Droit de La Concurrence - Matière - PR Bensouda Halima - Dec 2020 - PDF

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Droit de la concurrence

Semestre 5

Automne-hiver 2020-2021

Pr. Halima BENSOUDA

Introduction

Ø La notion de concurrence

La concurrence est avant tout une notion économique, elle n’a pas de sens
juridique propre. Sa signification a varié en fonction des évolutions de la pensée
économique. De grands courants économiques ont théorisé la notion de
concurrence et sont pertinents en droit de la concurrence (la pensée classique, la
théorie Néo-classique, l’école de Harvard, l’école de Chicago).

Le processus de la concurrence fait que les entreprises rivalisent entre elles sur le
marché pour satisfaire au mieux les attentes des clients, qu’ils soient entreprises
ou consommateurs. Cette dynamique peut se concrétiser de différentes
manières. En effet, les entreprises peuvent s’affronter entre elles sur le terrain
des prix, elles peuvent aussi se différencier par le biais de l’innovation ou la
différenciation de la qualité de leurs produits, leurs variétés, leurs services, etc.

Ø Un marché concurrentiel

Un marché concurrentiel est un marché auquel participent beaucoup


d’entreprises. Il est caractérisé par l’atomicité des agents (la présence sur le
marché d’un grand nombre d’acheteurs et de vendeurs qui restreint (voir
empêche) toute coalition entre acteurs économiques, par l’homogénéité des

1
produits proposés (les produits sont substituables), par la transparence de
l’information (toutes les caractéristiques du marché sont connues des acteurs)
ainsi que par la libre entrée et la libre sortie des agents économiques du marché,
et la libre circulation des facteurs de production.

La liberté de commercer et d’entreprendre (ayant une valeur constitutionnelle) a


pour corollaire la liberté de la concurrence. Celle-ci est favorable aux
consommateurs puisqu’elle conduit aux prix les plus bas avec des ressources
utilisées de manière efficiente. En se concurrençant, les entreprises se trouvent
stimulées et dynamisées. Les entreprises sont, de fait, forcées d’innover, et le
bien-être des consommateurs s’en trouve maximisé. Ainsi en plus d’avoir le
choix des produits, les consommateurs ont droit à des articles de qualité, aux
prix les plus avantageux.

Ø Les différentes structures de marché :

Un marché constitue l'environnement où se rencontrent l'offre et la demande


d'un bien ou d'un service, c'est-à-dire les clients potentiels et la concurrence.

Il existe différentes structures de marché notamment:

La concurrence parfaite, le monopole, l’oligopole, la concurrence


monopolistique.

Dans la théorie économique, l'oligopole est une situation de marché imparfait.


La structure oligopolistique se caractérise par un nombre d’offreurs limité (petit
nombre de vendeurs) face à une multitude d’acheteurs (demandeurs).

Un oligopole peut avoir une origine réglementaire. Tel est le cas des services de
téléphonie où le marché était à l'origine monopolistique et où l'octroi d'une
licence par l'Etat est requis pour les opérateurs.

La nature d’un secteur d'activité où les barrières à l'entrée sont importantes


(exigence d’investissement important par exemple) facilite les oligopoles. C'est
le cas de l'édition de logiciels qui a des coûts fixes élevés.
Lorsqu'il n'y a que 2 vendeurs, le terme de duopole est utilisé.

Les autorités de la concurrence surveillent théoriquement de près, les marchés


oligopolistiques, car celles-ci peuvent favoriser les ententes illicites sur les prix,
contraires à une concurrence saine.
Le monopole consiste en une situation de marché dans laquelle un offreur se
trouve détenir une position d'exclusivité sur un produit ou un service offert, face
à un nombre abondant d’acheteurs.
On fait référence au « monopole d'État » ou au « monopole public » quand cette
situation d'exclusivité dans un secteur donné est établie au profit de la puissance
publique.

2
Ø Le droit de la concurrence

Le droit de la concurrence rassemble l’ensemble des dispositions législatives et


réglementaires visant à garantir le respect du principe de la liberté du commerce
et de l’industrie.

Les règles de la concurrence se sont définies au regard de la poursuite de


l’efficience et du bien-être du consommateur. La protection de la concurrence
devient un moyen d’accroître le bien être du consommateur et de garantir une
allocation effective des ressources.

La liberté d’entreprendre et son corollaire la libre concurrence n’exclut pas


l’intervention régulatrice des autorités publiques.

Le droit de la concurrence au Maroc repose sur les dispositions légales suivantes:

Dahir n° 1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014) portant promulgation de la


loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Dahir n°1-14-117 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014) portant promulgation de la


loi n° 20-13 relative au Conseil de la concurrence.

Décret n° 2-14-652 du 8 safar 1436 (1er décembre 2014) pris pour l’application de
la loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Décret n° 2-15-109 du 16 chaabane 1436 (4juin 2015) pris pour l’application de la


loi n° 20-13 relative au Conseil de la concurrence.

L’objectif du droit de la concurrence est de faire adopter aux agents


économiques un comportement concurrentiel sur le marché (en luttant
notamment contre les ententes et les abus de domination) et de préserver les
structures de concurrence sur ce marché (en contrôlant les opérations de
concentration).

Ce droit comporte de ce fait l’interdiction de comportements qui écartent les


prix de leur « bon niveau » : celle de s’entendre pour restreindre la concurrence,
celle d’abuser d’une position dominante, d’une dépendance économique ainsi
que celle d’appliquer des prix abusivement bas (ces deux dernières pratiques
sont spécifiques aux règles de droit de certains pays en l’occurrence du droit
marocain ou encore le droit français).

3
Ces interdictions ont une même justification : les entreprises ne doivent pas
profiter de leur liberté pour acquérir un pouvoir de marché artificiel, car cela
aboutit à la création de rentes à l’abri desquelles, elles cessent d’inventer, de
produire et, finalement, de créer de la valeur au profit de tous.

La mise en œuvre des règles luttant contre les pratiques anticoncurrentielles


augmente les chances que s’établissent sur le marché des prix efficaces, résultat
du libre jeu de l’offre et de la demande.

Ø La genèse du droit de la concurrence

Dès le XIXe siècle, les premiers débats s’engagent sur le rôle de la régulation
concurrentielle aussi bien au Canada qu’aux Etats-Unis. A cette époque, les
différentes industries manufacturières détenant une part importante du
potentiel productif américain (de l’ordre de 65% du PNB) mettent en place des
formes de cartel ou ententes pour éviter les conséquences de toute
confrontation sur le marché et les guerres de prix. Le chemin de fer, le charbon,
le sel, la sidérurgie, les cordages, le tabac, le raffinage du sucre sont tous des
exemples d’industries ayant été, aux Etats-Unis d’Amérique, organisées par des
ententes. Celles-ci avaient pour but de fixer les prix de vente et/ou de répartir les
marchés, soit par des quotas de vente, soit par région.

De son coté, l’Allemagne, à la même époque, a fait le choix de la validité des


cartels sur le fondement du principe de la liberté contractuelle. La cartellisation
qui s’en est suivie a fragilisé le pays et l’a entraîné sous la coupe de puissants
cartels, en l’occurrence celui de l’acier et celui de la chimie. Ils ont capté un
bien-être général.

Ce contexte économique lourd, a démontré la nocivité des ententes sur les prix
et les partages de clientèles.

L’intervention de l’Etat s’est imposée pour ne pas laisser fonctionner le


mécanisme concurrentiel de manière aveugle, portant préjudice au marché.

C’est ainsi qu’au Canada, en 1889, fut mise en œuvre la première loi interdisant
les coalitions. Cette loi, qui fut introduite dans le Code criminel en 1892,
criminalisait les ententes et les coalitions entre concurrents, lesquelles visaient à
réduire indument la concurrence. Aux Etats-Unis, le Sherman Act sur les cartels
(complété plus tard par le Clayton Act), donnant un statut de loi fédérale à
l’antitrust, a été voté par le Congrès américain de manière quasi unanime le 2
juillet 1890. Ci-dessous est présenté un extrait de la version initiale des deux
premiers articles (des amendements sont intervenus ultérieurement en 1937,
1955, 1982) :

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« Tout contrat, toute association sous forme de trust ou autre ou toute
entente en vue de restreindre les échanges ou le commerce entre les
différents États de l’Union ou avec les pays étrangers sont déclarés
illégaux» (article 1)
« Toute personne qui monopolise, tente de monopoliser ou participe à
une association ou à une entente avec une ou plusieurs personnes, en
vue de monopoliser une partie des échanges ou du commerce entre les
différents États de l’Union, ou avec les pays étrangers, est considéré
comme coupable d’un délit » (article 2)

Ce sont des règles de prohibition per se qu’énonce ce texte de loi. Il affirme que
les mécanismes de marché doivent rester libres des entraves que les acteurs
cherchent naturellement à établir pour asseoir leur pouvoir. Les ententes et abus
de dominance sont incompatibles avec la nature même de l’économie de
marché.

Le droit de la concurrence s’est ainsi concrétisé autour d’instruments forgés puis


développés en Amérique du Nord, avant d’être adoptés par l’Europe et par une
majorité d’autres pays, s’organisant autour de textes visant à protéger la
concurrence et de procédures administratives et juridiques pour les mettre en
œuvre. Ces lois et règlements qui régissent le marché sont conçus pour garantir
une certaine forme d’équité sur les marchés. L’objectif principal est de
promouvoir la concurrence en tant que contribution à la création de marchés
sensibles aux besoins des consommateurs, à une répartition efficace des
ressources dans l’économie et à une production efficiente assortie d’incitations à
l’innovation.

