Un Premier Apprentissage Mathématique: La Construction Du Nombre

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Haute Ecole Pédagogique – BEJUNE

Un premier apprentissage
mathématique :
la construction du nombre
PF1 : 1013

Mémoire de bachelor de Estelle Incerti

Porrentruy, mars 2013


Résumé

Ce travail de mémoire professionnel se penche sur la question d’un premier apprentissage


mathématique fondamental, celui de la construction du nombre. Cette recherche tend à
comprendre le rôle que porte l’enseignant au niveau de cet apprentissage dans les premières
années de la scolarité d’un élève. Elle met en lumière les éléments théoriques nécessaires à
l’acquisition du concept de nombre et les paramètres auxquels il faut prêter tout
particulièrement attention en tant qu’enseignant. Au travers d’entretiens avec des
enseignantes de 1H-2H ainsi qu’avec des enseignantes spécialisées de 3H-4H, des pistes
quant à la responsabilité du travail de l’instituteur dans ce domaine sont apportées.

Cinq mots clés :

• Ecole enfantine (1H-2H)


• Enseignement
• Mathématiques
• Nombre
• Sens

Remerciements

Je souhaite avant tout remercier mon professeur de mémoire, Pierre Migy, qui m’a guidée
dans la construction écrite de mon travail.

Je remercie ensuite les cinq enseignantes qui ont accepté de répondre à mes questions et qui
se sont exprimées avec passion et enthousiasme sur leur profession.

Pour terminer, un grand merci à Valérie Rytz et Pierre Chopard qui ont contribué à la
relecture et aux corrections orthographiques de mon travail.
Table des matières

1 INTRODUCTION ..................................................................................................................... 4  

1.1   PRESENTATION DE LA THEMATIQUE DE MEMOIRE ET CHOIX DU SUJET.................................. 4  

2   QUESTIONS DE DEPART ET SYNTHESES DES DEMARCHES EXPLORATOIRES ..... 4  

2.1   SYNTHESE DES DEMARCHES EXPLORATOIRES ................................................................... 5  

3   PROBLEMATIQUE .............................................................................................................. 5  

3.1   ÉNONCIATION DES PREMIERES QUESTIONS DE RECHERCHE ............................................... 7  

4   CADRE THEORIQUE .......................................................................................................... 8  

4.1   L’ECOLE ENFANTINE ........................................................................................................ 8  

4.1.1   Math en 1H et 2H .................................................................................................. 8  

4.1.2   Etapes de l’apprentissage des mathématiques en 1H et 2H ................................. 9  

4.2   ANTECEDENTS LOGIQUES NECESSAIRES A LA CONSTRUCTION DU NOMBRE ....................... 10  

4.2.1   Qu’est-ce que le nombre ? .................................................................................. 10  

4.2.2   Aspects ordinal et cardinal du nombre ................................................................ 10  

4.2.3   Permanence de l’objet ......................................................................................... 10  

4.2.4   Conservation du nombre, conservation des quantités ........................................ 11  

4.2.5   Ranger, mettre en ordre, sérier ........................................................................... 11  

4.2.6   Quantification de l’inclusion des classes ............................................................. 12  

4.3   ADOPTER UNE POSTURE REFLEXIVE EN 1H-2H / DONNER DU SENS AUX APPRENTISSAGES . 13  

4.3.1   L’assimilation et l’accommodation ....................................................................... 13  

4.3.2   La question du sens en mathématiques .............................................................. 14  

4.3.3   Les situations-problèmes et les problèmes ouverts ............................................ 14  

4.4   IMPORTANCE DE LA LANGUE DANS LES APPRENTISSAGES NUMERIQUES ............................ 15  

4.4.1   Ponts entre langage et développement de concepts scientifiques ...................... 16  

4.5   COMMENT SE CONSTRUIT LE NOMBRE ?.......................................................................... 17  

4.5.1   Le comptage et le dénombrement ....................................................................... 17  

4.5.2   Les décompositions et le subitizing ..................................................................... 18  

4.5.3   Les collections-témoins ....................................................................................... 19  

5   METHODOLOGIE .............................................................................................................. 20  

5.1   CHOIX DES OUTILS METHODOLOGIQUES .......................................................................... 20  

2
5.2   ANALYSE DES DONNEES ................................................................................................ 21  

5.3   QUESTIONS COMMUNES A TOUTES LES ENSEIGNANTES .................................................... 21  

5.3.1   La première question posée aux enseignantes A, B, C, AS, BS est : ................. 21  

5.3.2   La deuxième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est :............. 24  

5.3.3   La troisième question posée aux enseignantes est :........................................... 26  

5.3.4   La quatrième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est : ............ 27  

5.3.5   La cinquième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est : ............ 29  

5.3.6   La sixième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est : ................ 30  

5.4   QUESTIONS UNIQUEMENT POSEES AUX ENSEIGNANTES DE 1H-2H ................................... 32  

5.4.1   La première question posée aux enseignantes A, B, C est :............................... 32  

5.4.2   La deuxième question posée aux enseignantes A, B, C est : ............................. 32  

5.4.3   La troisième question posée aux enseignantes A, B, C est : .............................. 33  

5.4.4   La quatrième question posée aux enseignantes A, B, C est : ............................. 34  

5.4.5   La cinquième question posée aux enseignantes A, B, C est : ............................ 35  

5.5   QUESTIONS UNIQUEMENT POSEES AUX ENSEIGNANTES SPECIALISEES .............................. 36  

5.5.1   La première question posée aux enseignantes AS, BS est : .............................. 36  

5.5.2   La deuxième question posée aux enseignantes AS, BS est : ............................. 37  

5.5.3   La troisième question posée aux enseignantes AS, BS est : .............................. 38  

6   CONCLUSION ................................................................................................................... 39  

6.1   CRITIQUES DU TRAVAIL .................................................................................................. 39  

6.2   CE QUE CE TRAVAIL M’A APPORTE .................................................................................. 39  

6.3   PERSPECTIVES DE POURSUITE ....................................................................................... 41  

7   REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................. 42  

ANNEXES ................................................................................................................................ 44  

7.1   RETRANSCRIPTION ENTRETIEN ENSEIGNANTE A .............................................................. 44  

7.2   RETRANSCRIPTION ENTRETIEN ENSEIGNANTE B .............................................................. 49  

7.3   RETRANSCRIPTION ENTRETIEN ENSEIGNANTE C .............................................................. 56  

7.4   RETRANSCRIPTION ENTRETIEN ENSEIGNANTE AS ............................................................ 62  

7.5   RETRANSCRIPTION ENTRETIEN ENSEIGNANTE BS ............................................................ 68  

3
1 Introduction

1.1 Présentation de la thématique de mémoire et choix du sujet


J’ai choisi comme thématique de mémoire la construction du nombre à l’école
enfantine. En effet, j’aimerais travailler sur le terrain de la didactique des mathématiques
parce qu’il s’agit d’un domaine pour lequel j’ai eu beaucoup de peine durant toute ma
scolarité obligatoire, ainsi que durant mes études.

J’ai choisi le cycle I pour ma spécialisation lors de ma troisième année de formation.


C’est pourquoi je m’intéresserai aux élèves de l’école enfantine. C’est le degré dans lequel
je souhaiterais enseigner à ma sortie de la HEP. L’une des motivations qui m’a poussée à
commencer cette recherche en mathématiques est également due au fait que j’ai une
conviction personnelle que je souhaiterais revisiter, voir éliminer de ma pensée. Je crois
depuis longtemps que certains élèves ont une compréhension « innée » des mathématiques
et que d’autres sont voués à trimer dès le début de leur scolarité et tout au long de leur
parcours.

J’ai envie d’être capable de donner à mes futurs élèves les meilleurs fondements
possibles dans le domaine des mathématiques de manière à ce qu’ils soient le mieux préparés
possible pour la suite de leur scolarité dans cette discipline complexe, mais fondamentale à
chaque individu. A mon sens, l’école enfantine joue un rôle primordial dans la construction
des connaissances élémentaires, c’est pourquoi j’ai envie de me perfectionner dans
l’enseignement des mathématiques.

« Si les bases ne sont pas correctement assimilées, l’apprentissage futur sera forcément
bancal » (Verstraeten, 2006)

2 Questions de départ et synthèses des démarches


exploratoires
Questions de départ

• De quelle manière le jeune enfant s’approprie le nombre ? Y a-t-il plusieurs façons ?


Lesquelles ?
• Comment les élèves d’école enfantine appréhendent les différents apprentissages qui
leur sont proposés en mathématiques ?
• Comment l’élève raisonne-t-il ? Quels outils utilise-t-il pour résoudre une situation-
problème ?

