Crise de Succession Tunisie

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LA TUNISIE APRÈS VINGT ANS DE CRISE DE SUCCESSION

Clement Henry Moore

La Documentation française | « Maghreb - Machrek »

1988/2 N° 120 | pages 5 à 22


ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.120.0005
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Etudes

La Tunisie après vingt ans de· crise


de succession

Avec la situation nouvelle créée depuis le 7 novembre 1987, un démenti sera-


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t-il infligé à ceux qui prédisaient à la Tunisie un avenir d'instabilité? Selon une
étude américaine faite pour la GIA avant la chute de Marcos, la Tunisie aurait
été, avec les Philippines, le pays qui courait le plus grand risque d'un
effondrement après la disparition du leader (1}. Ce risque était même encore
plus grand pour la Tunisie : il était proportionnel, en effet, à en croire ces
experts, à la longévité du leader (H. Bourguiba n'a été surpassé dans ce
domaine que par le roi de Jordanie et le président du Paraguay), aux signes
d'instabilité constatés dès avant sa disparition, et à la complexité et à l'autonomie
des mécanismes sociaux. Le système politique tunisien n'était-il pas trop réduit,
en effet - " Système? Quel système? C'est moi le système! ,, disait
Bourguiba - pour une société dont les structures se sont compliquées , depuis
l'indépendance, parallèlement à une croissance économique incontestable.
Il est vrai que la succession s'est faite pratiquement sans heurts, avec l'accord
presque unanime de l'élite politique : les sept médecins mobilisés pour affirmer
que la santé du Combattant Suprême ne lui permettait plus d'assumer ses
responsabilités constitutionnelles, à partir du 7 novembre 1987, n'ont fait que
traduire ce consensus. Le nouveau Président, Zein ei-Abidine Ben Ali, bénéficie
donc toujours d'un •• état de grâce, en dépit de son •• coup d'Etat , pacifique,
tant est grand le soulagement des responsables du régime bourguibien, comme
de ses opposants. S'il ne peut prétendre ni à la légitimité historique de son
prédécesseur ni même à une expérience politique, mis à part son service dans
les renseignements militaires puis au ministère de l'Intérieur, il jouit de la
légalité constitutionnelle et d'un consensus provisoire en faveur d'une véritable
démocratie constitutionnelle qui garantirait le pluralisme politique. Mais on peut
se demander si, après une période d'expectative, la Tunisie ne va pas se
retrouver dans des conditions d'instabilité politique.
Depuis une bonne vingtaine d'années, la succession est vécue par anticipation,
dans une atmosphère de profond malaise politique (2). Pendant ce temps, il
est vrai que le pouvoir s'est affaibli, tandis que les intérêts économiques
devenaient plus complexes et plus difficiles à satisfaire. Finalement libérée de
l'emprise du pouvoir personnel, la Tunisie connaît toujours une crise de
régulation : pour se renforcer, l'Etat essaye actuellement de réduire son emprise
sur la société civile. Mais dégagement ne veut pas dire éclatement. Si faible
que soit la Tunisie comparée à ses voisins , elle n'est pas un autre Liban,
théâtre d'interventions étrangères ou de profondes mutations culturelles - quoi
qu'en disent des journalistes prompts à agiter l'épouvantail libyen, ou le danger-
6 ËTUDES

islamiste (3) . Si une certaine élite occidentalisée exprime sa peur des


déchirements culturels, il ne faut pas oublier que le nationalisme tunisien est
un acqu is historique, acquis culturel aussi bien que politique.
Le dégagement progressif de l'Etat des affaires économiques pourrait par
contre aider le système politique à faire face à l'après-bourguibisme. La
transition actuelle ne fait qu 'accélérer ce processus entamé en 1986. S'il aboutit
à une certaine simplification des structures administratives - et à une
réactivation des structures politiques - les analyses pessimistes des services
américains pourraient être révisées, sans que soient pour autant négligés les
effets négatifs du bourguibisme.

Les apparences du pouvoir personnel


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Depuis vingt ans, les mêmes histoires de sérail se répétaient autour du
président; seuls les personnages secondaires changeaient. Bourguiba ne
"travaillait,, à la fin de son règne qu'une ou deux heures par jour, mais il
continuait à appliquer les règles du pouvoir personnel que l'un de ses ex-
partisans avait si bien décrites en 1961 (4). Il brisait les clans avant que leurs
alliances ne constituent des bases de pouvoir réelles qui auraient pu le gêner.
Jamais, depuis que l'ancien secrétaire général Salah ben Youssef l'avait défié,
en 1955, il n'a laissé se développer des centres de pouvoir autonomes. Quand
l'échiquier politique devenait trop compliqué, il savait redistribuer les cartes et
consolider son autorité, comme en 1955-57, en 1969-72, et en 1985-86. La
deuxième phase de ce jeu lui ayant procuré la présidence à vie, en 1974,
Bourguiba s'est borné, en 1986, à éliminer les pôles de pouvoir constitués par
sa femme (dont il a divorcé) et par son Premier ministre Mohammed Mzali
(qu'il a remplacé par Rachid Star, un bon technocrate) . Le pouvoir personnel
ne pouvait être contesté qu 'au prix d'un parricide qui aurait été aussi une sorte
de suicide collectif, tant le personnage historique était - et restera sans doute
toujours - respecté comme père-fondateur de la Nation.
D'après certains observateurs, M. Mzali aurait lui aussi tenté, avant sa chute,
de mobiliser les médecins contre Bourguiba. Si son successeur a eu cette fois-
ci plus de chance, c'est que Bourguiba aurait admis, selon les nouveaux
responsables, que " peut-être [il aurait] déjà dû céder le pouvoir, (5) . La
personne du Combattant Suprême paraît bien, désormais, hors de combat,
mais n'a-t-il pas légué un système politique lui-même sclérosé, et alourdi d'une
bureaucratie difficile à réformer?
Certes, malgré la continuité du pouvoir personnel, même Bourguiba ne pouvait
plus mobiliser le peuple dans un projet national. N'était-i l pas symptomatique
que ses anciens discours mobilisateurs fussent repris à la télévision chaque
soir dans la rubrique " Les directives présidentielles "• comme pour orienter le
journal qui suivait? De la légitimité basée sur les succès historiques il ne restait
plus que le rappel de ces hauts faits, pour un auditoire dont la grande majorité
n'était pas encore née au moment de l'indépendance (le 20 mars 1956). Le
Combattant Suprême était devenu, dans son palais, semblable au bey qu'il
avait déposé en 1957, un bey astucieux - car il savait opposer ses favoris
les uns aux autres -, mais bey tout de même, car il ne pouvait désormais
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que réagir aux changement sociaux et économiques, sans plus prétendre les
provoquer.
De nombreux observateurs de la Tunisie sont donc inquiets de l'avenir d'une
société qui souffre, comme nous allons le voir, de crises multiples. Mais une
bonne partie de ces inquiétudes ne sont que les reflets d'une propagande
bourguibienne trop bien assimilée. Bourguiba a bien tenté de réorienter son
mouvement national vers des objectifs économiques et sociaux, mais il n'a
jamais pu mobiliser les énergies de son pays pour la lutte contre le sous-
développement comme il l'a fait pour la lutte contre le colonialisme . Les
campagnes oratoires des années 1958-69 montraient un leader en pleine force ,
un remarquable pédagogue. Mais le socialisme destourien· a laissé peu de
traces structurelles, à part les services sociaux et certaines rigidités de gestion.
En 1969, sous la pression des intérêts privés de son propre parti, Bourguiba,
alors malade, a renoncé à sa tentative de prendre en mains l'ensemble de la
gestion agricole. Bien que son ministre, Ahmed Ben Salah, ait servi alors de
bouc-émissaire, l'exercice était peu convaincant et le président a dû recourir
au soutien des libéraux. Il s'est ensuite servi des syndicalistes pour équilibrer
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les libéraux, et finalement d'autres clans pour se débarrasser de ces centres
de pouvoir devenus presque autonomes. Il n'a jamais admis que les échecs
les plus graves des années 1962-69 pouvaient être ceux de sa propre
mégalomanie.
Si finalement, cependant, Bourguiba a renoncé à conduire les changements
sociaux, il y a à cela des explications plus structurelles que personnelles : ni
les élites ni les masses organisées au sein du parti unique n'étaient prêtes à
perpétuer l'engagement collectif indispensable à l'étatisme, et la Tunisie a donc
évité certaines erreurs qui compliquent les choix de ses voisins, héritiers de
politiques plus prométhéennes de construction nationale. Sur le plan politique,
Bourguiba ne pouvait plus prétendre à une légitimité basée sur un " socialisme
destourien , ou un projet d'avenir, et il est peu probable que ses successeurs
puissent réanimer de tels projets. Donc la légitimation ne peut plus s'opérer
que par le biais du constitutionnalisme, c'est-à-dire par des procédures de prise
de décision et non pas par un contenu idéologique. Mais on peut aussi se
demander si l'héritage politique de Bourguiba, qui a mis toute l'élite (y compris
les exilés) à sa disposition personnelle, a laissé suffisamment d'espace pour
que se développent les capacités politiques de cette élite.

