2024 Le Nouvel Ordre Monetaire
2024 Le Nouvel Ordre Monetaire
2024 Le Nouvel Ordre Monetaire
P U B L IC AT ION S
Titre Original : The big Drop. Édité en anglais par Agora Financial, LLC, avril 2015
Tous droits réservés
Ne peut être vendu seul ou séparément de Intelligence Stratégique
Directrice de la publication : Catherine Dourlens
Directrice de la Rédaction : Nathalie Boneil
Rédacteur en chef : Jim Rickards
Directrice de la Rédaction Baltimore : Peter Coyne
Assistante éditoriale : Vanessa Popineau
Traduction : Patricia Seixas
DA et maquette : Stephan Nave
Photo : DR
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N.B. : Les appréciations formulées reflètent notre opinion à la date de la publication, et sont susceptibles
d’être révisées ultérieurement. Nous effectuons des recherches méticuleuses pour tous nos articles et
recommandations, mais nous ne sommes pas responsables des erreurs ou omissions qui pourraient y
figurer. Rappelez-vous que les actions sont spéculatives par nature. Les performances passées ne reflètent
pas forcément les performances à venir. Avant d’investir, nous recommandons à nos lecteurs de consulter
un conseiller financier indépendant ou un courtier.
Sommaire
PRÉFACE 7
INTRODUCTION 11
CHAPITRE 1
L’alerte financière
que vous n’étiez pas censé entendre 19
CHAPITRE 2
Cinq scénarios de crise 41
CHAPITRE 3
La menace d’inflation 50
CHAPITRE 4
La menace de déflation 74
CHAPITRE 5
L’éclatement de la plus grande bulle
économique de l’Histoire 85
CHAPITRE 6
La tempête parfaite 90
CHAPITRE 7
Dans le sérail de la Réserve fédérale 116
CHAPITRE 8
Les guerres financières et des devises actuelles 131
CHAPITRE 9
L’or : le marché haussier n’est pas terminé 157
CHAPITRE 10
La meilleure façon de comprendre
le système financier mondial 178
CHAPITRE 11
Le dollar : le début de la fin 205
CHAPITRE 12
Stratégies de création de richesse et de protection 213
CHAPITRE 13
Les 35 questions les plus fréquemment posées :
nos réponses 261
CONCLUSION 283
Préface
Vous trouverez peut-être banal ou inutile, sept ans après la crise de 2008,
de vous reparler d’un sujet maintes fois abordé : la crise des systèmes
financiers et monétaires. En effet, d’innombrables livres prédisant une
calamité financière ont déjà été publiés. Ce qui distingue cet ouvrage, ce
sont l’expérience, les relations et le savoir-faire scientifique de son auteur.
Quantité de gens ont vu leur la valeur de leur patrimoine disparaître
sous leurs yeux. Peu d’entre eux s’en sont remis… et ils ne sont pas prêts
à revivre la même chose. Ils sont encore plus rares ceux qui ont eu l’en-
durance, l’énergie de découvrir pourquoi c’était arrivé, et de récupérer
tout ce qu’ils avaient perdu en dépit des difficultés.
Et rares sont ceux qui ont manifesté la volonté et ont eu la possibilité
d’aider des milliers de personnes à éviter un sort similaire.
Or, Jim Rickards fait partie de ces gens.
L’histoire personnelle de Jim, ses innombrables contacts professionnels
avec le monde du renseignement, de la finance et même de l’univers
caritatif ou universitaire, a donné naissance au document exceptionnel
que vous tenez entre vos mains, de même qu’à notre lettre financière
mensuelle, Intelligence Stratégique.
Le fait que vous lisiez cette préface signifie quelque chose : vous avez
rejoint nos rangs. Vous ne pouviez rêver de meilleur guide pour vos
investissements.
« Je veux aider les Américains moyens » m’a confié Jim, avec franchise,
après s’être associé aux Agora Financial (la maison-mère américaine du
bureau français) afin de lancer sa newsletter. « Certains hauts fonction-
naires, haut placés anticipent la même chose que moi mais ne sont pas
honnêtes vis-à-vis des gens : cela ne leur pose aucun problème que des
milliers de personnes soient sur le point de perdre tout leur argent. »
8 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE PRÉFACE
Son chef, un type qui était par ailleurs très raisonnable, l’a prise à part et
lui a dit ce qui suit : « Vous n’allez sûrement pas travailler ici longtemps
car le dollar va perdre toute sa valeur. Il ne servira à rien, qu’à allumer
un feu de cheminée. »
Quasiment 50 ans plus tard, voici où nous en sommes : les dollars que
je sors de mon portefeuille sont toujours acceptés pour acheter des biens
et des services. Ma mère perçoit toujours les mensualités de la Sécurité
Sociale pour lesquelles elle a cotisé.
Le ciel était toujours sur le point de nous tomber sur la tête… mais il ne
s’y est jamais résolu, apparemment…
Disons que dès votre plus jeune âge, on vous a dit que vous étiez mala-
droit. Il est en effet probable que, comme tout enfant, vous ayez été agité
et qu’un vase ou deux se soit malencontreusement brisé à votre approche.
Eh bien, voyez-vous, si l’on vous a rebattu les oreilles tant et plus sur votre
maladresse, il y a des chances que vous soyez devenu réellement mala-
droit ! À force de craindre de renverser la flûte de champagne chez vos
hôtes ou d’écraser les orteils de votre partenaire de danse, vous vous êtes
stressé au point, en effet, d’avoir des gestes brusques et d’effectivement
arriver à renverser coupes et verres et de meurtrir les pieds de tous les
danseurs autour de vous.
Mais avez-vous entendu parler du phénomène inverse ? La prophétie
qui se nie d’elle-même ? Jim nous a initiés à ce concept. Lui, il le tient de
son inventeur, Robert K. Merton, un éminent professeur de sociologie à
l’Université de Columbia, décédé en 2003.
« Une prophétie qui se nie d’elle-même, c’est lorsque vous faite une
prédiction », nous raconte Jim Rickards. « Vous pouvez l’aider à ne pas se
réaliser. En avertissant les gens de ce risque, ils peuvent se comporter de
telle façon que ce risque ne puisse se concrétiser, et c’est ce que l’on veut. »
« En sonnant l’alerte, à savoir que l’effondrement ultime est imminent,
et en montrant comment survivre au nouvel ordre monétaire, on aide les
gens à faire des choses qui, collectivement, nous aideront à aller dans la
bonne direction. »
C’est pourquoi, à mesure que vous lirez ce dossier, vous devriez vous
répéter les mots formulés par le Financial Times dans un article consacré
aux prévisions de Jim : « Espérons qu’il ait tort ». Mais pensez à vous
préparer comme s’il avait raison. Jim l’admet, la perspective est sombre.
Mais il dit nettement que pour ceux qui font preuve de sagesse, il existe
des opportunités uniques et lucratives.
Tout ce que vous devez savoir est contenu dans ces pages. Lisez la suite…
Peter Coyne
Directeur de la rédaction Rickards’ Strategic Intelligence
The Daily Reckoning
Introduction : en l’an 2024…
Ce qui suit est une contre-utopie fictive dans l’esprit du Meilleur des
mondes ou de 1984. Il ne s’agit pas d’une prévision au sens analytique
habituel. Au contraire, il s’agit de mettre en garde, et d’encourager
les lecteurs à faire attention aux dangereuses tendances de la société,
dont certaines sont d’ores et déjà en place…
Lorsque je me suis réveillé ce matin, dimanche 13 octobre 2024, après
une nuit agitée, j’ai découvert que le mini-capteur pas plus gros qu’un
insecte implanté dans mon bras était déjà en éveil. On appelle ça une
« puce ». Depuis 2022, les citoyens américains ont l’obligation d’en porter
une pour pouvoir accéder aux soins de santé nationaux.
La puce a su que je n’allais pas tarder à me réveiller grâce au contrôle
biométrique qu’elle exerce sur les fréquences d’ondes de mon cerveau et
sur la rapidité de mouvement de mes yeux. Elle était déjà à pied d’œuvre,
en train de lancer les systèmes, y compris la cafetière. Je sentais l’odeur
du café qui se préparait dans la cuisine. Les écrans d’information à l’in-
térieur de mes lunettes panoptiques s’allumaient déjà devant mes yeux.
Des images des dirigeants mondiaux apparaissaient à l’écran. Ils
faisaient l’éloge du bon état de santé de leur économie et de l’avènement de
la paix dans le monde. Ils expliquaient que les citoyens devaient travailler
selon le Plan de croissance du nouvel ordre mondial afin de maximiser la
richesse pour tous. J’avais beau savoir que c’était de la propagande, je n’ai
pas pu m’empêcher d’écouter. Le fait de retirer ses lunettes panoptiques est
très mal vu par les comités de surveillance des quartiers. Notre « puce »
exerce un contrôle sur tous les cerveaux.
Je m’intéresse de près à l’économie et à la finance, et ce depuis plusieurs
dizaines d’années. Je me suis présenté aux autorités centrales en tant
qu’historien économique et elles m’ont donc, au nom de la sécurité écono-
12 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE INTRODUCTION : EN L’AN 2024…
a été saisi de force et ajouté à la chambre forte en Suisse. Toutes les mines
d’or ont été nationalisées et leur exploitation a été suspendue pour des
raisons environnementales.
Le but de cette manœuvre n’était pas de détenir de l’or pour adosser
les devises, mais de le retirer complètement du système financier afin qu’il
ne puisse plus jamais être utilisé en tant que monnaie. Le négoce d’or a
donc cessé suite à l’interdiction de produire, d’utiliser et de posséder de
l’or. Ainsi, le G20 et la Banque centrale mondiale ont la mainmise sur les
seules formes d’argent existantes.
Les plus chanceux ont pu acheter de l’or en 2014 et surtout ont pu le
revendre lorsqu’il a atteint les 40 000 $ l’once en 2019. À cette époque,
l’inflation était hors de contrôle et les élites au pouvoir savaient que toute
confiance dans les monnaies-papier était perdue. Le seul moyen de rétablir
le contrôle de la monnaie était de confisquer l’or. Ceux qui ont vendu au
plus haut ont pu investir dans des terres ou des œuvres d’art, choses que
les autorités n’ont pas confisquées.
Par contre, ceux qui n’avaient jamais possédé d’or ont vu leurs écono-
mies, leurs retraites, leurs pensions et leurs polices d’assurance tomber en
poussière dès que l’hyperinflation a commencé. Aujourd’hui, cela semble
évident : le seul moyen de préserver sa richesse lors de la Panique de 2018
était de posséder de l’or, des terres et des œuvres d’art. Non seulement
les investisseurs auraient dû avoir la clairvoyance d’en acheter mais ils
auraient également dû avoir assez de flair pour vendre leur or avant la
confiscation en 2020 pour investir à long terme dans des terres et des
œuvres d’art. Voilà pourquoi beaucoup ont tout perdu.
Si les terres et les biens personnels n’ont pas été confisqués, c’est parce
qu’ils étaient nécessaires au logement et à l’agriculture. Les biens person-
nels étaient trop difficiles à confisquer et n’avaient que peu d’utilité pour
l’État. Quant aux œuvres d’art, elles se sont fondues dans la masse des
objets d’art bon marché et des biens personnels courants, et sont donc
passées entre les gouttes.
La négociation d’actions et d’obligations s’est arrêtée lorsque les
marchés ont fermé. Lors de la vente de panique qui a suivi le krach de
14 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE INTRODUCTION : EN L’AN 2024…
2018, les actions ont complètement dégringolé et les obligations ont perdu
toute valeur suite à l’hyperinflation de 2019. Les gouvernements ont alors
fermé les marchés boursiers et obligataires, nationalisé toutes les sociétés
et déclaré un moratoire sur toutes les dettes. Les dirigeants mondiaux
ont d’abord expliqué qu’il s’agissait de « gagner du temps » pour établir
un plan de dégel des marchés mais, au fil du temps, ils se sont rendu
compte que la confiance était définitivement perdue et que cela ne valait
pas la peine d’essayer.
Complètement floués, les épargnants ont déclenché des « émeutes de
l’argent » peu de temps après mais ont rapidement été réprimés par la
police militaire armée de drones, de technologies de vision nocturne, de
gilets pare-balles et de dispositifs de surveillance électronique.
Les scanners numériques installés aux péages des autoroutes ont été
utilisés pour repérer et intercepter ceux qui tentaient de prendre la fuite
en voiture. En 2017, le gouvernement américain a imposé l’installation de
détecteurs sur tous les véhicules. Il était alors facile pour les représentants
de l’État de couper le moteur de ceux que le gouvernement avait pris pour
cible, de repérer l’endroit où ils se trouvaient et de les interpeller sur le
bas-côté de la route.
Pour compenser la perte de richesse des citoyens occasionnée par
l’inflation et la confiscation, les gouvernements ont distribué des Unités
sociales numériques dénommées Parts sociales et Dons sociaux. Ces Unités
se basaient sur les biens que les gens possédaient avant. Les Américains
sous un certain seuil de richesse recevaient des Parts sociales, qui leur
donnaient droit à un revenu garanti.
Ceux qui dépassaient ce seuil de richesse recevaient des Dons sociaux,
qui les obligeaient à donner leur richesse à l’État. Au fil du temps, cela s’est
traduit pas une redistribution des richesses de sorte que tout le monde
possédait la même valeur nette et le même niveau de vie. L’économiste
français Thomas Piketty était le principal consultant du G20 et de la
Banque centrale mondiale sur ce projet.
Pour faciliter le gel progressif des marchés, la confiscation des biens
et la création des Unités sociales, les gouvernements mondiaux ont
15 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE INTRODUCTION : EN L’AN 2024…
■ La stratégie du choc :
comment passer de 2015 à 2024
Au sein des élites mondiales au pouvoir, l’un des livres les plus influents
de ces dix dernières années s’intitule La stratégie du choc : La montée
d’un capitalisme du désastre, de Naomi Klein, publié en 2007. La stratégie
du choc est un concept essentiel pour comprendre comment les grands
chantres tels que les représentants des banques centrales, les ministres
des finances et les ultra-riches travaillent en coulisse pour faire avancer
leurs programmes. C’est aussi de cette façon que le monde d’aujourd’hui
pourrait rapidement virer à la dystopie de 2024 que je décris plus haut.
Il ne s’agit pas d’un complot ni de science-fiction ; c’est un fait.
La stratégie du choc est simple : les dirigeants politiques profitent des
crises pour imposer des politiques que personne n’accepterait en temps
normal.
La stratégie du choc part du principe que les élites au pouvoir ont des
programmes qui prennent plusieurs dizaines d’années, voire des siècles,
à mettre en œuvre. Ces programmes couvrent notamment la monnaie
mondiale, la fiscalité internationale, le contrôle de l’or physique, le contrôle
de la population et d’autres plans destinés à accroître la puissance et la
richesse de quelques-uns, à vos dépens. Les élites politiques ne sont pas
dupes. Elles savent bien que leurs programmes sont très impopulaires.
Elles savent aussi que la démocratie confère certains pouvoirs aux citoyens
ordinaires et rend leurs programmes impopulaires difficiles à mettre en
œuvre. C’est là que la stratégie du choc devient utile.
Un choc peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir d’une panique
financière, d’un attentat, d’une catastrophe naturelle, d’un assassinat
ou autre événement extrême qui survient soudainement mais qui, en
réalité, est plutôt courant et prévisible. Lorsque le choc se produit, les
gens prennent peur et se tournent vers leurs dirigeants pour trouver du
réconfort. Les gens commencent à privilégier l’ordre plutôt que la liberté.
Ce sont ces moments critiques que les élites choisissent pour proposer un
« plan » qui vise à rétablir l’ordre mais aussi, secrètement, à faire avancer
leur programme.
17 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE INTRODUCTION : EN L’AN 2024…
En effet, les chocs servent de couverture pour faire appliquer des plans
que vous n’accepteriez pas en temps normal. L’ordre est rétabli au détri-
ment de la liberté. Lorsque le choc se dissipe, le nouvel ordre demeure
mais la liberté est perdue à tout jamais. Voilà comment fonctionne la
stratégie du choc. Après chaque épisode, les élites se retirent et attendent
le prochain choc, ce qui n’est qu’une question de temps.
Un bon exemple est le « USA Patriot Act », adopté par le Congrès améri-
cain en 2011. Ce fut la réponse législative aux attentats du 11 septembre.
Certes, il y avait du bon dans cette loi qui a contribué à la lutte mondiale
contre le terrorisme et à éliminer Oussama ben Laden. Mais, depuis, il y
a eu de nombreux abus.
Nous avons perdu notre vie privée et nos communications, e-mails,
appels téléphoniques et autres documents personnels sont tous interceptés.
Si vous avez voyagé à l’étranger récemment, vous avez peut-être vu les
nouveaux postes de Douanes : la rétine de chaque voyageur est passée au
scanner numérique à son retour. Avant, on vérifiait des passeports papier.
Désormais le scan de votre rétine est stocké dans une banque de données
numériques, probablement pour repérer les ennemis politiques, comme
c’est arrivé dans le récent scandale de l’IRS. Cette perte de confidentialité
et de liberté est essentiellement due aux réponses politiques aux divers
chocs tels que celui du 11 septembre. Et ce ne sont pas les exemples qui
manquent !
Pour les investisseurs, la grande question est de savoir comment la
stratégie du choc sera utilisée la prochaine fois. Quel est le travail inachevé
des élites au pouvoir ? Quelle sera la prochaine partie de leur programme
à être révélée ? Et quel choc sera utilisé comme couverture pour faire
avancer ce programme ?
Ces questions ont des réponses précises que nous examinerons dans
ce livre. Indépendamment de ces programmes et des chocs à venir, il y a
des choses que les investisseurs peuvent faire dès aujourd’hui pour éviter
d’être manipulés par la classe dirigeante.
Il existe des investissements tels que l’or, la terre et les œuvres d’art
qui ne sont pas numériques et qui ne peuvent pas être balayés par les
18 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE INTRODUCTION : EN L’AN 2024…
La raison est simple : généralement, une relance est générée par l’ex-
pansion du crédit de la Réserve fédérale et la hausse des salaires. Lorsque
l’inflation devient trop élevée, ou le marché du travail trop tendu, la Fed
relève ses taux. Cela se traduit alors par un resserrement du crédit et une
hausse du chômage.
Cette dynamique normale d’expansion-contraction s’est produite
plusieurs fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle est généralement
orchestrée par la Réserve fédérale afin d’éviter l’inflation en périodes
d’expansion et de faire baisser le chômage en périodes de contraction.
Il en résulte une vague prévisible d’expansion-contraction, induite
par les conditions monétaires. Depuis 2009, les investisseurs et la Fed
attendent une nouvelle période de forte expansion, mais cette dernière
tarde à se concrétiser.
Si aujourd’hui, la croissance est faiblarde, c’est parce que le problème
de l’économie n’est pas monétaire, mais structurel. C’est là toute la diffé-
rence entre une récession et une dépression. Les récessions sont de nature
cyclique et monétaire, tandis que les dépressions sont de nature persis-
tante et structurelle. On ne peut pas résoudre des problèmes structurels
par des solutions cycliques. Voilà pourquoi la Fed n’a pas réussi à stopper
la dépression. Elle n’a pas le pouvoir d’opérer des changements structurels.
Quand je parle de changements structurels, j’entends une réorientation
des politiques fiscales et réglementaires. La liste est longue mais pourrait
par exemple inclure une baisse des impôts, l’abrogation de l’Obamacare,
l’accroissement de la production de pétrole et de gaz, une déréglemen-
tation gouvernementale et un climat plus favorable aux entreprises dans
des domaines tels que la législation du travail, la réforme des litiges et
l’environnement.
Le pouvoir d’opérer des changements structurels incombe au Congrès et
à la Maison Blanche. Or, ces deux branches du gouvernement s’adressent à
peine la parole. Tant que la loi n’imposera pas de changements structurels,
la dépression se poursuivra et la Fed ne pourra rien changer à la situation.
