Argumentation Et Analyse Du Discours

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Argumentation et Analyse du Discours

7 | 2011
Approches de l’AD et de l’argumentation au Brésil

L’argumentation dans le discours d’information


médiatique
Argumentation in Media Discourse

Wander Emediato

Éditeur
Université de Tel-Aviv

Édition électronique
URL : http://aad.revues.org/1209
DOI : 10.4000/aad.1209
ISSN : 1565-8961

Référence électronique
Wander Emediato, « L’argumentation dans le discours d’information médiatique », Argumentation et
Analyse du Discours [En ligne], 7 | 2011, mis en ligne le 15 octobre 2011, Consulté le 01 octobre 2016.
URL : http://aad.revues.org/1209 ; DOI : 10.4000/aad.1209

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Argumentation & analyse du discours est mis à disposition selon les termes de la licence Creative
Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
L’argumentation dans le discours d’information médiatique 1

L’argumentation dans le discours


d’information médiatique
Argumentation in Media Discourse

Wander Emediato

Introduction
1 Cet article présente quelques éléments de réflexion et d’analyse qui me semblent
essentiels pour le développement d’une étude sur l’argumentation dans le discours, et, en
particulier, sur le discours d’information médiatique. Sans préjuger d’autres orientations
possibles, on définira ce dernier comme le produit d’un processus complexe de
transformation des faits sociaux en discours, en événement. Avec Charaudeau (1997), je
voudrais rappeller que l’information médiatique est pure énonciation, soumise à des
contraintes externes (les conditions sociales et matérielles de production du discours des
médias) et internes (les conditions énonciatives et communicatives de la mise en scène de
l’information). Maurice Moullaud et Jean-François-Têtu vont dans le même sens lorsqu’ils
soulignent qu’entre la captation des faits in situ par l’instance médiatique et sa
représentation publique dans un jounal, il y a un processus de transformation de
l’information de la source lié à la spécificité de l’entreprise de presse et à son
environnement particulier qui comprend, bien sûr, les valeurs et l’identité attribuées à
l’instance de réception. Si les conditions externes (sociales) renvoient aux conditions de
production de l’information médiatique, les conditions internes (discursives) renvoient
aux genres textuels (éditoriaux, titres, nouvelles, articles d’opinion, etc.) et aux procédés
de mise en discours de l’information (mise en récit, mise en description, mise en
argumentation, mise en énonciation). Notre position reprend l’essentiel de la
problématique développée par Patrick Charaudeau dans Le discours d’information
médiatique. La construction du miroir social (1997). Ajoutons que, tout en restant dans le
champ de l’argumentation dans le discours, notre recherche prendra en compte les
problèmes relatifs aux domaines de la pensée et de la langue.

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L’argumentation dans le discours d’information médiatique 2

2 On sait que le discours d’information médiatique est très hétérogène et comprend aussi
bien des genres textuels descriptifs et narratifs, comme les titres de journaux et les
reportages (news), que des genres textuels opinatifs et argumentatifs, comme les
éditoriaux et les articles d’opinion. Si les premiers ont une visée dominante d’information
ou de faire-savoir, les seconds auraient plutôt une visée de faire-croire (Charaudeau
2000). Les textes analysés ici correspondent aux premiers types : ils sont prétendument
informatifs et se présentent le plus souvent à l’appréciation du lecteur comme ayant une
visée d’information. Ils ont, en géneral, une configuration assertive et le locuteur assume
le plus souvent le rôle de rapporteur. Il rapporte un fait (fait rapporté) ou un dire
(discours rapporté). Mais nous savons bien que si l’assertion est censée décrire le monde
tel qu’il est, elle n’en fait pas moins circuler un point de vue, car il est rare qu’un énoncé
ne comporte pas d’attitude modale1. Et pour ce qui est du discours d’information
médiatique, l’interprétation du point de vue exprimé ou implicité suppose toujours une
éthique ou une symbolique culturelle, car les assertions dans ce domaine ne valent que
par rapport à ses implications relativement au contexte social2. Ces actes de langage
possèdent donc une dimension argumentative dans le sens qu’Amossy donne à cette
notion (2010 [2000]). La dimension argumentative permet à l’analyste de rendre compte
de nombreux discours qui n’ont pas de visée argumentative avouée mais qui ont
néanmoins l’intention d’agir sur les croyances et sur les représentations d’autrui.
3 Comme il s’agit ici de dégager des stratégies argumentatives dans des textes qui n’ont pas
de visée argumentative avouée, on ne traitera ni des éditoriaux ni des articles d’opinion.
On va s’attacher aux titres, ces éléments qui entourent un texte en le présentant, en le
commentant et qui, selon Philippe Lejeune (1975), commandent toute la lecture. Gérard
Genette rappelle que cette « frange de texte, toujours porteuse d’un commentaire
auctorial ou plus ou moins légitimée par l’auteur, constitue, entre texte et hors texte, une
zone non seulement de transition mais de transaction » (1987 : 8). Ces éléments se situent
par rapport au texte (l’article) mais ils revendiquent une certaine autonomie, car ils se
présentent au lecteur comme une représentation fidèle, synthétique et macrostructurale
des faits et de l’article. C’est pourquoi il est important d’y déceler une dimension
argumentative qui en l’occurrence est double : persuader le lecteur de continuer à lire
l’article ; le persuader de voir d’une certaine façon les faits et les dires rapportés.
4 Dans ce cadre, cet article poursuit deux objectifs complémentaires : l’un, d’ordre géneral,
consiste à montrer comment les trois approches de l’argumentation (logique, linguistique
et rhétorique) sont à la fois différenciées, et étroitement imbriquées dans l’analyse du
discours de presse ; le second concerne le fonctionnement du discours d’information dans
la presse et la façon dont il met en place, par des opérations de cadrage, d’effacement
énonciatif, d’ellipses, etc. l’orientation argumentative voilée dont parle Amossy.

1. Les trois approches de l’argumentation


5 Il est très courant, lorsqu’on travaille sur le problème de l’argumentation, de se situer par
rapport aux trois approches qui marquent souvent le lieu d’où parle le chercheur. Elles
racontent en effet l’histoire même de ce champ d’études.
6 La problématique rhétorique, la plus ancienne des trois, est tournée vers les discours. À
ses débuts, elle s’intéressait aux pratiques judiciaires, politiques (déliberatives) et
épidictiques qui ont émergé dans les cités grecques vers le quatrième siècle avant notre

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L’argumentation dans le discours d’information médiatique 3