La crise de régulation

S'il est vrai que la société civile est devenue trop complexe pour être gérée
par un pouvoir personnel, la plupart des intérêts de cette société se retrouvent
au sein de l'Etat. Le nouveau plan de redressement économique n'est pas en
contradiction avec une stratégie de restructuration de l'Etat. Les réformateurs
économiques ont beau justifier leur action par la volonté de pallier le manque
de ressources, la perspective politique est déterminante : pour renforcer l'Etat,
il faut le libérer du poids des affaires économiques - du poids des " sales
affaires "• comme disait le directeur du parti, Hedi Baccouche, quelques mois
avant de devenir le Premier ministre et, selon certains, la tête politique du
président Ben Ali. Originaire comme lui du village de Hammam-Sousse (6),
8 ËTUDES

ancien membre de l'équipe de Ben Salah, Baccouche fut aussi le conseiller


de Hedi Nouira, mais il est le seul responsable, dans sa génération politique,
qui ait gardé une certaine indépendance, n'ayant jamais fait parti de l'entourage
intime du président Bourguiba.
Le dégagement de l'Etat n'est pourtant pas une opération simple, car les
raisons qui ont conduit à l'étatisation de l'économie n'ont pas changé : manque
de dynamisme du secteur privé et, en fin de compte, faiblesse de la « société
civile , en tant que société bourgeoise favorisée par une bourgeoisie productive
autonome (7). Depuis la fin de l'expérience Ben Salah, les autorités ont certes
encouragé les entreprises privées, et même la privatisation de certaines
entreprises publiques, mais toujours dans le cadre d'une planification autoritaire
des prix et des marchés. Tout le monde restait tributaire, tant sur le plan
économique que politique, d'un Etat-Providence : il n'est pas surprenant dans
ces conditions que cet Etat soit rongé par les clans et par les pratiques de
clientélisme, étant donné l'impuissance des entreprises et le manque de
structures politiques autonomes. Même les intérêts des catégories stratégiques,
telles que les ouvriers syndiqués, ne s'expriment qu 'en fonction des clans et
clientèles, et non par des organisations autonomes.
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Les lacunes dans l'organisation des intérêts laissent le champ libre à l'expression
des passions collectives, mais, par ailleurs, elles permettent à l'Etat- même
affaibli - de conserver une certaine autonomie d'action. Pour résoudre son
problème de régulation, l'Etat doit négocier le transfert de ses responsabilités
en matière de prix et de marchés aux entreprises, sans perdre la confiance ni
de ses cadres ni des sources de financement internationales. Mais, dans une
société civile faible , il se présente peu d'interlocuteurs valables.

Le plan de redressement économique

Le programme mis en œuvre le 19 août 1986, mais élaboré en grande partie


avant le départ de Mzali en juillet (et repris dans le plan quinquennal 1987-
1991 , présenté en juillet 1987) suit toutes les leçons du FMI, à court terme, et
de la BIRD, à moyen terme. Au lieu de négocier interminablement dans les
réunions du Club de Paris, comme le font certains pays voisins, la Tunisie a
pris ses propres responsabilités . Pour les banquiers occidentaux, elle redevient
un pays pilote dont la gestion économique manifeste une prudence exemplaire.
Elle en avait déjà été récompensée avant la succession : des pays et des
banques s'étaient suffisamment engagés pour combler, à 100 millions de dollars
près, le déficit extérieur prévu pour 1987. Depuis le 7 novembre, les banquiers
privés regardent la Tunisie d'un œil moins sceptique, et elle pourra encore
combler les déficits de 1988 par des émissions sur les euromarchés (8).
Le plan de redressement répond à trois problèmes : 1) un problème immédiat,
celui du déficit du compte courant de la balance des paiements (plus de
750 millions de dollars en 1986, et 700 millions de dollars prévus pour 1987 et
pour 1988), résultat de la chute des prix du pétrole, aggravé en 1986 par la
diminution des recettes touristiques (qui ont remonté en 1987), une mauvaise
récolte, et la baisse des transferts des travailleurs tunisiens à l'étranger; 2) le
déclin progressif des exportations d'hydrocarbures ; 3) un niveau trop élevé de
sous-emploi et de chômage, officiellement évalué à 13,8 % de la population
active - âgée de 18 à 59 ans - mais qui touche, pour moitié, des jeunes à
la recherche de leur premier emploi.
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Pour faire face à ces problèmes le plan préconise :


-le retour à une stratégie de développement stimulée par les exportations,
ce qui implique une modification fondamentale de la politique industrielle et une
dévaluation appropriée du dinar tunisien (de 10 % le 19 août 1986);
-une meilleure efficacité dans l'utilisation et l'affectation des ressources, grâce
à des mesures de libération - des prix, des allocations de crédits, des taux
d'intérêt, des investissements, des importations -, mais aussi grâce à la
diminution des subventions et des crédits, et à la rationalisation de la fiscalité;
-une utilisation accrue de la main-d'œuvre, par des encouragements aux
petites et moyennes entreprises dans des secteurs de forte utilisation de main-
d'œuvre où les investissements sont relativement peu coûteux (9).
C'est surtout le second ensemble de mesures qui pourrait résoudre la crise de
régulation en permettant à l'Etat de se dégager de façon décisive du contrôle
quotidien de l'économie. Examinons donc leurs perspectives d'application.
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Les perspectives d'application
des réformes de structure