Au Maroc, le principe général de liberté des prix et de la concurrence a été


affirmé initialement, par la loi O6-99, laquelle est entrée en vigueur le 5 juin
2000. Elle a rendu caduque la loi de 1971 (loi 008-71) sur le contrôle de prix et les
conditions de vente des produits et marchandises. La liberté des prix et de la
concurrence devient la règle générale, la réglementation des prix l’exception.
La loi 06-99 a mis en place deux autorités de la concurrence. Elle a conféré au
premier ministre un pouvoir décisionnel, et au Conseil de la concurrence, un
pouvoir consultatif. Le premier dispose, de ce fait, de réels pouvoirs en matière
de contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des opérations de
concentration. Le premier ministre détient ainsi l’appréciation de l’opportunité
des opérations de concentration, pouvant les accepter, les interdire ou les
accepter sous conditions.
Le second, dispose quant à lui, de la compétence d’émettre des avis, des conseils
et des recommandations.

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La constitution marocaine érige, en 2011, la libre concurrence et la liberté
d’entreprendre en des principes constitutionnels (article 35). Le droit de
propriété et la liberté d’entreprendre avaient déjà été énoncés à l’article 15 de la
Constitution de 1996.
La loi 06-99 est alors abrogée, la réforme qui s’en suit, apporte des avancées
majeures au droit de la concurrence aussi bien sur le plan substantiel
qu’institutionnel. Elle introduit deux nouvelles lois, la loi 104-12 relative à la
liberté des prix et de la concurrence et la loi 20-13 relative au Conseil de la
concurrence. Celle-ci instaure le Conseil de la concurrence comme organe
régulateur de la concurrence, ayant pour mission, dans le cadre d’une
concurrence libre et loyale, conformément aux dispositions de l’article 166 de la
Constitution, d’assurer la transparence et l’équité dans les relations
économiques, notamment à travers l’analyse et la régulation de la concurrence
sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques
commerciales déloyales et de opérations de concentration économique et de
monopole. Le législateur modernise substantiellement la loi 104-12, y
introduisant des éléments capitaux (tels que les solutions alternatives ou
accessoires à la sanction comme les engagements, la non contestation des griefs
et la clémence ; de nombreuses garanties procédurales ; le contrôle des
opérations de concentration par le Conseil de la concurrence ; la règle de
minimis, les voies de recours auprès des juridictions compétentes contre les
décisions du Conseil de la concurrence ;) pour une mise en œuvre efficace du
droit de la concurrence.

Ce document introduit, à grands traits, le droit de la concurrence. Il est complété


par les explications, les approfondissements, les développements et les cas
exposés en cours. Il présente les titres suivants :

Titre I- Le Champs d’application du droit de la concurrence

Titre II- Les pratiques anticoncurrentielles

Titre III- Le Conseil de la concurrence

Titre IV- Les entités habilitées à saisir le Conseil de la concurrence

Titre V- Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles

Titre VI- Les opérations de concentration et leurs contrôles préventifs

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Titre I- Le Champs d’application du droit de la concurrence
L’article premier de la loi 104-12 dispose : « la présente loi s’applique :

o à toutes les personnes physiques ou morales qu’elles aient ou non leur siège
ou des établissements au Maroc, dès lors que leurs opérations ou
comportement ont un effet sur la concurrence sur le marché marocain ou une
partie substantielle de celui-ci ;
o à toutes les activités de production, de distribution et de services ;
o aux personnes publiques dans la mesure où elles interviennent dans les
activités citées au paragraphe 2 ci-dessus comme opérateurs économiques et
non dans l’exercice de prérogatives de puissance publique ou de mission de
service public ;
o aux accords à l’exportation dans la mesure où leur application a une incidence
sur la concurrence sur le marché intérieur marocain. »

Le droit de la concurrence s’applique aux personnes publiques, c'est-à-dire les


organismes publics (Etat, collectivités locales et établissements public), les
sociétés d’Etat, les filiales publiques, les sociétés mixtes, les entreprises
concessionnaires qui exercent des activités de production, de distribution et de
service.
Les personnes publiques qui exercent des prérogatives de puissance publique ou
des missions de service public ne sont pas soumises au droit de la concurrence.

Les règles de la concurrence nationales sont applicables aux entreprises


étrangères mais aussi aux entreprises nationales établies en dehors du territoire
national, lorsque leurs comportements ou leurs opérations produisent un effet à
l’intérieur du territoire national. La nationalité des entreprises est ainsi dénuée
de pertinence en termes d’application des règles relatives au droit de la
concurrence.

Quelles sont les pratiques anticoncurrentielles prohibées par la législation


marocaine ?

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Titre II- Les pratiques anticoncurrentielles

Le droit marocain à l’instar du droit de l’Union européenne sanctionne les


ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante. Le droit interne
ajoute également dans les pratiques prohibées, les abus de dépendance
économique et les prix abusivement bas.

I- Les ententes

Une entente est une pratique par laquelle des opérateurs s’accordent au
détriment d’un tiers (concurrent, client ou consommateur).

Les ententes peuvent être horizontales ou verticales :


o Les ententes horizontales constituent tout accord conclu entre des
concurrents situés au même niveau de la chaîne économique du marché.
o Les ententes verticales concernent les accords conclus entre opérateurs
économiques situés à un niveau différent de la chaîne économique.

En application de l’article 6 de la loi 104-12, le Conseil de la concurrence peut se


prononcer sur les ententes horizontales et verticales :

« Sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un
marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou
tacites, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, notamment
lorsqu’elles tendent à :

1- Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par


d’autres entreprises ;
2- Faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en
favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3- Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements
ou le progrès technique ;
4- Répartir les marchés, les sources d’approvisionnement ou les marchés
publics.

Le droit européen de la concurrence met en place une liste de pratiques


d’ententes susceptibles de restreindre la concurrence. « Ces ententes peuvent
consister à :

o Fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres


conditions de transaction ;

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o Limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement
technique ou les investissements ;
o Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;
o Appliquer à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des
prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la
concurrence ;
o Subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de
prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages
commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats».

A l’instar du droit français, la loi 104-12 mentionne trois formes d’entente


conduisant à une perte d’autonomie des opérateurs économiques : les actions
concertées, les conventions, les ententes ou coalitions expresses ou tacites.

La loi 104-12 ne définit l’entente, comportement prohibé, que par des


catégories juridiques impliquant la concertation ou le concours de volonté, ayant
pour objet ou pour effet d’empêcher, de fausser ou de restreindre la
concurrence.

La constatation de la violation suppose la démonstration d’un accord de volontés


qui a un objet ou un effet anticoncurrentiel.

Le concours de volontés suppose la réunion de trois conditions :

o Une entreprise, au sens du droit de la concurrence


o Des participants juridiquement distincts et économiquement indépendants
l’un de l’autre
o Et l’accord de volonté librement consenti.

o Une entreprise, au sens du droit de la concurrence

Il faut au moins deux volontés dont l’une au moins émane d’une entreprise au
sens du droit de la concurrence, c'est-à-dire « toute entité exerçant une activité
économique, indépendamment du statut juridique de cette entreprise et de son
mode de financement »1. « Constitue une activité économique toute activité
consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné 2» ou encore
toute « activité à but lucratif ou non, qui implique des échanges économiques »3

Les organismes dont les activités ne présentent pas un caractère économique ne


constituent pas des entreprises.

1
Arrêt du 23 avril 1991, Klaus Höfner et Fritz, C-41/90, Cour de justice de l’Union européenne
2
CJCE, 18 juin 1998, Commission /Italie C-35/96, §36.
3
Coupe du monde de football 1998, n°2000/12/CE, 20 juillet 1999, Commission européenne.

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o Des participants juridiquement distincts et économiquement indépendants
l’un de l’autre

Sont examinés les actes unilatéraux, les accords intragroupes et les contrats
d’agence.

§ Les actes unilatéraux

Certaines actions, en apparence unilatérales, cachent en réalité des ententes.


Tel est le cas des actes des syndicats, des groupements ou des ordres
professionnels.

Le concours de volontés entre les membres d’associations d’entreprises est


présumé dès lors qu’ils sortent de leur rôle de défense des intérêts dont ils ont la
charge et interviennent sur des marchés.

§ Les accords intragroupes

L’entente ne pourra exister qu’entre entreprises autonomes au sens du droit de


la concurrence. Les accords intragroupes entre la maison mère et sa filiale ne
relèveront du droit des ententes que si la filiale est autonome.

Ainsi, aucune entente ne peut être constituée entre deux filiales non autonomes
du même groupe ou entre une filiale non autonome et sa maison-mère.

§ Les contrats d’agence

Le droit de la concurrence est inapplicable dans les rapports entre les agents et
son commettant avec lequel il forme une unité économique. Il en va de même
pour l’agent qui, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, ne
détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché mais
applique les instructions qui lui sont données par son commettant.

o l’autonomie de volonté

L’accord de volonté doit avoir été librement consenti. En droit de l’Union


Européenne, seuls sont visés les comportements anticoncurrentiels qui ont été
adoptés par les entreprises de leur propre initiative.

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Le droit de la concurrence ne s’applique pas si un comportement
anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si
celle-ci crée un cadre juridique qui, lui-même, élimine toute possibilité de
comportement concurrentiel de leur part.

Dans une telle situation, la restriction de la concurrence ne trouve pas sa cause


dans des comportements autonomes des entreprises.

II- Les abus de position dominante

Est interdit le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive
une position dominante.

La jurisprudence de la juridiction de l’union Européenne définit ainsi une


entreprise en position dominante : « une situation de puissance économique
détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au
maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la
possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-
vis de ses concurrents, de ses clients, et finalement de ses consommateurs ».
(Affaire des vitamines, 13 février 1979).

La loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence prévoit dans son
article 7 la prohibition, lorsqu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, l’exploitation
abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprise d’une position dominante
sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

La loi précise dans le même article que :

« L’abus peut notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en


conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations
commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à
des conditions commerciales injustifiées. Il peut consister également à imposer
directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un
produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge
commerciale. »

Deux catégories d’abus de position dominante peuvent être distinguées : les


abus d’exploitation et les abus d’exclusion.

Dans le cas d’un abus d’exploitation, l’auteur de l’abus met à profit sa puissance
de marché pour exploiter un partenaire économique.