4
2.1 Synthèse des démarches exploratoires
Lors de mes premiers stages à l’école enfantine, je me suis rapidement rendu compte
en menant diverses activités que les différences au niveau du raisonnement logico-
mathématique entre les élèves de 1H et 2H étaient vraiment énormes. D’ailleurs, on constate
souvent que même dans un degré unique, on rencontre de grands écarts de maturité et de
développement.

En stage, j’ai proposé une activité que j’ai appelé « le jeu des pierres précieuses ».
Je précise que j’ai mené cet exercice en fin d’année scolaire. Dans une petite boîte, j’ai mis
cinq pierres précieuses. Je retournais la boîte ouverte sur le sol, secouais un peu le récipient,
puis je dévoilais une, deux, trois, quatre, ou cinq pierres. Les élèves devaient être capables de
« deviner » combien il en restait caché dans la boîte. Pour les élèves de deuxième, c’était très
facile, par contre ils n’étaient pas capables de dire comment ils « savaient » la réponse.
La plupart des élèves de première année disaient un nombre entre un et cinq au hasard.
Je n’ai pas joué individuellement à ce jeu avec chaque élève. Je n’ai donc pas bien pu observer
les stratégies que les élèves mettaient en œuvre pour répondre à cette question, s’ils
pratiquaient le surcomptage, s’ils comptaient les pierres visibles en utilisant leurs doigts,
si leurs lèvres remuaient traduisant un comptage discret, de quelle manière les élèves qui se
sont trompés ont procédé, etc. C’est pourquoi, il m’a paru intéressant de creuser cette
démarche et de m’intéresser plus précisément à cela.

Mon idée est d’abord d’effectuer une recherche dans la littérature spécifique liée à ma
thématique de base. Je dois tout d’abord définir certains termes de vocabulaire spécifique et
éclaircir certains concepts afin de comprendre le cheminement intellectuel pour acquérir les
compétences requises à la résolution de cette situation-problème. Dans ce travail, je me
pencherai sur le rôle de l’enseignant dans l’accompagnement de ses élèves au niveau des
premiers apprentissages mathématiques en ciblant le domaine du nombre. Si j’ai choisi
le domaine numérique plutôt qu’un autre c’est parce que, selon mes représentations, c’est la
racine des maths, le domaine dont découlent tous les autres.

Commentaire général : pour des raisons pratiques, j’utiliserai dans mon travail la
nomenclature HARMOS pour désigner les degrés de la scolarité.

3 Problématique
Pour définir ma problématique, j’ai voulu aller en premier lieu à l’école enfantine,
puisque c’est le degré dans lequel je souhaite travailler pour cette recherche, voir où en sont
les élèves de 1H et 2H. J’ai souhaité observer de manière plus pointue les élèves, et je les ai
pris cette fois individuellement. J’ai filmé les élèves d’une classe de Bienne lors de plusieurs

5
situations afin de faire une évaluation diagnostique des compétences des élèves, des
différences de niveaux qu’il peut y avoir entre eux, etc. J’ai demandé aux élèves de compter,
de dénombrer. J’ai observé si les élèves avaient acquis la conservation de la quantité ainsi que
s’ils étaient capables de répondre à un problème de logique simple. Je leur ai d’abord
demandé de réciter la suite numérique pour voir jusqu’où ils étaient capables de compter.
Une élève de 1H m’a dit qu’elle savait compter jusqu’à quatre, un autre élève du même degré
a su compter jusqu’à vingt-cinq, mais la majorité des jeunes sont capables de compter jusqu’à
environ dix. Tous les grands comptent au minimum jusqu’à vingt. J’ai été particulièrement
surprise de l’écart de démarche entre les grands lors du dénombrement. Je demandais
d’abord aux élèves de se servir de cinq ou six objets dans un ensemble. A ceux qui savaient
réciter la suite numérique aisément, je leur ai demandé de prendre dix objets (marrons,
pierres précieuses,…). Ainsi, deux élèves de 2H se sont servis de marrons en les comptant
trois par trois, puis en ajoutant deux. Ils ont fait preuve d’une maîtrise impressionnante en
terme de comptage. (séquence : Virgil / Lila)

Cette évaluation m’a particulièrement interpellée et je me suis rapidement aperçue


que pour certains élèves que je questionnais, les 2H surtout, les activités que je leur proposais
étaient en deçà de leur zone proximale de développement, donc trop faciles. Mais ça n’a pas
été le cas pour tous. Une élève de 2H a eu de la peine et ceci plus que certains élèves de 1H.
J’ai vu que pour beaucoup d’enfants les questions paraissaient claires et leurs réponses
étaient évidentes. Sur l’ensemble de la classe (quatorze élèves) j’ai perçu que trois d’entre eux
ont présenté de grandes difficultés. J’ai observé que certains élèves cherchaient dans mes
yeux les réponses aux questions que je leur posais. J’aimerais préciser que ce sont ces enfants
en particulier qui m’intéressent et pour lesquels je souhaite m’impliquer dans mon travail
de mémoire.

J’ai également proposé un jeu de parcours aux élèves. Je les


ai filmés en train de jouer, afin d’observer la manière dont ils
maîtrisent le fait d’avancer sur un plateau de jeu avec un pion, la
façon dont ils comptent les constellations du dé, s’ils arrivent
à anticiper un coup et la manière dont ils réfléchissent. Pour bien
observer ces paramètres, j’ai choisi le jeu « Les écureuils ».
J’ai remarqué que, pour la plupart des 2H, le fait de mettre en
relation le nombre de points obtenus sur le dé et avancer le pion
est quelque chose d’acquis. En revanche, je vois que certains sont
capables d’anticiper leurs coups et réfléchissent, alors que d’autres
avancent spontanément dans un sens ou un autre sans se

6
préoccuper de savoir s’il tomberont sur une case « pive » ou pas. En ce qui concerne les 1H,
il y en a qui reconnaissent immédiatement la constellation du dé et d’autres qui doivent
encore compter les points à chaque fois qu’ils lancent le dé. Une élève, qui a particulièrement
des difficultés, n’est pas capable de compter à haute voix et en même temps d’avancer son pion.

La diversité des élèves et leurs différences de compétences m’interpellent. Il me


semble que je peux détecter assez aisément les enfants qui auront de la facilité ou, au
contraire, risquent de rencontrer des difficultés dans la suite de leur parcours scolaire
en mathématiques, bien que rien ne soit définitif à cet âge-là. Par exemple, j’ai vu une élève
de 2H qui n’arrivait pas encore bien à faire correspondre le nombre obtenu par le dé et
le nombre de cases à avancer sur le plateau de jeu alors que, pour certains 1H, cette démarche
est maîtrisée. C’est pourquoi je pense qu’il est important de réagir rapidement avec ces
élèves, mais de quelle manière les aider ?

Mon objectif est de comprendre la nature des difficultés des élèves qui ont des soucis
et pour y parvenir, je focaliserai particulièrement mon attention dans cette recherche sur
le travail que doit accomplir l’enseignant pour conduire au mieux ses élèves dans les premiers
apprentissages mathématiques. J’ai envie de découvrir sa part de responsabilité dans
l’enseignement des mathématiques. Au lieu de penser que certains élèves sont peu doués
dans cette branche comme le sens commun le considère, je souhaite démontrer que ce sont
des élèves qui ont eu un mauvais départ dans leur vie avec les nombres et qu’on peut
y remédier ! Rémi Brissiaud (2007) affirme : « Même si, en matière d’apprentissages, le passé
ne prédétermine jamais le futur, il y a des premières rencontres qu’il vaut mieux réussir. »
(p.4) C’est pourquoi je souhaite donc mener cette recherche.

3.1 Énonciation des premières questions de recherche


• Quelles responsabilités l’enseignant porte-t-il dans les premiers apprentissages
mathématiques en particulier avec les élèves en difficultés ?
• Comment mettre en place l’apprentissage du nombre ? Par quels moyens
didactiques ?
• En quoi les jeux ou activités mathématiques peuvent-ils être des moyens permettant
aux élèves de cycle I de construire le nombre ?

7
4 Cadre théorique
Lors de ce travail, je me baserai largement sur l’ouvrage de Rémi Brissiaud (2007)
et celui de Berdonneau (2005), car, à mon sens, ils s’inscrivent dans les travaux les plus
récents et les plus pointus en terme de recherche en didactique des mathématiques dans
le domaine que je souhaite développer.