Si toutes les mesures préconisées étaient appliquées, la Tunisie aurait une


économie parfaitement libérale et ouverte sur le plan du commerce international.
Il est en effet prévu que les importations de biens d'équipement, matières
premières et semi-produits soient libérées dès 1988, le reste devant l'être avant
1991, et que les droits de douane sur les importations aient baissé en moyenne
de 25 % en 1991 (1 0). Comme la balance des paiements ne pourrait pas
supporter les lourdes charges des importations sans un essor des industries
orientées vers l'exportation, il s'agit surtout d 'améliorer le système de l'allocation
des crédits pour encourager ces dernières. Le plan de redressement implique
donc en priorité la réforme du système bancaire.
Des propos tenus par l'ex-ministre du Plan et des Finances, 1. Khelil, renforcent
cette interprétation : il avait, en avril 1987, au cours d'un séminaire sur la
privatisation, dévoilé la stratégie tunisienne de dégagement par étapes : « Il
faut parler plutôt de restructuration que de privatisation. Car il est nécessaire,
dans une première étape, de passer par une phase intermédiaire, un relais
nécessaire, bancaire par exemple, pour réussir le désengagement de l'Etat des
entreprises publiques. Ce n'est que dans une deuxième phase que l'intervention
proprement dite du secteur privé est envisageable , (11) .
Le même ministre est actuellement gouverneur de la Banque centrale. Au lieu
de s'étonner de cette nomination, comme l'ont fait la plupart des journalistes,
l'interprétant comme une mise à l'écart de l'architecte du plan de redressement
(12), on peut l'expliquer plutôt comme une promotion de la Banque centrale
vis-à-vis des ministères. Avant de privatiser, il faut avoir un produit vendable.
Il s'agit ici évidemment d'une étape préliminaire où l'on fait appel aux banques,
qui bénéficient d'une certaine autonomie de gestion, pour qu'elles se disciplinent
et qu'elles mettent de l'ordre dans les bilans des entreprises défaillantes. Dans
une première étape, le désengagement de l'Etat peut donc amener les banques,
dont la plupart sont étatisées, à s'opposer aux ministères de tutelle des sociétés
nationales.
En effet, la mise en œuvre des réformes de structures a commencé par la
•• libération , des taux d'intérêt des banques. A partir du 1•• janvier 1987, les
banques ont eu le droit de décider, dans certaines limites, des taux à offrir à
10 ËTUDES

leurs déposants et des taux à demander à leurs débiteurs. Mais, pour éviter
une concurrence ruineuse dans la recherche de déposants, elles se sont vite
mises d'accord sur les taux à offrir, tandis que les taux maxima pour les crédits
restaient faibles par rapport à l'inflation.
En même temps que l'on accordait aux banques privées et publiques la liberté
de déterminer leurs taux d'intérêt et leur politique de crédit, la Banque centrale
les a obligées à comprimer les crédits globaux en leur laissant le choix des
clients à sacrifier. Si les banques ont pu négocier leur " gentlemen 's agreement ••
de janvier, il leur sera plus difficile de maintenir leur cohésion face aux dilemmes
de leurs débiteurs. La réduction des taux d'intérêt décidée le 22 octobre 1987
-pour encourager les nouveaux investissements privés- ne peut qu 'aggraver
le dilemme. Un directeur de banque peut-il vraiment dire non au promoteur
d'un projet défaillant qu 'il a naguère soutenu? Surtout lorsque le directeur et
l'entrepreneur sont pour la plupart d'anciens cadres du parti-Etat, bénéficiaires
, des projets de l'Etat, clés-en-mains, marchés-en-mains, sinon bénéfices-en-
mains?
Il est peut-être significatif que le même directeur de banque qui avait favorisé
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l'entente à l'amiable sur les taux d'intérêt nous ait répondu que la décision
d'accorder ou non des crédits aux entreprises publiques défaillantes était du
ressort des autorités politiques et non bancaires. Mais, depuis la retraite de
Bourguiba, ce banqu ier du secteur public a été muté dans une autre banque
moins importante. L'équipe actuelle semble disposée à tenir les engagements
pris en 1986 par l'ex-Premier ministre Rachid Sfar (lui-même nommé président
de l'Assemblée nationale) : ,, le gouvernement est déterminé à faire de 1987
une année décisive pour l'achèvement des réformes radicales afin de redresser
la situation de ces entreprises [publiques] "· Non seulement elles ne peuvent
plus bénéficier de subventions accrues (vu les conditions du FMI) mais ,, elles
ne pourront pas, non plus, escompter de financements bancaires dépassant le
seuil déjà atteint à l'heure actuelle " (13) .
Si les grandes banques d'Etat comme la Société tunisienne de banque (STB)
et la Banque nationale de Tunisie (BNT) - qui, à elles seules, détiennent la
moitié des marchés bancaires commerciaux - semblent peu prêtes à exercer
des pressions décisives sur les sociétés nationales, certains changements au
sein du système bancaire peuvent, au fur et à mesure, introduire les contraintes
souhaitées par le gouvernement. Bien que la plupart des banques commerciales
soient mixtes sur le plan du capital , et étatiques sur le plan de la gestion, il
existe trois banques ,, authentiquement privées "• d'après le Financial Times,
aussi bien sur le plan de la gestion que sur celui des capitaux.
Il s'agit surtout de la Banque Internationale Arabe de Tunisie, créée en 1976
par ,, l'association entre des initiatives et des capitaux tunisiens principalement
du secteur privé, et des efforts d'institutions financières arabes et internationa-
les " (14). Elle a réussi à obtenir 12,7 % des dépôts et 11 ,5 % des crédits du
système bancaire en 1985. Bien que cette croissance fulgurante se soit faite
au prix d'une sous-capitalisation par rapport aux autres banques privées, son
portefeuille, assez bien approvisionné, n'est probablement pas plus vulnérable
que ceux des banques étatiques. La question est de savoir si cette banque,
qui a pourtant accepté les mots d'ordre du cartel concernant les taux d'intérêt
pour les déposants, se plierait avec les autres banques aux demandes des
sociétés défaillantes.
Bien que ses directeurs - Mansour Moalla en est le Président-directeur général
- fassent ·partie de l'élite politico-administrative, il se peut que cette banque
garde une autonomie d'action réelle . Déjà, en 1985, alors qu 'elle traversait une
crise de liquidités, elle a pris des '' mesures draconiennes ... à la faveur d'une
LA TUNISIE APRÈS VINGT ANS DE CRISE DE SUCCESSION 11

