FR - Etude Monographique Sur La Demographie La Paix Et La Securite Au Sahel - Cas Du Mali
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DÉMOGRAPHIE, LA
PAIX ET LA SÉCURITÉ
AU SAHEL :
CAS DU MALI
Ce document sur la démographie, la paix et la sécurité au Sahel est l’un des documents de travail
commandés par l’UNFPA WCAR pour faire la lumière sur les défis critiques avec des données et des
preuves et informer les interventions vers un environnement plus propice à la sécurité et au développement
au Sahel. Son contenu ne reflète pas nécessairement les points de vue de l’UNFPA.
Pour demander des exemplaires du document ou pour plus d’informations sur le document, veuillez contacter
UNFPA WCARO. Des documents sont également disponibles sur le site Web du de l’UNFPA WCARO :
I Résumé exécutif........................................................................................................................6
II Introduction...............................................................................................................................9
1.1 Contexte..............................................................................................................................................9
1.2 Objectifs............................................................................................................................................10
1.3 Cadrage théorique et méthodologique............................................................................................11
1.4 Manifestations de l’insécurité selon les acteurs.............................................................................11
III Profile démographique, enjeux sécuritaires et financement des secteurs sociaux.....................13
1.5 Profile démographique : passé et perspectives..............................................................................13
1.1.1. Une population diversifiée... .......................................................................................................13
1.1.2. ...Qui augmente rapidement.......................................................................................................13
1.1.3. Une population jeune..................................................................................................................15
1.1.4. Un âge médian très bas..............................................................................................................17
1.1.5. Évolution du rapport de dépendance démographique..............................................................18
1.1.6. Les facteurs de la croissance démographique .........................................................................19
1.6 Défis liés à la croissance démographique et à la structure de la population...............................22
1.1.7. Contexte socioéconomique du Mali...........................................................................................22
1.1.8. Déficit du cycle de vie et ratio de soutien...................................................................................32
1.7 Contexte et enjeux sécuritaires.......................................................................................................37
1.1.9. Évolutions de la situation sécuritaire ........................................................................................37
1.1.10. Un lourd tribut humain..............................................................................................................38
1.1.11. Dépenses militaires et financement du capital humain : un effet d’éviction?........................39
IV Perspectives démographiques et développement du capital humain.........................................43
1.8 Perspectives démographiques à l’horizon 2050 : enjeux et défis.................................................43
1.1.12. Quels enjeux ?............................................................................................................................43
1.1.13. Défis des conflits liés à la gouvernance des ressources naturelles.......................................44
1.9 Défis pour améliorer le capital humain............................................................................................44
1.1.14. Le déficit de capital humain......................................................................................................45
1.1.15. Les besoins pour changer la donne.........................................................................................48
V Conclusion...............................................................................................................................53
VI Références...............................................................................................................................54
Figure 15 : Taux de chômage par région, milieu et sexe au Mali en 2018 (en %)...................................31
Figure 16 : Taux de chômage des 15-24 ans par milieu et sexe au Mali en 2018 (en %).......................31
Table 2 : Indices de pauvreté au Mali et dans ses régions en 2016 (en %) ............................................29
Table 4 : Évolutions du taux de chômage par âge et par sexe au Mali entre 2017 et 2018....................30
Table 6 : Évolutions du Ratio de soutien et du Déficit du Cycle de vie au Mali de 2015 à 2016.............36
Table 7 : Bilan du nombre de victimes recensées dans les conflits armés au Mali de 2012 à 2019.....38
La position géographique du Mali dans un Sahel en la justice, les questions foncières, les divisions
proie à l'insécurité depuis de nombreuses années intercommunautaires, l'intégration régionale,
expose ce pays à une instabilité sécuritaire sans le crime organisé, le changement climatique,
cesse aggravée par les attaques des groupes le développement et même les institutions
armés non étatiques présents dans la région, patriarcales.
notamment les groupes djihadistes, les groupes
À ce jour, l'instabilité sécuritaire a fait des milliers
de bandits armés et les groupes communautaires
de victimes et des centaines de milliers de
d'autodéfense, en particulier dans les zones
personnes déplacées. Le nombre de morts continue
frontalières avec l'Algérie, le Burkina Faso et le Niger.
d'augmenter de façon spectaculaire chaque
Ainsi, le Mali connaît une période d'instabilité et de
année et les civils semblent payer un lourd tribut
conflit depuis le coup d'État militaire de 2012 et
à cette situation. Le Mali a ainsi été le quatrième
l'occupation du nord du pays par des groupes armés.
pays le plus meurtrier dans les conflits armés en
La situation sécuritaire du pays crée de nombreuses Afrique subsaharienne, après la Somalie, le Sud-
incertitudes, notamment en ce qui concerne Soudan et la République centrafricaine. D’autres
son développement économique et social. Il est actes de violations graves commis incluent des
donc crucial de comprendre comment la sécurité violations au droit à la vie, des actes de torture, de
et le développement sont liés dans le contexte violence sexuelle, des arrestations, des détentions
spécifique du Sahel. C'est dans cette perspective arbitraires, des violations du droit à la propriété et
que cette monographie a été préparée, offrant une des punitions collectives.
analyse situationnelle des questions critiques liées
Les conséquences sociales et humaines de tous
à la sécurité, au développement et à la dynamique
ces actes de violence, au-delà du coût immédiat
des populations au Mali.
des morts et des blessés, comprennent la migration
Malgré la signature de deux accords de paix entre ou le déplacement de personnes, la fermeture
les différents protagonistes, à Ouagadougou en d'entreprises, la réduction des investissements,
juin 2013 et à Alger en juin 2015, la situation dans le le déclin du tourisme et le manque de légitimité
centre et le nord du Mali continue de se détériorer. des institutions. Il en résulte une augmentation
Dans le Nord, la violence continue de s'intensifier. considérable des nouvelles dépenses publiques
Les groupes djihadistes poursuivent leurs attaques pour la reconstruction des infrastructures détruites,
et de nombreux groupes armés aux revendications l'aide aux populations déplacées et la réinstallation
très diverses s'organisent. Dans le même temps, des personnes déplacées et des réfugiés dans leurs
le conflit s'est déplacé vers le centre du pays, où foyers et leurs régions d'origine. D'autres nouvelles
l'insécurité s'accroît et on assiste à une montée dépenses publiques importantes concernent
du grand banditisme et du communautarisme. Par également les coûts de négociation et de mise en
ailleurs, comme partout ailleurs au Sahel, le Mali œuvre de l'accord de paix et de réconciliation au
est devenu depuis une dizaine d'années un lieu de Mali et les nouvelles institutions qui seront créées
transit pour toutes sortes de trafics, notamment dans le cadre de cet accord.
de migrants, de cigarettes, de drogue, etc. Tous
Parallèlement, la dégradation des conditions
ces faits illustrent la complexité du problème
sécuritaires a incité les autorités du pays à définir de
de la sécurité au Mali, mettant en évidence les
nouveaux programmes pour la sécurité intérieure
interactions entre un certain nombre de questions,
et extérieure et pour le renforcement du dispositif
notamment la gouvernance, la violence légitime,
1 République du Mali (2019). Cadre Stratégique pour la Relance Économique et le Développement Durable (CREDD) 2019-2023.
Bamako, Mali : Cellule Technique CSLP- Ministère de l’Économie et des Finances. Mai 2019.
Il existe entre Démographie, Paix, Sécurité et • Déplacements des populations fuyant les
Développement des relations interactionnelles très atrocités des conflits armés ;
complexes, qui ont fait l’objet de très peu d’études • Extrême pauvreté des populations affectées
et de recherches dans la littérature scientifique par les conflits, chômage des jeunes,
contemporaine. Pourtant, les hommes se sont désespoir des populations déplacées, peur,
toujours interrogés sur l’influence de leur nombre découragement, isolement, abandon, crise
sur leur sécurité et sur leur bien être individuel et de confiance communautaire, mésententes,
collectif depuis la nuit des temps. Autrement dit, dégoût voire haine envers l’autre (personnes,
les hommes ont-ils intérêt à être moins nombreux ethnies, les couleurs), exclusions et inégalités
ou plus nombreux pour assurer leur sécurité? La sociales ;
croissance démographique a-t-elle une influence • Aggravation de la criminalité et de la
sur l’insécurité? délinquance surtout juvénile dans les zones
affectées ;
La présente monographie se propose d'analyser
les questions de sécurité liées à la dynamique et • Montée de la précarité liée à la crise
à la structure démographiques de la population alimentaire dans de nombreuses localités
malienne. en situation d’insécurité ;
• Migrations et exils économiques ;
Très peu d’études ont été menées sur l’influence des
facteurs démographiques sur la paix et la sécurité.
La population du Mali est estimée à 20 251 000 habitants en 2020. Elle est composée d'une centaine
d'ethnies, dont les principales sont les Bambara, Bobo, Bozo, Dogon, Kassonnké, Malinké, Minianka,
Peuls, Sénoufo, Soninké (ou Sarakolé), Sonrhaïs (ou Songhoïs), Touaregs, Maures et Arabes. Le français
est la langue officielle, mais la majorité de la population parle les langues nationales, le bambara étant
la plus utilisée.
Les Maliens sont majoritairement musulmans (94,4 % de la population). Les chrétiens sont estimés à 2,4 %
de la population et sont pour la plupart catholiques (1,6 %). En outre, 2,7 % des Maliens pratiquent une
religion populaire. La religion est omniprésente au Mali. Il est rare de trouver un village sans sa mosquée.
Pour autant, les cérémonies animistes, bien qu'interdites par l'Islam, persistent encore dans certains
villages. Les griots et les marabouts rappellent le passé animiste dans de nombreuses régions du pays,
tout comme les fétiches et les amulettes, très répandus dans certains groupes ethniques encore attachés
aux pratiques animistes.
Près de la moitié de la population malienne vit dans les centres urbains. En un demi-siècle, le taux
d'urbanisation du Mali a quadruplé, passant de 11 % en 1960 à 44 % en 2020. Cette urbanisation rapide
a entraîné une augmentation des bidonvilles (établissements informels), des problèmes de logement,
des litiges fonciers et des conflits qui en découlent, de la criminalité urbaine et du grand banditisme. De
plus, avec l'augmentation de la population urbaine, les besoins en logement qui en résultent ont explosé
et la demande sociale non satisfaite qui en résulte est une source de frustration individuelle et collective.