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Dans le cas d’un abus d’exclusion, l’auteur de l’abus tente d’exclure un
concurrent du marché ou de l’empêcher de le pénétrer.

L’entreprise dominante entrave le libre jeu de la concurrence en évinçant ses


concurrents par des pratiques anticoncurrentielles, engendrant de ce fait un
effet défavorable sur le bien-être des consommateurs. Ces derniers englobent
tous les utilisateurs, directs ou indirects, des produits affectés par le
comportement considéré, dont les producteurs intermédiaires qui utilisent les
produits comme intrants ainsi que les distributeurs et consommateurs finaux du
produit immédiat et des produits fournis par les producteurs intermédiaires.

En outre, des prix bas supposent théoriquement une concurrence dynamique et


vertueuse, même lorsqu’ils sont le fait d’opérateurs dominants. Toutefois, une
entreprise dominante peut adopter un comportement prédateur à travers des
prix abusivement bas, supportant des pertes ou renonçant à des bénéfices à
court terme, de manière à évincer ou à pouvoir évincer un ou plusieurs de ses
concurrents réels ou potentiels en vue de renforcer ou de maintenir son pouvoir
de marché, portant de ce fait préjudice aux consommateurs.

Toutes ces pratiques de prix bas visent l’éviction des concurrents, l’entreprise
« investit » dans l’exclusion des rivaux.

Les pratiques abusives prohibées sont par exemple, les pratiques contractuelles
fidélisantes (système dépourvu de toute relation objective, sans notamment de
contrepartie économiquement justifiée telles que la contrepartie de gains
d’efficience, ou d’économies de coûts), l’approvisionnement exclusif ou encore
les ventes liées.

Le droit de la concurrence européen établit une liste non limitative de pratiques


abusives susceptibles de restreindre la concurrence :

« imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres


conditions de transaction non équitables, limiter la production, les débouchés ou
le développement technique au préjudice des consommateurs, appliquer à
l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations
équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de
prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages
commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats » (article 102 du
TFUE, al. 2).

L’application du droit de la concurrence en matière d’abus de position


dominante suppose la réunion de trois conditions cumulatives :

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o L’affectation du marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci
o L’identification de la position dominante sur le marché pertinent
o Et l’exploitation abusive de cette position dominante

Pour que soit identifié une position dominante, il faut définir une part
substantielle du marché en fonction du marché des produits ou services
concernés et en fonction du marché géographique. C’est le marché pertinent.

Le droit de la concurrence s’applique aussi bien aux entreprises publiques qu’aux


entreprises privées.

Rappelons que la constitution d’une position dominante n’est pas en soi


entaché d’illicéité. C’est l’abus de domination qui est sanctionné.

III- Les abus de dépendances économiques

La loi relative à la liberté des prix et de la concurrence interdit les abus de


dépendance économique de la même manière qu’elle a interdit les abus de
position dominante.

Mais à la différence de l’abus de position dominante qui résulte d’un pouvoir de


marché, les abus de dépendance économique sont mises en œuvre par une
entreprise ou un groupe d’entreprises qui exercent une domination sur un ou
des partenaires commerciaux sans pour autant détenir de position dominante
sur le marché dans son ensemble.

Ainsi, l’article 7 de la loi 104-12 prohibe l’exploitation abusive par une


entreprise ou un groupe d’entreprises d’ une situation de dépendance
économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant
d’aucune autre alternative équivalente, dès lors qu’elle a pour objet ou peut
avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence.

L’abus peut consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de


vente discriminatoires (en matière de prix, de délais de paiement, de conditions
ou de modalités de vente ou d’achat par exemples) ainsi que dans la rupture de
relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se
soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Généralement, les
premières pratiques sont le fait des fournisseurs dans leurs relations avec les
distributeurs, tandis que la dernière pratique, soit la rupture (ou menace de

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rupture) de relations commerciales est en général le fait des distributeurs dans
leurs relations avec les fournisseurs.

L’application de cette disposition suppose d’établir l’état de dépendance


économique d’une entreprise à l’égard d’une autre, l’absence d’une autre
alternative équivalente et l’existence d’un abus commis.

IV- Les prix abusivement bas

Le droit marocain, à l’instar du droit français a consacré dans la réforme de sa loi


relative à la liberté des prix et de la concurrence, la prohibition d’une autre
pratique anticoncurrentielle, celle des prix abusivement bas.
Ainsi il prévoit dans l’article 8 §1 de la loi 104-12 que « sont prohibées les offres
de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par
rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès
lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet
d’éliminer à terme d’un marché, ou d’empêcher d’accéder à un marché, une
entreprise ou l’un de ses produits.
L’article spécifie que « les coûts de commercialisation comportent également et
impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires
liées à la sécurité des produits. »
C’est uniquement dans la « revente en l’état » que ces dispositions ne sont pas
applicables, conformément à la loi.

Il ressort de ce texte de loi que trois conditions cumulatives doivent être réunies
pour confirmer une pratique de prix abusivement bas :

o Une offre de prix destinée au consommateur,


Les dispositions relatives à cette pratique ne visent que les offres de prix faites
au consommateur final et non aux professionnels. Donc seuls les prix pratiqués
sur le marché de la vente au détail sont visés, ce qui exclut les offres de prix
présentés en réponse à un appel d’offre d’une collectivité publique.
o Un niveau de prix proposé insuffisant par rapport aux coûts de production, de
transformation et de commercialisation,
o Et une volonté ou une potentialité d’éviction du concurrent ou du produit
concurrent.

Il est essentiel de présenter le Conseil de la concurrence qui est l’arbitre de la


concurrence au Maroc, ayant une compétence transversale sur le marché
marocain, institué au service de la compétitivité et du consommateur.

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Titre III- Le Conseil de la concurrence
I- Nature du conseil de la concurrence

La Constitution du Maroc de 2011 a érigé le Conseil de la concurrence en une


institution constitutionnelle énonçant que :

« Le Conseil de la concurrence est une autorité indépendante chargée, dans


le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la
transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers
l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des
pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des
opérations de concentration économiques et de monopole. » (article 166)

Le droit de la concurrence a désormais une valeur constitutionnelle, figurant


parmi les principes et les normes de gouvernance.

En application des dispositions de l’article 166 de la Constitution de 2011, la loi


20-13 relative au Conseil de la concurrence consacre, dans son article premier, le
statut constitutionnel du Conseil de la concurrence en tant qu’institution
indépendante (notamment au niveau de sa personnalité morale et de son
autonomie financière) chargée de l’analyse et de la régulation de la concurrence
sur les marchés, du contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des opérations
de concentration économique.

Ainsi, le législateur a confié la régulation de la concurrence du marché marocain


au Conseil de la concurrence qui peut être considéré comme une véritable
autorité de régulation en raison de son indépendance statutaire et de son
pouvoir décisionnel très large.

II- Missions du Conseil de la concurrence

Le Conseil de la concurrence a pour mission la mise en œuvre du bon


fonctionnement concurrentiel des marchés au niveau national à travers le
respect du droit de la concurrence, et l’application des dispositions de la loi.

Le législateur a confié trois missions principales au conseil de la concurrence :

1- La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles :

o Les ententes

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o L’abus de domination (abus de position dominante, abus de
dépendance économique)
o Les offres de prix de vente abusivement bas aux consommateurs

2- Le contrôle des concentrations économiques

3- Les attributions consultatives et la réalisation d’études sur l’état de la


concurrence

La loi 20-13 met à la disposition du Conseil tous les pouvoirs et les moyens
nécessaires pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Elle renforce
également son rôle en matière d’advocacy (pédagogie/plaidoirie) en lui
permettant de s’exprimer de sa propre initiative, par le biais d’avis publics et de
recommandations à l’administration, sur des questions générales de concurrence
qui peuvent avoir trait à la situation concurrentielle d’un secteur ou au bilan
concurrentiel d’une législation.

III- Organisation du Conseil de la concurrence

Il convient de présenter la composition du conseil ainsi que son organisation


administrative.

A- Composition du Conseil

Le Conseil se compose du président, de quatre vice-présidents et de huit


membres conseillers (article 9 de la loi 20-13).

Nous examinerons successivement le statut du président, des membres du


Conseil et du commissaire du gouvernement.

a- Le Président

Le Président est nommé par Dahir pour une durée de cinq ans, renouvelable une
seule fois (article 10 de la loi 20-13).

Il est soumis aux règles d’incompatibilité, et doit, ainsi, conformément à l’article


11 de la loi 20-13, suspendre toute activité professionnelle ou commerciale dans
le secteur privé, et ce, pendant la durée d’exercice de ses fonctions. Il doit
également suspendre sa participation dans les organes de direction, de gestion

16
et d’administration des entreprises privées ou publiques poursuivant un but
lucratif.

b- Les membres du conseil

La loi prévoit quatre membres permanents qui ont le statut de vice-présidents


exerçant leurs fonctions à plein temps, et huit membres non permanents.

Parmi les quatre vice-présidents exerçant leurs fonctions à plein temps, il y a


deux membres magistrats nommés sur proposition du conseil supérieur du
pouvoir judiciaire, un membre choisi en raison de sa compétence en matière
économique ou de concurrence, un membre choisi en raison de sa compétence
en matière juridique.

Les autres membres conseillers (au nombre de 8) sont des juristes, des
économistes, des personnalités qualifiées en matière de consommation, des
professionnels expérimentés de l’industrie, de la distribution ou encore des
services.

Les membres du conseil sont nommés pour une durée de cinq ans renouvelable
une seule fois, par décret :

- sur proposition du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, en ce qui


concerne les deux membres magistrats
- de l’autorité gouvernementale compétente en ce qui concerne les autres
membres.

Les vice présidents (à l’exception des magistrats, soumis aux règles prévues dans
le Dahir formant statut de la magistrature), exerçant leurs fonctions à plein
temps au sein du Conseil, sont soumis, à l’instar du président, aux règles
d’incompatibilités, et doivent donc, pendant la durée d’exercice de leurs
fonctions, suspendre toute activité professionnelle ou commerciale dans le
secteur privé. Ils doivent également suspendre leur participation dans les
organes de direction, de gestion et d’administration des entreprises privées ou
publiques poursuivant un but lucratif.