meilleure maîtrise des crédits "• qui, probablement, ont frappé les débits d'une
grande entreprise publique signalés en 1984 (15}. Par le biais de telles
opérations, le système bancaire peut appliquer les réformes de 1987 d'une
façon sélective.
Mais l'on peut aussi se demander, quand les banques renvoient le problème
au gouvernement, si le système politique peut appliquer des mesures d'austérité
lorsque sa clientèle commence à en ressentir les conséquences. Il ne serait
pas réaliste d'attendre un coup de balai "thatcheriste, en Tunisie. En ce qui
concerne les crédits, la compression au niveau de la croissance du PIB n'est
prévue que pour 18 mois, jusqu'en février 1988. Les autres mesures de
rationalisation peuvent aussi poser des problèmes. En 1983, les entrepreneurs
ont pu bloquer une réforme de la fiscalité en obtenant le remplacement du
ministre des Finances (Mansour Moalla), critiqué par les commerçants de
l'Union tunisienne pour l'Industrie, le Commerce, et l'Artisanat (UTICA) pour
des mesures trop originales : il exigeait, par exemple, que toute facture
supérieure à 5000 DT soit payée par chèque bancaire, de manière à contrôler
les transactions.
On peut néanmoins s'attendre à un grignotage progressif des sociétés
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défaillantes de la part du système bancaire. Car, chaque année, la Tunisie est
obligée de rechercher de nouveaux crédits à l'extérieur pour faire face à son
endettement international, et la contrepartie en est le resserrement du crédit
dans le pays. Soutenue par des capitaux externes, la BlAT peut aussi
encourager les autres banques mixtes à adopter les méthodes de gestion du
secteur privé. Les réformes de " restructuration , avaient déjà cuffisamment
satisfait la communauté internationale pour permettre à la Tunisie de préparer,
au cours de l'automne de 1987, de nouvelles demandes de prêts concessionnels.

La hantise des troubles sociaux

Si la politique financière vise à contenir l'inflation par la compression des


crédits, la politique des prix peut faire monter le coût de la vie, déjà insupportable
pour beaucoup de Tunisiens, bien que moins élevé que chez les .voisins. La
politique des prix, comme celle des crédits, est discrète. Les subventions aux
produits de base devraient être allégées "d'une manière progressive qui ne
pénalise pas les citoyens, surtout les plus démunis d'entre eux "• et les deux-
tiers des prix des produits manufacturés devraient être libérés avant août 1988,
les autres l'étant d'ici à 1991 (16}.
Pourtant ces " tactiques du salami , rompent avec la politique des prix pratiquée
avant les accords avec le FMI. Comme l'économiste Hassine Dimassi l'explique,
il y avait, au début des années 80, trois options pour faire face au renchérisse-
ment des prix, des biens de consommation aussi bien à l'importation qu'à la
production : soit libérer les prix et augmenter les salaires, au détriment des
exportations, soit libérer les prix tout en bloquant les salaires, avec les
conséquences sociales qui risqueraient d'en découler, soit comprimer artificielle-
ment les prix et contenir la hausse des salaires (17). Le contexte international,
notamment les pressions du FMI et de la BIRD, ne laisse plus d'espace pour
cette troisième option, suivie par le gouvernement Mzali.
De nouveaux troubles sociaux pourraient éclater si le plan de redressement ne
pénalise que les ouvriers, dont les salaires sont bloqués depuis les hausses
trop généreuses de 1982-83, et les chômeurs, y compris ceux qui perdront leur
travail par suite de la recherche d'une meilleure rentabilité pour les entreprises
12 ÉTUDES

défaillantes. Le chômage augmentera inévitablement, d'après les prévisions du


plan : il pourrait atteindre un taux de 30 % pour les nouveaux demandeurs
d'emploi en 1987-91 (au lieu de 50% si les réformes de structures macro-
économiques n'étaient pas appliquées).
Les acteurs politiques ainsi que les observateurs occidentaux ont cependant
toujours en mémoire les événements de janvier 1984, provoqués par la hausse
du prix du pain, quand les masses ont manifesté une véritable haine de classe
contre le régime et les classes moyennes, aussi bien que contre une certaine
haute bourgeoisie. On avait même lapidé le cortège du président Bourguiba
qui préparait le cinquantième anniversaire de la naissance du parti néo-
destourien. Ces troubles ont donc été le signe, comme l'a dit le nouveau
Premier ministre, non seulement d'une crise de gouvernement, mais aussi
d'une crise de société et d'une crise du Parti.
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Le renouvellement du parti destourien (*)

La question est de savoir si ce vieux parti peut encore orienter le pays vers
un véritable constitutionnalisme (destour signifie en arabe " constitution ••) et
canaliser le ressentiment croissant des masses, dans une société devenue plus
complexe et différenciée depuis l'indépendance. Aujourd'hui, il regroupe plus
d'un million de membres (sur une population de 7,3 millions) dans 4404 cellules,
d'après les statistiques officielles du parti (voir tableaux 1 et 2). Pourtant ses
responsables admettaient, avant la retraite de Bourguiba, que l'esprit de lutte
destourien s'est affaibli, que l'adhésion est en grande partie formelle, qu 'il y a
peu de discipline, et que les militants qui ne sont pas élus dans les cellules et
autres instances du parti réagissent « subjectivement •• à la façon de groupes
de pression, •• ne sachant ni quel est leur rôle ni comment défendre les options
politiques ••.
En fait, le parti n'avait en face de lui depuis vingt ans aucune véritable opposition
interne ou externe contre laquelle il eût pu exercer sa capacité de mobilisation.
La situation s'était aggravée depuis l'élimination des libéraux, comme Ahmed
Mestiri, en 1973. Si l'on a reconnu certains petits partis d'opposition en 1983,
ces tentatives de libéralisation politique n'étaient que formelles. Les dernières
élections nationales de novembre 1986 ont été marquées par des abstentions
massives, au moins à Tunis, où les observateurs ont constaté une fraude
flagrante sur les taux de participation. En décembre 1987, encore, le Mouvement
des démocrates socialistes (MOS) de Mestiri refusait de participer à des élections
partielles à l'Assemblée nationale pour remplacer le nouveau gouverneur de
la Banque centrale et trois collaborateurs trop proches de l'ex-président.
Le MDS se plaignait en 1986 de l'absence de garanties pour un déroulement
démocratique des élections et des conditions normales d'activité des partis.
Jusqu 'en novembre 1987, les journaux de l'opposition légale étaient souvent

(") Les 26 et 27 février 1988, le Comité central s'est réuni à Tunis en session extraordinaire. Il a pris connaissance
de quatre rapports établis par des commissions à la lumière de consullations à tous les échelons. effectuées depuis
décembre. et portant sur la réforme de la Charte du Parti. son programme. la place à accorder à la jeunesse, les
structures de l'organisation. Il a été décidé de changer la dénomination du parti qui s'appellera désormais le
Rassemblement constitutionnel (destourien) démocratique (RCD). Les décisions du Comité central seront soumises à
un Congrès extraordinaire, qui devrait se réunir en juillet. NDLR.
LA TUNISIE APRËS VINGT ANS DE CRISE DE SUCCESSION 13