ère. Sa figure de proue était le sophiste, ce savant qui maîtrisait la parole et la discussion
des thèmes les plus généraux, de la morale à l’esthétique, de la politique aux questions
judiciaires, sans être forcément un expert en ces matières, du moins dans le sens moderne
du terme. Corax et Gorgias fondent et enseignent un art de bien parler. Le premier
privilégie une rhétorique des conflits et de la discussion persuasive, alors que le second
développe une rhétorique des figures et du beau parler. Des sophistes comme Protagoras
sont connus par une pensée assez élaborée que l’on pourrait même confondre avec une
philosophie de la morale et de la vertu. Les cyniques, comme Diogènes Laerce, ont côtoyé
les sophistes avant de se construire une philosophie critique de la morale, des coutumes
et de la liberté. D’une façon ou d’une autre, ils étaient à l’opposé de la philosophie
apodictique proposée par Platon.
7 L’approche rhétorique est reprise aujourd’hui par les travaux qui s’orientent vers le
discours et ses objets les plus divers, comme l’espace du débat public, les auditoires
concernés, la subjectivité et les intentions des sujets, la visée persuasive et tout ce qui a
trait, comme le suggèrent Perelman et Olbrechts-Tyteca (1958), à l’établissement, par le
moyen du langage, de liens entre les esprits. La rhétorique est la discipline qui fournit le
plus grand nombre des éléments conceptuels nécessaires au développement d’une
problématique de l’argumentation dans le discours, comme la notion d’ethos, qui renvoie
à l’identité du sujet argumentant, ou celle de pathos, qui renvoie à sa relation avec le
destinataire du discours. Ces dimensions ne sont cependant pas prises en compte par la
plupart des théories de l’argumentation.
8 La problématique de la pensée relève de la philosophie telle que Platon l’a conçue : elle
affirme l’autonomie de la pensée par rapport au langage, posant qu’elle se développe au
gré d’opérations de raisonnement qui ne dépendraient pas du langage. De par sa nature
subjective et ambiguë, ce dernier constituerait d’ailleurs un obstacle à l’expression de la
pensée pure. Il en résulte qu’il faut évacuer toute ambiguïté au profit d’inférences
logiques calculables, que n’entachent aucune intervention et aucune intention humaines.
L’objet d’analyse est la proposition, sa fonction dans le raisonnement logique, ses valeurs
de vérité. La logique traite donc de l’analyse des rapports entre propositions en vue d’une
définition exacte du concept de démonstration. À la philosophie qui est en quête de
Vérité absolue incomberait la tâche, prétendument plus noble que celle de la rhétorique,
de chercher les moyens d’arriver à cette Vérité par la pensée raisonnante, logique, épurée
de la rhétorique qui se contente du vraisemblable, de l’apparence et de l’efficacité
discursive. De nos jours, la logique s’est taillé une place à part dans les sciences et dans la
philosophie. En théorie de l’argumentation, la question de la pensée a été reprise par les
travaux d’analyse critique d’origine anglo-saxonne comme ceux de Woods et Walton
(1982), intéressés notamment par l’étude des paralogismes (les « fallacies »). S’ils
s’inscrivent dans la lignée logicienne, ils tentent néanmoins de fonder une logique
informelle susceptible d’être appliquée à l’analyse (critique) de discours argumentatifs, et
permettant de les évaluer à partir de critères normatifs.
9 L’approche justificationniste de S. Toulmin (1958) est également héritière d’une
problématique de la pensée, mais l’auteur y ajoute une visée pragmatique. Pour lui, une
argumentation doit pouvoir se justifier sans cesse contre les réserves possibles émises à
l’encontre des raisons présentées. Ces raisons sont à rechercher à l’intérieur d’un champ
déterminé qui fournira des bases à la justification, ce qui confère au modèle de Toulmin
une dimension situationnelle et même rhétorique. Ainsi, il reprend les bases logiques et
inférentielles du raisonnement critique et les applique aux procédures de décision dans

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les raisonnements quotidiens, ce qui montre l’originalité de Toulmin – une originalité


dont on n’a pas encore tiré toutes les conséquences.
10 L’argumentation comme une activité de langue est principalement développée dans les
travaux de Ducrot et Anscombre dans la Théorie de l’Argumentation dans la Langue (ADL)
et, de nos jours, par Ducrot et Carel dans la Théorie de Blocs Sémantiques. On y affirme la
préeminence de la langue par rapport à la pensée. Pour l’ADL, l’analyse argumentative
consiste à identifier les suites potentielles d’un segment de la langue (un énoncé ou une
unité lexicale), c’est-à-dire son orientation argumentative, conçue de manière intrinsèque
sans aucun renvoi à un contexte extralinguistique. Loin de la notion de contenu
propositionnel de la tradition logique, le sens d’un segment (ou d’un énoncé) n’est pas
l’information qu’il apporte, mais les enchaînements discursifs qu’il évoque comme
continuation. Sans entrer dans les détails conceptuels de l’ADL, on pourrait considérer
que son hypothèse centrale, qui consiste à définir le sens d’un énoncé par ses suites
potentielles (son orientation argumentative), n’est pas sans intêret pour une étude de
l’argumentation dans le discours, à condition de l’intégrer dans un processus plus
complexe qui dépasserait le cadre de la langue.
11 Généralement, ces trois approches s’excluent mutuellement, car chacune adopte ses
concepts et ses méthodes propres et, qui plus est, délimite un objet singulier : le
raisonnement logique et les syllogismes, dans l’approche fondée sur la problématique de
la pensée ; les segments de la langue et leur orientation argumentative, dans l’approche
fondée sur une problématique linguistique ; les discours sociaux et leurs rapports
d’influence dans l’approche rhétorique, qui reste d’ailleurs la plus ouverte et la plus
diversifíée, aussi bien conceptuellement qu’au niveau de ses objets d’analyse.
12 Mais l’argumentation est un phénomène complexe qui peut faire interagir ces divers
niveaux d’activité lors de la construction et de la réception d’un message donné. La
pensée, la langue et le discours vont de pair et ne s’excluent pas dans l’argumentation
quotidienne. Pour Plantin (1990), l’argumentation correspond à la fonction critique du
langage et peut intervenir dans tout acte de discours. Restreindre l’argumentation au
raisonnement et aux contenus propositionnels ou à son statut sophistique, paralogique
ou logique, serait pour le moins oublier que l’argumentation est une activité humaine,
dialogique et interactionnelle3. En plus, si la pensée intervient de façon essentielle dans
l’activité argumentative, elle n’est pas extérieure à l’homme, car il s’agit bel et bien de la
pensée humaine.