La population du Mali n'a cessé de croître fortement depuis 1960 (Figure No 1). Elle est estimée à 20,3
millions d'habitants en 2030, soit une augmentation de près de 10 personnes depuis 2000 et 2,5 fois
plus depuis 1990.
La population malienne devrait atteindre 27 millions en 2030, 35 millions en 2040 et 44 millions en 2050,
selon la projection moyenne-variante des Nations Unies, qui suppose une baisse de la fécondité pour les
pays où les familles nombreuses sont encore fréquentes et une réduction continue de la mortalité à tous
les âges. Ainsi, on devrait encore observer un doublement de la population du Mali (comparé à son niveau
de 2020), dans un intervalle de temps de juste près d’un quart de siècle.
Les tendances démographiques observées et projetées suggèrent que la structure par âge de la population
malienne (et donc le ratio de dépendance) ne devrait pas changer de manière singulière au cours des
prochaines décennies en raison surtout de la dynamique de la fécondité et de l'espérance de vie. Durant la
période 1960-2020, le poids des jeunes dans la population totale a considérablement augmenté. Le poids
des jeunes de moins de 25 ans dans la population totale a plus que doublé entre 1960 et 2020, passant
de 59,18 % en 1960 à 66,89 % en 2020. Le poids des jeunes âgés de 5 à 20 ans est passé de 34 % en 1960
à 40,31 % en 2020. Celui des jeunes âgés de 15 à 34 ans a varié entre 31 % et 33 % entre 1960 et 2020.
Les pyramides des âges (voir figure 3) illustrent l'évolution de la répartition de la population par sexe et
par tranches d'âge de cinq ans. Chaque barre correspond à la proportion de chaque sexe dans un groupe
d'âge donné au sein de la population totale (hommes et femmes confondus). La pyramide des âges de
2020 est élargie à la base et rétrécie au sommet en raison du niveau persistant de taux de fécondité
élevé. En 2050, la forme de la pyramide ne devrait pas beaucoup changer. En effet, sur la période 2020-
2050 (plus d'un quart de siècle), les projections montrent que la population jeune (0-14 ans) ne devrait
diminuer que de 10 points de pourcentage, passant de 47 % en 2020 à 37 % en 2050. La pyramide qui
en résulte montre clairement que la population serait toujours jeune, avec sa forme plus large à la base
et plus effilée au sommet.
Les pyramides permettent également de constater que la proportion de la population âgée de 15 à 25 ans
devrait rester assez constante, aux alentours de 20 %. En revanche, la part des 24-65 ans devra augmenter
de 10 points, passant de 30 % en 2020 à 40 % en 2050. La part des 20-65 ans passerait également de 39 %
en 2020 à 49 % sur la même période. Cette tendance suggère que la population active (15-65 ans) devrait
représenter une part croissante de la population en raison de la baisse de la fécondité et de l'augmentation
continue de l'espérance de vie. Le pourcentage de la population âgée de 15 à 65 ans passera ainsi de 50
% en 2020 à 60 % en 2050. Toutefois, l'âge médian de la population ne devrait pas changer rapidement. Il
n'atteindra pas 21 ans avant 2050.
L’âge médian de la population de la population du Mali est assez faible : il est estimé à 16,3 ans en 2020
(voir le graphique 4). Cela signifie que la moitié de la population malienne avait dépassé cet âge et que
l’autre moitié ne l’avait pas encore atteint, confirmant ainsi la structure démographique relativement jeune
de la population.
L’analyse de l’évolution de l’âge médian depuis 1960 montre un certain rajeunissement de la population
malienne. Le niveau de l’âge médian est passé de 19,5 ans en 1960 à 16,3 ans en 2020, soit une diminution
de 3,2 ans sur la période, soit une baisse de 0,05 an en moyenne par année. Cet abaissement de l’âge
médian durant la période 1960-2020 est principalement expliqué par les niveaux élevés de fécondité
connus durant cette et la faible progression de l’espérance de vie à la naissance.
De plus, les projections suggèrent que l'âge médian du Mali ne devrait pas beaucoup changer à moyen
terme. Il ne passera que de 16,3 à 17,8 ans entre 2020 et 2030, puis à 19,4 en 2040 et dépassera à peine
20 ans en 2045. En outre, la tendance observée et prévue de l'âge médian du Mali contraste relativement
avec celle du reste de l'Afrique subsaharienne, en particulier et surtout en Afrique de l'Ouest. La figure
n°4 montre comment l'évolution de l'âge médian diverge entre le Mali et les autres parties de l'Afrique
subsaharienne. Alors que le Mali voit son âge médian stagner à moins de 18 ans jusqu'en 2035, la moyenne
des pays africains et de la sous-région dépasse déjà ce seuil en 2020.
En termes d'effectifs, 10,2 millions de jeunes auront 16,3 ans ou moins en 2020 et 13,5 millions auront moins
de 18 ans en 2030. Cela confirme la jeunesse prononcée de la population malienne. C'est certainement un
atout, mais cela entraîne aussi de nombreux défis en termes de besoins à satisfaire dans les domaines
de la santé et de l'éducation, mais aussi en termes d'emplois à créer dans le futur.
Le rapport de dépendance démographique est fonction de la structure par âge de la population. C’est le
rapport du nombre d’individus supposés « dépendre » des autres pour leur vie quotidienne – jeunes et
personnes âgées – et le nombre d’individus capables d’assumer cette charge.
L’indicateur clé de la dépendance démographique utilisé dans cette analyse est le rapport entre le nombre
d’individus de moins de 15 ans et de plus de 65 ans à la population de 15 à 64 ans. Deux autres indicateurs
sont également présentés : le rapport de dépendance des jeunes (individus de moins de 15 ans) et le taux
de dépendance des personnes âgées (65 ans et plus), tous deux calculés par rapport au nombre d’individus
de 15 à 64 ans. Ces différents ratios donnent des informations sur les évolutions démographiques qui
ont caractérisé le Mali jusqu’ici et celles auxquelles on peut s’attendre pour l’avenir. Les graphiques 5 et
6 montrent les évolutions des rapports de dépendance des jeunes de moins de 15 ans et de celle de la
dépendance totale au Mali durant la période 1960 à 2020.
Le constat est que les rapports de dépendance Mali ont sensiblement augmenté durant la période 1960-
1995 avant d’amorcer une baisse tendancielle à partir de 1995. Le niveau du rapport global de dépendance
démographique est passé de 76 personnes à charge pour 100 adultes en âge de travailler en 1960 à 102
personnes à charge pour 100 adultes en âge de travailler en 1990 soit un accroissement du fardeau des
personnes à charge de 26 points en 30 ans. De 1990 à 2040, le niveau du rapport de dépendance a diminué
de 4 points, passant de 102 à 98 personnes à charge pour 100 adultes en âge de travailler. D’ici à 2040, le
niveau du rapport de dépendance baissera au fur et à mesure que le Mali avance, selon son rythme, sur
le chemin de la transition démographique.
Le graphique 7 donne l’évolution de la dépendance des jeunes de moins de 25 ans au Mali au cours des
60 dernières années.
La figure 8 montre l'évolution historique des niveaux de fécondité au Mali de 1960 à 2020. Les niveaux de
fécondité les plus élevés du Mali se sont produits dans les années 1970, 1980 et 1990. Le taux est resté
à plus de 7 enfants par femme pendant cette période. A partir de 2000, il y a eu une certaine inflexion,
mais elle n'a pas été suffisamment prononcée pour changer radicalement la situation. Entre 2000 et 2020,
l'indice de fécondité n'a baissé que d'un point, passant de 6,95 en 2000 à 5,92 en 2020, soit une baisse
moyenne de 0,05 point par an.
Selon les projections, le niveau de fécondité devrait continuer à baisser, mais demeurerait élevé, se situant
au-dessus de 3 jusqu'en 2040 quel que soit le scénario considéré. La figure 5 montre le résultat de trois
projections selon les scénarios des Nations Unies. En se concentrant sur les projections jusqu'en 2050
basées sur le scénario de la variation moyenne, on peut voir le niveau de fécondité restera toujours élevé,
atteignant 3,5 en 2050. Les projections démographiques associées à cette variante de l’évolution de la
fécondité donnent une taille de la population de près de 44 millions d’habitants en 2050 ; soit plus du
double du niveau de la population en 2020.
En raison de la structure d'âge actuelle de la population - majoritairement jeune - le Mali est assuré d'une
dynamique démographique importante. Cela signifie que même si l'indice synthétique de fécondité (ISF)
tombe immédiatement au niveau de remplacement de 2,1, le pays connaîtra encore une croissance
démographique rapide pendant plusieurs décennies. Cela est dû au fait qu'une grande partie de la
population jeune d'aujourd'hui n'a pas encore commencé à se reproduire ou se trouve dans les premières
années de son cycle de reproduction. En effet, le Mali a jusqu'à présent enregistré des niveaux de fécondité
L'implication de la structure d'âge actuelle de la population pour la croissance démographique future est
appelée élan démographique et peut être évaluée en projetant la population tout en supposant que (a) les
taux de mortalité restent constants aux niveaux actuels ; et (b) la fécondité est instantanément égale au
niveau de remplacement associé au niveau actuel de mortalité.
Une comparaison de la taille de la population malienne projetée dans le cadre du scénario de la variante
moyenne et du scénario de l'élan indique qu'une part importante de la croissance démographique du
pays entre 2020 et 2050 est attribuable à la structure par âge actuelle de la population (figure 6). En
d'autres termes, cette croissance se produirait même si la fécondité du Mali devait immédiatement
tomber à environ deux naissances par femme au cours d'une vie. À titre d'illustration, en 2040, 75 % de
la croissance démographique serait imputable à l'élan généré par la structure d'âge relativement jeune
de la population en 2020 ; les 32 % restants de la croissance projetée par la variante moyenne sont dus à
une fécondité supérieure au niveau requis pour équilibrer la mortalité, ainsi qu'à des améliorations de la
survie considérées comme probables au cours de cette période.
Cette évaluation de la dynamique démographique du Mali implique qu'à court terme, entre 2020 et 2050,
seule une partie limitée de la croissance démographique du pays peut être influencée par des politiques
destinées à ralentir ou à accélérer la baisse de la fécondité.
Le Mali est un pays à faible revenu dont l'économie est peu diversifiée et très vulnérable aux chocs
extérieurs et aux catastrophes naturelles. Depuis l'indépendance, sa croissance économique a été le plus
souvent faible, fragile et erratique. La figure 10 donne un aperçu des tendances de la croissance au Mali
au cours des six dernières décennies. Le constat est que tout au long de cet intervalle de temps, le Mali n'a
jamais réussi à établir une période de croissance positive et continue sur une durée de plus de dix (10) ans.