saisis à la dernière minute, aux frais de leurs éditeurs. Les entreprises avaient
peur de faire leur publicité dans les journaux d'opposition. Les conditions
matérielles étaient bien plus difficiles pour l'opposition en Tunisie qu'au Maroc,
où la monarchie finance son opposition " loyale" · Ce n'est qu'en mars 1988
que le gouvernement tunisien a commencé à subventionner les fournitures de
papier pour quelques journaux d'opposition.
Bourguiba a-t-il laissé un vide politique, du fait qu'il a toujours insisté pour que
la nation soit «un monument sans failles ••, donc sans opposition efficace, ni
au sein du parti régnant ni en dehors de lui? Au dernier congrès du Néo-
Destour {19-21 juin 1986), il avait nommé non seulement son Bureau politique
mais aussi, pour la première fois, son Comité central. Pourtant il n'a fait
qu 'ajouter une dizaine de femmes à une liste déjà élaborée par la direction du
parti en consultation avec les cadres. Le nouveau Président a pu remanier,
sans heurts, le Bureau politique : sur les douze nouveaux membres, quatre
seulement appartenaient déjà à l'ancienne équipe de dix-huit. La direction du
parti a peu changé depuis 1984. Se rendant compte peut-être qu 'elle risquait
de constituer un clan trop puissant, Bourguiba avait limogé le directeur, Hedi
Baccouche, en mai 1987, mais de nouvelles structures étaient déjà en place.
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Car en dépit du pouvoir personnel exercé par le chef de l'Etat, la direction du
PSD avait tenté systématiquement de renouveler le parti depuis les événements
de janvier 1984. Puisqu'on ne pouvait pas réformer les instances supérieures,
c'était au niveau des cellules, des comités de coordination , et des nouvelles
" dairas " - canaux de transmission entre les cellules et les comités de
coordination - que la direction avait essayé d'adapter les rouages du parti
aux nouvelles exigences économiques et aux défis sociaux. Les tableaux
donnés en annexe indiquent certains des résultats obtenus.
L'analyse globale de l'évolution des adhérents et des cellules depuis 1981 ne
montre pas de changements significatifs (voir les tableaux à la suite de l'étude).
Tunis et sa banlieue restent toujours sous-encadrés par rapport aux moyennes
nationales; on constate, par exemple, qu'à Tunis, en 1986, il n'y avait (tabl. 1)
que 112 destouriens pour 1000 personnes (moyenne nationale : 142), et (tabl. 2)
33 cellules pour 100000 habitants (moyenne: 61). Bien avant les émeutes
de janvier 1984, les responsables du parti ont surtout visé le Centre et le Sud
du pays. Les taux officiels d'adhésion et d'encadrement les plus élevés se
trouvent à Sidi Bou Zid et à Tataouine. Mais, dans certaines régions près de
la Libye, le parti manque de cadres. Malgré les adhésions massives à Kebili
et à Mednine, par exemple, il y a plus de 350 adhérents en moyenne par
cellule, alors que la moyenne nationale n'est que 233 (mais 335 à Tunis)
(tabl. 3).
Les changements intéressants depuis 1984, quand Baccouche a pris la direction
du parti, concernent surtout les cellules professionnelles. Depuis la liquidation
politique de l'équipe de Habib Achour au sein de l'Union générale tunisienne
du Travail (UGTT), le régime n'a plus de véritable soupape de sûreté dans le
monde ouvrier. En libérant Habib Achour et en réintégrant certains de ses
partisans dans leurs fonctions, le régime tente actuellement de ranimer la
centrale syndicale. Mais il faut aussi admettre que I'UGTT, en tant qu 'élément
de la société civile, a toujours reflété ses faiblesses. Déjà en 1965 (sinon en
1956), «elle est devenue non pas le défenseur des intérêts de ses adhérents
auprès du pouvoir, mais le défenseur de celui-ci auprès de ses adhérents ,
(18). Et malgré une perception peut-être optimiste de l'autonomisation du
syndicat dans les années 70, Michel Camau observe aussi " l'interpénétration
du groupe dirigeant de I'UGTT et de celui de l'Etat , en 1983 {19). L'UGTT
d'Achour aussi bien que les autres formations syndicales ont été prises au
14 ËTUDES

dépourvu, comme toutes les autres ,, corporations •• fictives de l'Etat, par les
événements de janvier 1984. Bien que I'UGTI se soit réunifiée officiellement
en janvier 1987 - sans Achour -, elle a peu de rayonnement, et le plan de
redressement ne laisse guère de place pour un syndicalisme revendicatif.
Le PSD répond donc, comme dans les années 1960 - quand il fallait aussi
discipliner I'UGTI pour appliquer un plan - en multipliant les cellules
professionnelles, surtout dans le Sud d'où est montée la colère du peuple
en janvier 1984. Elles sont aujourd'hui au nombre de 804, ayant presque doublé
depuis décembre 1981. Le tableau 4 indique les taux de croissance annuels
des cellules professionnelles. Le taux moyen (6,4 % en 1981-83) est arrivé
jusqu'à 18,5% après l'explosion de 1984 et le changement de direction du
parti. Le phénomène est sensible surtout dans les régions minières du Sud,
mais aussi dans les régions déshéritées du Centre (Siliana, Kasserine et Sidi
Bou Zid) , et à Beja, Mahdia et Kairouan.
On peut cependant constater (tabl. 5) que les taux d'adhésion n'ont pas
augmenté aussi vite que le nombre des cellules professionnelles, qui ont donc
moins de membres, et un meilleur encadrement (tabl. 6). Ce n'est pas à coup
de statistiques que l'on résout les difficultés nées du désenchantement, de
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l'apathie au sein du parti, de sa perte de légitimité à Tunis et dans les
milieux intellectuels, mais on peut cependant émettre l'hypothèse que son
renouvellement, par le biais de ces cellules professionnelles, pourrait aider à
faire face aux dangers de la propagande libyenne - écoutée dans 'les
gouvernorats du Sud - , et à la montée de l'islamisme radical (20). S'il est
vrai que les relations avec la Libye s'améliorent progressivement, une question
se pose toujours au part1 : comment démobiliser l'islamisme?

L'islamisme radical face au bourguibisme

Le Mouvement de la tendance islamique (MTI) a amené le Parti communiste


tunisien et le Mouvement des démocrates sociaux d'Ahmed Mestiri à reconnaître
que la crise politique et économique en Tunisie était en même temps << une
crise de civilisation , (21 ). En effet, comme Susan Waltz nous l'explique,
l'islamisme tunisien répond plus au sentiment d'une aliénation psycho-sociale
qu 'à la recherche d'intérêts politiques ou économiques (22). Pourtant l'islamisme
peut très bien invoquer ces derniers, en l'absence d'autres représentants
d'intérêts concrets, ainsi que le faisait remarquer un communiste tunisien lors
de la grève générale de 1978 (23) . Mais le MTI est surtout un mouvement de
jeunes universitaires et de lycéens - les fractions les plus sensibles aux
phénomènes psycho-sociaux - bien que l'on ait repéré aussi une autre
tendance d'islamistes (non-MTI) au sein même de l'armée.
Ces radicaux ont une assise importante en milieu étudiant, traditionnellement
contestataire depuis 1966. L'on peut douter cependant qu 'ils puissent gagner
sur ce terrain culturel occidentalisé des soutiens idéologiques durables. Ceux
qui déclarent : ,, Nous avons retrouvé notre indépendance mais pas notre
identité , (24) , oublient leur propre discours d'émancipation coloniale, que les
options bourguibiennes, en ce qui concerne l'enseignement, la culture bilingue,
et la vocation méditerranéenne et occidentale de la Tunisie, n'ont fait que
LA TUNISIE APRÈS VINGT ANS DE CRISE DE SUCCESSION 15