La différence entre une croissance de 3 % et une croissance de 1 %
peut sembler négligeable sur une année mais, au fil du temps, cela repré-
27 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’ALERTE FINANCIÈRE QUE VOUS N’ÉTIEZ PAS CENSÉ ENTENDRE
ne peut pas dire qu’il vous le vole vraiment mais il ne vous laisse pas le
prendre. C’est plus facile à faire avec un petit nombre de banques.
Alors les gens doivent rester vigilants concernant ces types de mesures
mises en place. Les régulateurs, le gouvernement et les grandes banques
travaillent main dans la main pour voler l’argent du peuple, soit indirec-
tement via l’inflation, soit directement via le gel des actifs.
Récemment, le FCC a passé une loi qui verrouille les fonds monétaires.
Beaucoup de gens pensent que leur fonds monétaire représente des
liquidités. Ils pensent qu’ils peuvent appeler leur courtier et recevoir les
fonds, à la banque, le jour suivant.
Eh bien, cette nouvelle loi américaine dispose stipule que le FCC peut
geler les fonds monétaires ou imposer une taxe de sortie après laquelle
il ne vous restera que 95 cents sur un dollar, au lieu de 100 cents. Vous
avez dû recevoir une petite brochure imprimée tout petit, il y a peu de
temps, dans l’enveloppe de votre relevé de compte. La plupart des gens
ont probablement ouvert le relevé et jeté la brochure à la poubelle.
Ce ne sont pas des choses que j’invente. Ce ne sont pas des histoires
effrayantes qui vont se passer plus tard. C’est déjà arrivé. La concentration
des actifs bancaires s’est réalisée. La possibilité de geler les fonds moné-
taires existe déjà. Ces choses sont déjà en place, prête à être utilisées lors
du prochain effondrement financier.
■ L’alliance anti-dollar
La Chine n’est pas la seule à vouloir accéder au statut de créancier du
monde et à vouloir acquérir de l’or. La Russie a doublé ses réserves d’or
au cours de ces cinq dernières années, et sa dette extérieure est faible.
L’Iran a également importé d’énormes quantités d’or, essentiellement de
Turquie et de Dubaï, bien que personne ne sache exactement combien,
car les importations d’or iraniennes relèvent du secret d’État.
La Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud ont mis en place
des institutions qui pourraient à terme remplacer les prêts qu’accorde le
Fonds monétaire international (FMI) pour rééquilibrer les balances des
paiements, ainsi que ceux accordés par la Banque mondiale en faveur
du développement. Tous ces pays manifestent clairement leur désir de
se libérer du joug du dollar.
En 1914, la livre sterling n’avait qu’un seul rival face à elle : le dollar.
Aujourd’hui, le dollar doit faire face à une armée de rivaux : la Chine, la
Russie, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Iran et tant d’autres. De plus, il
y a la super-monnaie mondiale, les droits de tirage spéciaux (DTS), qui, je
35 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’ALERTE FINANCIÈRE QUE VOUS N’ÉTIEZ PAS CENSÉ ENTENDRE
pense, vont être utilisés pour atténuer le rôle du billet vert. Les États-Unis
font le jeu de ces rivaux en ne maîtrisant pas leurs déficits commercial
et budgétaire et en affichant une monumentale dette extérieure. Quelles
sont les conséquences sur notre portefeuille d’actions ? Une fois encore,
l’histoire est très instructive.
Pendant cette période glorieuse où la livre sterling était la monnaie
de réserve mondiale, sa parité était remarquablement stable. En 2006,
la Chambre des communes du Parlement britannique a produit un indice
des prix relatif à la livre sterling sur 255 ans, couvrant la période de 1750
à 2005.
Qu’en est-il des prix ? Dans ce domaine, l’histoire diffère de celle des
années 1930. Entre 1929 et 1933, les prix ont considérablement baissé, de
près de 25 %, tandis que de 2009 à 2014, ils ont été relativement stables,
puisqu’ils n’ont augmenté que de 10 % environ en 5 ans.
Le responsable ? La Réserve fédérale, qui a imprimé de l’argent ! Au
début des années 1930, la Fed appliquait une politique monétaire ultra-ri-
gide mais, depuis 2009, elle emploie une politique plus souple que jamais.
Ben Bernanke, qui en était responsable à ce moment-là, réagissait à ce
qu’il a considéré comme la politique erronée de la Fed des années 1930.
Lors d’un discours en 2002 à l’occasion du 90e anniversaire de Milton
Friedman, Bernanke lui a dit : « Concernant la Grande Dépression, vous
avez raison, c’est nous qui en sommes responsables. Nous sommes infini-
ment désolés, mais grâce à vous, nous ne referons plus la même erreur. »
Cela ne signifie pas pour autant que Bernanke a, à lui seul, découvert
le remède contre la dépression. Lutter contre la déflation ne résout pas en
soi les problèmes structurels de l’économie qui pèsent sur la croissance.
Au lieu de cela, Bernanke, et maintenant Yellen, ont créé une dynamique
instable. Les dépressions sont déflationnistes par nature.
Lors d’une dépression, les débiteurs vendent leurs actifs pour obtenir
du cash et payer leurs dettes. Cela fait donc baisser le prix des actifs. La
chute du prix des actifs met alors d’autres investisseurs en détresse, ce
qui provoque de nouvelles ventes d’actifs. Ils sont pris dans une spirale
de baisse des prix.
L’impression d’argent est inflationniste par nature. Avec davantage
d’argent pour s’offrir une quantité donnée de biens et services, les prix
de ces derniers ont tendance à augmenter.
La relative stabilité des prix que vous connaissez aujourd’hui est un
artefact de la déflation et de l’inflation qui agissent simultanément. Les
prix sont loin d’être stables, bien au contraire, on assiste à une situation
extrêmement instable. Imaginez que les forces de la déflation et de l’in-
flation sont deux équipes qui s’opposent au bras de fer.
À la fin, il n’y aura qu’un vainqueur, mais la bataille peut durer
longtemps avant qu’une équipe ne l’emporte. Si les banques centrales
39 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’ALERTE FINANCIÈRE QUE VOUS N’ÉTIEZ PAS CENSÉ ENTENDRE
spéculatif normal, mais serait tout autre. Au lieu d’avoir un but lucratif,
sa finalité serait de livrer une guerre financière.
Ce fonds pourrait se constituer des lignes de crédit et une crédibilité,
établir des contacts et des réseaux avec des grandes banques, puis, un
beau jour, inonder le marché d’ordres de vente sur un titre particulier.
Un fonds dormant comme celui-ci pourrait vendre de grands titres tels
que Google et Apple.
Il pourrait avoir recours aux options pour intensifier l’attaque, et il
ne le ferait pas un jour d’embellie. Pour créer encore plus de dégâts, il
pourrait décider de vendre un jour où les actions sont déjà en baisse de
3 ou 4 %, ou de 500 ou 600 points, puis spéculer sur des options afin de
semer la panique. En mettant le paquet, ce hedge fund dormant sèmerait
la panique puis disparaîtrait le lendemain, sans laisser de traces. Tout cet
argent serait réexpédié à Pékin ou dans son pays d’origine, quel qu’il soit.
Un hedge fund pourrait être constitué, financé et fonctionner normale-
ment pendant des années ou plus longtemps encore, jusqu’à ce qu’il attaque
un jour les marchés financiers américains. C’est l’un des scénarios qui pour-
raient se dérouler, et les États-Unis doivent vraiment se tenir sur leurs gardes.
■ L’effondrement du marché
Le cinquième scénario est celui d’un effondrement du marché. Cela
pourrait se produire de manière très soudaine et inattendue. Les forces
de l’inflation et de la déflation, dont nous avons parlé, ont besoin d’un
peu de temps pour se mettre en place, mais l’effondrement, lui, pourrait
arriver très rapidement et surprendre totalement les investisseurs. Nous
nous sommes déjà trouvés, au cours de ces seize dernières années, à
quelques heures ou à quelques jours d’un blocage financier mondial total
et d’un effondrement total des marchés.
47 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE CINQ SCÉNARIOS DE CRISE
La menace d’inflation
■ L’illusion monétaire
L’illusion monétaire, c’est comme lorsqu’un prestidigitateur tire des billets
de 100 $ d’un chapeau vide quelques instants auparavant. En fait, l’illusion
monétaire est un vieux concept économique qui a un énorme impact sur
les épargnants, les investisseurs et les entrepreneurs.
L’illusion monétaire est un tour de passe-passe – mais pas de ceux
qu’on montre au public. C’est une ruse des banques centrales qui peut
déformer l’économie et détruire votre richesse.
L’illusion monétaire, c’est la tendance qu’ont les individus à confondre
les prix réels et les prix nominaux. Elle se résume au fait que les gens ne
tiennent pas compte de l’inflation lorsqu’il est question de savoir s’ils sont
mieux nantis qu’avant. Les exemples abondent.
Supposons que vous êtes un ingénieur civil qui travaille pour une
société de gestion immobilière et gagne 100 000 € par an. On vous accorde
une augmentation de salaire de 2 %. Vous gagnez à présent 102 000 €
par an. La plupart des gens diraient que vous êtes plus riche après cette
augmentation. Or, si l’inflation est de 3 %, votre salaire de 102 000 € ne
vaut plus que 98 940 € en pouvoir d’achat.
Certes, vous avez eu une augmentation de 2 000 € en termes nomi-
naux, mais vous avez en fait subi une réduction de salaire de 1 060 € en
termes réels. La réalité, c’est que vous êtes plus pauvre parce que vous
avez perdu du pouvoir d’achat. La différence entre ce que vous percevez
et la réalité est ce qu’on appelle l’illusion monétaire.
L’illusion monétaire n’affecte pas seulement les salaires et les prix.
Elle affecte tout flux d’argent, y compris les dividendes et les intérêts.
Elle peut aussi affecter la valorisation des actions et des obligations. Si
l’on ne veut pas être victime de l’illusion monétaire, il faut ajuster toute
hausse nominale à l’inflation.
51 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
Supposons qu’en 2007, un client a acheté une maison pour 250 000 $
avec un apport de 50 000 $ et un prêt de 200 000 $ à un taux avantageux.
Aujourd’hui, la maison ne vaut plus que 190 000 $, soit une baisse de 24 %
de sa valeur, mais l’emprunt est encore de 200 000 $ parce que le taux
incitatif n’a rien changé à la valeur de l’amortissement.
Ce propriétaire est « insolvable » – sa maison vaut moins que le prêt
qu’il rembourse – et il a, de ce fait, dû drastiquement réduire ses dépenses.
Dans ce scénario, imaginons qu’il y ait un autre individu, un épargnant,
qui n’a contracté aucun emprunt et qui possède 100 000 $ à la banque. Il
ne perçoit aucun intérêt avec la politique de la Fed de taux d’intérêt nuls.
Supposons qu’un homme politique arrive et propose que le gouverne-
ment confisque 15 000 $ à l’épargnant pour les donner au débiteur pour
qu’il puisse rembourser son emprunt. À présent, l’épargnant ne possède
plus que 85 000 $ à la banque mais le débiteur, lui, possède une maison
de 190 000 $ avec un emprunt de 185 000 $, ce qui « remet à flot » le
débiteur et lui donne une perspective plus réjouissante.
L’épargnant est moins riche et le débiteur l’est plus, chacun à cause
du transfert des 15 000 $. Les Américains considéreraient ce type de
confiscation comme foncièrement injuste, et le politicien serait chassé de
la ville couvert de plumes et de goudron.
Maintenant, imaginez le même scénario sauf que, cette fois, le Réserve
fédérale orchestre une inflation de 3 % sur 5 ans, soit une inflation totale
de 15 %. L’épargnant possède toujours 100 000 $ à la banque mais, du fait
de l’inflation, cette somme ne vaut plus que 85 000 $ en pouvoir d’achat.
L’emprunteur est toujours redevable d’un emprunt de 200 000 $ mais
le fardeau de la dette n’est plus que 170 000 $ en termes réels après
inflation. Encore mieux, la valeur de la maison pourrait augmenter de
28 000 $ si elle suit le même rythme que l’inflation ; la maison vaudrait
alors 218 000 $ et cela donnerait au débiteur à nouveau un avoir immo-
bilier positif.
D’un point de vue économique, les deux cas reviennent au même. Dans
le premier cas, le transfert de richesse s’est fait par confiscation et, dans
le deuxième, il s’est fait par inflation.
53 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
L’épargnant est appauvri et le débiteur est enrichi dans les deux cas.
Pourtant, la confiscation est politiquement inacceptable, tandis qu’une
inflation de 3 % par an passe pratiquement inaperçue. En effet, l’inflation
est un impôt caché utilisé pour transférer de la richesse des épargnants
vers les débiteurs sans provoquer les désagréments politiques d’une réelle
augmentation des impôts.
Pourquoi les banques centrales comme la Fed appliquent-elles cette
politique d’illusion monétaire ? La réponse fait appel à une autre théorie
intellectuelle qui ne fonctionne pas dans le monde réel. La Fed pense
que les débiteurs insolvables ont un niveau de revenus inférieur aux
épargnants et aux investisseurs. Cela signifie que les débiteurs ont ce
qu’on appelle une propension marginale à consommer (PMC) plus élevée.
La PMC mesure la quantité d’argent que vous pouvez dépenser pour
chaque dollar que vous gagnez. Si vous gagnez 1 000 $ et décidez de
dépenser 50 $, votre PMC sera de 5 %. Si vous ne dépensez rien après
avoir obtenu 1 000 $ supplémentaires, votre PMC sera de 0 %.
Selon la théorie économique, les débiteurs les plus pauvres ont une
PMC plus élevée que les épargnants les plus riches. Cela signifie que,
si l’inflation transfère la richesse des épargnants vers les débiteurs, les
dépenses totales augmenteront parce que les débiteurs dépenseront
plus d’argent que ne l’auraient fait les épargnants. On dit que c’est au
bénéfice des débiteurs et des épargnants parce que les débiteurs gagnent
grâce à cette augmentation de richesse alors que les épargnants gagnent
grâce aux dépenses globales sous la forme d’emplois, de revenus des
entreprises et des actions. Cela fait que l’inflation est un phénomène
gagnant-gagnant.
Aussi parfaite que puisse sembler cette théorie, elle présente toutefois
de sérieuses failles. En mettant tous les épargnants dans le même sac,
cette théorie ne fait aucune distinction entre les épargnants réellement
riches et les épargnants de classe moyenne. Certes, il est probablement
vrai que si vous faites partie des épargnants les mieux lotis, votre PMC est
faible. Si vous consacrez une certaine somme aux vacances et aux grands
vins et que la Fed vous vole une partie de votre épargne via l’inflation,
54 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
catastrophiques une fois que ce que l’on appelle « les boucles de rétroac-
tion » et les changements de comportement prennent le pas.
Il n’existe aucune définition universellement admise concernant
l’hyperinflation. Mais l’un des indicateurs les plus couramment utilisés
considère que l’hyperinflation survient lorsque les prix augmentent de
50 % ou plus en un seul mois. Donc, si le litre d’essence coûte 0,80 $
en janvier, 1,20 $ en février et atteint 1,80 $ en mars, et si les prix des
produits alimentaires augmentent au même rythme, on considère qu’il
y a de l’hyperinflation.
Une fois qu’elle est amorcée, elle tend également à accélérer.
Par conséquent, la hausse mensuelle de 50 % devient rapidement
100 %, puis 1 000 %, etc., jusqu’à ce que la valeur réelle de la monnaie soit
totalement détruite. Passé ce stade, la monnaie cesse de fonctionner en
tant que monnaie et n’est plus bonne qu’à tapisser les murs ou à allumer
des feux de cheminée.
Nombre d’investisseurs partent du principe que l’inflation trouve son
origine lorsque les gouvernements activent la planche à billets. L’injection
de liquidités contribue à l’inflation, mais cette explication n’est pas suffi-
sante. L’autre ingrédient, essentiel, se situe dans la vitesse de circulation
de la monnaie. Si les banques centrales injectent de l’argent et que ce
dernier reste à la banque, sans être utilisé par les consommateurs, alors
l’inflation réelle peut rester faible.
C’est la situation des États-Unis aujourd’hui. La Réserve fédérale a
généré une expansion de la base monétaire de plus de 3 000 Mds$ depuis
2008. Mais cela n’a entraîné qu’une très faible inflation. C’est parce que
la vitesse de circulation de l’argent a chuté sur la même période. Les
banques prêtent peu, et les consommateurs ne dépensent pas beaucoup
de ce nouvel argent : il reste dans les banques.
C’est lorsque les consommateurs et les entreprises perdent confiance en
la stabilité des prix, et voient poindre l’inflation à l’horizon que l’injection
d’argent commence à se transformer en inflation, puis en hyperinflation. À ce
stade, la monnaie est bradée contre des produits de consommation courante
ou des actifs tangibles. C’est alors que la vitesse de circulation s’accélère.
58 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
de l’argent. Nous allons nous mettre à prêter tout cet argent. » Je ne suis
pas du tout d’accord avec tout cela. En fait, ce n’est pas correct.
La dynamique est différente de ce que pensent ces théoriciens. Le
véritable problème c’est que, pour obtenir de l’inflation, deux choses sont
nécessaires : la masse monétaire et la vitesse de circulation.
La vitesse de circulation, c’est simplement la vitesse de circulation de
l’argent. Si je sors ce soir et que je prends un verre au bar, alors je donne
un pourboire au serveur, et le serveur rentre chez lui en taxi, et le chauf-
feur du taxi met de l’essence dans sa voiture : cet argent a une vitesse de
circulation de trois. Le barman, le chauffeur de taxi et la station-service.
Mais si je reste chez moi et que je regarde la télévision, ou que j’achète
de l’or et que je le laisse dans son coffre-fort, cet argent a une vitesse de
circulation de zéro.
Le PIB nominal, la valeur brute nominale de tous les biens et services
au sein de l’économie américaine, c’est simplement la masse monétaire
multipliée par la vitesse de circulation. Il faut les deux pour provoquer
de l’inflation.
Il faut que la masse monétaire multipliée par la vitesse de circulation
soit supérieure au PIB. Alors, l’excédent se manifeste sous forme d’infla-
tion. Aujourd’hui, la Fed a fait s’envoler la masse monétaire et, pourtant,
la vitesse de circulation s’effondre. C’est tout le problème.
On ne va pas provoquer de l’inflation en imprimant plus ou moins
de billets ou en payant des intérêts sur les réserves excédentaires. Ce
qui provoquerait l’inflation, c’est un changement intervenant dans la
vitesse de circulation, ce qui est comportemental. C’est un changement
de psychologie. C’est ce qu’il faut rechercher. C’est ce que la Fed appelle
en réalité « les prévisions d’inflation ».
J’ai l’habitude de dire que si vous voulez de l’inflation, c’est comme
un sandwich jambon-fromage. Il vous faut le jambon et le fromage.
La planche à billets, c’est le jambon et la vitesse de circulation, c’est le
fromage.
Ce qu’il faut surveiller, c’est une modification des prévisions d’inflation
ou un changement de comportement. Cela peut arriver très vite, et voilà
62 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
C’est une belle image mais, en réalité, cela fonctionne via la réduction
de taxes gouvernementales, à commencer par la taxe sur les salaires. La
moitié des Américains ne payent pas d’impôt sur le revenu. Cela étonne
beaucoup de monde, mais c’est vrai. À l’inverse, presque tous les actifs
payent la taxe sur les salaires. En la réduisant, le gouvernement permet
à tout le monde d’empocher directement de l’argent car cette taxe touche
tout le monde.
Cette réduction de taxe augmente le déficit fédéral. Cependant, la
Fed dit au Trésor : « Eh ! Ne vous inquiétez pas. On vous protège. Allez
emprunter de l’argent pour combler le déficit et nous imprimerons de
l’argent. »
C’est un type d’impression de billets qui n’oblige pas à compter sur les
banques pour qu’elles accordent des prêts. Vous placez l’argent directe-
ment entre les mains des gens, grâce à cette réduction de taxes. Celle-ci
est financée par votre déficit, et vous imprimez de l’argent pour régler le
déficit. C’est ça l’helicopter money.
Si nous constatons l’existence, aujourd’hui, de plateformes de finance-
ment entre particuliers et de médias sociaux, alors nous verrons peut-être
arriver l’helicopter money en 2016.