2. Argumentation, adhésion et persuasion


13 La question de la persuasion effective reste un problème auquel la psychologie sociale
pourrait nous apporter bientôt des réponses plus sûres, comme semblent l’indiquer des
travaux menés par la psychologie sociale comme ceux de Chabrol et Radu (2008). Dans
une problématique de l’argumentation dans le discours, la persuasion joue un rôle
considérable qui ne peut être négligé. Certes, on ne sait que peu de choses sur les effets
réels des messages, mais cela n'empêche pas la rhétorique et l’analyse du discours de
dégager leurs effets possibles et potentiels. L’étude de l’argumentation dans le discours ne
pourrait pas se passer d’une analyse du processus de persuasion ou de l’intention
persuasive, même si les effets effectifs de messages rélèvent des études empiriques de
réception. Angenot (2008) tente sans doute de montrer que l’objectif déclaré de la
rhétorique tout au long de son histoire est loin d’être réalisé, et que le dialogue de sourds

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est plus fréquent que la persuasion. Il faut néanmoins admettre que si les gens ne se
laissent pas facilement persuader par les autres, ils sont tout de même très souvent
persuadés de quelque chose. C’est bien ce que dit la doxa rhétorique. L’intensité d’une
adhésion et la résistance au changement ne sont pas étrangères aux phénomènes de
l’argumentation et de la persuasion. La force endocentrique des communautés, c’est-à-
dire le consensus et le conformisme, reste encore à étudier, mais le constat du consensus
ou de l’échec d’une argumentation ne nie pas le phénomène de la persuasion. Notons que
si la persuasion agit sur les représentations, ce n’est pas seulement pour les changer car il
faut également les renforcer en vue du maintien d’une cohésion autour des valeurs
communautaires4. Autrement dit, il faut continuer à persuader l’autre de ce dont il est
déjà persuadé pour renforcer la doxa. Quoi qu’il en soit, l’intention du sujet qui argumente
vise les croyances et les représentations de l’autre, ne serait-ce que pour les conforter ou
les renforcer, car aucune adhésion n’est acquise une fois pour toutes.
14 Le problème de l’adhésion n’est pas très éloigné de celui de l’identification. Sur ce sujet,
Charaudeau (2008) pose que l’argumentation correspond à une attitude impositive du
sujet argumentant sur le destinataire, alors que l’organisation narrative (le récit)
correspondrait à une attitude projective en quête d’identification. Argumenter, pour cet
auteur, serait donc une activité fondée sur l’intention d’imposer à l’autre des croyances et
des schémas de vérité auxquels le destinataire-cible n’a pas encore adhéré. Je pense qu’il
est fort difficile de résoudre le problème en ces termes. On sait que l’adhésion et son
intensité ont toujours été au centre de la rhétorique depuis l’antiquité. Perelman et
Olbrechts-Tyteca (1958) ont longuement traité du problème. Ils ont su montrer
l’importance des prémisses de l’argumentation (les accords) comme point de départ d’un
projet d’influence, ce qui renvoie au rôle de l’identification dans le processus
d’argumentation rhétorique. Or, si produire du récit est décrire des qualités des êtres du
monde et leurs actions (les qualifier, les nommer, donc, les définir, les cadrer), et
proposer à l’autre une certaine scénarisation narrative du monde aux dépens d’autres,
n’est-ce pas déjà proposer au destinataire une façon de voir le monde, de l’apprécier et de
le juger, voire de le cadrer cognitivement et axiologiquement ? Offrir à l’autre un monde
auquel il s’identifie déjà, ne serait-ce que pour s’approcher de lui, lui être sympathique,
familier, n’est-ce pas déjà l’empêcher de voir le monde autrement, car « son » monde est
bel et bien reconnu et valorisé dans le discours ? N’est-ce pas, enfin, circonscrire ses
croyances, ses formes de jugement, ses goûts dans l’identification, autrement dit, dans
une adhésion déjà acquise mais qui est toujours susceptible de changer5 ?
15 L’analyse du processus d’argumentation et de persuasion dans le discours d’information
médiatique ne peut se passer de cette réflexion sur l’interaction entre les attitudes
projective (identificatrice), et impositive, toutes les deux étant tournées, chacune à sa
façon, vers les croyances et les représentations. Elles semblent constituer un double
processus qui agit à la fois pour maintenir et renforcer des états d’adhésion (attitude
projective), en amont, et pour les intensifier, voire les changer, les problématiser, en aval
(attitude impositive). L’information médiatique est à la fois conservatrice et progressiste.
Elle schématise le monde en le réduisant au connu et à l’identifiable, au raisonnable et au
discutable, donc, au sens commun, mais elle fait bouger les représentations qu’on en a en
proposant le débat au quotidien6. Cela n’est pas d’ailleurs l’apanage du discours
médiatique, car « toute argumentation commence par simplifier le monde,
inépuisablement variable et changeant […], et par lui substituer ce schéma » (Angenot

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2008 : 148-149). Imposer un cadre de vérité à l’autre, c’est en faire un schéma capable de
masquer les autres perspectives possibles.

3. L’argumentation dans le discours d’information


médiatique
16 L’analyse de l’argumentation dans le discours d’information médiatique ne doit pas se
borner à la recherche d’éléments explicitement argumentatifs ni à une conception
restreinte de l’argumentation comme activité de raisonnement qui exigerait, pour qu’il y
ait argumentation, des segments ou des formes typiquement argumentatives. Amossy
(2010 [2000]) propose de distinguer les discours qui ont une visée argumentative avouée
d’autres discours qui n’auraient qu’une dimension argumentative. Cette position permet
à l’analyste du discours de considérer de nombreux cas où il y a bien une intention d’agir
sur les croyances et les représentations de l’autre sans que la visée argumentative du
discours soit assumée par le sujet communiquant.
17 Soumise aux contraintes déontologiques du journalisme, l’argumentation dans certains
genres textuels, comme les titres et les nouvelles, est très souvent masquée par des
opérations d’effacement énonciatif7 et d’objectivation des propos, voire par la visée
informative elle-même. On ne peut pas pour autant se passer de voir dans ces éléments du
discours d’information une intention d’influence, sans préjuger de son efficacité. Ces
énoncés dits d’information sont porteurs de points de vue sur les faits et ces points de vue
sont posés, très fréquemment, comme des évidences. C’est pourquoi je pose, avec Amossy
(2010 [2000]), que l’enjeu de l’argumentation n’est pas à chercher uniquement dans la
visée argumentative explicite qui caractérise certaines situations de discours, mais dans
une dimension comportant des stratégies, pas toujours conscientes ou manipulatoires 8,
par lesquelles un sujet veut proposer ses points de vue à un destinataire. Pour ce qui est
du discours d’information médiatique, ces stratégies sont présentes particulièrement
– dans la manière de gérer la parole et l’énonciation dans les textes écrits ou dans les
débats oraux (gestion du dialogisme interne dans un texte ou gestion de la parole dans
l’interaction en face à face) ;
– dans les catégories linguistico-discursives utilisées qui sont porteuses d’enjeux
argumentatifs (les points de vue) et qui évoquent des suites et des inférences (les verbes,
les noms et les désignations, les adjectifs et les qualifications, les constructions
phrastiques, les modalités énonciatives, etc.) ;
- dans les types de raisonnements les plus prototypiques de la situation de discours
d’information médiatique, parmi lesquels je mettrais en relief la déduction, l’induction, la
disjonction, la conjonction et la causalité.
18 Pour traiter du sujet, je vais présenter ici trois types de stratégies qui me paraissent assez
courantes dans le discours d’information médiatique : les stratégies de cadrage, les
stratégies énonciatives et l’orientation argumentative par les types de raisonnements.