4.1 L’école enfantine


Dans le sens commun et pour beaucoup de non-professionnels de l’éducation, l’école
enfantine est encore assimilée à une garderie ou à un groupe de jeux et non à un lieu sérieux
et formateur où nombre d’apprentissages sont mis en place. L’introduction des deux années
d’école enfantine dans la législation sur l’école obligatoire traduit l’un des points majeurs de
REVOS 2012. Sur le plan formel, l’école enfantine devient obligatoire tout en restant un degré
singulier dont la pédagogie spécifique est adaptée au développement des enfants. Grâce à
la révision de la loi sur l’école obligatoire (LEO), les deux années d’école enfantine seront
intégrées aux onze années de la scolarité à partir du premier août 2013 dans toutes les
communes. Cette nouvelle loi donne enfin toute son importance aux premiers degrés de
la scolarité et est donc le projet d’une école qui se veut toujours plus égalitaire. Le Plan
d'études romand découle de cette nouvelle loi et constitue un repère précieux pour les
partenaires de l'école, notamment pour les parents qui peuvent désormais se tenir au courant
du projet de formation et du déroulement de la scolarité de leurs enfants. (Direction de
l’instruction publique BE, 2012)

En 1H et 2H, les apprentissages sont abordés différemment qu’à partir de la 3H.


« Le jeu est l’activité la plus spontanée de l’enfant. C’est un puissant moyen, pour lui,
d’appréhender la réalité » (Notes méthodologiques école enfantine, Valais, 2003, p. 31).

Lors des deux premières années du cycle I (1H, 2H), le jeu est le moyen d’apprentissage
souverain. Il a la caractéristique d’être motivant pour les élèves. Plusieurs chercheurs ont
démontré le lien entre le développement de l’intelligence et le jeu. Comme le jeu est
la manière la plus spontanée d’aborder les diverses connaissances à l’école enfantine,
les situations mathématiques sont naturellement travaillées par ce biais.

4.1.1 Math en 1H et 2H

Des mathématiques en première année d’école, cela peut paraître ambitieux et


pourtant les enfants, à partir de quatre ans, ont déjà eu l’occasion au cours de leur vie de se
soumettre à un certain nombre d’expériences à caractère mathématique. En effet, les activités

8
telles que comparer des formes, compter jusqu’à cinq ou six, effectuer des correspondances
terme à terme, trier, classer, constituer des collections d’objets semblables, montrer son âge
à l’aide de ses doigts, compter les bougies de son gâteau d’anniversaire, compter en terme de
« dodos » le nombre de jours avant un événement important, réciter une comptine simple
sont des exemples concrets.

Les quatre grands domaines mathématiques enseignés en 1H et 2H sont : logique et


raisonnement, espace et géométrie, le nombre, la mesure et les grandeurs. Pour ma
recherche, j’ai décidé de mettre l’accent sur le domaine du nombre. Il faut savoir que dans
ces degrés (1H, 2H), les nombres sont de purs outils. Ils servent à nommer, lire et écrire
des quantités dans des activités concrètes d’apprentissage. Les diverses activités en lien avec
les nombres doivent faire prendre conscience aux élèves de l’utilité et de l’efficacité de cet
outil. Cependant, ils doivent aussi se rendre compte que les nombres sont utilisés au
quotidien et ne sont pas forcément représentatifs d’une quantité. Par exemple, lorsque l’on
aborde le thème du calendrier.

4.1.2 Etapes de l’apprentissage des mathématiques en 1H et 2H

Pour que l’élève soit en mesure de développer ses compétences cognitives en mathé-
matiques, il doit en premier lieu s’approprier certaines habiletés qui sont décrites ci-dessous
selon trois étapes fondamentales.

En premier lieu, les enfants doivent acquérir une motricité globale. Cette dernière
demande une implication de tout le corps et est indispensable à l’enfant jusqu’à cinq ans.
Au début de son existence, le jeune enfant ne maîtrise pas bien ses mouvements et manque
de coordination. Il doit donc apprendre à entraîner ses muscles, préciser ses mouvements,
développer son sens de l’équilibre, etc. Cette étape fait appel à la motricité globale.

La seconde étape fait apparaître une activité motrice restreinte. Elle sollicite surtout
les mains et les doigts. Cette étape concourt au développement de la motricité fine. Elle fait
appel à la manipulation de matériel et aux jeux. L’espace est limité comparé à l’étape
précédente et les enfants ont besoin de temps pour acquérir une maîtrise des mouvements,
c’est pourquoi il n’est pas rare de rencontrer des élèves qui, pendant une période, prennent
toujours le même jeu ou s’installent à une même activité. Un enfant qui agit de la sorte
prouve que cet exercice-là lui procure toujours du plaisir et lui permet de faire encore de
nouvelles découvertes.

La troisième étape fait appel à la représentation mentale, cette étape est aussi appelée
phase d’abstraction. La mobilisation est intériorisée intellectuellement. L’enfant tire des
conclusions de ses expériences et les conceptualise. La manipulation, citée lors des étapes

9
précédentes, n’est pas une fin en soi. Le but est que l’enfant, au fil du temps, ait de moins en
moins besoin de manipuler et améliore sa capacité d’abstraction. (Berdonneau, 2005)

4.2 Antécédents logiques nécessaires à la construction du nombre


Avant de décrire les concepts nécessaires à la construction du nombre, il me paraît
judicieux de définir ce qu’est un nombre.

4.2.1 Qu’est-ce que le nombre ?

Selon le Petit Robert (2009) :

« Ce qui sert à mesurer une quantité. Concept de base des mathématiques, une
des notions fondamentales de l’entendement que l’on peut rapporter à d’autres idées
(de pluralité, d’ensemble, de correspondance), mais non définir. » (p. 1698)

Selon A petit pas de grands projets (2008) :

Le nombre est un concept universel. Il ne devient réel que par la concrétisation de la


quantité qu’il représente. Ainsi le nombre 4 n’existe pas sans représenter les 4 pieds
d’une chaise, les 4 murs d’une maison, les 4 plots d’une tour… (p. 339)

4.2.2 Aspects ordinal et cardinal du nombre

L’aspect ordinal du nombre est la place qu’occupe ce dernier dans une suite. C’est une
relation d’ordre que l’enfant s’approprie en cherchant un intrus, en continuant une suite
logique ou en classant des éléments selon plusieurs critères. (Plus grand que, plus petit que,
plus long que, plus court que, etc.) Par exemple : Jules est arrivé deuxième. Deux se situe
avant trois et après un.

L’aspect cardinal du nombre exprime la quantité. Deux ensembles ont le même


cardinal, si on peut établir une correspondance terme à terme. Par exemple : cinq lapins
qui mangent cinq carottes. Cinq est le cardinal commun aux lapins et aux carottes.

4.2.3 Permanence de l’objet

La définition du dictionnaire fondamental de la psychologie L-Z (1997) est la


suivante : « principe suivant lequel un objet (essentiellement solide), lorsqu’il échappe
à l’appréhension perceptive, est néanmoins conçu comme n’ayant pas cessé d’exister et peut
donc être retrouvé, identique à lui-même à différents moments du temps. » (p. 924)

C’est en observant le monde qui l’entoure, en le prospectant, en opérant sur lui, que
l’enfant construit des structures cognitives fondamentales à l’évolution de ses structures

10
logiques ultérieures. La permanence de l’objet est le tout premier principe de conservation.
La disparition de la matière est la conséquence soit d’un déplacement, soit d’un masquage
de cette dernière.

La permanence de l’objet va marquer un tournant décisif dans le développement


de l’enfant : lorsque l’enfant réalise que les choses existent en dehors de son regard,
il peut du même coup utiliser des symboles pour représenter les choses ; il peut donc
penser le monde. (Gaonac’h et Golder, 1995, p. 102)

4.2.4 Conservation du nombre, conservation des quantités

La conservation des quantités est une aptitude indispensable à la construction


du nombre. L’expérience de Piaget au sujet de la conservation des quantités montre que
l’enfant, selon son âge, peut être influencé par ce qu’il voit. Devant deux collections d’un
nombre équivalent d’objets, mais positionnés de manière différente, l’enfant peut être amené
à se questionner et à être induit en erreur par l’apparence visuelle (exemple a). L’enfant est
persuadé qu’il y a plus de puces bleues que de rouges, car elles prennent une place plus
importante que les rouges.

Il en est de même avec les contenants et les liquides (exemple b). L’enfant est tout
à fait d’accord que les contenus de A et de B sont équivalents sur le schéma du haut.
En revanche, lorsque devant lui on verse le contenu du récipient B dans le récipient C, alors
sans hésitations, l’enfant affirme que dans le contenant C il y a moins de liquide que dans
le contenant A, car le niveau est plus bas.