En outre, tout membre du Conseil doit informer le président des intérêts qu’il
détient ou vient à acquérir et des fonctions qu’il exerce dans une activité
économique. La loi 20-13 prévoit également, dans son article 11, qu’aucun
membre du Conseil ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s’il
représente ou a représenté une des parties intéressées.

Les membres du conseil, sont, par ailleurs, astreints au secret des délibérations
et des réunions.

17
c- Le commissaire au gouvernement

Le commissaire du gouvernement représente le gouvernement auprès du conseil


de la concurrence (article 13 de la loi 20-13). Il est nommé par décret, sur
proposition de l’autorité gouvernementale compétente qui est, précise l’article 2
du décret, l’autorité gouvernementale chargée des affaires générales et de la
gouvernance.

Le commissaire du gouvernement assiste aux séances du Conseil, à titre


consultatif, c'est-à-dire sans voix délibérative. Il peut demander l’inscription
d’une question à l’ordre du jour des réunions du Conseil.

B- Organisation administrative du Conseil

Les services administratifs du Conseil sont dirigés sous l’autorité du président,


par un secrétaire général nommé par Dahir. Le président, tel que prévu à
l’article 15 de la loi 20-13, est ordonnateur des recettes et des dépenses du
budget du Conseil, il peut instituer des sous –ordonnateurs conformément à la
réglementation relative à la comptabilité publique.

Le secrétaire général est chargé de l’enregistrement des saisines et des requêtes


en matière de concurrence et de la transmission des décisions et des avis du
Conseil. Il est responsable des services administratifs et financiers ainsi que de la
tenue et de la conservation des dossiers et des archives du conseil.

Le Conseil de la concurrence dispose de services d’instructions et d’enquêtes qui


procèdent aux enquêtes et investigations nécessaires à l’application des
dispositions de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence concernant les
pratiques anticoncurrentielles et le contrôle des opérations de concentrations
économiques (art 16 loi 20-13).

Ces services d’instruction et ces services d’enquêtes sont composés de


rapporteurs et d’enquêteurs, dirigé par un rapporteur général assistés de
rapporteurs généraux adjoints. :

o Le rapporteur général et les rapporteurs généraux adjoints sont nommés


par le président du Conseil, après appel à candidatures
o Les rapporteurs et les enquêteurs des services d’instruction sont nommés
par décision du président, sur proposition du rapporteur général après avis du
Conseil.

18
o Le rapporteur général et les rapporteurs généraux adjoints assurent le
suivi des travaux des rapporteurs et des enquêteurs (ils animent et contrôlent les
activités des rapporteurs).
o Les rapporteurs effectuent les actes tendant à la recherche, à la
constatation, ou à la sanction des faits concernés par l’instruction des affaires
dont le rapporteur général leur a confié l’examen.
Ils notifient les griefs, rédigent les rapports et émettent des conclusions

Le rapporteur général, désigne un rapporteur pour l’instruction de chaque affaire


mais n’interfère pas dans les conclusions des rapporteurs (art 6 décret de loi 20-
13). La loi garantit l’autonomie du rapporteur tout au long de la procédure
d’instruction, c'est-à-dire de sa nomination jusqu’à le remise du rapport.

B- Fonctionnement du Conseil

A- Les différentes formations du conseil

Le Conseil peut siéger soit en formation plénière, soit en commission


permanente, soit en sections (article 14 de la loi 20-13).

La formation plénière est composée du président, des vice-présidents et des


membres Conseillers. Le Conseil se réunit en formation plénière au moins quatre
fois par an. Celle-ci délibère au sujet des saisines adressées au Conseil, des
études menées en auto-saisines et des différentes étapes de réalisation du
rapport d’activité annuel. Celui- ci est soumis par le président à Sa Majesté Le Roi
et adressé au Chef du gouvernement. Le Président le présente également aux
Chambres du Parlement.

Le Conseil ne peut valablement siéger et délibérer en formation plénière que si


au moins huit membres dont un membre magistrat sont présents.

La commission permanente est composée du président et des quatre Vice-


présidents.
Elle délibère sur :
Les concentrations économiques, le non lieu de poursuivre la procédure, les
décisions confirmant le désistement des parties qui ont préalablement saisi le
Conseil, la recevabilité des saisines et demandes d’avis.

La commission permanente, examine, également, les dossiers qui lui sont soumis
par la formation plénière.
19
Elle se réunit au moins deux fois par mois sur convocation du Président et à
chaque fois que c’est nécessaire.

Les deux formations du Conseil présentées ci-dessus (commission permanente et


formation plénière) délibèrent à la majorité des membres présents. En cas de
partage égal des voix, celle du président de la formation est prépondérante.

Chaque section est présidée par le président du conseil de la concurrence ou par


l’un des vices présidents et de deux membres conseillers. Elles sont compétentes
pour examiner les dossiers qui leur sont transmis par le Président du conseil, la
formation plénière ou la commission permanente.

B- La procédure devant le Conseil de la concurrence

La procédure de saisine du Conseil et le déroulement de la procédure


contentieuse sont examinés.

a- L’effet de la saisine

Le Conseil de la concurrence peut prendre différents types de décisions :

- Décision d’irrecevabilité

Le Conseil peut, dans un délai de deux mois après sa saisine, déclarer, par
décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d’intérêt ou de qualité à agir
de l’auteur de celle-ci ou si les faits sont prescrits ou s’il estime que les faits
invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés
d’éléments suffisamment probants.

- Décision de non-lieu

Le Conseil peut déclarer par décision motivée, après que l’auteur de la saisine ait
été mis en mesure de consulter le dossier et de faire valoir ses observations, qu’il
n’y pas lieu de poursuivre la procédure.
Cette décision est transmise à l’auteur de la saisine et aux personnes dont les
agissements ont été examinés au regard des dispositions relatives à l’entente, à
l’abus de position dominante, à l’abus de dépendance économique et au prix
abusivement bas. (Article 26 de la loi 104-12)

- Décision d’auto-saisine

20
En cas de désistement des parties, il en est donné acte par décision du président
ou d’un vice-président. Toutefois, le Conseil peut poursuivre l’affaire qui est
alors traitée comme une saisine d’office (article 26 de la loi 104-12).

b- Le déroulement de la procédure contentieuse

Le rapporteur général désigne un rapporteur pour l’instruction de chaque affaire.


L’instruction et la procédure devant le Conseil sont contradictoires.

Le déroulement de l’instruction est précisé par les dispositions de la loi 104-12


(articles 29-34) et son décret d’application, de manière à garantir la qualité de
l’instruction. La loi prévoit une procédure du contradictoire tout en respectant la
protection du secret des affaires.

Les rapporteurs et les enquêteurs (article 68 de la loi 104-12) peuvent procéder


aux enquêtes dans le but de rétablir une concurrence libre et loyale. Ils
recherchent et apportent les éléments de preuve nécessaires, et si besoin, par
des opérations de visites et de saisie de documents après autorisation judiciaire
(article 72 de la loi 104-12).

Deux types d’enquête peuvent être mises en œuvre par le Conseil de la


concurrence, leur distinction réside dans les modalités d’investigation plus ou
moins étendues qui seront suivies.

Les pouvoirs d’enquête sont définis aux articles 68 à 71 de la loi 104-12. Les
enquêteurs peuvent procéder sans autorisation judiciaire à certaines opérations
de contrôle non coercitives. L’article 72 de la loi 104-12 balise les investigations
usant de moyens coercitifs qui ne peuvent être effectuées que sous de strictes
conditions prévues par la loi.

C- Les attributions du Conseil de la concurrence

Le Conseil de la concurrence est une institution indépendante spécialisée, aux


nombreuses attributions. Il peut être amené à émettre, même de sa propre
initiative, des décisions concernant les pratiques anticoncurrentielles et des avis
sur diverses questions de la concurrence. Ainsi il détient :

o Un pouvoir décisionnel en matière de lutte contre les pratiques


anticoncurrentielles et de contrôle des opérations de concentration économique.

21
o Un pouvoir de sanction
o Un pouvoir d’auto-saisine
o Un pouvoir d’enquête
o Un pouvoir consultatif

La loi 20-13 procure, de cette manière, au Conseil de la concurrence des


attributions contentieuses et des attributions consultatives, en matière de
concurrence.

A- Les attributions contentieuses du Conseil de la concurrence

Dans le cadre de ses attributions contentieuses, il détient le pouvoir décisionnel,


le pouvoir d’enquête, le pouvoir de sanction et le pouvoir d’auto-saisine.

Dans le cadre du pouvoir décisionnel, la loi 20-13 met à la disposition du Conseil


de la concurrence tous les moyens nécessaires pour lutter contre les pratiques
anticoncurrentielles. Il a les moyens et les outils nécessaires tels que les
procédures de types négociées mais aussi les décisions d’infliger des sanctions
(amendes ou injonctions par exemples) pour corriger les atteintes au marché. Il
exerce de bout en bout la mission de contrôle et de régulation concurrentielle
des marchés : du déclenchement de l’enquête à la mise en forme intellectuelle
du cas, et jusqu’à la décision finale pour corriger les atteintes à la concurrence.

Le pouvoir d’enquête permet au Conseil de la concurrence d’entamer de sa


propre initiative l’examen des cas de pratiques anticoncurrentielles par le biais
de demandes d’informations, et d’inspections.

