Le document raconte l'histoire d'un jeune garçon qui perd sa foi en Dieu après qu'un incendie ait tué les enfants de ses voisins. Cet événement tragique le pousse à remettre en question l'existence d'un Dieu bienveillant. Il en discute avec son ami mais ne trouve pas de réponse satisfaisante.
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Le document raconte l'histoire d'un jeune garçon qui perd sa foi en Dieu après qu'un incendie ait tué les enfants de ses voisins. Cet événement tragique le pousse à remettre en question l'existence d'un Dieu bienveillant. Il en discute avec son ami mais ne trouve pas de réponse satisfaisante.
Le document raconte l'histoire d'un jeune garçon qui perd sa foi en Dieu après qu'un incendie ait tué les enfants de ses voisins. Cet événement tragique le pousse à remettre en question l'existence d'un Dieu bienveillant. Il en discute avec son ami mais ne trouve pas de réponse satisfaisante.
Le document raconte l'histoire d'un jeune garçon qui perd sa foi en Dieu après qu'un incendie ait tué les enfants de ses voisins. Cet événement tragique le pousse à remettre en question l'existence d'un Dieu bienveillant. Il en discute avec son ami mais ne trouve pas de réponse satisfaisante.
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VII
Ainsi se passaient les jours et les mois sans que rien ne
troublât notre amitié. Hors de notre cercle magique venaient des rumeurs de perturbations politiques, mais le foyer d’agitation en était éloigné : il se trouvait à Berlin, où, signalait-on, des conflits éclataient entre nazis et communistes. Stuttgart semblait aussi calme et raisonnable que jamais. De temps à autre, il est vrai, se produisaient des incidents mineurs. Des croix gammées faisaient leur apparition sur les murs, un citoyen juif était molesté, quelques communistes étaient rossés, mais, en général, la vie continuait comme à l’ordinaire. Les Höhenrestaurants, l’Opéra et les terrasses des cafés regorgeaient de monde. Il faisait chaud, les vignobles étaient chargés de grappes et les pommiers commençaient à ployer sous le poids des fruits mûrissants. Les gens s’entretenaient de l’endroit où ils iraient passer leurs vacances estivales, mes parents parlaient de la Suisse et Conrad me dit qu’il irait rejoindre ses parents en Sicile. Il n’y avait, semblait-il, aucun sujet d’inquiétude. La politique était l’affaire des adultes et nous avions nos propres problèmes à résoudre. Et celui que nous trouvions le plus urgent était d’apprendre à faire de la vie le meilleur usage possible, indépendamment de découvrir le but de la vie, si tant est qu’elle en eût un, et quelle serait la condition humaine dans cet effrayant et incommensurable cosmos. C’étaient là des questions d’une réelle et éternelle importance, beaucoup plus essentielles pour nous que l’existence de personnages aussi éphémères et ridicules que Hitler et Mussolini. Puis survint une chose qui nous bouleversa tous deux et eut sur moi une grande répercussion. Jusqu’alors, j’avais pris comme allant de soi l’existence d’un Dieu tout- puissant et bienveillant, créateur de l’univers. Mon père ne m’avait jamais parlé de religion, me laissant le libre choix de ma croyance. Je surpris un jour une conversation où il disait à ma mère qu’en dépit du manque de preuve contemporaine, il croyait qu’un Jésus historique avait existé, un Juif d’une grande douceur, d’une grande sagesse, qui enseignait la morale, un prophète comme Jérémie ou Ézéchiel, mais ne pouvait absolument pas comprendre que quiconque pût tenir ce Jésus pour le « Fils de Dieu ». Il trouvait blasphématoire et répugnante la conception d’un Dieu omnipotent capable de regarder passivement son fils subir cette atroce et lente mort sur la croix, un « père » divin, qui n’éprouverait même pas, comme un père humain, l’impulsion d’aller au secours de son enfant. Cependant, bien que mon père eût exprimé son incrédulité dans la divinité du Christ, je crois que ses conceptions étaient plus agnostiques qu’athées et que si j’avais voulu me faire chrétien, il ne s’y fût pas opposé, pas plus, d’ailleurs, que si j’avais voulu me faire bouddhiste. D’autre part, je suis à peu près sûr qu’il eût tenté de m’empêcher de devenir prêtre de n’importe quelle confession parce qu’il eût tenu la vie monastique et contemplative pour irrationnelle et gâchée. Quant à ma mère, elle paraissait se mouvoir, parfaitement satisfaite, dans une situation confuse. Elle allait à la synagogue le jour du Grand Pardon, mais chantait Stille Nacht, Heilige Nacht à la Noël. Elle donnait de l’argent aux juifs pour l’aide aux enfants juifs en Pologne et aux chrétiens pour la conversion des juifs au christianisme. Quand j’étais enfant, elle m’avait appris quelques simples prières dans lesquelles j’implorais Dieu de me venir en aide, d’être bon pour papa, maman et notre petit chat. Mais c’était à peu près tout. Comme mon père, elle semblait n’avoir besoin d’aucune religion, mais elle était