Copie de VENUS ANADYOMENE
Copie de VENUS ANADYOMENE
Copie de VENUS ANADYOMENE
Introduction
Vous devez évoquer : le symbolisme et surtout le parnasse, Le côté provocateur de
Rimbaud / la reprise parodique du topos
Structure du poème
Les trois premières strophes constituent ainsi une unique phrase consacrée au
dévoilement progressif de cette Vénus sortant des eaux. L’effet de surprise, puis de
stupéfaction, est proportionné au rapprochement de ce corps. Plus le regard se précise,
comme par un effet de zoom, plus les attentes du lecteur se trouvent déjouées. Cette
révélation s’accompagne du dévoilement d’une nouvelle poésie, elle aussi « horrible
étrangement ».
ANALYSE LINEAIRE
Titre
Le titre de ce sonnet, composé du nom propre « Vénus » et de l’adjectif savant,
directement issu du grec, « anadyomène », qui signifie « qui sort de l’eau », témoigne de
la culture du poète et renvoie à un personnage éponyme bien connu du lecteur. Rimbaud
semble ici instaurer une complicité culturelle avec son lecteur et lui proposer une reprise
du motif de la naissance de Vénus, illustrée dès l’Antiquité par nombre de récits, mais
aussi par le peintre Apelle, puis par Botticelli, Alexandre Cabanel, Raphael ou Titien. Le
nom de Vénus, déesse de l’amour, évoque immédiatement l’esprit de féminité, grâce et
beauté absolue. Le lecteur s’attend alors à un tableau poétique, un blason plus ou moins
stéréotypé. Ce poème s’annonce comme la célébration d’un éternel féminin, d’une Beauté
divinisée. Or ces attentes sont bousculées dès le premier vers
1er quatrain
Ø Nous commençons par une comparaison peu habituelle à la vue du titre et peu
engageante. De plus cette comparaison créé un décalage car le titre connote une
naissance alors que c'est l’idée de mort qui est évoquée ensuite avec le “cercueil”. La
conque laisse donc place à un banal cercueil
Ø Les deux adjectifs ainsi que l'indication de la matière nous plongent en revanche
dans une description sensorielle digne d'un tableau De la même façon le jeu sur les
couleurs « vert en fer-blanc » dénature aussi le cadre, d’autant que le fer-blanc est un
matériau commun, de peu de prix qui colle mal avec l’idée du sublime associé à l’image
de la déesse.(le fer blanc était coramment utilisé pour faire des baignoires à cette époque
et il était recouvert de peinture verte)
Ø La femme, vieillissante, se dévoile progressivement, avec une certaine difficulté
traduite par les allitérations en F/ V. La grâce semble céder la place à la lourdeur et à la
maladresse. De même les « cheveux bruns » s’opposent au blond vénitien souvent
attribué à Vénus.
Ø Le contre-rejet met à la rime « tête » et fait ressortir l’expression « tête de femme »
mettant ainsi en évidence cette partie de la femme chère au topos mais qui est ici
dégradée
Ø Cette femme se voit dépréciée et rendue banale par le biais du complément du nom
qui est utilisé. L'insistance est marquée par l'emploi de l'adverbe.
Ø De même le fait que « tête » rime avec « bête » accentue cette dépréciation de la
femme.Et l'utilisation des rimes croisées dans ce quatrain renforce l'impression négative,
les mots "tête" et "bête" se croisant avec les termes péjoratifs "pommadés", "ravaudés"
2eme quatrain
Ø La description de cette naissance bien étrange se poursuit en continuant de décrire
le reste du corps toujours avec des adjectifs peu mélioratifs, voire péjoratifs.
Ø Le rejet est utilisé pour faire mieux saillir les omoplates en reportant sur le vers
suivant la proposition subordonnée relative. De plus l'auteur s’intéresse à des détails
qui habituellement ne comptent pas comme les omoplates.(trivialité)
Ø Nous pouvons remarquer l'allitération en « gr » qui rend cette apparition peut
agréable à l'oreille
Ø Cette strophe est construite de manière parallèle afin de poursuivre la description
Ø Elle donne aussi une amplitude au rythme et à la scène : avec le vers 2 à
l'hémistiche irrégulier mais aussi par le biais des répétitions
Ø Les allitérations en [S] place le portrait sous le signe du plus grand flétrissement.
Ø La rime « omoplates »/ « plates » ruine toute dimension callipyge de la femme.
Ø Les adjectifs « gras et gris » dont l’allitération en [Gr] souligne le caractère
dépréciatif évoquent la dimension disgracieuse de la femme. Cette allitération semble
accroitre la grosseur et les amas graisseux
1er tercet
Ø Le laid domine : tous les sens y semblent convoqués pour dire la monstruosité et la
répulsion : vue, goût et odorat se conjuguent. Il s’agit ici d’une véritable synesthésie
« tout sent un goût ». La description sensorielle continue.