L'économie malienne est largement dépendante du secteur agricole, lui-même très dépendant des aléas
hydro-climatiques. Cela a constitué une contrainte certaine à la croissance du PIB réel au cours des
dernières décennies. Toutefois, ce n'est pas la seule contrainte majeure ; le développement de l'économie
malienne est également entravé par une série d'autres problèmes. L'économie du pays a également toujours
souffert de la faible diversification de son système productif et de sa forte dépendance vis-à-vis des facteurs
extérieurs (fluctuations des prix du marché mondial, afflux de capitaux étrangers, insécurité au Sahel, etc.).
Parmi les autres obstacles majeurs, on peut citer : un mauvais environnement des affaires (opportunités
commerciales limitées, coûts élevés des facteurs liés à certaines rigidités, coûts élevés de l'énergie,
système fiscal et douanier complexe et générateur de distorsions, corruption, lacunes des mécanismes
de réglementation et de contrôle, et compétences insuffisantes), un accès limité au financement et un
coût élevé de celui-ci (exigences élevées en matière de garanties, concentration sur le crédit à court terme,
asymétries de l'information, etc.) D'autres faiblesses sont liées aux problèmes d'infrastructures (énergie
et transport), d'accès à la terre, de protection des droits de propriété, de réglementations et de pratiques
anticoncurrentielles, et d'inefficacité des actions gouvernementales.
Afin de faire face à ces contraintes et de tirer le meilleur parti du potentiel de croissance de l'économie,
les autorités du Mali continuent de mettre en œuvre une série de réformes économiques depuis les plans
d'ajustement structurel des années 1980 et 1990. L'objectif est toujours de promouvoir l'économie de
marché et d'encourager la participation du secteur privé au développement économique (libéralisation
des prix, suppression des monopoles d'importation ou d'exportation pour certains produits, réduction des
droits de douane, etc.) Dans ce cadre, les codes des investissements, du commerce et du travail ont été
révisés et d'autres initiatives ont été lancées pour améliorer l'environnement des affaires.
Ces réformes ont permis d'améliorer le cadre macroéconomique du Mali et d'augmenter le taux de
croissance (Tableau 1). Mieux encore, elles ont rendu l'économie malienne plus résiliente face à la
crise sécuritaire et aux remous politiques. Malgré les incertitudes politiques, sociales et sécuritaires,
les performances de l'économie malienne sont restées relativement bonnes depuis 2000. Le taux de
croissance du PIB réel est resté pratiquement sur la même tendance avant et après la crise de 2012. Entre
2015 et 2017, la croissance du PIB réel a été en moyenne de 5,7 % (6,0 % en 2015, 5,8 % en 2016 et 5,3 %
en 2017). Par ailleurs, l'indice des prix à la consommation des ménages (base 100 en 2008) est passé de
112,2 en 2016 à 114,7 en 2017, soit un taux d'inflation annuel de 1,8 % contre -1,8 % en 2016, inférieur à
la norme de l'UEMOA (3,0 % maximum). Dans le domaine de la gestion des finances publiques, le solde
budgétaire de base s'est établi à -1,4 % du PIB en 2017 contre -2,4 % en 2016 et -0,90 % en 2015.
En moyenne, la croissance du produit intérieur brut réel est souvent restée au même niveau, voire bien
en dessous du taux de croissance démographique. Par conséquent, le PIB par habitant n'a jamais connu
de changement positif continu au cours de ces décennies. Les performances passées et récentes de
l'économie du pays n'ont pas encore entraîné une nette remontée du niveau de vie du Malien moyen.
Source : FMI - World Economic Outlook Database, Dernières données disponibles ; Note : (e) Donnée estimée
La figure 11 montre la structure du PIB du Mali sur la période 1970-2020. L'observation la plus frappante
est la permutation entre les secteurs primaire et tertiaire dans leur ordre d'importance en termes de
contribution au PIB. De l'indépendance aux années 1980, le secteur primaire, qui comprend l'agriculture,
la pêche et l'élevage, a été le principal secteur d'activité de l'économie malienne, contribuant à plus de la
moitié de la valeur ajoutée globale créée annuellement au Mali. Cependant, avec les périodes de sécheresse
récurrentes des années 1980 et suivantes, la part du secteur primaire dans le PIB s'est réduite au profit
du secteur tertiaire, qui jusqu'alors contribuait à moins d'un quart de la valeur ajoutée globale du pays.
Contrairement à sa part dans la population active, la part du secteur primaire dans le PIB est devenue plutôt
modeste, fluctuant autour de 35 % en fonction des performances du sous-secteur agricole. Le secteur
tertiaire, qui comprend principalement les télécommunications, les transports, le commerce, l'immobilier
et les autres services (y compris les services publics) est ainsi devenu le plus important et représente
l'essentiel de l'activité économique au Mali. Sur la même période, la part du secteur secondaire dans le
PIB est restée relativement faible, à moins de 25 % en moyenne. Ce dernier comprend principalement
l'exploitation minière, la construction, les travaux publics et les sous-secteurs de l'industrie et de la
manufacture.
En termes de contribution à la croissance du PIB réel, le secteur tertiaire est donc le principal moteur
du progrès (figure 12). Cela est principalement dû aux performances de plusieurs sous-secteurs de ce
secteur qui ont connu des épisodes de croissance très rapide au cours des deux dernières décennies. Il
s'agit principalement des postes et télécommunications, du commerce et des transports. D'autres sous-
secteurs, tels que les activités immobilières et les services financiers, ont également connu une forte
croissance au cours de cette période.
En revanche, au cours de la même période, le taux de croissance réel du secteur secondaire a été faible
et volatile. Le graphique 12 montre que ce secteur joue un rôle secondaire en termes de contribution à la
croissance du PIB par rapport aux secteurs tertiaire et primaire. Sa contribution annuelle à la croissance
du PIB n'a pas atteint un demi-point de pourcentage en moyenne au cours des vingt dernières années.
Les plus hauts niveaux de contribution à la croissance atteints par ce secteur se sont produits en 2014 et
2017, avec 1,61 et 1,23 point de pourcentage respectivement. En même temps, ce secteur a également
connu quelques épisodes de croissance négative au cours de cette même période.
Le secteur primaire, qui comprend l'agriculture, la pêche et l'élevage, est le deuxième moteur de la
croissance économique au Mali, malgré la forte baisse de sa part dans le PIB. La contribution annuelle
moyenne de ce secteur au taux de croissance réel a été d'un peu plus de 1,5 point de pourcentage entre
2010 et 2019 et de plus de 2 points de pourcentage entre 2014 et 2019. Les performances des principales
composantes du secteur primaire dépendent fortement des conditions climatiques et d'autres chocs
exogènes (e.g., les prix mondiaux des produits agricoles). Ces dernières années, tous les sous-secteurs
primaires ont ainsi subi des contractions, en particulier le sous-secteur de l'agriculture, qui en est la
composante la plus importante. Dès lors, la sous-performance de l'agriculture a fortement affecté la
contribution du secteur primaire à la croissance du PIB.
Il convient de noter que le secteur primaire, en particulier les sous-secteurs de l'agriculture et de l'élevage,
a des retombées importantes sur les secteurs secondaire et tertiaire, notamment dans les sous-secteurs
de la transformation alimentaire, des transports et des services financiers. La performance (sous-
performance) du secteur primaire induit par conséquent des effets d'amplification (contraction) dans
les secteurs secondaire et tertiaire.
Par ailleurs, la tendance historique de la croissance au Mali montre que les progrès réalisés dans les
autres secteurs n'ont jamais été suffisants pour compenser la sous-performance du sous-secteur de
En dépit des améliorations notées récemment, le Mali ne semble pas suivre la dynamique de forte croissance
économique observée dans la sous-région ouest africaine. D’autre part, les performances économiques
du pays restent soumises à des risques importants, notamment climatiques, sécuritaires et liés aux
variations des prix des matières premières, d’autant plus que le Mali attire peu d’investissements directs
étrangers (IDE) dans les secteurs stratégiques de son économie. En l'absence de réformes substantielles,
il existe encore de nombreux obstacles à une croissance durable (croissance démographique, manque
de diversification, faiblesse des investissements privés, manque d'infrastructures, faiblesse du secteur
énergétique). L'économie malienne reste également très dépendante du secteur minier et des résultats
des campagnes agricoles. Le secteur industriel et manufacturier est très peu développé et le pays
connaît une forte croissance démographique que le marché du travail peine à absorber. En outre, la
capacité de gouvernance de l’État, l’efficacité de la dépense publique et la faiblesse de la productivité des
investissements publics constituent une sérieuse contrainte pour le développement économique et social.
Pour changer la donne et accélérer la transformation économique et social, le Mali a adopté en mars
2019 un nouveau modèle de développement économique et social à travers un nouveau plan dit Cadre
Stratégique pour la Relance Économique et le Développement Durable (CREDD 2019 – 2023). Ce nouveau
cadre référentiel de la politique économique et sociale met l’accent sur cinq axes stratégiques notamment
: la consolidation de la démocratie et l’amélioration de la gouvernance, la restauration de la paix, de la
sécurité et le renforcement du vivre ensemble, la croissance inclusive et la transformation structurelle de
l’économie, la protection de l’environnement et le renforcement de la résilience au changement climatique
et le développement du capital humain ayant des impacts significatifs sur l’amélioration du bien-être des
populations particulièrement à travers l’accès aux services essentiels de base.
Pour la mise en œuvre du CREDD, un cadrage macroéconomique et budgétaire a été réalisé, avec deux
scénarios : un scénario tendanciel et un scénario optimiste. Dans le cadre du scénario « optimiste », la
mise en œuvre effective de l’ensemble des actions contenues dans le CREDD permettrait d’afficher une
croissance moyenne de l’ordre de 6,5 % sur la période 2019 – 2023 contre 3,0 % réalisé entre 2012 et 2014.
Le scénario tendanciel, qui tente de reproduire le comportement de l’économie à politiques inchangées,
conduit à un taux de croissance annuel moyen de 5,3 % ; ce qui est en phase avec la tendance récente de
croissance de l’économie malienne, soit 3,0 % entre 2012 et 2014.
