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CHAPITRE PREMIER
LES PRECURSEURS ANTIQUES
Au Ve siècle avant Jésus-Christ (J-C), les sophistes sont, en Grèce, les
premiers à faire des réflexions sur l’organisation des hommes en société. En son sens premier, le terme de sophisme désigne ceux qui détiennent la compétence et la sagesse (Sophia en grec). Progressivement, le mot a évolué et sert à qualifier des intellectuels tels que Gorgias, Hippias ou Protagoras qui professent, de cité en cité, l’art de la persuasion par la parole. Les sophistes fustigent l’esclavage et usent abondamment de l’arme critique. Doutant de l’existence des dieux, ils tiennent la justice et toute l’institution qui concourt au maintien de l’ordre social pour une simple convention humaine. Ce refus de la transcendance s’exprime à travers la déclaration suivante : « L’homme est la mesure de toutes choses ». Platon et Aristote opposeront des critiques aux sophistes. Par ailleurs, dès l’Antiquité, des auteurs se sont penchés sur le problème du regroupement des hommes en société, en expliquant les raisons qui poussent à ces regroupements. Nous ne voulons pas insinuer que la sociologie est une science vieille comme le monde. Nous voulons simplement expliquer le fait que la vie sociale est un fait bien connu depuis longtemps même si on ne lui a appliqué un traitement scientifique que très tardivement.
1.1. PLATON (427-348 av. J-C)
Le philosophe Platon apparaît sur la scène historique après la chute de la
démocratie athénienne. Marqué par les turbulences politiques de son époque et par la condamnation à mort de Socrate, son maître, il cherche avant tout le moyen de parvenir à la cité idéale, modèle de société qui échappe, selon lui, au désordre et à l’usure du temps. Il rédige La République, ouvrage dans lequel il expose les moyens d’atteindre son objectif. Jusqu'à sa mort, Platon reste animé du souci de l’ordre. Dans les Lois, œuvre de vieillesse, il donne un ensemble d’indications plus détaillées encore aux fins de réaliser le type de société qu’il juge parfaite. L’apport de Platon ne se réduit pas à ces deux ouvrages. Il a laissé beaucoup d’autres écrits dont un nombre important sous forme de dialogues : Apologies de Socrate, Protagoras, Le Banquet, etc. Dans le souci d’instituer une pédagogie politique, Platon fonde l’Académie, une école destinée à former des hommes d’Etat. L’originalité de Platon est de soutenir qu’il existe un monde des Idées, monde stable et parfait dont la réalité n’est que le reflet changeant. Par réminiscence, les hommes bénéficient de l’expérience d’une vie antérieure, celle d’une âme immortelle et immatérielle tombée dans un corps et qui a bénéficié de la contemplation des Idées du Bien et du Beau. Dans ce monde des Idées, se trouve la justice en soi, principe sur lequel les hommes doivent se fonder au cours de leur vie terrestre pour bâtir une cité idéale et assurer le salut de leur âme. L’organisation de la cité n’est donc plus, comme chez les sophistes, affaire d’opinion mais de techniques. « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre », telle était la formule gravée au fronton de l’Académie. Avec Platon, la politique bascule de la philodoxie (amour de l’opinion) vers la philosophie qui signifie « amour de la sagesse ». Le point commun des différentes réflexions politiques que l'on trouve dans les dialogues est la question de savoir ce que doit être une vie commune. La politique est alors conçue comme une technique qui, dans un territoire donné, et face à des éléments hétérogènes, doit prendre soin de réaliser l'unité de la cité, en la dotant d'un régime politique (Constitution). Ce soin de l'unité, c'est la philosophie, et le philosophe est celui qui, de droit, doit gouverner la cité. La recherche de ce régime constitue l'essentiel de La République et des Lois. Cette recherche écarte d'emblée toutes les formes de cités existantes, tant démocratiques qu'aristocratiques : les dissensions qui marquent en effet les cités réelles, dissensions entre des partis, entre des classes, sont aux yeux de Platon un symptôme de corruption, et l'on ne saurait donc tenir pour politiques des régimes qui ne peuvent parvenir à faire vivre ensemble des citoyens. Dans La République, Platon est engagé dans la recherche d'une définition de la justice. Cherchant cette définition au niveau de la cité, il étudie la répartition des fonctions en son sein, pour montrer que le meilleur régime ne dépend pas tant de tel groupe de la cité, que de l'exercice approprié de chaque fonction dans la cité, considérée comme un tout. La cité juste est ainsi composée de trois groupes, les gouvernants, les gardiens et les producteurs. A chaque groupe correspond particulièrement une vertu, mais tous les groupes ne possèdent pas seulement une seule et unique vertu : si les gouvernants possèdent la vertu de sagesse, ils sont aussi tempérants et courageux ; les gardiens sont courageux, mais également tempérants, et puisque les gouvernants sont choisis dans ce groupe, les gardiens reçoivent aussi une éducation à la sagesse ; enfin, les producteurs, c'est-à-dire le plus grand nombre, possèdent la vertu de tempérance. Dans les Lois, Platon fait discuter plusieurs vieillards sur la valeur de la constitution de plusieurs cités. Cherchant les meilleurs moyens d'inculquer les vertus, Platon parle notamment des vertus éducatives. Dans La République, Platon décrit la manière dont on passe d'un régime politique à un autre. Cet enchaînement n'a pas, pour Platon, une valeur historique : il s'agit de présenter une succession essentiellement logique. Platon en distingue donc cinq : - L’aristocratie, le gouvernement des meilleurs, est le seul régime parfait selon lui. Il correspond à l'idéal du « philosophe-roi », qui réunit pouvoir et sagesse entre ses mains. Ce régime est suivi de quatre régimes imparfaits : - la timocratie, régime fondé sur l'honneur ; - l'oligarchie, régime fondé sur les richesses ; - la démocratie, régime fondé sur l'égalité ; - la tyrannie, régime fondé sur le désir ; ce dernier régime marque la fin de la politique, puisqu'il abolit les lois.