Le Conseil de la concurrence est habilité à prononcer des sanctions pécuniaires


dans les situations de pratiques anticoncurrentielles, pouvant représenter
jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial ou national de l’entreprise
contrevenante (articles 39 de la loi 104-12). Il peut aussi infliger une sanction
pécuniaire en cas d’inexécution des injonctions, de non respect des mesures
conservatoires, et aussi en cas de non respect des engagements qu’il a acceptés
(articles 38 et 39 de la loi 104-12).
Il peut aussi prononcer des sanctions pécuniaires en cas d’obstruction à
l’investigation ou à l’instruction (article 73 de la loi 104-12)

Le pouvoir d’auto-saisine : le conseil de la concurrence peut intervenir


directement et de sa propre initiative sur les marchés. Il peut en effet se saisir
d’office de toutes les pratiques susceptibles d’affecter le libre jeu de la

22
concurrence quelque soit le secteur ou le marché donné. L’auto-saisine peut en
outre s’appliquer en cas de désistement des parties (article 26 de la loi 104-12).

B- Les attributions consultatives du Conseil de la concurrence

Le pouvoir consultatif du Conseil de la concurrence se traduit par les avis qu’il


émet suite à une demande émanant des organismes habilitées à le saisir ainsi
que par ses propres initiatives d’en émettre.

- Les avis du conseil de la concurrence sur les questions de principe de la


concurrence

Le Conseil est appelé à donner son avis sur les demandes de consultation (article
2 de la loi 20-13).

Le législateur a établi la liste des instances habilitées à saisir le Conseil pour


demande d’avis sur toute question de principe (article 5, 6, 7)

Il y a inclu les autorités de régulation sectorielles qui peuvent saisir le Conseil sur
toute question concernant la concurrence (article 8 de la loi 20-13).

Le conseil peut être consulté par les commissions permanentes du Parlement sur
les propositions de loi ainsi que sur toute question concernant la concurrence,
conformément aux règlements intérieurs des Chambres du Parlement.

Il donne son avis sur toute question relative à la concurrence à la demande du


gouvernement.

Il peut également donner son avis, sur toute question de principe concernant la
concurrence, à la demande des conseils des collectivités territoriales, des
chambres de commerce, d’industrie et de services, des chambres d’agriculture,
des chambres d’artisanat, des chambres des pêches maritimes, des organisations
syndicales et professionnelles, des instances de régulation sectorielle ou des
associations de consommateurs reconnues d’utilité publique, dans la limite des
intérêts dont ils ont la charge.

Le Conseil de la concurrence est obligatoirement consulté par le gouvernement


sur les projets de textes législatifs et réglementaires instituant un régime
nouveau ou modifiant un régime en vigueur tel que spécifié par l’article 7 de la
loi 20-13.

- Les initiatives du Conseil d’émettre des avis

23
Le Conseil peut émettre de sa propre initiative, un avis sur toute question
concernant la concurrence (article 4 de la loi 20-13).

Il peut recommander à l’administration de mettre en œuvre les mesures


nécessaires à l’amélioration du fonctionnement concurrentiel des marchés
(article 4). Ce pouvoir est d’ailleurs renforcé par l’obligation pour
l’administration de communiquer au Conseil les mesures prises ou à prendre
pour l’application de ses recommandations (article 4 loi 104-12)

Ces avis et ces recommandations constituent des outils de sensibilisation, de


transmission de message pédagogiques (« advocacy ») au gouvernement et aux
opérateurs économiques.

Il est également appelé à publier des études sur le climat général de la


concurrence sur les plans sectoriels et national (article 2). Ces études
permettent d’informer sur l’état concurrentiel d’un marché, de comprendre le
fonctionnement d’un secteur et éventuellement préparer la procédure d’auto-
saisine.

24
Titre IV- Les entités habilitées à saisir le Conseil

L’article 5 de la loi 104-12 dresse la liste des organismes et institutions habilités


à saisir le Conseil.

Les entreprises peuvent saisir le Conseil de la concurrence pour toutes les


pratiques anticoncurrentielles (ceci n’était pas admis sous l’égide de la loi 06-
99).

Le Conseil peut également être saisi par l’administration :

- de toute pratique anticoncurrentielle, ou de faits susceptibles de constituer


une telle pratique.
- Sur des manquements aux engagements pris par les partis à une opération de
concentration économique lorsque l’administration a évoqué la décision relative
à ladite opération conformément à la loi sur la liberté des prix et de la
concurrence.

Le Conseil de la concurrence peut formuler des avis suite à une demande


émanant du Gouvernement.

Le Conseil est obligatoirement consulté par le gouvernement sur les projets de


textes législatifs ou réglementaires instituant un régime nouveau ou modifiant
un régime en vigueur ayant directement pour effet :

1 – de soumettre l’exercice d’une profession ou l’accès à un marché à des


restrictions quantitatives ;

2 – d’établir des monopoles ou d’autres droits exclusifs ou spéciaux sur le


territoire du Maroc ou dans une partie substantielle de celui-ci ;

3 – d’imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de


vente ;

4 – d’octroyer des aides de l’Etat ou des collectivités territoriales conformément


à la législation y relative.

Des commissions permanentes du Parlement peuvent consulter le Conseil de la


concurrence, sur les propositions de loi ainsi que sur toute question concernant
la concurrence.

25
Le Conseil de la concurrence peut aussi donner son avis sur toute question de
principe concernant la concurrence, pour toute affaire qui concerne les intérêts
dont ils ont la charge, lorsqu’il est saisi par :

des conseils des collectivités territoriales, des organisations syndicales, les


organisations professionnelles, des chambres professionnelles (de commerce,
d’industrie et des services, d’agriculture, d’artisanat et des pêches maritimes),
des associations de consommateurs reconnues d’utilité publique, des instances
de régulation sectorielles.

Les autorités de régulation sectorielle sont en l’occurrence, l’Agence Nationale


de Réglementation des télécommunications (ANRT), la Haute Autorité de la
communication Audiovisuelle (HACA), l’Autorité Marocaine du Marché des
Capitaux (AMMC), Bank Al-Maghrib (BAM), l’Agence Nationale des Ports (ANP),
l’Autorité de Contrôle des assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS).
Le Conseil doit donner son avis ou fournir sa consultation dans un délai
n’excédant pas 30 jours. Il peut le cas échéant, demander à la partie concernée
de proroger ledit délai pour une durée ne dépassant pas 30 jours (Article 5 loi 20-
13)

Le conseil peut, en outre, être consulté par les juridictions sur les pratiques
anticoncurrentielles relevées dans les affaires dont elles sont saisies. Il ne peut
donner un avis qu’après une procédure contradictoire. Toutefois, s’il dispose
d’informations déjà recueillies au cours d’une procédure antérieure concernant
la même pratique, il peut émettre son avis sans avoir à mettre en œuvre la
procédure prévue par ladite loi (article 6 loi 20-13).

26
Titre V- Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles
I- Le contrôle par le Conseil de la concurrence

Le rôle du Conseil de la concurrence est de maintenir ou de rétablir l’optimum


concurrentiel chaque fois qu’il est rompu. Pour cela, le Conseil de la concurrence
intervient de sa propre initiative ou à la demande de plaignants autorisés par la
loi, dès que la concurrence est faussée dans un marché, il exerce une action
répressive à l’encontre des pratiques anticoncurrentielles.

Le droit de la concurrence met à la disposition du Conseil de la concurrence des


outils d’intervention coercitifs pour lutter contre les pratiques
anticoncurrentielles (1). Cependant, le droit de la concurrence, soucieux
d’obtenir la disparition de l infraction aussi rapidement que possible, prévoit
également des moyens et procédures alternatifs et complémentaires à la
sanction qui font appel à la négociation (2).

1- Les moyens d’intervention coercitifs

Pour l’accomplissement effectif de la mission de régulation concurrentielle


préconisée par le législateur, le Conseil de la concurrence a le pouvoir de
prononcer des sanctions pécuniaires aux auteurs d’infractions, des mesures
conservatoires et des injonctions.

A- La sanction pécuniaire

Compte tenu de son effet néfaste, tout comportement anticoncurrentiel peut


justifier que ses auteurs soient pécuniairement sanctionnés. Le montant
maximum de la sanction, prévu par la loi dans son article 39 concernant une
entreprise, est de 10% du montant du chiffre d’affaire national ou mondial.

Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction


est de quatre millions de dirhams.

La loi prévoit la sanction pécuniaire au refus d’application des décisions du


Conseil et aux manquements au respect des mesures prononcées. Ainsi L’article
39 de la loi 104-12 mentionne que la sanction pécuniaire est applicable soit
immédiatement, soit en cas d’inexécution des injonctions, soit en cas de non
respect des engagements accepté par le Conseil de la concurrence.

Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à


l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’organisme ou
de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient. (Article
39 de la loi 104-12)

27
La récidive dans les cinq ans suivant l’infraction porte au double le montant
maximum de la sanction pécuniaire applicable.

B- Les mesures conservatoires

Face à une situation d’urgence nécessitant une intervention rapide, le Conseil de


la concurrence peut être amené à prononcer des mesures conservatoires, en
attendant de se prononcer sur le fond.

Compte tenu de sa portée dans la préservation de la concurrence et de l’intérêt


du consommateur, le législateur marocain a intégré cette mesure dans la loi
relative à la liberté des prix et de la concurrence et l’a ainsi prévu dans l’article
35 de la loi 104-12, édictant que le Conseil de la concurrence peut ordonner les
mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui paraissent
nécessaires.

Dans son activité, le Conseil de la concurrence ordonne donc ces mesures, soit
suite à une demande qui lui est adressée, soit de sa propre initiative parce
qu’elles lui paraissent nécessaires.

L’intérêt de ce type de mesure se justifie en cas d’atteinte grave et immédiate à


un secteur économique ou à une entreprise, en y remédiant immédiatement.
Pouvant prendre la forme d’une injonction, les mesures conservatoires
consistent à enjoindre aux entreprises de suspendre la pratique concernée, telles
que la suppression de clauses anticoncurrentielles dans un contrat, la
modification de dispositions statutaires ou encore, permettent également de
revenir à un état antérieur dépourvu d’atteinte à la concurrence.

C- Les injonctions

Parmi les instruments de sanction pour améliorer la régulation économique,


figure aussi l’injonction. Le Conseil dispose de l’option de prononcer des
injonctions de modification des comportements des opérateurs.