3.1. Les stratégies de cadrage

19 Le cadrage9 a une portée argumentative dans la mesure où il permet de circonscrire la


discussion par la thématisation, de présenter les objets de discours d’une manière plutôt
que d’une autre par des opérations de référence (nomination, désignation) et de

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L’argumentation dans le discours d’information médiatique 7

prédication, d’orienter la problématisation dans une certaine direction. Il peut s’agir


d’enfermer le débat autour d’un thème soit par une thématisation, soit par un
questionnement ; de faire voir et apprécier un être d’une certaine manière en le classant
dans une catégorie désignative (Guadanini et Emediato 2009) ; d’interpréter un dire
comme une attitude censée être équivalente, comme dans le cas du discours rapporté
narrativisé (Charaudeau 1995, Emediato 2000). Le cadrage est une sorte de schématisation
qui oriente le regard de l’autre. Le discours d’information médiatique se sert beaucoup de
la dimension argumentative de différents types de cadrage.

3.1.1. Le cadrage par la thématisation

20 L’information médiatique se caractérise par une communication de nouvelles à valeur


symbolique appartenant à des domaines thématiques qui sont censés être pertinents pour
un certain lectorat. Ce type d’information a besoin d’un arrière-fond de représentations
(une mémoire) pour produire le plus grand nombre possible d’effets contextuels et
d’implications. La pertinence du discours d’information dépend donc de cet arrière-fond
de représentations. Rodolphe Ghiglione (1984) a bien su souligner ce problème en
proposant de distinguer ce qui serait de l’ordre d’un contrat de communication effectif,
dont la validation interlocutoire est attestable, comme dans les interactions en face à
face, d’une situation de communication potentielle où l’instance de production du
discours doit prévoir et pré-valider elle-même les réactions du destinataire, comme dans
les productions écrites ou monologales. Les opérations de cadrage jouent un rôle
important dans ce processus dans la mesure où elles visent à activer dans la mémoire du
lecteur des contenus et des valeurs symboliques et à les associer au cadrage effectué. Par
exemple, désigner un agent agresseur par son identité ethnique (arabe, gitan, rom,
maghrébin, etc.) peut activer chez le lecteur des représentations symboliques, voire
stéréotypées, et impliquer son interprétation à travers une causalité non-fondée. Ces
représentations sont censées être consensuelles et susceptibles d’être validées par le
lecteur.
21 Le cadrage thématique se fait également sur un consensus. Marc Angenot (2008 : 150)
souligne à ce propos que « le consensus de circonscription et de pertinence est une des
normes de débat dans le sens qu’un débat n’est possible que si un cadrage a été établi ».
Une fois que le thème a été cadré, le monde devient plus simple et le débat peut suivre
son cours. Mais la thématisation médiatique répond à un problème implicite, car le
cadrage est bien celui du débat public. Le sujet informant donne à voir un objet
paradigmatique (il thématise) et offre, explicitement ou implicitement, les perspectives
selon lesquelles on devrait le problématiser (il problématise). La thématisation joue ainsi
un rôle de cadrage du monde social et la problématisation, explicite ou implicite, propose
au lecteur l’éthique de la discussion10. La thématisation définit les limites du discutable.
La problématisation offre une perspective éthique sur ce qui est mis en discussion.
22 Un bon exemple de cadrage est celui que la grande presse d’information au Brésil a fait
sur le thème de l’avortement pendant les dernières élections présidentielles de 2010. Le
thème de l’avortement n’a pas été discuté par les médias ou par les candidats au premier
tour. Cependant, dès le début du second tour, il est devenu le thème majeur, et le plus
médiatisé, alors qu’il n’avait été auparavant traité dans aucune campagne électorale au
Brésil. En plus, le thème de l’avortement a été particulièrement orienté sur la candidate
du Parti des Travailleurs, Dilma Roussef, en raison de sa filiation socialiste et de son statut

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L’argumentation dans le discours d’information médiatique 8

de femme. Bien des analystes s’accordaient sur le fait que ce thème profitait à son
opposant, le candidat de la droite, José Serra. Ce cadrage thématique a été tellement
puissant que le pape Benoît XVI lui-même a fait une déclaration sur le sujet, en appelant
les fidèles à orienter leur vote par rapport à ce problème. La déclaration du Pape a été
fortement médiatisée à la veille du suffrage. Cet exemple, parmi bien d’autres qui se
multiplient dans les médias, montre que le cadrage thématique est une opération
discursive dont l’intention est bien d’agir sur les représentations d’autrui en lui
proposant un débat cadré. Elle est au centre de l’intention argumentative et fondée sur
des accords préalables11. Elle ouvre la voie à la problématisation et à la construction de
points de vue sur un sujet donné.

3.1.2. Le cadrage par la désignation

23 J’utilise le terme de désignation comme catégorie de nomination (opération de référence)


qui, à la différence de la dénomination, possède une dimension argumentative et
correspond au point de vue subjectif d’un sujet sur une classe d’êtres. Cette position
équivaut à l’opposition que George Kleiber établit entre dénomination (acte référentiel)
et désignation (attitude appréciative), et que Paul Siblot utilise également pour étudier
des sociotypes. Les désignations manifestent des prises de position, car elles imposent des
attributs aux êtres et par cette attribution font circuler des points de vue subjectifs. À ce
titre, elles correspondent à une modalité appréciative. Cette question se retrouve chez
plusieurs auteurs. Siblot (1997) a fait remarquer le rôle argumentatif de la nomination par
les praxèmes à partir de l’analyse de noms communs désignant des groupes sociaux (les
députés, les Français, les Arabes, etc.). Philippe Breton (1997) a également soulevé ce
problème en termes de cadrage manipulateur. Guadanini et Emediato (2010) ont montré
comment la désignation nominative dans la presse écrite impose une manière de voir qui
mérite d’être jugée en termes d’orientation argumentative. Or, le discours d’information
médiatique se sert constamment des noms communs comme d’une opération dont la
dimension argumentative peut même être parfois évidente. Le cadrage d’un être dans une
classe générique en fait un exemple et son action implique, de façon directe ou indirecte,
intentionnelle ou non, la classe à laquelle il appartient. Ces désignations peuvent
provoquer un raisonnement inductif et suggérer un rapport de causalité non-fondée,
phénomène déjà étudié par Philippe Breton (1997) en termes de cadrage manipulateur.
C’est le cas d’un policier impliqué dans une affaire de violence (donc les policiers sont
violents), d’un homme politique accusé de corruption (donc les hommes politiques sont
corrompus), d’un violeur designé par son ethnie (donc les gens appartenant à cette ethnie
sont des violeurs potentiels). Ces événements deviennent symboliques lorsque les acteurs
sont cadrés par le choix de ces identifications génériques.