Le scénario « optimiste » prévoit un taux de pression fiscale de l’ordre de 17 % à l’issue de la période de mise
en œuvre du CREDD, contre un ratio de 16.4 % dans le scénario tendanciel. Pour le scénario de tendanciel,
le coût global de la mise en œuvre du CREDD s’élèverait à 13 876 milliards de FCFA, hors service de la
dette publique, soit une moyenne annuelle de 2 775,2milliards de FCFA. Dans le scénario optimiste, les
chiffres deviennent respectivement 14 320,4 milliards de FCFA, hors service de la dette publique, et 2 864,1
Le CREDD est structuré autour de cinq axes stratégiques déclinés en objectifs, globaux et spécifiques, et
lignes d'action. Le développement du capital humain en constitue le cinquième axe stratégique. Dans cet
axe, les objectifs globaux Nos 4 et 5 visent à : 1) Créer les conditions de réalisation de l’autonomisation
de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et 2) Mieux gérer la croissance démographique et la migration
afin qu’elles contribuent à la réduction de la pauvreté et au développement durable du pays.
L’indice de développement humain établi en 2019 par les Nations Unies classe le Mali au 184e rang sur
189 pays, avec un indice de développement humain très assez faible estimé à 0,427. La situation sociale
déjà fragile s'est détériorée sous l'effet de la crise alors qu’auparavant le taux de pauvreté a globalement
diminué de 55,6 % en 2001 à 41,7 % en 2011. Les deux tiers de cette réduction de la pauvreté entre 2001
et 2011 sont dus à la croissance économique et un tiers à la réduction des inégalités. Selon les enquêtes
d'évaluation de la pauvreté, la pauvreté demeure un sujet de préoccupation. Le taux de pauvreté a augmenté
depuis l'année de la crise (42,7 % en 2012 et 47,1 % en 2013, selon les estimations de l'enquête modulaire
et permanente auprès des ménages, EMOP 2013). Exacerbée par la sécheresse et la guerre, l’incidence de
la pauvreté est beaucoup moins élevée dans les zones urbaines, les populations pauvres se concentrant
à 90 % dans les zones rurales du sud du pays, où la densité démographique est la plus forte.
La profondeur, c’est-à-dire le déficit moyen des dépenses par tête des pauvres par rapport au seuil de pauvreté
est estimé à 12,9 % pour l’ensemble du pays. La sévérité de la pauvreté qui tient compte non seulement de
l’écart séparant les pauvres du seuil de pauvreté, mais aussi de l’inégalité entre les pauvres, s’élève à 4,9 %.
Après avoir augmenté entre 2011 en 2013 du fait de la crise sécuritaire, on estime que le taux d'extrême
pauvreté a légèrement baissé, passant de 43,4 % à 41,3 % entre 2017 et 2019, grâce à la production agricole
exceptionnelle de ces trois dernières années.
L’incidence et l’ampleur de la pauvreté sont inégalement reparties sur l’ensemble du territoire national.
La pauvreté sévit plus en milieu rural qu’à Bamako ou autres centres urbains. Les résultats de l’enquête
EMOP (2016) révèlent une incidence de la pauvreté estimée à 7,4 % à Bamako contre respectivement 36,9
% et 55,2 % dans les autres villes et en milieu rural.
La même tendance est observée concernant la profondeur et la sévérité de la pauvreté. C’est dire qu’il y a
plus d’efforts à fournir en termes de ressources pour réduire la pauvreté en milieu rural qu’à Bamako ou
dans les autres villes (figure 11).
Source : EMOP-2016
Le niveau de pauvreté est a plus élevée à Sikasso, Mopti et Ségou avec des niveaux de prévalence de 66,2
%, 64,6 % et 55,5 % (Table 2). Concernant la profondeur et la sévérité, elles sont également plus élevées à
Sikasso, Mopti et Ségou traduisant ainsi une inégalité dans la distribution des dépenses de consommation
qui servent à mesurer le niveau de bien-être. Les résultats de l’enquête suggèrent une corrélation positive
entre l’incidence de la pauvreté et sa profondeur observées dans les régions. La sévérité de la pauvreté
est plus prononcée à Sikasso, Mopti et Ségou.
Selon des données fournies par le Programme alimentaire mondial (PAM), la situation de l'insécurité
alimentaire est encore relativement préoccupante au Mali (Table 3). En 2016, dans l'ensemble du pays,
21.9 % des ménages sont en insécurité alimentaire modérée et 3.1 % en insécurité alimentaire sévère. Ces
proportions augmentent à 23.6 et 3.3 % respectivement si on exclut Bamako de l'ensemble national. Cette
insécurité alimentaire est beaucoup plus fréquente dans les régions de Gao et Mopti avec respectivement
35.8 et 27.3 % d'insécurité alimentaire modérée et 6.3 et 3.8 % d'insécurité alimentaire sévère.
Au Mali, les données statistiques relatives aux demandes annuelles d’emploi sous-estiment l’ampleurs
réelle des demandeurs d’emploi. Elles excluent tous les demandeurs d’emploi moins compétents qui ne
se font pas enregistrés à l’agence nationale de l’emploi ou dans les agences privées. Le volume global des
demandes d’emploi est estimé à 7 361 demandes pour l’année 2017 pour l’ensemble du Mali. Le volume
global des offres d’emploi s’élève à 5 444 offres pour la même année. En confrontant les volumes d’offres
et de demandes d’emploi on about à un déficit de demandes d’emploi non satisfaites de -1917 demandes,
dans l’hypothèse où toutes les offres d’emploi ont été pourvues sur le marché du travail. Ce volume
global de demandes non satisfaites est indicateur peu pertinent pour apprécier l’ampleur du chômage
conjoncturel. L’indicateur le plus pertinent est l’évolution des demandes mensuelles non satisfaites en fin
de mois. Mais, ces données n’ont pas été collectées, puisque non sollicitées.
TABLE 4 : Évolutions du taux de chômage par âge et par sexe au Mali entre 2017 et 2018
Le taux global de chômage du Mali, au sens du BIT (nombre de chômeurs / population active), est restée
quasiment stable à 9,3 % de la population active pour l’ensemble du Mali durant la période 2015 à 2018
avec des variations différentielles entre les zones urbaines et rurales du Mali, et entre les différentes
FIGURE 15 : Taux de chômage par région, milieu et sexe au Mali en 2018 (en %)
Le chômage est particulièrement plus prononcé à Koulikoro (28,5 %) contre 3,2 % à Tombouctou et 3,9
% à Sikasso (figure 12). Comme on pouvait s’y attendre, le chômage est plus important en milieu urbain
qu’en milieu rural (11,4 % contre 8,6 %).
Les taux de chômage des jeunes issus du secondaire sont supérieurs à la moyenne nationale, ce qui illustre
bien la mauvaise adéquation entre les qualifications acquises dans le système de formation initial et les
besoins des entreprises et autres acteurs économiques sur le marché du travail. De plus, les femmes sont
les plus touchées par le chômage avec un taux 10,6 % contre 8,3 % chez les hommes.
Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) s’élève à 16,5 %. Avec 50,0 % de jeunes de 15 à 24 ans au
chômage, Gao est la région la plus touchée suivie par Koulikoro (42,8 %).
FIGURE 16 : Taux de chômage des 15-24 ans par milieu et sexe au Mali en 2018 (en %)
Le processus de démocratisation de la vie politique est en cours au Mali depuis déjà deux décennies. Il
n'a toutefois pas encore produit une bonne gouvernance de la sécurité et de la justice en tout cas selon
des normes acceptables aux plans des droits et libertés. Aussi, est-il souvent question de corruption, de
délinquance financière, de détournement de deniers publics, etc.
La lutte contre la corruption a été au cœur des discours des pouvoirs publics successifs de la troisième
République et différentes stratégies ont été mises en œuvre pour lutter contre les pratiques de corruption.
Ces différentes stratégies se sont traduites par la mise en œuvre de plusieurs réformes visant à renforcer
le dispositif institutionnel et organisationnel de lutte contre la corruption.
Par ailleurs, la complexité de la lutte contre ce fléau avait amené les autorités du Mali à convoquer des
états généraux sur la corruption et la délinquance financière dont les assises nationales se sont tenues
du 25 au 28 novembre 2008. Premières du genre, ces assises ont été précédées de consultations,
d’auditions au niveau du comité mis en place pour la lutte contre la corruption et la délinquance financière,
de concertations régionales et d’élaboration de rapports thématiques. Les états généraux ont proposé un
ensemble de mesures (à court, moyen et long termes) couvrant l’ensemble des secteurs touchés.
Toutefois, cela ne semble pas donner les résultats escomptés. Divers indicateurs de gouvernance indiquent
que la corruption est perçue comme très largement étendue et systémique à tous les niveaux de la société
au Mali. Citons parmi les plus importants ceux des enquêtes Afrobaromètre, de Transparency International
(Indice de perception de la corruption), de la Banque mondiale (les Indicateurs de gouvernance), du Forum
économique mondial (Rapport sur la compétitivité mondiale), de l’UEMOA (l’observatoire des pratiques
anormales de l’UEMOA).
L’Indice de perception de la corruption de Transparency International classe les pays selon la perception
de la corruption dans le secteur public. Il s’agit d’un indicateur composite qui associe différentes sources
d’information sur la corruption, permettant ainsi d’établir des comparaisons entre les pays. L’indice varie de
0 (haut niveau de corruption) à 10 (haut niveau d’intégrité). Les résultats illustrent la gravité du problème
de la corruption au Mali selon Transparency International. Le Mali est systématiquement classé parmi les
pays les plus corrompus du monde selon cet indicateur.
Selon les périodes de la vie, les individus bénéficient de transferts de la part d’autres générations et des
pouvoirs publics ou, au contraire, contribuent à les alimenter. Grace à la méthode des comptes de transferts
nationaux, articulée autour de la notion de cycle de vie économique, il est possible de mesurer ces flux
liés à l’évolution de la structure démographique d’un pays.
L'originalité de l'approche repose sur un processus en trois étapes : la création de profils d'âge moyens
à partir des données d'enquête, le calcul de profils agrégés en multipliant les profils moyens par la
démographie, et enfin l'ajustement des profils agrégés par les agrégats économiques des comptes
nationaux. Pour finir, on obtient donc des profils dits « agrégés », qui sont les valeurs totales à chaque âge
pour l'ensemble de l'économie, et des profils dits « moyens », qui sont des valeurs individuelles.
Cette approche permet ainsi l’intégration de l’âge à la comptabilité nationale. Ce qui permet d’expliquer la
manière dont les individus produisent, consomment, épargnent et redistribuent les richesses à chaque âge.