Ø La dépréciation de la femme continue avec le nom « échine” puis « croupe » v 13
qui est du domaine de la viande. Importance également de l’isotopie de la maladie avec le
terme « rouge
Ø Le motif du tatouage, avec l’inscription sur ses reins, renvoie à l’époque au monde de
la prostitution.
Ø Il convient de s’intéresser à l’expression « horrible étrangement » mise en relief par la
coupe à l’hémistiche mais aussi par l’enjambement du vers 9 sur le vers 10 : le terme
étrangement s’applique à l’effet de surprise ménagé par le décalage entre le titre et le
portrait, mais on peut aussi se demander s’il n’a pas pour fonction d’inviter le lecteur à une
relecture. Le « tout » peut en effet renvoyer au poème lui-même.
Ø De la même façon, le terme « singularités » peut renvoyer aux déficits de la femme
mais aussi aux étrangetés de cette poésie, aux écarts qu’elle présente. Plus que les
difformités de la Vénus, ce sont les originalités du poète qu’il s’agit de soumettre à « la
loupe » : l’injonction « il faut » invite le lecteur à scruter cette étrange poésie au-delà des
apparences premières du langage, au-delà du prosaïsme. Elle l’invite à dépasser les
modèles connus pour découvrir une poésie affranchie, un lyrisme de la laideur.
Ø La loupe permet de glisser de l’horrible à la beauté parce que l’étrangeté trouve son
sens, son explication : il s’agit de dire une hideur transcendée par le traitement
poétique, par la beauté.
Ø L’oxymore « belle hideusement » fait écho à l’expression « horrible étrangement »
(symétrie de construction) : les deux procédés mettent en évidence une confrontation
entre la beauté et la laideur, emblématique du conflit que Rimbaud semble rechercher
avec son lecteur
Ø Les points de suspension qui clôturent cette longue phrase signifient le temps
accordé au lecteur pour réfléchir à une relecture à rebours.Notons la destructuration du
sonnet puisque les 11 premiers vers forment un tout nettement séparé du dernier tercet,
destructuration qui renforce la caricature de la Vénus.
2eme tercet
Ø Dans le dernier tercet le prosaïsme cède même la place à l’obscénité. Le verbe «
remue » et les termes « large croupe » évoquent une monstrueuse danse érotique
Ø L’image de l’ulcère à l’anus scandalise doublement le lecteur par son caractère
scatologique (et l’évocation de certaines pratiques sexuelles qu’il suppose).
Ø Le désir de provoquer atteint son paroxysme avec la rime « Vénus »/ « anus » qui
allie le profane et le sacré, le sublime et le bas.
Ø De ce point de vue Le jeu de Rimbaud devient plus complexe avec l’évocation des
reins de la Vénus sur lesquels on peut lire le tatouage. Cette partie du corps se trouve
associée à un acte de lecture.
Ø L’inscription « Clara Vénus », gravée dans la chair de la femme, confère aussi au
texte sa dimension spéculaire. Le terme « Clara » qui se présente comme un prénom peut
se lire comme un jeu du poète. Clara vient d’un adjectif latin signifiant « la fameuse », la «
célèbre », « la distinguée » et par extension la « singulière ». Or cette Vénus vient
s’opposer à la Vénus anadyomène, elle en constitue un reflet inversé. Le vrai sujet du
poème n’est pas la vénus anadyomène, mais bien cette singulière femme
vieillissante.
Ø « L’ulcère à l’anus » devient symptomatique d’une poésie iconoclaste qui refuse de se
cantonner aux limites d’une Beauté même idéale.
Ø Tout y est, l'animalisation, les rimes insolentes, les qualificatifs dépréciatifs. Après
avoir montré qu'il savait exploiter les ressources habituelles de la poésie, notre adolescent
révolté en donne maintenant son interprétation effrontée.
Conclusion
L'élève modèle que son maître Izambard décrira comme un élève de rhétorique un
peu guindé, singe et douceâtre, aux cahiers sans tâche aura bien changé en juillet 1970
pour écrire un poème aussi sarcastique et violent que "Vénus anadyomène". Le Rimbaud
qui dénonçait les nantis et les repus, dans les "effarés" ou le roi dans "Le forgeron" se
dresse ici, cette fois, contre l'ordre poétique établi, on ne l'arrêtera plus.
Le grossissement des traits propose un traitement parodique du topos de la naissance de
Vénus, mais il semble que le véritable enjeu du texte soit pour Rimbaud de proposer au
lecteur une nouvelle voie poétique fondée sur le dépassement des modèles esthétiques,
sur la recherche d’un nouveau langage. Il s’agit d’affranchir le lecteur et de l’initier, avec
« la loupe » au déchiffrement d’une poésie « belle hideusement ».