Mbi 55 2008 p2-4

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Le spinosad : un nouveau produit insecticide utilisable en AB


Catherine Mazollier - GRAB

Le spinosad est désormais autorisé en Agriculture biologique dans la Communauté Européenne depuis
le 6 mai 2008 (à condition qu’il ne soit pas issu de souches génétiquement modifiées). Son usage est autorisé
seulement si le besoin est reconnu par l’organisme de contrôle (comme pour la roténone ou le pyrèthre).
Par ailleurs, il est mentionné que son usage est possible uniquement si : «des mesures ont été prises
pour limiter le risque pour les principaux parasitoïdes et pour réduire au maximum le risque de
résistance». Ce biopesticide est surtout efficace contre chenilles, thrips, mouches et mineuses. Il est
cependant toxique vis à des pollinisateurs (abeilles et bourdons) et de certains auxiliaires (mirides et
micro-hyménoptères).Comme pour le pyrèthre et la roténone, son utilisation devra donc être limitée
et modulée selon les risques d’effets secondaires sur les insectes utiles. En maraîchage, il n’est
homologué actuellement en France que contre la mouche du chou en traitement des plants.

Origine
Le spinosad est d’origine microbienne : il est issu de la fermentation industrielle d’une bactérie
actinomycète, naturellement présente dans le sol, appelé Saccharopolyspora spinosa. Après la
fermentation, le spinosad est extrait et formulé pour former une suspension aqueuse blanche cristalline,
concentrée (480 g/litre).

Caractéristiques toxicologiques et écotoxicologiques


"#Informations légales :
$# Classement écotoxicologique :
Xn = produit pouvant entraîner, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, des risques de gravité
limitée (R48/22 : risques d’effet grave pour la santé en cas d’exposition prolongée par ingestion)
$# Classement écotoxicologique :
N = dangereux pour l’environnement (R50/53 : risque pour les organismes aquatiques).
"#Toxicité vis-à-vis de la faune :
Le spinosad se caractérise par une faible toxicité générale contre les mammifères : il est considéré
comme non mutagène, non cancérogène, non toxique pour la reproduction, non neurotoxique.
Sa toxicité orale vis-à-vis des oiseaux est très faible et il présente un faible risque en cas d’exposition
prolongée.
Il est modérément toxique pour les organismes aquatiques et très peu toxique pour les vers de terre.
D’après la bibliographie, il est toxique ou très toxique pour les hyménoptères pollinisateurs : abeilles et
bourdons, par effet direct, et peut-être également après ingestion de pollen ou de nectar.

"#Toxicité vis-à-vis des auxiliaires (tableau 1, page suivante)


$#Il est assez toxique ou toxique pour les micro-Hyménoptères parasitoïdes :
De très nombreuses espèces de micro-Hyménoptères sont des parasitoïdes de pucerons, (Aphidius,
Aphelinus), d’aleurodes (Encarsia et Eretmocerus)... et sont très utiles comme auxiliaires, indigènes ou
introduits dans les cultures. Le spinosad est toxique pour les adultes surtout (toxicité comprise entre 50% et
75%) et pour les larves parasitant l’hôte (toxicité comprise entre 25% et 50%).
Toute application de spinosad serait dangereuse pour ces auxiliaires, qu’ils soient présents naturellement
ou bien introduits dans la culture. Ainsi, en cas de lâcher d’insectes prédateurs, son utilisation ne serait
probablement possible qu’en action préalable de « nettoyage » (avant l’introduction des auxiliaires), ou à
défaut en traitement localisé sur foyers.
$#Il est assez toxique pour les mirides : toxicité comprise entre 25% et 50%:
Les mirides sont des petites punaises souvent indigènes (Dicyphus errans et Macrolophus caliginosus) ou
introduites dans la culture, qu’il convient de préserver : leur très large action de prédation les rend très
utiles dans la protection des cultures contre aleurodes, acariens, pucerons, pontes de noctuelles...
$#Il est pas ou peu toxique pour les autres espèces : toxicité < 25% :
Le spinosad est jugé assez sélectif (peu toxique) pour les coccinelles, les anthocorides (Orius), les
chrysopes, les cécidomyies et les acariens prédateurs Phytoséidae (Neoseiulus californicus et Amblyseius
sp. notamment).