Le déficit du cycle et le ratio de soutien au Mali ont été estimés par l’équipe NTA du Mali pour les
années 2015 et 2016. Les résultats de cette évaluation permettent de comprendre l’étendue des effets
économiques de la structure par âge de la population dans ce pays.
Les résultats de l'évaluation indiquent qu'en 2015, les revenus du travail au Mali s'élevaient à 3867 milliards
de francs CFA, dont plus des deux tiers générés par les 27-62 ans et des pics autour des 35-45 ans. Ces
revenus correspondent essentiellement aux revenus de l’auto-emploi (informel) et, dans une moindre
mesure, aux revenus des salaires et traitements. Le pic des revenus salariaux est atteint entre 54 et 60
ans. Un creux dans les revenus est atteint dans la tranche d'âge 45-52 ans. D'autre part, la consommation
finale est estimée à 7 561,42 milliards de francs CFA. Ainsi, on constate un déficit global du cycle de vie
de 1.882,60 milliards de francs CFA ; le revenu du travail généré ne couvre donc que 75,1 % des besoins
de consommation.
Les estimations du déficit de vie indiquent un déficit de 1 480 milliards de FCFA en 2015 soit 22 % du PIB.
Le déficit est comblé par les individus dont l’âge est compris entre 26 et 62 ans qui en 2015 ont généré
un surplus généré de l’ordre de 1 229 milliards de FCFA pour financer une partie de la consommation des
individus de 0 – 25 ans (3 218 milliards) et des individus de plus de 62 ans (187 milliards). Les jeunes
présentent un LCD jusqu’à l’âge de 27 ans tandis que chez les personnes âgées, le LCD commence à
partir de 67 ans. La durée d’excédent qui s’étend donc de 28 à 66 ans dure 38 ans au cours du cycle de
vie. Le déficit à la jeunesse a été évaluée à 3 455 milliards de FCFA tandis que celui à la vieillesse est de
seulement 48 milliards de FCFA. Il faut noter que les migrants participent également au financement de
ce déficit à travers les transferts provenant de leur travail (environ 11 % du PIB en 2012).
La structure très jeune de la population influe sur les tendances du déficit du cycle de vie. Les adultes de
28 à 66 ans ont un surplus de 1 620 milliards de dollars, ne couvrant que 46,8 % de la LCD des jeunes. Les
jeunes représentent 64,3 % de la consommation globale et ne produisent qu'un quart du revenu global du
travail. Le tableau 5 résume la formation du déficit du cycle de vie au Mali en 2017, en fonction de l'âge.
Au niveau individuel, ce déficit passe de 235 552 francs CFA pour les enfants de moins de 1 an à 314 888
francs CFA à 13 ans avant de diminuer progressivement jusqu'à 27 ans et au-delà. On peut en conclure que
le bien-être de l'individu, mesuré par son niveau de consommation, suit une tendance à la baisse même
si ses revenus augmentent. À 51 ans, par exemple, pour un revenu moyen du travail de 1 072 569 FCFA,
la consommation n'est que de 474 913 FCFA (soit 44 % du revenu du travail).
Un élément essentiel de la méthodologie NTA est l'application du concept de ratio de soutien. Semblable
à la mesure du ratio de la dépendance, le ratio de soutien tel qu'il est appliqué dans le NTA s’écarte de la
définition démographique stricte qui définit la population en âge de travailler comme les personnes âgées
de 15-64 (avec celles entre 0-14 et 65+ classées comme personnes dépendantes). La méthodologie NTA
utilise des données compréhensives sur le revenu et de la consommation du travail qui ne se limite pas
aux définitions restrictives de l'âge. Ainsi, le ratio de support est un calcul des agents efficaces par rapport
aux consommateurs efficaces.
Le numérateur du ratio de soutien correspond au nombre effectif de travailleurs. Ce qui permet prendre en
compte les différences par âge dans la participation à la population active, les heures travaillées, le chômage
et la productivité ou les salaires. Le dénominateur correspond au nombre effectif de consommateurs. Ce
permet de tenir compte des différences par âge dans la consommation.
Cette méthode de calcul du ratio de soutien permet donc de contextualiser les réalités selon l'âge dans
la production économique entre les différentes sociétés et aussi les différences selon l'âge entre les
modèles de la consommation. Intuitivement, le ratio de soutien mesure l'effet des changements dans la
structure par âge de la population sur la consommation. Chaque pourcentage - un point de pourcentage
des résultats du ratio de soutien- augmente la consommation d’un pourcent à tous les âges, toutes choses
L’étude NTA du Mali montre que le ratio de soutien augmente au Mali depuis 1998 (figure 14), année où la
fenêtre d'opportunité a été ouverte au profit d'un premier dividende démographique. Ce ratio était à 43,5 %
en 2015, ce qui signifie que 43 producteurs effectifs assurent la consommation de 100 consommateurs
effectifs (tableau 6). Ce taux est inférieur à celui de l'Éthiopie, du Sénégal et de l'Afrique du Sud.
Le ratio de soutien est affecté par les changements du niveau de production et du niveau de consommation.
Il est également affecté par la faible contribution des femmes au revenu du travail (22 % contre 78 %
pour les hommes), même si leur consommation est presque égale à celle des hommes. Afin d'atteindre
des niveaux de ratio élevés, il est nécessaire de mettre en place des stratégies visant à augmenter le
nombre de travailleurs plus rapidement que le nombre de consommateurs. Ceci se justifie aisément si
l'on considère, par exemple, que malgré une période de dépendance des jeunes plus longue au Sénégal
(35 ans) qu'au Mali (26 ans), le taux de soutien y est plus élevé en raison d'un nombre relativement plus
faible de consommateurs effectifs.
TABLE 6 : Évolutions du Ratio de soutien et du Déficit du Cycle de vie au Mali de 2015 à 2016.
Années
INDICATEURS
2015 2017
Ratio de soutien économique (RSE) en % 43,5 43,5
Déficit du Cycle de Vie (LCD) (en milliards de FCFA) 2 608 1 883
Source : Équipe NTA – Mali – ONDD et CREG / CREFAT, 2017, 2019
Si le Mali ne met pas en œuvre des politiques économiques et sociales visant à accélérer la transition
démographique pour l’atteinte du premier dividende, il n’atteindra pas en 2050, les niveaux de ratio de
soutien de l’Éthiopie en 2030 et du Sénégal et de l’Afrique du Sud en 2010 et pourrait même perdre les
opportunités offertes par l’ouverture de la fenêtre du dividende.
Depuis son indépendance, et bien avant l'éclatement de la crise de 2012, le Mali a souvent été confronté à
des troubles sociaux et politiques qui ont eu un impact assez durable sur son processus de construction
d'un environnement de stabilité et de prospérité partagée. Au-delà des sécheresses et des famines
récurrentes, le Mali a connu dans son histoire récente de longues périodes de dictature, une série de
coups d'État (1968, 1990, 2012) et des révoltes touarègues récurrentes (1963/64, 1990/92, 1994/95, 2006,
2012). De plus, depuis 2012, l'implication des groupes djihadistes islamistes dans la révolte touarègue
a entraîné une partition de facto du pays. Le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA),
soutenu par Al-Qaïda au Maghreb islamique, a réussi à occuper le nord du pays, en plein désert. Un coup
d'État militaire a suivi en mars 2012, plongeant le pays dans une profonde instabilité et affaiblissant
durablement l'autorité de l'État.
Malgré la signature ultérieure des accords de paix (Ouagadougou en 2014 et Alger en 2015) et le
retour à l'ordre constitutionnel (élections en 2013 et 2018), la situation sécuritaire et politique reste
très préoccupante et il y a peu de signes encourageants. Les progrès sont rares, fragiles et largement
marginaux. Pire encore, le conflit de 2012 semble se transformer en conflits multiples ; les groupes armés
se sont fragmentés ou reconstitués et la violence montre des tendances inquiétantes de repli identitaire.
Dans le Nord, la violence continue de s'intensifier. Les groupes djihadistes poursuivent leurs attaques
et de nombreux groupes armés aux revendications très diverses s'organisent. Dans le même temps, le
conflit s'est déplacé vers le centre du pays, où l'État n'est pas en mesure de s'imposer. Dans cette partie
du Mali, l'insécurité s'accroît et on assiste à une montée du grand banditisme et du communautarisme.
Par ailleurs, comme partout ailleurs au Sahel, le Mali est devenu depuis une dizaine d'années un lieu de
transit pour toutes sortes de trafics, notamment de migrants, de cigarettes, de drogue, etc.
La situation dans le Centre illustre la complexité du problème sécuritaire au Mali. Elle met en évidence les
interactions entre plusieurs questions clés, notamment la gouvernance, la violence légitime, la justice, les
À ce jour, l'instabilité sécuritaire a fait des milliers de victimes et des centaines de milliers de personnes
déplacées. Le tableau 7 donne un aperçu du nombre total de victimes enregistrées depuis le début des
conflits armés au Mali. Le tableau est assez alarmant. Le nombre de morts continue d'augmenter de façon
spectaculaire chaque année et les civils semblent payer un lourd tribut à cette situation.
TABLE 7 : Bilan du nombre de victimes recensées dans les conflits armés au Mali de 2012 à 2019
Nombre total de victimes recensées depuis le début des conflits armés au Mali
Années
Nombre de morts au moins par an Dont civils
2012 538 115
2013 883 170
2014 381 49
2015 428 95
2016 320 75
2017 947 251
2018 1739 871
2019 1868 888
Total Général 7104 2514
Source : Université du Sussex / Armed Conflict Location and Event Data project (Acled)
Le graphique 19 montre que, sur la période 2011-2015, le Mali a ainsi été le quatrième pays le plus meurtrier
dans les conflits armés en Afrique subsaharienne, après la Somalie, le Sud-Soudan et la République
centrafricaine. Ces statistiques témoignent, bien au-delà de l'effet du nombre, de l'intensité des exactions
commises dans le pays en ces temps troublés. Le nombre de morts est un indicateur important de
l'ampleur des conflits armés en termes de pertes. En tant que tel, c'est la première information que tout
le monde recherche. Mais de nombreux corps ne sont jamais retrouvés. Le résultat réel peut donc être
plus alarmant que ces chiffres.
Ces décès sont autant le fait des groupes armés que des forces gouvernementales. Plusieurs rapports
récents de Human Rights Watch, MINUSMA, Amnesty International et de Suliman Baldo, l’expert
indépendant de l’ONU sur les droits de l’homme au Mali ont révélé que toutes les parties impliquées
dans le conflit (groupes rebelles armés, groupes extrémistes, milices loyalistes et les forces de sécurité
maliennes) ont tous commis des actes d’exécutions extrajudiciaires, d’exécutions et de disparitions
forcées et de mauvais traitements à tous les stades du conflit depuis 2012.
