Criminologie G3 2013

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INTRODUCTION
La criminologie est une science relativement jeune née au 19ème siècle et dont
les fondateurs sont les trois savants italiens, à savoir :
- Cesare LOMBROSO, auteur de l’homme criminel, publié en 1876 (L’uomo délinquante)1 ;
- FERRI (1857-1929) ;
- GAROFALO, auteur du célèbre ouvrage « La criminologie » publié en 1885. C’est à lui que
revient la paternité du concept « Criminologie », attribué à tort par certains2 à Paul
TOPINARD (médecin français, 1830-1911), alors que ce dernier avait plutôt parlé de « la
criminalogie»3.

Cependant, malgré son passé d’au moins 2 ½ siècles, la criminologie pose


encore le problème de statut scientifique. Pour démontrer son statut scientifique, il importe
d’étudier sa définition et son objet (I) ainsi que sa méthode (II), avant de nous intéresser sur
les grandes théories criminologiques (III).

SECTION I. DÉFINITION ET OBJET DE LA CRIMINOLOGIE

Il importe de savoir que la criminologie est une science multidisciplinaire. Ce


qui amène à une multitude de définitions. Aussi pour les uns, elle est la science du délit,
c’est-à-dire du crime (DURKHEIM) et pour les autres, la science du délinquant, c’est-à-dire du
criminel (LOMBROSO, FERRI, Etienne De GREFF, HEUYER). Mais pour les autres encore, elle
est la science des facteurs, c’est-à-dire elle étudie les causes de la délinquance ; ou encore
science des processus, c’est-à-dire celle qui étudie des processus qui débouchent sur la
délinquance (De GREFF en est le père avec la théorie des processus du passage à l’acte)4.
Pour les autres enfin, la criminologie est la science qui a pour objectif ou pour but
d’expliquer l’action criminelle (c’est-à-dire le passage à l’acte) ou la science de la réaction
sociale (c’est-à-dire une science qui analyse sociologiquement les mécanismes de la
réaction sociale).

Toutes ces diverses définitions de la criminologie (§1) nécessitent une


analyse profonde, car d’elles dépend la compréhension de l’objet spécifique de cette
discipline (§2).

§1. Diversité des définitions de la criminologie

1 Cesare LOMBROSO (Professeur de médecine légale à Turin), publie un ouvrage qui connaît un
grand succès. Publié en 1876, il est réédité en 1878, puis apparaît en français en 1887 sous le
titre de « L’homme criminel ». C’est en 1880 que LOMBOSO, avec ses deux disciples (juristes
de formation), fonde la revue « Archives de Psychiatrie et d’anthropologie criminelle ». Pour
en savoir plus, lire Maurice CUSSON, La criminologie, 4ème éd., Hachette, Paris, 2010, pp.
35-36.
2 Comme Jean Constant, Eléments de criminologie, Liège, 1949, p. 9, Criminologie (notions

générales), cité par Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI, Cours de Criminologie générale, 3ème
graduat, division B, Faculté de Droit/UNIKIN, année académique 2010-2011, p. 28.
3 D’après E. YAMARELLOS et G. KELLENS, Le crime et la criminologie, 1. De « adultère » à

« yeux de hasard », Verviers, Marabout Université, 1970, Criminologie générale (notions


générales).citéspar Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI, loc.cit., p. 28
4 Voir IIème Congrès International de Criminologie (Paris, 1950), inActes du Congrès, Tome VI,

pp. 81 et ss.
2

L’analyse de ces diverses définitions peut bien se faire en compréhension (B)


et en extension (A).

A°/ Diversité des définitions en extension

Le phénomène criminel étant « un phénomène à facettes multiples »5,


certains auteurs ont regroupé les aspects de ce phénomène sous la terminologie de
criminologie ; d’autres, par contre, ont réservé cette même terminologie à l’étiologie et à la
dynamique criminelles6. C’est ce qui donne les définitions larges et étroites de cette
discipline.

1°/ Les définitions larges

Leur caractéristique essentielle est que le terme « criminologie » regroupe


« un nombre plus ou moins grand de sciences criminelles »7. Se retrouvent dans ce groupe
la conception de FERRI, de l’école encyclopédique et celle de l’école américaine classique.

a°) La conception de FERRI

L’un des fondateurs de la criminologie, Enrico FERRI, donne une définition


large de cette discipline. Pour lui, « la sociologie criminelle » (synonyme de la criminologie),
regroupe ou englobe toutes les sciences criminelles dont le droit pénal8. Son disciple (V.V.
STANCIU) et certains sociologues (comme Denis SZABO) reprirent la même conception.

b°) L’école encyclopédique

C’est l’école autrichienne encyclopédique de Hans GROSS, GRASSBERGER et


SEELIG. Cette école a une conception large de la criminologie. Cependant, les auteurs de
l’école autrichienne encyclopédique se séparent de Enrico FERRI en ce qu’ils distinguent le
droit pénal de la criminologie. Selon eux, il faut distinguer deux aspects dans le phénomène
criminel : les aspects normatifs relevant du droit pénal et les aspects réels ou positifs qui
relèvent de la criminologie. Celle-ci a toujours un champ large ; car en dehors du droit pénal,
elle comprend aussi bien l’étiologie criminelle que la criminalistique et la pénologie.

c°/ L’école américaine classique

Cette école, à travers SUTHERLAND, donne une définition large de la


criminologie. En effet, cet auteur (dans son ouvrage : Principes de criminologie), partant de
l’idée selon laquelle la « Criminologie est la science qui étudie l’infraction en tant que
phénomène social », assigne à cette discipline un champ plus large, englobant « les
processus de l’élaboration des lois, de l’infraction aux lois et des réactions provoquées par
l’infraction aux lois ». Ainsi, la criminologie serait composée de trois branches principales :

5 Raymond GASSIN, op. cit., p. 4.


6Idem, p.4
7Idem, p. 4
8Ibidem, p.5
3

la sociologie du droit pénal, l’étiologie criminelle et la pénologie9.

2°/ Les définitions étroites

Les définitions restrictives de la criminologie voient en celle-ci soit une


science purement théorique, soit une science à la fois théorique et pratique.

a°/ Criminologie comme science pure

Pour cette conception, la criminologie est une science pure qui se propose
l’étude des « causes » et des « lois » de la délinquance10.

b°/ Criminologie comme science théorique et pratique

C’est la position de PINATEL. Il a dégagé une conception de la criminologie


qui prend en considération les préoccupations pratiques ayant présidé à sa naissance, sans
écarter les considérations théoriques. C’est dans cet esprit que pour lui, « la criminologie
doit être distinguée » du droit pénal, de la criminalistique et de la pénologie. Cependant, elle
ne peut pas se cantonner dans l’étude des facteurs et des mécanismes de l’action
criminelle. Comme la médecine, elle n’a de signification que par son utilisation pratique.
Aussi se diviserait-elle en deux branches, la criminologie générale, science théorique, qui
cordonnerait les diverses données recueillies sur les facteurs et les mécanismes de la
délinquance, et la criminologie clinique, science pratique, qui consisterait dans l’approche
multidisciplinaire du cas individuel en vue du traitement du délinquant et de la prévention de
la récidive »11.

B°/ Diversité des définitions en compréhension

Avec Raymond GASSIN12, nous en retenons trois : la criminologie comme


science du délit et science du délinquant ; la criminologie comme science des facteurs et
science des processus ; et enfin la criminologie de l’acte et celle de la réaction sociale.

1°/ Criminologie : science du délit, science du délinquant

L’opposition se situe ici entre ceux qui considèrent la criminologie comme


science du délit et ceux qui la considèrent comme science du délinquant. Il s’agit, comme
l’écrit Raymond GASSIN, d’une opposition traditionnelle.

a°/ La criminologie, science du délinquant

Cette définition a ses sources à la naissance même de la criminologie.


LOMBROSO lui-même a focalisé son étude sur « l’homme criminel » qu’il qualifie comme
appartenant à une sous-espèce primitive d’homosapiens13. FERRI avait également cette

9 SUTHERLAND-CRESSEY, Principes de criminologie, pp.11-32, cité par Raymond GASSIN, loc. cit
., p. 5.
10 CUCHE, cité par Raymond GASSIN, op. cit., p. 6.
11 Jean PINATEL cité par Raymond GASSIN, op. cit., p. 7.
12Op. cit., pp. 7-10.
13 Pour LOMBROSO, il existe un « type criminel (FERRI l’appellera « Criminel-né ». Celui-ci se

distingue de l’homme normal par une série de stigmates physiques et des traits
psychologiques (Sur le « type criminel » de LOMBROSO, voir sa théorie infra).
4

conception, comme le témoignent ses écrits : la criminologie « entreprend » d’étudier le délit


en lui-même comme rapport juridique, mais aussi et d’abord celui qui commet ce délit, le
délinquant ». Aussi, le crime serait l’ « indice de la personnalité du délinquant »14.

Cette conception s’est perpétuée depuis ce temps et a été très remarquable


dans les années 1950. C’est dans cet esprit que la criminologie est, pour Etienne De GREFF
(1898-1961), « l’ensemble des sciences criminelles sans doute, mais c’est aussi l’homme
criminel. Si c’est lui qu’on rencontre, on rencontre en même temps les problèmes »15. Quant
à HEUYER, elle « n’étudie pas le crime en lui-même… L’étude du criminel est l’objet de la
criminologie16.

b°/ Criminologie comme science du délit

Cette conception fait du délit l’objet de la criminologie. C’est par rapport à elle
que DURKHEIM définit la criminologie de la manière suivante : « Nous constatons l’existence
d’un certain nombre d’actes qui présentent tous ce caractère extérieur que, une fois
accomplis, ils déterminent de la part de la société cette réaction particulière qu’on nomme la
peine. Nous en faisons un groupe sui generis, auquel nous imposons une rubrique
commune : nous appelons crime tout acte puni et faisons du crime ainsi défini, l’objet d’une
science spéciale, la criminologie »17.

En URSS, la criminologie, non séparée du droit pénal, étudiait la personnalité


du délinquant seulement en liaison avec l’infraction18.

2°/ Criminologie : science des facteurs, science des processus


Cette controverse est particulièrement accentuée dans les années 1950 où
cette science est considérée, par les uns comme science des facteurs, c’est-à-dire l’étiologie
criminelle ou la criminologie étiologique ; et par les autres comme l’étude des processus qui
débouchent sur la délinquance. C’est « la criminologie dynamique ».
3°/ Criminologie de l’acte et criminologie de la réaction sociale

Cette controverse s’est développée vers les années 1960


a°) Criminologie de l’acte
Pour cette conception, la criminologie est définie comme la discipline qui a
pour but d’expliquer l’action criminelle. Ce courant met l’accent sur certains aspects
criminogènes de la réaction sociale comme par exemple la prison.

b°) Criminologie de la réaction sociale

Ce courant, partant du postulat que « ce n’est pas la déviance qui conduit au


contrôle social, mais c’est le contrôle social lui-même qui conduit à la déviance » (que « la
14 FERRI, La sociologie criminelle, successivement pp. 20-21 ainsi que p. 75, et p. 15, note 1, cité
par Raymond GASSIN, op. cit., p. 8.
15 E. DEGREFF, « La double orientation de la criminologie », inTravaux de la Semaine

Internationale de Strasbourg (1954), p. 26, cité par Raymond GASSIN, loc. cit., p. 8.
16 HEUYER, « Histoire des doctrines en Criminologie », in RICPT, 1950, p. 121, cité par
Raymond GASSIN, loc. cit., p. 8.
17 DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 13ème éd., 1956, p. 55, cité par R.
GASSIN, loc.cit., p. 8.
18R. GASSIN, op. cit., p. 9.
5

déviance n’est pas une qualité de l’acte commis par une personne, mais plutôt une
conséquence de l’application par les autres, de normes et de sanctions à un
« transgresseur »19), définit autrement la criminologie. Celle-ci est une discipline qui a pour
objet l’analyse sociologique des mécanismes de la réaction sociale, de l’établissement de la
loi pénale à l’application des sanctions pénales, en passant par le fonctionnement de la
police, des parquets et des tribunaux, ainsi que les réactions des victimes, de l’entourage et
des médias… afin de montrer comment le système de la justice crée la délinquance20.

De tout ce qui précède, avec Raymond GASSIN, nous définissons la


criminologie comme une « science qui étudie les facteurs et les processus de l’action
criminelle et qui détermine, à partir de la connaissance » de ces derniers, « les moyens de
lutte les meilleurs pour contenir ou réduire le mal social »21.

Toutes ces diversités de définitions démontrent l’intérêt de cette discipline et


appellent à l’étude de son objet.

§2. L’objet spécifique de la criminologie

Il est examiné autour du domaine et du contenu de cette discipline.

A°/ Le domaine de la criminologie

Il s’agit ici de déterminer les frontières de la criminologie par rapport aux


autres sciences criminelles : distinguer la criminologie du droit pénal et de la politique
criminelle ; la distinguer de la pénologie et de la prophylaxie criminelle, ainsi que de la
criminalistique.
1°/ Criminologie, droit pénal et politique criminelle

Ainsi que le fait observer GASSIN, le problème de la distinction entre la


criminologie et ces disciplines est le débat le plus ancien suscité « par l’apparition de la
criminologie puisque celle-ci s’est constituée contre le droit pénal néoclassique »22. Il faut
avouer que ce débat demeure encore. Mais la manière de poser le problème a
considérablement évolué depuis la fin du 19è siècle.
En effet, à l’origine, « le débat était dominé par l’opposition entre les partisans
de l’ « impérialisme criminologique » pour qui le droit pénal ne devait plus être considéré
comme un chapitre de la criminologie, et les tenants de l’école technico-juridique du droit
pénal selon laquelle criminologie et droit pénal étaient deux disciplines entièrement
distinctes, sans rapports l’une avec l’autre. Aujourd’hui, il n’est plus grand nombre pour nier
que les deux matières sont à la fois distinctes et liées entre elles par certaines relations.
Mais la discussion porte sur la question cruciale de savoir quelle doit être l’influence de la
criminologie sur le contenu du droit pénal et de la politique criminelle »23.

R. GASSIN dégage deux points qui sont les acquis de l’évolution de cette
querelle, tout en précisant le point en discussion, consistant à savoir l’influence de la
criminologie sur les deux disciplines précitées. Le point en distinction étant connu, il importe
19 Raymond GASSIN, op. cit., p. 11.
20Idem, p. 11.
21Ibidem, pp. 12-13.
22Ibidem, pp. 23-30.
23Ibidem, p. 13.
6

de s’intéresser aux deux points considérés comme acquis.


- La criminologie et le droit pénal sont deux disciplines distinctes : La criminologie n’est
pas une science annexe du droit pénal, lequel n’est pas non plus un chapitre de la
criminologie. En effet, ces deux disciplines, bien qu’ayant le même objet (l’action
criminelle), ne l’étudie pas du même point de vue. Le droit pénal, discipline normative,
déclare ce qui doit être ; la criminologie, science empirique, étudie ce qui est. Chacune de
ces deux disciplines utilise les méthodes appropriées. Le droit pénal recourt à « l’analyse
interprétative des sources du droit et la synthèse théorique de leurs données » ; la
criminologie utilise les méthodes empiriques des sciences sociales en les adaptant à la
complexité particulière de son objet24.
- « Il ne saurait exister de cloison étanche entre les deux séries de disciplines : (…) la
plupart des pénalistes contemporains admettent que le droit pénal et la politique
criminelle ne peuvent pas ignorer les résultats de la criminologie sur le droit pénal
(individualisation des peines, mesures de sûreté, procédés modernes de traitement des
délinquants, actions de prévention de la délinquance, etc.) »25.

2°/ Criminologie et criminalistique

La criminalistique peut être définie comme « l’ensemble des sciences et de


techniques utilisées en justice pour établir les faits matériels constitutifs de l’acte délictueux
et la culpabilité de la personne qui l’a commis »26. Elle comprend la médecine légale, la
psychologie judiciaire, la police scientifique et la police technique, la génétique (avec le
recours à la preuve par ADN), l’ordologie (qui est une technique permettant « l’identification
des odeurs recueillis sur les lieux de l’infraction »27).

Il faut savoir que contrairement à l’école encyclopédique autrichienne qui


faisait de la criminalistique une branche de la criminologie, cette discipline est distincte de
celle-ci. En effet, alors que la criminologie a pour objectif l’explication de l’action criminelle,
la criminalistique a un but exclusivement probatoire. Elle constitue un ensemble de
disciplines complémentaires à la procédure pénale.

Toutefois, ces deux disciplines entretiennent des rapports entre elles. La


criminalistique puise dans la criminologie, les données nécessaires à la perfection des
méthodes d’identification et de recherche des délinquants. La criminologie trouve dans la
criminalistique des renseignements utiles pour l’étude du crime et des criminels (exemple,
connaître divers modes d’exécution des vols ou les personnes habituellement victimes
d’escroquerie)28.

3° Criminologie, pénologie et prophylaxie sociale

Analysons séparément la distinction entre la criminologie et la pénologie,


ainsi que entre la criminologie et la prophylaxie sociale

a°/ Criminologie et pénologie

La pénologie est définie comme « la branche des sciences criminelles qui


24Ibidem, p. 14.
25Idem, p.14
26Ibidem, p. 17.
27 Sur l’ordologie, voir Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI, op. cit., p. 33.
28 R. GASSIN, op. cit., pp. 17-18.
7

étudie les fonctions des sanctions pénales, les règles de leur exécution et les méthodes
utilisées dans leur application »29. Elle comprend : le droit d’exécution, la technique de
l’administration des institutions pénitentiaires et la thérapeutique criminelle. Les deux
premières branches relèvent respectivement du droit pénal et du droit administratif. La
troisième, c’est-à-dire la thérapeutique criminelle (ensemble des méthodes de traitement
utilisés pour prévenir la récidive), donne l’impression de se rattacher à la criminologie. En
réalité, il ne s’agit que de l’impression car les buts et méthodes de la thérapeutique
criminelle peuvent n’avoir « aucune correspondance réelle avec les données de la
criminologie »30.

Toutefois, la pénologie et la criminologie sont reliées par l’intermédiaire de la


criminologie clinique31.

b°/ Criminologie et prophylaxie sociale

La prophylaxie criminelle est « l’ensemble des mesures à caractère collectif


qui ont pour objet de s’opposer à la perpétration des délits »32. Elle se distingue de la
criminologie « en ce qu’elle comporte tout un aspect juridique consistant dans la description
des dispositions législatives et réglementaires relatives aux mesures de prévention (…) et en
ce que les mesures de prophylaxie criminelle utilisées peuvent n’avoir en réalité aucune
base scientifique solide »33. Toutefois, la criminologie et la prophylaxie criminelle sont
reliées par une branche de la criminologie, à savoir : la criminologie préventive34.

B°/ Le contenu de la criminologie

Il pose les questions de savoir si la criminologie est-elle une science unitaire


et autonome ou un faisceau de science. En outre, comme science est-elle une science pure
ou appliquée ?

1°) La criminologie, science unitaire et autonome ou faisceau de sciences ?

Il convient de savoir que pour certains auteurs, la criminologie est une


science de synthèse autonome. Ces auteurs la présentent comme une « super science de
l’homme » ou comme une « somme des sciences de l’homme ». D’autres auteurs, par contre,
comme De GREFF, estiment qu’il n’existe pas de science de la criminologie en soi ; ou
encore comme TSELLIN, affirment que « le criminologue est un roi sans royaume »35. Ces
auteurs démontrent ainsi la difficulté soulignée ci-haut. Toutefois, elle n’est pas
insurmontable, dans la mesure où la qualité scientifique est reconnue sur base d’autres
critères : l’objet et la méthode. Ces deux aspects sont déjà soulignés ci-dessus. La
criminologie a un objet qui est l’action criminelle. Elle a également sa méthode.