Exemples :

a) b)  

4.2.5 Ranger, mettre en ordre, sérier

Les activités de sériations sont des exercices de logique qui s’installent assez
tardivement. Elles présument que la relation qui permet de comparer, puis de mettre
en ordre soit précisée. Toutes les relations d’ordre ne sont pas identiques, car elles peuvent
s’employer à différents types de problèmes. Par exemple, avec des nombres naturels :
il y a plus de bonbons que d’enfants, si j’en distribue un à chacun il en reste tant. Ou sur

11
des capacités : il y a moins d’eau dans le gobelet que dans le vase, il est possible de verser
le contenu du gobelet dans le vase, mais pas l’inverse.

La sériation est également utilisée pour la structuration de l’espace, notamment


pour cerner des objets dans un espace donné (dans une rangée d’objets, dans une suite
de mots,…)

(Pierrard 2011)

4.2.6 Quantification de l’inclusion des classes

L’inclusion des classes est une façon de comparer des collections dont les éléments
sont « identiques ». Il s’agit d’une liaison d’inclusion entre une sous-classe et une classe
plus générale par exemple : tous les chevaux sont des mammifères. Cette notion implique
que deux obstacles doivent être surmontés. L’emploi des termes « tous » et « quelques ».
(Berdonneau 2005)

Proposons un matériel composé de cinq ronds bleus, deux carrés bleus, et deux carrés
rouges, mélangés et disposés en une file, on pose quatre questions :

- Tous les ronds sont-ils bleus ?


- Tous les bleus sont-ils ronds ?
- Tous les carrés sont-ils rouges ?
- Tous les rouges sont-ils carrés ?

Seuls 9% des enfants de cinq ans répondent correctement aux quatre questions.

(Berdonneau, 2005. p. 177)

Prenons un autre problème pour mieux comprendre cette notion d’inclusion de classe :

Problème de quantification de l’inclusion. Devant un bouquet de fleurs composé de


roses et de marguerites, Piaget demande aux enfants : « Y a-t-il plus de marguerites
ou plus de fleurs ? » La réponse correcte à cette question apparaît vers 7-8 ans et
témoigne, selon Piaget, de la maîtrise logique de l’inclusion des classes.

Piaget et Inhelder (1959), cité par Deleau (2006) p. 108

12
4.3 Adopter une posture réflexive en 1H-2H / donner du sens aux
apprentissages

4.3.1 L’assimilation et l’accommodation

Selon la conception constructiviste, tout apprentissage est basé sur l’action de


l’apprenant. Les connaissances s’acquièrent à partir des représentations que l’on se fait d’un
sujet. La première étape de n’importe quel apprentissage est celle d’une assimilation.
On cherche des ressemblances et des différences avec nos connaissances premières. Si les
nouvelles informations correspondent à ce qu’on sait déjà, il va de soi que l’on n’apprend rien
de neuf. Or, si on remarque que les idées
que l’on se faisait nous empêchent de
comprendre les nouvelles données, alors
l’obstacle génère le déséquilibre.
L’apprenant passe par une étape de
régression avant de pouvoir acquérir un
niveau de connaissances plus élevé
qu’avant et de retrouver un nouvel
équilibre. (Notes méthodologiques Ecole
Gagnebin, Guignard et Jaquet, 1998, p.38.
enfantine, Valais, 2003)

Dans chaque situation d’apprentissage, il est nécessaire que l’élève accepte de


reconsidérer ses représentations initiales et qu’il s’investisse dans la tâche intellectuellement
et affectivement. (Berdonneau 2005) Afin qu’il y parvienne, cette dernière ne doit pas être
trop proche, ni trop éloignée de sa zone proximale de développement.

Pour rappel, Lev Vigotsky, psychologue russe, connu pour ses recherches sur
le développement de l’enfant, définit la zone proximale de développement comme suit :
c’est la différence entre ce qu'un enfant peut réaliser seul, en fonction de son niveau actuel
de développement, et ce qu'il peut réaliser avec de l'aide. Le schéma ci-dessous, représente
cette notion.
Niveau actuel de Zone proximale de

développement développement

cognitif

Niveau potentiel
de développement
cognitif
13
4.3.2 La question du sens en mathématiques

Pour aborder les apprentissages, les élèves doivent être confrontés à des situations
porteuses de sens pour qu’ils comprennent les enjeux des découvertes de nouveaux concepts.
C’est lorsque l’élève comprend que les notions qu’il apprend lui serviront, qu’il peut alors
leur donner du sens. « Pour construire une connaissance nouvelle, il faut qu’on reconnaisse
sa nécessité, en d’autres termes, qu’elle serve à quelque chose. » (Gagnebin, Guignard et
Jaquet, 1998, p. 38.) L’élève doit mobiliser ses connaissances, les investir et se représenter
une situation pour pouvoir lui attribuer du sens.

Selon Georgette Lorenz, il faut tenir compte de deux aspects. « D’une part il y a
la théorie mathématique et d’autre part, le stade de développement et d’acquisition de
connaissances où se trouve l’élève. » (Lorenz, 1994, p.5) Nous connaissons aujourd’hui
la théorie de Piaget sur les divers stades de développement de l’enfant et grâce à lui, nous
savons qu’une progression conduit l’enfant d’un stade d’égocentrisme à un stade qui lui
permet, à l’adolescence, de se décentrer par rapport à son environnement toujours plus large.

Pour en revenir aux nombres, il faut selon Stella Baruk, faire une distinction
essentielle entre nombre et nombre-de. « Un nombre est une idée, un nombre-de une
quantité, soit effective, soit représentée ». (Baruk, 2004, p. 399)

Bideaud, J. (1991) a le même point de vue que Stella Baruck. Il dit :

Les premiers problèmes qui aient un sens pour le jeune enfant et à partir desquels
il peut attribuer une valeur fonctionnelle au concept de nombre sont des problèmes
de comparaison, de combinaison et de transformation des collections discrètes. Qui a
le plus, qui a le moins ? Combien à chacun ? Combien de plus, combien de moins ?
Combien cela fait-il en tout quand on réunit deux collections ? Quelle sera ma
collection de billes ou de bonbons si on m’en donne ou que j’en achète, qu’on m’en
vole, que j’en perds, que j’en mange ? (p. 272)

4.3.3 Les situations-problèmes et les problèmes ouverts

Pour donner du sens aux apprentissages, il est nécessaire de mettre les élèves en
situations, face à des problèmes pour lesquels on ne dispose pas de solutions " toutes prêtes ".

Un problème est en principe caractérisé par une situation de départ ainsi qu’un but
à atteindre. L’enfant est amené à réfléchir et à mettre en place des stratégies. La situation-
problème se doit d’être déstabilisante pour celui qui cherche à la résoudre. Dans un problème
on ne peut pas trouver immédiatement la réponse, il y a automatiquement une phase
de recherche. Pour entrer dans la résolution du problème, les élèves doivent se rendre
compte que leurs conceptions sont fausses et qu’elles doivent être modifiées. L’objectif est

14
que les élèves réalisent que la nouvelle connaissance est un vrai pas en avant et qu’elle est
extrêmement utile ou pratique. En d’autres termes, la situation-problème doit être assez
difficile pour en premier lieu déstabiliser l’élève et mettre en échec ses représentations,
mais ne pas être complexe au point d’empêcher toute recherche ou solution.

La situation-problème comporte les points suivants :

1. Les élèves doivent être autonomes dans la recherche, dans la résolution de la tâche.

2. Elle doit provoquer une démarche de recherche avec répétition d’essais et de


vérifications.

3. Elle doit permettre à l’élève de s’autocorriger.

4. Des connaissances nouvelles doivent en découler.

5. La situation-problème doit faire naître les connaissances seulement si ces dernières


sont nécessaires et efficaces.

Ce que l’enseignant transmet ou propose doit être doté de sens, c’est là l’enjeu
principal de cette démarche. (Gagnebin, Guignard, Jaquet, 1998)

Le jeu n’est pas exactement une situation-problème, mais il peut être considéré
comme un problème ouvert. La différence est que le problème ouvert ne comporte que
les points de 1 à 3. Le jeu aura probablement une « consigne » plus longue, mais, comme
dans la situation-problème, la règle ne donne pas d’emblée les stratégies à adopter ni les
bonnes façons de jouer pour gagner. En ce sens, le jeu permet à l’enfant d’essayer, d’émettre
des hypothèses et de vérifier par la suite ses procédés en fonction de ses réussites et de
ses échecs. (Notes méthodologiques Ecole enfantine, Valais, 2003)

L’élève de 1H, 2H doit être mis face à des situations dans lesquelles compter est
une nécessité à la résolution d’un problème. Il est extrêmement rare de demander à un élève
de dénombrer une collection sans but précis.