D’autres actes de violations graves commis incluent des violations au droit à la vie, des actes de torture,
de violence sexuelle, des arrestations, des détentions arbitraires, des violations du droit à la propriété et
des punitions collectives. Le rapport trimestriel sur la situation au Mali publié par le secrétaire général des
Nations Unies le 20 mars 2020 en donne quelques illustrations. Sur la période examinée, la MINUSMA a
recensé 123 cas de violations des droits de la personne et d’atteintes à ces droits. Les 123 cas portaient
sur la mort de 222 civils, la disparition forcée de 20 personnes, 72 personnes blessées et l’enlèvement ou
la disparition de 46 personnes. Un peu plus de la moitié de ces cas (62) ont été signalés dans la région de
Mopti. Des incidents ont également été enregistrés dans les régions de Gao (20), Kidal (6), Ménaka (14),
Ségou (6) et Tombouctou (15).
Les conséquences sociales et humaines de tous ces actes de violence, au-delà du coût immédiat des morts
et des blessés, sont notamment la migration ou le déplacement de personnes, les fermetures d'entreprises,
la réduction des investissements, le déclin du tourisme et le manque de légitimité des institutions.
La dégradation des conditions sécuritaires a incité les autorités du pays à définir de nouveaux programmes
pour la sécurité intérieure et extérieure et pour le renforcement du dispositif d’application des lois. Le Mali
s'est ainsi trouvé pris dans une course aux armements, augmentant fortement ses dépenses de défense et
de sécurité. La figure 20 montre l'évolution des montants budgétaires consacrés aux dépenses militaires
au Mali depuis 1980. La discontinuité autour de 2010 est assez frappante. De 2010 à 2018, l'effort du
gouvernement en matière de dépenses militaires a connu une augmentation assez forte. Les montants
dépensés ont même été multipliés par un peu plus de trois au cours de cette période. Les dépenses
militaires du Mali ont ainsi augmenté de 233 % entre 2010 et 2018, ce qui correspond à une augmentation
annuelle moyenne de 14 % sur cette période.
Seulement, ces accroissements des dépenses militaires sont intervenus dans un contexte où les
ressources de l’État n’ont pas beaucoup augmenter, et parfois même pas du tout. Le Mali, à l’instar de
Dans ces conditions, il s’avère que le mode de financement via la réaffectation des ressources est la
seule option de l’État pour supporter ces nouvelles dépenses militaires. La réaffectation des ressources
consiste en un réajustement des dépenses eu égard aux prévisions de la loi des finances initiale. Dans le
nouveau contexte sécuritaire, la réaffectation est devenue un moyen de plus en plus utilisé dans les pays
du Sahel pour financer des besoins nouveaux dans les domaines de la sécurité intérieure et extérieure et
de gestion des implications des conflits.
C’est dire que le financement des dépenses supplémentaires de sécurité dans ces pays entraine
des arbitrages budgétaires entre les dépenses de sécurité et celles qui visent à éradiquer les causes
économiques et sociales des crises qui les frappent, et risque d’entraîner un accroissement de leur
endettement. Cette option pourrait toutefois occasionner des dommages préjudiciables au développement
harmonieux de ces pays confrontés à l’épineuse question de la production de richesses pour soutenir les
dépenses d’investissement.
Certes, dans le contexte actuel du Sahel, les États et les gouvernements ont des arguments légitimes en
matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la légitime défense. Et, les dépenses militaires sont
une mesure de sécurité. Il existe donc des niveaux minimums ou optimaux de dépenses de défense, qui
doivent être justifiables en termes de renforcement de la sécurité. Cependant, pour être efficaces, les
En effet, il existe un débat de longue date sur la question de savoir si un gouvernement doit choisir de
dépenser son argent pour du « beurre » (c'est-à-dire de la nourriture ou d'autres services) pour ses citoyens
ou pour des « armes », c'est-à-dire de l'argent dépensé par le gouvernement pour la défense militaire.
En d'autres termes, l'argument des « armes et du beurre » explique qu'il y a un arbitrage à faire entre les
dépenses militaires et les autres grandes dépenses gouvernementales. De nombreuses études empiriques
établissent une relation négative (ou un échange) entre la défense et le bien-être, en particulier une relation
négative assez forte entre les dépenses militaires et les dépenses gouvernementales en matière de santé
et d'éducation. Il est ainsi établi que : (1) des coûts d'opportunité existent pour l'éducation et la santé dans
tous les pays et pour toutes les années, et (2) les niveaux de développement économique ont peu ou pas
d'impact sur les coûts d'opportunité pour ces secteurs spécifiques.
Il est alors compréhensible qu'avec le budget global limité du gouvernement, l'augmentation des dépenses
militaires peut avoir un effet d'éviction sur d'autres composantes des dépenses gouvernementales telles
que les dépenses d'éducation et de santé au Mali. La figure 21 montre clairement les effets des récentes
hausses des dépenses de sécurité sur le financement public des secteurs de la santé et de l'éducation.
La constatation la plus évidente est que l'effet d'éviction est réel et assez fort par rapport aux dépenses du
gouvernement central dans le secteur de la santé. C'est le secteur de la santé qui est le plus perdant avec
l'augmentation des allocations budgétaires de la défense. Entre 2010 et 2018, la part des dépenses de
santé publique dans le budget de l'État a été maintenue en moyenne à moins de 5 %, tandis que celle des
dépenses militaires a doublé, passant de 7 à 14 % du budget de l'État. Il est intéressant de relever qu'en
2003, les deux secteurs ont reçu le même niveau de financement dans le budget de l'État.
L'effet d'éviction des dépenses militaires sur les dépenses d'éducation est d'autant plus évident si l'on
considère que la part du gouvernement central dans le budget de l'éducation devait augmenter fortement
compte tenu des challenges et engagements du Mali pour rendre l'accès à l’éducation universel et améliorer
la qualité dans ce secteur. En ratifiant le programme sur les objectifs du Millénaire (OMD) puis l'Agenda
2030 sur les objectifs de développement durables (ODD), l'État malien s'est engagé à consacrer davantage
de ressources publiques à ce secteur afin de garantir à chaque enfant du Mali (filles et garçons) un accès
gratuit à un enseignement primaire et secondaire de qualité. Cela signifie que les récents efforts financiers
de l'État malien en matière de sécurité et de défense se font actuellement au détriment de sa capacité
à assurer un financement adéquat du secteur de l'éducation pour le développement d'une éducation de
qualité au profit de tous.
La poussée démographique au Mali, d’ici à l’horizon 2050, véhicule plusieurs enjeux aux plans
géostratégiques, sécuritaires, économiques et politiques.
Sur le plan géostratégique : La taille et la structure par âge de la population d’un pays sont essentielles
dans l’affirmation de la souveraineté d'une nation dans le contexte général des relations internationales.
C'est ce qu'enseigne l'histoire démographique et que l'actualité confirme chaque jour. L'état de la population
d'une nation ne suffit certes pas à l'affirmation politique de cette nation, mais elle en est une composante
nécessaire et ostensible. Ainsi, en dépit des différences idéologiques qui les séparent, aucune grande
nation ne peut se permettre d'entretenir de mauvaises relations avec un géant démographique. Les
exemples de la Chine, de l’Inde et même du Nigéria (en Afrique de l’Ouest) sont là pour l’attester. La
crédibilité internationale des deux géants démographiques de l'Amérique latine, le Brésil et le Mexique,
est lourdement hypothéquée par leur déficit démographique. Donc, pour compter, peser et être respecté
dans les relations internationales, une nation comme le Mali doit avoir un poids démographique dissuasif
face à ses pays limitrophes et au reste du Monde.
Sur le plan sécuritaire : la poussée démographique entraîne des besoins induits considérables dans le
secteur de la défense et de la sécurité, car pour sécuriser une population nombreuse il faut des effectifs
importants de militaires, de gendarmes et de policiers, plus d’armements et de logistiques pour permettre
aux troupes de s’acquitter convenablement de leurs missions de sécurisation des personnes et de défense
de l’intégrité du territoire national.
Sur le plan économique : Comment assurer la sécurité alimentaire d’une population de plus de 40 Millions
de Maliens en 2050 ? La sécurité alimentaire est indispensable à la sécurité nationale et, par incidence,
régionale et nationale. Preuves : les mouvements de réfugiés internes voire internationaux auxquels les
grandes famines donnent lieu. Le potentiel déstabilisateur de tels drames humains est grand. Citons
simplement les drames vécus dans ces circonstances par les femmes, les enfants et les personnes âgées
; on pourrait signaler également que ces situations de détresse permettent aussi à des meneurs et aux
groupes armés d'entretenir un climat émotionnel peu propice à la sécurité et à la paix civile dans le pays.
Sur le plan politique : les implications de la croissance démographique au plan politique sont imprévisibles
: elles vont des revendications politiques à l’agressivité collective, en passant par la remise en cause de
l’autorité des responsables politiques et administratifs, des chefs coutumiers et des leaders d’opinions.
Ces différentes convulsions sociales peuvent constituer une source de déstabilisation sociale et de réelles
menaces pour la paix et la sécurité.
La taille, la structure par âge et la dynamique de la population comptent beaucoup dans l’affirmation de
la souveraineté d'une nation dans le contexte général des relations internationales. C'est ce qu'enseigne
l'histoire et que l'actualité confirme chaque jour. L'état de la population d'une nation ne suffit certes pas à
l'affirmation politique de cette nation, mais elle en est une composante nécessaire et ostensible. Ainsi, en
Le poids démographique d’un pays est assez déterminant dans les rivalités et dans les compétitions entre
pays sur la scène internationale. La taille de la population totale d’un pays a une charge symbolique forte
sur ses pays voisins et oriente souvent leurs comportements démographiques dans la perspective d’un
hypothétique affrontement militaire.
La population totale du Mali a considérablement augmenté au cours des soixante dernières années,
passant de 5,3 Millions d’habitants en 1960 à 20,3 Millions en 2020. Dans une sous-région où la paix et
la sécurité sont en déséquilibre à cause des actions conjuguées des groupes armés, des trafiquants de
drogues et des terroristes, cette forte croissance démographique contribue à renforcer et à durcir la lutte
autours des moyens de survie notamment entre agriculteurs et éleveurs pour l’accès aux ressources
naturelles notamment l’eau et la terre.