Souvenez-vous, c’est une année d’élection et les hommes politiques
adorent les baisses d’impôt. Ce jeu n’est pas terminé car, au bout du
compte, le gouvernement doit obtenir de l’inflation. Et l’inflation n’arrive
pas. On essaye d’en avoir depuis 5 ans et on n’y arrive pas.
À présent, c’est la déflation, le danger le plus périlleux. Ce que j’essaye
d’expliquer aux investisseurs c’est qu’il ne faut pas penser à l’une ou à
l’autre. N’imaginez pas que nous allons avoir sans aucun doute de l’inflation
ou, sans aucun doute de la déflation. Imaginez que les forces de la déflation
et de l’inflation sont deux équipes qui s’opposent dans un bras de fer.
Au moment où j’écris, c’est la déflation qui l’emporte mais, tôt ou
tard, l’inflation pourrait commencer à prendre le pas. Et ce que j’essaye
de faire, avec Intelligence Stratégique, c’est de vous aider à comprendre
cette dynamique, à vous tenir informé et à faire des suggestions pour
votre portefeuille, afin que vous soyez gagnant quoi qu’il arrive.
66 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
extrême, survient plus vite que prévu, cela préservera la valeur nette de
votre argent.
Parallèlement, toutefois, il faut avoir une certaine protection contre la
déflation. Cela peut être des obligations, un revenu fixe et des liquidités.
Lorsque je recommande des liquidités aux investisseurs, beaucoup
d’entre eux me répondent : « Je déteste les liquidités. Elles n’offrent pas
de rendement. Elles restent dans un coin. Elles ne sont ni attractives, ni
intéressantes. »
Ils ne comprennent pas le rôle des liquidités. La première chose que
font les liquidités, c’est réduire la volatilité du reste de votre portefeuille.
Si les actions, l’or, les matières premières sont volatils, le fait que ayez des
liquidités réduira l’impact de cette volatilité. C’est un peu technique mais
c’est ce que cela fait. Grâce à cela, vous dormirez plus tranquille la nuit.
Les liquidités offrent également une bonne protection contre la défla-
tion. Souvenez-vous, en période de dévaluation, la valeur des liquidités
augmente. Elles ne rapportent pas de rendements, mais elles prennent
un peu plus de valeur chaque jour.
Le troisième point que vous offrent les liquidités, c’est d’avoir diffé-
rentes solutions et la possibilité de vous retourner. Vous n’aurez peut-être
pas toujours des liquidités, alors vous devriez envisager d’en acheter
maintenant.
Ainsi, vous êtes paré pour toute éventualité. Si la déflation prend le
pas, vous serez content d’avoir des obligations.
Si l’inflation prend le pas, vous serez content de détenir de l’or et
d’autres actifs tangibles.
Et si la confusion s’installe, vous serez content d’avoir des liquidités car
cela réduit votre volatilité et vous permet de sauter sur de bonnes affaires.
Si le marché s’effondre et que vous avez des titres dans une partie
de votre portefeuille, vous allez peut-être les perdre. Mais, comme vous
aurez des liquidités, vous pourrez acheter des actions à prix cassés. C’est
ce que font les investisseurs les plus doués. Ils se tiennent prêts à toute
éventualité.
70 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE D’INFLATION
La menace de déflation
Mais, bien que la Fed ait appliqué ces mesures depuis ces cinq dernières
années, l’inflation n’apparaît nulle part à l’horizon. La raison, c’est que les
tentatives de la Fed ont été contrées par une puissante force déflationniste,
la plus forte depuis 80 ans. Cette force n’est pas près de s’apaiser.
L’objectif d’inflation annoncé par la Fed est de 2 %. Mais, rappelez-vous,
en décembre 2012, elle avait annoncé que l’on pouvait s’attendre, raison-
nablement, à un objectif à court terme de 2,5 %. En privé, Charles Evans,
le président de la Réserve fédérale de Chicago, m’a confié que cela ne le
dérangerait pas d’avoir une inflation de 3,5 % sur une courte période.
Evans fait désormais partie du Comité de politique monétaire de la Fed
(Federal Open Market Committee, le FOMC), où il a le droit de vote. C’est le
comité qui élabore la politique menée par la Fed. Alors l’opinion d’Evans
représente quelque chose. Mais que la Fed fixe un objectif de 2 %, 2,5 %
ou 3,5 %, le fait est que l’inflation est loin de tels niveaux. Telle qu’on
la mesure aujourd’hui, elle tourne autour de 1 %, bien au-dessous des
objectifs. Au cours de ces cinq dernières années la Fed a tenté d’abaisser
ses taux, elle a utilisé les assouplissements quantitatifs, les forward
guidance (les anticipations pour orienter les acteurs économiques), les
guerres des devises et l’opération Twist : rien n’a fonctionné. Mick Jagger
avait bien raison.
Les raisons pour lesquelles la Réserve fédérale souhaite de l’inflation
sont simples. L’une est officielle, l’autre est officieuse. La raison exprimée,
c’est que la Réserve fédérale a besoin, de temps à autre, d’abaisser les taux
pour stimuler l’économie. Si les taux sont à zéro, il n’y a rien à abaisser.
Si vous avez 2 % d’inflation, vous pouvez avoir des taux d’intérêt
normalisés de 2,5 % ou plus. Cela permet à la Fed d’avoir quelque chose
à faire lorsque c’est nécessaire. Cette logique, c’est un peu comme si
quelqu’un vous disait qu’il va voler votre argent afin de pouvoir vous le
prêter plus tard. Mais la Fed espère que 2 % est un taux assez bas pour
que les investisseurs ne s’aperçoivent pas du larcin.
La raison non avouée, c’est que l’inflation réduit la valeur réelle de la
dette américaine. En ce moment, les États-Unis ont une dette publique
d’environ 18 000 Mds$, et un ratio dette/PIB le plus élevé depuis la fin de
81 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MENACE DE DÉFLATION
Ces derniers sont censés être aussi solides que l’or. Vous devez pouvoir
récupérer votre argent du jour au lendemain, si vous le souhaitez. Ce
changement signifie qu’au cours d’une crise, vous pouvez appeler votre
banquier et lui dire : « Je souhaite le remboursement de mes parts de
fonds monétaire. »
Et là, il vous répond : « Oui, vous et les 10 millions d’autres. Nous
suspendons les remboursements conformément à la nouvelle réglemen-
tation de la SEC. Vous n’avez pas lu la brochure que nous avons envoyée,
l’an dernier ? » Soyez conscient des dangers que court votre argent, même
dans des cadres traditionnellement considérés comme sûrs.
CHAPITRE 5
En pleine tempête
■ Le théorème de Bayes
Lorsque j’ai travaillé sur l’antiterrorisme, pour la CIA, nous étions
constamment confrontés à des problèmes qui ne pouvaient se résoudre
avec les informations existantes. C’est l’essence même du travail en
matière de renseignements : vous n’avez jamais assez d’information.
92 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE EN PLEINE TEMPÊTE
Après tout, si vous aviez toutes ces informations, vous n’auriez pas
besoin d’un service du renseignement. Un étudiant doué pourrait s’en
charger. Si les analystes du renseignement existent, c’est pour remplir les
vides et essayer de s’y retrouver dans un puzzle, même quand il manque
un certain nombre de pièces.
La CIA est divisée en deux principales sections : le service clandestin et
la section analytique. Le service clandestin représente le « collecteur ». On y
recrute des espions et on y rassemble des informations provenant d’endroits
difficiles d’accès. La section analytique prend l’information récupérée par les
collecteurs et tente d’établir des liens et de tirer des conclusions exploitables
afin de les remettre aux décideurs politiques, et notamment au Président.
Il en est de même pour l’analyse financière. Vous pouvez disposer de
beaucoup d’informations mais il vous en faut toujours plus. Certaines
des informations les plus importantes sont enfouies dans la gestion des
entreprises ou dans les conseils d’administration de la Réserve fédérale.
Elles ne sont pas facilement accessibles. En tant qu’investisseur, vous ne
pouvez pas vous permettre de simplement baisser les bras. Et deviner,
en général, ce n’est pas une bonne idée. Vous avez besoin d’une méthode
analytique, exactement comme le fait la CIA.
L’un des outils les plus puissants que nous utilisions dans la commu-
nauté du renseignement est désigné sous le terme de « causalité » ou
de « probabilité inverse ». Ces méthodes sont basées sur une équation
mathématique connue sous le nom de « théorème de Bayes ».
En gros, vous fondez une hypothèse sur l’expérience, le bon sens et
toutes les données disponibles. Ensuite, vous testez l’hypothèse, non par
ce qui s’est produit avant, mais par ce qui s’est produit ensuite.
Au lieu de raisonner d’une cause à un effet, vous inversez le processus.
Vous observez les effets pour déterminer la cause. Cela valide ou réfute
la « cause » que vous avez supposée.
Parfois, les effets contredisent l’hypothèse, auquel cas vous la modifiez
ou l’abandonnez et vous en adoptez une autre. Souvent, les effets confir-
ment les hypothèses, auquel cas vous savez que vous êtes sur la bonne
voie et vous continuez.
93 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE EN PLEINE TEMPÊTE
Je tiens à expliquer les raisons qui le justifient, car je n’aime pas écrire
quoi que ce soit d’un ton catégorique sans fournir d’éléments à l’appui.
Tout cela ne tombe pas du ciel.
De toute évidence, l’Arabie saoudite est le plus gros producteur de
pétrole au monde. Ils peuvent augmenter ou baisser l’offre. Ils sont tout à
fait conscients de ce que cela produit dans le reste du monde. Ils observent
la production de pétrole américaine et la fracturation (pétrole de schiste).
Ils observent également que les États-Unis sont à présent le plus grand
producteur d’énergie au monde et qu’ils sont tout près de devenir un
exportateur net de pétrole. Pourtant, même si nous reconnaissons à l’éco-
nomie américaine le mérite d’être plus forte que d’autres, le ralentissement
mondial est incontestable. Par conséquent, l’Arabie saoudite observe que
la demande faiblit. C’est quelque chose que vous apprenez lors de votre
premier cours d’économie : l’offre augmente à cause de la technologie de
fracturation, et la demande baisse à cause du ralentissement économique.
Lorsque l’offre est en hausse et que la demande est en baisse, les prix
baissent. C’est le B.A-BA de l’économie. Mais la véritable question est la
suivante : jusqu’où baissent-ils ?
Et quelles sont les intentions de l’Arabie saoudite à cet égard ?
S’ils ne peuvent chasser totalement la fracturation, ils ont au moins le
pouvoir de faire fermer les producteurs de pétrole de schiste et de les faire
sauter à pieds joints sur le frein. C’est à cette fin que l’Arabie saoudite fait
suffisamment baisser les prix, pour pénaliser les producteurs de pétrole
de schiste. C’est parce que les coûts de revient des producteurs de pétrole
de schiste sont plus élevés.
L’Arabie saoudite tire son pouvoir du fait qu’elle possède les coûts
marginaux les plus faibles en matière de production de pétrole. Cela ne
lui coûte que 2 ou 3 $ pour faire surgir du pétrole du sol. Ce pétrole a été
découvert, exploré, foré lors de la mise en place de toute leur infrastruc-
ture, il y a des dizaines d’années.
Comme leurs coûts marginaux de production ne sont que de quelques
dollars, ils parviennent encore à gagner de l’argent, même avec un baril
à 40 et 30 $. La question, c’est de savoir quel chiffre pénalise les produc-
100 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE EN PLEINE TEMPÊTE
taire ou qui que soit, me dit : « Bon, Jim, tu viens d’emprunter 200 M$.
Comment vas-tu rembourser cette dette ? »
Et je dirais : « Je vais vendre mon pétrole à 80 $ le baril ». Sur ce, la
banque répond : « Comment puis-je savoir si c’est vrai ? »
Alors, je vais voir Morgan Stanley, JP Morgan ou Citibank et j’achète
ce que l’on appelle un « contrat de swap ». C’est une sorte de dérivé.
Citibank, ou quelqu’un d’autre, accepte de me régler la différence entre
les 80 $ et le cours réel du pétrole. Si le cours du pétrole tombe à 50 $ et
que j’ai ce swap conclu avec Citibank, qui me garantit les 80 $, ils doivent
me payer les 30 $ de différence. Ainsi, j’ai verrouillé le cours à 80 $.
Ce n’est pas gratuit. Les producteurs de pétrole sacrifient la hausse
du cours. Si le pétrole brut grimpe à 150 $, ce sont eux qui payent la
différence aux prêteurs. Mais les sociétés pétrolières tentent de couvrir
la baisse du cours.
Les sociétés pétrolières sont protégées car, lorsque le cours du pétrole
tombe à 50 $, elles peuvent appeler la banque et dire : « Vous, la banque,
réglez-moi à nouveau les 30 $ par baril puisque nous avons conclu un
accord ». Et la banque devra les régler.
Via ce contrat dérivé, la perte se déplace à présent vers la banque.
Ce n’est pas la société pétrolière qui subit la perte. C’est ce qu’il se passe
avec le système financier mondial, aujourd’hui : vous ne savez jamais où
aboutit le risque.
Donc, la première itération, c’est que les sociétés pétrolières (pas
toutes), ont déplacé leurs risques vers les banques en concluant des
contrats dérivés.
Peut-être êtes-vous en train de vous dire : « Ah, alors les banques vont
subir toutes les pertes ».
Pas forcément. Les banques sont simplement des intermédiaires. Elles
ont peut-être bien accordé cette garantie à une société pétrolière et sont
donc tenues de régler cette différence de 30 $ de mon exemple, mais la
banque est peut-être allée vendre le contrat à quelqu’un d’autre. Et là,
c’est quelqu’un d’autre qui est tenu de régler la société pétrolière.
102 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE EN PLEINE TEMPÊTE
Qui cela pourrait bien être ? Ce pourrait être un ETF. Et cet ETF peut
se trouver dans votre portefeuille de titres. C’est là que c’est effrayant car
le risque ne cesse de se déplacer partout, fragmenté en mille morceaux.
Citibank, par exemple, peut conclure pour 5 Mds$ de ces contrats
dérivés avec toute une bande de sociétés pétrolières. Mais, ensuite, il est
possible que la banque répartisse ces 5 Mds$ en milliers de morceaux ou
en grosses parts de 10 M$ et qu’elle répande le risque dans un ensemble
de fonds obligataires, des ETF ou d’autres banques plus modestes.
Lorsque beaucoup de producteurs de pétrole sont allés négocier des
prêts, les modèles du secteur affichaient des cours entre 80 et 150 $. 80 $,
c’est l’extrémité basse pour, peut-être, les projets les plus efficaces. 150 $,
c’est l’extrémité haute, bien sûr. Mais aucune société pétrolière n’est partie
emprunter en supposant qu’elle pourrait emprunter à 50 $ le baril.
Alors tout à coup, nous nous retrouvons avec une masse de dettes que
les producteurs ne pourront pas rembourser avec l’argent qu’ils gagnent,
à 50 $ le baril. Cela signifie que ces créances ne seront pas récupérées.
Combien cela représente-t-il ? Là, il faut spéculer un peu.
Je pense que 50 % de ces créances pourraient être irrécupérables.
Mais soyons prudent et considérons qu’il ne s’agisse que de 20 %. Cela
représente des milliers de milliards de pertes qui n’ont pas été absorbés
ou été évalués sur le marché.
Revenons à 2007. Le montant total des subprime et des crédits hypo-
thécaires de type « Alt-A » représentait environ 1 000 Mds$. Les pertes
enregistrées dans ce secteur ont dépassé les 20 %. Dans ce cas, vous aviez
donc un marché de 1 000 Mds$ avec 200 Mds$ de pertes. Dans le cas
présent, nous parlons d’un marché d’environ 5 000 Mds$ dont 1 000 Mds$
de dettes non remboursées, sans compter les dérivés. Ce fiasco est plus
important que la crise des subprime qui a mis l’économie à terre en 2007.
Je ne dis pas que nous allons assister à une nouvelle panique de même
ampleur demain, j’essaye juste d’insister sur les pertes qui sont déjà
dans la nature. Même à 60 $ le baril, les pertes sont considérablement
plus importantes que lors de l’effondrement des subprime en 2007. Nous
sommes face à un désastre.
103 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE EN PLEINE TEMPÊTE
l’on gagne des emplois dans le secteur de la restauration et que l’on en perd
dans le secteur pétrolier, il n’est pas sûr que l’économie s’en porte mieux.
Ça, c’est la mauvaise nouvelle.
À partir de là, les choses se gâtent. Les cours du pétrole sont bas pour
deux raisons : la demande a ralenti en même temps que la croissance
mondiale, et l’offre a augmenté à cause du pétrole de schiste. Mais cette
production par fracturation coûte cher à développer, et énormément
d’argent a été levé sous forme de junk bonds. Lorsque ces junk bonds ont
été émises, les projets auxquels elles étaient adossées tablaient sur des
cours du pétrole se situant dans une fourchette de 80 à 130 $ le baril.
Avec un cours du pétrole entre 45 et 55 $ le baril, ces projets ne sont plus
rentables et il faut s’attendre à des défauts de paiement fin 2015 ou début
2016. Qui détient cette dette ? Une partie se trouve peut-être dans le plan
d’épargne retraite des Américains, ou dissimulée dans un fonds obligataire
« à haut rendement ». C’est quelque chose que vous devez vérifier. Que cette
dette soit détenue par vous, votre voisin ou la banque de l’autre côté de la
rue, ce qui compte c’est qu’elle est détenue par des personnes et que ces
détenteurs sont confrontés à une vague de défauts de paiement qui menace.
Enfin, nous devons étudier l’impact de cette chute rapide des cours
du pétrole sur la Réserve fédérale et sur la politique monétaire améri-
caine. La Fed veut atteindre les 2 % d’inflation. Actuellement, l’inflation
est au-dessous de cet objectif et baisse rapidement. Les indices des prix
révèlent une nette déflation, soit le contraire de ce que souhaite la Fed.
Lorsque la Fed observe les données des prix, elle se concentre sur
l’inflation « structurelle », ce qui ne tient pas compte de l’incidence des
coûts alimentaires et énergétiques, car ces derniers sont très volatils et ont
tendance à suivre l’inflation structurelle sur de très longues durées. Vous
pouvez ignorer les pics et les plongeons des prix de l’énergie car, en général,
ils ne représentent que des épiphénomènes qui se lissent sur une année.
En fait, cette approche s’appuie sur des preuves empiriques assez
bonnes, ce qui explique que la Fed s’en serve.
Mais que se passe-t-il si la chute des cours du pétrole n’est pas simple-
ment anecdotique ? Que se passe-t-il si elle dure des années parce qu’elle
109 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE EN PLEINE TEMPÊTE
Ce sont les bonnes questions à se poser. À présent, nous avons les deux
phénomènes en même temps : un versant de montagne plus volumineux
et instable, et toujours plus de neige qui tombe du ciel. Cela signifie que
nous devons prendre en compte plus de flocons.
Dans le sérail
de la Réserve fédérale
rien n’est plus important. Mais j’aimerais bien que ce ne soit pas vrai.
J’aimerais bien que les banques centrales redeviennent ces institu-
tions marginales, ennuyeuses et opaques qui s’occupaient de la masse
monétaire et jouaient le rôle de prêteur en dernier ressort, au lieu de
ces monstruosités qui semblent manipuler et envahir tous les recoins de
tous les marchés du monde. Mais, malheureusement, c’est ce à quoi nous
avons droit à l’heure actuelle.
Lorsque la Fed manipule le dollar et les taux d’intérêt du dollar, elle
touche directement et indirectement tous les marchés du monde : les titres,
l’or, l’immobilier, les autres produits de bases, les junk bonds, l’endettement
des entreprises, etc. Par conséquent, et même si j’aimerais bien que ce
ne soit pas le cas, la grande question, c’est de comprendre quelle est la
prochaine étape, pour la Fed.
Prenons deux scénarios. Que se passe-t-il si la Fed relève les taux ? Et
que se passe-t-il si elle ne le fait pas ?
Je vais répondre aux deux questions directement mais, avant tout, j’ai-
merais vous faire un petit rappel historique pour vous aider à comprendre
ce qui se cache derrière ce débat. C’est certain, la Fed a bien indiqué qu’elle
avait l’intention de relever les taux et c’est ce à quoi s’attendent les marchés.
