Lecture Cursive. Étranger Bacdocx
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Sur L’Etranger :
L’Étranger (1942) fait partie du cycle de l’absurde avec Le Mythe de Sisyphe,
Caligula et Le Malentendu (1944)
Pour Camus, l’absurde, constat douloureux de la rupture de l’homme avec le monde, est un
point de départ, non une conclusion.(Suit celui de la révolte et celui de l’amour interrompu par
la mort de Camus)
« L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du
monde » Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1942
L’Absurde est ainsi la conséquence de la confrontation de l’homme avec un monde qu’il ne
comprend pas et qui est incapable de donner un sens à sa vie (« Ce divorce entre l’homme et sa
vie, l’acteur et son décor, c’est proprement le sentiment de l’absurdité. »)
La prise de conscience de l’absurde doit conduire à l’action et à la révolte, c’est à dire au
double refus de la passivité nihiliste et de la consolation religieuse (d’où la révolte contre
l’aumônier). Sans illusion mais aussi sans renoncement, le héros absurde accepte son destin
en toute lucidité comme Sisyphe.
Pour le reste :
L’Etranger et l’absurde
L’absurde est le point zéro de la réflexion camusienne. Avant de le rencontrer, l’homme se laisse
entraîner par ses habitudes et les gestes que l’existence commande. Un jour, pourtant, le sentiment
d’absurdité frappe à sa porte. Alors les décors s’écroulent. Au terme d’une vie machinale un
« pourquoi » s’élève et l’homme n’a alors que deux options : le retour inconscient à cette chaîne
d’actes ou l’éveil définitif, qui implique lui-même deux conséquences faire face à l’absurde ou se
suicider. L’absurde est ainsi un jeu mortel qui peut conduire à la lucidité aussi bien qu’à
l’évasion[5].
Face à l’absurde, l’homme se découvre mortel et comprend que toutes ses actions n’ont pas de sens
sous l’horizon de sa finitude. Sa condition est celle d’un condamné à mort.
Mais ni l’homme ni le monde ne sont en eux-mêmes absurdes. L’absurde nait exactement
d’une confrontation des deux, entre le désir éperdu de clarté qui résonne au plus
profond de l’homme et le monde irrationnel, entre l’appel humain et le silence
déraisonnable du monde. L’absurde est leur seul lien. L’homme devient alors un étranger,
divorcé d’un univers privé d’illusions et de lumière[6].
La question qui se pose est alors la suivante : comment faire sentir cet état d’absurdité par
la littérature sans que le récit devienne un roman à thèse ? Comme le souligne Camus, il
s’agit tout d’abord de faire en sorte que la pensée profonde ne figure pas comme une étiquette sur
l’œuvre. Pour ce faire il s’est interdit de créer un personnage qui, comme l’homme décrit par Le
Mythe mènerait une vie machinale « lever, tramway, quatre heures de bureau » et qui prendrait un
jour conscience de cette absurdité.
Dans L’Étranger, il a essayé de créer d’autres moyens de faire sentir l’absurde au lecteur. Plus qu’un
simple thème, l’absurde va pénétrer dans les structures du récit.
Sur le plan du langage, l’absurde ne peut s’exprimer qu’au moyen de ce que Barthes avait nommé
une « écriture neutre[7] » : une sorte de langue élémentaire dont l’exemple le plus frappant est
celui du télégramme de l’asile, des phrases courtes, sans rapports de causalité qui ne
communiquent que l’essentiel.
Le langage de ce personnage étrange et taciturne qu’est Meursault suit cette même logique :
il se borne à répondre oui ou non aux questions qu’on lui pose. Son style est presque
télégraphique, à propos de Paris, il affirme : « C’est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les
gens ont la peau blanche[8]. »
L’absurde apparaît aussi sur le plan de la narration : il est d’usage qu’une histoire narrée
à la première personne donne à voir l’intériorité du « je » qui parle. Mais selon l’absurde, l’homme
est étranger au monde et à soi-même, bref, il est étranger absolument. Comme le disait Sartre,
Meursault est comme l’homme qui téléphone dans une cabine : on peut voir ses gestes, mais on ne
peut pas l’écouter.
De la même façon, nous n’avons pas accès à ses pensées et à ses sentiments. Selon Genette,
Meursault est un étrange type de narrateur, il narre son histoire en première personne,
mais avec une sorte de focalisation externe[9].
Le personnage en tant que narrateur devient étrange et opaque pour le lecteur lui-même.
Ses actions, qui pouvaient d’une certaine façon aider à le comprendre, n’expliquent
rien.
Il est aussi étranger aux conventions sociales ou religieuses et sa seule « justification » du meurtre
fut le soleil. Il n’y a donc pas de causes, ni de buts, toutes les actions s’équivalent : se
marier ou pas avec Marie, cela lui est égal. C’est justement cette chaine causale, c’est-à-dire les
raisons de Meursault, que le tribunal qui le condamne essaye d’établir. Le procureur essaye de
donner une cohérence à ses actes.
Pour le condamner le tribunal fait de lui un personnage traditionnel (le modèle du
roman réaliste, par exemple), c’est-à-dire un personnage poussé par des raisons, des
désirs : l’amour, la haine, la vengeance, l’ascension sociale.
Cette volonté d’éclairer les raisons du meurtre est transmise au lecteur et rejoint ce que dans Le
Mythe Camus dépeint comme l’exigence de familiarité et de clarté que l’homme désire dans son
rapport au monde. Tout notre être réclame du sens, que ce soit dans le monde, dans la
vie d’un homme, ou encore dans l’histoire qu’on nous raconte. Selon la formule
sartrienne, la lecture de l’Étranger est la communion brusque de deux hommes, l’auteur et le
lecteur, ayant entre eux l’absurde.
La lecture de L’Étranger va donc se constituer comme un processus qui révèle
l’absurde au lecteur, en mettant en contraposition l’appel du sens et de la clarté face à l’étrangeté
et l’opacité du personnage.
Meursault Romand
« le héros du livre est condamné parce Le héros du livre ment et devient un assassin
qu’il ne joue pas le jeu »(social) parce qu’il est dépendant du jeu social ; il ne
peut exister sans statut
Il ne joue pas le jeu parce qu’il « refuse de Il ment pour correspondre au rôle qu’il s’est
mentir » donné dans la société
« Mentir, ce n’est pas seulement dire ce
qui n’est pas. C’est aussi, c’est surtout C’est bien ce que fait Romand
dire plus que ce qui est »