Mais il importe de répondre à la question consistant à savoir si cette science


est-elle pure ou appliquée.
29Ibidem, p. 18.
30Idem, p. 18.
31Idem, p. 18.
32Ibidem, p. 19.
33Idem, p. 19.
34Idem, p. 19.
35 ELLENBERGER, Recherche clinique et expérimentale en criminologie, contribution à
l’étude des sciences de l’homme, Montréal, 1965, 7-18, cité par Raymond GASSIN, op. cit.,
p. 28.
8

2°) La criminologie, science pure ou science appliquée

Pour les uns, elle est une science pure (Cuche, H. LEVY-BRUHL). Pour les
autres, elle est une science appliquée (Enrico FERRI, sir Léon RADZINOWICZ).

Mais il convient d’affirmer que la criminologie est à la fois une science pure et
appliquée. Elle est donc à la fois théorique et pratique (Raymond GASSIN, SZABO, Jean
PINATEL, ELLEN BERGER). Pour ces auteurs, la criminologie doit être classée dans le
groupe des sciences complexes, avec la médecine. Dans la mesure où elles travaillent sur
des concepts exprimant les jugements de valeur : santé, maladie, guérison (médecine) et
crime, responsabilité, peine (criminologie), « elles ne sauraient être purement théorique et
n’ont de sens, au contraire, que par leurs applications pratiques »36.

Après avoir défini la criminologie et analysé son objet, il importe de


s’intéresser à sa méthode.

SECTION II. LA MÉTHODE DELA CRIMINOLOGIE

Définie comme l’ensemble de procédés utilisés par l’esprit pour découvrir,


démontrer et vérifier les vérités qu’une discipline poursuit, la méthode scientifique se
distingue du bon sens, résultat de l’expérience ordinaire non scientifique.

S’agissant de la criminologie, il convient de savoir que sa méthode ne se


réduit pas à l’inventaire des techniques de recherche que cette discipline utilise, ni moins
encore à l’exposé de quelques règles méthodologiques. Sa méthode « couvre bien plus
largement l’étude de l’ensemble des « cheminements » par lesquels la pensée
criminologique peut atteindre son objet spécifique »37.

La méthode criminologique se caractérise par trois traits, lesquels sont liés


aux caractéristiques de cette discipline, à savoir :
- le recours à l’induction (la criminologie est une science empirique fondée sur
l’observation de la réalité et sur l’expérimentation) par opposition aux sciences
normatives (droit pénal) utilisant un raisonnement déductif ;
- l’appartenance de cette méthode dans les « méthodes des sciences de l’homme et de la
société », lesquelles se distinguent de celles des sciences de la nature ;
- la spécificité au sein des méthodes des autres sciences humaines qui résulte à la fois du
caractère unitaire et autonome de cette discipline malgré sa pluridisciplinarité ; et du fait
qu’elle est une science à la fois théorique et pratique38.

Il importe donc d’expliquer la méthode de cette discipline.

Pour mener à bien cette explication, il importe d’étudier successivement


l’objet de la recherche de la criminologie (§1), la logique de la recherche criminologique (§2)
et les techniques de recherche criminologique (§3).

36 SZABO, « Criminologie, justice et société, in RICPT, 1971-1972, pp. 87-92, cité par Raymond
GASSIN, loc. cit., p. 28.
37 Raymond GASSIN, op. cit., p. 31.
38Ibidem, pp. 31-32 ; lire également Maurice CUSSON, op. cit., pp. 14-16.
9

§1. L’objet de la recherche criminologique

Nous avons vu, dans la première section de cette introduction, que l’objet de
la criminologie est l’action criminelle. Celle-ci constitue donc l’objet de la recherche
criminologique (A) ; lequel, à cause de la nature de cette science (à la fois théorique et
pratique), appelle l’étude de la valeur scientifique des moyens de lutte contre la délinquance
(B).
A°/ L’action criminelle

Elle est analysée autour de sa notion et ses modalités.

1°/ Notion

L’action criminelle est une action humaine volontaire, elle est aussi une
conduite humaine spécifique.

a°) Une action humaine volontaire

L’action criminelle est un fait humain. Du point de vue méthodologique, elle se


distingue des faits du monde de la nature (arbre, pierre…) en ce que ceux-ci sont objectifs, en
ce qu’ils sont perçus par tous les observateurs de la même manière, et extérieures au sujet
qui les observe (en dehors de sa conscience).

Les faits humains, par contre, se caractérisent par leur intériorité et sont
subjectifs. Phénomènes subjectifs, les faits humains expriment la personnalité de leurs
auteurs. Ils ne peuvent donc être perçus de la même manière par tous les observateurs. En
outre, ils sont des signes de l’intériorité. Ce fait humain ainsi précisé est un acte volontaire.
Ceci implique que tous les comportements humains n’entrent pas dans le champ de l’action
criminelle. Ce sont les actes volontaires qui rentrent dans son champ. Ceux-ci supposent, de
la part de leur auteur, une représentation du but, c’est-à-dire du résultat à atteindre et les
moyens pour y parvenir. Ces actes volontaires sont de plusieurs catégories allant de
l’inaction à l’action préméditée, délibérée. Il est donc clair que les actes criminels sont des
actes volontaires. Il importe à présent d’étudier leur spécificité.

b°/ Une conduite spécifique

S’il est vrai que les actes criminels sont des actes volontaires (ce qui souligne
leur spécificité par rapport aux faits non volontaires de l’homme), il importe de se demander
ce qu’il faut entendre par crime du point de vue criminologique.

Traditionnellement, le crime était criminologiquement défini comme « une


réalité humaine et sociale, antérieure à toute incrimination, constant dans une agression
dirigée par un ou plusieurs individus contre les valeurs les plus importantes du groupe
social »39. Mais aujourd’hui, la définition criminologique du crime est rattachée à la notion
juridique de l’infraction. Si telle est la position de la majorité des criminologues, il faut savoir
qu’il en existe encore qui s’interrogent sur cette notion par rapport à celles de déviance,
délinquance ; d’autres apportent un plus avec la notion de violence et ruse.

- La déviance

39 Raymond GASSIN, op. cit., p. 37.


10

Pour les sociologues, elle est la transgression d’une norme sociale. Elle est
constituée par « les états et conduites qui violent les normes auxquelles les membres d’un
groupe tiennent au point de punir ceux qui les violent. L’individu qui adopte durablement une
conduite déviante a tendance à être un marginal, à moins qu’il ne le devienne : soit, au
départ, il est mal intégré au groupe dont il fait partie, ce qui le rend indifférent à la
réprobation, soit ses transgressions répétées le poussent aux marges du groupe »40.

Comme il ressort de cette conception, la déviance est une notion large qui
englobe la délinquance ; laquelle « sous toutes ses formes (…) est la déviance »41.

Mais telle n’est pas la définition que retiennent les juristes et les
criminologues qui admettent le rattachement du crime à la notion juridique d’infraction. Ici,
tout comportement qui s’écarte des règles sociales, mais qui n’a pas encore fait l’objet
d’incrimination est un comportement déviant.

- La délinquance

Contrairement au droit pénal qui voit dans la condamnation pénale définitive


le critère du délinquant, la criminologie s’attache à la réalité du phénomène ». En effet, la
criminologie définit le délinquant comme « celui qui a commis un crime ». Il n’est pas
nécessaire que celui-ci soit poursuivi ou condamné, ni moins encore « connu des autorités
de police et de justice (le délinquant caché a toujours intéressé le criminologue). A l’inverse,
la condamnation n’est pas toujours suffisante car il faut compter avec les erreurs
judiciaires »42.
La théorie ontologique du crime de Raymond GASSIN

GASSIN43 parle de « notion ontologique du crime qui confère une nature


particulière aux comportements humains qui sont incriminés par la loi pénale et qui
transcende la définition purement juridique de l’infraction ». Pour faire comprendre cette
notion ontologique du crime, il se réfère « à la notion de valeur socio-morale ».

Toutefois, il distingue « les valeurs – fins » des « valeurs – moyens », qu’il


définit successivement comme « les diverses variétés de « biens » qui sont protégés par les
droits pénaux (personnes, propriétés, chose publique…) », pour les premières, et comme « les
procédés utilisés pour atteindre ces « biens » qui sont condamnés par les systèmes
pénaux », pour les secondes. Les valeurs-fins sont relatives et hétérogènes dans le temps et
dans l’espace. Mais les « moyens qui sont incriminés par la loi pénale révèlent une
constance dans la description des incriminations données par les droits pénaux ; tantôt
c’est la violence qui est incriminée, tantôt c’est la ruse, parfois c’est l’association de la
violence et de la ruse. Ainsi tout se passe comme s’il existait deux valeurs – moyens
considérées comme « incontournables » dans la vie sociale : la prohibition de la violence et
celle de la ruse ».
La violence comprend des actes comme le meurtre, les atteintes à la vie par
imprudence, les coups et blessures… Quant à la ruse, elle s’incarne dans des actes comme
les manœuvres frauduleuses de l’escroquerie.

40 Maurice CUSSON, op. cit., p. 8.


41Idem, p. 8.
42 Raymond GASSIN, op. cit., p. 33-34 et 39, lire également Maurice CUSSON, op. cit., pp. 10-12.
43Op. cit., p. 38.
11

GASSIN affirme qu’il existe « des manifestations moins accusées et


finalement des formes marginales que le pouvoir pénal hésite parfois à incriminer ». D’autre
part, poursuit-il, « il y a aussi un lien certain entre valeur-moyen et valeur –fin en ce sens que
la violence et la ruse injustes ne sont perçues comme telles par la société que dans la
mesure où elles portent atteinte à une valeur- fin prise effectivement en considération par le
législateur »44. De tout ce développement, il importe de retenir que GASSIN fonde la
permanence et l’homogénéité de la notion criminologique du crime sur la violence et la ruse.

Aussi, s’agissant de la spécificité de l’action criminelle, il affirme qu’elle est,


« parmi toutes les actions humaines volontaires, une action spécifique caractérisée par les
moyens employés, la violence et la ruse pour atteindre des fins de nature diverse »45.

2°/ Les modalités de l’action criminelle

L’observateur se représente l’action criminelle soit comme un phénomène


individuel (crime), soit comme phénomène collectif ou de masse (criminalité). Ces deux
modalités, tout en étant distinctes, présentent une limite à cette distinction. Il importe ici
d’étudier le contenu de la distinction avant d’examiner sa portée.

a°/ Le contenu de la distinction

- Le crime, phénomène individuel :


Il s’agit du phénomène criminel considéré comme phénomène « qualitatif ».
C’est la forme de l’action criminelle que tout observateur ordinaire est à même de percevoir.
Le crime ici est attaché à la loi pénale. Il est donc tout acte commis en violation de celle-ci,
acte qu’elle punit de sanction pénale, lequel peut être commis par une ou plusieurs
personnes. C’est la micro-criminologie qui étudie le crime comme phénomène individuel.

- La criminalité, phénomène collectif

C’est la deuxième modalité de l’action criminelle ; elle intéresse surtout les


chercheurs. Phénomène de masse, la « criminalité peut-être définie comme l’ensemble des
infractions pénales qui ont été commises, au cours d’une période de temps déterminée (une
année, une période quinquennale, etc.)46 » dans une espace donnée. Phénomène quantitatif,
la criminalité, à la différence du crime (phénomène qualitatif) fait appel aux statistiques
criminelles et est étudiée par la macro-criminologie47.

b°/ La portée de la distinction

Cette distinction présente ses intérêts et ses limites.

Pour ce qui est des intérêts ils sont au nombre de deux et sont relatifs aux
techniques de recherche ainsi qu’à la signification et à la portée des résultats obtenus grâce
à ces techniques. S’agissant de ces dernières, celles dites « cliniques » sont utilisées dans
les recherches sur le crime, phénomène individuel (phénomène qualitatif) ; alors que les
44Op. cit., pp. 38-39.
45Ibidem, p. 54.
46Raymond GASSIN, op. cit., p. 55.
47 Idem, p. 55.
12

recherches sur la criminalité (phénomène quantitatif) utilisent « les techniques de


statistiques criminelles et leurs substituts ou compléments »48. Toutefois, il arrive que
l’étude du crime se fasse par des techniques quantitatives et, inversement, celle de la
criminalité recourt à l’histoire sociale49.

Quant aux limites de la distinction, s’il est vrai que crime et criminalité sont
deux phénomènes distinctifs, il est tout aussi vrai qu’ils entretiennent d’étroites relations.

B°/ Valeur scientifique des moyens de lutte contre la délinquance

Elle s’examine autour de ce qu’il faut entendre par moyens de lutte contre la
délinquance et par valeur scientifique desdits moyens.

1°/ Notion de moyens de lutte contre la délinquance

Les mécanismes de lutte contre la délinquance sont divisés en mécanismes


juridiques et empiriques. Mais certains, comme R. GASSIN50, estiment qu’on peut dégager
trois domaines de lutte contre la criminalité.

S’agissant des moyens juridiques, ils sont constitués par l’ensemble des
règles juridiques qui ont pour objet direct la guerre contre la délinquance et celle qui
contribuent indirectement à cette guerre. Les premières concernent le droit pénal. Les
secondes sont celles relatives aux autres disciplines juridiques (droit civil, droit de la santé,
droit administratif…). C’est ainsi que les règles du droit civil sur la garde ou l’adoption des
enfants luttent indirectement contre la délinquance. Quant aux moyens empiriques, ils sont
constitués par des mécanismes institutionnels : police, tribunaux, organes et instruments
d’exécution des sanctions51. Les différentes institutions de lutte contre la délinquance
constituent donc les moyens empiriques de lutte contre la criminalité. Mais, à côté des
institutions, il faut ajouter les pratiques privées, en marge des mécanismes institutionnels
officiels. C’est le cas des différentes associations œuvrant dans le cadre d’aide aux victimes
avant leur institutionnalisation52.

Finalement, les trois domaines principaux de lutte contre la criminalité que


propose GASSIN sont : le domaine « du droit pénal et de ses applications concrètes », celui
du « traitement des délinquants », et celui « de la prévention de la délinquance »53. L’on a
ainsi le champ répressif, le champ curatif et enfin, le champ préventif.

2°/ Notion de valeur scientifique des moyens de lutte contre la délinquance

C’est l’étude des moyens de lutte contre la délinquance du point de vue de


leur valeur scientifique.

La valeur scientifique de ces moyens se caractérise par le critère de


48Ibidem, p. 56.
49Idem, p. 56.
50Ibidem, pp. 57-58.
51Ibidem, p. 57.
52Idem, p. 57.
53Ibidem, pp. 57-58.
13

l’efficacité desdits moyens et celui de « l’application de connaissances scientifiques sur


l’action criminelle »54.

L’efficacité se remarque par rapport à leur effet sur la réalité à combattre,


alors que le second critère s’interroge sur la manière de l’obtention de résultat positif.

§2. La logique de la recherche criminologique

Raymond GASSIN55 la définit comme « l’ensemble des démarches spécifiques


de l’esprit utilisés par les chercheurs pour mener à bien les investigations sur leurs objets de
recherche ». La criminologie étant une science complexe, celle-ci va être examinée dans la
recherche fondamentale et appliquée.

A°/ La logique de la recherche fondamentale

Une recherche est dite fondamentale, lorsqu’elle « vise l’acquisition des


connaissances de base, des principes généraux et théoriques qui gouvernent tel ou tel autre
phénomène »56. S’agissant de la recherche fondamentale en criminologie, nous allons
premièrement étudier le modèle général de celle-ci et examiner ensuite les autres méthodes,
le tout, en rapport avec l’objet de cette discipline : l’action criminelle.

1°/ Le modèle général : la recherche empirique

Il importe de préciser quelques principes avant de voir la mise en œuvre de


cette recherche.
a°/ Principes

La démarche du chercheur doit suivre quelques principes à commencer par


l’observation et l’expérimentation. En effet, la recherche empirique consistant en une
démarche du savoir fondé sur l’observation et l’expérimentation, tout chercheur en
criminologie doit exclure toute spéculation pure, « les propositions strictement déductives et
les affirmations normatives sans rapport avec les faits »57.

Dans sa démarche, le chercheur peut soit s’appuyer sur les étapes de la


méthode empirique, soit « suivre le niveau en profondeur de la recherche »58. Aussi part-il de
l’observation des faits à la formulation des hypothèses suggérées par ceux-ci. Ou encore,
faire la description des faits, leur classification ou identification et leur explication59.

Ceci demande une gymnastique rigoureuse et intelligible au chercheur en


criminologie, comme l’écrit Maurice CUSSON dans un passage assez long, mais qui mérite
d’être repris ici. La démarche empirique impose au chercheur une « résistance des faits ;

54Ibidem, p. 58.
55Op. cit., p. 59.
56 Sylvain SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de la recherche scientifique, édition M.E.S.,

Kinshasa, 2007, p. 25.


57Op. cit., p. 14.
58 Raymond GASSIN, op. cit., pp. 62-63.
59Ibidem, pp. 62-74 ; Maurice CUSSON, op. cit., pp. 14-16.
14

d’abord en n’énonçant que des propositions falsifiables par une constatation avec les
données de l’expérience, ensuite en s’inclinant devant les réfutations et les faits établis.
L’empirisme s’incarne dans la méthode scientifique entendue comme démarche explicite et
ordonnée de vérification, d’hypothèses. Cette méthode impose une exigence d’objectivité, un
combat constant contre l’intrusion des considérations normatives, idéologiques ou
d’opportunité dans la démarche ou les conclusions (…). La recherche empirique entretient un
dialogue constant avec le travail théorique qui interprète ses résultats et les intègre dans un
ensemble cohérent. Une théorie peut être définie comme un système de propositions
vérifiables, non contradictoires et compatibles avec les connaissances déjà acquises. Elle
sert à rendre compte d’un phénomène, l’expliquer, le rendre intelligible. Elle vise à rendre la
réalité accessible à l’esprit, c’est pourquoi elle tend à la concision, à la simplicité et même à
l’élégance. La criminologie contemporaine ne se réduit ni à une seule théorie ni aux théories
d’écoles opposées, mais à plusieurs théories, chacune visant à rendre compte d’un aspect
du phénomène criminel : théorie du délit, du délinquant, du milieu criminel, de la victime, du
contrôle social… »60.
b°/ La mise en œuvre de la recherche empirique fondamentale

Elle est l’application des principes ci-haut développés. Elle se réalise à travers
la méthode chronologique et topologique61. La première, la méthode chronologique, est « un
modèle qui décrit les diverses opérations intellectuelles et matérielles que le chercheur doit
accomplir successivement pour réaliser concrètement sa recherche. Elle compte cinq
étapes interdépendantes bien que distinctes, à savoir : la position du problème, l’élaboration
du cadre de référence, la construction du modèle opératoire, la collecte des données,
l’analyse et l’interprétation des résultats. Quant à la méthode topologique, elle « consiste à
projeter (…) dans l’espace », les diverses étapes de la méthode chronologique. Elle se réalise
autour de quatre pôles : pôle épistémologique, pôle théorique, pôle morphologique et pôle
technique.