Dans le monde entier, les titres sont évalués comme si la Fed allait
relever les taux. De toute ma carrière, je n’ai jamais rien vu s’annoncer
avec autant de fanfares et de publicités. C’est qu’il y a une bonne raison.
La dernière fois que la Fed a relevé les taux, c’était en 2006.
En ce qui concerne la baisse des taux, ces derniers ont touché le fond
fin 2008 en arrivant à zéro. Et, depuis, ils y sont restés. Cela fait donc 6,5
ans que les taux sont à zéro. Mais il faut remonter à 2 ans avant cette date
pour retrouver un relèvement des taux. À ce stade, cela fait donc 9 ans.
C’est une durée relativement longue sans aucun relèvement des taux et
on a peut-être oublié les désagréments que cela peut entraîner.
J’intervenais sur les marchés en 1994 lorsque la Fed a relevé les taux
et qu’il y a eu une catastrophe. Nous avons assisté à la faillite du comté
d’Orange en Californie. Par ailleurs, des établissements ont mis la clé sous
la porte. Ce fut un massacre sur le marché obligataire.
123 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE DANS LE SÉRAIL DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE
Même Janet Yellen a fini par déclarer que les taux ne seraient pas
relevés en mars. Dans la foulée, les adeptes des mois d’avril et de juin
sont apparus, puis ceux de juillet. Toutefois, il se dit de plus en plus que
la remontée des taux n’interviendra pas avant septembre… ou même
décembre. Bill Gross a déclaré dernièrement qu’il s’attendait à ce que cela
intervienne en décembre. Quelle est la différence entre décembre 2015
et janvier 2016 ? Pas grand-chose.
Les doutes commencent à grandir, actuellement sur le fait qu’il y ait un
relèvement des taux tout court. C’est en me basant sur ce que les données
révèlent que je pense que les taux ne seront pas relevés. Je n’ai pas de
boule de cristal et je n’écoute pas aux portes du Conseil de la Fed. Je me
base sur ce que dit la Fed, elle-même.
Et elle dit que la décision dépend des données. Si vous étudiez les
données, elles sont plutôt faibles. Je sais que nous avons eu ce PIB génial,
[aux États-Unis] au troisième trimestre 2014, mais cela a fait beaucoup
de bruit et il ne semble pas qu’il soit soutenu. Le quatrième trimestre a
été beaucoup plus faible et le premier trimestre 2015 encore plus. Nous
ne constatons toujours aucune impulsion sur cet élément auquel Janet
Yellen est si attentive : les salaires réels. Les salaires réels stagnent.
Souvenez-vous que la Fed a un double mandat : la réduction du
chômage (ou la création d’emplois, selon la façon dont vous voulez
l’exprimer) et la stabilité des prix. Parfois, certaines choses sont conflic-
tuelles et la Fed doit jeter un petit coup de dé sur l’inflation afin de créer
des emplois. D’autres fois, elle doit réprimer la création d’emplois pour
atténuer l’inflation.
Vous ne pouvez pas toujours avoir les deux en même temps, mais parfois
c’est possible. Quelle est la donnée autour de laquelle les deux mandats
se rejoignent ? Les salaires réels représentent l’un des éléments qui vous
renseignent sur ces deux facteurs. Si les salaires réels augmentent, cela
constitue l’un des principaux indicateurs d’inflation, mais cela vous dit
également que le marché du travail est en très bonne santé. En effet, les
employés ne peuvent obtenir d’augmentation de salaire ou la demander à
leur patron (ou à leur société), que si le marché du travail leur est favorable.
128 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE DANS LE SÉRAIL DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE
l’or et les actions grimpent en même temps pour la même raison, à savoir
que la Fed n’a aucun moyen de se sortir de ce dilemme.
■ Mes prévisions
Quand on veut dégager une perspective, il est toujours préférable d’en
connaître le point de départ et de se projeter à partir de là. Je pense que
la plus grande surprise que nous réserve pour la fin 2015, c’est que la Fed
ne relèvera pas ses taux.
À l’heure actuelle, les marchés s’attendent tous à ce que la Fed relève
les taux d’intérêt. La seule question qui se pose, c’est « à quel moment ».
Mais je n’entends personne déclarer que la Fed ne relèvera pas du tout
les taux en 2015. Pourtant, c’est ce à quoi je m’attends.
Peut-être ne verrons-nous même pas une hausse de ces taux en 2016.
Mais c’est une autre histoire. Jetons un regard sur 2015 et voyons pourquoi
c’est ce que je crois…
La Fed dit deux choses en ce moment. Elle dit que l’économie améri-
caine est en train de se renforcer et qu’elle souhaite normaliser les taux
d’intérêt. Disons qu’ils ont indiqué en jouant avec les mots qu’ils allaient
relever les taux en 2015. C’est ce à quoi les marchés s’attendent.
Cela explique pourquoi le dollar est si fort. Les gens pensent que l’Eu-
rope va injecter plus d’argent et que la Fed va relever les taux ou opérer un
resserrement. En tant qu’investisseur, et dans un tel contexte, il vaudrait
mieux traiter en dollar car vous obtiendrez des rendements plus élevés.
Mais je pense que beaucoup de gens n’ont pas vu que les données
communiquées sont insuffisantes. En fait, nous avons perdu des emplois à
temps plein et créé des emplois à temps partiel. Si vous avez un emploi à
25 $ de l’heure, 40 heures par semaines, cela représente 50 000 $ par an.
Si vous avez un emploi à 10 $ de l’heure, 40 heures par semaines, cela
représente 10 000 $ par an. Alors cela fait une énorme différence. Nous
perdons des emplois à 50 000 $ et nous récupérons des emplois à 10 000 $.
Je n’ai rien contre les emplois à 10 000 $. Je suis sûr que les gens sont
contents de les avoir. Mais ce n’est pas ce qui va faire avancer l’économie.
130 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE DANS LE SÉRAIL DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE
L’autre problème, c’est le dollar fort. Le dollar augmente car les gens
pensent que la Fed va relever ses taux, mais un dollar fort est déflation-
niste. La Fed n’a cessé de répéter qu’elle souhaitait de l’inflation.
Ils nous l’ont dit. Ils disent qu’ils veulent une inflation à 2 %. Et, parfois,
ils disent 2,5 %… Et en privé, les responsables de la banque centrale
m’ont dit que cela ne les dérangerait pas si l’on avait 3 à 3,5 % d’inflation.
Mais l’inflation que nous avons est à zéro ou négative.
Des signes de déflation apparaissent.
Alors, voici les éléments du décor : la Fed déclare qu’elle souhaite
relever ses taux… et qu’elle veut de l’inflation, aussi. Mais la déflation est
plus forte, et si les taux sont relevés, il y aura plus de déflation.
Alors, comment cela peut-il marcher ? Réponse : cela ne marche pas,
car ces trois éléments sont incompatibles.
Il n’existe que deux moyens d’en sortir. L’un, c’est que la Fed relève
bien les taux : souvenez-vous, c’est ce à quoi s’attend le marché. Dans ce
cas, attention, nous allons avoir une énorme récession. Selon ce scénario,
l’économie américaine se précipiterait tout droit dans la récession, une
nouvelle fois, car les forces déflationnistes sont trop fortes. Relever les
taux renforce le dollar, cela aggrave la déflation.
Cependant, je pense que la Fed saura le voir. Elle fera marche arrière
et ne relèvera pas les taux. Donc, ce que je pense, contrairement à ce que
la plupart des gens disent sur le marché, c’est que la Fed ne relèvera pas
les taux en 2015.
Mais en ce moment même, le marché pense qu’elle va le faire, alors
il peut se préparer à recevoir un choc.
Le marché pourrait partir à la hausse en ce qui concerne le pétrole, l’or
et les actifs tangibles. Il est possible que l’euro se renforce également et
que le dollar chute. Là encore, actuellement, le marché s’attend à tout le
contraire. Il s’attend à voir un dollar fort et à l’affaiblissement de l’or et du
pétrole. Mais c’est parce que tout le monde pense que la Fed va relever les
taux. Si elle ne le fait pas, comme je le pense, alors le marché va basculer.
CHAPITRE 8
Les guerres des devises représentent l’une des dynamiques les plus
importantes au sein du système financier mondial d’aujourd’hui. Bien
sûr, j’ai commencé à parler de ce thème il y a 1 an, dans mon premier
livre, Currency Wars. Mon propos, alors, était le même qu’aujourd’hui :
le monde n’est pas perpétuellement en guerre des devises mais, lorsque
c’est le cas, celles-ci peuvent durer au moins 5, 10, 15, voire 20 ans. Elles
peuvent durer très longtemps. Nous avons connu trois guerres des devises
au cours des cent dernières années.
La première guerre des devises a duré de 1921 à 1936. Elle a réelle-
ment commencé avec l’hyperinflation de Weimar, suivie d’une période
de dévaluations monétaires successives.
En 1921, l’Allemagne a détruit sa monnaie. En 1925, la France, la
Belgique et d’autres ont fait la même chose. Que s’est-il passé, à cette
époque, avant la Première Guerre mondiale, en 1914 ? Longtemps
auparavant, le monde fonctionnait avec ce que l’on appelait l’étalon-or
classique.
Si la balance commerciale était déficitaire, il fallait régler ce déficit
en or. Si la balance commerciale était excédentaire, on achetait de l’or.
L’or était le régulateur de l’expansion et de la contraction des économies
nationales. Il fallait être productif, chaque pays devant profiter de ses
avantages relatifs et disposer d’un bon environnement commercial afin
de pouvoir réellement injecter de l’or dans le système, ou du moins éviter
de perdre l’or qu’il détenait. C’était un système très stable qui favorisait
énormément la croissance ainsi qu’un faible taux d’inflation.
Ce système a été mis de côté en 1914 car les pays avaient besoin d’im-
primer de l’argent pour mener la Première Guerre mondiale. Lorsque cette
132 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
dernière s’est achevée et que le monde a abordé les années 1920, les états
voulaient revenir à l’étalon-or mais ne savaient pas trop comment faire.
En 1922, une conférence fut organisée à Gêne, en Italie, afin de
débattre de ce problème. Avant la Première Guerre mondiale, le monde
avait fonctionné initialement avec la parité.
Il existait une certaine quantité d’or et une certaine quantité de
monnaie-papier adossée à l’or. Ensuite, la masse de monnaie-papier a
doublé.
Si les états souhaitaient revenir à l’étalon-or, il ne restait que deux
solutions. Ils pouvaient doubler le cours de l’or : en gros, diviser par deux
la valeur de leur monnaie, ou bien diviser par deux leur masse monétaire.
Ils pouvaient faire l’un ou l’autre mais il fallait fixer une parité selon le
niveau d’avant-guerre ou celui d’après-guerre.
Les Français ont dit : « C’est facile. Nous allons diviser par deux la
valeur de la monnaie. »
C’est ce qu’ils ont fait.
Si vous avez vu le film de Woody Allen, Minuit à Paris, il dépeint des
expatriés américains menant un train de vie élevé, en France, au milieu
des années 1920. Cela s’est vraiment passé ainsi à cause de l’hyperinflation
qui sévissait en France et qui fut assez désastreuse, sans toutefois l’être
autant que l’hyperinflation de Weimar. Avec une petite somme en dollar,
vous pouviez vivre comme un roi, en France.
Le Royaume-Uni a dû prendre la même décision, mais le pays a procédé
différemment de la France : au lieu de doubler le cours de l’or, il a divisé
par deux sa masse monétaire. Il est revenu à la parité d’avant-guerre.
Cette décision a été prise par Winston Churchill, Chancelier de l’échiquier
à l’époque, et elle s’est avérée extrêmement déflationniste.
Ce qu’il faut retenir, c’est que lorsque l’on double la masse monétaire,
ce n’est peut-être pas de gaîté de cœur, mais une fois que c’est fait, il faut
bien admettre et reconnaître que la monnaie est détruite.
Churchill, lui, pensait qu’il était de son devoir de revenir à l’ancienne
valeur de la livre. Il a divisé par deux la masse monétaire et cela a jeté le
Royaume-Uni dans une dépression 3 ans avant le reste du monde. Lorsque
133 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
Nous avons vécu trois récessions successives : 1974, 1979 et 1980. Nos
marchés boursiers se sont effondrés en 1974. Le chômage s’est envolé,
l’inflation a échappé à tout contrôle entre 1977 et 1981 (aux États-Unis,
à cette époque, l’inflation était de 50 %) et la valeur du dollar a baissé
de moitié.
Une fois encore, la leçon tirée des guerres des devises est la suivante :
elles ne produisent pas les résultats escomptés, à savoir développer
les exportations et l’emploi et produire de la croissance. Ce qu’elles
produisent, ce sont des déflations et des inflations extrêmes, des réces-
sions, des dépressions ou des catastrophes économiques.
Cela nous amène à la troisième guerre des devises, celle qui a
commencé en 2010.
Vous remarquerez que j’ai sauté la période de 1985 à 2010 : une période
de 35 ans. Que se passait-il, alors ?
C’était ce que l’on appelle l’ère du « roi-dollar » ou de la politique du
« dollar fort », une période de très bonne croissance, avec une bonne
stabilité des prix et de bonnes performances économiques partout dans
le monde.
Il ne s’agissait pas d’un système basé sur l’étalon-or ou sur des règles
[en particulier]. La Fed observait bien le cours de l’or, mais comme un
baromètre lui permettant de voir comment se passaient les choses.
En gros, les États-Unis disaient au monde : « Nous ne fonctionnons
pas avec un étalon-or, nous fonctionnons avec un étalon-dollar. Nous,
les États-Unis, nous sommes d’accord pour maintenir le pouvoir d’achat
du dollar et, vous, nos partenaires commerciaux, vous pouvez vous relier
au dollar ou planifier vos économies autour d’un peg (arrimage) avec
l’étalon-dollar. Cela nous permettra d’avoir un système stable. »
Cela a réellement fonctionné jusqu’en 2010, date à laquelle les États-
Unis ont « déchiré cet accord » et, en gros, déclaré la troisième guerre
des devises. C’est ce qu’a fait le président Obama, lors de son discours sur
l’état de l’Union, en janvier 2010.
Et voilà où nous en sommes, et cela continue encore. Cela ne me
surprend pas. Lorsque de nombreux journalistes constatent, disons, la
135 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
Réserve fédérale. Nous avons déclaré à l’Iran : « Vous ne faites plus partie
de ce système, et vos banques non plus. Toute banque suisse ou toute autre
banque étrangère faisant des transactions avec vous sera également exclue. »
C’est ainsi que les États-Unis forcent d’autres banques à suivre leur
politique : en leur disant qu’elles ne peuvent exercer des activités aux
États-Unis à moins d’obtempérer.
L’Iran a déclaré : « Parfait, nous fixerons le prix du pétrole que nous
exportons en euro. Nous n’avons pas besoin de vos dollars et nous n’avons
pas besoin de votre système de paiement. »
Il existe un autre système de paiement, encore plus important, en
Europe, appelé SWIFT (Society for Worldwide Interbank Funds Transfers)
et nous pouvons payer en euro, en yen, en dollar australien ou dans toute
autre monnaie de réserve.
Alors, les États-Unis ont réuni leurs alliés et les ont convaincus d’ex-
clure l’Iran du système SWIFT. Là, les Iraniens étaient vraiment coincés.
Ils pouvaient expédier du pétrole mais ils ne pouvaient recevoir de paie-
ment en contrepartie, du moins pas dans toutes les devises qu’ils auraient
voulues Ils ont commencé à adopter des solutions de contournement, en
achetant des quantités colossales d’or à la Turquie, afin d’organiser un
troc or/importation. Ils ont vendu du pétrole à l’Inde, par exemple.
L’Inde pouvait régler l’Iran en roupie, les déposer dans un compte
bancaire à leur intention, en dehors du système de paiement décrit
plus haut. Mais alors, les Iraniens se retrouvaient avec des roupies : que
pouvaient-ils en faire ?
Vous pouvez toujours acheter des choses en Inde, mais je ne suis pas
certain que les Iraniens aient d’énormes besoins en curry. Les commer-
çants indiens se sont montrés très inventifs. Comme la roupie est une
monnaie convertible en dollar, ils obtenaient ces derniers, importaient
des marchandises en Inde et les envoyaient en Iran, payables en roupie
qu’ils reconvertissaient en dollar en prenant des marges tout le long. Pour
l’Iran, c’était très coûteux mais cela a fonctionné.
Par conséquent, les Iraniens eux-mêmes ont essayé de sortir leur argent
des banques car il y avait un marché noir du dollar, dont une partie
141 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
cuisante leçon sous prétexte qu’un beau matin, Angela Merkel se lève du
mauvais pied et décide de se battre avec le ministre des finances grec.
Pour un investisseur se basant sur l’analyse fondamentale, il n’est pas
possible d’ignorer les macro-événements mondiaux, car ces choses ne
disparaissent pas : en fait, elles s’aggravent.
■ Le pétrodollar
Bien sûr, il s’est passé deux ou trois événements nouveaux. J’ai évoqué
qu’en décembre 2013, le président Obama avait serré la main des Iraniens
puis s’était engagé dans des négociations : des pourparlers directs pour
la première fois depuis 1979.
En fait, Obama a conféré à l’Iran le rôle d’hégémon régional au sein
du golfe Persique. L’Arabie saoudite l’a interprété comme un coup de
couteau dans le dos.
Les relations États-Unis/Arabie saoudite remontent aussi loin que les
années 1940. Mais plus particulièrement, au milieu des années 1970,
un célèbre accord a été conclu, en quelque sorte, entre Henry Kissinger
(principal conseiller à la sécurité nationale et Secrétaire d’État des prési-
dents Nixon et Ford) et le roi saoudien.
Cet accord stipulait que les Saoudiens étaient d’accord pour fixer le
prix du pétrole en dollar. Ils n’étaient pas obligés de le faire. Ils auraient
pu dire : « Nous prendrons l’or. » D’autres devises existaient à l’époque
comme le deutsche mark, le franc français et le yen japonais. Mais ils
ont déclaré : « Nous n’accepterons que des dollars pour notre pétrole. »
Cela a soutenu le dollar.
Les États-Unis leur ont accordé une garantie sur leur sécurité nationale
afin de les protéger. Nous avons respecté cette garantie en 1991 lorsque
Saddam Hussein a envahi le Koweït et menacé l’Arabie saoudite : les USA
ont riposté avec force.
Cet accord est intervenu il y a plus de 40 ans. Il a été déchiré rompu
en décembre 2013. Je le répète, les Saoudiens l’ont pris comme un coup
de couteau dans le dos. Voici ce que les États-Unis ont dit à l’Iran : « Non
143 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
seulement vous êtes une puissance régionale, mais nous allons vous laisser
poursuivre votre programme d’armement nucléaire. » Imaginez comment
cela a été vécu, du point de vue de l’Arabie saoudite.
Ils n’ont rien fait de spectaculaire encore mais ils ont réévalué cette
relation « pétrodollar ». Si les Saoudiens décident la chose suivante :
« OK, si vous ne nous soutenez pas, si vous ne protégez pas notre sécurité
nationale, alors pourquoi devrions-nous soutenir votre devise et ne pas
décider de fixer le prix de notre pétrole en euro ou peut-être en yuan ou
d’autres devises, pour ceux qui achètent réellement le pétrole saoudien ? »
Cela réduirait considérablement le soutien dont bénéficie le dollar.
Cette guerre financière, comme je le dis, est de plus en plus persuasive.
Bien sûr, le dernier événement sur lequel je veux attirer votre attention,
concerne ce qu’il se passe en Ukraine.
La Russie a annexé la Crimée. Je pense qu’il s’agit d’un fait accompli, et
que la Russie n’a aucune intention de se retirer. Aux États-Unis, personnes
ne pense, que ce soit à gauche, à droite ou au centre, que les États-Unis,
l’État américain auraient dû riposter par une intervention militaire de
type traditionnel. Nulle bottes de soldat ne résonnera sur ce territoire,
nous n’allons pas lancer la 82e division aéroportée sur Sébastopol.