3.1.3. Le cadrage du dire d’autrui : les verbes d’attitude

24 Le verbe d’attitude sert aussi à construire un point de vue. Il a donc une dimension
argumentative. Il renvoie au comportement psychologique de l’acteur focalisé dans
l’énoncé verbal. Des verbes tels qu’accuser, nier, rejeter, censurer, promettre,
condamner, affronter, vouloir, critiquer, vibrer, menacer, dénoncer, récuser, souhaiter,
penser, contester, s’inquiéter, exiger, estimer, etc., sont les verbes d’attitude les plus
souvent repérés dans le discours d’information médiatique. Ils correspondent pour la
plupart aux verbes subjectifs analysés par Catherine Kerbrat-Orecchioni (1980 : 100) qui

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L’argumentation dans le discours d’information médiatique 9

fait remarquer précisément que « ces verbes posent à l’analyse des problèmes plus
compliqués que les substantifs et les adjectifs, dont la valeur évaluative éventuelle est très
généralement prise en charge par le sujet parlant ». Les verbes d’attitude représentent
une opinion du sujet informant sur l’action, le plus souvent locutoire, d’un acteur social.
Son usage est courant dans le discours rapporté et constitue un exercice d’interprétation
de la part du journaliste. Dans la presse brésilienne, par exemple, le commentaire
défavorable qu’un acteur social fait sur un autre est généralement décrit comme une
« attaque », dans une sorte de schéma typique :
Si X fait un commentaire défavorable sur Y
Donc, X attaque Y
25 L’attitude de X par rapport à Y devient problématique dans un certain champ (politique,
par exemple) et peut produire des implications diverses (une interprétation défavorable
ou favorable au champ politique, à l’acteur concerné, à la situation, etc.). Il s’agit ainsi
d’une stratégie de cadrage du dire d’autrui qui indique au lecteur dans quelle perspective
il doit le comprendre. Ce cadrage peut également provoquer l’événement et susciter des
réactions des acteurs sociaux, en orientant le débat.

3.1.4. Le cadrage par le questionnement

26 Le choix de la question est une opération de cadrage majeure pour le discours


d’information médiatique parce qu’elle renvoie directement à la problématique de la
pertinence. En termes énonciatifs, la question est une demande d’information, mais dans
le cas du discours d’information médiatique, elle ne joue pas ce rôle : il s’agit bien plutôt
d’inciter à une problématisation. Comme Plantin (1991 : 78) l’a bien remarqué, « avant
d’être un moyen de quêter de l’information, si elle en est un, la question est un moyen
discursif de transfert de la parole ; une bonne façon d’obliger quelqu’un à parler, c’est de
lui poser une question ». Dans le cas du discours d’information, on peut dire que c’est un
moyen discursif permettant d’obliger le lecteur à penser à propos de l’objet de la
question. C’est pourquoi la question correspond bien à une schématisation, au sens
d’Angenot (2008 : 149) :
La schématisation, par ailleurs, délimite une situation mise sous discussion ; elle lui
fixe des limites de pertinence qui seront des limites à la discussion, qui interdiront
de « remonter au Déluge » et de « sortir du sujet ». Il ne suffit pas qu’un argument
soit raisonnable, il faut encore qu’il « ait à voir » avec la question ainsi constituée.
27 Mais une seule question peut comporter différents enjeux. À ce titre, je propose l’analyse
succincte des trois questions suivantes12 qui jouent le rôle de titres de couverture d’un
magazine brésilien d’information :

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 10

Época, n° 460, 12 mars 2007

Época, n° 493, 29 octobre 2007

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 11

Época, n° 587, 15 août 2009

28 La question (1) reprend le questionnement d’un tiers, à savoir, le gouvernement


américain qui avait soulevé le problème de terroristes islamistes cachés au Brésil sur un
ton accusateur. L’enjeu de la question est donc de problématiser un sujet qui circule dans
l’espace public et de le développer par le biais d’une enquête. Il y a bien une opération de
cadrage, mais il s’agit d’un cadrage sur un thème dont la source n’est pas médiatique.
C’est donc de « l’événement rapporté » et, en particulier, du « dire rapporté »
(Charaudeau 1997) sous la forme d’une question. La question (2) n’est pas de même
nature, parce qu’il n’y a pas de débat dans l’espace public brésilien sur le fait d’avoir peur
ou non de Hugo Chavez, le président du Venezuela. Il s’agit bel et bien ici d’imposer au
lecteur un problème auquel il n’a pas forcément pensé. L’instance médiatique est ici la
source du questionnement et on pourrait classer cette opération de cadrage dans ce que
Charaudeau (1997) appelle « événement provoqué ». La question (3) pourrait être
considérée comme une modalité mixte de (1) et de (2). Marina Silva, écologiste qui a été
Ministre de l’environnement dans le gouvernement de Lula, déclare sa candidature aux
élections présidentielles de 2010. D’une part, la question reprend indirectement le thème,
déjà en circulation, de sa candidature pour la problématiser, d’autre part elle cadre cette
problématisation sous forme d’interrogation prédictive, proposant au lecteur de
l’imaginer présidente ou, du moins, de répondre à la question ainsi posée et de penser à la
possibilité d’une Présidente Marina. C’est pourquoi on aurait ici à la fois de « l’événement
rapporté » et de « l’événement provoqué ». Ces trois exemples ne sont pas exhaustifs : on
pourrait vérifier d’autres enjeux13 concernant les énoncés interrogatifs dans la presse
d’information. Ils nous permettent tout simplement de souligner le grand intérêt que
l’analyse de l’argumentation dans le discours peut leur porter.

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 12

3.2. Les stratégies énonciatives. Les cas de l’assertion et du


discours rapporté

29 Le problème de la modalisation a été trop développé en linguistique pour qu’on ait besoin
de le justifier ici. Dès 1932, Bally en pose les bases théoriques et empiriques. Pour lui,
penser, c’est réagir à une représentation, en la constatant, en l’appréciant ou en la
désirant, en mettant d’ores et déjà l’accent sur les aspects logiques et psychologiques de
l’énonciation. Après Bally, de multiples études sur l’énonciation, notamment en France,
ont souligné, à juste titre, le rôle central de l’appareil énonciatif dans la communication
et ont proposé des cadres de plus en plus élaborés du phénomène de la modalisation et
des modalités énonciatives. Pour ce qui est de l’argumentation, le problème de la
modalisation concerne directement le contenu logique des propositions et leurs modes de
présentation par le sujet argumentant.
30 Le phénomène de la modalisation suppose que l’énoncé comporte, en effet, deux
dimensions intégrées : le dictum, qui renvoie plus précisement au contenu logique de la
proposition et le modus, la forme choisie par le sujet pour le présenter et qui denote très
souvent une attitude ou un commentaire de celui-ci vis-à-vis du contenu de son dire. Si le
dictum peut présenter une bonne raison par son contenu, le modus par lequel le dictum est
actualisé peut offrir une orientation argumentative. On sait, par exemple, que certaines
assertions journalistiques, énoncées sur le mode de l’évidence, pourraient être
relativisées selon le mode de la possibilité ou de l’hypothèse, ce qui offrirait aux
destinataires de ces messages un espace de refléxion aléthique. Dans le domaine de la
chronique économique et politique, on retrouve des affirmations catégoriques émises par
des journalistes, alors qu’ils ne font très souvent que reproduire les discours d’experts
qui, eux, expriment leur opinion sur des questions économiques et politiques qui ne
possèdent pas une seule et unique interprétation. Lorsque la récente crise économique
s’est déclenchée aux Etats-Unis et a surpris tout le monde, les affirmations de certains
chroniqueurs médiatiques brésiliens sur le fonctionnement des marchés, des bourses et
du libre échange qui paraissaient auparavant évidentes ont dû être révisées à la lumière
des faits nouveaux. Certaines positions présentées catégoriquement comme la seule voie
possible que peut emprunter une politique économique responsable (et libérale) ont dû
être relativisées, comme le rôle de l’État dans l’économie par exemple.
31 Lorsque le contenu propositionnel du dictum est présenté au lecteur comme probable ou,
comme c’est souvent le cas, comme évident14, cela n’entraîne pas les mêmes effets, car
l’interprétation au niveau épistémique n’est pas la même. La question de l’énonciation et
de la modalité s’avère donc très importante si l’on s’intéresse à l’argumentation dans des
situations concrètes, et pas simplement dans des situations idéales où le raisonnement
pourrait tout simplement suffire. Le processus d’énonciation et de modalisation est
indissociable de l’argumentation si l’on admet qu’argumenter c’est (im)poser des points
de vue sur des objets, réels ou imaginaires, et mettre en scène des énonciateurs
antithétiques dans le discours. Or, dans le discours d’information médiatique l’assertion
et le discours rapporté ont toujours une dimension argumentative importante qui mérite
d’être analysée.
32 La problématique du discours rapporté dans des textes de presse est d’autant plus
complexe que ces textes rapportent souvent des fragments de discours d’acteurs sociaux
et que ces discours sont souvent transformés en actions, narrativisés, commentés, et