2°/ Les autres méthodes

Les méthodes dont questions ici sont la méthode expérimentale et clinique,


d’une part, et d’autre part la méthode quantitative et qualitative.

a°/ Méthodes expérimentale et clinique

Alors que la première vise l’explication de la délinquance, la seconde tend à la


compréhension de celle-ci. La méthode expérimentale est celle qui procède à l’étude de
l’action criminelle « au moyen de son appréhension en termes généraux ou par catégories
générales »62. Tandis que la méthode clinique est celle qui l’étudie « à travers sa saisie en
termes particuliers, dans son individualité spécifique »63. La méthode expérimentale tend à
dégager les connaissances d’ordre général et de grandes classifications. Elle a pour but de
« dégager les traits caractéristiques ». La méthode clinique, quant à elle, a pour but de
« dégager des profils, d’acte criminel, de délinquant, de criminalité, aussi proches que
possible du film de la réalité criminelle », saisissant ainsi l’action criminelle « dans sa

60 Maurice CUSSON sus-cité, p. 15.


61 Pour en savoir plus sur ces méthodes, lire utilement Raymond GASSIN, op. cit., pp. 74-79 ;
Sylvain SHOMBA KINYAMBA, op. cit., pp. 35-44.
62 Raymond GASSIN, op. cit., p. 80.
63Idem, p. 80.
15

singularité vivante et dynamique »64.

b°/ Méthodes quantitative et qualitative

La méthode quantitative, recourant aux mathématiques et statistiques, est


définie comme « celle qui utilise la mesure comme moyen de connaissance ». L’analyse
quantitative connaît une ampleur remarquable en criminologie, au point de parler de la
« criminométrie ». Elle est souvent utilisée pour quantifier la criminalité. Mais elle n’est pas
exclue dans l’étude du délinquant et de l’acte criminel65. La méthode qualitative est
particulièrement et surtout utilisée pour l’étude de l’acte criminel et de la personnalité du
délinquant ; mais elle n’est pas exclue pour celle de la criminalité. Elle est celle qui utilise
« comme procédé de connaissance la recherche des qualités de son objet »66. En recherche
fondamentale, elle remplie les fonctions de « soulever de nouveaux problèmes ; (…) révéler
les faits insoupçonnés ; (…) suggérer des corrélations ou des processus ; (…) suggérer une
idée centrale ou même une théorie »67.
B°/ La logique de la recherche criminologique appliquée

La recherche appliquée a comme objectif, la solution d’un problème


particulier urgent et important. Elle vise la transformation de la situation ou la proposition
des recommandations à même de changer la situation. En criminologie, la recherche
appliquée a pour but « de se prononcer sur la valeur scientifique des moyens de lutte contre
la délinquance (système pénal, traitement des délinquants, prévention de la criminalité) qui
sont actuellement employés (ex : la prison, le travail d’intérêt général) et de découvrir de
nouveaux moyens anticriminels de valeur scientifique plus satisfaisante »68.

Les procédés intellectuels qui permettent de répondre à cet objectif différent


de ceux de la recherche fondamentale aussi bien sur le modèle général que par rapport aux
divers types de recherche criminologique appliquée.

1°/ Le modèle général de la recherche criminologique appliquée

De manière générale, une recherche appliquée en criminologie suppose trois


étapes à franchir :
• L’enquête préalable : première démarche à faire dans une recherche appliquée en
criminologie, celle-ci doit être objective et porter sur :
- l’analyse du contenu théorique de la mesure de lutte contre la délinquance, objet de
la recherche ;
- les raisons qui sont à la base de cette mesure et les conditions dans lesquelles
celle-ci a été adoptée ;
- dans quelle mesure et de quelle manière ce moyen de lutte est effectivement
appliqué.
• Le diagnostic : il est la seconde étape après l’enquête préalable et a pour but de
rechercher « pourquoi la situation décrite dans l’enquête préalable n’est pas

64Ibidem, p. 81.
65Ibidem, p. 82.
66Loc. cit., p. 81.
67Loc. cit., p. 82.
68Ibidem, p. 83.
16

satisfaisante»69. Pour ce faire, il faut :


- isoler les aspects qui expliquent l’échec total ou partiel de la mesure ou encore les
insuffisances de celle-ci ;
- rechercher pourquoi ces aspects ont entraîné l’échec ;
- pronostiquer la situation en cas du maintien de la mesure.
• Les conseils pour l’action : C’est la troisième et dernière étape de la démarche de la
recherche criminologique appliquée, laquelle suppose quatre réflexions, à savoir :
- indication de la modification ou non de la mesure en cause ;
- en cas de modification, préciser ce qui doit être changé et ce qui ne doit pas l’être ;
- préciser en quoi doit consister le changement, comment va-t-il s’effectuer et quels
sont les moyens nécessaires pour sa réussite ;
- « prévoir la nature et l’importance de l’incidence que ces changements vont avoir tant
sur la situation qui fait difficulté que sur l’ensemble de son environnement et
suggérer la création et l’organisation d’une instance d’évaluation de la nouvelle
mesure »70.

Ce modèle général de recherche criminologique encadre divers types de


recherche criminologique appliquée.

2°/ Les divers types de recherche criminologique appliquée

La classification de ces divers types de recherche peut se faire en fonction du


but poursuivi (recherche évaluative et celle de changement) ou du rôle du chercheur par
rapport à l’action (recherche active et celle d’observation).

a°/Recherche évaluative et recherche du changement

• La recherche évaluative est une recherche « qui s’interroge sur la valeur scientifique des
mesures de lutte contre la délinquance ». Cette évaluation peut porter sur les traitements
appliqués aux délinquants, sur les programmes de prévention de la criminalité ou encore
sur les institutions pénales. Elle peut se faire avant et/ou après le changement pour voir
s’il faut nécessairement entreprendre et apprécier la pertinence de celui-ci une fois
exécuté. Les types de recherche évaluative en criminologie sont au nombre de trois :
- La recherche expérimentale « qui suppose la constitution délibérée d’une
situation d’expérimentation, est très rarement réalisée en raison des contraintes
pratiques, scientifiques et éthiques qui s’y oppose »71.
- La recherche quasi-expérimentale est fréquemment utilisée. Il en est ainsi de
l’évaluation de l’effet intimidant de la peine de mort dans un pays qui l’abolit puis
la rétablit.
- L’analyse de variation naturelle. Exemple, dans une unité d’observation, faire
l’évaluation de l’effet intimidant des sanctions en comparant la variation naturelle
des taux de criminalité et celle des niveaux des peines prévues et appliquées.

• La recherche de changement a pour but les conseils pour l’action. « Elle peut avoir deux
sortes d’objectifs. Les premiers concernent la nature et le contenu des mesures de lutte
contre la délinquance ; il s’agit alors de rechercher les modifications à apporter, « quant

69Ibidem, p. 84.
70Idem, p. 84.
71Loc. cit., p. 85.
17

au fond, à l’état de choses existant »72. S’agissant des seconds, ils portent sur les
techniques utilisées en criminologie appliquée, comme par exemple, les tests
psychologiques.

b°/ Recherche d’observation et recherche active

Toutes les deux recherches visent la transformation de la situation en cause.


Mais dans la recherche d’observation, le chercheur n’est pas impliqué dans l’activité
quotidienne alors qu’il est à la fois chercheur et agent de changement, intégré dans l’équipe
active, dans la recherche active.

§3. Les techniques de recherche criminologique

Ce sont des procédés de collecte des données relatives à l’action criminelle.


Ce sont des techniques d’approche du phénomène à étudier. Elles varient en fonction de
l’objet de la recherche et peuvent être rangées en trois groupes : les techniques d’approche
de la criminalité, celles du phénomène individuel et celles utilisées en criminologie
appliquée. Ces dernières ne présentant pas vraiment une grande particularité par rapport
aux techniques de collecte des données en sciences sociales, nous étudions
successivement les deux premières.

A°/ Les techniques d’approche de la criminalité

Ce sont des procédés de mesure de la criminalité. Celle-ci étant l’ensemble


des infractions commises pendant une période de temps dans une espace déterminée, elle
est un phénomène particulièrement quantitatif qui implique une étude de la mesure de
laquelle résulte divers types de sa connaissance.

1°/ La mesure de la criminalité

De manière générale, la criminalité se mesure par les statistiques criminelles


(statistiques de la criminalité). Mais depuis près de 49 ans, on utilise de nouvelles
techniques d’évaluation de la criminalité.

a°/ Les statistiques criminelles

Par statistiques criminelles, on entend « le dénombrement, pour un territoire


donné et au cours d’une période déterminée, des divers faits relatifs à la criminalité :
infractions connues, condamnations prononcées, nombre de personnes détenues, etc. »73. Il
y a lieu d’étudier ces statistiques et leur valeur.

a.1. Diverses statistiques criminelles

Elles peuvent être classées en trois groupes. Et selon leur ordre d’importance,
on retient :

- Les statistiques publiques et les statistiques privées

Le critère de cette classification est la qualité de la personne ou de

72Ibidem, p. 86.
73Ibidem, p. 89.
18

l’organisme qui dresse ces statistiques. Aussi sont-elles publiques (encore appelées
officielles), quand elles sont dressées par des organismes officiels (divers ministères) ; et
privées (encore appelées scientifiques) lorsqu’elles sont établies par des chercheurs.

- Les statistiques nationales et les statistiques internationales

C’est l’espace géographique qui détermine cette classification. Ainsi, les


statistiques nationales sont celles dressées dans le cadre d’un pays ; elles sont
internationales lorsqu’elles comptabilisent, dans un même document, « des faits relatifs à la
criminalité de plusieurs pays »74.

- Les statistiques policières, judiciaires et pénitentiaires

C’est la classification la plus importante. Elle se fonde sur « le stade du


processus de justice pénale »75.
• Les statistiques policières sont celles établies par les services de la police. Elles
comptabilisent les infractions connues de celle-ci et les délinquants mis en état
d’arrestation par ses services ;
• Quant aux statistiques judiciaires et des parquets, ce sont « celles qui comptabilisent les
condamnations prononcées par les Cours et Tribunaux »76ainsi que ;
• S’agissant des statistiques pénitentiaires (et de la rééducation), elles sont celles qui
comptabilisent aussi bien le nombre et la répartition des détenus dans les
établissements pénitentiaires (ainsi que les établissements de rééducation pour mineurs
délinquants) que « les données numériques relatives à l’application des mesures de
traitement en milieu ouvert (sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, etc.)77.

a.2. La valeur des statistiquescriminelles

Le crédit longtemps attribué aux statistiques criminelles fait l’objet des


critiques aujourd’hui. Il importe donc de s’attarder sur ce que mesurent ces statistiques et
comment elles mesurent.

a.2.1. Ce que mesurent les statistiques criminelles

- Criminalité légale, criminalité apparente et criminalité réelle :

• La criminalité légale, est l’ensemble des condamnations prononcées par les Cours et
Tribunaux ;
• La criminalité apparente est l’ensemble des faits de criminalité portés à la connaissance
des autorités de police (criminalité apparente policière) et des organes judiciaires de
poursuite (criminalité apparente de poursuite) ;
• La criminalité réelle est l’ensemble des infractions effectivement commises.

L’on comprend, après ces définitions, que les statistiques criminelles


mesurent la criminalité légale et apparente et non la criminalité réelle. Celle-ci est inconnue

74Ibidem, p. 90.
75Idem., p. 90.
76Ibidem, p. 91.
77Loc. cit., p. 91.
19

et il existe, entre la criminalité réelle et apparente un chiffre non connu appelé chiffre noir de
la criminalité ou criminalité cachée. L’on distingue : le chiffre noir absolu (constitué des
infractions totalement cachées ; c’est-à-dire, celles qui ne sont ni perçues, ni qualifiées
comme infractions) ; le chiffre noir relatif (constitué des infractions perçues mais non
signalées à la police) ; le chiffre gris (constitué des infractions connues de la police mais
dont les auteurs ne sont ni identifiés, ni poursuivis)

- La valeur respective de la criminalité légale et de la criminalité apparente78

L’on s’est posé la question de savoir, laquelle de ces deux types de criminalité
est proche de la criminalité réelle. Alors qu’au 19è S les statistiques judiciaires, les seules
connues, étaient considérées comme étant proches de la criminalité réelle, aujourd’hui ce
sont les statistiques policières qui ont cette considération.

En effet, il faut savoir qu’il se produit une sélection progressive de la


criminalité enregistrée par la police et le parquet à celle effectivement sanctionnée par les
tribunaux ; car il y a une perte de la substance répréhensible et une modification (ou même
une transformation) de la matière à réprimer.

- Le contenu de la criminalité apparente

Les statistiques de la criminalité apparente étant plus proches de la


criminalité réelle, l’on s’est intéressé à savoir ce qu’elles enregistrent. Les recherches
effectuées sur les statistiques policières aux USA (par SELLIN et WOLFGANG) et en France
(par BARBERGER), ont révélé que les crimes avec victimes sont plus élevés que ceux sans
victimes (théorie du renvoi proposée aux USA) ; les infractions de droit commun ont un taux
élevé que celles de droit particulier (théorie de la détermination légale et réglementaire
proposée en France). Ainsi donc, le contenu de la criminalité apparente renvoie aux
infractions de droit commun et aux crimes avec victimes.

a.2.2. Comment mesurent les statistiques criminelles

Deux critiques sont généralement faites aux statistiques criminelles. Il s’agit


de l’incertitude et la déformation.

- De l’incertitude des statistiques criminelles

Elle provient de trois types de facteur ci-après :


• les erreurs involontaires intellectuelles au moment de la comptabilisation des
infractions, et matérielles au moment de la publication ;
• « les choix d’opportunité faits par les autorités quant à la suite donnée aux affaires »79
(pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites par les parquets et pouvoir
discrétionnaire de la police) ;
• Les falsifications délibérées pour la cause politique80.
78 Lire IDZUMBUIR ASSOP, Cours de criminologie, 3ème Graduat/B, Faculté de Droit/UNIKIN,
année académique 2008-2009.
79Ibidem, p. 95-96.
80Ibidem, p. 96.
20

- De la déformation par les statistiques criminelles

Les statistiques criminelles traditionnelles ne tiennent pas compte de la


gravité des infractions. Elles sont en outre incapables de mesurer la criminalité réelle. Ce qui
a amené à rechercher les nouvelles techniques d’évaluation de la criminalité.

b°/ Les nouvelles techniques d’évaluation de la criminalité

Il s’agit des techniques d’approche du chiffre noir, les évaluations du coût du


crime ; les sondages sur le sentiment d’insécurité et les recherches qualitatives sur la
criminalité. Dans ce cours, nous mettons l’accent les techniques. D’approche du chiffre
noir.

- Les techniques d’approche du chiffre noir

Une tentative de la connaissance de la criminalité réelle peut se faire par des


enquêtes d’auto confession ou par celles de victimisation.

Les enquêtes d’auto confession

Encore appelées auto-portraits, elles consistent à interroger les délinquants


sur les délits commis. Elles reposent sur les aveux de leurs auteurs. Mises à l’œuvre après la
deuxième guerre mondiale, ces enquêtes initialement utilisées pour mesurer la criminalité
réelle se sont vu assigner d’autres finalités (comparaison du nombre des délinquants, étude
des carrières criminelles, etc.). Ces enquêtes ont l’inconvénient de donner une évaluation
très imprécise du chiffre noir dans la mesure où les auto-portraits ne renseignent que le
pourcentage de ceux qui avouent leurs méfaits.

Les enquêtes de victimisation

Elles portent sur les victimes des infractions qui donnent les témoignages à
partir des interrogations auxquelles on les soumet. Nées aux USA comme celles d’auto
confession, les enquêtes de victimisation avaient initialement un double objectif qui
demeure encore aujourd’hui : la connaissance du volume et de la structure de la criminalité
réelle, ainsi que les motifs d’abstention en cas de non signalement à la police. A ces
objectifs traditionnels, s’ajoutent d’autres objectifs nouvellement assignés à ces enquêtes,
notamment l’objectif clinique (elles recherchent « les mécanismes psycho-sociaux à la base
du phénomène de victimisation »81).

Il y a lieu de savoir que ces enquêtes présentent trois avantages :


• elles sont meilleures que celles d’auto confession pour la connaissance du volume et de
la nature des infractions commises ;
• « elles contribuent à la connaissance du processus de renvoi des affaires pénales à la
police ou à la justice par les victimes »82 ;
• elles permettent de savoir pourquoi certaines infractions, pourtant signalées à la police

81Ibidem, p. 100.
82Idem, p. 100.
21

et au parquet, ne sont pas enregistrées dans les statistiques.

Elles présentent toutefois quelques limites : elles ne permettent pas la


connaissance de la criminalité sans victimes individualisées ; elles augmentent ou
grossissent la criminalité (Les faits rapportés par ces victimes ne sont pas tous
infractionnels) ; elles sont inexactes à cause des erreurs de mémoire.

2°/ Les divers types de connaissances sur la criminalité

L’acquisition des connaissances sur la criminalité peut se réaliser par sa


description, la recherche de sa causalité et l’établissement de prévisions de son évolution.

a°/ Description de la criminalité

Le volume et la structure de la criminalité, ses variations dans l’espace et son


évolution dans le temps sont les trois aspects de connaissance résultant de l’exploitation
des informations des instruments de mesure.

- Le volume et la structure de la criminalité

S’agissant de son volume, l’on sait que les statistiques criminelles


n’établissent que la criminalité légale et apparente. Il importe donc de les compléter par les
résultats d’évaluation du chiffre noir. Quant à la structure, elle permet de connaître la
répartition des infractions selon leur gravité ou leur nature, et aussi en tenant compte des
caractéristiques individuelles générales (sexe, âge, etc.). Ainsi par rapport à leur gravité, l’on
sait combien de meurtres (crime), par exemple, par année dans telle espace géographique.
Et par rapport à leur nature, autant d’infractions contre les personnes ou contre les biens,
par exemple, dans telle espace géographique dans telle durée de temps.

- L’évolution de la criminalité dans le temps

Elle permet de connaître les tendances de la criminalité à long terme ; les


variations de la criminalité selon les saisons et les tendances dus aux guerres et révolutions
(tendances des mouvements accidentels).

- Les variations de la criminalité dans l’espace

Celles-ci peuvent se faire dans le pays ou entre les pays.

Dans le pays, les statistiques de la criminalité permettent de comparer la


criminalité d’une région à une autre. Entre les pays, les statistiques et autres instruments
permettent de comparer les diversités de criminalité selon les pays. Cette comparaison se
fait au moyen des statistiques criminelles internationales, encore appelées statistiques
coordonnées, statistiques comparatives ou statistiques supra-nationales.

b°/ La recherche de la causalité de la criminalité

Les techniques de mesure de la criminalité servent également de fondement


à l’étude de la causalité de la criminalité et à établir les types de société en fonction des
différences de celle-ci.
22

B°/ Les techniques d’approche du phénomène individuel

Elles sont très différentes de celle de la criminalité, et particulièrement


orientées vers l’étude de la personnalité du délinquant. L’on recourt aux techniques
d’approche transversale et longitudinale. Les premières étudient les délinquants en
comparaison aux non-délinquants ou encore, elles procèdent à l’étude des différents
groupes des délinquants en les comparants entre eux, à un moment donné de leur
existence. La méthode comparative ainsi utilisée interprète les données récoltées par les
techniques d’observation systématique des délinquants (qui permet la connaissance de leur
personnalité et des motivations de leur comportement), les enquêtes et l’étude de
victimisation ou d’auto confession. Les secondes étudient les groupes de délinquants selon
les diverses époques de leur vie. Elles recourent aux biographies de criminels, encore
appelées études de carrières criminelles (permettent l’examen de tous les aspects de
l’histoire et actes délictueux d’un criminel) ; aux études suivies de cas, dites folow-up studies
(permettent de contrôler la vie d’un condamné après sa libération de la prison ou
l’achèvement de sa peine) ; aux études par cohortes (permettent d’établir la comparaison
d’une cohorte83 par rapport à une autre).