Que faire, alors ? Il ne s’agit pas de hausser les épaules et de faire
comme s’il ne s’était rien passé. Alors, bien entendu, les États-Unis
appliquent immédiatement des sanctions économiques, qui constituent
un type de guerre financière. Au moment où c’est arrivé, j’ai déclaré la
chose suivante (et je le dis depuis) : « Ces sanctions financières ne vont
pas aller bien loin. »
Pour quelle raison ?
Voilà qui nous ramène aux années 1960 et 1970 et à une doctrine
appelée « destruction mutuelle assurée » (DMA), ou la doctrine DMA.
Peut-être vous en souvenez-vous.
En réalité, c’est encore vrai, bien que l’on en parle beaucoup moins
aujourd’hui. À l’époque, les États-Unis avaient suffisamment de missiles
nucléaires pour détruire la Russie. La Russie, ou l’Union soviétique, avait
également suffisamment de missiles pour détruire les États-Unis.
144 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
Immédiatement après que le vote ait été rendu public, le dollar améri-
cain s’est envolé face au yen. Les actions japonaises ont flambé. La banque
centrale du Japon file tout droit vers la destruction monétaire…
Mes recherches concernant les banques centrales et les guerres des
devises indiquent qu’au cours des mois à venir, le yen va continuer de
s’affaiblir face au dollar américain.
Kuroda suit aveuglément ses convictions, à savoir qu’il peut révolu-
tionner la psychologie inflationniste qui sévit au Japon. Il a pris les rênes
de la banque centrale du Japon début 2013, en jurant qu’il allait doper
l’inflation et les perspectives d’inflation. Il s’est immédiatement lancé
dans des assouplissements quantitatifs d’une ampleur jamais constatée
auparavant dans le monde : deux fois plus importants, en termes de PIB,
que le QE3 de la Réserve fédérale. La banque centrale du Japon s’est
engagée à acheter pour 1 400 Mds$ d’obligations d’États japonaises sur
la période 2013-2014, en faisant fonctionner la planche à billets.
Dans The Death of Money, j’ai écrit la chose suivante : « La Banque du
Japon a été explicite en ce qui concerne son objectif d’augmenter l’inflation
afin d’augmenter le PIB nominal, si ce n’est le PIB réel. La banque centrale
du Japon a clairement fixé un objectif d’inflation à 2 %, à atteindre le
plus rapidement possible. »
Kuroda est de plus en plus désespéré. Le plan précédent visant à
gonfler la base monétaire du Japon n’a pas suffi pour produire ce choc
et doper les perspectives d’inflation. Alors Kuroda a cherché à accélérer
l’impression de la monnaie, obtenu les votes et annoncé son changement
de politique le 31 octobre.
La Banque du Japon s’est tellement engagée dans la voie de la destruc-
tion monétaire qu’à présent, elle est la seule à enchérir sur le marché des
obligations d’État japonaises. Le volume de transactions des obligations
d’État japonaises s’est effondré. Avec une main-d’œuvre qui diminue, une
baisse de compétitivité et une dette nationale qui exige un taux d’intérêt
à zéro, une part de plus en plus importante du marché des obligations
d’État japonaises sera convertie en dépôts en espèces. La masse monétaire
du yen va continuer d’augmenter.
152 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES GUERRES FINANCIÈRES ET DES DEVISES ACTUELLES
nouvelle pour ceux qui investissent dans l’or, c’est que le cours grimpera
dans les deux cas, comme nous l’avons vu dans les années 1930 et 1970.
Toutefois, il faut se montrer patient.
Ces tendances prennent des années à se réaliser et les politiques
fonctionnent avec un décalage. En attendant, les investisseurs peuvent
se servir des revers constatés récemment afin d’acquérir de l’or à un prix
séduisant tout en attendant que l’inévitable augmentation des cours se
produise.
Tout au long de 2014, les cours de l’or ont suivi de près ceux de l’indice
des matières premières, comme l’on pourrait s’y attendre. La tendance des
deux cours était à la baisse, ce qui reflète une forte tendance déflationniste
qui a commencé à prendre le pas l’an dernier.
Mais, en novembre, cette corrélation s’est rompue et l’or a commencé
à s’écarter de façon abrupte de l’indice général.
Ce n’est pas le seul phénomène significatif qu’ait connu l’or en fin
d’année dernière. Comme le montre ce graphique, le rythme des expédi-
tions d’or sorties de la Réserve fédérale de New York a fortement augmenté
en octobre et en novembre. Au cours de ces deux seuls mois, plus de
90 tonnes d’or sont sorties de la Fed pour rejoindre leurs propriétaires de
droit à l’étranger. Cela représente plus de la moitié du total des expéditions
d’or réalisées sur toute l’année. Gardez à l’esprit qu’avant 2012, quasiment
165 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’OR : LE MARCHÉ HAUSSIER N’EST PAS TERMINÉ
Seuls trois actifs essentiels ont augmenté au cours de ces six derniers
mois : le dollar US, le franc suisse et l’or. La corrélation dollar/or s’est
révélée la plus frappante car ces deux éléments étaient inversement
corrélés depuis 2011, le dollar se renforçant et le dollar s’affaiblissant.
Soudain, l’or et le dollar se sont renforcés l’un et l’autre par rapport aux
matières premières, à l’euro, au yen, au yuan et à la plupart des unités
de mesure de la richesse.
À l’aide de nos modèles de causalité, nous tirons une conclusion provi-
soire selon laquelle l’or se comporte à nouveau comme une monnaie. Cela
constitue peut-être un premier signe d’avertissement de l’effondrement du
système monétaire international, résultant d’une déflation et de guerres des
devises persistantes. Les investisseurs se reportent vers des valeurs refuges,
parmi lesquelles le dollar, l’or et le franc suisse figurent en tête de liste.
Toutefois, les informations réunies, ainsi que les modèles de causalité,
suggèrent que quelque chose de plus profond est peut-être en train de se
passer. Les acquisitions d’or effectuées par la Russie et la Chine durent
depuis des années. Nos lecteurs connaissent bien l’histoire.
Mais ces acquisitions ont désormais atteint le stade où la Russie et
la Chine doivent avoir leur place à toutes les nouvelles conférences
monétaires internationales. Ces deux pays ont rattrapé les États-Unis en
termes de ratio or/PIB, qui est si crucial. Pourtant, la Russie et la Chine
poursuivent leurs énormes acquisitions d’or. Se passerait-il autre chose ?
Au minimum, la Russie et la Chine utilisent l’or pour protéger la
valeur en dollar de leurs réserves primaires. Dans le cas de la Chine, ces
réserves sont composées de 3 000 milliards de titres obligataires du Trésor
américain et d’autres titres obligataires libellés en dollar. Dans le cas de
la Russie, ces réserves sont composées de pétrole et de gaz naturel dont
les cours sont établis en dollar sur les marchés internationaux.
Pour la Chine, la protection est simple. Si les États-Unis gonflent la
valeur du dollar, la Chine sera perdante sur les titres obligataires qu’elle
détient mais elle réalisera d’importants bénéfices sur l’or. Pour la Chine,
convertir une portion de sa réserve de dollars en or, constitue une bonne
protection par rapport à son exposition au dollar.
167 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’OR : LE MARCHÉ HAUSSIER N’EST PAS TERMINÉ
■ La manipulation de l’or
Lorsqu’ils pensent à l’or, beaucoup de gens le considèrent comme un
pourcentage des réserves nationales d’un pays. Ils sont surpris d’apprendre
que les États-Unis possèdent 70 % de leurs réserves en or. Parallèlement,
l’or ne représente que 1 %, environ, des réserves de la Chine. Les gens
l’interprètent comme un déséquilibre. Mais, à mon avis, ces chiffres ne
sont pas très significatifs, pour la bonne raison que les réserves déte-
nues par un pays représentent un mélange d’or et de devises dures, ces
dernières pouvant être sous forme d’obligations ou d’autres actifs. Les
États-Unis n’ont pas besoin d’autres devises. Nous imprimons des dollars,
alors pourquoi aurions-nous besoin de détenir des euros et des yens ?
Les États-Unis n’ont pas besoin de ces devises, alors il est logique que
ce pays possède un important pourcentage de ses réserves en or. La Chine,
d’un autre côté, a des besoins en devises étrangères plus importants.
La meilleure mesure, à mon avis, est de considérer les avoirs en or d’un
pays en tant que pourcentage du PIB. Le PIB permet de se représenter
169 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’OR : LE MARCHÉ HAUSSIER N’EST PAS TERMINÉ
En fait, il règne une telle instabilité dans le système, avec les dérivés et
l’endettement, que nous n’allons pas atteindre cet objectif. Le dénouement
ne sera pas heureux. Le système va s’effondrer avant que cet objectif soit
atteint. À ce stade, nous assisterons à une ruée l’or infernale.
être louées, elles peuvent être stockées dans des entrepôts et peuvent
être vendues à terme sur une base non allouée.
Lorsque vous prélevez de l’or dans un entrepôt GLD et que vous l’en-
voyez à Shanghai, cela n’a aucun impact sur les réserves totales, mais cela
diminue les réserves flottantes. Je l’ai vu de mes propres yeux.
J’étais en Suisse, il y a peu de temps, et j’ai rencontré VIA MAT, qui
est l’une des entreprises de logistique les plus importantes au monde, de
même que G4S, Brinks et Dunbar.
Ce sont des entreprises qui assurent la logistique de l’or physique.
Ce ne sont pas des intermédiaires ou des banques. Ils ont des véhicules
blindés, affrètent des avions et utilisent des chambres fortes. Ce sont eux
qui manipulent l’or physique.
J’ai rencontré la personne en charge, chez VIA MAT, de l’or, des métaux
précieux et des œuvres d’art. C’était à l’extérieur de Zurich. Il m’a dit qu’ils
construisaient des chambres fortes aussi vite qu’ils le pouvaient. En fait,
ils sont en train de négocier avec l’armée suisse. Ce qu’il faut savoir, avec
l’armée suisse, c’est que c’est un peu comme si derrière chaque rocher
suisse se cachait l’entrée secrète d’une grotte ou d’une pièce d’artillerie.
Tout le pays est un véritable camp retranché.
Au fil des ans, ils ont creusé dans certaines montagnes des Alpes suisses
et construit de vastes entrepôts, des zones de stockage et des tunnels. Ils
peuvent tous résister à une attaque nucléaire. Certains d’entre eux sont
obsolètes et le stade a été atteint où une telle quantité de sites n’est pas
nécessaire. Par conséquent, VIA MAT négocie avec l’armée afin de louer
ces montagnes antiatomiques. Il m’a raconté qu’ils construisaient des
chambres fortes aussi rapidement que possible car ils arrivent au bout
de leurs capacités.
Je lui ai demandé d’où venait l’or et il m’a répondu qu’il venait de l’UBS,
de la Deutsche Bank, du Crédit Suisse et d’autres clients qui le sortent des
banques et le leur confient.
À présent, voici un autre exemple dans lequel la réserve totale d’or ne
change pas. Disons que j’ai 4 000 onces d’or auprès de l’UBS, que je les
appelle et que je leur demande d’expédier l’or chez VIA MAT.
174 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’OR : LE MARCHÉ HAUSSIER N’EST PAS TERMINÉ
Dans ce cas, il faut envoyer un véhicule blindé récupérer l’or, aire tout
le trajet, le déposer chez VIA MAT et obtenir un reçu. Ce sont les mêmes
4 000 onces d’or mais, à présent, j’ai diminué la réserve flottante car VIA
MAT ne fait rien de cet or. Ce n’est pas une banque et l’entreprise ne loue
pas l’or, comme UBS pourrait le faire.
VIA MAT se contente de garder votre or. UBS, d’un autre côté, prend
l’or et le vend dix fois de suite en tant qu’or non alloué sur un contrat à
terme LBMA (London Bullion Market Association).
Comment cela se termine-t-il ? C’est vite réglé car lorsque quelqu’un va
dans une banque comme l’UBS et demande qu’on lui remette son or, la
banque est incapable de le lui donner. Ils ne peuvent pas mettre la main
dessus. C’est ce qui se produit énormément, à présent, de modeste façon.
On entend des anecdotes, émanant notamment de personnes assez
connues, telles que Kyle Bass et d’autres, à qui les banques ont dit :
« Désolé, il faut revenir dans quelques semaines ». Quelques semaines
plus tard, vous revenez et la banque vous dit : « Voilà votre or. ».
De toute évidence, ils ont mis plusieurs semaines à récupérer l’or, sinon ils
vous l’auraient remis dès le départ. Donc, il se passe beaucoup de choses de ce
genre, en coulisse, mais rien n’a véritablement remis en question le système.
Les quantités d’or [concernées] n’étaient pas particulièrement importantes.
Les gens pensent qu’il n’est pas dans leur intérêt de parler énormément
de ce genre de chose, mais cela se produit. Mais que se passerait-il, si une
grande banque comme HSBC ou JP Morgan était dans l’impossibilité de
restituer l’or ? Cela ferait comme une onde de choc.
Ensuite, je crois que cela déclencherait une ruée vers l’or et les
prévisions d’inflation seraient incontrôlables. Cela pourrait constituer le
catalyseur de la prochaine crise.
Il existe des ramifications qu’il faut également prendre en considéra-
tion. J’ai discuté avec un cadre supérieur de Goldman Sachs, la dernière
fois que je suis allé en Chine, et il anticipe ce qu’il appelle un « choc
de demande » en Chine. Il anticipe une situation au cours de laquelle
200 millions de gens se précipiteraient pour acheter de l’or autant qu’ils
le pourraient.
175 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’OR : LE MARCHÉ HAUSSIER N’EST PAS TERMINÉ
Nous en avons parlé et j’ai déclaré : « Eh bien, c’est intéressant car votre
société prévoit que l’or sera à 1 000 $. Vous êtes responsable des transactions
sur les produits de base. Pourquoi me dites-vous que vous vous attendez à
un choc de demande alors que vous réclamez que l’or soit à 1 000 $ ? »
C’est alors que son collaborateur m’a dit : « Eh bien, il s’agit de notre
service d’étude et d’analyse. Nous ne les écoutons pas. »
J’ai trouvé que c’était assez révélateur. À cette époque, les analystes
de Goldman Sachs déclaraient à toutes les institutions du monde que l’or
s’orientait vers les 1 000 $.
Parallèlement, le responsable des transactions sur les produits de
base, chez le même Goldman Sachs, me déclarait qu’il se positionnait
par rapport à un choc de demande.
Cela tord le cou à certaines idées reçues désignant les banques telles
que Goldman Sachs comme des forces maléfiques et monolithiques qui
manipulent le monde. Je sais que ce n’est pas vrai car j’ai très bien connu
beaucoup d’entre elles. Ce qui est également révélateur, c’est que l’un des
plus grands établissements financiers n’écoute pas son propre service
d’étude et d’analyse.
Le principal, cependant, c’est qu’actuellement il existe d’autres risques
très importants, sur le marché. Une menace que j’ai décrite, telle que le
choc du crédit en Chine, pourrait déclencher le choc de demande sur
l’or, évoqué par cette personne. À son tour, cela pourrait entraîner une
incapacité à restituer l’or physique ailleurs dans le système, peut-être en
Suisse ou à Londres et, ensuite, la situation s’emballerait.
Et que se passerait-il à partir de là ?
La première chose qu’il se produirait, c’est que les gens commence-
raient à se ruer sur l’or pour en acheter. Le cours commencerait alors à
grimper et, ensuite, à monter en flèche. Au lieu d’augmenter de 10 $ l’once,
il augmenterait de 100 $ l’once. À ce stade, sur la chaîne CNBC, tout le
monde affirmerait : « Eh bien, c’est une bulle », mais le cours pourrait
encore augmenter de 100 $ le jour suivant, et de 200 $ le surlendemain.
Sous une semaine ou dix jours, le cours aurait augmenté de 1 000 $ et, à
ce moment, tout le monde dirait que c’est une bulle et cela continuerait.
176 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE L’OR : LE MARCHÉ HAUSSIER N’EST PAS TERMINÉ
riches mais nous n’étions pas pauvres, non plus. Nous avions des voitures
de marque Chevrolet, une maison d’un étage dans le New Jersey, et
l’éducation des enfants ressemblait aux séries TV des années 1950 [ndt :
l’auteur cite la série Leave it to Beaver].
J’avais 12 ans lorsque ma famille s’est retrouvée face à des difficultés
financières. Mon père avait toujours fait bouillir la marmite en travaillant
dans les chemins de fer mais, comme il avait également l’esprit d’entre-
prise, il avait monté une station-service. Il s’était associé à son frère.
Ils ont emprunté de l’argent afin de rejoindre un système de franchise.
Malheureusement, il y avait une guerre des prix à cette époque, et l’en-
treprise s’est soldée par un échec entraînant une faillite. C’était au début
des années 1960. À cette époque, les lois régissant la faillite étaient bien
plus rudes que celles d’aujourd’hui et nous avons donc tout perdu. Nous
avons perdu la maison et la voiture.
Nous avons dû prendre nos affaires et déménager. Je ne sais pas si
vous revoyez cette scène des Raisins de la Colère, lorsque la famille Joad
monte dans sa vieille voiture Modèle A et prend la direction de l’ouest,
sur la Route 66, à la recherche de cieux plus propices, après les ravages
de la tempête de poussière en Oklahoma. C’est un peu ce que nous avons
traversé en partant pour un endroit situé à environ 130 km et qui était
dans nos moyens. Le loyer était de 35 $ par mois, dans ce bungalow dont
ma grand-mère était propriétaire.
J’étais l’aîné de six enfants. Nous sommes passés d’une vie aisée de
gens de la classe moyenne à celle où nous frôlions la pauvreté. Finan-
cièrement, ce fut dévastateur. Certaines personnes ayant entendu cette
histoire m’ont dit : « Comment logiez-vous à huit personnes (six enfants
et deux adultes) dans un bungalow de deux chambres ? »
Eh bien, ce n’était pas facile mais nous avons fait en sorte que cela
fonctionne. J’ai fini dans une soupente, très exposée au vent, pleine de
courants d’air et glaciale en hiver. Et mon placard, c’était un clou dans
le mur. Le soir, je retirais mon maillot de corps et je le pendais à ce clou.
Je n’en ai voulu à personne. J’ai compris qu’il existe des circonstances
échappant à tout contrôle. En même temps, je me suis dit qu’il fallait que
181 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
J’ai investi mon argent dans ce fonds. J’ai pensé la chose suivante :
« Ces types en savent plus sur l’investissement que moi. Je pourrais essayer
d’acheter des titres de mon côté mais, comparé à ces génies, qui suis-je ? »
Alors j’y ai investi tout mon argent.
À cette époque, je gagnais un million de dollars par an. J’étais l’un des
avocats les mieux payés de Wall Street. Bon, vous savez probablement
comment cette histoire s’est terminée. En 1998, ce fonds a chuté de
92 % et nous avons tous récupéré 8 cents pour un dollar investi. Pour la
deuxième fois de ma vie, j’ai tout perdu. La première fois j’avais 12 ans
et la seconde fois 47 ans.
J’ai dû me remettre sur les rails et tout reconstruire. Une fois de plus,
je n’en ai voulu à personne. C’était moi qui avais pris cette décision, alors
je n’allais pas montrer du doigt qui que ce soit. Mais, intellectuellement,
je n’étais pas content. Je pensais que j’avais fait mon travail mais que
les surdiplômés, eux, ne l’avaient pas vraiment fait. Ils occupaient les
fonctions de risk-manager, donc responsables de la gestion du risque.
C’étaient eux, les concepteurs. Ils avaient inventé la finance moderne.
Pourquoi leur modèle n’avait-il pas fonctionné ?
C’est à ce moment-là que je me suis embarqué dans toutes sortes d’odys-
sées intellectuelles afin de comprendre ce qui n’avait pas tourné rond.
D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’en 1998, nous savions tous que
Lehman Brothers serait le prochain à faire faillite. En fin de compte, sa faillite
a eu lieu en 2008. Mais, en 1998, Lehman a échappé à la faillite à quelques
heures près, de même que Morgan Stanley et toutes les autres banques.