Les deux principaux moyens de subsistance au Mali, l'agriculture et l'élevage, sont vulnérables au
changement climatique, aux catastrophes récurrentes et à la dégradation des ressources naturelles. De
ce fait, la course entre agriculteurs et éleveurs pour l'accès à la terre, à l'eau et aux pâturages est souvent
une source de conflit intercommunautaire. En tant que tel, l'accès à la terre est donc une des principales
sources de tension sociale et de conflit entre les communautés et les familles.
Comme la terre et l'eau se raréfient, la concurrence pour ces ressources vitales s'intensifie, en particulier
entre les riches et les pauvres, entre les sédentaires et les pasteurs / nomades. En outre, à mesure que la
population augmente, la part de ces ressources vitales disponibles par personne diminue, réduisant ainsi
le niveau de vie de la population. Des millions de personnes risquent donc de tomber dans la pauvreté, ce
qui peut entraîner des troubles sociaux souvent incontrôlables.
Ces tensions entraînent souvent des conflits entre éleveurs et agriculteurs, mais aussi entre éleveurs et
entre agriculteurs. Les communautés vivant au Mali se spécialisent souvent dans l'agriculture ou l'élevage
selon leur appartenance ethnique. En raison de la rareté des ressources et de leur gestion parfois exclusive
dans de nombreuses localités, la compétition se traduit par des affrontements de plus en plus violents
qui impliquent souvent des groupes armés non étatiques.
Cette situation fait que les intérêts défendus par les membres des groupes socioprofessionnels s'identifient
aux groupes ethniques et que la lutte pour le positionnement pour l'accès aux ressources en terre et en
eau se fait également selon des critères ethniques.
Le « capital humain » — le potentiel de chaque individu — est l’investissement le plus important que
le Mali devra consentir dans cette perspective. Pour réussir la transformation économique et sociale,
la main-d'œuvre future du Mali devrait être à la fois productive (bien qualifiées et en bonne santé) et
économiquement active.
Investir dans le capital humain dans un pays ne se limite pas seulement à l’instruction de la prochaine
génération. Il vise surtout la construction d’un avenir économique pour le pays. L’investissement dans le
capital humain prépare les enfants à poursuivre une carrière sur la base d’un choix construit dans la durée,
mais aussi prépare le pays à la participation à l'économie mondiale. Investir dans le capital humain est
donc essentiel pour des considérations économiques claires.
Pour le Mali, c’est alors une nécessité incontournable d’investir dans les ressources humaines au moyen
d’une éducation de qualité, des services de santé, de la nutrition et le développement des compétences et
des emplois pour favoriser le développement du capital humain. Cette section porte sur l’identification des
gaps dans ces domaines, notamment en matière d’éducation et de santé, et sur l’évaluation coûts associés
aux investissements nécessaires en vue de combler ces gaps. Cela est particulièrement important pour
le Mali afin de permettre de prendre des décisions éclairées sur la manière dont les ressources publiques
et privées devraient être allouées et de veiller à ce que suffisamment de ressources financières soient
consacrées à l’atteinte de l’objectif de développement adéquat du capital humain.
L’analyse est faite en basant sur l’Indice du capital humain (ICH) développé par la Banque Mondiale2.
L’ICH quantifie la contribution de la santé et de l’éducation à la productivité de la prochaine génération de
travailleurs. Les pays l'utilisent pour évaluer le manque à gagner résultant de leur déficit de capital humain,
et déterminer dans quelle mesure ils pourraient progresser plus vite et transformer ces pertes en autant
de gains s’ils agissaient maintenant.
Malgré les efforts consentis depuis les six dernières décennies, le Mali accuse un sérieux déficit de capital
humain. Il est parmi les pays africains qui ont le plus faible score sur l’indice de capital humain publié en
2018. Avec un score de 0,32 sur un maximum de 1, le Mali est classé au 40 ème rang, juste devant le Sud
Soudan et le Tchad, et au même niveau que le Libéria et Niger (Figure 22).
2 World Bank. 2018. The Human Capital Project. World Bank, Washington, DC. © World Bank. https ://openknowledge.worldbank.
org/handle/10986/30498 License : CC BY 3.0 IGO.
L'Indice varie entre 0 et 1, et ne prend la valeur 1 que si un enfant né aujourd’hui peut espérer vivre en pleine
santé (ne subir aucun retard de croissance et vivre au moins jusqu’à 60 ans) et atteindre son potentiel
d’éducation (14 années de scolarité de qualité avant l’âge de 18 ans). Le score d’un pays est la distance
qui le sépare de la « frontière », à savoir une scolarité complète et une pleine santé.
Le score de 0,32 du Mali dans l’ICH signifie que le niveau de revenu qu’un enfant né aujourd’hui dans ce pays
peut espérer atteindre à l’âge adulte sera inférieur de 68 % au niveau qu’il aurait pu atteindre s’il avait suivi
une scolarité complète et avait vécu en pleine santé. L’Indice peut être aussi directement lié aux scénarios
concernant le futur niveau de revenu des pays et des particuliers. Le score de 0,32 du Mali signifie de ce
fait que le pays pourrait atteindre un PIB futur par travailleur trois fois plus élevé s'il atteignait le niveau
correspondant à une scolarité complète et à la pleine santé.
Si cette performance globale du Mali est alarmante, les chiffres sont encore plus inquiétants lorsque l’on
se penche sur les différentes composantes intégrées au sein de l’ICH.
Cette composante de l'ICH révèle une réalité inquiétante au Mali. En effet, le score du pays pour la survie
des enfants au-delà de l'âge de 5 ans n'est que de 0,89 sur 1. En d'autres termes, seuls 89 % des enfants
nés aujourd'hui pourront survivre jusqu'à l'âge scolaire, ce qui signifie que 11 % des enfants nés aujourd'hui
ne vivront pas au-delà de l'âge de 5 ans. Le Mali réalise ainsi la plus mauvaise performance à cet égard en
Afrique subsaharienne, aux côtés de la Sierra Leone et du Tchad. En Sierra Leone également, jusqu'à 11
% des enfants nés aujourd'hui mourront avant l'âge de 5 ans, tandis qu'au Tchad, ce chiffre s'élève à 12 %.
La moyenne en Afrique subsaharienne est de 0,93 sur 1. En d'autres termes, seuls 93 % des enfants nés
Le faible score du Mali est d'autant plus préoccupant que ce taux n'est pas forcément lié à l'aspect
sécuritaire. Par exemple, en Irak (4e pays le plus dangereux du monde selon l'indice mondial de la paix),
99 % des enfants ont une chance de survivre jusqu'à l'âge de 5 ans, alors qu'en Côte d'Ivoire, ce chiffre
n'est que de 91 %. Certes, plus un pays est sûr, plus les enfants ont de chances de grandir, néanmoins les
conditions et les chances de ces enfants d'atteindre au moins l'âge scolaire sont avant tout déterminées
par les politiques mises en place par le gouvernement pour investir dans le capital humain.
L'ICH prend en compte le secteur de l'éducation à travers deux sous-indicateurs : la quantité d'éducation (par
le nombre d'années que les enfants passent à l'école, ainsi que l'adéquation entre le temps d'apprentissage
et de formation) et sa qualité. La référence adoptée dans le calcul de l'indice est qu'un enfant bénéficie
d'une éducation complète s'il a suivi 14 années d'enseignement de qualité jusqu'à l'âge de 18 ans.
Selon les données de l'indice, la durée moyenne mondiale prévue de la scolarité pour les enfants nés
aujourd'hui jusqu'à l'âge de 18 ans est de 11,2 ans sur 14. En revanche, l'adéquation entre le temps
d'apprentissage et de formation n'est que de 7,9 ans sur 14 en moyenne dans le monde. En Afrique
subsaharienne, seulement 8,1 années en moyenne seront consacrées aux études des enfants jusqu'à l'âge
de 18 ans, pour un taux d'adéquation entre le temps d'apprentissage et le temps de formation de 4,9 sur 14.
En comparant ces chiffres avec les résultats du Mali, on constate une fois de plus que ce pays est l'un
des moins performants d'Afrique et du monde. Ainsi, les enfants nés au Mali ne peuvent espérer terminer
en moyenne que 5,6 années de scolarité, pour un taux d'adéquation temps d'apprentissage/temps de
formation de 2,7 sur 14. C'est à peine mieux que pour ceux nés au Tchad, qui n'achèveront en moyenne
que 5 ans de scolarité pour une adéquation temps d'apprentissage/temps de formation de 2,6.
Cette situation affecte la qualité de l'éducation telle que mesurée par l'harmonisation des résultats des
tests des principaux programmes internationaux d'évaluation des performances des élèves. Alors que
la moyenne mondiale est de 431 points, le Mali se distingue parmi les plus faibles en la matière avec une
moyenne de 307 points sur 625. L'Afrique subsaharienne dans son ensemble a un score moyen de 374
points, avec quelques très bons scores comme au Gabon (456), au Kenya (455), ou au Sénégal (412).
Pour les 89 % d'enfants nés au Mali qui pourront survivre jusqu'à l'âge de 5 ans, un autre défi demeure :
jouir d'une bonne santé. L'ICH intègre cette dimension en prenant en compte le taux d'enfants non affectés
par un retard de croissance avant l'âge de 5 ans, ainsi que leur taux de survie à l'âge adulte.
Les données de l'ICH indiquent que 30 % des enfants nés aujourd'hui au Mali souffriront d'un retard de
croissance au cours de leurs cinq premières années. Ce chiffre n'est que de 8 % aux Seychelles, 17 %
au Gabon et au Sénégal, 19 % au Ghana, alors que la moyenne est de 32 % pour l'ensemble de l'Afrique
subsaharienne et de 23 % au niveau mondial.
Toutefois, le score du Mali est bien inférieur à celui de certains de ses pays voisins comme le Sénégal
et la Mauritanie, où les taux de survie des adultes sont respectivement de 82 % et 80 %. En revanche, le
Mali fait beaucoup mieux que certains pays de la région comme la Côte d'Ivoire (61 %), le Tchad (64 %), le
Soudan et l'Afrique du Sud (68 %) ou le Nigeria (65 %).
En résumé, les scores du Mali reflètent une grave crise du capital humain dans le pays et remettent en
question sa capacité à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) de l'Agenda 2030. Cette
faiblesse soulève également des questions sur les conséquences graves sur ses possibilités de réaliser
les transformations économiques et sociales pour une société de prospérité partagée telles que définies
dans le CREDD et l'Agenda 2063 pour l'Afrique. Il convient aussi surtout de noter que le déficit en capital
humain pourrait s'aggraver à l'avenir en raison de l'incertitude en matière de sécurité, de la croissance
démographique rapide, de la fragilité politique et sociale, des conflits communautaires et du changement
climatique.