SECTION III. LES GRANDES THÉORIES CRIMINOLOGIQUES

On a tenté, depuis l’Antiquité, à expliquer l’action criminelle ; il ne s’est agit


que des explications spéculatives et pas des théories scientifiques. Mais depuis la deuxième
moitié du 19e siècle, commence à surgir l’explication scientifique du phénomène criminel,
grâce au mouvement des positivistes (§1). A ces premières explications, s’ajoutent celles
dites modernes (§2).

§1. Les premières explications scientifiques du phénomène criminel

Si toutes étaient centrées sur la recherche des facteurs du crime et les


moyens de lutte, chacune mettait l’accent sur tel facteur ou sur tel autre. C’est ainsi que pour
les uns, les facteurs anthropologiques (A) étaient mis en exergue, les autres s’attachaient
aux facteurs du milieu physique et social (B), mais FERRI réussit à proposer une synthèse
de ces deux conceptions (C).

A°/ Les explications anthropologiques

Elles résultent de la théorie lombrosienne. Médecin militaire et professeur de


médecine légale, Cesare LOMBROSO, l’un des pères fondateurs de la criminologie, est le
père de la théorie du « type criminel ». Cette théorie de l’homme criminel a à la fois connu
beaucoup de succès et beaucoup de critiques.

1°/ La théorie lombrosienne

Pour LOMBROSO, il existe un « type criminel » (que FERRI appellera « criminel


né »). Celui-ci se distingue de l’homme normal par des stigmates physiques, des traits

83En criminologie, cohorte signifie l’ensemble d’individus qui, par rapport à la délinquance,
sont repérables dans le temps, en fonction d’un élément commun (condamnation ou libération
dans une même période par exemple).
23

psychologiques et fonctionnels.

S’agissant du plan physique, l’homme criminel a selon lui un cerveau


relativement petit, des mâchoires énormes, des lèvres charnues, un menton excessivement
long, des arcades sourcilières avancées, des bras très longs, des orbites excessivement
grandes, des cheveux abondants… L’on note également cette variation physionomique par
rapport aux crimes qu’ils commettent. Le meurtrier a des yeux froids, des maxillaires très
longs, un nez crochu, des pommettes saillantes, des canines très développées… Le voleur a
desyeux petits, mobiles et inquiets, les sourcils épais, un nez épaté et un front fuyant.

Quant au plan physiologique, le criminel est atteint par une insensibilité qui
atrophie ses sentiments de pitié et de compassion. Il n’a pas de remords, il est égoïste, cruel
et superstitieux. Il est porté au tatouage et à parler en argot.84

Bref, l’homme criminel de LOMBROSO a un corps et un esprit qui traduisent la


sauvagerie le disposant irrésistiblement au crime ; ses caractéristiques sont les produits de
l’atavisme. Il importe de savoir que LOMBROSO invoque l’anomalie atavique parce qu’il était
influencé par la théorie de l’évolution de Darwin. Aussi, pour lui, les caractéristiques de
l’homme criminel seraient la résurgence des traits d’hommes primitifs. Mais vers la fin de sa
vie, LOMBROSO donne une autre explication : l’anomalie pathologique (épilepsie).

2°/ Critique de la théorie lombrosienne

Elle est à la fois positive et négative. S’il est vrai que cette théorie a le mérite
historique de rompre avec la conception abstraite du criminel des classiques, introduisant
ainsi dans l’étude du criminel la méthode positive et expérimentale et proposant une
explication du phénomène criminel à partir de la personnalité du délinquant, il n’est pas
moins vrai qu’elle a reçu de vives reproches.

Déjà en 1886, Gabriel TARDE souligne la relativité du crime aussi bien sur le
plan chronologique que spatial. Il ne peut donc avoir un type criminel, c'est-à-dire une
catégorie naturelle, à même de fonder l’explication du crime dans le temps et dans l’espace.
En 1913, GORING démontre que le type criminel n’existe pas. Il n’y a aucune différence entre
le crâne d’un criminel et celui d’un non criminel, ni moins encore de stigmate distinctif chez
le criminel. A la suite de DURKHEIM, les sociologues réfutaient l’hypothèse de l’anomalie
biologique du délinquant. Et ceux qui la soutenaient ne voyaient pas cette anomalie dans
l’atavisme ou l’épilepsie mais plutôt dans d’autres explications (névrose, dégénérescence).
LOMBROSO n’a pas tenu compte des facteurs sociaux de l’action criminelle.

B°/ Les premières explications de type sociologique

84Sur la longue description de l’homme criminel de LOMBROSO, lire notamment Maurice


CUSSON, op.cit, p.37 ; Raymond GASSIN, op.cit, p.124, Jean PINATEL, Traité de droit pénal et de
criminologie, Tome III : La criminologie ; 3e éd. Dalloz, Paris, 1975, p.263-264.
24

Elles vont être étudiées à partir de cinq écoles ci-après.

1°/ L’école cartographique ou géographique

Le belge QUETELET (1796-1874) et le français GUERRY (1802-1886) en sont


les promoteurs. Ces derniers, travaillant sur les statistiques françaises de la criminalité
(1826-1850), constatent que, de manière constante, les crimes contre les personnes
prédominent dans les régions du Sud pendant les saisons chaudes, alors que ceux contre la
propriété le sont dans les régions du Nord pendant les saisons froides (loi thermique de la
criminalité).

2°/ L’école socialiste

Elle est fondée sur les écrits de Marx et Engels et s’est intéressé aux relations
entre le crime et le milieu économique. Selon la doctrine marxiste, « la criminalité est un
« sous-produit » du capitalisme comme les autres anomalies sociales »85. Elle est une
réaction contre les injustices sociales, d’où sa prédominance dans le prolétariat. Celle-ci
connaitrait une diminution considérable dans une société socialiste. A la suite de Marx,
cette théorie économique de la criminalité ira jusqu’à soutenir que le socialisme amènerait
la disparition totale de la criminalité.

3°/ L’école du milieu social

Professeur de Médecine légale à Lyon, LACASSAGNE fut le chef de file de


cette école ; il souligne l’influence du milieu social dans l’étiologie du crime. Sa théorie est
résumée dans deux formules restées célèbres : « Les sociétés n’ont que les criminels
qu’elles méritent » et « le milieu social est le bouillon de culture de la criminalité, le microbe
c’est le criminel, un élément qui n’a d’importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait
fermenter »86.

4°/ L’école de l’interpsychologie

Elle a pour fondateur Gabriel TARDE (1843-1904). Ce courant a le mérite de


compléter les aspects négligés par l’école du milieu social, notamment dans les aspects
individuels de la délinquance et l’action du milieu social sur la personnalité du délinquant.

Cette école explique les aspects par l’imitation. Comme l’écrit Raymond
GASSIN87, elle « considère que les rapports sociaux ne sont que des rapports
interindividuels et que ceux-ci sont régis par ce fait social fondamental qu’est l’imitation.
Chez l’individu, l’imitation explique des fonctions psychologiques telles que l’habitude et la
mémoire. Sur le plan des rapports sociaux, c’est encore par le jeu de l’imitation que
s’organise et se développe la vie sociale ». Ainsi, selon TARDE, la conduite de chacun est
dictée par les coutumes acceptées par son milieu. Ce qu’il fait (voler, tuer…) est le résultat de
l’imitation.

85Idem
86 Cité par Raymond GASSIN, op.cit, p.127.
87Op.cit, pp.127-128
25

5°/ L’école sociologique de DURKHEIM

Emile DURKHEIM (1858-1917) est le représentant de ce courant de pensée.


Sa théorie est caractérisée par deux traits. La normalité du crime et le rôle de l’anomie dans
l’explication de la conduite criminelle. S’agissant de la normalité du crime, DURKHEIM
considère que le crime est un phénomène social normal ; il est présent dans toute société
humaine ; il est un facteur de santé publique. La criminalité, dans le temps et dans l’espace,
a ses origines « dans la structure de la culture à laquelle elle appartient »88. Elle doit toujours
s’analyser par rapport à une culture. Quant à l’anomie dans l’explication de la conduite
criminelle, elle n’est rien d’autre que l’affaiblissement du rôle des normes sociales.

C°/ L’école multifactorielle de FERRI

Professeur de droit pénal à Rome et à Turin, Enrico FERRI (1856-1929), ²² était


aussi sociologue. Pour comprendre sa pensée, il importe d’analyser sa théorie qui n’est pas
exempte de critique.

1°/ La théorie de FERRI

Elle est axée autour de la criminologie théorique et appliquée.

a°/ La criminologie théorique de FERRI

Pour FERRI, le crime est un phénomène complexe déterminé par des facteurs
criminologiques multiples. Ceux-ci se combinent différemment selon les délinquants.
S’agissant des facteurs à l’origine du crime, FERRI en retient trois :

- Les facteurs anthropologiques ou endogènes

Inhérents à la personne du délinquant, soit ils relèvent de sa constitution


organique, soit de sa constitution psychique ou les caractéristiques personnelles de celle-ci
(âge, sexe, etc.).

- Les facteurs du milieu social ou facteurs exogènes

Ils résultent du milieu de vie du criminel. Il peut s’agir de la densité de la


population, de l’état de l’opinion publique et de la religion, de la constitution de la famille, du
système d’éducation, de la production industrielle, de l’alcoolisme, de l’organisation
économique et politique.

- Les facteurs du milieu physique ou facteurs cosmo-telluriques

Ils sont une variété de facteurs exogènes. Il peut s’agir du climat, de la nature
du sol, de la production agricole…

88Idem, p.128
26

Quant à la classification des délinquants, FERRI en retient cinq catégories


dont deux sur les facteurs endogènes et trois sur les facteurs exogènes.

- Les deux premières sont les criminels-nés et les criminels aliénés

Les criminels-nés présentent les caractéristiques de l’homme criminel de


LOMBROSO. Mais FERRI admet que le déterminisme ne signifie nullement le fatalisme.
Aussi, le criminel-né n’est pas fatalement voué au délit ; tout dépend des facteurs sociaux.
Les délinquants aliénés (c'est-à-dire les criminels en raison d’une anomalie mentale très
grave), les facteurs sociaux ont une influence considérable sur leur délinquance. Ainsi, tous
les individus atteints de la même affection mentale ne deviennent pas délinquants. Partant
de cette analyse, FERRI propose « une individualisation de la sanction pénale axée sur la
neutralisation de ce type de délinquants »89.

- Les trois autres catégories sont les délinquants d’habitude, les délinquants
d’occasion et les criminels passionnels.

- Les criminels d’habitude, encore appelés criminels par habitude acquise, c’est
la catégorie de ceux qui le sont devenus à cause des conditions sociales, particulièrement
défavorables, dans lesquelles ils ont évolué en particulier dans leur enfance et leur
adolescence90. Mais il faut y ajouter les facteurs endogènes. En effet, selon FERRI, les
facteurs sociaux, aussi défavorables soient-ils, ne conduisent à la délinquance d’habitude
que s’il y a un précédent anthropologique.

- Les criminels d’occasion : cette catégorie présente le plus grand nombre de


délinquants. Ceux-ci succombent à l’épreuve de la tentation de commettre l’acte criminel à
cause des conditions sociales très défavorables dans lesquelles ils vivent, lesquelles
influent sur une personnalité fragile du fait de la constitution biologique. (Criminalité dû au
facteur endogène).²
- Les criminels passionnels sont ceux qui commettent l’acte délictueux à cause
« de facteurs occasionnels déterminants sur une nature hypersensible »91.

Pour ces trois catégories de délinquant, FERRI propose : la neutralisation des


criminels d’habitude, des mesures de réadaptation sociale pour les criminels d’occasion, et
l’obligation de réparer le préjudice pour les passionnels.

b°/ La criminologie appliquée de FERRI

Contrairement à l’école classique qui fondait la responsabilité pénale sur « le


concept de responsabilité morale (elle-même fondée sur l’idée philosophique de libre
arbitre »), FERRI la fonde sur la responsabilité sociale. Il propose des mesures de défense
sociale comprenant les mesures de défense préventives (substituts pénaux) et les mesures
de défense répressive (allant de la mort à l’obligation de réparation du préjudice).

89 Raymond GASSIN, op.cit, p.130


90Idem, p.130
91Ibidem, p.131
27

2°/ Critique de la théorie de FERRI

Sur les aspects positifs, FERRI est le premier à mettre en évidence la théorie
multifactorielle de la délinquance et de proposer ainsi l’individualisation de la sanction
pénale. Toutefois, certains aspects de sa théorie ont fait l’objet de deux critiques négatives
au niveau de la classification des facteurs criminogènes et au niveau de celle des
délinquants.

S’agissant de la première, il lui est reproché un manque de rigueur dans la


classification des facteurs criminogènes et le fait de les placer tous au même niveau sans
tenir compte « de la règle des niveaux d’interprétation »92. Quant à la seconde, elle a soulevé
des sévères objections portant sur la réalité du criminel-né et l’opportunité de distinguer le
criminel d’occasion du criminel passionnel. Il a été proposé trois catégories de délinquant :
les aliénés et anormaux mentaux, ceux d’occasion et ceux d’habitude. Il importe de savoir
que FERRI a frayé le chemin ; son œuvre qui présente la délinquance de manière plus
mécanique que vivante93 va être compléter par des explications modernes.

§2. Les explications modernes de l’action criminelle

Elles tournent au tour de l’étiologie du crime, des théories de l’acte criminel,


des conceptions de la criminologie de la réaction sociale et de celle dite victimologique.

A°/ Les explications étiologiques contemporaines

Elles vont être étudiées dans leurs traits communs et leurs orientations
diverses.

1°/ Les traits communs

Les explications étiologiques contemporaines se caractérisent par trois


grands traits essentiels : elles affirment, à la suite de FERRI, que la criminalité est un
phénomène multifactoriel. Elles ont en commun un élément étiologique. Elles sont
organisées « autour d’une direction particulière qui leur donne le caractère de
« criminologies spécialisées »94.

2°/ Les orientations diverses

Il y a la direction biopsychologique, la direction psycho sociale, la direction


psycho morale et les tentatives de synthèse globale.

a°/ La direction bio psychologique

Elle est axée autour des théories traditionnelles et certaines théories récentes.

▪ Les théories traditionnelles

92Ibidem, p.132
93Ibidem, p.133
94Ibidem, 135
28

L’on peut citer :

- La théorie des perversions instinctives de DUPRE : Ce psychiatre français


accorde une grande importance « aux instincts dans l’activité humaine »95. Il retient ainsi
l’instinct de conservation, celui de reproduction et celui d’association. Ceux-ci, par atrophie
ou par inversion, seraient susceptibles d’anomalies par excès ; lesquelles anomalies
entraîneraient des perversions « dont certaines déboucheraient sur des conduites interdites
par la loi pénale (ex : attentats aux mœurs) »96.

- L’école de GRAZ : A. LENZ en est le représentant le plus important qui a


complété et souligné l’anthropologie de LOMBROSO : cette école place l’étiologie du crime
dans « l’hérédité générale » et affirme que de nombreuses dispositions transmises par
l’hérédité, il en existe celles qui conduisent plus facilement les individus au crime.

- La théorie de l’inadaptation biologique de KIMBERG. Pour ce suédois, « chaque


individu réagit aux stimuli du milieu ambiant en fonction de sa structure biologique propre.
Or si nombre de personnes s’adaptent harmonieusement à ces stimuli conformément, aux
évaluations morales en cours dans la société dont certaines sont pénalement sanctionnées,
ce n’est pas le cas de tous les individus ; certains réagissent aux stimuli du monde extérieur
en commettant des actes criminels en raison de la présence de divers traits biologiques
dans la structure de leur personnalité »97.

- La théorie de la constitution délinquantielle. Elle est l’œuvre de Di TULLIO pour


qui tous les individus ont une constitution personnelle englobant des éléments héréditaires
et des éléments acquis particulièrement dans leur première enfance. Certains individus
« auraient une constitution structurée de manière telle que le seuil au-delà duquel ils
commettent des actes criminels, appelés « seuil délinquantiel » est inférieur à celui des
autres individus »98. L’homme doit donc être envisagé dans sa totalité liée à l’hérédité et au
milieu. Il ne peut être repéré « chez lui que certaines tendances criminogènes, qui ne sont
pas intrinsèquement criminelles et sont seulement susceptibles de lui faire commettre plus
facilement un délit que ne le ferait un autre sujet »99.

▪ Quelques théories récentes

Elles s’appuient sur les données de la biologie sociale. Nous en retenons


trois :

- La théorie de la conception naturaliste de P. GRAPIN. Selon cette théorie, le


phénomène criminel se situe « à l’intersection de deux tendances opposées » qui existent
chez l’homme et fondent « sa spécificité parmi les êtres vivants ». Il s’agit de la composante
pulsionnelle et de la composante normative. « Il y aurait délinquance lorsque la première

95Ibidem, p.136
96Idem,p.136.
97Ibidem, p.137
98Idem, p.137
99Idem, p.137
29

domine le comportement en refoulant la seconde »100.

- La théorie de la violence de J. LEAUTE. Elle explique la délinquance à partir de


l’agressivité. Phénomène naturel dans les sociétés animales où elle est canalisée pour la
survie de l’espèce, elle n’a plus la même finalité dans les sociétés humaines où s’est
« produit un « déraillement » du système d’auto-régulation » à la base de toutes les violences
(guerre, meurtres, assassinats …)101.

- La théorie de l’agressivité de H. LABORIT. Cette théorie situe l’origine de


l’agressivité, et donc celle de l’activité criminelle, au niveau de l’angoisse, elle-même
provenant de « la contradiction entre l’individu biologique et l’homme social »102.

b°/ La direction psycho sociale

Elle explique la délinquance à partir des facteurs sociaux. Avec GASSIN, nous
les regroupons dans deux tendances : les théories des facteurs sociaux de la délinquance et
celles des facteurs sociaux du respect de la loi pénale.

▪ Les théories des facteurs sociaux de la délinquance

Nous analyserons successivement :

- La théorie marxiste-léniniste

Elle est l’interprétation, par LENINE de la théorie économique de la criminalité


de l’école socialiste. Selon cette théorie, la délinquance est un phénomène social qui a sa
source dans « l’inégalité des hommes, la concentration des richesses dans les mains de
quelques-uns » ainsi que « la misère et la servitude des autres ».

Le délit est donc « l’expression particulière de la lutte des classes, une


manifestation de la contradiction plus générale qui oppose au sein des sociétés industrielles
la bourgeoisie et le prolétariat »103. Le crime serait la réponse à la violence institutionnelle
des rapports sociaux. Le droit pénal serait une arme entre les mains de la bourgeoisie pour
freiner la réponse du prolétariat.

- La théorie des associations différentielles de Sutherland

L’auteur du « white collar crime » : délinquance en col blanc, explique que le


comportement criminel individuel s’apprend « au contact d’autres personnes par un
processus de communication »104. L’apprentissage se fait particulièrement à l’intérieur d’un
groupe restreint (famille, rue, bande). S’agissant du comportement criminel collectif, il
explique les différences de taux de criminalité entre les pays à partir des différences
d’organisation sociale. La désorganisation sociale justifie le taux élevé de la criminalité.
C’est ainsi que le manque d’homogénéité et de cohésion des populations occidentales
(particulièrement celles des USA) basés sur l’individualisme, la mobilité et les conflits de
100Idem, p.137
101Ibidem, p.138
102Idem, p.138
103Ibidem, p.140
104Ibidem, p.141.
30

culture, sont à l’origine du taux élevé de la criminalité dans les pays occidentaux
industrialisés.

L’on notera qu’à la suite de Sutherland, certains criminologues ont soit tenté
de perfectionner, soit de généraliser cette théorie. Il en est ainsi de Ronald Akers avec la
théorie de l’apprentissage social et Robert Clark avec celle de groupes de référence.