mettre en pratique. Le leader islamiste, Mohammed Ghannouchi, comme le


faisait naguère Khéreddine, le grand réformateur ottoman, créateur du collège
Sadiki, s'exprime plutôt dans une optique tunisienne de synthèse entre l'islam
et la raison. Si une démographie en forte progression peut expliquer un certain
" recul du modernisme ,, dans l'éducation des masses, il est difficile d'imaginer
une nouvelle hégémonie islamiste en Tunisie (25). La peur ressentie par les
élites renforce plutôt la demande d'une formation en français, pour rattraper
les retards imputés par certains responsables à la politique d'arabisation menée
par M. Mzali. Mais la rhétorique islamiste serait-elle capable de mieux canaliser
les revendications sociales que le parti destourien?
Si Bourguiba et l'histoire de la lutte nationale sont progressivement désacralisés,
le parti garde toujours des atouts considérables pour déjouer les tentatives de
lier les revendications sociales à l'islam. S'il ne mobilise plus, depuis vingt ans,
il peut cependant toujours bloquer les tentatives des intellectuels pour tisser
d'autres liens avec le pays réel. Dans les lycées, le parti réanime la Jeunesse
scolaire, abandonnée en 1981, de manière à dépolitiser ces milieux - tactique
qui avait laissé le terrain libre aux autres tendances. Ailleurs , le parti reste
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toujours le reflet sociologique des villages sinon des faubourgs surpeuplés de
Tunis. Il organise des réunions et des programmes de recyclage pour les
imams de mosquée. Il a l'appui de la plupart d'entre eux, des instituteurs de
villages, et des personnalités en général qui incarnent une autorité morale.
Même dans les villages urbanisés comme Hammam-Sousse, marqués par les
grands changements économiques survenus depuis l'indépendance, l'on peut
toujours trouver le notable qui considère la Tunisie comme un pays pilote ou
,, modèle " (mitha/) dans la lutte contre le sous-développement.
Ces voix du passé peuvent aussi devenir celles de l'avenir, dans un pays qui
est l'un des plus subventionnés (par habitant) de tous les pays du Tiers-monde
par les instances internationales de la BIRD et du FMI. Malgré une pluviométrie
très défavorable en 1987-88, le plan de redressement pourrait faire renaître la
confiance chez les investisseurs. La machine politique est en mesure de gagner
facilement d'éventuelles élections libres - où le pouvoir pourrait se satisfaire
d'une majorité de 51 % , et non plus de 99 % .. .
Cette machine politique n'est identifiée à personne, non pas seulement parce
que Bourguiba s'est employé à décourager les clans, mais aussi parce qu 'elle
représente le courant principal d'un bourguibisme institutionnel dans lequel une
bonne majorité des Tunisiens - y compris les islamistes - se reconnaissent
probablement. Il fallait simplement persuader le Législateur de quitter le pouvoir
pour que ses institutions puissent fonctionner. Les prévisions pessimistes
concernant sa succession n'ont peut-être pas tenu suffisamment compte de
l'existence des structures politiques qu'occultait le pouvoir personnel.
Janvier 1988
Clement Henry MOORE
Professeur de Sciences politiques,
Université du Texas, Austin .

NOTES

Remerciements. L'auteur, qui a été Professeur associé (chaire Elie Halévy) à l'Institut
d'Etudes Politiques de Paris en 1986-87, remercie le Centre d'Etudes maghrébines à
Tunis de lui avoir facilité deux voyages d'études en janvier et février 1987; il est bien
entendu seul responsable des opinions exprimées dans cet article.
16 ËTUDES