Pourtant, le Mali peut encore faire la différence si des initiatives audacieuses sont prises pour garantir à
chaque Malien une éducation complète de qualité et une santé parfaite.
1.1.15.1 Éducation
En ratifiant l’Agenda 2030 sur les ODD, le Mali s’est engagé à offrir à chaque enfant sur son territoire un
enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité. L’évaluation des besoins est donc basée sur
quatre réformes spécifiques nécessaires pour transformer le système éducatif malien de manière à
réaliser l’ODD 4 à l’horizon 2030. Il s’agit notamment : i) d’élargir la couverture éducative pour la rendre
universelle dans le primaire et le secondaire (accès, équité, parité) ; ii) d’augmenter le nombre d’années
de scolarité accomplie par enfant (taux d’achèvement) ; iii) d’améliorer la qualité de l’enseignement (taux
d’encadrement) ; et iv) d’améliorer le rendement du système (efficacité interne). En termes de valeurs
cibles, les objectifs de ces réformes se déclinent comme suit :
• L'offre d'éducation préscolaire est améliorée afin de porter progressivement le taux brut de
scolarisation à 50 % à partir de 2030 pour les enfants âgés de 3 à 5 ans ;
• A partir de 2030, tous les enfants à partir de 6 ans accèdent à l'enseignement fondamental.
Ils achèvent tous les deux cycles de l'enseignement fondamental et auront tous accès à
l'enseignement secondaire. Il n'y a plus d'abandon au niveau de l'enseignement fondamental
(taux d'achèvement de 100 %) ;
• Le taux de redoublement est limité à 10 % dans les deux cycles de l'enseignement fondamental ;
• Au niveau de l’enseignement secondaire les effectifs se répartissent comme suit :
• 67 % des élèves poursuivent leur scolarité dans de l’enseignement secondaire général ;
• 33 % des élèves sont orientés vers le l’enseignement secondaire technique et professionnel, dont
40 % dans l’enseignement technique ;
Le coût financier à supporter pour atteindre ces objectifs quantitatifs est estimé, pour chaque niveau
d’enseignement, à partir du coût total associé à chaque élève. Cela inclut les coûts de fonctionnement
courant (personnels enseignants et non-enseignants, matériels pédagogiques, administration, dépenses
sociales) et les coûts liés aux dépenses en capital (investissements) pour l’équipement et la construction
ou la maintenance des infrastructures (notamment la construction de salles de classe ou de locaux pour
les services d’appui administratif et pédagogique au niveau central ou décentralisé).
Les coûts courants sont fonction du nombre d'élèves et les coûts d'investissement sont fonction de
l'augmentation du nombre d'élèves (ce qui nécessite la création de nouvelles places dans les écoles). Par
conséquent, on obtient le coût total de l'éducation en multipliant le nombre d'élèves par le coût courant par
élève et en ajoutant le coût en capital par élève multiplié par le nombre d'élèves supplémentaires prévus
pour l'année suivante.
Les informations sur coûts unitaires par ordre d’enseignement (coûts par élève) à l’année de référence
(2018) sont obtenus à partir des statistiques de l’éducation publiées annuellement dans l’annuaire de
l’éducation et des données sur le budget de l’État. Les valeurs considérées sont les moyennes agrégées
nationales ; c’est dire que le calcul n’est pas fait de façon séparée pour les différents types de structures
(écoles publiques, écoles privées, écoles communautaires...) même si ces types de structures coexistent
dans le pays et participent toutes à l’offre de service d’éducation.
Le nombre d'élèves par niveaux et types d’éducation est obtenu en multipliant la population d'âge scolaire
par le pourcentage de ces enfants inscrits à l'école. Plus spécifiquement, sur la base des projections
démographiques effectuées sous les différents scénarios d’évolution de la population malienne, on peut
estimer la population scolarisable pour les années d’âge théorique correspondant à chacun des cycles
d’enseignement sur la base des taux bruts de scolarisation projetés à l’horizon 2030 et après.
1.1.15.2 Santé
Les graphiques 23, 24 et 25 donnent l’état des lieux sur les ressources disponibles pour le système de
santé malien, notamment la main-d'œuvre (médecins, infirmiers et autres travailleurs de la santé) et les
dépenses courantes de l’état par tête d’habitant.
Ces données sont essentielles pour permettre de mieux appréhender quel est le niveau de satisfaction des
besoins de santé des populations. En effet, les services de santé dépendent essentiellement de ressources
humaines bien formées, notamment les spécialistes tout comme le personnel des soins primaires.
La densité des ressources humaines disponibles pour les populations constitue un bon indicateur de
la capacité opérationnelle d’un système de santé. Il n’existe pas une règle d’or pour déterminer si les
personnels de santé sont en effectifs suffisants. Toutefois, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
considère que les pays qui ont moins de 23 professionnels de santé (en ne comptant que les médecins, le
personnel infirmier et les sages-femmes) pour 10 000 habitants ne disposent pas d’un taux de couverture
Cet indicateur de l’OMS ne permet cependant pas de cerner correctement les besoins exhaustifs en
personnel soignant dans un pays donné. En revanche, l'indicateur du déficit d'accès aux travailleurs de la
santé permet de mesurer le déficit de couverture santé causé par le manque de personnel médical. Cet
indicateur du déficit d'accès lié au personnel (en anglais : staff related access deficit) a été développé par
l’Organisation Internationale du Travail (Internationale Labour Organization, ILO). Il fournit des informations
sur la pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans le domaine de la santé et sert de mesure de substitution
pour la disponibilité des services de santé. Il est mesuré en utilisant la différence relative de la densité
nationale des professionnels de la santé dans un pays donné et un indice de référence. Le point de repère,
à son tour, se réfère aux valeurs médianes d'un groupe de pays qui ont réussi à rendre les services de santé
largement accessibles à la population, sur la base des données disponibles sur la couverture des services.
Sur la base des données de 2011 de l'OMS (nombre de médecins, personnel infirmier et obstétrical pour
10 000), la valeur médiane estimée est de 41,1 pour 10 000 habitants, pondérée par la population totale.
Cette valeur médiane est un peu plus de 4 agents de santé pour 1 000 habitants et dépasse le minimum
fixé pour la prestation des soins primaires, soit 2,3 pour 1 000 (ILO, 2011, 2014).
Dans le cas du Mali, l’indicateur du déficit d'accès lié au personnel suggère que 86,9 % de la population
ne bénéficient pas de la couverture santé telle prévue par la loi en raison d’effectifs insuffisants dans les
professions de santé (seuil : 41,1) (ILO, 2008, 2014, 2017 ; WHO, 2014a, 2014b). Le Mali, à l’image de la
grande majorité des pays d’Afrique, affiche un niveau de déficit d'accès très élevé. Dès lors, une piste pour
améliorer l’état global de santé de la population est de chercher à combler ce gap de ressources humaines.
Pour estimer l'accès aux services de professionnels médicaux qualifiés (médecins et personnel infirmier
et obstétrical), le Bureau Internationale du Travail (BIT) utilise comme approximation la différence relative
entre la densité des professionnels de la santé dans un pays donné et sa valeur médiane dans les pays
à faible vulnérabilité. L'accès de la population aux services de professionnels de la santé dans les pays
à faible vulnérabilité est donc utilisé comme référence pour d'autres pays. Le référentiel relatif de l'OIT
correspond à la valeur médiane dans le groupe de pays considérés comme « faiblement vulnérables »
concernant la structure de l'emploi et la pauvreté (pour la liste des pays voir : ILO, 2014).
Cette monographie a analysé les enjeux sécuritaires de la dynamique démographique au Mali sur la période
allant de 1960 à 2040. L’analyse a été construite sur la base des données nationales existantes qui ont
été collectées, traitées et analysées conformément à un canevas soumis par le Bureau Régional pour
l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Fonds des nations Unies pour la population (UNFPA)/WECARO, basé
à Dakar (Sénégal), avec l’appui du Bureau UNFPA/Mali. Les perspectives démographiques élaborées par
la Division de la Population des Nations Unies (World Population Prospects, The 2019 Revision, Median
variant) ont été utilisées pour analyser les évolutions de la population du Mali sur la période 1960 à 2040
et les besoins induits par cette évolution démographique dans les secteurs de la Santé, de l’Éducation, de
la Défense et de la Sécurité, de l’économie et de la sécurité alimentaire.
Les résultats des analyses faites ont montré que l’état de la population, son effectif, sa structure par âge
et par sexe, sa répartition sur le territoire national et sa dynamique (fécondité, mortalité, migrations), à
un moment donné, peuvent créer une situation interactionnelle très complexe qui peut favoriser la paix,
la sécurité et la stabilité dans un pays ou mettre en péril la paix, la sécurité et la stabilité, si les fortes
demandes sociales induites par la croissance démographique dans les secteurs sociaux (Santé, Éducation,
Défense, Emploi) ne sont pas satisfaites. Les efforts budgétaires déployés par le Mali pour répondre à la
demande sociale induite par la dynamique de la population ont été analysés et les analyses ont montré
que ces efforts ont été insuffisants pour faire face à la demande sociale. Le Mali doit donc déployer
plus d’efforts budgétaires en faveur des secteurs sociaux dans l’avenir pour assurer l’adéquation entre
l’offre et la demande sociale induite par la croissance démographique dans les secteurs de la Santé,
de l’Éducation, de la Défense, de l’Emploi et de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les résultats de
l’étude ont montré que les problèmes sécuritaires actuels ont leurs sources dans cette insatisfaction
de la demande sociale depuis plusieurs décennies et sont exacerbés par les effets des changements
de structure et de dynamique de la population Malienne.
L’impact des interrelations entre la croissance démographique, la paix et la sécurité affecte le Mali
dans sa quasi-totalité depuis une vingtaine d’années et s’est particulièrement manifesté dans certaines
régions dans le Nord et le Centre du pays occasionnant des conflits multiformes qui commencent
généralement par des conflits communautaires autours des moyens de survie.
La réponse nationale à ces crises s’élaboraient au fur et à mesure de la prise en compte de la dimension
des problèmes.
1. The World population prospects, the 2019 Revision, Median Variant, Division de la Population
des Nations Unies.
5. Rapports des Enquête Modulaires et permanentes auprès des Ménages (EMOP) du Mali.