C’était un peu comme si un avion était en train de piquer vers le
sol, s’apprêtait à s’y écraser et, qu’au dernier moment, quelqu’un s’était
emparé des commandes et avait redressé l’avion dans le ciel, à la dernière
seconde. À quelques heures près, nous faisions fermer tous les marchés
financiers du monde.
Du point de vue du système financier mondial, la situation était grave
à ce point. Pour moi, personnellement, elle fut dévastatrice. En me basant
sur cette expérience, je me suis rendu compte que quelque chose n’allait
pas dans la théorie financière. Je savais que quelque chose n’allait pas
en termes de gestion des risques, à Wall Street. S’ils avaient su ce qu’ils
faisant, LTCM n’aurait jamais existé.
Cela m’a pris dix ans. J’ai passé cinq ans à découvrir ce qui n’allait
pas, dans les modèles existants. Ensuite, il m’a fallu cinq années supplé-
mentaires pour découvrir où cela n’avait pas fonctionné. Je me suis dit :
« Bon, si ces autres modèles ne fonctionnent pas, quel est le modèle qui
fonctionne ? De quelle façon doit-on aborder les marchés financiers ? »
J’ai passé un certain temps à prendre des cours de mathématiques
appliquées, de physique, de théorie des réseaux, des graphes et de la
complexité. Mon timing était bon, également, car avant que la crise de
2008 ne survienne, je l’avais identifiée à l’avance.
J’ai donné une série de conférences en 2005, 2006 et 2007 pour
lancer des mises en garde de façon très explicite. J’ai affirmé que la crise
approchait, et qu’elle serait plus importante et dévastatrice que celle de
1998. Je suis content de dire que, grâce à ma compréhension des risques
et de la théorie de la complexité, je n’ai pas perdu d’argent en 2008. Mais
c’est uniquement grâce à mon expérience de 1998, de l’argent que j’avais
perdu à l’époque et de cette issue désastreuse pour moi. J’ai considéré
que c’était une leçon payante, et qui m’avais permis d’identifier ce qui
n’allait pas dans le système.
184 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
■ La théorie de la complexité
Si j’ai eu recours à la théorie de la complexité afin de comprendre le risque
émanant des marchés financiers, c’est directement lié à ma participation
dans Long-Term Capital Management (LTCM), le hedge fund qui s’est
effondré en 1998, après que des stratégies de trading portant sur des
dérivés se soient révélées catastrophiques.
Après cet effondrement et le sauvetage consécutif, j’ai discuté avec les
associés dirigeants de LTCM, afin de comprendre ce qui n’avait pas fonc-
tionné. Je connaissais bien les marchés et les stratégies de trading mais
je n’étais pas expert de ces mathématiques appliquées, très techniques,
que le comité de direction utilisait pour élaborer ses stratégies.
L’associé avec lequel je discutais était un véritable pro de l’analyse
quantitative, et titulaire de diplômes de très haut niveau en mathéma-
tiques. Je lui ai demandé comment nos stratégies de trading avaient
toutes perdu de l’argent au même moment, bien qu’elles n’aient pas été
corrélées par le passé. Il a secoué la tête et m’a dit : « Ce qu’il s’est produit
était simplement incroyable. En termes d’écart-type, il s’est produit un
événement de 7 sigmas. »
Dans le domaine des statistiques, un écart-type est symbolisé par la
lettre grecque sigma. Même ceux qui ne sont pas statisticiens comprennent
qu’un événement de 7 sigmas semble rare. Mais je voulais savoir à quel
point il était rare. J’ai consulté certaines sources techniques et j’ai décou-
vert que, pour quelque chose qui se produit tous les jours, un événement
de 7 sigmas surviendrait moins d’une fois tous les milliards d’années, ou
moins de cinq fois dans toute l’Histoire de la planète Terre !
Je savais que le calcul de mon associé expert en analyse quantitative
était juste. Mais, pour moi, il était évident que son modèle était faux. Des
événements extrêmes s’étaient produits sur les marchés en 1987, 1994 et
à présent en 1998. Il s’en produisait environ tous les 4 ans.
Tout modèle s’efforçant d’expliquer un événement qui ne pouvait se
produire que tous les milliards d’années ne pouvait en aucun cas être le
modèle permettant de comprendre des dynamiques survenant tous les
4 ans.
185 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
C’est alors que le Fonds monétaire international est entré en jeu. Le FMI
a commencé à mettre en place des plans de renflouement. En décembre,
il semblait que les choses s’étaient apaisées. À Long-Term Capital, à
Greenwich, début 1998, nous étions en train d’élaborer des plans pour
développer nos activités en Asie.
Nous nous disions : « Hé ! Regardez cette crise financière. » Nous
envisagions d’acheter de la pulpe et du papier asiatique car nous pensions
qu’il y avait de bonnes affaires à réaliser en Indonésie. Nous étions loin de
penser que nous serions les prochains sur la liste. Nous pensions qu’avec
nos 4 Mds$ de liquidités, c’était une bonne occasion de faire des affaires
en Asie. Inutile de le dire, nous n’avons rien vu arriver.
Ensuite, évidemment, au printemps, la crise a frappé la Russie. À ce
jour encore, beaucoup de gens déclarent la chose suivante : « Oh ! Long-
Term Capital, je me souviens de cette histoire, ce sont ces gens qui ont
perdu tout leur argent dans la dette souveraine russe. » Ce n’est pas vrai.
Nous avons bien perdu 100 M$ environ à cause de la Russie. Mais notre
perte totale s’est élevée à 4 Mds$. Sans parler des 1 000 Mds$ en swaps
que nous détenions, de même que tout le monde à Wall Street. La Russie
ne représentait qu’une partie.
À ce stade, nous étions en août 1998, et il y avait énormément de
dérivés russes car beaucoup de monde voulait des titres russes. Comme il
n’était pas facile d’en acheter directement, le Crédit Suisse, et d’autres en
particulier, ont commencé à créer des paniers de dérivés dont le rende-
ment était indexé sur la performance de certains titres russes.
Mais, bien sûr, en procédant ainsi, l’effet de levier augmente car il
existe une certaine quantité de ces titres mais, si je commence à créer des
dérivés, je peux créer cinq, six ou dix fois la quantité de titres en dérivés
et laisser tout le monde parier de façon identique. Donc, lorsque la Russie
s’est effondrée en août 1998 ce fut un choc.
Non seulement ils avaient fait défaut sur leur dette extérieure – et c’est
déjà une chose de faire défaut sur une dette extérieure libellée en dollar,
comme cela s’est produit – mais, en plus, ils ont véritablement fait défaut
sur leur dette intérieure libellée en rouble. En théorie, il n’y avait aucune
191 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
raison que cela arrive car ils auraient pu imprimer des roubles. Pourtant,
ils ont laissé leur monnaie s’effondrer.
Dernièrement, le rouble russe a connu le pire effondrement depuis
1998. À cette époque, l’effondrement avait été encore plus rapide que celui
qui a eu lieu récemment. Ensuite, cela a déclenché une panique financière
mondiale. Tout le monde voulait récupérer son argent. Les gens devaient
vendre de bons titres afin de lever les liquidités nécessaires au paiement
des appels de marge liés aux mauvais titres.
Ensuite, tout d’un coup, les bons titres n’ont plus été bons non plus,
car tout le monde s’en débarrassait afin de lever des liquidités.
J’ai vu un autre exemple de cette dynamique au tout début de la crise
de 2007-2008. C’était au Japon, en septembre 2007, tout de suite après le
démarrage de la crise des crédits hypothécaires [aux États-Unis]. C’était
1 an, presque jour pour jour, avant Lehman Brothers. Souvenez-vous, les
événements concernant Lehman Brothers et AIG ne se sont pas produits
avant septembre 2008. Et moi, en septembre 2007, j’étais à Tokyo, et la
Bourse de Tokyo était en baisse. Je me souviens que mon ami japonais
m’a dit : « Attends une minute, Jim, on ne comprend pas ce qu’il se passe.
Vous, les Américains, vous avez un problème de crédit hypothécaire, mais
nous ne comprenons pas pourquoi cela touche la Bourse de Tokyo. »
Si la Bourse de Tokyo était en baisse, c’était que les deux choses étaient
liées. En fait, lorsque vous êtes en crise financière, lorsque vous avez des
problèmes, vous ne vendez pas ce que voulez, vous vendez ce que vous
pouvez. En d’autres termes, vous vendez n’importe quoi afin de lever des
liquidités et de mettre un terme au problème.
Ce qu’il se passait, c’était que les hedge funds et les banques des États-
Unis recevaient des appels de marge sur les positions qu’ils détenaient en
titres adossés à des créances hypothécaires. Ils ne voulaient pas vendre
ces dernières car il n’y avait plus de marché, ou bien ils allaient perdre
des sommes colossales. À la place, ils vendaient des actions japonaises
qui étaient relativement liquides. Ils vendaient ces actions japonaises
pour lever des liquidités et régler ces appels de marge sur les crédits
hypothécaires. C’est ainsi que fonctionne la contagion.
192 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
C’est de cette façon que tous les marchés sont liés. Cela s’est produit en
2007-2008, et cela s’est produit en 1997-1998. Mais en août, tout le monde
vendait de tout. Tout le monde voulait récupérer son argent. Les spreads
de crédit s’amplifiaient. C’est à ce moment-là que Long-Term Capital a
perdu son argent car, au fond, c’était une « banque de la volatilité ».
Nous achetions un titre qui avait l’air un peu cossu, nous en achetions
un autre qui avait l’air un peu bas de gamme, et il y avait un différentiel
entre les deux (spread). Vous pouviez être sûr, au fil du temps, que le
spread interviendrait. À mesure que ces titres s’approcheraient de leur
échéance, les prix convergeraient.
Fondamentalement, il y avait deux échéances différentes sur le même
titre. Un swap sur titres était libellé dans la même devise.
Quel qu’il soit, c’était un élément commun suffisant pour penser que tout
spread entre ces deux instruments (le long et le court) convergerait. Eh bien,
ils n’ont pas convergé : ils ont divergé. Ils se sont amplifiés. Plus la panique
grandissait, plus les spreads s’amplifiaient et plus nous perdions de l’argent.
Nous allions tout droit vers l’effondrement total lorsque Wall Street
a injecté 4 Mds$. Ils ne l’ont pas fait pour nous sauver. Ils se sauvaient
eux-mêmes. En fait, ils achetaient notre bilan afin de ne pas avoir à
subir de défauts de paiement, ce qui se serait produit si la société s’était
déclarée en faillite.
C’est vrai dans la plupart des cas de sauvetages. Les gens qui apportent
de l’argent ne le font pas par esprit charitable. En fait, ils protègent leurs
propres intérêts car ils sont parties prenantes à des transactions qu’ils ne
veulent pas voir s’effondrer.
La leçon est simple. Ne sous-estimez pas la puissance de la contagion.
La valeur du dollar, son « cours » en fait, est déterminée par les taux
d’intérêt. Lorsque la Réserve fédérale manipule les taux d’intérêt, elle
manipule, et donc fausse, tous les marchés du monde.
La Fed a peut-être bien un rôle légitime en tant que prêteur en dernier
ressort (dans l’urgence) et en tant que pouvoir autorisé à utiliser les liqui-
dités afin de maintenir la stabilité des prix. Mais, le prêteur en dernier
ressort s’est métamorphosé en mécanisme de sauvetage polyvalent, et
son rôle concernant les liquidités s’est métamorphosé en gigantesque
manipulation des taux d’intérêts.
Le péché originel, en ce qui concerne les pouvoirs de la Fed, se trouve
dans la loi nommée Humphrey-Hawkins Full Employment Act, signée
en 1978 par le président Carter. Cette loi a établi un « double mandat »
autorisant la Fed à prendre en compte l’emploi et la stabilité des prix dans
sa politique. Ce double mandat permet à la Fed de gérer le marché de
l’emploi américain et, par extension, l’économie dans son ensemble, au
lieu de se limiter à de simples opérations liées aux liquidités.
Janet Yellen, la présidente de la Fed, est un fervent défenseur du double
mandat et a mis en avant les objectifs liés à l’emploi dans l’élaboration de
la politique de la Fed. À travers ce double mandat et la façon dont elle y
adhère, et en utilisant le rôle unique du dollar pour faire levier, elle est
de facto la grande ordonnatrice du monde.
Et comme tous les grands ordonnateurs, elle va échouer. Le plus
grand défaut de Janet Yellen, c’est qu’elle n’utilise pas de règles pratiques.
À la place, elle utilise des modèles économiques ésotériques qui ne
correspondent pas à la réalité. Cette approche est soulignée dans les
deux discours de Janet Yellen. En juin 2012, elle a décrit son modèle
de « contrôle optimal » et, en avril 2013, elle a décrit son modèle de
« politique de communication ». Selon la théorie du contrôle optimal, et
dans les circonstances actuelles, les règles monétaires conventionnelles,
telles que la Règle de Taylor, ou une norme relative au prix des produits
de base, doivent être abandonnées en faveur d’une politique qui main-
tienne les taux plus bas et plus longtemps que la normale. Janet Yellen
privilégie l’utilisation de la politique de communication afin de permettre
194 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
2. Les gens ne sont pas des automates qui accompliraient sans réfléchir
ce que désire Janet Yellen. Face aux contradictions que contient le
modèle de Janet Yellen, les gens préfèrent accumuler des liquidités,
rester en retrait et ne pas se faire avaler par le miroir aux alouettes
que représente la théorie du contrôle optimal. C’est l’absence d’in-
vestissement et de consommation que cela entraîne qui affecte
réellement l’économie. Les économistes appellent cela « l’incertitude
du régime [politique] » et ce fut l’une des causes principales de la
durée, si ce n’est de l’origine, de la Grande Dépression de 1929-1941.
pas utiliser un modèle fondé sur l’équilibre dans un monde qui n’est pas
fondé sur l’équilibre. Le monde est un système complexe.
Quels exemples de complexité peut-on trouver ? Eh bien, il en existe
un grand nombre.
L’un de mes préférés, c’est celui que j’appelle l’avalanche et le flocon de
neige. C’est une métaphore décrivant la façon dont la science fonctionne
en réalité mais, pour être clair, ce ne sont pas que des métaphores. La
science, les mathématiques et les dynamiques sont en fait identiques à
celles qui existent sur les marchés financiers.
Imaginez que vous vous tenez sur un versant de montagne. Vous
observez qu’un manteau neigeux se forme en haut de la crête alors qu’il
continue de neiger. Rien qu’en observant cette scène, vous pouvez affirmer
qu’il existe un risque d’avalanche. Le manteau neigeux est battu par les
vents… il est instable… et, si vous êtes un expert, vous savez qu’il va
céder, tuer des skieurs et emporter le village situé en contrebas.
Vous remarquez un flocon qui tombe sur ce manteau neigeux. Il
perturbe quelques autres flocons qui se sont déjà déposés. Alors, la neige
commence à se répandre… puis elle commence à glisser… puis elle
prend de la vitesse jusqu’à ce qu’elle se détache et dévale tout le long de
la montagne pour, finalement, ensevelir le village.
Question : A qui imputer la faute ? Doit-on l’imputer au flocon de neige
ou bien au manteau neigeux instable ?
Selon moi, ce n’est pas la faute du flocon. Si ce n’est pas ce flocon qui
a causé l’avalanche, cela peut être celui d’avant, ou le suivant, ou celui
du lendemain.
Le problème est venu de l’instabilité du système dans son ensemble. Alors,
quand je pense aux risques du système financier, je ne me concentre pas sur
le « flocon » qui sera à l’origine du problème. Peu importe le déclencheur !
Un flocon qui tombe de façon inoffensive, comme la plupart des
flocons, ne peut pas, techniquement, amorcer une réaction en chaîne. Une
fois qu’une réaction en chaîne s’amorce, elle s’étend de façon exponen-
tielle, peut devenir « critique » (comme une bombe atomique) et libérer
suffisamment d’énergie pour détruire une ville. Cependant, la plupart des
200 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
Selon la façon dont Thomas Kuhn l’a conçue, cela veut dire que le
paradigme est plus important que le modèle. Nous créons un modèle de
la réalité en tant qu’outil pour toutes les analyses que nous faisons. Votre
paradigme, c’est la façon dont vous voyez le monde, la vue d’ensemble
qui forme le modèle qui est censé correspondre à la réalité.
Pendant environ 1 500 ans, à partir du Ier siècle après J.-.C et jusqu’au
XVIe siècle après J.-C., toutes les personnes intelligentes du monde, ou tous
ceux qui y ont pensé, croyaient que le soleil tournait autour de la Terre.
C’était ce que l’on appelait le géocentrisme. L’Église y croyait mais il ne
faut pas le lui reprocher. C’était scientifique, car c’était logique. À votre
réveil, le matin, le soleil était là, au-dessus. Ensuite, il bougeait dans le
ciel et descendait là-bas. Et ensuite, vous partiez vous coucher. Le jour
suivant, il montait là-haut à nouveau. Alors c’était clair, le soleil tournait
autour de la Terre. C’était très logique.
Ils ont établi un modèle qui expliquait que la Terre était au centre de
l’univers, et que le soleil, les planètes, la lune et les étoiles tournaient
autour de la Terre. Ils ont modélisé des cercles concentriques du soleil, de
la lune, des planètes et des étoiles tournant autour de la Terre qui était au
centre de l’univers. C’est resté scientifique pendant 1 500 ans. Des gens
l’avaient modélisé et avaient écrit des équations qui l’expliquaient.
Ce n’était pas de la mythologie. Ils étaient capables d’écrire des
équations scientifiques pour savoir quelle planète allait se trouver à quel
endroit quel jour. Les mathématiciens, les scientifiques et les astronomes
ont fait cela pendant 1 500 ans.
Ce qui s’est produit, cependant, c’est qu’au XVe siècle, les données
scientifiques ont commencé à s’améliorer. C’était environ à l’époque de
Galilée et des télescopes. Les scientifiques et les astronomes ont commencé
à remarquer que les planètes n’étaient pas exactement où le modèle disait
qu’elles devaient être. Les données s’écartaient des modèles.
En tant que scientifique, ce que vous êtes censé faire, c’est remettre en
question le modèle. Mais ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Eux, ils ont enjolivé
le modèle pour justifier les anomalies. Ils ont déclaré : « Eh bien, il y a
de grands cercles que l’on appelle cycles. Mais, si la planète est un peu
203 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
en dehors du cycle, alors il doit y avoir quelque chose qu’ils ont [alors]
appelé un épicycle ou un petit cercle. Donc, elle décrit une grande boucle
mais, pendant qu’elle décrit une grande boucle, elle décrit également ces
petites boucles contraires au sens des aiguilles d’une montre. » Et ils ont
continué à l’enjoliver, [ce modèle]. Ils ont écrit de nouvelles équations
correspondant à tout cela. Tout est très bien documenté.
Finalement, Copernic est arrivé et a déclaré : « Peut-être que la Terre
n’est pas au centre de l’univers ; peut-être que le soleil est au centre, au
moins, du système solaire. Et peut-être que les planètes, y compris la
Terre, tournent autour du soleil. » Alors Kepler est arrivé et a déclaré :
« Et peut-être que les orbites ne sont pas circulaires, peut-être qu’elles
sont elliptiques. » Et dans son sillage est arrivé Tycho Brahe qui a utilisé
son télescope pour relever des observations. À la fin du XVIe siècle,
Copernic, Brahe et Kepler ont créé un nouveau modèle, qui était le modèle
héliocentrique dans lequel le soleil est au centre du système solaire et
autour duquel les planètes et la lune tournent en orbites elliptiques.
Et devinez quoi ? Cela marche. C’est le modèle.
Cela illustre comment, pendant 1 500 ans, toutes les personnes intel-
ligentes du monde, à l’aide d’excellentes mathématiques, de la physique
et de l’astronomie, se sont complètement trompées.
Les hommes et les femmes de la Réserve fédérale et du FMI ont des QI
de 160 et des diplômes de très haut niveau. Mais à quoi sert toute cette
puissance cérébrale si votre paradigme est faux ?
Ils utilisent des modèles fondés sur l’équilibre, un risque réparti norma-
lement, le retour à la moyenne (mean reversion), les méthodes de Monte
Carlo et d’autres choses qui, dans le domaine financier, équivaudraient à
s’imaginer que le soleil tourne autour de la Terre.
