et quand
l’immunosuppression peut être freinée de façon significative) sous réserve
d’une surveillance clinique rapprochée. L’arrêt de cette prévention aug-
mente le risque de formes tardives sévères de l’infection. Des épidémies
nosocomiales sont rapportées (en particulier chez les greffés rénaux) [36].
Le risque d’infection toxoplasmique semble plus élevé chez le transplanté
cardiaque quand toute prévention est stoppée.
Conclusion
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