4.4 Importance de la langue dans les apprentissages numériques


La langue fait partie intégrante de la culture de l’élève et permet d’organiser les savoirs.
A l’école enfantine, le langage est nécessaire pour raisonner. C’est pourquoi il est important
que l’enseignant reformule systématiquement le discours inexact des enfants afin de leur
procurer un niveau de langage de bonne qualité. Lorsque l’on utilise le terme langage, surtout
en 1H et 2H, c’est la plupart du temps au langage oral que l’on pense.

Au-delà de l’utilisation de la communication, le langage a aussi une visée spécifique aux

15
mathématiques. L’élève doit être capable de nommer des objets et le plus vite possible avec
un vocabulaire précis afin de s’assurer la compréhension de la transmission des informations.

4.4.1 Ponts entre langage et développement de concepts scientifiques

Il est extrêmement difficile de faire des mathématiques sans parler. Les consignes
peuvent être données oralement ou par écrit, mais dans tous les cas, elles doivent être
comprises. Pour faire des mathématiques, il faut assimiler le contexte de la situation,
transmettre des conclusions, expliquer de quelle manière on s’y est pris pour répondre à
la question, porter un regard méta sur ce que l’on apprend.

Pierrard souligne : « Dans la mesure où les situations d’enseignement s’inscrivent


dans un cadre social, les activités mathématiques concourent, comme les autres activités,
à échanger et donc à comprendre et à utiliser les diverses fonctions du langage (désigner,
décrire, évoquer…) » (Pierrard, 2011, p. 19)

Il faut savoir que « lire et écrire » les nombres fait partie de la lecture/écriture
tout court. La langue des nombres appartient avant tout à la langue. Le rôle du langage est
trop souvent sous-estimé dans la compréhension du nombre. Catherine Berdonneau affirme :
«De plus, l’expression orale et la communication contribuent à aider à la structuration des
acquisitions. » (Berdonneau, 2005. p. 24) La plupart du temps, les énoncés qui s’ajoutent
aux observations et aux actions menées par les enfants sont incontestablement un appui
à la compréhension de certaines questions.

La langue française ne facilite pas la compréhension du nombre. Dans notre langue,


on utilise un/une comme déterminant précédant un nom (un chat) et le même mot « un »
pour signifier le nombre 1 et le chiffre 1. Il n’y a pas de différence comme en anglais : a cat,
one cat. De plus, le pluriel s’entend en anglais, car il est marqué de manière sonore (one cat,
several cats). Des recherches ont montré que les élèves francophones progressent plus
difficilement que leurs camarades anglais. Pour cette raison, les pédagogues francophones
se méfient plus que leurs collègues anglophones du contexte du comptage. Il est spécialement
difficile d’admettre que les mots-nombres sont des noms de nombres. (Brissiaud 2007)

Par ailleurs dans un article, Brissiaud (2012) souligne le fait que « …les jeunes enfants
vivent dans un univers de numéros : en dehors de l'école, 4 est pour les enfants le numéro de
l'étage où ils habitent, 28 celui de leur appartement, 3 celui de la chaîne télé... » Longtemps
les enfants mélangent les sens des deux mots, nombre et numéro.

16
4.5 Comment se construit le nombre ?

4.5.1 Le comptage et le dénombrement

Compter des objets est une pratique fréquente dans les classes des degrés 1H et 2H.
Mais les enfants comprennent mal le comptage. Pour l’élève, s’approprier le système des
premiers nombres est avant tout apprendre la ou les significations de nouveaux mots que l’on
appelle les mots-nombres. Les parents apprennent souvent à leurs enfants à réciter le début
de la comptine numérique. Mais cette dernière représente pour les enfants une suite sonore
sans grande signification, car ils sont incapables de distinguer les mots. Ils récitent :
« undeuxtroisquatre » au lieu de « un, deux, trois, quatre ». Le fait de penser que c’est par
le comptage que les élèves s’approprient les premiers nombres est une fausse conception.

Lorsque je suis allée à l’école enfantine évaluer la compétence des élèves en matière de
comptage, j’ai observé que certains avaient de la peine à répondre à la question « combien y
a-t-il de… ? » Lorsqu’on pose cette question une première fois, les élèves comptent les objets
en utilisant leur doigt pour les pointer. Lorsqu’on repose la question : « alors, combien y a-t-il
de… ? » souvent, les élèves recommencent à compter du début en pointant les objets. Cela
montre, en effet, que l’élève arrive à mettre en correspondance terme à terme les mots-
nombres et les objets, mais qu’il ne distingue pas le dernier mot-nombre énoncé pour
répondre à la question. (Exemple, séquence, Léon)

Le comptage, parce qu’il met seulement en relief l’énumération, permet mal de


comprendre que pour dénombrer une collection il faut en totaliser les unités.
Comment les enfants qui apprennent précocement à compter accèdent-ils à cette idée
de totalisation et, donc, de nombre ? (Brissiaud, 2007, p. 32)

Beaucoup d’enfants entrant à l’école enfantine sont capables de réciter la


« comptine » jusqu’à environ dix et même parfois plus loin. Cependant la difficulté est
de mettre en relation les mots-nombres à prononcer avec les objets à compter.

Lorsque la configuration est irrégulière, les enfants ne savent ni où commencer, ni où


s’arrêter et égrènent alors la suite qu’ils ont mémorisée sans se soucier des
correspondances. Parfois, même en cas de lignes régulières, la « chanson » va plus
vite que le mouvement des doigts correspondant (ou des yeux seuls), à moins qu’elle
ne progresse plus lentement. (Meljac 1979, p. 63)

Etre capable de réciter la suite numérique est indispensable pour dénombrer, mais
elle ne suffit pas à employer et connaître le nombre. Dans un deuxième temps, la suite orale
des mots doit être dite en une suite de mots séparés. Grâce à cela, les élèves deviennent
capables de définir le nombre d’objets d’un ensemble. Lorsque l’enfant est capable de réciter

17
la suite orale en séquençant les mots, cela n’est encore toujours pas une aptitude suffisante
pour dénombrer. Pour qu’un enfant soit réellement capable de dénombrer, il doit acquérir
certaines compétences. L’enfant doit avoir acquis le principe d’ordre stable qui est lié à
la constance de la suite des mots de la comptine numérique. Il doit assimiler le principe de
correspondance terme à terme, celui de cardinalité qui consiste à faire correspondre le
dernier mot-nombre prononcé à l’ensemble des éléments de la collection. Le principe
d’abstraction signifie que les objets n’influencent en rien le cardinal d’un ensemble.
Finalement, le principe de non-pertinence de l’ordre signale que l’ordre dans lequel les objets
sont comptés n’influence pas le cardinal de l’ensemble. (Pierrard, 2011)

Maîtriser le dénombrement, c’est être capable de faire simultanément plusieurs


actions : énumérer la totalité des objets sans compter deux fois le même, exprimer la suite
verbale sans se tromper, en joignant à chaque élément un mot-nombre et en s’arrêtant au
bon moment. Finalement, pouvoir donner en réponse le dernier mot-nombre à la question
« combien y a-t-il de ? »

Le principe de cardinal n’est quasiment jamais explicité par les enseignants et


les adultes. Souvent la conclusion, suite au comptage, se fait mentalement et n’est pas
observable par l’enfant. C'est pourquoi il est extrêmement difficile pour lui d’observer,
de constater ce comportement. Pour améliorer l’acquisition de ce principe, il faudrait que
l’enseignante se discipline à communiquer cette démarche conclusive. « J’ai vidé un paquet
de … sur la table. Combien y en a-t-il ? Comptons-les ensemble : un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept : il y a sept … sur la table. » (Berdonneau, 2005, p. 204)

4.5.2 Les décompositions et le subitizing

« Le subitizing, c’est la capacité d’énumération immédiate des unités jusqu’à 3 »


(Brissiaud, 2011, p. 34)

Pour Berdonneau (2005), le subitizing est l’aptitude à verbaliser le nombre d’objets d’un
ensemble par une perception globale, presque immédiate et sans compter la disposition
spatiale des éléments.

L’homme est apte à considérer en même temps et en un seul regard, deux ou trois
objets, mais pas davantage. Au-delà de trois par contre, deux regards ou focus sont
nécessaires pour prendre en considération tous les objets. Le subitizing s’applique
uniquement à une énumération automatique et ne permet pas directement de concevoir
les trois premiers nombres. (Brissiaud, 2011)

18
On peut dire des trois premiers nombres qu’ils font partie d’un petit système numérique.
C’est-à-dire que chacun de ces nombres peut être défini en terme de décomposition.
Deux est égal à un et encore un, trois est égal à un, un et puis un, mais c’est également
deux et encore un. (Brissiaud, 2005)

En parlant des nombres en terme de décompositions, on évite qu’ils soient perçus


comme des numéros. Si au lieu de montrer trois éléments à un enfant en lui disant :
« regarde, il y a un, deux, trois crayons » et que justement on dit : « regarde il y a trois
crayons, c’est un, un et encore un». De cette manière, on décompose le nombre trois. En
utilisant
la première façon de compter on prononce le mot-nombre « trois » en pointant un seul objet
et l’élève ne peut pas construire l’idée que « trois » renvoie à la totalité des crayons.
(Brissiaud, 2007)

Dans la plupart des cas, utiliser les décompositions pour « parler les nombres » évite
de mélanger les deux significations numéros et noms de nombre.