MARAICHAGE BIO INFOS n°55 - juillet - août 2008


Rédaction : Catherine Mazollier
GRAB - Agroparc BP 1222 84911 Avignon Cedex 9
04 90 84 01 70 ! 04 90 84 00 37 E-mail : [email protected]
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Tableau 1 : Impact du spinosad sur la faune auxiliaire (traitement au champ : 0.02 l/hl) :
ORDRE auxiliaires
toxicité comprise entre 50% et 75%
HYMENOPTERES Aphidius sp, Aphelinus abdominalis (parasitoïdes de pucerons),
parasitoïdes : Encarsia formosa et Eretmocerus sp.(parasitoïdes d’aleurodes),
stade adulte trichogrammes (parasitoïdes de pyrale), ....

toxicité comprise entre 25% et 50%


HYMENOPTERES Aphidius sp, Aphelinus abdominalis (parasitoïdes de pucerons),
parasitoïdes : Encarsia formosa et Eretmocerus sp. (parasitoïdes d’aleurodes),
stade larve trichogrammes (parasitoïdes de pyrale), ....
HETEROPTERES : Mirides Macrolophus, Dicyphus

toxicité < 25%


COLEOPTERES : Coccinelles Adalia, Scymnus sp. , Eochomus sp., Chilocorus sp. Stethorus sp.
DIPTERES Syrphe et Cécidomyie Aphidoletes
NEVROPTERES Chrysopes et hémérobes
HETEROPTERES : Anthocorides Orius, Anthocoris
ACARIENS PHYTOSEIDAE Neoseiulus californicus, Amblyseius sp. Typhlodromes
(source : Phytoma, n° 597, octobre 2006)
Mode d’action et efficacité
Le spinosad est un neurotoxique, actif par ingestion et par contact. Il n’est pas systémique mais peut
pénétrer dans les feuilles (produit translaminaire). Sa persistance d’action est de 1 à 2 semaines. Les
symptômes sont rapides : l’insecte est paralysé et arrête de s’alimenter, puis meurt rapidement.
Le stade le plus sensible est le stade larvaire ; il peut également agir, selon les espèces, sur les
adultes (thrips et mouches) ou sur les oeufs (tordeuse de la vigne).
Les essais réalisés par la firme ou par des structures indépendantes donnent des niveaux d’efficacité
comparables ou supérieures aux molécules de référence utilisées en conventionnel, en ce qui concerne les
insectes sensibles, appartenant aux familles suivantes : Lépidoptères, Thysanoptères, Diptères (tableau 2).
En maraîchage, des essais réalisés par le Ctifl (Guérineau et al) et le CIREF (Chauchet P. et al) contre thrips
sur fraise en culture conventionnelle (en protection biologique et intégrée) donnent des résultats
globalement satisfaisants en comparaison des références chimiques et montrent que le spinosad préserve
bien les punaises Orius. Des essais effectués en Suisse (Hansen et al) ont montré sa bonne efficacité sur
thrips (poireau et concombre), noctuelle du chou et cécidomyie du chou. Par ailleurs, les essais réalisés
par la station du CATE (Bretagne) ont démontré son efficacité contre teigne et piéride ; cette station a
également obtenu de bons résultats contre les larves de mouche du chou pour un traitement en pépinière,
et le spinosad vient d’être homologué pour cet usage (voir page suivante). En revanche, le spinosad est
inefficace sur acariens et sur insectes suceurs : pucerons, aleurodes, cicadelles…
tableau 2 : Toxicité du spinosad sur différentes familles de ravageurs (Jacquet et al., 2002)
toxique Non toxique Toxicité variable selon l’espèce
Lépidoptères : Homoptères : Homoptères :
teignes, tordeuses, noctuelles, piéride pucerons, cicadelles toxique sur psylles et aleurodes
Thysanoptères : thrips Hétéroptères : punaises Coléoptères :
Diptères : mouches, mineuses
Acariens toxique sur doryphores
Hyménoptères : tenthrèdes

Homologations actuelles (tableau 3)


L’utilisation du spinosad en agriculture conventionnelle a débuté aux USA en 1997, contre chenilles sur
coton ; Il est aujourd’hui utilisé dans plus de 40 pays, sur coton, crucifères, légumes et fruits. Au Canada,
il est homologué en maraîchage contre thrips, chenilles, mineuses, doryphores. En Suisse, il est autorisé
en Agriculture Biologique depuis quelques années, et il est homologué en maraîchage (produit Audienz) pour
différents usages (noctuelles, thrips, doryphore notamment).
Son coût est élevé : environ 360 €/litre.