(1) Richard K. BETIS & Samuel P. HUNTINGTON, " Dead Dictators and Rioting Mobs:
Does the Demise of Authoritarian Aulers Lead to Political lnstability? , in International
Security Affairs 10 : 3, Hiver 1985-86, p. 113-145.
(2) Clement H. MOORE, " La Tunisie après Bourguiba? , in Revue française de Science
politique XVII : 4, 1967, p. 645-667.
(3) L.B. WARE, "The Raie of the Tunisian Military in the Post-Bourguiba Era " • in The
Middle East Journal 39, hiver 1985, p. 27-47, d 'après une étude pour le département
américain de la Défense. Voir aussi Hélé BEJI, " L'Occident intérieur .. , in Le Débat 42,
nov.-déc. 1986, p. 145-153.
(4) Voir J'éditorial de Afrique-Action (Tunis) , le 7 octobre 1961 .
(5) Middle East Economie Digest, 14 nov. 1987, p. 4.
(6) Pour une analyse des capacités politiques du nouveau Premier ministre, voir Clement
Henry MOORE, " Politics in a Tunisian Village , in The Middle East Journal, 1963,
p. 527-540. Il s'agissait de Hammam-Sousse.
(7) " Social Structures and Political Stability : Comparative Evidence from the Algerian ,
Syrian and lraqi Cases "• in Adeed DAWJSHA, 1. William ZARTMAN (ed .), Beyond
Coercion: the Durability of the Arab State, Londres, Groom Helm , 1987.
(8) Voir Je prêt de 500 millions de francs belges consenti par un consortium bancaire à
la Banque de Développement économique de Tunisie, La Presse, 17 février 1987. D'après
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Middle East Economist Digest, nov. 1987, les banquiers occidentaux et arabes ont réagi
très favorablement au départ de Bourguiba et au maintien en place d 'une équipe
économique d 'un haut niveau.
(9) République Tunisienne, ministère du Plan et des Finances ; Memorandum sur la
situation et les perspectives de développement de J'économie tunisienne, Tunis, janvier
1987, p. 5-6.
(10) Mongi SAFRA, " Note sur le plan de redressement tunisien de 1986 "• in Finances
et développement au Maghreb, no 1, janvier 1987, p. 67.
(1 1) La Presse, rubrique Economie, 29 avril 1987, p. 11 .
(12) Middle East Economie Digest, 31 octobre 1987, p. 56.
(13) Présentation du budget, Actualités, 11 décembre 1986, p. 8.
(1 4) Banque Internationale Arabe de Tunisie, Dix Ans, Tunis, 1986. Actionnaires en
novembre 1987 : actionnaires privés tunisiens (60 % ), Banque de développement
économique de Tunisie (4,77 % ), National Commercial Bank of Jeddah (6 %), Qatar
National Bank (6 % ), Bank of Kuwait and Middle East (3 % ), Abu Dhabi lnvestment
Authority (6 %) , Paribas (6 %), Société Marseillaise de crédit (2 % ), Neuflize-Schlumber-
ger (1 %).
Pour une description des banques tunisiennes, voir Financial Times, " Arab Banking " •
15 octobre 1984, p. XX.
(15) Voir les rapports annuels de 1984, p. 20 et 1985, p. 26.
(16) Rachid SFAR, " Présentation du budget "• Actualités, 11 décembre 1986, p. 6-7.
(17) Hassine DIMASSI , " La crise économique en Tunisie : une crise de régulation "•
Maghreb-Machrek, no 103, janv.-mars 1984, p. 61 .
(18) Ibid., p. 59 .
(19) Michel CAMAU , " L'Etat tunisien: de la tutelle au désengagement "• Maghreb-
Machrek, no 103, p. 32, 37, 65.
(20) Pour utiliser l'expression de Bruno ETIENNE, L'islamisme radical, Paris, Hachette,
1987.
(21) L'Avenir (mensuel du MDS) , no 35, avril-mai 1984, p. 5.
(22) Susan WALTZ, " lslamist Appeal in Tunisia " • in The Middle East Journal 40,
Automne 1986, p. 651-670.
(23) Cité par Habib BOU LARES, L'Islam : la peur et l'espérance, Paris, éditions Lattés,
1983, p. 52.
(24) Ibid., p. 48 .
(25) René GALISSOT, " Les limites de la culture nationale "• in Annuaire de l'Afrique
du Nord XXIII (1984) , CNRS, 1986, p. 51 .
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s;:
-1
TABLEAU 1. ADHÉRENTS DU PSD PAR GOUVERNORAT. 1981-1986 c
z
ëii
Croissance Population Membres du PSD/ 1000 hab. n;
1981 1982 1983 1984 1985 1986 % totale }>
"C
1981-83 1983-86 (en milliers) 1981 1983 1986 :Il
m
en
Tunis 55683 52850 65322 69622 85129 90000 1,17 1,38 805,3 69 81 112 <
Aria na 21064 21252 23438 21637 29548 35000 1'11 1,49 389,2 54 60 90 z
G)
Bizerte 29271 29987 36423 36088 45574 49000 1,23 1,35 411 72 89 119 -1
Beja 20426 21743 25096 25460 30998 31500 1,23 1,26 285,9 71 88 110 }>
Jendouba 22924 22009 28220 29562 34240 35000 1,23 1,24 374,7 61 75 93 z
Le Kef 17537 16910 25971 27017 321 10 37500 1,48 1,44 en
258,3 68 101 145
Siliana 20277 23591 25612 24 442 30797 35000 1,26 1,37 231 ,5 88 111 151
0
m
Kasserine 32198 32172 34542 42668 54472 63000 1,07 1,82 311 ,3 103 111 202 (')
Sidi Bou Zid 38689 45775 48000 50331 67499 70000 1,24 1,46 301,3 128 159 232 :Il
Gafsa 24073 28583 34460 29419 34546 47010 1,43 1,36 240,3 100 143 196 ëii
m
Tozeur 7080 7693 8339 8983 11617 12967 1,18 1,55 71 ,7 99 116 181 0
Kebili 7736 9847 12088 13234 15084 21200 1,56 1,75 99,7 78 121 213 m
Tataouine 12390 20042 16707 18725 22715 24547 1,35 1,47 105,4 118 159 233 en
c
Mednine 21613 24038 30795 39283 56602 60000 1,42 1,95 309,1 70 100 194 (')
(')
Gabes 15198 19312 28884 28870 32618 39865 1,90 1,38 250,6 61 115 159 m
Sfax 41064 45192 49995 49659 72524 79700 1,22 1,59 602,2 68 83 132 en
en
Mahdia 17851 18814 25295 22761 28548 38400 1,42 1,52 281 ,9 63 90 136 ë5
Monastir 20357 19959 22386 26552 36775 44082 1,10 1,97 290,1 70 77 152 z
Sousse 24378 23567 27810 27544 34765 38586 1,14 1,39 336,1 73 83 115
Kairouan 26675 27957 33770 32177 38183 40000 1,27 1,18 439,3 61 77 91
Zaghouan 11426 12312 17846 15851 19515 22227 1,56 1,25 123,9 92 144 179
Nabeul 32456 33695 40947 42859 52505 53500 1,26 1,31 460,6 70 89 116
Ben Arous 15684 15712 22769 24325 29638 30000 1,45 1,32 256,1 61 89 117

Emigrés 20996 22791 23860 24260 25342 27000 1,14 1,13

Total 557496 595803 708575 731329 921344 1025084 7235,5


Moyenne 1,27 1,45 77 98 142

Source: Parti Socialiste Destourien, Bureau politique (le 20 février 1987).


:::j
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a;
TABLEAU 2. CELLULES DU PSD PAR GOUVERNORAT. 1981-1986

Croissance
Population Cellules/ 100000 hab.
1981 1982 1983 1984 1985 1986 %
(en milliers)
1981-83 1983-86 1981 1983 1986

Tunis 189 201 208 237 269 269 1,10 1,29 805,3 23 26 33
Aria na 77 86 89 96 107 110 1,16 1,24 389,2 20 23 28
Bizerte 155 167 167 181 190 199 1,08 1,19 411 38 41 48
Beja 100 102 108 124 156 159 1,08 1,47 285,9 35 38 56
Jendouba 99 110 128 133 149 151 1,29 1,18 374,7 26 34 40
Le Kef 82 92 135 150 164 164 1,65 1,21 258,3 32 52 63
Siliana 110 121 132 158 167 173 1,20 1,31 231 ,5 48 57 75
Kasserine 147 151 169 211 264 275 1,15 1,63 311 ,3 47 54 88
Sidi Bou Zid 168 198 239 251 267 282 1,42 1,18 301 ,3 56 79 94
Gafsa 103 120 123 124 154 174 1,19 1,41 240,3 43 51 72
Tozeur 34 34 39 48 61 65 1,15 1,67 71 ,7 47 54 91
Kebili 40 45 54 54 56 56 1,35 1,04 99,7 40 54 56
Tataouine 44 70 75 87 94 99 1,70 1,32 105,4 42 71 94
Mednine 91 109 126 147 157 172 1,38 1,37 309,1 29 41 56
Gabes 71 101 135 159 167 191 1,90 1,41 250,6 28 54 76
Sfax 238 262 276 296 349 368 1,16 1,33 602,2 40 46 61
Mahdia 101 120 146 146 159 159 1,45 1,09 281 ,9 36 52 56
Monastir 112 106 111 134 160 178 0,99 1,60 290,1 39 38 61
Sousse 154 168 171 179 198 199 1'11 1'16 336,1 46 51 59
Kairouan 136 161 171 183 202 203 1,26 1,19 439,3 31 39 46
Zaghouan 78 84 95 97 103 111 1,22 1,17 123,9 63 77 90
Nabeul 185 206 212 218 224 245 1,15 1,16 460,6 40 46 53
Ben Arous 65 72 77 81 98 104 1,18 1,35 256,1 25 30 41
Emigrés 158 215 231 251 298 298 1,46 1,29
Total 2737 3101 3417 3745 4213 4404 7235,5
Moyenne 1,25 1,29 38 47 61 rn-
-i
c
CJ
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TABLEAU 3. NOMBRE D'ADHÉRENTS PAR CELLULE, MOYENNE PAR GOUVERNORAT. 1981 -1986 en
n;
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:Il
1981 1982 1983 1984 1985 1986 m
rn