En effet, dans sa pratique décisionnelle, le Conseil peut enjoindre à l’auteur des


pratiques anticoncurrentielles de cesser la pratique anticoncurrentielle
incriminée, ou de façon positive, de modifier ses comportements afin de se
conformer au droit de la concurrence, ou encore de prononcer des injonctions
qui exigent l’abstention de certaines pratiques. L’intervention du Conseil de la
concurrence doit être proportionnelle aux objectifs poursuivis (à l’instar de son

28
application par les autres autorités de la concurrence, spécifiquement
européennes)

Le caractère d’ordre public du droit de la concurrence prévaut sur la liberté


contractuelle des opérateurs. Les injonctions du Conseil s’imposent
nécessairement aux opérateurs puisqu’elles sont revêtues de l’autorité de la
décision, leur non respect conduit à une sanction réprimant spécifiquement ces
infractions.

2- Les moyens ou procédures alternatives ou accessoires aux mesures


coercitives

En marge des instruments de répression classique comme la sanction pécuniaire


et l’injonction, la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, subit une
profonde évolution. L’efficacité des autorités de la concurrence à déceler les
pratiques anticoncurrentielles se trouve renforcée par la mise en place de
nombreux mécanismes.

Le droit de la concurrence marocain, à l’instar de ses homologues à travers le


monde (pays d’Europe, Etats-Unis, etc…), présente un droit acceptant le
compromis, le dialogue et la négociation, une autre manière d’appréhender les
comportements des entreprises en infraction.

Les outils de négociation introduits dans la reforme regroupent essentiellement


les procédures d’engagement, de non contestation des griefs et de clémence.
Elles sont qualifiées de négociées par opposition aux autres procédures
coercitives et contentieuses, mais n’ont de sens que sur la base d’une possible
sanction pécuniaire.

A- Les engagements

La procédure d’engagement est davantage utilisée dans des affaires de pratique


unilatérale, en l’occurrence les ententes verticales. Elle intervient très en amont
de la procédure devant le Conseil : l’entreprise propose des engagements après
une évaluation préliminaire du Conseil qui clôt l’affaire sans établissement de
responsabilité.

Afin de garantir, le maintien de l’ordre public concurrentiel, le Conseil de la


concurrence dispose grâce à la loi 104-12 (articles 36, 38,39) :

• du pouvoir d’appréciation des engagements


• du pouvoir de les rendre obligatoires,

29
• de suivre leur bonne exécution par différents moyens et
• de sanctionner leur non exécution par une amende et des astreintes.

Les engagements ont pour objectif de mettre fin à des préoccupations de


concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées et non pas de
mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles.
Aussi une décision d’acceptation d’engagements n’intervient pas pour satisfaire
à la demande d’une partie et répondre à un intérêt d’ordre particulier mais pour
préserver l’ordre public économique. L’article 36 dispose que le Conseil de la
concurrence « peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises
ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de
concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux
articles 6, 7 et 8.

Dans les procédures négociées, le Conseil de la concurrence peut choisir de


valider et d’accepter des engagements en matière de concurrence qui se
présentent comme une alternative à la voie contentieuse. La procédure des
engagements permet à l’entreprise dont la compatibilité d’une pratique avec le
droit de la concurrence suscite des doutes, de présenter à l’Autorité des
engagements de nature à mettre fin à ses préoccupations de respect du libre jeu
de la concurrence, avant toute notification des griefs. En effet, la procédure
d’engagements permet aux entreprises d’élaborer, de façon volontariste et
négociée, des solutions répondant aux préoccupations de concurrence de
l’Autorité.

Si elles sont acceptées, ces propositions d’engagements établies en réaction à


une évaluation préliminaire de l’Autorité, permettent de clore l’affaire avant tout
constat d’infraction.

Il s’agit ainsi d’un mécanisme mutuellement avantageux : gain de temps pour


l’Autorité, protection de la concurrence et du consommateur, évitement de la
sanction et de publicité négative pour l’entreprise, et même au prononcé
d’injonctions.

B- La non-contestation des griefs

La non contestation des griefs est utilisée dans tous les types de pratique
anticoncurrentielle. Elle correspond à une simplification de la procédure
contentieuse, mais aussi parfois à l’établissement d’un encadrement de
l’entreprise : sur la base des éléments de preuve avancés, une firme ne conteste

30
pas sa responsabilité et peut même proposer des engagements pour l’avenir
(pratiques courantes dans certaines autorités de la concurrence).
Cette procédure permet aux entreprises de renoncer volontairement à contester
les griefs notifiés par les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence, en
contrepartie d’une réduction da la sanction encourue si la mise en œuvre de
cette procédure est jugée opportune par le rapporteur général de l’Autorité.

Ainsi, pour cette procédure qui n’intervient qu’une fois la phase du


contradictoire ouverte par la notification des griefs, le législateur a précisé dans
son article 37 de la loi 104-12 :

« Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui
lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer au conseil de la
concurrence, qui entend les partis et le commissaire du gouvernement sans
établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire
prévue à l’article 39 de la présente loi en tenant compte de l’absence de
contestation. Dans ce cas le montant maximum de la sanction encourue est
réduit de moitié. Lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage en outre à
modifier son comportement pour l’avenir, le rapporteur général peut proposer
au conseil d’en tenir compte également dans la fixation du montant de la
sanction ».

L’article 37 de la loi 104-12 prévoit donc que les entreprises ou organismes mis
en cause puissent choisir de ne pas contester la réalité des griefs qui leur sont
notifiés, apportant volontairement leur concours au traitement de l’affaire.

Cette procédure permet à l’entreprise en cause de réduire son exposition


(notamment financière) en cas d’infraction, bénéficiant d’une réduction
substantielle de l’amende. Elle permet au conseil d’accélérer le traitement des
dossiers et de consacrer ses ressources à d’autres dossiers, et de réduire
l’ampleur des recours.

C- La clémence

La procédure de clémence est utilisée en matière d’ententes entre deux ou


plusieurs entreprises. Elle correspond à un outil de détection ou d’aide à
l’enquête : la procédure de clémence consiste pour le demandeur à
communiquer aux autorités de concurrence des informations pertinentes sur des
comportements anticoncurrentiels auxquels il a pris part, en contrepartie d’une
exonération totale ou partielle, des sanctions pécuniaires normalement
encourues du fait à la participation à ‘entente.

31
Il s’agit d’un outil de détection des ententes les plus nuisibles pour l’économie, et
notamment celles portant sur les fixations des prix (augmentation des prix de
manière artificielle) ou les répartitions des marchés ou des volumes entre
concurrents.

Ce programme permet aux entreprises ayant participé à une pratique collusive


d’obtenir une immunité ou une réduction d’amende en contrepartie de leurs
coopérations avec le Conseil de la concurrence. La clémence met en avant
l’intérêt privé de l’entreprise dans la mesure où la dénonciation permet une
exonération totale ou partielle des sanctions au profit de l’entreprise qui délivre
des informations stratégiques à l’autorité.

Ainsi, la clémence de l’autorité chargée de faire respecter le droit de la


concurrence peut contribuer à lutter significativement contre les violations de la
législation en la matière, en brisant la loi du silence entre les membres d’un
cartel.

II- Le contrôle par l’Autorité gouvernementale chargée de la


concurrence

La loi 104-12 a consacré un nouveau cadre institutionnel de la lutte contre les


pratiques anticoncurrentielles dites « micro-pratiques ». C’est l’article 43 de la loi
104-12 qui confère à l’autorité gouvernementale compétente des pouvoirs
spécifiques concernant ces pratiques. Celles-ci concernent uniquement un
marché de dimension locale et sous réserve que le chiffre d’affaires cumulé
desdites personnes physiques ou morales ne dépasse pas respectivement 10
millions et 50 millions de dirhams conformément à l’article 29 du décret
d’application de la loi 104-12.

Afin de garantir la cessation rapides ces micro-pratiques et de permettre aux


PME auteurs de ces pratiques d’éviter la longueur des procédures, l’autorité
gouvernementale dispose d’un pouvoir d’injonction et de transaction pour le
règlement des pratiques anticoncurrentielles locales. Le montant de la
transaction ne peut excéder 500 000 dirhams ou 5% du chiffre d’affaires (article
43, §2 de la loi 104-12).

Il convient de noter que l’exécution dans les délais impartis des obligations
résultant de l’injonction et de l’acceptation de la transaction éteint toute action

32
devant le Conseil de la concurrence pour les mêmes faits (article 43 §3 de la loi
104-12).

Toutefois en cas de refus des personnes physiques ou morales concernées de


transiger ou lorsqu’elles n’exécutent pas les injonctions ou les obligations
résultant de l’acceptation de la transaction, l’Autorité gouvernementale chargée
de la concurrence saisit le Conseil de la concurrence (article 43 §6 de la loi 104-
12).

III- Le contrôle par les autorités administratives indépendantes


(régulateurs sectoriels)

L’article 166 de la Constitution consacre le caractère universel et transversal de


la compétence du Conseil de la concurrence en matière de régulation
concurrentielle du marché.

Parallèlement, des autorités indépendantes de l’Etat, mais agissant en son nom,


peuvent intervenir, conformément à leurs textes institutifs, dans la gestion de
leurs secteurs relatifs à une activité publique.

La régulation sectorielle mise en œuvre par ces autorités indépendantes a pour


finalité première l’ouverture à la concurrence des monopoles d’Etat tels les
télécommunications, la poste, l’audiovisuel ou encore l’électricité et l’eau. Elle
peut donner naissance à de nouvelles obligations légales destinées aux acteurs
du marché (par exemple le prix d’accès à une infrastructure).

Cette régulation sectorielle, qualifiée aussi de verticale est la forme la plus


moderne de l’intervention de l’Etat dans la gestion de certains secteurs de
l’activité publique.

Elle coexiste avec la régulation horizontale (intervenant dans l’ensemble des


secteurs économiques), opérée par le Conseil de la concurrence à travers
l’application du droit de la concurrence.