MARAICHAGE BIO INFOS n°55 - juillet - août 2008


Rédaction : Catherine Mazollier
GRAB - Agroparc BP 1222 84911 Avignon Cedex 9
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tableau 3 : principaux usages homologués en France du spinosad :


Produit commercial CULTURE usage Dose observation
SUCCESS 4 Chou : Mouche du chou 16.6 ml pour 2 l d’eau pour 1000 plants Dérogation d’usage (120 j)
(480 g/l de spinosad) traitement (Delia radicum) 1 application au stade 2-4 feuilles du 2/07/08 au 31/10/08
des plants Mouillage conseillé : 0.5 l/plaque de 240 Délai avant récolte : 60 jours

SUCCESS 4 Pomme Carpocapse, 0.02 l/hl Délai avant récolte : 7 jours


(480 g/l de spinosad) tordeuses 2 applications maxi par an
et poire
SUCCESS 4 pêche Thrips, 0.02 l/hl Délai avant récolte : 7 jours
(480 g/l de spinosad) tordeuse orientale 2 applications maxi par an
petite mineuse
SUCCESS 4 vigne Thrips, pyrale, 0.01 l/hl (thrips) et 0.02 l/hl Délai avant récolte : 14 jours
(480 g/l de spinosad) Eulia, drosophile 2 applications maxi par an
tordeuses cochylis
et Eudemis
SYNEIS appât olive Mouche de 1.2 l/ha Délai avant récolte : 3 jours
(0.02% de spinosad) l’olive
SYNEIS appât agrumes Mouche des 1.5 l/ha Délai avant récolte : 3 jours
(0.02% de spinosad) fruits
CONSERVE cultures thrips 0.0075 l/hl 6 applications maxi par an
(120 g/l de spinosad) florales & rose
Dégât de mouche du chou sur jeunes
La firme Dow Agrosciences, détentrice du spinosad, propose 3 spécialités racines (photo Coutin /OPIE)
commerciales homologuées en France sur fruits, viticulture, rose et
cultures florales (tableau 3) :
- SUCCESS 4 sur vigne et cultures fruitières (pomme, poire et pêche) contre
carpocapse, tordeuses, pyrale, thrips, petite mineuse ...
- SYNEIS appât contre la mouche de l’olive et la mouche des agrumes.
- CONSERVE sur rose et cultures florales contre thrips.

SUCCESS 4 bénéficie d’une dérogation d’usage (=autorisation provisoire) depuis le 2/07/08 pour une
durée de 120 jours (expiration fin octobre 2008) contre la mouche du chou en traitement des mottes.
L’essai réalisé à la station CATE en 2003 (Penguilly D.) montre que le spinosad protège efficacement les
plants contre les attaques de mouche du chou, pendant une quarantaine de jours après la plantation :
tableau 4 : Efficacité du spinosad en traitement des plants contre la mouche du chou (CATE -2003) :
% de plants sains Témoin non traité SUCCESS 4 Différence
27 jours après plantation 54 % 99% Significative à 5%
40 jours après plantation 25 % 77% Significative à 5%
56 jours après plantation 14 % 54% Significative à 5%

En maraîchage, les perspectives d’homologation par la société concernent (échéances non précisées) :
- la mouche du chou : prolongement de l’autorisation provisoire de son usage en pépinière, et
homologation en culture (traitement localisé au collet)
- le thrips sur poireau et oignon notamment
- les chenilles sur chou (teigne des crucifères et noctuelle défoliatrice).
Rappelons que le spinosad est toxique vis à des pollinisateurs et de certains auxiliaires (mirides et micro-
hyménoptères) : son utilisation devra donc être limitée et modulée selon les risques sur les insectes utiles.

Bibliographie
Chauchet P., Pommier J.J., Gauthier C. 2005 bilan de 4 années d’essai en PBI(2001-2004). Compte rendu d’essai -CIREF Douville.
Guérineau C., Verpont F., 2003. Intérêt du spinosad dans la lutte contre le thrips du fraisier. Compte rendu d’essai -Ctifl Lanxade.
Hansen W., Burdet J.P., 2002. Spinosad : une nouvelle molécule insecticide, homologuée en Suisse pour l’agriculture biologique. 2ème
conférence internationale sur les moyens alternatifs de lutte – Lille – 4 au 7 mars 2002.
Jacquet V., Guéguen F., Dutton R., 2002. Intérêt du Spinosad en viticulture pour lutter contre les lépidoptères, les thrips et la
drosophile. Annales 6e CIRA, Montpellier, 4-6 décembre 2002, 8 pages.
Jacquet V., Faucon M., Lefebvre J.P., 2006. Le Spinosad® , insecticide polyvalent. Phytoma, n° 597, octobre 2006, 42-45.
Lambert L., 2006. bulletin d’information n°13, cultures en serres. MAPAQ – QUEBEC (site Internet : agrireseau.qc.ca)
Penguilly D., 2003. lutte contre la mouche du chou : essai de traitement des minimottes. Compte rendu d’essai, station CATE , 2003
Poullot D., F. Warlop, 2002. Stratégies de lutte contre les adultes de la mouche de l’olive. Essais d’insecticides biologiques en
laboratoire. Phytoma, vol. 555, décembre 2002, 38-40
Warlop F., 2003. Le Spinosad® : un nouveau produit insecticide utilisable en AB ? MBI n°25, juillet-août 2003. Edition GRAB.
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Rédaction : Catherine Mazollier
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