Tunis 295 263 314 294 316 335


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G>
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Aria na 274 247 263 225 276 318 )>
Bizerte 192 180 218 199 240 246 z
Beja 204 213 232 205 199 198 rn
Jendouba 232 200 220 222 230 232 0
m
Le Kef 214 184 192 180 196 229 ()
Siliana 184 195 194 155 184 202 :Il
Kasserine 219 213 204 202 206 229 en
m
Sidi Bou Zid 230 231 201 201 253 248 0
Gafsa 234 238 280 237 224 270 m
Tozeur 208 226 214 187 190 199 rn
Kebili 193 219 224 245 269 379 c
()
Tataouine 282 286 223 215 242 248 ()
m
Mednine 238 221 244 267 361 349 rn
214 191 214 182 rn
Gabes 195 209 6
Sfax 173 172 181 168 208 217 z
Mahdia 177 157 173 156 180 242
Monastir 182 188 202 198 230 248
Sousse 158 140 163 154 176 194
Kairouan 196 174 197 176 189 197
Zaghouan 146 147 188 163 189 200
Nabeul 175 164 193 197 234 218
Ben Arous 241 218 296 300 302 288

Moyenne 204 192 207 195 219 233

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TABLEAU 4. CELLULES PROFESSIONNELLES PAR GOUVERNORAT. 1981-1986

Croissance
Population Cellules/ 1 000000 hab.
1981 1982 1983 1984 1985 1986 %
(par milliers)
1981-83 1983-86 1981 1983 1986

Tunis 103 106 109 121 130 130 1,06 1,19 805,3 128 135 161
Aria na 14 14 14 14 16 16 1,00 1,14 389,2 36 36 41
Bizerte 29 31 30 35 40 40 1,03 1,33 411 71 73 97
Beja 9 9 9 16 46 47 1,00 5,22 285,9 31 31 161
Jendouba 14 14 17 21 32 32 1,21 1,88 374,7 37 45 85
Le Kef 12 12 22 29 32 32 1,83 1,45 258,3 46 85 124
Siliana 12 17 13 18 23 25 1,08 1,92 231 ,5 52 56 99
Kasserine 5 5 8 12 24 29 1,60 3,62 311 ,3 16 26 77
Sidi Bou Zid 7 7 11 11 18 20 1,57 1,82 301 ,3 23 37 60
Gafsa 22 22 22 23 33 42 1,00 1,91 240,3 92 92 137
Tozeur 4 4 5 7 14 14 1,25 2,80 71 ,7 56 70 195
Kebili 0 0 0 0 2 2 99,7 0 0 20
Tataouine 0 6 6 7 12 12 2,00 105,4 0 57 114
Mednine 7 9 10 13 17 26 1,43 2,60 309,1 23 32 55
Gabes 6 12 18 19 20 25 3,00 1,39 250,6 24 72 80
Sfax 31 32 32 35 46 46 1,03 1,44 602,2 51 53 76
Mahdia 4 4 4 4 17 17 1,00 4,25 281 ,9 14 14 60
Monastir 45 39 39 50 63 63 0,87 1,62 290,1 155 134 217
Sousse 44 49 48 54 68 68 1,09 1,42 336,1 131 143 202
Kairouan 9 10 11 17 30 31 1,22 2,82 439,3 20 25 68
Zaghouan 6 8 9 10 13 14 1,50 1,56 123,9 48 73 105
Nabeul 23 22 24 27 31 38 1,04 1,58 460,6 50 52 67
Ben Arous 21 21 22 22 32 35 1,05 1,59 256,1 82 86 125

Total 427 453 483 565 759 804 7235,5


Moyenne 1,13 1,66 59 67 105
m
-1
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0
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TABLEAU 5. ADHÉRENTS DES CELLULES PROFESSIONNELLES PAR GOUVERNORAT. 1981-1986 ëii
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Croissance -c
Population Membres/ 1000 hab.
1981 1982 1983 1984 1985 % :Il
rn-
(en milliers) rn
1981-83 1983-86 1981 1983 1985

Tunis 25006 22971 27986 28189 32652 1,12 1,17 805,3 31 35 41


zGl<
Aria na 2844 3457 3560 3289 3701 1,25 1,04 389,2 7 9 10 --i
)>
Bizerte 5766 5586 6360 6522 7580 1,10 1,19 411 14 15 18 z
Be) a 1261 1278 1461 2188 4979 1,16 3,41 285,9 4 5 17 rn
Jendouba 3437 3442 4236 4361 4813 1,23 1,14 374,7 9 11 13 Cl
m
Le Kef 2926 2669 3592 4259 4545 1,23 1,27 258,3 11 14 18 ()
Siliana 1768 2583 1831 2256 2533 1,04 1,38 231,5 8 8 11 :Il
Kasserine 1654 1659 1658 3044 5083 1,00 3,07 311,3 5 5 16 ëii
m
Sidi Bou Zid 1189 1110 1845 1317 2191 1,55 1,19 301,3 4 6 7
Cl
Gafsa 7571 7572 8207 7465 7919 1,08 0,96 240,3 32 34 33 m
Tozeur 638 299 885 870 1157 1,39 1,31 71 ,7 9 12 16 rn
Kebili 0 0 0 0 186 99,7 0 0 2 c()
Tataouine 0 728 452 583 1218 2,69 105,4 0 4 12 ()
3183 1,44 2,84 309,1 m
Mednine 777 888 1119 1562 3 4 10 rn
Gabes 909 1753 2492 2794 2473 2,74 0,99 250,6 4 10 10 rn
Sfax 6563 7499 7726 7387 9178 1,18 1,19 602,2 11 13 15 ëi
z
Mahdia 1176 1474 1720 1826 2695 1,46 1,57 281 ,9 4 6 10
Monastir 7093 6986 6999 8913 10278 0,99 1,47 290,1 24 24 35
Sousse 8865 8737 9902 9975 12409 1,12 1,25 336,1 26 29 37
Kairouan 2425 1891 2209 2768 4264 0,91 1,93 439,3 6 5 10
Zaghouan 383 643 800 933 1071 2,09 1,34 123,9 3 6 9
Nabeul 2374 2226 2926 3093 3892 1,23 1,33 460,6 5 6 8
Ben Arous 5726 5428 7135 7541 9169 1,25 1,29 256,1 22 28 36

Total 90351 90879 105101 111135 137169 7235,5


Moyenne 1,16 1,31 12 15 19

~
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TABLEAU 6. NOMBRE D'ADHÉRENTS PAR CELLULE PROFESSIONNELLE, MOYENNE PAR GOUVERNORAT. 1981-1985

1981 1982 1983 1984 1985

Tunis 243 217 257 233 251


Ariana 203 247 254 235 231
Bizerte 199 180 212 186 190
Beja 140 142 162 137 108
Jendouba 246 246 249 208 150
Le Kef 244 222 163 147 142
Siliana 147 152 141 125 110
Kasserine 331 332 207 254 212
Sidi Bou Zid 170 159 168 120 122
Gafsa 344 344 373 325 240
Tozeur 160 75 177 124 83
Kebili 93
Tataouine 121 75 83 102
Mednine 111 99 112 120 187
Gabes 152 146 138 147 124
Sfax 212 234 241 211 200
Mahdia 294 368 430 456 159
Monastir 158 179 179 178 163
Sousse 201 178 206 185 182
Kairouan 269 189 201 163 142
Zaghouan 64 80 89 93 82
Nabeul 103 101 122 115 126
Ben Arous 273 258 324 343 287

Moyenne 212 201 218 197 181


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0
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