4.5.3 Les collections-témoins

Piaget n’a pas pris en compte à sa juste valeur l’importance du langage dans le chemin
qui mène à la construction du nombre. Par contre aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, de la
même manière que Piaget à l’époque, sous-estiment le rôle des collections-témoins.

La collection-témoin est une façon de représenter une quantité sans forcément utiliser
le langage verbal. C’est une représentation fidèle du nombre qui aide à la construction du
nombre. Brissiaud (2007) présente cet exemple : « Une collection de traits gravés sur la paroi
d’une prison, par exemple, « témoigne » d’un nombre de jours d’emprisonnement ; une
collection de billes d’argile enfermées dans une jarre témoigne par sa « taille » d’un nombre
de brebis… » (p. 15)

Les enseignants favorisent souvent la communication orale et n’utilisent pas


fréquemment des outils servant ce genre de symboles graphiques. Alors, au lieu de tracer des
traits, ils utilisent un matériel qui est en permanence à disposition, les doigts.
Malheureusement les mains ne sont pas des collections-témoins comme les autres, car une
collection-témoin de signes contient un ensemble de symboles identiques alors que ce n’est
pas le cas des doigts qui ont tous leur propre morphologie. C’est pourquoi il est important,
lorsqu’on utilise nos doigts pour montrer trois par exemple, de ne pas toujours lever les
mêmes. Auquel cas l’enfant peut penser que pour désigner trois, c’est uniquement le pouce,
l’index et le majeur qui sont la représentation de ce nombre. Le danger est que l’élève
assimile un mot-nombre à une image. (Brissiaud 2007)

19
5 Méthodologie
La méthodologie mise en place me permettra de mieux comprendre les respon-
sabilités que porte l’enseignant au moment des premiers apprentissages mathématiques.
Mon but est d’interroger des enseignantes (de 1-2H et de 3-4H classe d’introduction) et de
retirer de leur discours ce qu’elles mettent en place dans le domaine mathématique et plus
particulièrement en terme de construction du nombre avec leurs élèves.

La pratique de l’enseignant dans le domaine des maths est relativement complexe


car le rôle de ce dernier est à mon sens ambigu. D’une part, il doit laisser les élèves chercher
par eux-mêmes, leur permettre de découvrir de nouvelles notions au travers de la résolution
de problèmes, il doit leur donner l’opportunité de s’autocorriger et les laisser construire eux-
mêmes leur savoir. D’autre part, ce n’est pas parce que l’élève construit lui-même son savoir
que l’enseignant peut se contenter d’observer. Il doit être en mesure de mettre les élèves en
situations, les suivre dans leurs cheminements personnels proposer des relances et intervenir
lorsqu’il le faut.

C’est à ce sujet que j’ai donc décidé d’interroger trois enseignantes de 1-2H et deux
enseignantes de 3-4H en classe d’introduction. La classe d’introduction est une classe dans
laquelle les enfants font leur 3H sur deux ans et bénéficient d’un enseignement spécialisé.
Etant donné qu’elles sont tous les jours confrontées aux élèves en difficultés, il m’a paru
extrêmement intéressant d’écouter ce qu’elles avaient à dire en terme d’enseignement
des mathématiques.

5.1 Choix des outils méthodologiques


Pour récolter les données, j’ai pratiqué des entretiens enregistrés. Les enseignantes
ont reçu les questions à l’avance afin qu’elles puissent se préparer quelque peu et qu’elles
ne soient pas prises au dépourvu lors de l’entretien. J’ai effectué des interviews largement
directifs c’est-à-dire de type question-réponse. Il ne s’agit pas d’une discussion comme
lorsqu’on pratique un entretien semi-directif. Chaque entretien a duré une vingtaine de
minutes. J’ai retranscrit ensuite les contenus par condensation des données, car c’est
uniquement l’information en soi qui est intéressante. Les hésitations, les rires, les soupirs et
autres sonorités de ce type, n’apportent rien de plus dans le cadre de cette récolte de données.
Le langage oral a été retranscrit selon les conventions de l’écrit.

20
5.2 Analyse des données
Pour l’analyse des données, j’ai pratiqué de la manière suivante. Les questions posées
aux enseignantes ont été reprises les unes après les autres. J’ai exposé les réponses proposées
par les différentes enseignantes et cela m’a permis de faire des liens avec la partie théorique
du travail. Pour des raisons pratiques et afin de garantir leur anonymat, les trois enseignantes
de 1-2H ont été dénommées : enseignante A, enseignante B et enseignante C, les deux
enseignantes spécialisées enseignante AS et enseignante BS.

Les trois institutrices A, B et C travaillent dans des classes à degrés multiples (1-2 H).
L’enseignante A travaille dans un petit village du Jura bernois. Les enseignantes B et C travail-
lent en ville de Bienne. Concernant les enseignantes spécialisées, AS et BS exercent en classe
d’introduction, également avec deux degrés (3-4H introduction), dans un collège en ville de
Bienne pour AS et dans un collège du vallon de Saint-Imier pour BS. Pour des questions de
compréhension, les réponses apportées par les enseignantes sont écrites en italique. Mes
commentaires apportés aux réponses des enseignantes sont écrits de manière conventionnelle.

5.3 Questions communes à toutes les enseignantes

5.3.1 La première question posée aux enseignantes A, B, C, AS, BS est :

Comment mettez-vous en place l’apprentissage du nombre avec


vos élèves ? Par quels moyens didactiques ?

Question 1, réponse de l’enseignante A

L’enseignante A précise qu’elle utilise le moyen d’enseignement actuel qui est : des mathé-
matiques au cycle élémentaire. Ce moyen lui permet de suivre une progression pour les 1H
et pour les 2H. Régulièrement, elle introduit un nouveau jeu de ce moyen et en parallèle,
elle utilise des jeux du commerce. Cette manière de faire lui permet de différencier son
enseignement, car si un élève de 1H a de la facilité, il pourra s’atteler aux jeux des 2H
et vice-versa pour les élèves qui ont plus de difficultés. Avec le groupe des jeunes, en début
d’année, elle commence par des jeux de dés, « parce que certains n’ont jamais vu un dé de
leur vie ». (enseignante A, Annexe 1, p.1) Selon elle, le nombre comme mesure des quantités
doit être travaillé continuellement et permet une première organisation du monde et des
objets. C’est pourquoi elle travaille simultanément les classements d’objets, les compa-
raisons, les sériations, le comptage, la mise en correspondance terme à terme. Elle accorde
également une importance particulière à donner à ses élèves les usages, les significations et
les fonctions que les nombres peuvent prendre dans l’environnement. C’est selon elle, en

21
confrontant ses élèves à des situations-problèmes que ces derniers pourront prendre
conscience de l’utilité des nombres et développer leur fonction cognitive.

L’enseignante A, par cette réponse fait référence à Pierrard (2011) qui met en évidence
que les actions telles que classer, mettre en ordre, sérier sont des activités de logique
nécessaires à la construction du nombre. Elle souligne aussi le fait qu’elle précise aux élèves
les usages et les significations, c’est-à-dire qu’elle met du sens à ses activités. Comme
le précise (Gagnebin, Guignard et Jaquet, 1997) les élèves doivent pouvoir comprendre à quoi
ça sert pour assimiler.

Réponse de l’enseignante B

A cette même question l’enseignante B précise qu’elle enseigne de différentes


manières l’apprentissage du nombre. Premièrement, en dehors des activités proposées dans
les moyens qu’elle possède, elle travaille le nombre dans des situations de classe tous les
jours. Lors des rituels du matin, en comptant les élèves présents et absents. Elle utilise deux
plots en bois, reliés par un fil de fer en arc de cercle et sur ce fil, vingt perles représentant les
élèves de la classe. Toutes les perles sont du même côté si tous les élèves sont présents. S’il en
manque un ou deux, elle fait glisser une ou deux perles de l’autre côté, mais le nombre vingt
reste identique. Cette façon de procéder permet aux enfants de comprendre la conservation
de la quantité.