active, bonne et généreuse, et convaincue que son fils suivrait l’exemple de ses parents. C’est ainsi que j’avais grandi parmi les juifs et les chrétiens, laissé à moi-même et à mes idées personnelles sur Dieu, sans croire absolument – ni douter sérieusement – qu’il existât un être supérieur et bienveillant, que notre monde était le centre de l’univers, et que nous étions, juifs et gentils, les enfants préférés de Dieu. Or, nos voisins, Herr et Frau Bauer, avaient deux filles âgées de quatre et sept ans et un garçon de douze ans. Je ne les connaissais que de vue – les enfants étaient trop jeunes pour que je pusse jouer avec eux – mais j’avais souvent observé, non sans envie, la façon dont parents et enfants s’ébattaient dans le jardin. Je me rappelais nettement comment le père poussait de plus en plus haut l’une des petites filles assise sur une balançoire, et comment la blancheur de sa robe et ses cheveux roux évoquaient une bougie allumée se mouvant avec rapidité entre les naissantes feuilles vert pâle des pommiers. Un soir, alors que les parents étaient sortis et que la servante était allée faire une course, la maison de bois se trouva soudain en flammes et l’embrasement fut si rapide que les enfants avaient été brûlés vifs avant l’arrivée des pompiers. Je ne vis pas l’incendie ni n’entendis les cris de la servante et de la mère. Je n’appris la nouvelle que le lendemain quand je vis les murs noircis, les poupées carbonisées, ainsi que les cordes roussies de la balançoire qui pendaient comme des serpents de l’arbre presque calciné. Cela m’ébranla comme rien ne l’avait fait auparavant. J’avais entendu parler de tremblements de terre qui avaient englouti des milliers de personnes, de coulées de lave brûlante qui avaient recouvert des villages entiers, d’océans où des îles s’étaient engouffrées. J’avais lu qu’un million d’âmes avaient été noyées par l’inondation du fleuve Jaune et deux millions par celle du Yang Tse- kiang. Je savais qu’un million de soldats étaient morts à Verdun. Mais ce n’étaient là que des abstractions, des chiffres, des statistiques, des informations. On ne peut souffrir pour un million d’êtres. Mais ces trois enfants, je les avais connus, je les avais vus de mes propres yeux, c’était tout à fait différent. Qu’avaient-ils fait, qu’avaient fait leurs pauvres parents pour mériter un tel sort ? Il me semblait qu’il n’y eût que cette alternative : ou bien aucun Dieu n’existait, ou bien il existait une déité, monstrueuse si elle était toute- puissante et vaine si elle ne l’était point. Une fois pour toutes, je rejetai toute croyance en un être supérieur et bienveillant. Je parlai de tout cela à mon ami en propos passionnés et désespérés. Quant à lui, élevé dans la stricte foi protestante, il refusa d’accepter ce qui me paraissait alors la seule conclusion logique possible : il n’existait pas de père divin ou, s’il existait, il ne se souciait pas de l’humanité et, par conséquent, était aussi inutile qu’un dieu païen. Conrad admit que ce qui était arrivé était terrible et qu’il n’en pouvait trouver aucune explication. Certainement, affirmait-il, il devait y avoir une réponse à cette question, mais nous étions encore trop jeunes et inexpérimentés pour la découvrir. De telles catastrophes survenaient depuis des millions d’années, des hommes plus avertis que nous et plus intelligents – des prêtres, des évêques, des saints – en avaient discuté et trouvé des explications. Nous devions accepter leur sagesse supérieure et nous montrer humblement soumis. Je rejetai farouchement tout cela, lui dis que peu m’importaient les dires de tous ces vieux fumistes, que rien, absolument rien, ne pouvait ni expliquer ni excuser cette mort de deux petites filles et d’un jeune garçon. « Ne les vois-tu pas brûler ? m’écriai-je avec désespoir. N’entends-tu pas leurs cris ? Et tu as l’aplomb de justifier la chose parce que tu n’es pas assez courageux pour vivre sans ton Dieu. De quelle utilité est pour toi ou pour moi un Dieu impuissant et cruel ? Un Dieu assis sur les nuages et tolérant la malaria, le choléra, la famine et la guerre ? » Conrad me dit que lui-même ne pouvait donner aucune explication rationnelle, mais interrogerait son pasteur à ce sujet et, quelques jours plus tard, il revint, rassuré. Ce que j’avais dit était le débordement d’un écolier dépourvu de maturité d’esprit et d’expérience. Le pasteur lui avait conseillé de ne pas écouter de tels blasphèmes et avait répondu pleinement et de façon satisfaisante à toutes ses questions. Mais soit que le pasteur ne se fût pas exprimé assez clairement, soit que Conrad n’eût pas compris l’explication, il ne put, en tout cas, me la préciser. Il dit un tas de choses à propos du mal et allégua qu’il était nécessaire si nous voulions apprécier le bien, tout comme il n’y avait pas de beauté sans laideur, mais il ne réussit pas à me convaincre et nos discussions n’aboutirent qu’à une impasse. Il se trouva que, juste à ce moment, je