- La théorie de l’anomie de MERTON

Se référant à la notion d’anomie dégagée par DURKHEIM, MERTON explique


la délinquance. Il définit l’anomie comme « un état caractérisé par l’absence de norme ou
tout au moins leur affaiblissement caractérisé »105. Une société est anomique lorsqu’il y a
absence de cohésion sociale ; absence d’adhésion de tous ses membres aux normes
sociales de comportement.

- La théorie des conflits de culture et des sous cultures délinquantes

ThorstenSellin souligna les conflits de culture comme cause de la criminalité ;


cause qu’il a incorporé dans le complexe global des facteurs sociaux et économique d’une
société donnée.
Partant de cette théorie, COHEN développe la théorie des sous cultures
délinquantes qui précise que l’anomie et la désorganisation sociale caractérisent les
couches sociales de manière distincte. « Les couches ouvrières inférieures y seraient plus
sujettes » à cause des sous cultures délinquantes qui en résultent.

- Les théories des facteurs sociaux du respect de la loi pénale

Ce volet examine deux théories ci-après :

- La théorie de l’« engagement » (commitment) de H.S. Becker

Si la criminologie traditionnelle se pose la question de savoir pourquoi le


délinquant a-t-il commis l’acte délictueux ? Becker se demande pourquoi les non-délinquants
n’en commettent pas. Il trouve la réponse dans la notion d’engagement. En d’autres termes,
« dans cet ensemble d’intérêts que possèdent les personnes « normales » à respecter la loi
pénale pour ne pas perdre le bénéfice des avantages que leur apporte la vie sociale dans
laquelle ils se trouvent « engagés » »106.

Un petit nombre d’individus, n’ayant aucun engagement dans cette structure


conventionnelle, n’ont aucun intérêt à protéger. Les autres, par contre, s’adonnent à la
délinquance par le fait « des techniques de neutralisation », c'est-à-dire les justifications les
permettant à violer la loi pénale. Aussi vont-ils, par exemple, se définir comme non
responsables des actes délictueux ou se représenter l’infraction comme « une forme de
compensation ou de punition légitime pour une offense que l’on a antérieurement subie ou
cru avoir subie »107.

105Ibidem, p.142
106Ibidem, p.146
107Ibidem, p.147
31

- La théorie du « lien social » (social bound) de T. HIRSCHI

Pour cet auteur, les hommes respectent les lois parce qu’ils sont contraints
par un certain nombre de liens sociaux (degré d’attachement de l’adolescent à son
environnement immédiat et aux institutions. Acceptation des objectifs conventionnels de la
grande société ; participation aux activités sociales et ; croyance dans la validité des règles
sociales et morales)108.

c°/ La direction psycho morale

Sans nier l’influence du milieu sur la délinquance ou encore l’influence


biologique sur celle-ci, cette direction souligne « l’étude de la « mentalité du délinquant, de la
formation de celle-ci » et de ses caractéristiques. Font partie de cette direction les
explications psychanalytiques de la délinquance résultant de la conception de Freud et les
explications psycho morales contemporaines.

- L’explication psychanalytique

La criminologie psychanalytique explique la délinquance à partir « d’une


structure antisociale plus ou moins spécifique et dont la formation résulte de troubles dans
la personnalisation de l’individu »109. Les tenants de cette direction se partagent quant aux
traits caractéristiques de la personnalité du criminel et quant à la « conception de la
formation de la personnalité antisociale.

S’agissant de cette dernière, Freud l’explique par les complexes résultant de la


non « liquidation de conflits infantiles liés au développement de la sexualité. Jung, par
contre, met l’accent sur le conflit actuel qui engendre l’agression ; et Adler souligne « le rôle
du sentiment d’infériorité ». Quant au premier, c'est-à-dire les traits caractéristiques de la
personnalité du délinquant, les uns (comme Alexandre et Staub, Burt et Cattel) l’assimilent
au « névrosé marqué par une très grande émotivité ». Les autres (comme Lagache)
soulignent l’égoïsme et l’immaturité110.

- Les explications psycho morales contemporaines

Les tendances contemporaines de cette direction expliquent la délinquance


par plusieurs théories. Nous retenons :La théorie de la personnalité criminelle de J.PINATEL

Le comportement criminel est un comportement spécifique qui ne se résume


pas à « l’une des formes que prend l’inadaptation sociale ou l’immaturité psychologique »111.
Il n’existe aucune différence de nature entre les criminels et les non criminels. Il y a une
différence de degré existant aussi bien entre délinquants et non-délinquants, mais aussi
entre différents délinquants. Cette différence de degré porte sur des traits psychologiques
qui forment (…) le « noyau central de la personnalité criminelle » : l’égocentrisme, la labilité,

108Idem, p.147
109Ibidem, p.148
110Ibidem, pp.148-149
111Ibidem, p.151
32

l’agressivité et l’indifférence effective »112. Chaque individu a ces quatre traits moins ou très
accentués. Cependant, chez les délinquants, soit l’un d’eux est excessivement accentué et
domine tout le comportement, soit les quatre se cumulent et entraînent le passage à l’acte
criminel.

B°/ Les théories de l’acte criminel

Ce sont les théories dynamiques de l’action criminelle. Elles considèrent l’acte


criminel comme une réalité effective. Leur analyse passe par l’étude des théories
dynamiques complémentaires et les théories principales de l’acte criminel

1°/ Les théories dynamiques complémentaires

Il importe de savoir qu’il existe un modèle général (celui de Cohen) et des


modèles particuliers. S’agissant du modèle général de Cohen (le modèle de l’arbre), il a la
« capacité d’application générale »113.

L’auteur de la théorie des sous-cultures délinquantes, COHEN est aussi celui


d’un modèle général du passage à l’acte délictueux qu’il conçoit comme l’aboutissement
d’une interaction entre l’auteur et la situation précriminelle au terme d’un processus dit de
passage à l’acte. Ainsi, pour cet auteur, l’acte délictueux est le point d’aboutissement d’un
processus « qui se développe dans le temps et par une série d’étapes au cours desquelles
personnes et situation sont en interaction constante »114. Il précise que cet acte n’est jamais
entièrement déterminé « par le passé et le processus du passage à l’acte peut voir son cours
se modifier lorsqu’il y a changement soit de la personnalité, soit de la situation, soit des
deux »115.

Quant aux modèles particuliers, il y a d’une part ceux qui attribuent un rôle
déterminant à la personnalité et, d’autre part ceux qui attribuent un rôle important à la
situation. Dans le premier groupe, l’on trouve des modèles objectifs et subjectifs. Les
modèles objectifs décrivent le passage à l’acte criminel « tel que l’observateur peut analyser
de l’extérieur la dynamique de la personnalité de l’agent »116.Le modèle de Jean PINATEL,
ci-haut analysé fait partie des modèles objectifs. Celui de KINBERG, pour qui, le passage à
l’acte délictueux est fonction de la relation s’établissant entre deux groupes de forces ; les
forces de pulsion et celles de résistance, n’est pas en reste. Les modèles subjectifs
décrivent le passage à l’acte délictueux « tel qu’il est vécu ou doit être vécu » par le
délinquant. Dans le second groupe, les circonstances sont déterminantes pour le passage à
l’acte délictueux. Tel est le cas de la victime, élément très essentiel du passage à l’acte.

2°/ Les théories principales de l’acte criminel

Elles ne sont pas le prolongement des « hypothèses étiologiques ». Nous en


retenons :

112Ibidem, pp.151-152.
113Ibidem, p.156
114Idem, p.156
115Idem, p.156
116Idem, p.156
33

- La théorie du « containment »117 de Reckless

Elle explique le passage ou non à l’acte délictueux par la présence des


barrières qui font obstacle au comportement criminel. Celles-ci sont interne (la force du moi
de l’individu) et externe (la structure sociale de retenue : la famille, l’Eglise…). Ces barrières
n’ont pas la, même force chez tous les individus ou toutes les sociétés. En cas d’absence ou
de faiblesse, l’individu est vulnérable et commet facilement l’acte délictueux. La situation et
inverse lorsque celles-ci sont fortes.

- La théorie du style de vie quotidien des victimes

Elle explique le passage à l’acte criminel en se fondant sur la vulnérabilité des


cibles. Proche des théories de la criminologie de la réaction sociale, cette théorie est l’œuvre
de deux sociologues américains COHEN et FELSON qui expliquent la nature et le taux de la
criminalité par les possibilités de réalisation que leur offre les victimes potentielles à travers
leur mode de vie habituel.

C°/ Les théories de la criminologie dite de la réaction sociale

L’idée fondamentale de ces théories est que le crime est un construit


socio-juridique. Elles ont pour unique préoccupation la réaction sociale à la délinquance et
peuvent être rangées en trois courants : interactionniste, organisationnel et, radical ou
critique.

1°/ Le courant interactionniste

Pour ce courant, qui refuse de reconnaître la délinquance comme catégorie


spécifique et parle de la déviance, ce qui importe et est significatif dans le phénomène de la
déviance « ce sont les processus par lesquels la société » pose « l’étiquette » de « déviant » à
certains individus et la manière dont ceux-ci réagissent à cette « stigmatisation »118.

2°/ Le courant organisationnel

Son domaine d’étude est très étendu : « étude de la police, des organes de
poursuites, des juridictions, des institutions pénitentiaires et de rééducation…, dont il analyse
l’organisation, le fonctionnement, les méthodes d’action, le coût et l’efficacité »119.

3°/ Le courant radical ou critique

Ce courant est à la fois une action et une explication. Comme explication, il

117 Le terme anglais est traduit soit par « retenu » ou « inhibition », soit par « barrières » ou
« censure ».
118 Raymond GASSIN, op.cit, p.167 ; Maurice CUSSON, op.cit, pp.59-63
119 Raymond GASSIN, op.cit, p.169 ; Maurice CUSSON, loc.cit, pp.59-63
34

reprend par des tournures l’explication du crime donnée par Karl Marx. Le crime serait une
construction des groupes dominants pour se maintenir au pouvoir dans un Etat en
encadrant les individus et groupes considérés comme dangereux à une telle conservation.
Le système pénal serait l’arme imparable qu’utilise la bourgeoisie pour le maintien de « sa
suprématie sur les classes opprimées »120. Comme action, ce courant se veut militant,
combattant ; et propose le changement social et l’instauration d’une société post-capitaliste
(décriminalisation des infractions actuelles et incrimination des activités des puissants
comme l’impérialisme, le colonialisme etc.)121.

D°/ La criminologie victimologique

Elle cherche la compréhension du crime à partir des victimes ; voir leur rôle à
la genèse du crime. Comme on le sait, en dehors des crimes sans victimes directes, il existe
une relation entre crime et victime. Cette dernière est une condition nécessaire pour réaliser
des crimes contre les personnes et le patrimoine. Elle est soit une victime par imprudence
ou simplement une victime provocatrice.

Dans le domaine de la politique criminelle, la criminologie victimologique


préconise deux types de réformes. D’une part, elle a insisté sur la reconnaissance des droits
des victimes, particulièrement leur « droit à l’indemnisation en dehors de toute action civile
contre le délinquant »122. D’autre part, elle suggère de substituer un modèle transactionnel
de règlement des dommages causés à la victime au modèle répressif traditionnel123.

L’on retiendra que la victimité (caractéristiques biologique et sociale


commune à toutes les catégories des victimes) appelle une prévention sociale en amont. En
outre, la victimologie met en exergue l’affirmation des droits des victimes des infractions qui
doivent être traités comme des victimes des catastrophes naturelles. La victimisation (fait
d’être dans un état de victime) appelle donc la responsabilité de l’Etat pour l’indemnisation
des victimes, leur traitement (en cas de besoin) et même leur éducation. C’est ainsi qu’au
niveau international, plusieurs recommandations des Nations unies sont faites aux Etats en
vue d’une prise en compte de la victime des crimes. Ailleurs, comme en France, il existe un
fond pour l’indemnisation et assistance des victimes.

Il importe de savoir qu’en victimologie, on distingue la victimologie


traditionnelle (ou première victimologie) de la seconde victimologie (qualifiée de
criminologie victimologique124).
La première étudie les modalités des rapports du délinquant et de sa victime,
les facteurs qui influent dans la relation criminel-victime.
La deuxième étudie les victimes comme l’un des aspects de la réaction sociale et a pour
objet la satisfaction de leur revendication.

La prévention victimale appelle l’Etat à prendre en charge l’éducation des


victimes potentiels ; à informer tout en éduquant la population à prévenir la victimisation de
la criminalité.

120Raymond GASSIN, op.cit, p.170 ; Maurice CUSSON, op.cit, pp.59-63


121Raymond GASSIN, loc.cit, p.170
122Ibidem, p.172
123Idem, p.172
124 L’expression est de Raymond GASSIN, op. cit., p. 386.
35

La première victimologie nécessite qu’on s’y attarde en étudiant le rôle de la


victime comme élément de la situation pré criminelle125.

PLAN SOMMAIRE

Outre l’introduction, ce cours se divise en deux titres. Le premier porte sur


l’explication du crime en général et se subdivise en examen des facteurs du crime ou
l’étiologie criminelle (Chapitre I) et les processus du passage à l’acte délictueux ou la
dynamique criminelle (Chapitre II). Le second titre s’intéresse aux typologies criminelles et
analyse successivement les typologies de délinquants (Chapitre I) et les typologies de délits
(Chapitre II). Une conclusion ouvrant une piste sur les problèmes criminels actuels, va
naturellement mettre fin à ces développements, sans omettre une parenthèse sur la
prévention de la criminalité.

125 Voir infra : Le rôle spécifique de la victime


36

TITRE I. L’EXPLICATION DU CRIME EN GENERAL

Elle se fait autour de l’étude des facteurs du crime ou l’étiologie criminelle


(Chapitre I) et de la dynamique criminelle ou le processus de passage à l’acte délictueux
(Chapitre II).

CHAPITRE I. LES FACTEURS DU CRIME OU L’ETIOLOGIE CRIMINELLE

L’étiologie du crime peut être située dans la personnalité du délinquant


(Section I) et/ou dans la situation précriminelle (Section II).

SECTION I. LA PERSONNALITÉ DU DÉLINQUANT

Concept essentiellement psychologique, la personnalité a été analysée par


divers courants. L’on peut retenir cette définition de la conception dynamique selon laquelle
la personnalité est la faculté de se comporter de telle ou telle manière, de choisir telle ou
telle conduite dans les situations les plus diverses dans lesquelles un individu se trouve
placée. La criminologie s’est toujours intéressée à la personnalité du délinquant comme
facteur de l’action criminelle aussi bien au moment du passage à l’acte qu’à celui de sa
formation. Dans cette section, nous allons surtout nous attarder sur ce deuxième moment,
c’est-à-dire à la formation de la personnalité du délinquant, en étudiant successivement
l’influence des facteurs endogènes (§1) et celle des facteurs exogènes (§2).

§1. L’influence des facteurs individuels ou endogènes

L’influence des dispositions héréditaires et celle des dispositions


personnelles sont les deux volets de l’influence des facteurs endogènes.

A°/ L’influence des dispositions héréditaires

Après l’abandon du type criminel de LOMBROSO, de nombreuses recherches


ont été faites pour rechercher s’il y a oui ou non un rapport entre les conduites criminelles et
l’hérédité. La recherche de ce rapport a été étudiée par différentes méthodes. L’on a utilisé la
méthode généalogique consistant à reconstituer la généalogie d’une famille et à faire le
calcul du nombre de délinquants ainsi que les types de crimes qui se reproduisent de
génération en génération. Cette méthode présente deux inconvénients. Premièrement, elle
n’isole pas l’influence de l’hérédité de celle du milieu. Deuxièmement, elle ne tient pas
compte de l’apport de la femme dans le patrimoine héréditaire.

La deuxième méthode utilisée repose sur l’observation d’un groupe de


délinquants en recherchant pour chacun le nombre de fois que ses ascendants étaient
délinquants. Les enquêtes menées en France ont révélé que les 3/4 ou les 3/5 avaient des
ascendants criminels. Est-ce de l’hérédité ? Cette méthode présente les mêmes
inconvénients que la première.
37

La troisième méthode est celle des jumeaux, consistant en la comparaison


des comportements respectifs de jumeaux univitellins et bivitellins. Cette méthode repose
sur l’idée de l’identité génomique. Dans le cas où l’hérédité prédispose au crime, si l’un des
jumeaux univitellins est prédisposé, l’autre doit l’être nécessairement. L’on a constaté que
pour les jumeaux univitellins il y avait concordance dans les 2/3 des cas alors qu’elle n’était
que de 1/3 des cas chez les bivitellins. Cette méthode, qui tient également compte de
l’influence du milieu, a permis de conclure à l’existence d’une influence de l’hérédité sur la
délinquance.

Le recours à l’électroencéphalographie a aussi contribué à confirmer


l’hypothèse de l’influence de l’hérédité sur la délinquance de certains sujets. Depuis 1955,
les travaux ont démontré l’importance des facteurs génétiques dans la psychopathie par
rapport à ceux de l’influence psychologique ; or, l’on sait le rôle que peuvent jouer certains
déséquilibres caractériels dans le passage à l’acte. Outre ces diverses études, il faut
également savoir que des études sur l’ADN, avec la génétique du comportement, s’activent à
rechercher s’il existe des gènes spécifiques de la criminalité dans le génome humain126.

B°/ L’influence des dispositions personnelles

Il s’agit d’antécédents personnels, innés ou acquis et qui contribuent à


façonner la personnalité du délinquant. Ces antécédents peuvent être antérieurs à la
naissance (influences congénitales à même d’expliquer les troubles d’intelligence ou même
de comportement) ; ils peuvent aussi être concomitants à la naissance (traumatisme
obstétrical, l’une des causes de la débilité mentale) ; ils peuvent enfin être postérieurs à la
naissance (troubles du premier développement, maladies infectieuses à effet encéphalique,
certaines infections sexuellement transmissibles comme la syphilis, certains moments
dangereux particulièrement la puberté, les accidents du travail, troubles visuels non traités
chez les enfants).

Il faut toutefois noter que ces divers éléments ne doivent pas être considérés
comme des facteurs criminogènes directs. Ce sont des facteurs qui contribuent à
l’altération de l’équilibre psychologique de l’individu, fragilisant ainsi le terrain.

§2. L’influence des facteurs du milieu ou exogènes

S’il est vrai que le milieu est le monde environnant où se situe un individu, il
faut savoir qu’il est un phénomène dynamique et une ambiance vécue par l’homme tout en
étant un fait objectif. Comme phénomène dynamique, il est en interaction constante avec
l’individu et est modifié par son action tout en exerçant une influence sur lui. En tant qu’une
ambiance vécue par l’homme tout en étant un fait objectif, il lui donne toujours une
signification subjective.

En criminologie, l’on distingue plusieurs milieux : le milieu physique et

126 Sur la génétique du comportement et la délinquance, lire Evariste LIKINDA BOFONDA, Les
mots de la bioéthique de A à Z (petit dictionnaire de bioéthique), CNB, Kinshasa, 2006 (inédit),
verba génétique du comportement ; Lire également Irénée MVAKA NGUMBU, La lutte contre
la néocriminalité procréatique en R.D.C. Esquisse de politique criminelle applicable dans un
domaine de bioéthique, Thèse de doctorat en Droit, UNIKIN, année académique 2010-2011, pp.
466-467.
38

géographique de vie des individus (ils intéressent la macro-criminologie) ainsi que le milieu
social, lui-même subdivisé en milieu social général (tous les citoyens de la société pour
toutes les conditions générales), et milieu social personnel (influe directement sur
l’individu). Il intéresse la micro-criminologie. Pour étudier l’influence du milieu sur la
délinquance, l’on distingue le milieu inéluctable, le milieu occasionnel, le milieu choisi ou
accepté et le milieu subi.

