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Étude de cas
LE RISQUE MACHINE,
ENCORE UNE RÉALITÉ ?
Depuis 1995, la réglementation européenne concernant la mise sur le marché des machines
vise à assurer un haut niveau de sécurité par des règles techniques de conception. La directive
machine a donc pour ambition de sécuriser les machines, avant leur utilisation, ce qui peut
laisser espérer une baisse de la sinistralité depuis 25 ans. Or, sur le terrain, le réseau Assurance
maladie – Risques professionnels observe toujours la présence de machines dangereuses
et un taux significatif d’accidents du travail.
q
Machines portables motorisées 8 524 15 % « groupes
de machines ».
Atelier
de fabrication
d’emballages.
Utilisation
d'une machine
permettant
de couper
des rouleaux
© Cédric Pasquini pour l'INRS/2019
automatiquement
et d’en reformer
à partir
des chutes.
Les risques
sont réduits
et les déchets
de tubes quasi
inexistants.
Les accidents dus aux chariots de manuten- ou totale, de contrôle de la machine (fixe, à main,
tion ressortent particulièrement du groupe mobile, etc.). Ce dysfonctionnement représente
« manutention – levage ». plus d’un tiers des accidents liés aux machines
Le groupe « machines portatives motorisées » (36 % des AT). Viennent ensuite, dans plus d’un cas
contient des machines qui ont déjà été ciblées dans sur dix (14 %), la perte de contrôle de l’objet tra-
les groupes « travail des métaux », « travail du vaillé sur la machine, porté, déplacé, manipulé, etc.
bois » et « scies ». Leur pourcentage ne peut donc Le facteur humain, défini dans les DAT comme
être additionné aux autres, du fait de la redon- « mouvements non coordonnés, gestes intempes-
dance de certains AT. tifs et inopportuns », ne représente que 15 % des
D’autres regroupements de modalités (c’est-à-dire causes de dysfonctionnement ayant entrainé un
de machines) ont été testés pour cette variable et accident.
ne sont pas statistiquement représentatifs. Or, quel que soit l’âge de la machine, les éléments
dangereux doivent être interdits d’accès. Si un opé-
Les incapacités permanentes (IP) rateur a pu se blesser par un élément dangereux,
L’analyse des incapacités permanentes (IP) ne la cause peut être à rapprocher d’un problème de
montre pas une prévalence particulière de la sinis- conception ou un défaut de maintien en état de
tralité due aux machines. Le taux d’IP moyen pour conformité. À ce niveau, il peut être utile de rap-
les sinistres liés aux machines est de 8,7 % contre peler que les accidents liés à l’accès des éléments
10,2 % pour tous les sinistres, quelles que soient mobiles peuvent être, en fonction de la machine,
leurs causes. Compte tenu des distributions expo- soit dus à un manque de protection (absence de
nentielles des gravités, cet écart traduit une gravité protecteurs ou dispositifs de protection), soit intrin-
des AT « machine » sensiblement inférieure à la sèques au type de machine (scie, perceuse, etc.)
gravité générale des AT.
L’activité : ce que faisait la victime
Les jours d’arrêts lors de l’accident
Les sinistres liés aux machines engendrent annuel- L’activité qu’exerçait la victime au moment de
lement plus de 3 millions de jours d’arrêts de l’accident semble être, d’après les données collec-
travail, l’équivalent d’une entreprise de 15 000 per- tées, dans près de 80 % des cas en lien avec une
sonnes à l’arrêt pendant un an. machine ou une partie de la machine. Cette don-
née confirme que les AT qui ont été sélectionnés
La déviation : ce qui a dysfonctionné et causé par l’élément matériel de la déviation sont bien
l’accident du travail des sinistres dus aux machines.
La principale cause relevée dans les déclarations Dans 22 % des cas, la victime manipulait un objet
d’accidents du travail (DAT) est la perte, partielle quand l’accident sur la machine est survenu ;
les déclarations précisent : « prendre en main un d’AT. Le lieu de l’accident oriente vers les secteurs
objet », « manipuler un objet ». d’activités concernés par ces AT. (Cf. Figure 2). Ces
Dans 16 % des sinistres, la victime travaillait avec résultats statistiques sont en accord avec la répar-
un outil à main motorisé lors de son accident. Ce tition des machines dans le monde du travail.
chiffre est cohérent avec le pourcentage d’AT liés
aux machines portables motorisées (15 %). Intérêts et limites de ces statistiques
Dans 7 % des cas, la victime conduisait un moyen Les statistiques basées sur les déclarations d’acci-
de transport ou un équipement de manutention dents du travail présentent principalement deux
mobile et motorisé. Ce chiffre se rapproche de la limites :
survenance d’AT liés aux machines mobiles et de • l’approximation, le manque de détails, la conci-
levages (dans 10 % des cas d’AT). sion imposée par le champ de la déclaration
prévu à cet effet ;
Le contact : quels types de blessures • les erreurs d’interprétation ou de retranscription
L’analyse des DAT liés aux machines renseigne sur qui peuvent être sources d’inexactitudes, lors de
la façon dont le salarié s’est blessé (les facteurs de l’encodage notamment.
risques). Des renseignements erronés, partiels ou approxi-
La contrainte physique sur le système musculosque- matifs ne permettent pas d’obtenir des statistiques
lettique (selon le système européen de comptabilisa- fiables en termes de valeurs absolues. Toutefois,
tion des AT, soit l’appareil locomoteur) est la première on peut formuler l’hypothèse que ces erreurs
cause de blessures, avec plus d’un cinquième des ou carences sont homogènes sur l’ensemble des
cas. La blessure a pu être occasionnée par des pos- déclarations d’accidents d’au moins quatre jours
tures contraignantes sur la machine, des efforts phy- d’arrêt (AT 4 JA). Les valeurs statistiques des AT
siques intenses (rythme imposé par la machine par liés aux machines permettent la comparaison
exemple), etc. Ces éléments sont issus d’accidents avec d’autres causes d’accidents ; elles ne sont pas
du travail, auxquels il faut ajouter les maladies pro- à considérer comme des valeurs précises, mais
fessionnelles (tels les troubles musculosquelettiques comme des ordres de grandeurs et des valeurs
par exemple), qui ne font pas l’objet de cet article. relatives à comparer entre elles.