lisais pour la première fois des ouvrages sur les années-lumière, les nébuleuses, les galaxies, les soleils des milliers de fois plus grands que le nôtre, les millions et les milliards d’étoiles, les planètes des milliers de fois plus grandes que Mars, Vénus, Jupiter et Saturne. Et, pour la première fois, je me rendis nettement compte que je n’étais qu’une particule de poussière et que notre terre n’était qu’un caillou sur une plage parmi des millions de cailloux semblables. C’était apporter de l’eau à mon moulin. Ma conviction qu’il n’y avait pas de Dieu s’en trouva renforcée : comment lui eût-il été possible de prendre intérêt à ce qui se passait sur tant de corps célestes ? Et cette nouvelle découverte, alliée au choc que m’avait causé la mort des enfants, me conduisit, après un certain temps de complet désespoir, à une période de curiosité intense. Désormais, la question essentielle n’était plus de savoir ce qu’était la vie, mais de décider de ce qu’il fallait faire de cette vie sans valeur, et pourtant, en quelque sorte, d’un prix unique. Comment l’employer ? Pour quelle fin ? Seulement pour son propre bien ? Pour le bien de l’humanité ? Comment tirer le meilleur parti de cette mauvaise affaire ? Presque chaque jour, nous discutions à ce sujet, parcourant solennellement les rues de Stuttgart, levant souvent les yeux vers le ciel, vers Bételgeuse et Aldébaran, qui nous rendaient notre regard avec des yeux de serpent, étincelants, bleu azur, moqueurs, distants de millions d’années-lumière. Mais ce n’était là que l’un des sujets qui faisaient l’objet de nos débats. Il y avait aussi les intérêts profanes, qui paraissaient beaucoup plus importants que la certitude de l’extinction de notre planète, encore éloignée de millions d’années, et de notre propre mort, qui nous semblait plus éloignée encore. Il y avait notre intérêt commun pour les livres et la poésie, notre découverte de l’art, l’impact du postimpressionnisme et de l’expressionnisme, le théâtre, l’opéra. Et nous parlions des filles. Par comparaison avec l’état d’esprit de l’adolescence à notre époque, nos conceptions à cet égard étaient d’une incroyable naïveté. Pour nous, les filles étaient des êtres supérieurs d’une pureté fabuleuse qu’il ne fallait approcher que comme le faisaient les troubadours, avec une ferveur chevaleresque et une adoration distante. Je connaissais bien peu de filles. Chez nous, je voyais de temps à autre deux cousines, des adolescentes, de mornes créatures dépourvues de la moindre ressemblance avec Andromède ou Antigone. Je ne me souviens de l’une d’elles que parce qu’elle se bourrait continuellement de gâteau au chocolat et de l’autre que parce qu’elle semblait devenir muette dès que je paraissais. Conrad avait plus de chance. Au moins rencontrait-il des filles portant des noms captivants, telles Gröfin von Platow, baronne von Henkel Donnersmark, et même une Jeanne de Montmorency, qui, me l’avoua-t-il, lui était plus d’une fois apparue en rêve. Au lycée, on ne parlait guère des filles. C’était du moins notre impression à Conrad et à moi, bien qu’il eût pu se passer toutes sortes de choses à notre insu puisque tous deux, comme le Caviar, faisions la plupart du temps bande à part. Mais, jetant un regard en arrière, je crois encore que la plupart des garçons, même ceux qui se vantaient de leurs aventures, avaient plutôt peur des filles. Et il n’y avait pas encore la télévision pour introduire la sexualité au sein de la famille. Mais je n’ai pas l’intention de prôner les mérites d’une innocence telle que la nôtre, dont je ne parle ici que comme l’un des aspects de la vie que nous menions ensemble. Ce que je m’efforce de faire en rapportant nos principaux objets d’intérêt, nos peines, nos joies et nos problèmes, est de retrouver notre état d’esprit et essayer de le dépeindre. Nous tentions de résoudre seuls nos problèmes. Il ne nous venait jamais à l’esprit de consulter nos parents. Ils appartenaient, nous en étions convaincus, à un autre monde ; ils ne nous auraient pas compris ou se seraient refusés à nous prendre au sérieux. Nous ne parlions presque jamais d’eux ; ils nous semblaient aussi éloignés que les nébuleuses, trop adultes, trop confinés dans des conventions de toutes sortes. Conrad savait que mon père était médecin et je savais que le sien avait été ambassadeur en Turquie et au Brésil, mais nous n’étions pas curieux d’en connaître davantage et c’est peut-être ce qui explique pourquoi nous n’étions jamais allés l’un chez l’autre. Nombre de nos discussions avaient lieu en arpentant les rues, ou assis sur un banc, ou debout sous une porte cochère pour nous abriter de la pluie. Un jour, alors que nous étions arrêtés devant chez moi, je pensai soudain que Conrad n’avait jamais vu ma chambre, mes livres et mes collections, de sorte que je lui dis, sous l’impulsion du moment : « Pourquoi n’entrerais-tu pas ? » Ne s’attendant pas à mon invitation, il hésita une seconde, puis me suivit.