Ce que nous disons, une petite minorité de gens et moi-même, c’est la
chose suivante : « Non, le soleil ne tourne pas autour de la Terre ; c’est la
Terre qui tourne autour du soleil. » Le meilleur modèle pour comprendre
les marchés financiers, c’est la théorie de la complexité, la physique, les
transitions de phases, la théorie du réseau, la théorie des graphes et
d’autres mathématiques appliquées qui vont avec.
204 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LA MEILLEURE FAÇON DE COMPRENDRE LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL
Disons que vous êtes un jeune de 25 ans, très intelligent, et que vous
essayez d’avoir un diplôme dans le domaine financier. Peut-être lisez-vous
Intelligence Stratégique ou La Chronique Agora et vous vous dites : « Vous
savez, je pense qu’ils tiennent quelque chose. Je pense que cette théorie
de la complexité signifie quelque chose. »
Mais votre professeur, ou votre directeur de thèse, a 55 ans et vient de
passer les quarante dernières années à apprendre les modèles fondés sur
l’équilibre. Il ne veut pas faire marche arrière. C’est très difficile, lorsque
vous avez 55 ou 60 ans de dire : « Eh bien, tout ce que j’ai fait depuis au
moins 40 ans est pratiquement faux. »
Si vous, l’étudiant intelligent de 25 ans, vous demandez à votre
professeur du MIT si vous pouvez rédiger une thèse sur la théorie de la
complexité, il vous répondra « non. » Au lieu d’être le premier étudiant à
écrire à propos de la théorie de la complexité, vous serez le neuf millième
étudiant à créer une toute petite modification sur les mêmes modèles
fondés sur l’équilibre que l’on produit depuis ces cinquante dernières
années.
Si vous êtes le « point discordant » (outlier) qui veut suivre une nouvelle
science, vous n’aurez pas votre diplôme, ou vous ne l’obtiendrez pas dans
une école prestigieuse. Vous ne serez pas pris sous l’aile d’un éminent
directeur de thèse, ni publié d’ailleurs.
Et, peut-être plus important encore, vous ne trouverez pas de travail.
Et c’est ainsi que le brillant étudiant de 25 ans renonce et rédige plutôt
quelque chose qui plaît à son professeur.
Voilà comment, même face à de nouvelles idées et à de nouvelles
sciences, la mauvaise science se perpétue, uniquement par nostalgie.
Heureusement, les vieux modèles finissent par être remplacés, mais cela
prend du temps.
CHAPITRE 11
■ La solution Kumbaya
L’un d’eux, c’est l’univers des multiples réserves de devises, dans lequel le
206 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LE DOLLAR : LE DÉBUT DE LA FIN
dollar est toujours utilisé. Au cours de ces dix dernières années, le dollar
est passé de 70 % des réserves mondiales à 60 %. Imaginez que cela se
poursuive au-dessous de 50 %, et que cela baisse à 45 %. Peut-être que
l’euro va augmenter et représenter 35 % des réserves mondiales et que le
rôle du franc suisse et du yen japonais, en tant que monnaies de réserve
mondiale, va également être plus important. C’est ce j’appelle la « solution
Kumbaya » : une entente entre toutes ces devises.
Je pense que c’est extrêmement instable car le système ne serait arrimé
à rien. Au lieu d’avoir une banque centrale, comme la Fed, qui se comporte
mal, nous en aurions cinq ou six.
■ Un nouvel étalon-or
Le second scénario, c’est l’étalon-or. Aucune banque centrale dans le
monde ne veut d’un étalon-or. Mais il se peut qu’elles soient forcées à y
recourir afin de restaurer la confiance. C’est une possibilité. Si les banques
centrales reviennent à l’étalon-or, il faut qu’elles définissent correctement
le cours. Il existe un mode de calcul.
Il est effectué selon la quantité d’or à laquelle vous voulez vous adosser,
selon les agrégats concernés : M0, M1 ou M2, et en fonction des pays
concernés.
planche à billets et peut imprimer des euros. Le FMI possède une planche
à billets et peut imprimer des droits de tirage spéciaux. Les droits de tirage
spéciaux représentent tout simplement la monnaie mondiale. On n’a pas
voulu l’appeler monnaie car cela fait un peu peur, mais c’est ce que c’est.
Ce n’est pas nouveau en fait. Cela existe depuis 1969. Le FMI peut
imprimer des DTS et, lors de la prochaine crise des liquidités, c’est ce qu’il
fera. En 2009, il a imprimé des centaines de milliards de DTS équivalents
dollars. Très peu de monde l’a remarqué.
Ils s’impliqueront à plus grande échelle lorsque la nouvelle crise
frappera et nous pourrions assister à l’avènement des DTS en tant que
nouvelle devise de réserve mondiale. Cela ne veut pas dire que le dollar
va disparaître. Cela veut simplement dire que le dollar sera une devise
locale, comme le peso mexicain et la livre turque. Nous nous en servirons
pour payer le taxi, ou sortir boire un verre, mais cela ne servira pas pour
les choses importantes.
Lorsque je parle de choses importantes, je veux dire le cours du pétrole,
la compensation ou les balances commerciales entre pays, probablement
les déclarations financières de la centaine, à peu près, de plus grandes
entreprises du monde. À l’avenir, peut-être recevrez-vous le rapport annuel
d’IBM ou de Volkswagen ou de General Electric exprimé en DTS.
■ L’effondrement sociétal
Le quatrième scénario, c’est l’effondrement pur et simple, sous-entendu
l’effondrement sociétal.
Nous assisterions à l’effondrement de la civilisation.
Vous verriez peut-être le Président recourir aux décrets présidentiels
pour mettre en œuvre des politiques néofascistes. Observez les policiers
de votre ville. Lorsque j’étais enfant, les policiers patrouillaient à pied et
récupéraient les chats dans les arbres.
Aujourd’hui, ils portent des gilets pare-balles, des casques, des lunettes
de vision nocturne, des grenades de désencerclement, des béliers pour
défoncer les portes et des armes automatiques. Ils patrouillent dans
208 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LE DOLLAR : LE DÉBUT DE LA FIN
Cas 1 Cas 2
Seuil au-dessous de critique Seuil critique
1 000 personnes / t = 500 1 000 personnes / t = 100
1 million de personnes / T = 10 000 1 million de personnes / T = 1 000
10 millions de personnes / T = 100 000 10 millions de personnes / T = 100 000
100 millions de personnes / T = 10 mil. 100 millions de personnes / T = 10 mil.
200 millions de personnes / T = 50 mil. 200 millions de personnes / T = 50 mil.
210 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LE DOLLAR : LE DÉBUT DE LA FIN
Le marché actions actuel représente une bulle qui est soutenue par les
taux d’intérêt à zéro.
Wall Street raffole de l’argent gratuit. C’est pourquoi l’effet de levier est
si élevé à la Bourse de New York. Pour l’investisseur lambda, c’est à peu
près le pire moment pour entrer sur le marché, en raison des nouveaux pics.
Les gens aiment dire : « Oh, le marché actions a encore triplé depuis son
plus-bas de mars 2009. » Mais c’était à l’époque, et là, c’est maintenant.
Nous nous sommes rapprochés de cinq ans du prochain effondrement.
Est-ce le moment de se jeter sur le marché, ou le moment d’en sortir,
du moins sur une base sélective ? En outre, il a plus que triplé grâce à
l’argent facile, à un énorme endettement et à une très faible participation.
Comment cela pourrait-il durer ? Les volumes sont bas, alors vous êtes
face à un marché actions qui grimpe abruptement, sur un faible volume
et avec un endettement massif. C’est presque la définition d’une bulle, et
cette bulle va éclater.
C’est le pire moment pour y aller. En l’espèce, l’investisseur lambda
doit se montrer très prudent, en ce qui concerne les actions.
pas une au hasard, mais prenez-en une bien pensée. Ensuite, utilisez des
données pour tester cette hypothèse. Cela s’appelle la « probabilité inverse ».
Vous utilisez des données ultérieures pour tester votre idée de départ.
Cette méthode est différente de celle de nombreuses sciences où, en
fait, vous prenez un ensemble de données et vous trouvez une idée. Dans
notre cas, par contre, vous avez une idée et vous prenez des données pour
la tester. Il n’y a pas meilleure façon d’approcher les marchés car personne
ne détient une boule de cristal.
Notre hypothèse contient un certain nombre d’éléments. L’un d’eux,
c’est qu’il y un jeu du tir à la corde, actuellement, entre inflation et
déflation, dont j’ai parlé plus haut (à court terme, je pense que c’est la
déflation qui prendra le pas).
Cela perturbe énormément de monde, qui comprend l’une ou l’autre,
mais pour qui il est difficile d’avoir les deux à l’esprit en même temps.
Pour votre portefeuille d’investissement, cela signifie adopter « l’ap-
proche Barbell », c’est-à-dire vous protéger des deux côtés. Il faut avoir
une protection contre la déflation et une protection contre l’inflation, et
toujours un peu de liquidité en même temps, car c’est ce que vous pouvez
faire de mieux avec ce type d’incertitude.
L’incertitude est créée par la politique de la banque centrale. Nous
vivons une période sans précédent. Et je ne suis pas le seul à le penser. Si
vous écoutez Janet Yellen ou les membres du FOMC, ou des membres du
Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, d’éminents économistes
et responsables politiques, ils disent tous la même chose. Ils disent que
nous vivons une période sans précédent.
Récemment, j’ai eu l’occasion de passer deux heures en tête-à-tête avec
l’un des prestigieux intervenants de la Fed. Parfois, lorsque vous faites
ce genre de choses, vous acceptez de ne pas mentionner de nom, alors
je n’en mentionnerai aucun. Mais c’est quelqu’un qui a assisté à chaque
vote du FOMC depuis deux ans et demi. Personne n’est plus proche de
Bernanke et de Yellen que cette personne avec qui je me suis entretenu.
Il est diplômé en économie, et c’est un universitaire très respecté
mais qui n’est pas très connu car il ne fait pas vraiment partie du FOMC.
215 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
Pourtant, il a été invité dans la salle du vote afin d’aider les membres à
comprendre ce qu’il se passait. Et ce qu’il a dit, c’est que nous ne saurions
pas si les politiques de la Fed fonctionnaient comme prévu avant qu’il ne
se soit écoulé encore cinquante ans. Il a dit que dans cinquante ans, il y
aurait un nouveau jeune universitaire, comme Bernanke dans les années
1980, qui arriverait et résoudrait toutes ces choses.
En d’autres termes, ils admettent qu’ils ne savent pas ce qu’ils font.
Ils admettent qu’ils se livrent à une sorte d’expérimentation scientifique.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous, les investisseurs, les gestionnaires
de portefeuille et tous ceux qui essayent de prendre des décisions intel-
ligentes ?
Cela veut dire que nous devons être agiles et que nous devons surveiller
les données. Nous ne pouvons planter un piquet devant une issue en
particulier car la probabilité d’être surpris par quelque chose se produisant
dans notre dos est assez élevée.
Au moment où je rédige ces lignes, la création mensuelle d’emplois
a légèrement augmenté, assortie de corrections à la hausse en ce qui
concerne les mois précédents. D’autres emplois supplémentaires ont
même été créés en novembre et décembre 2014, par rapport à ce que
nous savions à ce moment-là.
Autre élément important, les salaires réels ont augmenté un tout petit
peu. Pas beaucoup, mais le fait que cette série temporelle ait eu une
impulsion, est intéressant. Je l’ai dit auparavant, c’est l’une des choses que
Janet Yellen surveille le plus étroitement car la Fed bénéficie de ce double
mandat, complètement fou, visant à créer de l’emploi et à maintenir la
stabilité des prix en même temps.
Ce ne sont pas des objectifs vraiment cohérents. Parfois, ils vont dans
le même sens, mais parfois ils prennent des directions opposées. Yellen
a insisté sur la création d’emplois, mais elle veut être alertée à l’avance
de l’inflation. L’augmentation des salaires réels, c’est un signe indiquant
à quel endroit les deux ailes de l’avion agissent ensemble.
Car, si les salaires réels augmentent, c’est signe que la faiblesse du
marché du travail se réduit. Si l’emploi arrive à augmenter, c’est peut-
216 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
être un signe précoce d’inflation et cela pourrait signifier que nous nous
rapprochons d’un stade où la Fed devrait relever les taux d’intérêt.
J’observe les données de 2015 jusqu’à présent, j’observe mon hypo-
thèse selon laquelle c’est la déflation qui prend le pas. Il y a un jeu du tir
à la corde, comme je l’ai décrit mais, dans ce genre de jeu, une équipe
semble prendre le pas sur l’autre de temps en temps. Or, en ce moment,
il semblerait que soit la déflation qui prenne le pas. Je l’ai dit un certain
nombre de fois, et à mon avis, cela continue : la Fed ne va pas augmenter
les taux en 2015. Et, pourtant, lorsqu’il y a un résultat prometteur concer-
nant l’emploi, vous vous dites : « Pas si vite. Cela inciterait certainement
la Fed à s’orienter vers un relèvement des taux, ce fait que les créations
d’emplois et les salaires soient en augmentation. »
Est-ce que cela modifie l’hypothèse ?
J’ai passé un certain temps à y réfléchir car nous devons être à l’affût
de ces tendances. Pour moi, la déflation a toujours le dessus à compter
de début 2015.
J’en veux pour preuve ce qu’il se passe avec le secteur pétrolier. Le
nombre de forages américains est en baisse, les licenciements sont en
hausse, les plans d’investissement sont réduits : vous voyez tout cela se
produire.
Mais cela n’arrive pas du jour au lendemain. Il faut un peu de temps
pour que cela fasse le tour de la chaîne d’approvisionnement et de tous
les endroits où le pétrole est une composante [de la production]. Cela se
manifeste rapidement à la pompe et dans le prix des billets d’avion. Mais,
pour certains procédés industriels, cela met plus de temps à se manifester.
Ces tendances sont encore en train de faire leur chemin au sein de
l’économie, en particulier les licenciements. Ils ont tendance à survenir par
vagues. Les sociétés commencent avec certains licenciements et, ensuite,
en réalisent d’autres le mois suivant et à nouveau le mois suivant. Elles
attendent pour voir si les choses se redressent, ce que je pense peu probable.
Un élément tout puissant, dans le scénario de la déflation, aggrave
ces deux problèmes : les guerres des devises. Elles redoublent d’intensité.
Entre janvier 2015 et la date de cet article, nous avons vécu quatre baisses
217 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
missiles pour lancer une « seconde frappe » qui aurait détruit l’attaquant.
C’était tout le but de la « destruction mutuelle assurée » ou de l’équilibre
de la terreur. Aucun côté n’aurait gagné et les deux camps auraient été
détruits. C’est pourquoi ils se sont donnés énormément de mal afin d’éviter
toute confrontation ou escalade, dès le départ.
Dans le cadre de la guerre financière entre les États-Unis et la Russie,
il existe un équilibre de la terreur similaire. Il est vrai que les États-Unis
ont une puissante arme financière qu’ils peuvent utiliser contre la Russie.
Les États-Unis peuvent geler les actifs des leaders et oligarques russes qui
se trouvent dans les banques américaines et dans les banques étrangères
qui effectuent des transactions en dollar.
Les États-Unis peuvent refuser aux Russes l’accès au système de paie-
ment en dollar et travailler avec les alliés pour qu’ils refusent à la Russie
l’accès au système SWIFT, en Belgique, qui traite tous les paiements en
devises, pas seulement en dollar. Beaucoup de ces tactiques ont été utili-
sées en fait contre l’Iran et la Syrie, dans le cadre de la guerre financière
qui se déroule au Moyen-Orient et dans le golfe Persique depuis 2012.
Mais, la Russie, elle-même, n’est pas dépourvue d’armes financières.
Les Russes peuvent refuser de régler leur dette libellée en dollar à leurs
créanciers américains et multilatéraux. La Russie pourrait se débarrasser
de milliards de dollars en titres du Trésor américain (Treasury notes)
qu’elle possède, faisant ainsi flamber les taux d’intérêt américains et
pénalisant les marchés actions et obligataires américains.
Plus menaçant, la Russie pourrait lâcher ses hackers, comptant parmi
les meilleurs du monde, en vue de créer un krach sur les marchés boursiers
américains. Le 22 août 2013, le NASDAQ a connu un krach d’une demi-
journée et aucune explication crédible n’a encore été trouvée pour expliquer
ce krach. On ne peut exclure des opérations de hacking de la part des
cyber-combattants syriens, iraniens ou russes. C’était peut-être un avertis-
sement adressé aux États-Unis concernant les capacités de leurs ennemies.
En bref, les États-Unis n’ont aucun intérêt à intervenir en Ukraine
militairement et même leur riposte économique sera atténuée à cause
de craintes de destruction financière mutuelle assurée, émanant de la
221 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
île des Caraïbes. C’était la première grande opération menée par les États-
Unis depuis la fin de la guerre du Vietnam, en 1975.
Les renseignements ont été lourdement défaillants, au point que les
forces d’invasion se sont vues remettre des cartes touristiques de l’île,
sans aucun quadrillage militaire. La marine américaine a fait feu et tué
des soldats de l’armée de terre par erreur. Certains groupes des forces
d’invasion ont reçu des cartes sur lesquelles la zone de débarquement
avait dû être dessinée à la main.
Les communications entre branches militaires ont été rompues.
En conséquence, le Congrès américain a voté le Goldwater- Nichols
Act en 1986, qui entérinait le concept d’opérations et de commandement
interarmées. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir un général de division
rendre compte à un amiral de la Marine qui est aussi chef du Commande-
ment de l’un des principaux commandements tels que le Centcom (Central
command). Ces réformes ont rendu l’armée américaine beaucoup plus
efficace et redoutable que dans les années 1980.
Une méthode semblable est mise en œuvre, actuellement, dans le cadre
de la guerre financière. La lutte contre les principales menaces financières
fait généralement intervenir des participants du Pentagone, de la CIA,
du Trésor, de la Réserve fédérale, ainsi que des experts du secteur privé,
venant de Wall Street, des principales banques et de la communauté
des hedge funds. Tous travaillent ensemble. Notre équipe du CISF met
en œuvre la même approche, exactement, afin de faire face aux futures
menaces financières.
Même si les États-Unis et leurs alliés peaufinent leurs capacités à
neutraliser les menaces financières, les voyous et les acteurs des pays
rivaux ne se tiennent pas tranquilles pour autant.
De nouvelles technologies, telles que les crypto-devises, dont le Bitcoin
est la plus connue, sont utilisées par l’État islamique et d’autres ennemis
pour acheter des armes et payer leurs soldats, sans que les autorités
bancaires internationales puissent l’interdire.
D’importantes cyber-brigades chinoises et russes ont été constituées
pour placer ces pays à la pointe de la guerre cyber- financière. Des fonds
224 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
peuvent également être transférés partout dans le monde, sans que cela
se voie, par des truchements comptables : par exemple en gonflant les prix
de transfert lors de ventes de biens et de services. Pour lutter contre ces
menaces, il faut avoir recours à l’expertise judiciaire, comptable et fiscale.
Paradoxalement, les techniques financières les plus anciennes peuvent
se révéler aussi efficaces, pour éviter les sanctions, que les plus modernes.
Des réserves de valeurs traditionnelles telles que l’or, l’argent, les bijoux,
les œuvres d’art et le foncier permettent toutes, de façon efficace, de
transférer et de dissimuler de l’argent sans déplacer des actifs via les
moyens de paiement numériques modernes. L’or est rare et précieux, à
environ 1 200 $ l’once au moment où j’écris ces lignes.
Mais une toile de Picasso, soigneusement enroulée et dissimulée
dans la doublure d’une valise, peut valoir 500 000 $. Mieux encore,
un tableau ne déclenche pas les détecteurs de métaux des aéroports.
Les tableaux constituent le meilleur moyen de transférer de l’argent en
passant inaperçu.