Le contact avec une partie coupante (couteau, lame)
de la machine est la seconde cause de blessures Conclusion et enseignements de l’étude
(21 %). Viennent ensuite les blessures par coince- Les accidents liés aux machines représentent 10
ment ou écrasement de la victime (membre ou corps à 15 % de l’ensemble des accidents du travail. Ils
entier) entre, dans, sous ou contre la machine (18 % sont particulièrement fréquents (entre 23 et 33 %
des cas), puis le contact avec des éléments/parties d’après l’analyse des données) dans le secteur
de machine durs, rugueux ou pointus (12 % des cas). automobile/métallurgie. Cette part non négli-
Pour rappel, les règles techniques de conception des geable justifie de renforcer les actions de préven-
machines obligent, quand cela est techniquement tion de ces risques en ciblant les secteurs les plus
possible : impactés. JFIGURE 2
Lieux où s’est
• de ne pas imposer le rythme de travail des opéra- L’observation des machines sur le terrain montre
déroulé l’AT lié
teurs par la machine ; que leur sécurisation dès la conception a évolué aux machines.
© Gaël Kerbaol/INRS/2019
la Carsat Centre-Ouest ; Cf. En savoir plus).
Un autre volet d’action, au niveau de la sensibi-
lisation/formation/assistance et information aux
entreprises, doit concerner les « utilisateurs » des
machines (au sens du Code du travail). Une pre-
mière action proposerait une démarche d’aide au
Machine positivement, notamment par une meilleure pro- choix à l’achat des machines, comprenant notam-
de tournage tection des opérateurs face aux éléments mobiles ment l’adéquation à l’utilisation et la formation à
de petites
pièces, dangereux, pendant les phases de production. l’évaluation des risques. Une seconde action sen-
sur lesquelles Cependant les accidents restent nombreux, notam- sibiliserait les utilisateurs aux risques générés par
des portes ment ceux ayant pour origine l’accès aux éléments la modification de leurs machines.
automatiques
sont installées dangereux. Certains autres facteurs de risques, Afin de rendre ces actions de prévention plus effi-
par le service qui été rapportés dans les statistiques, comme cientes, il est nécessaire de mieux les cibler grâce
maintenance. la mauvaise prise en compte de l’ergonomie à l’étude des accidents de travail : la connaissance
(Cf. En savoir plus), le risque de chute et le rythme du secteur, des lieux, de la typologie de machines,
imposé par la machine, acquièrent une nou- de l’origine de la blessure, permettent de choisir
velle visibilité grâce à l’étude de ces statistiques. et d’orienter les actions.
Cette étude permet d’éclairer que les actions de
prévention pouvant être déployées sur le terrain
doivent cibler prioritairement :
• les secteurs industriels des CTN A, E et F ;
POUR EN SAVOIR • les utilisateurs de machines portatives et de
machines mobiles ;
• Les statistiques nationales des AT/MP établies par la Cnam : • les utilisateurs de machines possédant des élé-
www.inrs.fr/demarche/atmp/statistiques-nationales.html ou ments tranchants, rugueux, pointus ;
www.risquesprofessionnels.ameli.fr/index.php?id=94 • les risques liés aux facteurs ergonomiques.
• La directive Machines n° 2006/42/CE : www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000881896&categorieLien=id L’étude s’est intéressée uniquement aux accidents
• Les CTN et secteurs d’activité : définitions : du travail et n’a pas exploré les bases de données
http://risquesprofessionnels.ameli.fr/qui-sommes-nous/ concernant les maladies professionnelles résultant
notre-organisation.html de la conception et de l’utilisation de machines.
Or, ces maladies peuvent avoir pour origine les
• ED 6154, INRS, 2013 — Conception des machines et ergonomie :
risques liés à la non prise en compte de l’ergo-
www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206154
nomie, les émissions de matières et substances
• Aides financières de la Cnam (TPE-PME) :
dangereuses, telles que les poussières de bois et
www.ameli.fr/entreprise/sante-travail/aides-financieres-tpe-pme
les fluides de coupe, les émissions de bruit, etc.
• Aide « Filmeuses+ » de la Cnam : www.ameli.fr/entreprise/sante- Ces facteurs de risque doivent être intégrés dans
travail/aides-financieres-tpe/subventions-pour-le-secteur-de-la- les réflexions sur les actions de prévention que
metallurgie-et-de-lindustrie-agroalimentaire/entreprises-fabrication-
logistique-filmeuse-plus
l’on déploiera sur le terrain. •
1. Le réseau Assurance maladie – Risques professionnels
• Équipements plus sûrs de la Carsat Centre-Ouest : (AM-RP) en France comporte : la Cnam (Direction des risques
www.carsat-centreouest.fr/carsatpubv2/index.php/2013-10-03-12- professionnels/DRP) ; les services Prévention des Carsat/
55-04/prevention/aides-financieres-simplifiees-a-f-s/a-f-s-regionales/ Cramif/CGSS ; l’INRS et Eurogip.
equipements-plus-surs 2. Article R. 4311-4-1 du Code du travail.