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 13

arrachés à leurs contextes d’origine. Ils sont transformés à tel point que nous ne voyons
plus, dans la plupart des cas, les traces du discours d’origine car celles-ci sont totalement
effacées par la transformation périphrastique et métatextuelle. En plus, les discours
rapportés permettent au sujet informant d’argumenter sur la parole des autres, comme
dans la Une du journal Libération du 26 février 2010 :

Libération, 26 février 2010

33 L’énonciateur effacé se sert des paroles (et des points de vue) du président Sarkozy et de
son Premier Ministre François Fillon pour provoquer une problématisation et en faire
sortir un troisième point de vue critique : il s’agit d’une contradiction évidente, et
gênante pour le gouvernement. Ce gouvernement apparaît donc comme étant en proie au
désordre. L’énonciateur effacé livre aux lecteurs les points de vue des deux acteurs sans
avoir besoin de les paraphraser, car il compte bien sur le travail de co-énonciation de ses
lecteurs. Il suffit, pour l’énonciateur effacé, de juxtaposer les deux énoncés rapportés, de
les exhiber sur la page du journal et de les mettre en relief15. Le lecteur est appelé à faire
des inférences par des raisonnements conjonctifs (Sarkozy et Fillon sont proches,
participent au même gouvernement) et disjonctifs (leurs paroles sont antithétiques).
L’opération se fait sur la mise en page des discours rapportés et des photos des acteurs,
l’un contre l’autre, dont les contenus logiques suffisent à provoquer une problématisation
ayant comme conséquence l’effet de contradiction.
34 Le problème de la dimension argumentative du discours rapporté est directement lié à la
façon dont les discours de l’autre sont transformés par le sujet informant, voire
manipulés et mis en page par celui-ci à des fins argumentatives. Quelques cas de figure
sont à énumérer :
- Le discours rapporté sert à qualifier, favorablement ou défavorablement, le locuteur
d’origine par ce qu’il a dit. Le discours comporte dans ce cas un contenu disqualifiant et
problématique, polémique et non conforme à la doxa (un discours négationniste, un

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 14

discours qui n’est pas conforme, à des niveaux divers, à ce qu’on attend du statut social de
l’acteur, etc.)
- le discours rapporté sert à produire une tension dans un contexte donné de par son
implication symbolique dans ce contexte (la déclaration du Pape sur l’avortement ou sur
la pédophilie, la déclaration d’un responsable politique, etc.)
- le discours rapporté est une opinion partagée par le sujet informant et il souhaite la
faire circuler (opération délicate et difficile à identifier comme intentionnelle, sauf par un
travail systématique capable de démontrer la régularité des opinions publiées par une
instance médiatique).
35 Les paroles de l’ex-ministre des Affaires étrangères française, Michèle Alliot-Marie,
prononcées à l’Assemblée Nationale dans le contexte des manifestations tunisiennes qui
ont fait chuter le président Ben Ali, la Révolution de Jasmin, constituent un cas
exemplaire. Le cadrage médiatique de son discours sur une éventuelle aide logistique-
militaire au régime tunisien pour le maintien de l’ordre en Tunisie l’a très négativement
qualifiée et a produit des implications symboliques sur la scène politique française,
traditionnellement du côté des Droits de l’Homme. La ministre a dû justifier ses propos et,
comme c’est souvent le cas, a prétendu que ses paroles ont été détournées de leur
contexte original. Il va sans dire qu’une grande partie du public destinataire n’a eu accès
qu’à ces paroles médiatisées dont l’énonciateur d’origine prétend qu’elles sont arrachées
à leur contexte original.

3.3. Les types de raisonnement ou l’orientation argumentative

36 Les types d’arguments sont traditionnellement affectés à l’argumentation et à ce titre on


les repère plus facilement dans des textes à visée argumentative, où on peut les décrire et
les classer. Je propose de voir comment les titres de journaux peuvent également tenter
d’influer sur les raisonnements des lecteurs.

3.3.1. Les liens de causalité

37 Nous pouvons considérer comme une explication causale le type d’argument le plus
caractéristique du discours d’information médiatique. Il s’agit d’un lien nécessaire à ce
type de discours, car en plus de faire savoir aux lecteurs ce qui s’est passé dans le monde
social, il doit répondre au problème du pourquoi des événements et de ses possibles
implications. La tension (entropie) produite par l’irruption d’un fait nouveau mérite une
explication. L’explication causale est au cœur de l’imaginaire journalistique de la
simplification et n’est pas l’apanage des médias, comme le souligne bien Angenot (2008 :
210) :
Les raisonnements des journalistes, des historiens, des politiciens tombent
inévitablement dans la vaste catégorie du sophisme de la causation unique et
partielle. On soumet à l’appréciation du public une cause immédiate et nécessaire,
difficile à écarter à ce titre ; cela dispense de creuser la cause des causes.
38 La forme condensée du titre de journal permet au sujet communiquant de travailler
subtilement sur les ellipses, en jouant sur le flou et sur les potentialités inférentielles des
lacunes et de certains mots. Voyons le titre suivant publié par le journal Le Monde du 31
mai 2005, à la Une :
Chirac désavoué, l’Europe déstabilisée (Le Monde, 31 janvier 2005)