A°/ L’influence du milieu inéluctable

Le milieu inéluctable est celui dans lequel l’individu ne peut pas éviter de vivre
aussi bien du fait de sa naissance, de son environnement immédiat. Il en est ainsi de la
famille et de l’habitat ainsi que du voisinage.

1°/ La famille d’origine

Elle joue un rôle crucial dans la formation de la personnalité du délinquant de


manière directe ou indirecte. De manière directe, l’influence de la famille d’origine se fait au
niveau de l’imitation de l’enfant. Lorsque les parents sont délinquants, l’enfant va les imiter
soit par l’apprentissage de la violence à travers les violences intra familiales, soit par
imitation du style de vie de criminel de l’un ou de deux parents. De manière indirecte, l’on
sait que c’est au niveau de la famille d’origine qu’est forgée la structure de la personnalité de
l’enfant et les parents jouent un rôle déterminant dans la formation de la conscience morale.
Aussi, l’affection familiale et l’éducation sont très capitales dans la formation de la
personnalité de l’individu.

C’est ainsi qu’une famille moralement sain peut exercer une influence
déterminante dans la formation du jeune délinquant si elle ne donne pas à l’enfant le
minimum d’affection et d’éducation nécessaire à une socialisation normale. C’est le cas d’un
enfant abandonné à sa naissance et qui manque des soins continus ; c’est également le cas
de l’enfant séparé de sa mère à la suite d’un cas de force majeure ou encore de celui qui vit
dans une famille où il y a absence de l’autorité paternelle équilibrant celle de la mère, etc.

2°/ L’habitat et le voisinage

L’habitat est un facteur de la délinquance. Diverses études ont démontré que


les jeunes délinquants proviennent plus d’immeubles collectifs que des maisons individuels.
Et parmi ces immeubles collectifs, les taudis ont un taux élevé des jeunes délinquants.

Le voisinage exerce également une influence dans la formation de la


personnalité du délinquant. Des recherches ont démontré l’interaction entre la délinquance
et les quartiers de détérioration socio-morale. Le milieu sous-prolétarien exerce une
influence sur la formation de la personnalité des jeunes délinquants par ce que : ce milieu
alimente les bandes d’enfants et d’adolescents qui s’associent en bandes pour des raisons
de carence affective, affirmation de soi, justification morale. En outre, ce milieu se
caractérise par une révolte cachée, une opposition vague et diffuse au système social
général ainsi qu’une forte pression du groupe. Les enfants qui y sont issus s’adaptent
difficilement à d’autres milieux dont ils ne comprennent pas les valeurs et auquel ils sont
hostiles et méfiants.
39

B°/ L’influence des autres milieux

Il s’agit de l’influence qu’exercent les milieux autres que le milieu inéluctable :


milieu occasionnel, milieu choisi ou accepté, milieu subi.

1°/ Le milieu occasionnel

C’est le milieu des premiers contacts sociaux : milieu scolaire, celui


d’orientation professionnelle (et celui du service militaire là où il est obligatoire). Ils ne
constituent pas en eux-mêmes des milieux criminogènes ; ils visent l’éducation. Mais
l’inadaptation à ces milieux peut, par contre, être criminogène. Le milieu le plus significatif
ici est le milieu scolaire où l’inadaptation peut constituer un facteur de comportements
antisociaux. En effet, les échecs scolaires révoltent, exposent au chômage… Et l’inadaptation
scolaire s’accompagnant de l’école buissonnière, entraîne le jeune à s’habituer à vivre en
marge des règles sociales.

2°/ Le milieu choisi ou accepté

Il est constitué du foyer, du milieu professionnel, des loisirs et du milieu social


dans lequel l’individu évolue.

S’agissant du foyer personnel, des études ont démontré son absence influe
sur la délinquance, surtout sur la délinquance grave ou d’habitude. En effet, parmi les
condamnés, le taux le plus élevé est celui des célibataires. L’on considère alors qu’un foyer
personnel, avec la présence des enfants, détourne de la délinquance. Mais encore faut-il
qu’il s’agisse d’un foyer équilibré. Le manque d’équilibre, notamment avec les conflits
conjugaux sont générateurs de délinquance tant pour les enfants que pour les parents
eux-mêmes. Pour les premiers, ils s’adonnent à la délinquance juvénile. Pour les seconds,
des coups et blessures, l’adultère, des agressions sexuelles, le vol…

Quant au milieu professionnel, l’on sait que l’absence du travail peut exposer
à la délinquance. Mais le milieu professionnel peut lui-même être criminogène. C’est le cas
du milieu d’affaire.

Pour les loisirs et le milieu extra-professionnel, ils peuvent influencer la


formation de la personnalité du délinquant. Des enquêtes ont révélé que parmi les voleurs
récidivistes, le taux le plus élevé était constitué de ceux qui passaient leurs loisirs dans des
lieux mal réputés. Par contre, les activités artistiques et culturelles, les mouvements de
jeunesse ainsi que les groupements sportifs ne favorisent vraiment pas la délinquance. Le
nombre de délinquants venant de ces milieux est moins élevé.

3°/ Le milieu subi

C’est le milieu où le délinquant est plongé une fois arrêté, jugé et condamné à
la réclusion criminelle à temps ou à perpétuité. Ce milieu (prison et l’ensemble du système
de justice pénale) peut conditionner la récidive du délinquant, renforçant ainsi sa
personnalité ou le dissuader. Tout dépend de l’usage qu’on en fait.
40

SECTION II. LA SITUATION PRÉCRIMINELLE

Outre la personnalité, l’étiologie criminelle suppose également l’existence


d’une situation précriminelle. Celle-ci est l’ensemble des circonstances extérieures à la
personnalité du délinquant, lesquelles précèdent et entourent la perpétration de l’acte
délictueux, telles que perçues et vécues par le sujet127. Il en résulte donc des aspects
objectifs de la dite situation et une perception subjective de celle-ci par le délinquant.

§1. Les aspects objectifs de la situation précriminelle

Il importe d’analyser cette notion complexe, à contenu variable, qu’est la


situation précriminelle, avant de faire la description de diverses situations précriminelles.

A°/ Notion de situation précriminelle

Cette notion se dégage de l’analyse de la situation précriminelle et de la


classification des situations précriminelles.

1°/ Analyse de la situation précriminelle

Dans toute situation précriminelle, il faut distinguer deux éléments


constitutifs essentiels : l’événement ou la succession d’événements qui a provoqué la
formation du projet criminel dans l’esprit du délinquant et, les circonstances qui ont entouré
la préparation et l’exécution du délit.

S’agissant du premier élément, il présente trois caractères : il peut être isolé


(meurtre de sa femme surprise en flagrant délit d’adultère) ou cumulatif (meurtre de sa
femme à la suite d’une cumulation d’incidents de ménage) ; il peut longtemps précéder la
formation du projet criminel (le spectacle d’un film qui suggère une solution criminelle pour
sortir d’une situation semblable à celle dans laquelle on se trouve coincer) ; la motivation de
l’acte criminel provient de l’événement originaire. Il faut savoir que le rôle de l’événement
originaire n’est pas toujours déterminant. Il existe de cas où cet événement n’existe pas.
C’est le cas de la délinquance professionnelle où le passage à l’acte dépend seulement de
l’existence de conditions favorables.

Quant au second élément, il est sans rapport avec la motivation de l’acte


criminel, mais il lui permet de réaliser son projet criminel et orienter les modalités
d’exécution. Ce second élément est déterminant pour le passage à l’acte. Sans lui, le projet
criminel reste au stade du projet.

2°/ Classification des situations précriminelles

Kimberg en retient trois :


- les situations spécifiques ou dangereuses, caractérisées par la présence de l’occasion
de commettre le crime et la pulsion vers l’acte criminel (par exemple situations de
jalousie) ;

127Raymond GASSIN, op. cit., p. 381.


41

- les situations non spécifiques ou amorphes, caractérisées par l’absence d’occasion de


commettre le crime et la nécessité d’une planification de l’acte délictueux (escroquerie
organisée, par exemple) ;
- Les situations mixtes caractérisées par la présence d’occasion sans pulsion de la part
du délinquant.

Raymond GASSIN128, quant à lui, en retient quatre :


- La situation précriminelle la plus grave qui rassemble un événement originaire significatif
et des circonstances favorables de passage à l’action ;
- La situation précriminelle grave où l’événement originaire est significatif et pèse dans le
passage à l’acte, malgré l’inexistence ou l’existence des circonstances de passage à
l’action peu favorables (cas des crimes occasionnels) ;
- La situation non précriminelle où il y a absence d’un événement originaire mais dans
laquelle les délinquants recherchent les circonstances favorables à l’exécution d’un projet
criminel (c’est la situation dans laquelle se trouvent les délinquants professionnels). Seule
leur personnalité délinquante détermine leur projet ;
- La situation où l’événement originaire est négligeable ou absent et, les circonstances de
mise à exécution peu favorables ou inexistantes (probabilité de non passage à l’acte).

B°/ Diverses situations précriminelles

Leur énumération selon Seelig et Pinatel précède l’étude particulière du rôle


de la victime comme élément de la situation.

1°/ Inventaire des situations précriminelles

SEELIG en retient sept, de manière disparate : les facteurs économiques


individuels (misère, chômage prolongé…) ; les troubles de la vie amoureuse et les tentations
sexuelles ; l’existence d’une victime précise à cause de son caractère qui incite à l’acte ; la
provocation à réagir par des particuliers ou des agents de l’autorité ; l’action aigue de
l’alcool ; les autres excitations des dispositions affectives ; l’entraînement à commettre un
délit et exemple de crime donné directement ou dans la presse, le cinéma ou la littérature129.

Jean PINATEL propose la description des diverses situations précriminelles à


partir de la « règle de base de l’enquête de police » dite : « la règle d’or des 7 points des
criminalistes ». Qui ? Quoi ? Où ? Avec qui ? Pourquoi ? Comment ? Quand ? Cette
description présente l’inconvénient de ne pas prendre en compte l’élément essentiel de la
situation précriminelle (= survenance d’un événement ou succession d’événement), et de
ranger les motivations (pourquoi ?) parmi les éléments de la situation.

2°/ Rôle spécifique de la victime

La victime est considérée, par la criminologie moderne, comme l’un des


éléments de la situation précriminelle. La victimologie traditionnelle catégorise les victimes
et les crimes par rapport à celles-ci.

128 Raymond GASSIN, op. cit., p. 385.


129Idem.
42

S’agissant de la classification victimologique des crimes, il existe : des crimes


contre des victimes réelles ; les crimes contre des victimes fictives (crimes contre l’ordre
public, la santé publique, etc.) ; des crimes contre des victimes potentielles (conduite en état
d’ivresse, par exemple) ; des crimes sans victimes (actes immoraux sans dommage
discernable aux tiers : prostitution).

Quant à la classification des victimes, elles sont classées en se basant sur le


degré de leur responsabilité ou sur la relation de leur culpabilité ou imputabilité. En se
basant sur le degré de leur responsabilité, il existe des victimes provocatrices, des victimes
incitatrices, des autovictimes et des victimes politiques. En se basant sur la culpabilité ou
imputabilité, l’on a des victimes totalement innocentes ; des victimes moins coupables
(victimes d’imprudence) ; des victimes aussi coupables que les criminels (cas de duel) et
des victimes totalement coupables (cas d’un simulateur).

Raymond GASSIN130 établit une typologie des victimes où il retient : la victime


indifférenciée (victimisation due au fait du hasard) ; la victime latente (qui a de dispositions
permanentes et inconscientes à jouer le rôle de victime : individus dominés par des
tendances masochistes et auto-punives) ; la victime spécifique (sa victimisation relève des
rapports particuliers existant entre elle et le criminel : cas de la prostituée et son souteneur) ;
le criminel victime (le même individu peut indifféremment être victime ou criminel, cas des
auteurs de collision de véhicules).

§2. La Perception subjective de la situation précriminelle par le délinquant

Qu’entend-t-on par cette notion et quels sont les facteurs qui la modèlent ?

A°/ Notion

Par perception subjective de la situation précriminelle, on entend « les


impressions, les expériences antérieurement vécues rappelées au sujet, la façon dont se
présente le conflit qui l’oppose à sa future victime, les pensées qui l’assaillent, les motifs
d’agir qui lui viennent à l’esprit, bref tout un ensemble de représentations intellectuelles et
affectives qui accompagnent la situation précriminelle objective.

B°/ Les facteurs

Trois facteurs sont généralement retenus : les expériences préalables de


situations analogues (le vécu, l’expérience passée) ; l’humeur du moment dépendant
lui-même de l’expérience antérieure : « un processus psychique appelé « catathymie » (…)
altère et déforme la perception sous l’influence de la tonalité affective du moment et fait que
nous voyons les choses, soit comme nous désirerions qu’elles fussent (vision optimiste),
soit comme nous ne voulons pas qu’elles soient (vision pessimiste) »131. La connaissance
réelle ou supposée des attitudes de la collectivité face à la situation et sa réaction en cas de
crime.

130 Raymond GASSIN, op. cit., p. 387.


131Ibidem, p. 389.
43

CHAPITRE II. LES PROCESSUS DU PASSAGE A L’ACTE DELICTUEUX :


LA DYNAMIQUE CRIMINELLE

L’acte criminel étant l’aboutissement d’un processus d’interaction se


développant dans le temps et par étapes, chaque pas accompli dans le déroulement de ce
processus n’est pas au point de départ ». Tant que l’acte criminel n’est pas consommé, un
nouveau choix, dépendant de la personnalité du sujet ainsi que de la situation dans laquelle
il se trouve au moment précis de ce choix, est toujours possible132.

De GREFF est le premier criminologue qui a insisté sur certains aspects de ce


processus d’interaction. D’autres, comme MATZA, l’ont fait après lui. Mais ces deux
premiers modèles sont partiels (S.I.), c’est celui du COHEN qui est de portée générale (S.II).

SECTION I. LES MODÈLES DU PROCESSUS CRIMINOGÈNE DE PORTÉE PARTIELLE

L’on retient celui de De GREFF et celui de MATZA.

§1. Le modèle du processus criminogène chez De GREFF

Pour De GREFF, le processus de l’acte grave exige la distinction entre


l’attitude criminogène et l’attitude criminelle. L’attitude criminogène est pour lui, celle qui
peut ne jamais devenir criminelle mais rapproche de plus en plus l’individu du crime en se
développant. Dans la phase de l’évolution vers le passage à l’acte, nous examinons
successivement les caractéristiques générales de l’évolution et les étapes du passage à
l’acte.

A°/ Les caractéristiques générales de l’évolution

Il en retient trois :
- La naissance et le développement d’un mythe dévalorisant. Il s’agit d’un trait fondamental
de l’évolution vers le passage à l’acte. Le délinquant en puissance doit, pour commettre le
délit, préalablement détruire les aspects sympathiques de la victime en la dévalorisant ;
c’est-à-dire effacer en lui tout ce qui peut le porter à une affection de sa victime, de telle
sorte que le crime contre elle parait simplement comme un juste retour de ce qu’elle
mérite. C’est ainsi que dans le meurtre passionnel, l’individu, aimé jadis est accusé de tous
les défauts ; et dans le vol, le criminel fait du propriétaire un usurpateur ;
- La collaboration consciente du criminel à l’apparition du mythe dévalorisant. L’individu ne
s’enfonce dans « les attitudes criminogènes qu’à mesure qu’il y consent ». C’est « comme
s’il assistait (…) à la dérive de ses fonctions supérieures, dérive qui le guide vers des
situations où il devient de plus en plus difficile de faire marche arrière »133.
- Le caractère non spécifique de la dévalorisation. C’est le manque de spécificité de ce
mythe dévalorisant qui, dans le crime, n’est qu’un cas particulier d’un phénomène plus
général que l’on retrouve dans les guerres, dans la propagande politique (…) où, pour
détruire ou neutraliser l’adversaire, on s’efforce d’abord de le dévaloriser auprès des

132Ibidem, p. 390.
133Ibidem, p. 392.
44

soldats, des militants du parti, etc. »134.


B°/ Les étapes du passage à l’acte

De GREFF fait une description très détaillée de l’évolution vers le passage à


l’acte pour le crime passionnel et donne quelques indications pour le vol.

1°/ Les étapes du crime passionnel

Dans le crime passionnel, l’individu ne s’avance vers l’acte délictueux qu’à


mesure que celui-ci lui parait justifiable et indispensable. Le sujet passe de l’impulsion
agressive initiale au mythe dévalorisant puis la commission de l’acte.

2°/ Le passage à l’acte dans le vol

Il insiste essentiellement sur les rapports entre le développement du


processus criminogène et l’attitude générale de la collectivité à l’égard du vol et des voleurs.
Tous les voleurs, même occasionnels, justifient leur acte délictueux par l’injustice du monde.

§2. Le modèle du « drift » de MATZA

Le drift signifie le flottement, le laisser aller, l’abandon à la dérive. Selon ce


sociologue américain, « le délinquant positiviste » (= délinquant automatiquement amené à
la délinquance en raison de la structure interne de sa personnalité ou de son milieu de
développement) fait le choix. L’action criminelle est le produit d’un « libre choix » du
délinquant au terme d’un processus de « drift ». Mais quel est le contenu de ce « drift » et
qu’est-ce qui amène au passage à l’acte ?

A°/ Le contenu du drift

MATZA part de la critique de la théorie des sous-cultures délinquantes pour


exposer le contenu et le mécanisme du drift. Cette théorie explique la délinquance juvénile
par l’existence d’une sous-culture délinquante parmi les jeunes des classes sociales
défavorisées. Il range ces mécanismes psycho-sociaux spécifiques en deux grandes
catégories : la négation de la culpabilité et le sentiment d’injustice subie.

B°/ Le passage à l’acte

Pour MATZA, le drift rend la délinquance possible ; mais il ne constitue pas en


lui-même l’impulsion irréversible à même de provoquer le passage matériel à l’acte
délictueux. C’est la volonté du jeune qui entraînera à la commission de l’acte délictueux.
Cette volonté (décision) va être activée par deux circonstances : la préparation et le
désespoir.

La Préparation est l’apprentissage à travers l’expérience et la représentation


que cet acte est moralement concevable. Elle comprend donc un élément technique et un
élément moral. C’est elle qui active la volonté de commettre le crime dans les occasions
ordinaires. Elle provoque l’impulsion à répéter les délits anciens.

134Ibidem, pp. 392-393.


45

Le désespoir intervient dans des situations plus extraordinaires et conduit à la


perpétration d’actes nouveaux non expérimentés. Elle a diverses sources mais MATZA
accorde une grande importance au sentiment de fatalisme qui pousse au désespoir.
SECTION II. LE MODÈLE ANTI-DÉTERMINISTE DE COHEN

C’est le modèle de portée générale. Il importe de démontrer en quoi est-il un


modèle de portée général et qu’est-ce qui caractérise le processus.

§1. Un modèle de portée générale

Ce modèle est qualité de représentation néo-antidéterministe et COHEN l’a


représenté au moyen de l’arbre.

A°/ Une représentation néo-antidéterministe

Contrairement aux deux précédents, où De GREFF donne le modèle du crime


commis sous l’effet accidentel d’un sentiment d’injustice subie et MATZA la délinquance
des jeunes des classes défavorisées, COHEN met au point un modèle à caractère général
figurant le processus d’interaction entre la personnalité et la situation dans le passage à
l’acte.

Alors que les théories traditionnelles d’interaction entre le sujet et la situation


précriminelle est présentée comme une épisode unique, pour COHEN, l’acte criminel se
développe dans le temps et par étapes. Il est une tentative, un processus de tâtonnement,
non définitivement déterminé par le passé. L’acte délictueux est donc toujours à même de
modifier son c&
E
++3ours à cause des changements qui peuvent intervenir dans la personne
du sujet et/ou dans la situation précriminelle.