La loi 20-13 relative au Conseil de la concurrence a consacré une coopération


organisée avec les autorités de régulation sectorielle qui s’opère dans des
échanges d’avis, d’assistance et d’accompagnement lorsque l’expérience d’une
autorité de régulation peut être utile au Conseil.

« Le Conseil recueille l’avis des instances de régulation sectorielle concernés sur


les questions de concurrence relatives aux secteurs d’activité dont elles ont la
charge, dans un délai qu’il fixe, sans que ce délai soit inférieur à trente (30) jours,

33
il peut le cas échéant, faire appel à leurs compétences et expertises pour les
besoins de l’enquête ou de l’instruction »(article 8 de la loi 20-13).

Certaines autorités ont pris en considération le nouveau statut du Conseil,


autorité constitutionnelle et décisionnelle pour consacrer une coopération
organisée.

Tel est le cas des textes juridiques relatifs à Bank Al Maghrib, lesquels,
conformément aux articles 49 et 50 de la loi 103-12 relative aux établissements
de crédit et organismes assimilés du 24 décembre 2014, ont prévu une
collaboration entre Bank Al-Maghrib et le Conseil de la concurrence en matière
de contrôle des pratiques anticoncurrentielles, en matière de contrôle des
opérations de concentration et à l’occasion des études menées par le Conseil de
la concurrence.

En revanche, la loi n°55-01 du 4 novembre 2004 relative à la poste et aux


télécommunications a habilité l’Agence Nationale de Réglementation des
Télécommunications (ANRT) du pouvoir de régulation de la concurrence dans le
secteur des télécommunications. L’ANRT cumule les deux compétences de
régulation a priori et a posteriori. (Article 8 de la loi, décret n°2-16-347 relatif à la
procédure de suivie devant l’ANRT en matière de litige, de pratiques
anticoncurrentielles et d’opérations de concentration économique publié le 2
juin 2016).

Les différents textes juridiques (loi et décret d’application) octroient plusieurs


attributions au régulateur sectoriel en matière de régulation de la concurrence
dans le secteur, notamment le pouvoir d’apprécier les conditions d’exemptions
des pratiques anticoncurrentielles, de trancher les litiges relatifs aux pratiques
anticoncurrentielles, ordonner des mesures conservatoires, des injonctions,
accepter des engagements de nature à mettre fin à des préoccupations de
concurrence susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles (etc),
et en matière de contrôle des opération de concentration, l’ANRT peut entre
autres, prononcer des sanctions pécuniaire et même retirer l’autorisation de
concentration en cas d’omission ou de déclaration inexacte dans une
notification.

Certains textes institutifs des autorités de régulation sectorielles ne se


prononcent pas sur la coopération avec le Conseil de la concurrence.

La loi 104-12 consacre la compétence exclusive du Conseil de la concurrence


lorsque les textes institutifs des autorités de régulation sectorielle ne prévoient
pas de coopération avec le régulateur. (Article 6)

34
IV- Le contrôle par le juge

Bien que la régulation de la concurrence soit de nature administrative, le juge


reçoit également les règles du droit de la concurrence issues de la loi 104-12
relative à la liberté des prix et de la concurrence.
Le juge participe à l’activité de régulation économique, directement et
indirectement.

Le juge participe directement à l’activité de régulation économique lorsqu’il est


saisi des litiges à trancher sur le fondement du droit de la concurrence
(régulation de premier niveau)

En tant que contrôleur des décisions du Conseil de la concurrence, le juge


participe indirectement à l’activité de la régulation économique lorsqu’il réforme
les décisions du régulateur (régulation de deuxième niveau).

1- La régulation du premier niveau

En application de la loi 104-12, le juge sera amené à statuer sur des litiges qu’il
devra trancher sur le fondement du droit de la concurrence, notamment les
dispositions relatives aux sanctions pénales et aux sanctions civiles.

A- La sanction pénale des pratiques anticoncurrentielles.

L’article 75 de la loi 104-12 dispose : « sera punie d’un emprisonnement de deux


(2) mois à un (1)an et d’une amende de dix mille (10 000) à cinq cent mille
(500 000) dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement toute personne
physique qui, frauduleusement ou en connaissance de cause, aura pris une part
personnelle et déterminante, dans la conception, l’organisation, la mise en
œuvre ou le contrôle de pratiques visées aux articles 6 et 7 de la présente loi. Le
tribunal peut ordonner que sa décision soit publiée intégralement ou par extraits
dans les journaux qu’il désigne, aux frais du condamné. »

Afin que le juge puisse prononcer la sanction pénale précitée, le Conseil doit lui
transmettre le dossier.
L’article 25 de la loi 104-12 énonce que « lorsque les faits lui paraissent de
nature à justifier l’application de l’article 75, le Conseil de la concurrence adresse
le dossier au procureur du Roi près le tribunal de première instance compétent
aux fins de poursuites conformément audit article ».

35
En outre, la loi précitée prévoit le recours à la sanction pénale (des peines
d’emprisonnement de deux mois à deux ans et une amende de 5000 à 200 000
dirhams) de façon accessoire notamment dans les cas d’opposition à l’exercice
des fonctions des enquêteurs ou le refus de communiquer des documents
afférents à l’exercice de leur activité, la dissimulation, la falsification de ces
documents, la communication de faux renseignements, les fausses
déclarations…(article 83).

B- La sanction civile des pratiques anticoncurrentielles.

Le juge est compétent pour prononcer la nullité d’une pratique


anticoncurrentielle et accorder la réparation du dommage à l’occasion d’une
action en dommage et intérêts déclenchée par la victime ou par des associations
de consommateurs reconnues d’utilité publique.

a. La nullité

L’article 10, §1 de la loi 104-12 dispose : « Tout engagement, convention ou


clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée en application des
articles 6 et 7 sont nuls de plein droit ».

Aussi la loi prévoit que cette nullité est éventuellement constatée par les
tribunaux compétents à qui l’avis ou la décision du conseil de la concurrence, s’il
en est intervenu un, doit être communiqué.»

b. L’action en dommages et intérêts.

La victime d’une pratique anticoncurrentielle peut demander des dommages et


intérêts en réparation du préjudice subi.

La loi 104-12 ne prévoit pas de dispositions relatives à l’action privée à vocation


réparatrice des préjudices causés par des infractions au droit de la concurrence.
Compte tenu de l’absence de dispositions spécifiques, l’octroi de dommages et
intérêts s’effectuera dans le respect des règles classiques du droit de la
responsabilité civile.

c. L’action en réparation des associations de consommateurs reconnues


d’utilité publique

La loi 104-12 prévoit des actions en dommage et intérêts dans le cadre d’action
représentative ouverte aux associations de consommateurs à des conditions
restrictives puisqu’elles doivent être reconnues d’utilité publique.

36
L’article 106 dispose ainsi que « les associations de consommateurs reconnues
d’utilité publique peuvent se constituer partie civile ou obtenir réparation sur la
base d’une action civile indépendante du préjudice subi par les
consommateurs ».

2- La régulation de deuxième niveau

La loi 104-12 relative au droit de la concurrence prévoit la compétence de la cour


d’appel de rabat pour connaître les recours en annulation contre les décisions du
Conseil de la concurrence relatives aux pratiques anticoncurrentielles.

Dans le cadre de son pouvoir décisionnel de lutte contre les pratiques


anticoncurrentielles, le Conseil de la concurrence dispose de nombreuses
attributions visant à réprimer ou à corriger une situation qui fausse le jeu de la
concurrence.
Il a le pouvoir de prononcer des mesures conservatoires et des injonctions
contraignant les intéressées à modifier leurs comportements, infliger des
sanctions pécuniaires, prononcer des décisions d’acceptation d’engagements
que proposer des entreprises à l’origine d’un comportement anticoncurrentiel,
accorder une exonération totale ou partielle à l’entreprise dénonciatrice dans le
cadre d’un programme de clémence ou encore accorder une réduction de la
sanction dans le cadre d’une procédure de non contestation des griefs.

Toutes ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel
de Rabat.

Les modalités procédurales des recours sont régies par les articles 44-57 de la loi
104-12.

37
Titre VI- Les opérations de concentration et leurs contrôles
préventifs

I- Présentation et définition des opérations de concentration

La plupart des opérations de concentration ne portent pas atteinte au libre jeu


de la concurrence. Plusieurs opérations de concentration permettent à la
nouvelle entité créée de devenir plus performante et de réduire ses coûts, ce qui
permet une baisse des prix, une amélioration de la qualité des produits et/ou
une augmentation des investissements en innovation.
Cependant, des entreprises peuvent, de par certaines acquisitions ou fusions,
créer, à travers ces concentrations, des conditions pouvant déboucher dans le
futur sur des situations non concurrentielles. Ces opérations de concentration
nuisent alors à la concurrence et in fine au consommateur car, elles créent ou
renforcent une situation dans laquelle l’entité issue de l’opération de
concentration peut avoir la capacité ou la tentation d’exercer un pouvoir de
marché unilatéral ou de coordonner avec ses concurrents.

Aussi, le contrôle, à priori, des opérations de concentration empêche la


concrétisation de ces opérations qui priveraient les clients de leurs avantages (en
terme de prix, de disponibilité du produit, de sa qualité…) en augmentant
significativement le pouvoir de marché de ces entreprises une fois concentrées.

L’article 11 de la loi 104-12, définit comme il suit l’opération de concentration:

« 1. Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes


fusionnent ;

2. lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une


entreprise au moins, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par
prise de participation au capital, ou achat d’éléments actifs, contrat ou tout autre
moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de
l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises ;

3. lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou


indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat
d’éléments actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou

38
d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs
autres entreprises,

La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes


les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au
sens du présent article. »

La définition de la concentration par le droit marocain, à l’instar à celle du droit


de l’Union Européenne, est large et se réfère aussi bien à des critères de moyens
(fusions, prises de contrôle) que de résultats (droits conférés aux actionnaires,
les relations contractuelles...)

II- La mise en œuvre du contrôle des opérations de concentration

Le contrôle des opérations de concentration est exclusivement axé sur


l’identification et la prévention ou la correction des opérations de concentrations
anticoncurrentielles.