Elle utilise aussi, toujours pour les absences et les présences, des petits sacs remplis
de billes qui représentent les dizaines. Si tous les élèves sont là, il y a deux sacs
de billes remplis. S’il en manque, on ne peut remplir qu’un sac de dix et les billes restantes
représentent les unités. Les élèves doivent aussi être capables de compter pour savoir
s’ils peuvent s’inscrire à une activité en fonction du nombre d’enfants autorisés à tels ou
tels jeux.

Cette enseignante travaille aussi parfois les mathématiques lors des leçons de
gymnastique ou de rythmique en demandant à ses élèves de se mettre par deux, par trois,
en demandant s’il est possible de se mettre en colonne par deux, si on n’y arrive pas quelle
en est la raison ? La numération est aussi abordée en faisant ranger les élèves, lorsqu’ils
doivent classer des jouets ou des objets. Cela renvoie aux antécédents logiques nécessaires à
la construction du nombre : ranger, mettre en ordre, sérier. Toutes ces activités ne sont pas
des activités travaillées en atelier, mais au travers desquelles les élèves sont sensibilisés à
cette notion de nombre. Evidemment, elle emploie aussi des jeux du commerce, ainsi que
les moyens didactiques qu’elle possède qui sont :

- Découvrir le monde avec les mathématiques, Dominique Valentin, édition Hatier

22
- Vers les maths grande et moyenne section maternelle, Sophie Duprey, Gaëtan
Duprey, Catherine Sautenet Accès éditions ;
- J’apprends les maths l’album à calculer, Rémi Brissiaud, édition Retz ;
- Les nouveaux moyens officiels reçus.

La réponse de l’enseignante B renvoie aux éléments théoriques suivants : elle travaille


la conservation de la quantité avec le nombre de présents et d’absents lors du rituel du matin.
En utilisant l’album à calculer de Brissiaud, elle travaille le nombre par une approche de
décomposition ce qui permet d’éviter la confusion entre numéros et noms de nombres.
Elle aborde déjà la question des dizaines et des unités. Cela peut, pour certains élèves, être
prématuré cependant, les élèves seront sensibilisés à ces notions complexes. En s’inscrivant
aux activités libres, les élèves sont tenus d’apprendre les premiers nombres et ce qu’ils
représentent en terme de quantité. Cela fait référence au subitizing, cette capacité de
reconnaissance globale des premiers nombres.

Réponse de l’enseignante C

La troisième enseignante met en place lors du premier trimestre les rituels du matin.
Compter les élèves, vérifier si tout le monde est là, compter les présents et les absents ainsi
que le rituel du calendrier. Elle propose des jeux de groupe à caractère mathématique
le matin en attendant que tous les enfants soient prêts. Par exemple, la bataille de dés.
Deux enfants lancent un dé. Celui qui obtient le nombre le plus élevé peut rester et rejouer,
celui qui a moins de points que son camarade apporte son dé à un autre enfant. Pour ce
type de bataille, elle utilise des dés à chiffres et des dés à constellations. Un peu plus tard,
toujours en regroupement le matin en attendant que tous les élèves soient prêts, elle
introduit le jeu des graines. Un enfant vient devant et a à disposition quatre graines et un
gobelet. Il place toutes les graines sous le gobelet puis en dévoile une, deux, trois ou quatre.
Les élèves doivent essayer de deviner combien de graines sont restées cachées sous le
gobelet. Et petit à petit, l’enseignante donne plus de graines et la difficulté augmente.
Depuis peu, elle emploie également tous les jours un matériel qui s’appelle « résolution de
problèmes en maternelle ». Ce sont des problèmes de logique du type : on aperçoit huit
longues oreilles derrière une palissade. Combien y a-t-il de lapins ? Les élèves doivent
expliquer leur démarche de résolution de problème.

L’enseignante C, en faisant jouer ses élèves à la bataille de dés, les fait travailler
le dénombrement et la reconnaissance globale des constellations. Les élèves acquièrent aussi
les notions « plus grand que » et « plus petit que ». En jouant au jeu des graines, les élèves
apprennent les décompositions des premiers nombres. Les problèmes de logiques quant
à eux, sont de petites situations-problèmes auxquelles les élèves sont confrontés chaque
matin et qui développent leur réflexion.

23
Réponses des enseignantes AS / BS

Cette même question a également été posée aux enseignantes spécialisées. AS a


utilisé, durant sa carrière, différentes méthodes notamment le moyen officiel, mais elle s’est
très vite rendu compte que ce dernier n’était pas adapté aux élèves en difficultés. Depuis
peu, elle utilise la démarche proposée par Rémi Brissiaud qui s’intitule « j’apprends
les maths avec Picbille ». Par ailleurs, elle compose elle-même des exercices où elle met
les élèves en situation avec du matériel concret. Selon elle, les difficultés devant lesquelles
se trouvent ses élèves sont des moments très intéressants. Grâce au dialogue, à l’aide
des autres élèves ils se posent des questions, dessinent les problèmes et réussissent à
surmonter les difficultés. En utilisant des situations-problèmes, cette enseignante met
ses élèves en recherche grâce à des situations concrètes et porteuses de sens. Elle leur fait
mettre en scène les situations écrites et de cette manière les élèves comprennent mieux où
se trouvent les difficultés, lorsqu’ils y sont réellement confrontés. Et grâce à du matériel
adéquat, ils peuvent chercher des solutions en manipulant. Cela est un vrai plus pour
ses élèves.

La seconde enseignante spécialisée quant à elle, travaille avec les moyens officiels.
Par contre, elle prend beaucoup de temps pour mettre en place les exercices, elle utilise
du matériel qu’elle demande aux élèves de préparer afin de réaliser l’activité. Elle fixe des
objectifs intermédiaires, qui ne sont pas forcément en lien avec l’objectif spécifique de
l’activité. Elle travaille beaucoup avec du matériel de la classe qui se trouve dans les bancs
des enfants pour œuvrer toujours le plus possible avec des éléments de la vie de la classe
et mettre du sens aux activités qu’elle propose. Elle souligne le fait qu’il est extrêmement
important de souvent montrer le lien entre une quantité d’objets, le mot-nombre prononcé,
et le nombre écrit, car les élèves ont énormément de peine à jongler avec ces notions.

Les deux enseignantes spécialisées mettent l’accent sur la question du sens. Mettre
en pratique la donnée d’un problème, la jouer comme s’il s’agissait d’une vraie situation
à laquelle les élèves sont confrontés. Utiliser du matériel pour concrétiser les données…
L’élève doit comprendre que ce qu’il apprend sert à quelque chose. (Gagnebin, Guignard
et Jaquet, 1997)

5.3.2 La deuxième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est :

Que pensez-vous des élèves qui, dès le début de leur scolarité, présentent
de grosses lacunes dans le domaine numérique ? Pensez-vous qu’une part de
ces difficultés soit du ressort de l’innéité ?

Réponses des enseignantes A / B / C / AS / BS

24
L’enseignante A pense que oui, une part de l’innéité joue un rôle, mais elle dit
également que le lien avec les personnes qui entourent l’élève, favorise ou non ses
compétences en mathématiques. L’élève dont le père aime les maths va parler à son enfant
de manière à ce qu’il pense comme lui et qu’il ait le même état d’esprit face à la matière.
L’enfant imite ses parents depuis tout petit et développe des savoir-faire et des habiletés
qui sont véhiculés par son père ou sa mère.

L’enseignante B a eu du mal à se prononcer sur cette question parce qu’elle estime


que la réponse n’a toujours pas été donnée. Par expérience, elle affirme que la plupart
du temps, les difficultés des élèves proviennent d’un manque d’expériences acquises avant
l’entrée en 1H. Selon elle, l’élève en difficulté n’a pas suffisamment été stimulé, encadré, il n’a
pas assez manipulé, expérimenté, joué. Elle dit aussi que cela dépend des enfants et de leurs
difficultés. Par exemple, elle a eu une élève qui avait des troubles du développement. C’était
une élève qui grandissait difficilement parce qu’elle avait un problème physiologique. Donc,
malgré le fait qu’elle soit bien prise en charge et qu’elle vive dans un milieu stimulant,
les difficultés persistaient. En revanche, elle donne un deuxième exemple d’un élève qu’elle a
eu dans sa classe et qui bénéficiait de soutien pédagogique ambulatoire. Pour lui,
son problème était un gros retard lié à un manque de stimulations et de ce fait, il a très vite
commencé à progresser dès son entrée à l’école.

L’enseignante C a aussi trouvé la question difficile. Elle pense qu’une part de l’innéité
et de l’acquis joue un rôle dans les difficultés que peuvent présenter les élèves face à une
matière. Elle m’explique que selon elle, il y a quand même des élèves qui, à la base, ont plus
de difficultés que d’autres et qu’il y a des élèves plus doués dans certains domaines que dans
d’autres. Elle mentionne également la question du milieu social qui peut être favorable
ou non. Par contre, il lui est arrivé d’avoir des élèves en difficulté malgré un milieu
favorable, malgré des parents très impliqués dans l’éducation de leur enfant et un environ-
nement stimulant.