En fait, les ennemis des États-Unis utilisent aussi bien les dernières
cyber-techniques que les anciennes techniques de transfert de valeurs,
comme l’or et les œuvres d’art, afin de contourner les principaux circuits
bancaires et systèmes de paiement. Parallèlement, les circuits financiers
conventionnels, comme les places boursières et les banques, sont totale-
ment vulnérables aux cyberattaques, capables de paralyser une séance
ou de vider un compte en quelques clics. Ces types de cyberattaques
représentent l’un des 30 flocons susceptibles de déclencher une avalanche
financière et dont je vous parle dans le guide que vous avez reçu à l’occa-
sion de votre abonnement à ma lettre Intelligence Stratégique.
Ce que j’ai retenu de la réunion avec l’équipe du CISF, c’est qu’il est
crucial de conserver une partie au moins de sa fortune sous une forme
non numérique, c’est-à-dire des espèces, de l’or physique, des œuvres
d’art ou du foncier. Ces actifs ne peuvent être éliminés par une attaque
numérique ou contre le réseau électrique.
S’agissant des actions, il est utile d’identifier les sociétés adossées à des
actifs tangibles. Même si les banques et les places boursières subissent
225 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
■ Monster Box
Si vous ne l’avez pas déjà fait, je vous recommande d’acheter une boîte
« Monster Box » émise par l’US Mint. Vous pouvez l’acheter par l’inter-
médiaire de négociants en métaux précieux réputés. La Monster Box est
scellée et de couleur « vert Trésor. » Elle renferme 500 pièces American
Eagle d’une once d’argent pur et coûte environ 9 000 $.
Ne brisez pas le sceau de la boîte à moins d’avoir besoin des pièces
pour réaliser des transactions.
Cela ne représente pas qu’un bas de laine : ces pièces vous seront utiles
pour faire des achats et réaliser de petites transactions au cas où le réseau
d’énergie et le système financier s’interrompraient au cours d’une future
crise financière ou d’une catastrophe naturelle. Vous pouvez conserver la
Monster Box dans une chambre forte hors banque, ou dans un coffre-fort
à la maison. Surtout, n’en parlez à personne.
Pour quelle raison ? À cause des « carry trade ». Cela arrive lorsque les
taux d’intérêt sont à zéro et que les investisseurs se disent : « D’accord,
je vais emprunter du dollar pour quasiment rien, le convertir dans une
autre devise et acheter des actions et des obligations locales dans des pays
comme l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Indonésie, la Thaïlande et d’autres
marchés émergents qui offrent des rendements beaucoup plus élevés. »
Les investisseurs effectuent ce genre de chose en empruntant (effet
de levier). Pour eux, cela signifie des fonds à faible coût, des actifs à haut
rendement, probablement une devise qui s’apprécie : tout cela pouvant
rapporter 30 % de rendement.
En quoi ces transactions posent-elles un problème ? Le risque, c’est
que les taux d’intérêt américains soient relevés et que tout cet édifice s’ef-
fondre. À la minute où Ben Bernanke a commencé à évoquer un tapering
en 2013, ils ont tous fait marche arrière sur le carry trade.
Ils ont bradé les actions et les devises des marchés émergents… sont
revenus vers le dollar… ont remboursé leurs dettes… réduit leurs bilans
et botté en touche. C’est un bon exemple, illustrant que les marchés
émergents ne représentent pas forcément un refuge. Pensez aux liens
dont nous avons parlé jusqu’à présent. Si vous souhaitez investir sur les
marchés émergents, renseignez-vous sérieusement avant toute chose et
ne risquez pas tout ce que vous avez.
■ Istanbul
Récemment, je suis retourné à Istanbul, en Turquie. J’ai eu l’occasion d’y
rencontrer le directeur de la banque centrale, ainsi que des responsables
de la Bourse, des régulateurs, d’importants investisseurs et l’un des
hommes les plus riches de Turquie, Ali Ağaoğlu, un promoteur immobilier
haut en couleur que l’on surnomme le « Donald Trump de Turquie ».
J’ai également passé du temps avec les « monsieur et madame tout
le monde », allant du propriétaire de boutique au chauffeur de taxi et
d’autres encore. Comme toujours, cette diversité de contacts me donne
des informations et des indications qui vont bien au-delà de ce que l’on
237 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
sous pression des hommes politiques afin de réduire les taux d’intérêt et
de dévaluer la livre turque pour favoriser les exportations et le tourisme.
C’est l’exemple type du pays que l’on pousse à s’engager dans une
guerre des monnaies. Or, ce que laisse une guerre des monnaies, ce
n’est pas de la croissance mais de l’inflation, comme l’ont démontré les
expériences récentes du Brésil et de l’Australie.
La Turquie a une population importante, bien éduquée, de bonnes
infrastructures, des exportations et un tourisme dynamiques. En outre,
son emplacement stratégique lui permet de servir de voie d’acheminement
de l’énergie depuis les pays de la Caspienne et d’Asie centrale jusqu’aux
Balkans et à l’Europe centrale. En s’appuyant sur ces succès et ces
ressources, la Turquie semble bien partie pour bénéficier d’une croissance
continue et devrait attirer les investissements directs de pays possédant
des excédents de capitaux, notamment la Chine et la Russie.
En Turquie, le taux d’épargne individuel est bas, alors que les consom-
mateurs continuent de dépenser sans compter, avec des cartes de crédit
et d’autres types de crédit à la consommation. Les banques sont ravies
d’entretenir cette expansion du crédit car elles regorgent de dépôts. En
effet, les consommateurs turcs préfèrent laisser leur argent à la banque,
où le taux de rémunération des dépôts est de 8 % ou plus.
Cela empêche la formation de bulles boursière et obligataire car les
actions et les obligations ne peuvent concurrencer les taux élevés offerts
par les banques. La conséquence, c’est que la Turquie n’investit pas assez
et consomme trop sous l’impulsion d’un crédit facilement accessible. Cette
expansion contient les caractéristiques d’un futur effondrement du crédit,
semblable au fiasco américain des subprime, en 2007.
Cette dynamique de bulle n’est pas limitée au crédit à la consommation.
L’immobilier, qu’il soit résidentiel haut de gamme ou commercial, présente
également des signes de bulle, avec des prix en augmentation rapide et
des grues de chantier à perte de vue. Ce boom est également alimenté
par des prêts bancaires au coût peu élevé.
L’essentiel de la demande en immobilier résidentiel provient de riches
acquéreurs étrangers, dont un grand nombre essaie de sortir de l’argent
239 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
dans les ETF relatifs aux UAE. Nous n’allons pas intégrer ce tracker à au
portefeuille d’Intelligence Stratégique. Mais un investissement de ce type
vous permettrait de vous diversifier.
C’est peut-être un moyen facile de participer à un scénario de crois-
sance à l’étranger. Je vous encourage à l’examiner de plus près.
et ont été envoyés dans différentes civilisations et cultures sur tous les
continents. Les États-Unis disposent de la meilleure armée du monde,
capable de vaincre toutes les menaces, notamment les dernières en date,
issues d’un mélange de technologie et de finance.
Au-delà de la menace qu’ils représentent, le Bitcoin et ses crypto-cou-
sins offrent toutefois une opportunité. Il est encore trop tôt pour détenir
du Bitcoin dans votre portefeuille en raison de son extrême volatilité et
des questions fiscales non résolues.
Mais le moment viendra peut-être, bientôt, où des sociétés spécialisées
dans la technologie Bitcoin justifieront que l’on y investisse, en considérant
le rôle qu’elles pourraient jouer à l’avenir en matière de paiements et de
transferts de richesses. Des sociétés telles que Western Union et PayPal
dominent actuellement le secteur des systèmes de paiements privés. Bientôt,
peut-être auront-elles de nouveaux compagnons : les crypto-devises.
Toutes les actions détenues par SCHD, qui vous verse actuellement un
dividende de 2,6 %, doivent avoir versé des dividendes durant dix années
consécutives. Les dirigeants de ce fonds réalisent un audit des valeurs
chaque année et rééquilibrent leur portefeuille tous les trimestres.
Le fonds Schwab U.S. Dividend Equity ETF compte parmi les meilleurs
sur ce segment.
Morningstar, une société d’analyse indépendante spécialisée dans
l’investissement, déclare que la sélection de SCHD est meilleure que
celle proposée par les autres fonds indiciels axés sur les dividendes. Leur
indicateur est ce que l’on appelle une notation « wide moat » (société très
concurrentielle). Elle définit la probabilité selon laquelle la société devrait
battre ses concurrents au fil du temps.
Dans un contexte d’hyperinflation, il vaut mieux détenir des sociétés
qui seront probablement prospères au cours des prochaines décennies.
63 % des titres détenus par SCHD se voient attribuer la notation « wide-
moat » par Morningstar, la note la plus élevée parmi les fonds indiciels
axés sur les dividendes. En d’autres termes, SCHD est bien partie pour
prospérer contre vents et marées.
Une autre étude indépendante, réalisée par New Constructs, attribue
à SCHD la note la plus élevée existante. New Constructs est une société
spécialisée dans l’analyse de résultats et l’expertise judiciaire de sociétés
américaines cotées en Bourse.
Si de nombreux titres détenus par SCHD sont chers, leur valorisation
n’aura pas beaucoup d’importance en période d’hyperinflation. Comme
SCHD facture des honoraires de gestion de 0,07 %, vous réglez une
toute petite somme pour détenir un portefeuille contenant les plus belles
entreprises du marché.
Le mieux est de réinvestir les dividendes et de conserver SCHD sur le
long terme : ainsi votre assurance contre l’hyperinflation se renforcera.
En effet, les dividendes qui s’accumulent, comme un magot sur votre
compte, c’est du cash qui vous est versé. Or, le cash ne vaudra plus rien
en cas d’hyperinflation. En réinvestissant les dividendes, vous augmentez
le nombre d’actions SCHD que vous détenez au fil du temps, renforçant
250 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE STRATÉGIES DE CRÉATION DE RICHESSE ET DE PROTECTION
■ Lectures recommandées
En plus des opportunités d’investissement qu’il est possible de mettre
en œuvre, je recommande également plusieurs ouvrages à mes lecteurs.
Chacun d’entre eux peut aider les investisseurs à comprendre les
complexités du système financier…
Les 35 questions
les plus fréquemment posées :
nos réponses
5) Est-ce que l’argent est plus en sûreté dans une banque locale
ou dans une « méga banque » ?
Les petites banques locales conviennent si leur notation est élevée.
Certaines d’entre elles sont solides et d’autres non. Je ne veux pas
263 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES 35 QUESTIONS LES PLUS FRÉQUEMMENT POSÉES : NOS RÉPONSES
7) Est-ce que les caisses de crédit mutuel sont plus sûres que les
banques ?
En général, oui. Là encore, je ne veux pas commencer à recommander
des organismes en particulier car je ne connais pas les situations spéci-
fiques de tout le monde. Mais je connais bien l’activité des caisses de crédit
mutuel et elles sont très solides. Elles n’ont jamais posé de problèmes en
30 ans.
gens roulent des yeux et me répondent : « Mais que dites-vous, ce n’est pas
un dictateur. » Eh bien, dans un sens, si : c’est un dictateur au sens légal.
Peu de monde sait que les États-Unis opèrent en situation d’état d’ur-
gence actuellement. Le président Obama a prolongé l’état d’urgence. Il
prend fin tous les mois de septembre et, le mois dernier, le président a
prolongé l’état d’urgence.
En utilisant ses pouvoirs spéciaux, le Président pourrait nationaliser
les minières. Le gouvernement pourrait le faire en cas extrême, mais nous
n’en sommes pas encore là. Je ne veux pas me montrer binaire et dire ce
qui arrivera et n’arrivera pas. Ce que je dis, c’est qu’il s’agit toujours d’un
processus. C’est une dynamique. Certaines choses peuvent se produire
mais nous les verrons arriver. C’est là qu’il est important de faire partie
des lecteurs d’Intelligence Stratégique. Vous serez les premiers à le savoir.
11) Que voulez-vous dire lorsque vous déclarez qu’il faut conserver
les métaux précieux dans des « chambres-fortes ayant bonne répu-
tation, en dehors des banques » ? Où les investisseurs peuvent-ils
les trouver ?
La plupart des banques vous attribuent un coffre-fort et les banques les
plus importantes disposent de chambres-fortes pour les gros volumes d’or.
Bien sûr, le gouvernement contrôle étroitement le système bancaire. Au
moment où vous voudrez votre or, ou, si vous en avez réellement besoin,
il est fort possible que les banques soient fermées, du moins temporai-
rement, et que vous ne puissiez pas le récupérer. Cela signifie qu’il vous
faut une chambre forte hors banque.
Lorsque je parle de bonne réputation, je veux dire qu’elle doit exercer
son activité depuis longtemps, être en mesure de fournir de bonnes
références et disposer d’une assurance. Vous pouvez en trouver sur l’In-
ternet. Il y en a dans tout le pays. Trouvez-en une qui convienne à vos
besoins et qui existe depuis un certain temps. Vérifiez qu’elle dispose
d’une assurance.
266 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES 35 QUESTIONS LES PLUS FRÉQUEMMENT POSÉES : NOS RÉPONSES
18) Lorsque vous dites « qu’il faut détenir des liquidités », voulez-
vous dire des billets de banque ? Si c’est le cas, s’agit-il de devises ?
Lorsque je parle de liquidités, je parle d’instruments de la plus grande
qualité possible. Pour un investisseur américain, ce serait des bons du
Trésor américain, ou peut-être des titres à 1 an (T-note). Il existe des
équivalents à l’étranger. En gros, trouvez des obligations du Trésor dans
votre propre devise. C’est le moins risqué, je pense. Mais je ne considère
pas que les marchés des changes ou les certificats de dépôt bancaires
soient des liquidités dans ce sens-là.
269 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE LES 35 QUESTIONS LES PLUS FRÉQUEMMENT POSÉES : NOS RÉPONSES
19) Vous recommandez des métaux physiques ainsi que des titres
du Trésor à maturité longue. Ces deux éléments peuvent-ils rapporter
simultanément ?
La réponse est « non ». Ils ne rapporteront pas en même temps. C’est
exactement toute la question. Je pense que les gens qui déclarent qu’ils
savent exactement ce qu’il va se passer ne savent pas ce qu’ils disent. Il
se peut que nous ayons de l’inflation pour toute une foule de raisons. Il
se peut que nous ayons de la déflation pour toute une foule de raisons.
L’investisseur intelligent doit se protéger un peu dans l’une ou l’autre
perspective. Et, d’ailleurs, le meilleur exemple, c’est celui de Warren
Buffett. Buffett achète du chemin de fer, des actifs liés au transport, du
pétrole et du gaz naturel : ce sont tous des actifs tangibles. Il dispose
également de 55 Mds$ de liquidités. De cette façon, si tout s’effondre,
vous disposez de liquidités afin de racheter des actifs à prix cassé.
et du gaz naturel. Les problèmes sont moins visibles. D’une part, cette
énergie low cost est déflationniste à un moment où la Fed cherche déses-
pérément à augmenter l’inflation.
Si l’impact déflationniste de la fracturation incite la Fed à pousser
l’assouplissement monétaire au point de détruire la confiance envers le
dollar, alors le prix de cette révolution sera très élevé. Bien sûr, ce ne sera
pas de la faute des sociétés de fracturation, mais plutôt celle de la Fed. Au
demeurant, le danger est bien présent, comme je viens de vous l’expliquer.
D’autre part, l’essentiel de l’euphorie portant sur les gisements de
pétrole de schiste a été financé par des obligations d’entreprise de piètre
qualité. Ces obligations ont été émises en partant du principe que les
cours du pétrole demeureraient au-dessus des 80 $ le baril. Mais, avec
des cours du pétrole qui ont chuté aux environs de 45 $ le baril, et qui
vont probablement demeurer au-dessous des 60 $, une grande partie de
ces investissements sera irrécupérable.
Cela représente des milliers de milliards de dollars de perte, soit bien
plus que la crise des subprime. En outre, la majeure partie de ces obli-
gations est « planquée » dans des fonds obligataires eux-mêmes enfouis
dans des plans d’épargne retraite par capitalisation.
La possibilité qu’un tel impôt soit créé n’est pas une raison pour éviter
d’acheter de l’or aujourd’hui. La flambée du cours de l’or en dollar, telle
que je la prévois, vient à peine de commencer. Si le cours augmente bruta-
lement, vous devriez avoir le temps de vendre de l’or à un niveau élevé
et de réinvestir dans une autre classe d’actifs, telle que le foncier ou les
œuvres d’art, qui courent moins le risque de se voir taxer ou confisquer
par le gouvernement.
Bien sûr, il ne sera pas facile de définir à quel moment les gains sur l’or
seront suffisants pour justifier de basculer dans d’autres actifs tangibles,
mais c’est l’une des choses auxquelles je réfléchis et dont je parlerai aux
lecteurs d’Intelligence Stratégique, au cours des mois et années à venir.
Nous assistons déjà à une augmentation des défauts sur les crédits autos
à risque (subprime). Cela devrait s’aggraver.
La troisième vague proviendra de sociétés étrangères qui ont émis
des créances libellées en dollar mais n’ont pas facilement accès au dollar
auprès de leurs banques centrales ou bien n’ont pas les moyens d’assumer
le coût des intérêts, maintenant que le dollar est beaucoup plus fort que
lorsque les créances ont été émises.
Ces trois vagues réunies (les junk bonds du secteur de l’énergie, les
crédits autos et les entreprises étrangères) totalisent plus de 10 000 Mds$,
plus de dix fois supérieur au montant des crédits hypothécaires à risques
dus avant la dernière crise en 2007.
Tous ces emprunts ne vont pas faire l’objet de défauts de paiement
mais, même dans le cas où le taux de défaut serait de 10 %, cela entraî-
nerait des pertes de 1 000 Mds$, pour les investisseurs, sans compter ce
qui aura été misé sur les dérivés de ces créances. Ces créances ne feront
pas l’objet de défauts tout de suite et pas toutes en même temps, mais
attendez-vous à un tsunami de créances douteuses vers la fin de 2015 et
au début de 2016.
Conclusion
Vous n’êtes pas démuni. Inutile de vous sentir comme un petit bouchon
de liège flottant sur l’océan, ou comme une victime de je ne sais quelle
politique que décident les banques centrales.
Vous pouvez prendre en main, vous-même, votre situation financière
nette, votre retraite et votre portefeuille.
Il existe aux États-Unis des familles comme les Rockefeller, qui ont
suffisamment d’argent, disons, pour une centaine d’années. C’est une
ancienne fortune.
Lorsque vous allez en Europe, cependant, vous y trouvez des familles
dont la fortune remonte à 300, 400 ou même 500 ans. Là, ce sont véri-
tablement d’anciennes fortunes.
Il n’y a pas si longtemps, je me trouvais dans le somptueux Palazzo
Colonna, au cœur de Rome. La famille Colonna possède sa fortune depuis
le XIIIe siècle. Pendant 800 ans, ils ont possédé cette fortune et ne l’ont
jamais perdue.
Non seulement, ils ont survécu à 2008 mais également à trente ans
de guerres napoléoniennes, à Louis XIV, à la Première Guerre mondiale,
à la Seconde Guerre mondiale, à l’Holocauste, entre autres.
Si vous leur demandez comment ils y sont parvenus, ils vous regardent
et disent : « Un tiers, un tiers, un tiers. » Un tiers de foncier, un tiers d’or
et un tiers d’œuvres d’art.
Disons que viviez en Bavière en 1620. L’ennemie se trouve à moins de
10 kilomètres et il brûle tout ce qu’il trouve. Que faire, alors ? Vous mettez
vos pièces d’or dans un sac, vous découpez vos toiles de maître, vous les
roulez et les placez dans votre sac à dos, enfourchez votre cheval et fuyez.
Ensuite, quelques années plus tard, lorsque les choses s’apaisent, vous
revenez et, normalement, vous pouvez revendiquer vos titres fonciers,
remettre votre or sur la table et vos œuvres d’art au mur. Vous êtes riche
et vos voisins ont tout perdu.
Ce que je veux dire, c’est qu’il existe des stratégies de survie que vous
pouvez utiliser. Vous n’êtes pas démuni. Vous pouvez vous protéger. Vous
pouvez réellement voir la crise arriver en utilisant les signaux d’alerte
présents actuellement.
286 I LE NOUVEL ORDRE MONÉTAIRE CONCLUSION
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