C’est ce qu’il représente au moyen de l’arbre.

B°/ Représentation du phénomène au moyen de l’arbre

AAA
AA AAB

A ABA
AB
ABB

B BAA
BA

BAB

BB
BBB

BBB
46

Commentaire :

« Chaque segment de droite indique un mouvement dans le cours d’une


action. Le trajet complet A, AA, AAA, représenté en trait plein, est le cours d’une action qui
(…) débouche sur la déviance. Les autres trajets, représentés en traits interrompus, sont les
autres cours que l’action aurait pu prendre. Les trajets ne sont pas prévisibles sur la seule
base des actes ou états initiaux : la prédiction est soumise à l’état des choses suivant
chaque étape franchie (…) »135.

§2. Les caractéristiques du processus

Il en existe cinq. Nous les subdivisons en deux groupes : les trois premières
caractéristiques et les deux dernières caractéristiques.

A°/ Les trois premières caractéristiques

- L’action humaine ne survient pas subitement : elle a une histoire ; elle grandit et se
développe ;
- « Les circonstances qui déterminent le mouvement vers l’action selon une voie
particulière comprennent (…) les propriétés de la personne et celle de la situation ». Ainsi,
le développement de l’action est différent pour une même personnalité selon la
situation ; et la même situation n’entraîne pas le même type de développement d’action
selon la personnalité136 ;
- Même si une étape est un antécédent nécessaire pour une autre, le passage d’une étape
à l’autre n’est pas entièrement déterminé par les antécédents.

B°/ Les deux dernières caractéristiques

- « La composante situationnelle dans le processus d’interaction consiste surtout un effet


de retour (feedback) de la part des autres. Le développement de l’action dépend (…) des
témoins, des individus touchés par l’action, des perspectives au travers des qui ils voient
cette action et de la manière dont ils y réagissent ».
- Cette conception du processus d’interaction n’est pas spécifique à l’action criminelle,
mais elle rend mieux compte du passage à l’acte dans celle-ci.

135 Cité par Raymond GASSIN, op. cit., p. 397.


136Ibidem, p. 398.
47

TITRE II. LES TYPOLOGIES CRIMINELLES

C’est avec raison que Raymond GASSIN écrit : « Toutes les actions criminelles
ne sont pas les mêmes »137. Il ne peut en être autrement. Parce que, d’une part, tous les
délinquants n’ont pas une même personnalité ; d’autre part, les actes criminels qu’ils
commettent variant en fonction de motivation d’un criminel à un autre, ne sont pas de même
nature. Il importe donc d’étudier successivement les typologies de délinquants (Chapitre I)
et les typologies de délits (Chapitre II).

CHAPITRE I. LES TYPOLOGIES DE DELINQUANTS

Il est vrai que chaque délinquant est unique. Il n’est pas moins vrai que les
délinquants présentent, selon les catégories, « un minimum des caractères communs,
au-delà de leur diversité »138. Les typologies présentées sont nombreuses. Dans ce cours,
nous analysons les grands types de délinquants selon « la littérature criminologique et la
pratique judiciaire ».

Il importe de savoir que selon la pratique judiciaire et criminologique, l’on


définit trois groupes : les malades et anormaux mentaux que l’on oppose aux délinquants
normaux (Section I) ; les délinquants d’occasion et ceux d’habitude (Section II) ; les jeunes
délinquants par opposition aux adultes (Section III).

Section I Les délinquants malades et anormaux mentaux

Cette catégorie regroupe les aliénés, les débiles mentaux, les caractériels, les
pervers ainsi que les alcooliques et les toxicomanes.

§1 Les délinquants aliénés

Cette typologie est aussi bien juridique que criminologique. Ce sont des
déments pénalement irresponsables. Ils peuvent être rangés dans deux catégories : les
déments atteints de troubles de l’intelligence et de la conscience ; et les aliénés frappés des
maladies mentales évolutives.

A°/ Les troubles durables de l’intelligence et de la conscience

Ils se rencontrent particulièrement dans les cas d’arriération mentale et de


démence au sens psychiatrique.

Il y a arriération mentale quand un sujet n’a jamais atteint un niveau


intellectuel suffisamment élevé pour avoir un minimum de discernement moral. Dans ce
groupe on trouve l’idiotie du premier degré ; celle du deuxième degré et l’imbécillité. C’est le
seuil le plus bas. Au-delà, ce sont de débiles mentaux qui sont pénalement responsables.

137Ibidem, p. 411.
138Ibidem, p. 412.
48

La démence stricto sensu (notion plus étroite pour les psychiatres que pour
les juristes), est un état survenant après que l’individu ait d’abord parcouru les étapes
normales de l’évolution intellectuelle. Il se produit plus tard un affaiblissement général
progressif et lent des facultés ; puis le déficit devient irréversible. L’individu rentre dans un
état d’inconscience et devient comme un arriéré mental. Dans ce groupe, on distingue la
démence sénile (génératrice de vols et délits sexuels) ; la paralysie générale d’origine
infectieuse (qui provoque la perte de sens morale et entraîne le vol à l’étalage, l’abus de
confiance, la grivèlerie…) ; la démence traumatique due à certaines blessures ou
commotions cérébrales (traumatismes/ chocs graves/ lésions/lésions graves du cerveau).

B°/ Les maladies mentales évolutives

Il s’agit des psychoses et des névroses. Les premières se caractérisent par


l’altération des fonctions psychiques essentielles (perte de contrôle de soi, de jugement et
autocritique, de conscience de l’état morbide). Les principales psychoses sont : la
schizophrénie (= autisme, hébéphrénie) ; la paranoïa139, la folie maniaco-dépressive et
l’épilepsie.
Dans les secondes, c’est-à-dire les névroses, « les malades éprouvent leurs
troubles comme morbides et pathologiques et ils en souffrent en tant que tels mais ne
peuvent pas les dominer »140. Parmi les névroses, nous pouvons citer la neurasthénie141, la
névrose d’angoisse, les névroses obsessionnelles, l’hystérie et les phobies. Alors que les
névroses ne sont pas souvent à l’origine d’actes délictueux (exceptionnellement des cas
extrêmes comme la pyromanie, la kleptomanie…), les psychoses le sont. C’est ainsi que :
- les schizophrènes s’adonnent aux meurtres et attentats aux mœurs ;
- les paranoïaques sont souvent auteurs des crimes passionnels et actes de fanatisme
politique ;
- les maniaques commettent souvent des viols et attentats aux mœurs, l’escroquerie,
l’émission de chèque sans provision, la grivèlerie, ils sont auteurs d’injures, menaces… ;
- les mélancoliques s’adonnent aux meurtres collectifs.

§2 Les débiles mentaux

Commençons par définir la catégorie avant d’établir les relations avec la


délinquance.

A°/ Définition de la catégorie

C’est une catégorie qui se situe entre l’arriération mentale et le


développement mental normal. La débilité mentale a différents degrés : « débilité mentale
vraie ou profonde (Q.I = 0.50 environ) ; débilité légère (Q.I = 0,70 à 0,79) ; subnormalité ou

139Michel LEGRAN (éd.), Josette Rey-DEBOVE (Dir.), Le Robert quotidien, Dictionnaires LE


ROBERT/DICOROBERT, Paris – Montréal, 1996, verba paranoïa, en donnent la définition
suivante : « Troubles caractériels (orgueil démesuré, méfiance, susceptibilité excessive,
fausseté du jugement avec tendance aux interprétations) engendrant un délire et des
réactions d’agressivité ».
140 Raymond GASSIN, op. cit., p. 424.
141 Pour Robert quotidien, op. cit.,verba neurasthénie, c’est « une névrose caractérisée par une
grande fatigabilité, des troubles psychiques, cardiovasculaires, digestifs, sexuels,
endocriniens, et des douleurs diverses ».
49

normalité médiocre (Q.I = 0,80 à 0,89) »142. Contrairement aux débiles profonds qui sont
signalés par l’entourage comme des insuffisants intellectuels, les débiles légers et les
subnormaux ne sont signalés comme tels qu’en passant par un diagnostic ou un examen
mental.

B°/ Relations avec la délinquance

L’incidence de la débilité mentale sur la criminalité est une question très


discutée. Il est vrai qu’au moment de passage à l’acte, il n’existe pas une différence
significative de niveau intellectuel général entre délinquants et non délinquants. Cependant,
il existe un rapport étroit entre certaines catégories de crimes et les aspects de l’intelligence,
à savoir le jugement et la compréhension. S’agissant de débiles mentaux, les recherches
statistiques montrent que le taux des débiles mentaux délinquants primaires est plus élevé
que celui des délinquants normaux ; et contrairement, le taux des débiles mentaux
récidivistes est très faible. En outre, les débiles mentaux s’adonnent plus aux vols sans
dissimulation et sans finalité utilitaire (collectivisme), aux délits sexuels, aux incendies et
aux coups143.

§3 Les autres anormaux

Dans ce groupe nous étudions les caractériels, les pervers, les alcooliques
ainsi que les toxicomanes.

A°/ caractériels

Nous avons chacun un caractère ; c’est-à-dire une tendance de nature


affective qui dirige nos réactions aux conditions du milieu extérieur. Ce caractère a pour
chacun des tendances plus fortes que les autres. Alors que les uns dominent ces tendances
afin de mieux vivre en société, les autres ont telle ou telle autre tendance tellement
développée dominant leur personnalité et créant ainsi un déséquilibre psychique. Les
caractériels sont donc des individus qui ont des troubles de caractère. Ces troubles
caractériels concernent les tendances et réactions affectives d’un individu et rendent
difficile son adaptation au milieu. Les principaux troubles du caractère se décrivant
généralement à partir des grandes maladies mentales évolutives, on en retient les
psychopathes et les névropathes. Il faut savoir que parmi lescaractériels qui sont
délinquants, le nombre des psychopathes est très élevé.

B°/ Les Pervers

Ce sont des individus atteint de la perversité. Celle-ci est « une anomalie de


l’affectivité qui peut être soit acquise sous l’influence de facteurs pathologiques ou du
milieu, soit (…) constitutionnelle »144. Ainsi, la personnalité du pervers est caractérisée par
une anomalie fondamentale de l’affectivité qui en fait un personnage inaffectif, foncièrement

142 Raymond GASSIN, op. cit., p. 425.


143Idem.
144Ibidem, p. 426.
50

amoral, non intimidable, qui fait le mal par plaisir, cruel, insincère, inintégrable, égocentrique,
jaloux, envieux, agressif »145. Les pervers sont des récidivistes inamendables ; des « durs »
qui deviennent les « chefs de bandes criminelles »146.

C°/ Les alcooliques et toxicomanes

La consommation excessive de l’alcool et de la drogue entraine des troubles


mentaux dont certains sont criminogènes. Ces troubles sont rangés dans « la catégorie
générale des altérations psychiques dues à l’action accidentelle de substances nocives ».
Elles ont pour symptôme commun la confusion mentale147. Nous étudions séparément les
alcooliques et les toxicomanes.

1°/ Les délinquants alcooliques

Deux types de troubles mentaux sont provoqués par l’ingestion d’alcool :


l’alcoolisme aigu (ivresse) et l’alcoolisme chronique.

- L’alcoolisme aigu comporte deux degrés : la sous-ivresse et l’ivresse


proprement dite. La sous-ivresse est à la base d’un grand nombre de délits d’imprudence.
En effet, celle-ci s’accompagne « d’une diminution de l’attention et d’un allongement du
temps de réaction » qui entraîne « une moindre sûreté des réponses reflexes »148. L’ivresse
proprement dite est à l’origine d’un nombre non négligeable de délits d’homicide et
blessures volontaires ; d’attentats à la pudeur… Ceci s’explique par le fait qu’elle provoque
l’agressivité et entraîne l’exaspération des besoins sexuels résultant aux délires.

- L’alcoolisme chronique a des conséquences néfastes sur la santé


individuelle du sujet et sur celle sociale par sa délinquance. Au niveau individuel,
l’alcoolisme chronique provoque la cirrhose de foi, il provoque la stérilité. Au niveau social, le
fait qu’il agit sur le système nerveux de l’alcoolique qui développe l’agressivité, l’impulsivité
et perd le sens de l’éthique, cela débouche sur la délinquance : vols, abus de confiance,
abandon de famille, homicides, sévices à enfants, meurtres, coups et blessures. La
formation de la personnalité de ces criminels résulte d’influences héréditaires ainsi que de
l’action du milieu familial ou des loisirs149.

2°/ Les délinquants toxicomanes

L’ingestion de certains stupéfiants (naturels ou synthétiques) entraîne la


perturbation de la personnalité à l’origine de la délinquance. Les drogues sont diverses et
ceux qui tombent dans l’état de dépendance physique et psychique sont des toxicomanes.

145Idem, p. 426.
146Ibidem, p. 427.
147 Raymond GASSIN, loc.cit., p. 427, précise que cette crise est généralement passagère. Et sous la

crise, « le malade se perd dans un brouillard de la pensée. Il n’a plus la conscience de ses
actes ni, par suite le souvenir de ceux-ci une fois la crise passée. Souvent le recul du
conscient s’accompagne d’une émergence de l’inconscient qui provoque des délires
hallucinatoires ».
148Idem, p. 427.
149Ibidem, pp. 427-428.
51

Parmi les drogues, il existe :


- Celles qui procurent une excitation psychique qui aboutit à la colère, à l’agressivité. Elles
font du toxicomane un aliéné et même un meurtrier. La cocaïne en est l’exemple ;
- Celles qui provoquent un engourdissement général, une diminution des fonctions
intellectuelles et une indifférence. C’est le cas de la morphine et de l’héroïne. Leur
ingestion est criminogène de deux manières :
• elle provoque une dépendance amenant le toxicomane à commettre n’importe
quel délit (vol, escroquerie, revente de drogue) pour se procurer de la drogue ;
• elle provoque un état de déchéance physique et mentale du toxicomane qui vit
dans un mode d’existence asocial » (vagabondage)150, sans ignorer les accidents
mortels dont il est auteur.

Section II. Délinquants d’occasion et d’habitude

Ils existent indépendamment d’une anomalie mentale.

§1 Les délinquants d’occasion

Il importe de les définir avant d’examiner leur catégorie

A°/ Définition

Ce sont des sujets socialement adaptés, ayant un comportement


généralement conforme aux lois, mais qui perdent en eux la force de maîtriser le surcroît de
pulsion qui les anime, à la suite d’un concours particulier de circonstances criminogènes
extérieures. Les délinquants occasionnels représentent le taux le plus élevé de délinquants,
mais on estime que la majorité ne récidive pas soit 70 à 80 % d’occasionnels non
récidivistes.
B°/Catégories

Parmi les délinquants d’occasion, on trouve :


• les pseudo-délinquants ou occasionnels purs. Ceux-ci ne commettent des délits que
sous l’effet des circonstances extraordinaires qui, souvent, annulent leur responsabilité
pénale (légitime défense, contrainte, nécessité, etc.) ;
• les criminels passionnels caractérisés par un égocentrisme, une vantardise, une
jalousie ;
• les criminaloïdes sont en principe des criminels d’occasion mais la particularité de leur
personnalité fait qu’ils peuvent être considérés comme des délinquants d’habitude en
puissance.

§2 Les délinquants d’habitude

Contrairement à la délinquance d’occasion, celle d’habitude semble être due à


l’altération profonde de la personnalité ; laquelle altération présente, particulièrement chez
les multirécidivistes, des symptômes semblables à ceux de la délinquance juvénile. Le
délinquant d’habitude est un inadapté social. Il réagit par voie d’opposition au milieu social ;
ses infractions sont des actes de compensation d’un sujet révolté ou blasé. Il souffre d’un

150Ibidem, p. 428.
52

complexe d’infériorité « se sachant incapable de résister à ses pulsions » et méprisant sa


propre « faiblesse »151.

Du délinquant d’habitude, on distingue le professionnel. Ce dernier, vivant de


la délinquance, est un inadapté social comme celui d’habitude. Par contre, il est différent de
ce dernier par son organisation criminelle de laquelle tient son existence.

Section III. Jeunes délinquants et délinquants adultes

Quel est le critère de distinction de ces deux types de délinquance et quelle


critique soulève – t- il ?

§1 Critère de distinction

La distinction entre ces deux catégories repose sur l’idée fondamentale selon
laquelle le jeune délinquant est une personnalité en formation (en cours de socialisation)
alors que le délinquant adulte a une personnalité déjà formée. Les conséquences juridiques
c’est l’irresponsabilité pénale des premiers qui doivent bénéficier des mesures à même
d’assurer leur socialisation ; les adultes sont pénalement responsables et on doit leur
infliger les peines.

§2 Critique de la distinction

L’on s’est inquiété sur le fondement de cette distinction et les études menées
ont démontré la relativité de ladite distinction. En effet, s’il est vrai que pour la majorité de
mineurs la délinquance est une sorte d’accident (délinquance commune152), pour certains,
qui s’y engagent très tôt, c’est une manifestation de l’altération profonde de leur
personnalité. Ceux-ci s’enracinent dans la criminalité (délinquance distinctive153).

151Ibidem, p. 431.
152 L’expression est de FRECHETTE et LEBLANC, professeurs à l’Ecole de criminologie de
l’Université de Montréal, qui ont mené une étude sur la délinquance juvénile (près de vingt
ans de recherche), cités par Raymond GASSIN, op. cit., pp. 432-433).
153Idem.
53

CHAPITRE II. LES TYPOLOGIES DE CRIMES

Les crimes peuvent être classé par rapport à leur motivation (Section I), par rapport
au nombre des participants (Section II) et par rapport aux systèmes de comportement de
criminel. Cette dernière typologie, dégagée par surtherland et Gressey va être ignorée dans ces
développements.

SECTION I. CLASSIFICATION DES CRIMES PAR LEUR MOTIVATION

C’est celle dégagée par Jean PINATEL qui retient quatre catégories : le crime
primitif, le crime utilitaire, le crime pseudo-justicier et le crime organisé. Pour le besoin
académique, nous les étudions en couple.

§1. Le crime utilitaire et le crime pseudo-justicier

Alors que le premier est caractérisé par la satisfaction d’un intérêt personnel, le
second est désintéressé.

A°/ Le crime utilitaire

C’est le crime accompli pour se libérer d’une situation dont le délit apparait comme
la seule issue. Il présente quatre caractères : il suppose toujours que le criminel s’est trouvé dans
une situation spécifique ou dangereuse ; il est très souvent limité à une seule forme de délit ou
dirigé contre une seule personne ou un groupe de personnes précises ; il est l’aboutissement
d’une crise ayant franchi les étapes décrits par De GREEF154 ; il se développe tant contre les
personnes (meurtre pour s’approprier d’une fortune ou pour se libérer d’une personne gênante)
que contre les biens, son domaine privilégié.

B°/ Le crime pseudo-justicier

Ici, l’auteur du crime cherche à rétablir, par celui-ci, ce qu’il croit être la justice dans
le domaine des relations privées ou publiques. Il faut préciser qu’il y a toujours un sentiment de
vengeance plus ou moins intense et un mélange de l’altruisme, des raisons idéologiques et des
processus de compensation.