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 15

39 Il s’agit d’une assertion qui se présente sur le mode de l’évidence et qui cache certains
liens causaux dans les lacunes issues du procédé de juxtaposition. Si l’on ne retient que le
titre on notera qu’on se trouve face à une formulation qui n’est pas informative, car il n’y
a pas de faits purs. La forme passive de la phrase exprime les points de vue d’un
énonciateur sur les résultats de faits qui restent implicites. Par la stratégie de
l’effacement énonciatif, l’énonciateur ne se montre pas, ce qui confère à l’énoncé son
effet d’objectivité16. Il s’agirait, tout d’abord, de deux propositions juxtaposées: p1 (Chirac
est désavoué) ; p2 (L’europe est déstabilisée). Mais ces propositions correspondent, en
effet, aux points de vue du sujet énonciateur (effacé dans l’énoncé) sur les faits. Ces points
de vue résulteraient d’une explication causale que le sujet énonciateur établit sur la
nature des faits : le vote des Français contre le traité constitutionnel de l’Europe implique
(ou est impliqué par) leur désaveu de Chirac. Mais il pourrait évoquer, en plus, un lien
causal entre le désaveu de Chirac et la déstabilisation de l’Europe : Chirac est désavoué,
donc l’Europe est déstabilisée. Cela pourrait faire de Chirac l’élément destabilisateur. Bien
que le raisonnement ne soit pas explicite, ces liens causaux sont présentés comme des
possibilités de lecture. L’énonciateur suppose que le lecteur est capable de remplir
l’ellipse, puisque les faits ne sont pas rapportés directement par l’énoncé. La phrase est
coordonnée sans aucune conjonction indiquant le lien logique. Elle invite le lecteur à
établir les liens manquants. Le fait, qui n’a pas d’interprétation unique, car il est assez
complexe, est que la majorité des Français a rejeté le traité constitutionnel européen lors
du referendum auquel ils ont été convoqués le 29 mai 2005. Cela a permis au journal Le
Monde d’en inférer – et de faire circuler cette inférence - qu’il s’agit plutôt d’un désaveu
du président Chirac que d’une conviction de la majorité des Français sur le traité
constitutionnel lui-même. L’article qui suit le titre ne parle pas de désaveu de Chirac, et il
est informatif : il décrit les résultats du referendum. On voit bien que le titre est aligné
sur l’éditorial.
40 L’exemple nous permet de voir que derrière un titre comme celui-ci, le lecteur est
confronté à un ensemble d’ellipses laissées intentionnellement par le sujet informant en
vue de produire dans la lecture certains effets contextuels dans l’espoir que le lecteur
accepte de remplir ces ellipses « comme il faut ». De façon assez analogue au
fonctionnement des presupposés sémantiques, ces contenus implicites sont là pour être
saisis sans aucun coût majeur comme des vérités, c’est-à-dire comme des évidences et pas
comme des points de vue. Or, il s’agit bien de points de vue et ils sont au coeur des enjeux
argumentatifs du discours d’information médiatique : poser l’opinion comme vérité et
évidence.

3.3.2. L’orientation argumentative et les types de raisonnement

41 J’ai suggéré (Emediato 2008) que l’information médiatique oriente la lecture du


destinataire vers une problématicité éthique. D’une certaine manière, cette orientation
éthique (et parfois logique) est la seule façon de lire l’information « comme il faut ». C’est
pourquoi j’ai affirmé qu’elle s’oriente vers une raison éthique supposée partagée par le
destinataire, avant de déclencher l’émotion, deuxième dimension du pathos17. Pour mieux
expliquer cette hypothèse de travail, je reprends ici le même exemple. Il s’agit d’un titre
publié à la Une du journal brésilien Folha de SP du 27 novembre 2005 :
(FSP) Governo engaveta investimentos18

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 16

42 Ce titre suscite chez le lecteur brésilien des inférences évaluatives négatives qui ne
s’expliquent que par rapport à une éthique citoyenne, fondée sur une idée de justice, qui
s’attend à ce que le gouvernement ne suspende pas des investissements essentiels au
développement social et économique du pays. Le verbe utilisé amplifie la force de ces
inférences. Quand on le remplace par un verbe plus neutre, comme « réduire » (le
gouvernement réduit les investissements), le lecteur cherche une explication plus causale
(comme les restrictions budgétaires) et les inférences évaluatives, de nature axiologique,
s’atténuent. C’est donc à une certaine éthique citoyenne que l’énonciateur de
l’information s’adresse. Si le lecteur active cette éthique dans la réception des textes, il
assume une position de lecture qui déclenche chez lui l’émotion correspondante,
l’indignation (si ce qu’a fait le gouvernement n’est pas juste, je dois, en tant que citoyen,
m’indigner). Le jugement éthique fonctionne comme l’antecédent de l’émotion, qui en est
le conséquent.

Conclusion
43 Le discours d’information médiatique tel qu’on a pu le voir dans l’analyse des titres met
en oeuvre plusieurs opérations susceptibles de provoquer chez les lecteurs différents
types d’inférences ou d’effets (logiques ou axiologiques). Il joue le plus souvent sur les
ellipses et sur le potentiel argumentatif des mots et des modalités énonciatives. Ces
éléments d’analyse mettent en évidence la dimension argumentative du discours
d’information dans des textes qui ne sont pas traditionnellement classés comme
opinatifs. Ils montrent aussi comment les opérations discursives étudiées mettent en jeu
les différents aspects de l’argumentation évoqués dans la première partie : la pensée est
bien convoquée dans un processus inférentiel complexe ; la langue est bel et bien
présente avec le potentiel d’orientation argumentative des mots et des énoncés ; la nature
rhétorique du discours suppose un ensemble de paramètres agissant sur le
fonctionnement du phénomène argumentatif, comme les liens supposés entre l’instance
de production et de réception, les savoirs et les valeurs partagés, la pertinence de
l’information.

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Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 17

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Argumentation et Analyse du Discours 1 [en ligne : http://aad.revues.org/193, consluté le 20.8.2011]

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NOTES
1. On pourrait même envisager que tout énoncé, sans exception, comporte une attitude modale
du fait d’être toujours adressé et que le problème est de savoir s’il est marqué linguistiquement
ou pas. Le rôle de l’analyste est de répérer les marques et les modes d’implication énonciative.