L’Autorité de la concurrence ne doit intervenir pour interdire ou corriger une


opération de concentration que lorsque cela s’avère nécessaire pour empêcher
les effets anticoncurrentiels pouvant découler de cette opération.

En application de l’article 12 de la loi 104-12, toute opération de concentration


doit être notifiée au Conseil de la concurrence par les entreprises concernées,
avant sa réalisation (contrôle à priori).

Cette obligation législative s’applique lorsqu’une des trois conditions suivantes


est réalisée :

1- Le chiffre total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes


de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur au
montant fixé à 750 millions de dirhams (article 8 du décret pris pour application
de la loi 104-12).

2- Le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé au Maroc par deux au moins des
entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est
supérieur au montant fixé à 250 millions de dirhams (article 8 du décret pris pour
application de la loi 104-12).

39
3- Les entreprises qui sont parties à l’acte, ou qui en sont l’objet, ou qui lui sont
économiquement liées ont réalisé ensemble, durant l’année civile précédente,
plus de 40% des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de
biens, produits ou services de même nature ou substituables, ou sur une partie
substantielle de celui-ci ».

La définition de ce qui constitue une opération de concentration (voir plus haut)


et les seuils de notification (voir plus haut) sont les deux outils utilisés pour
déterminer si la notification d’une opération de concentration s’impose.

Les seuils de notification, permettent d’apprécier le pouvoir de marché, de


mesurer la puissance économique des entreprises concernées et partant,
d’éliminer les opérations qui n’auront vraisemblablement aucune incidence
notable sur la concurrence. Le seuil quantitatif, exprimé ainsi en parts de marché
et en chiffre d’affaires national ou mondial, permet de déterminer si une
opération entre dans le champ d’application de la loi 104-12.

La définition d’une opération de concentration (tel que vu plus haut) permet


d’identifier les opérations se prêtant à un contrôle, lequel vise à déterminer si les
opérations seront à l’origine de changements structurels risquant d’entraver la
concurrence sur le marché.

III- La publicité de la notification et l’omission ou la déclaration inexacte dans


une notification

La notification déclenche automatiquement la procédure de contrôle par le


Conseil de la concurrence et entraîne automatiquement et obligatoirement la
suspension de l’opération.

En application de l’article 13 de la loi 104-12, la réception par le Conseil de la


concurrence de la notification d’une opération de concentration économique
doit faire l’objet d’un communiqué publié par le Conseil sur son site internet ou
dans un journal d’annonces légales.

Les informations confidentielles transmises par les parties candidates à la


concentration et les tierces parties dans le cadre de la procédure d’examen
d’une concentration bénéficient d’une protection de leur confidentialité en
application de la loi 104-12. L’article 20 du décret d’application de la loi 104-12
prévoit un dispositif simplifié et d’ordre général : les personnes qui apportent au
Conseil de la concurrence des informations doivent simplement préciser celles
qui relèvent du secret d’affaire. Ces informations sont alors réservées au Conseil

40
de la concurrence et des versions non confidentielles sont produites si
nécessaires.

La publicité des décisions du Conseil tient compte de l’intérêt légitime des


parties à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. La confidentialité
accordée par le <conseil de la concurrence d’une information doit toujours être
assurée.

Par ailleurs, en cas d’omission ou de déclaration inexacte dans une notification,


le conseil de la concurrence peut infliger aux personnes physiques ou morales
ayant procédé à la notification une sanction pécuniaire. Celle-ci peut s’élever
jusqu’à 5% du chiffre d’affaires pour les personnes morales et cinq millions de
dirhams pour les personnes physiques.

Elle peut s’accompagner du retrait de la décision ayant autorisé la réalisation de


l’opération. (Article 19 de la loi 104-12).

IV-Champs d’application des règles de concentration

Le contrôle des concentrations prévu par la loi 104-12 est d’application générale.
Les dispositions des textes qui fondent le droit de la concurrence incluant celles
relatives au contrôle des opérations de concentration s’appliquent à tous les
secteurs de l’économie. L’article premier prévoit que les règles définis par la loi
s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de service.

Les règles de concentration prévues par la loi 104-12 s’appliquent


indifféremment à toutes les entreprises, quelle que soient leur nationalité ou
leur localisation, dès lors qu’elles franchissent des seuils de contrôlabilité. En
effet, les règles de concurrence nationales sont applicables aux entreprises
étrangères, mais aussi aux entreprises nationales établies en dehors du territoire
national, lorsque leur comportement ou leurs opérations produisent un effet à
l’intérieur du territoire. La nationalité des entreprises est dénuée de pertinence
en termes d’application des règles relatives au contrôle des concentrations.

Autrement dit, une opération de concentration concernant deux entreprises


étrangères qui n’ont pas de filiales au Maroc ou encore une activité n’empêche
pas le Conseil de se prononcer tant que la concentration peut avoir des effets sur
le territoire national.

Le contrôle national des concentrations est applicable aux opérations montées à


l’étranger ou impliquant des entreprises étrangères du moment qu’elles ont un
effet sur le marché national.

41
En outre, le législateur marocain admet que les actes des opérateurs
économiques du secteur public puissent avoir des effets sur le marché. Au nom
d’une égale concurrence, ils se trouvent assujettis aux mêmes contraintes des
entreprises privées, à savoir les abus de position dominante qui pourraient
résulter d’une concentration. Il s’en suit que les pratiques des personnes
publiques, dans leurs activités économiques, sont soumises au contrôle des
autorités de la concurrence dans les conditions du droit commun.

V- Les décisions du Conseil de la concurrence

Le Conseil de la concurrence peut prendre trois décisions lors de l’examen initial


(phase 1) d’un contrôle d’une opération de concentration, conformément à
l’article 15 de la loi 104-12. La phase 1 débute à compter de la date de réception
du dossier de notification complet et dure soixante jours (article 15 de la loi 104-
12). Les trois décisions mentionnées sont les suivantes :

4- Une décision d’irrecevabilité si l’opération qui a été notifiée au Conseil n’entre


pas dans le champ de sa compétence. C’est le cas où le projet de concentration
n’est pas contrôlable du fait de la nature de l’opération ou en raison de seuils de
contrôle non atteints.
5- Ou autoriser l’opération, la subordonnant éventuellement, par décision
motivée, à la réalisation effective des engagements pris par les partis,
6- Ou une décision de passage à un examen plus approfondi (phase 2) si le
conseil relève un doute sérieux d’atteinte à la concurrence.

Une copie de la décision est transmise immédiatement à l’administration, c'est-


à-dire à l’autorité gouvernementale chargée de la concurrence. Cette dernière
dispose, en cas d’autorisation d’une opération par le Conseil de la concurrence,
d’un délai de 20 jours à partir du moment où elle a reçu la décision pour se
prononcer, conformément à l’article 18 de la loi 104-12. Elle peut demander
l’ouverture d’un examen approfondi (phase 2).

Le Conseil de la concurrence dispose donc du pouvoir décisionnel en matière de


contrôle des opérations de concentrations, cependant la loi 104-12 autorise
l’administration de demander l’ouverture d’un examen approfondi (phase 2) au
Conseil de la concurrence.

La phase 2 (examen approfondi) ouvre un délai de 90 jours à compter de la


réception de la notification complète pour la décision du Conseil de la
concurrence relative à l’opération de concentration notifiée (article 17 de la loi
104-12).

42
Aussi si le Conseil de la concurrence dispose du pouvoir décisionnel en matière
de contrôle des opérations de concentration, la loi reconnait au chef du
gouvernement un droit d’évocation en phase 2.

VI-Le pouvoir d’évocation du chef du gouvernement

La loi 104-12 reconnait à l’administration le pouvoir d’évoquer l’affaire et de


statuer sur l’opération pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien
de la concurrence.

L’article 18 dispose :

« Dans un délai de trente (30) jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la
décision de Conseil de la concurrence ou en a été informée en application de
l’article 17, ci-dessus, l’administration peut évoquer l’affaire et statuer sur
l’opération en cause pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de
la concurrence et, le cas échéant, compensant l’atteinte portée à cette dernière
par l’opération.

Les motifs d’intérêt général, autres que le maintien de la concurrence, peuvent


conduire l’administration à évoquer l’affaire sont, notamment, le
développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de
la concurrence international ou la création ou le maintien de l’emploi. »

Ainsi, l’administration peut, à l’issue de cette phase 2, évoquer l’affaire quelle


que soit la décision prise par la Conseil de la concurrence. Une opération de
concentration initialement interdite par le Conseil pourra être autorisée dans
l’intérêt général.

L’administration devra justifier les causes pour lesquelles elle ne suit pas la
décision du Conseil. Dans le cas où elle déciderait d’autoriser une opération
initialement interdite par le Conseil, elle devra justifier en quoi les motifs
d’intérêt général invoqués, compensent l’atteinte à la concurrence. Une décision
motivée est ainsi exigée par la loi (article 18 de la loi 104-12).

VII- Le recours en annulation contre les décisions relatives au contrôle


des opérations de concentration auprès de la chambre administrative de la
Cour de cassation

L’article 44 de la loi 104-12 prévoit que « les recours contre les décisions prises
par le Conseil de la concurrence […] et celles prises par l’administration en
application de l’article 18 de la présente loi sont portés, dans un délai de trente

43
(30) jours à compter de la date de notification de la décision, devant la chambre
administrative de la Cour de cassation ».
La Cour de cassation est la juridiction compétente pour se prononcer sur la
légalité et la régularité des décisions prises par le Conseil de la concurrence
relativement à l’autorisation ou l’interdiction des opérations de concentration.
Elle constitue également la juridiction de recours contre le prononcé de sanction
pour la réalisation d’opérations de concentration sans notification, pour
l’omission ou l’inexactitude dans la notification ou pour le non respect
d’engagements.

La Cour de cassation est également compétente pour connaître les décisions du


chef du gouvernement prises dans le cadre de son pouvoir d’évocation.

44

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