Jean PINATEL donne sept variétés de crimes pseudo-justiciers : L’homicide


passionnel (crime de destruction qui résulte d’un conflit sexuel ou en rapport avec l’amour sexuel
155) ; le crime par idéologie (son auteur considère l’acte qu’il commet comme un devoir : c’est le

cas des auteurs d’attentats politiques, du conspirateur). Le délit prophylactique (celui dont
l’auteur sait que son acte est illégal tout en étant convaincu d’éviter un grand mal ou de réaliser
un grand bien à travers cet acte : l’euthanasie en est l’exemple) ; le délit symbolique (celui qui en
souffre les conséquences n’est pas directement lié au criminel : un enfant qui vole un objet de
son maître de l’école sans nul besoin, parce que à ses yeux, ce dernier a une certaine
154 L’acquiescement mitigé, l’assentiment formulé et la crise proprement dite.
155 Il passe par les trois étapes décrits par De GREEFF, en y ajoutant deux étapes de plus, à savoir : le
processus de réduction et celui dit suicide. Le premier réduit la victime à une abstraction
responsable, la seconde pousse le délinquant à s’éliminer (ces deux processus caractérisent
l’homicide de passionnel).
54

ressemblance avec son père qu’il admire, craint et hait) ; le délit revendicatif (dont l’auteur se fait
défenseur d’une affaire où il n’est pas directement impliqué) ; le délit libérateur ou d’aventure (qui
nait de l’insatisfaction de la vie quotidienne, du malaise que sa monotonie détermine et de
l’angoisse qui en résulte. C’est le cas d’emprunt de voiture par des jeunes en bande) ; le délit
auto-punitif ou par sentiment de culpabilité (un acte pseudo-justicier dirigé contre soi-même par
l’entremise d’un acte qui atteint directement autrui).

§2. Le crime primitif et le crime organisé

Contrairement au premier qui se caractérise par une réaction primitive, le second


procède d’une volonté délibérée de commettre un acte criminel. Il y a donc une organisation
préalable.

A°/ Le crime primitif

Il résulte d’une libération soudaine de l’activité criminelle sans contrôle de la


personnalité. C’est le cas de meurtre commis dans une brusque explosion de colère. Cette
réaction primitive peut prendre la forme d’une réaction explosive ou celle d’actions en
court-circuit.

- La réaction explosive est liée soit à un accès brusque de colère, soit à une accumulation
affective de sorte que la moindre occasion provoque une réaction disproportionnée. C’est le
cas de celui qui tue les membres de sa famille par haine accumulée ;
- Les actions en court-circuit sont les œuvres des débiles mentaux. C’est le cas de pyromane
incendiaire ou de certaines voleuses de grands magasins.

B°/ Le crime organisé

Ce crime est essentiellement acquisitif et est accompli dans le cadre d’une


situation non spécifique. Il exige « la formation d’un plan, la connaissance des lieux, des
préparatifs, l’acquisition des outils nécessaires, le choix des complices, etc.»156 Ce crime trouve
ses ébauches dans les bandes d’enfants et les techniques d’organisation atteignent leur plus
haute expression chez les adultes157. Il a trois variétés : la criminalité organisée à caractère brutal
ou agressif (vol à titre, cambriolage, hold up…) ; l’exercice d’activités illicites rémunératrices
(proxénétisme, trafic de stupéfiants, etc.) qui consiste à tirer profit des vices d’autrui ; le white
collar crime qui est une criminalité de personnes appartenant à des catégories sociales élevées
(fraudes fiscales, corruption de fonctionnaires…).

SECTION II. CLASSIFICATION FONDÉE SUR LE NOMBRE DES PARTICIPANTS

Selon le nombre des participants, l’on distingue le crime commis isolement de


celui commis en association et le crime de foule.

§1. Le crime commis isolement

Sa définition et les divers crimes commis isolement intéressent ce volet.

156 Raymond GASSIN, op. cit., p. 439.


157Idem.
55

A°/ Définition

Le crime commis isolement est celui dont l’idée initiale, la préparation éventuelle et
l’exécution sont l’œuvre d’un seul individu. Le criminel se limite à ses propres ressources
matérielles et intellectuelles.

B°/ Variétés des crimes commis isolement

Etant limité à ses propres ressources matérielles et intellectuelles, le délinquant ne


peut commettre que certains types de crimes. Il est en outre limité à certains modes d’exécution.
C’est ainsi qu’entre dans cette catégorie : le meurtre passionnel, le vol simple et même
professionnel, diverses activités criminelles occasionnelles ou répétées158.

§2. Le crime commis en association et le crime des foules

Le premier appelle la notion de participation criminelle de droit pénal tout en la


dépassant ; le second est commis par une masse d’individus assemblés spontanément ou à
l’appel de leaders (meneurs).

A°/ Le crime commis en association

Comme dit ci-dessus, il appelle les notions pénales de coactivité et/ou de


complicité ; mais la notion criminologique des crimes commis en association déborde ces
notions pénales : la notion criminologique inclut également, en amont, le couple auteur-receleur
et en aval, auteur-instigateur, même lorsqu’il est exclu de la définition juridique de la complicité
(par provocation ou instructions données).

Ce crime recouvre diverses hypothèses :


- Les crimes à deux sont ceux « dans lesquels la participation ne consiste pas dans l’exécution
matérielle et conjointe, mais dans le fait que l’un des deux partenaires commet le crime à la
suite d’une instigation de l’autre »159. C’est ainsi qu’on distingue le couple mandant –
mandataire ; accusateur – accusé, amant – maîtresse, mari – femme, parent-enfant.
- Les crimes commis par une bande d’adolescents. Il a été souligné que la bande de mineurs
n’a pas de structure étroite et efficace qu’a celle des adultes malfaiteurs. Elle n’a pas non plus
une entente étroite centrée vers la finalité criminelle.
- Les bandes de malfaiteurs adultes. Ici, il faut distinguer les bandes isolées de celles baignant
dans le milieu criminel. La première catégorie est souvent vite disloquée. Elle est donc très
souvent éphémère. La seconde, par contre, est permanente. Celle-ci, outre l’action de la police,
n’est brisée qu’en cas des règlements de compte entre bandes rivales en vue de dominer le
marché du crime professionnel160.

B°/ Le crime des foules

Il se caractérise par deux traits essentiels, à savoir : le rôle et l’action de meneurs,


d’une part, et d’autre part, la nature du phénomène psycho-social.
- Le rôle et l’action des meneurs dans la suggestion et la préparation de l’action criminelle.

158Ibidem, p. 441.
159Idem, p. 441.
160Idem.
56

Selon le cas, ce rôle varie « de la décision délibérée d’utiliser la manifestation de foule


comme moyen de commettre des actes délictueux (…) pour provoquer une réaction de
répression de la part des forces de police, jusqu’à l’organisation d’un service d’ordre destiné
(…) à empêcher toute dégénérescence de la manifestation »161.
- La nature du phénomène psycho-social engendrant le crime quand les individus, « pris
isolement, sont des non-délinquants » et le deviennent lorsqu’ils se retrouvent et agissent en
foule.

CONCLUSION

Il est impossible de mettre fin à la criminalité. Mais la guerre contre le crime est
toujours constante. Celle-ci se fait par des mécanismes à caractère pénal et ceux de prophylaxie
sociale. La réponse pénale est étudiée en droit pénal de fond et de forme. Les autres mécanismes
juridiques sont également étudiés dans diverses disciplines particulières. Dans cette conclusion,
nous voulons mettre l’accent sur la prévention de la criminalité avant d’ouvrir le débat sur les
problèmes criminels actuels.

Prévenir le crime, au sens strict, c’est aller au devant du phénomène ; le devancer


en utilisant divers mécanismes afin de limiter son développement. Il s’agit de cette prévention qui
fait dire à Catherine BLATIER qu’elle « est une véritable science, qui requiert que l’on parle de
prévention et du métier de préventologue ou de préventologiste»162. Barthe précise que « la
véritable prévention est celle qui n’attend pas l’application des troubles »163.

GASSIN164 la définit comme « l’ensemble des mesures de politique criminelle, à


l’exclusion des mesures d’intervention pénale qui ont pour finalité exclusive ou au moins partielle,
de limiter la possibilité de survenance d’un ensemble d’actions criminelles en les rendant
impossibles, plus difficile ou moins probables ». Quant à Catherine BLATIER, elle la définit comme
« la mise en œuvre d’actions ou programmes visant à réduire le risque ou la gravité de la
criminalité »165. Le professeur KASONGO parle des moyens auxquels la société recourt pour
« prévenir, éliminer ou tout au moins diminuer les facteurs criminogènes »166.

Il existe plusieurs types de prévention167.

• En tenant compte de la minorité et de l’intervention pénale, on distingue la prévention de la


délinquance juvénile de la prévention en générale. La première appelle les mesures de
prévention sociale et d’éducation et/ou de rééducation ; la seconde fait intervenir la réponse
161Ibidem, p. 442.
162 Catherine BLATIER, « Manifeste pour une prévention conceptualisée : l’exemple de la
délinquance » in Catherine BLATIER (Dir.), Prévenir la délinquance dès la petite enfance, éd.
l’Harmattan, Collection les idées et les théories à l’épreuve des faits, Paris, 2006, pp. 11-26.
163 Cité par Catherine BLATIER, op. cit., p. 9.
164Op. cit., p. 713.
165 Catherine BLATIER, art. cit., p. 9.
166 KASONGO MUIDINGE MALUILO, Cours de Prophylaxie criminelle : “Questions approfondies
de prophylaxie criminelle”, Troisième cycle. Diplôme d’Etudes Supérieures en Droit pénal et
criminologie, Faculté de Droit, UNIKIN, année académique 2007-2009, p. 9.
167 Lire notamment Irénée MVAKA NGUMBU, La lutte contre la néocriminalité procréatique en
R.D.C. Esquisse de politique criminelle applicable dans un domaine de bioéthique, Thèse de
doctorat en Droit, Faculté de Droit, UNIKIN, année académique 2010-2011, p. 473 ; Catherine
BLATIER, loc. cit., pp. 11-26 ; Raymond GASSIN, op. cit., pp. 714-721 ; KASONGO MUIDINGE
MALUILO, op. cit., pp. 14-40.
57

pénale qui, par son intimidation générale due à la menace de la peine, arrête, non seulement
les impulsions criminelles d’un délinquant primaire potentiel mais aussi celles d’un
récidiviste.
• En dehors du critère de la majorité, l’on distingue la prévention générale de la prévention
spécifique. La première s’attaque aux facteurs généraux du phénomène à prévenir (elle porte
donc sur l’ensemble des situations à même d’enflammer le phénomène) alors que la seconde
s’intéresse aux facteurs précis.
• Catherine BLATIER168 fait une autre distinction très proche de celle-ci. Elle oppose la
prévention universelle à la prévention ciblée. La première concerne une collectivité assez
large. La seconde sélectionne les personnes à risque soit en raison de caractéristiques
personnelles (type indiqué), soit en raison de caractéristiques liées au milieu de (type
sélectif). Ceci démontre que la prévention ciblée se subdivise en prévention indiquée et
prévention sélective.
• En tenant compte de l’implication dans la réalisation des activités en vue de la prévention, on
oppose la prévention passive à la prévention active. La dernière s’implique par des activités
concrètes pour éviter le phénomène indésirable, alors que la première s’active à avertir en
édictant des mesures de prévention sans s’engager dans la réalisation des activités
concrètes pour éviter le phénomène indésirable.
• Habituellement, l’on retient une distinction tripartite de la prévention : la prévention primaire, la
prévention secondaire, et la prévention tertiaire. La première s’intéresse à la modification des
facteurs criminogènes ou des conditions de l’environnement physique et social global ». La
seconde s’active à l’intervention préventive auprès de personnes, groupes ou populations à
risque de délinquance, préalablement identifiés. La troisième vise à éviter la récidive. Elle
intervient auprès des personnes bien identifiées et utilise des mécanismes de réadaptation
sociale, d’assistance psychologique ou de neutralisation par des actions individualisées.
• Une autre distinction oppose la prévention sociale à la prévention situationnelle. Celle-là vise
les facteurs sociaux qui ont conduit au passage à l’acte ; et celle-ci s’intéresse à
l’environnement immédiat dans lequel se produisent certains délits. Elle s’attaque aux
situations pré-criminelles et aux occasions de commettre des crimes. La prévention sociale
est subdivisée en prévention communautaire et prévention développementale. Alors que
celle-ci s’attaque à l’amélioration de la situation sociale de la population et sur la situation
microsociale de certains groupes, celle-là combine la prévention situationnelle et la
prévention individuelle.
• A cette longue liste s’ajoute la distinction entre la prévention défensive et la prévention
émancipatrice. Celle-ci est celle de la confiance et de l’intégration. Celle-là est celle de la peur
et de l’exclusion.

Mais que font les criminologues face aux problèmes criminels actuels ? Cette
question qui s’analyse en travaux dirigés n’est pas sans importance car la criminalité
contemporaine, ou celle qu’on peut qualifier de criminalité post moderne n’est pas absente de la
société congolaise. C’est le cas de la délinquance de masse contre la propriété ; les violences
sexuelles ; les marchés criminels et les réseaux mafieux (importation et exportation de la drogue
par exemple) ; le terrorisme, la cybercriminalité, la néocriminalité procréatique.

Toutes ces nouvelles formes de criminalité ou simplement ces formes de


criminalité contemporaine appellent à une réflexion en vue d’une guerre efficace.

168Art. cit., pp. 15-19.


58

BIBLIOGRAPHIE

- BLATIER, C., Prévenir la délinquance dès la petite enfance, l’Harmattan, Collection les idées et les théories
à l’épreuve des faits, Paris 2006
- BOUZAT, P., et PINATEL, J., Traité de droit pénal et de criminologie, tome III, Criminologie par Jean
PINATEL, 3ème édition’ Dalloz, Paris, 1975
- CUSSON, M., La criminologie, 4ème éd., Hachette, Paris, 2010.
- GASSIN, R., Criminologie, 3ème édition Dalloz, Paris,1994.
- KASONGO MUIDINGE MALUILO, P.C., Cours de Prophylaxie criminelle : “Questions approfondies de
prophylaxie criminelle”, Troisième cycle. Diplôme d’Etudes Supérieures en Droit pénal et Criminologie,
Faculté de Droit, UNIKIN, année académique 2007-2009
- KIENGE-KIENGE INTUDI, R., Cours de Criminologie générale, 3ème graduat, division B, Faculté de
Droit/UNIKIN, année académique 2010-2011.
- LE GRAIN, M. (éd.), REY-DEBOVE, J., Le Robert quotidien, Dictionnaires LE ROBERT/ DICOROBERT,
Paris- Mont réal, 1996
- LIKINDA BOFONDA, E., Les mots de la bioéthique de A à Z (petit dictionnaire de bioéthique), CNB, Kinshasa
2006
- MVAKA NGUMBU, I., La lutte contre la néocriminalité procréatique en R.D.C. Esquisse de politique criminelle
applicable dans un domaine de bioéthique, Thèse de doctorat en Droit, UNIKIN, année académique
2010-2011.
- SHOMBA KINYAMBA, S., Méthodologie de la recherche scientifique, édition M.E.S., Kinshasa, 2007.
59

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1
Section I. Définition et objet de la criminologie 1
§1. Diversité des définitions de la criminologie 1
A°/ Diversité des définitions en extension 2
B°/ Diversité des définitions en compréhension 3
§2. L’objet spécifique de la criminologie 5
A°/ Le domaine de la criminologie 5
B°/ Le contenu de la criminologie 7
Section II. La méthode de la criminologie 8
§1. L’objet de la recherche criminologique 8
A°/ L’action criminelle 8
B°/ Valeur scientifique des moyens de lutte contre la délinquance 11
§2. La logique de la recherche criminologique 12
A°/ La logique de la recherche fondamentale 13
B°/ La logique de la recherche criminologique appliquée 15
§3. Les techniques de recherche criminologique 16
A°/ Les techniques d’approche de la criminalité 17
B°/ Les techniques d’approche du phénomène individuel 21
Section III. Les grandes théories criminologiques 21
§1. Les premières explications scientifiques du phénomène criminel 22
A°/ Les explications anthropologiques 22
B°/ Les premières explications de type sociologique 23
§2. Les explications modernes de l’action criminelle 26
A°/ Les explications étiologiques contemporaines 26
B°/ Les théories de l’acte criminel 31
C°/ Les théories de la criminologie dite la réaction sociale 32
D°/ La criminologie victimologique 33
PLAN SOMMAIRE 34

TITRE I. L’EXPLICATION DU CRIME EN GENERAL 35


CHAPITRE I. LES FACTEURS DU CRIME OU L’ETIOLOGIE CRIMINELLE 35
Section I. La personnalité du délinquant 35
§1. L’influence des facteurs individuels ou endogènes 35
A°/ L’influence des dispositions héréditaires 35
B°/ L’influence des dispositions personnelles 36
§2. L’influence des facteurs du milieu ou exogènes 36
A°/ L’influence du milieu inéluctable 37
B°/ L’influence des autres milieux 37
Section II. La situation précriminelle 38
§1. Les aspects objectifs de la situation précriminelle 39
A°/ Notion de situation précriminelle 39
B°/ Diverses situations précriminelles 40
§2. La Perception subjective de la situation précriminelle par le délinquant 41
A°/ Notion 41
B°/ Les facteurs 41
60

CHAPITRE II. LES PROCESSUS DU PASSAGE A L’ACTE DELICTUEUX :


LA DYNAMIQUE CRIMINELLE 42
Section I. Les modèles du processus criminogène de portée partielle 42
§1. Le modèle du processus criminogène chez De GREFF 42
A°/ Les caractéristiques générales de l’évolution 42
B°/ Les étapes du passage à l’acte 43
§2. Le modèle du « drift » de MATZA 43
A°/ Le contenu du drift 43
B°/ Le passage à l’acte 43
Section II. Le modèle anti-déterministe de COHEN 44
§1. Un modèle de portée générale 44
A°/ Une représentation néo-antidéterministe 44
B°/ Représentation du phénomène au moyen de l’arbre 44
§2. Les caractéristiques du processus 45
A°/ Les trois premières caractéristiques 45
B°/ Les deux dernières caractéristiques 45

TITRE II. LES TYPOLOGIES CRIMINELLES 46


CHAPITRE I. LES TYPOLOGIES DE DELINQUANTS 46
Section I. Les principales typologies de criminels 46
§1. Les classifications bio-psychologiques 46
A°/ La typologie anthropologico-psychiatrique de Di TULLIO 46
B°/ Quelques typologies d’inspiration psychanalytique 47
C°/ Quelques typologies psychologiques 47
§2. Les typologies d’ordre sociologique 48
A°/ La typologie de LINDESMITH et DUNHAM 48
B°/ Les typologies fondées sur les comportements criminels 48
§3. La typologie de SEELIG 49
A°/ Le principe de la classification 49
B°/ Les huit types criminologiques 49
Section II. Les grands types de délinquants 49
§1. Les délinquants malades et anormaux mentaux 49
A°/ Les délinquants aliénés 50
B°/ Les débiles mentaux 51
C°/ Les caractériels 51
D°/ Les Pervers 52
E°/ Les alcooliques et toxicomanes 52
§2. Délinquants d’occasion et d’habitude 53
A°/ Les délinquants d’occasion 53
B°/ Les délinquants d’habitude 53
§3. Jeunes délinquants et délinquants adultes 54

CHAPITRE II. LES TYPOLOGIES DE CRIMES 55


Section I. Classification des crimes par leur motivation 55
§1. Le crime utilitaire et le crime pseudo-justicier 55
A°/ Le crime utilitaire 55
B°/ Le crime pseudo-justicier 55
§2. Le crime primitif et le crime organisé 56
61

A°/ Le crime primitif 56


B°/ Le crime organisé 56
Section II. Classification fondée sur le nombre des participants 56
§1. Le crime commis isolement 56
A°/ Définition 56
B°/ Variétés des crimes commis isolement 57
§2. Le crime commis en association et le crime des foules 57
A°/ Le crime commis en association 57
B°/ Le crime des foules 57

CONCLUSION 58
BIBLIOGRAPHIE 60
TABLE DES MATIERES 61

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