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 18

2. La question du caractère symbolique et culturel du discours d’information a été soulevée par


Maurice Mouillaud et Jean-François Têtu (1989) à propos de la presse de référence et notamment
des titres.
3. J’entends ici par dialogique le fait que tout discours évoque un rapport entre les énonciateurs
dans un texte (dialogisme interne, comme l’entend Alain Rabatel), ou entre le sujet argumentant
et son destinataire, imaginé ou réel, dans une co-énonciation qui porte des traces de ces deux
instances (dialogisme externe). Par interaction j’entends plus précisement, comme Kerbrat-
Orecchioni (2000), les échanges dialogaux, comme l’interaction en face à face.
4. Cette idée est fort présente chez Perelman et Olbrechts-Tyteca, et plus particulièrement à
propos du rôle joué par le genre épidictique (1988 : 67).
5. La définition de l’argumentation depuis l’âge classique ne précise-t-elle pas justement qu’elle
se développe sur le terrain de controverses ? Aussi, lorsqu’on prétend parler sur fond de
consensus, et qu’il ne serait donc pas question d’argumenter, on argumenterait quand même car
il y aura toujours un autre (l’opposant) qui pourrait faire circuler des points de vue antithétiques,
donc il faut renforcer les consensus. C’est pourquoi d’ailleurs la parole dans la messe est
argumentative, alors même qu’elle ne parle qu’aux croyants.
6. Cest pourquoi le but de cet article n’est pas de critiquer, de façon moralisante, les postures des
médias, mais de montrer certains aspects de son fonctionnement discursif et opinatif. Le contrat
de communication qui unit l’instance de production du discours et l’instance interprétante (les
lecteurs) ne prévoit pas l’absence de débat, d’opinion ou même de positionnement, c’est même le
contraire. C’est ce qui distingue une information (encyclopédique – qui est l’auteur du Contrat
Social ? – ou procédurale – comment arriver à Paris au départ de Lyon ?) d’une infomation
médiatique. Le rôle de cette dernière est bien d’alimenter le débat public. Selon le cas, le lecteur
s’attend à ce qu’il y ait plus d’opinion explicite ou plus de neutralité. Cette discussion, qui renvoie
à la problématique des contrats et des sous-contrats de communication, voire des genres de
journaux, a été présentée dans ma thèse de doctorat où j’ai comparé la presse de référence et la
presse populaire au Brésil et en France. Voir la référence à la fin de l’article.
7. J’utilise le terme d’effacement énonciatif tel qu’il a été traité par Alain Rabatel (2005).
8. J’entends par stratégie la façon dont le sujet communiquant veut mettre en place ses
intentions de sens sans pour autant s’écarter des contraintes communicationnelles. Elle peut être
plus ou moins consciente et finalisée, mais pas forcément à des fins de manipulation de l’autre.
Par exemple, proposer à l’autre un point de vue sur le monde, même quand celui-ci n’est pas
sollicité ou attendu et même si le sujet est contraint à l’impartialité et à un contrat d’information,
relève d’une problématique de l’influence. L’influence est un phénomène social majeur qui
contribue au fonctionnement des communautés et ne rélève pas forcément de la manipulation.
9. J’utilise le terme « cadrage » dans le sens de « schématisation » de Jean-Paul Grize, c’est-à-
dire, une organisation de contenus qui a pour but d’influer sur les représentations des
destinataires à propos d’un objet de discours ou d’une situation. Le cadrage, ainsi défini, montre
la façon dont l’instance de production du discours se représente la situation et l’objet du
discours. La façon dont l’instance de production du discours se représente (cadre) la situation et
l’objet du discours peut donc être mise en évidence par les choix qu’elle effectue des opérations
de référence (thématisation, nomination, désignation), de prédication (qualification) ou
d’énonciation (modalisation).
10. Le domaine éthique semble être privilegié dans le discours d’information médiatique, du
moins si l’on se tient aux rubriques concernant la politique, l’économie et les faits de société.
Adressée de façon privilegié au citoyen et à l’opinion publique, l’information médiatique fonde sa
problématisation du social dans une éthique figurée du juste, du bien et de l’utile. Cette éthique
permet aux médias de fonder des accords avec l’instance citoyenne et l’opinion publique.
11. Les médias brésiliens savaient, par des sondages assez connus de tous, que la grande majorité
des Brésiliens s’oppose à l’avortement.

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 19

12. Traduction en français, respectivement : Des terroristes islamistes sont-ils cachés au Brésil?, Le
Brésil doit-il avoir peur de lui?, Présidente Marina?
13. - D’autres enjeux concernant d’autres énoncés interrogatifs ou même les rapports
intersémiotiques entre les énoncés verbaux et les éléments visuels qui les entourent, comme les
images par exemple. La bombe à retardement en (1), la tenue militaire et l’expression de Chavez
en (2) et le choix de la photo de Marina, dont l’expression de sympathie est évidente en (3),
constituent des signes qui pourrait également orienter la refléxion suscitée par la question.
14. J’ai démontré dans ma thèse (Emediato 2000) que 97% des titres publiés à la presse écrite
sont des assertions d’évidence. Une très faible minorité, qui ne dépasse jamais le seuil de 3%, sont
construit comme des assertions de probabilité. Ces données concernent aussi bien la presse écrite
française que brésilienne.
15. Comme les énoncés détachés et aphorisants proposés par Dominique Maingueneau (2007).
16. L’objectivité ici est un effet de l’énoncé « délocutif ». Comme le locuteur se trouve effacé, on
a du mal à l’interpreter comme un point de vue, alors que c’en est un. C’est l’effet de l’effacement
énonciatif, qui n’est pas loin d’un effet d’évidence, dans le sens d’un état de choses qui paraît
s’imposer au lecteur.
17. Cette éthique est supposée chez l’auditoire, donc, c’est déjà une première dimension,
rationnelle, du pathos. C’est pourquoi il faut comprendre le logos comme étant toujours en
interaction avec le pathos.
18. Le gouvernement suspend les investissements. Traduction approximative, car le verbe
« suspendre » n’a pas la même expressivité du verbe portugais « engavetar » qui équivaut à
« mettre le dossier dans le tiroir de son bureau et parfois l’oublier là-dedans ».

RÉSUMÉS
L’article présente quelques éléments de réflexion susceptibles de contribuer au développement
d’une étude sur l’argumentation dans le discours d’information médiatique. Dans cette
perspective, il poursuit deux objectifs complémentaires. L’un, d’ordre géneral, consiste à montrer
comment les trois approches dominantes de l’argumentation (logique, linguistique et rhétorique)
sont à la fois différenciées, et étroitement imbriquées dans l’analyse du discours de presse. La
seconde concerne le fonctionnement du discours d’information dans la presse et la façon dont il
met en place, par des opérations de cadrage, d’effacement énonciatif, d’ellipses, etc. une
« dimension argumentative » (Amossy 2000) : sans avoir une visée argumentative avouée, il se
propose néanmoins d’agir sur les croyances et les représentations du lecteur. A titre d’exemple,
l’étude traite d’un corpus de titres empruntés essentiellement à la presse brésilienne.

This paper aims at contributing to the development of argumentation studies in the field of
media discourse, and within this perspective, it presents two main complementary objectives.
Firstly, it strives at showing how the three main approaches to argumentation (logical, linguistic
and rhetoric) are both distinct and closely interconnected in the analysis of media discourse. The
second objective concerns the functioning of the selected genre of discourse: the paper examines
how, through procedures of framing, obliteration of the enunciative modality, ellipses, etc.,
media discourse sets up an “argumentative dimension” (Amossy 2000). Although not overtly
intended for persuasion, media discourse nevertheless sets out to act upon the reader’s beliefs

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011


L’argumentation dans le discours d’information médiatique 20

and representations. These issues are tackled through the analysis of a sample of headlines
mostly borrowed from the Brazilian press.

INDEX
Mots-clés : argumentation, dimension argumentative, discours, information médiatique
Keywords : argumentative dimension, discourse, information, media

AUTEUR
WANDER EMEDIATO
Universidade Federal de Minas Gerais

Argumentation et Analyse du Discours, 7 | 2011

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