La première enseignante spécialisée que j’ai interrogée (AS) affirme que c’est un
sujet sur lequel on peut facilement polémiquer et que c’est vrai, certains parents révèlent
qu’eux aussi étaient mauvais en mathématiques. De ce fait, elle trouve normal qu’il y ait
dans certaines familles des prédispositions à avoir des blocages en rapport à cette
discipline. Malgré cela, elle pense qu’il faut ignorer ces allégations, car elles n’apportent
rien, outre peut-être le fait de dédouaner l’enseignant ayant de la peine à faire face à un
élève en difficulté. Elle souligne aussi que l’enfant évolue dans un environnement
majoritairement déterminé par les pratiques éducatives et les représentations culturelles et
que c’est cela qui a le plus d’importance. AS travaille au quotidien avec des élèves plus ou

25
moins en difficulté donc elle souhaite surtout s’intéresser aux progrès réalisés par ses élèves
plutôt qu’à leurs éventuelles prédispositions.

BS croit en l’éducabilité et pense réellement que les élèves peuvent apprendre


énormément si l’enseignant met du sens dans ce qu’il enseigne et emploie les bons outils.
Elle donne l’exemple de certains élèves qui ont un problème « œil-main », c’est-à-dire qu’ils
ont du mal à faire correspondre leur geste et le regard. Par exemple, un enfant peut avoir
du mal à avancer sur un plateau de jeu avec un pion, en revanche, si un camarade
se trompe, il sera capable de lui dire que son geste était incorrect. Donc, elle se rend compte
que certaines difficultés ont des explications simples qui ne sont pas liées à l’intelligence
en tant que telle. Cela peut être déstabilisant pour l’enseignant parce qu’il se rend compte
que l’élève a bien compris, mais qu’il n’y parvient pas lui-même. Elle donne un autre
exemple d’un élève qui sait parfaitement reconnaître, voir une quantité de sept mais
lorsqu’il doit dénombrer sept objets, il n’y arrive pas, car il est perdu au niveau spatial.
L’enseignante BS trouve qu’il est difficile de déceler où se trouvent les difficultés de ses
élèves. Elle donne un autre exemple intéressant. Il lui arrive régulièrement d’observer des
élèves issus de familles recomposées ou dont les parents sont séparés, qui arrivent
parfaitement à additionner, mais qui sont incapables de soustraire. Le souci dans ce cas-là
serait plutôt d’ordre psychologique ou affectif, mais pas forcément d’ordre cognitif.

5.3.3 La troisième question posée aux enseignantes est :

Procédez-vous d’une autre manière avec les élèves allophones ?

Réponses des enseignantes A / B / C / AS / BS

L’enseignante A travaille dans un petit village du Jura bernois et n’a jamais eu


d’élèves allophones.

L’enseignante B répond à cette question par la négative parce que le principe est
le même. La différence qui est la langue l’oblige à utiliser parfois plus de gestes, à faire
attention à la façon dont elle s’exprime, à donner un matériel plus facile à comprendre et
à manipuler. Par contre, la manière d’enseigner est la même.

L’enseignante C a très rarement des élèves allophones dans sa classe. En revanche,


elle enseigne le français langue seconde (FLS) dans une autre école enfantine que la sienne
une fois par semaine. Elle me dit, comme l’enseignante précédente, qu’elle ne fait pas
énormément de différences et qu’une des premières choses que les élèves allophones aiment
faire, c’est apprendre à compter en français. Selon elle, une fois que les élèves savent réciter

26
la suite numérique, ils comprennent de la même manière le nombre, la différence est
minime.

AS travaille au centre-ville de Bienne et déclare que la plupart de ses élèves sont


allophones, mais elle ne procède pas forcément différemment avec eux. En revanche,
elle s’aperçoit que ces enfants ont besoin de plus d’explications, notamment lors des
consignes mathématiques. Elle déclare qu’il est évident que ses élèves ont besoin de plus
de temps pour s’approprier le langage mathématique. Cependant, elle ne simplifie pas
le vocabulaire et trouve important de tout de même parler en termes exacts, d’utiliser
les mots tels que somme et différence bien que ce soit des élèves allophones.

BS ne procède pas non plus extrêmement différemment avec les élèves allophones.
Par contre, elle reste attentive à la langue dans laquelle l’élève compte parce que parfois
il y a des confusions entre les noms de nombres. Par exemple, il se peut que le sept et le huit
soient mélangés ou bien que l’élève sache dire le nombre dans sa propre langue, mais pas
en français. Elle souligne le fait qu’elle travaille particulièrement à ce que les élèves
comprennent le lien entre l’écriture chiffrée, le nom du nombre et la correspondance à sa
quantité. Elle ajoute qu’elle prend énormément de temps pour introduire des mots comme
plus, moins, autant, devant, derrière,… Cela demande beaucoup d’explications et du temps.

BS exprime l’importance de la langue française dans les apprentissages mathé-


matiques et notamment le fait qu’il est fondamental de différencier le nom des nombres
des quantités qu’ils représentent. On peut établir un lien avec les apports théoriques livrés
par Brissiaud (2007) qui insiste sur l’importance du contexte du comptage.

5.3.4 La quatrième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est :

Pensez-vous qu’il faille tout de suite agir si on rencontre un élève


en difficulté à l’école enfantine ? (Si oui de quelle manière, si non pourquoi ?)

Réponse des enseignantes A / B / C / AS / BS

Pour l’enseignante A il n’y a pas de doute il faut agir le plus rapidement possible et
selon elle, le moyen le plus efficace est la différentiation. Elle propose également d’impliquer
les parents en les encourageant à travailler un peu avec leur enfant à la maison.
(Par exemple, elle mentionne le jeu « UNO » que beaucoup de monde possède chez soi).
Si l’élève peut jouer de temps en temps avec ses parents, ses frères et sœurs cela le motivera
et peut-être qu’il prendra confiance, car il sera moins stressé qu’à l’école. Elle trouve que
si les parents sont d’accord de s’impliquer dans ce sens, la triangulation élève, école et
famille permet d’appuyer et de fortifier l’élève dans le domaine où il se sent moins à l’aise.

27
L’enseignante B trouve aussi qu’il est nécessaire d’agir le plus vite possible. Mais
auparavant elle trouve qu’il faut néanmoins laisser un peu de temps à l’élève afin qu’il
s’adapte au rythme de l’école. Il est bon que l’enseignant puisse cerner où se situent les
difficultés de son élève en l’évaluant. Par la suite, que ce soit un enfant sous-stimulé ou qu’il
ait une difficulté neurologique par exemple, ça ne change rien, il faut agir pour aider l’élève
le plus rapidement possible. Il lui arrive notamment de faire recours à une enseignante
d’appui qui pratique dans les classes ce qu’on appelle une intervention de courte durée
(ICD). L’enseignante d’appui se rend une fois par semaine dans la classe pour travailler
avec l’élève en difficulté et puis, si une ICD n’est pas suffisante, il existe aussi le soutien
pédagogique ambulatoire (SPA). Dans ce cas, l’enseignante d’appui prendra l’élève en
charge plusieurs leçons par semaine.

L’enseignante C affirme que si elle a un élève en difficulté en math, elle va le stimuler


le plus possible, parfois elle travaillera de façon individuelle avec lui. Par contre, elle avoue
que si un élève a beaucoup de mal dans le domaine numérique, elle est un peu dépourvue en
terme de ressources qui pourraient avoir lieu en dehors de sa classe. L’enfant qui a de
la peine en français pourra être orienté vers une orthophoniste, celui qui a des difficultés
au niveau du mouvement pourra travailler avec une psychomotricienne. En revanche, pour
l’élève qui a des lacunes en math elle ne voit pas de mesures particulières externes à son
enseignement au sein de sa classe. Si un de ses élèves a beaucoup de retard en fin de 2H
au niveau mathématique, elle propose aux parents de l’orienter en classe d’introduction.
La possibilité de faire suivre à l’élève sa 3H sur deux ans est, selon elle, un bon moyen pour
qu’il débute sa scolarité sur de bonnes bases en ayant plus d’appuis et plus de temps.
Elle souligne également le fait que parfois il ne s’agit que d’une question de maturité, car
les élèves qui sont nés en juillet ont presque une année de plus que ceux qui sont nés en avril.

AS répond oui, si agir c’est mettre le plus possible l’enfant en situation de recherche,
face à des situations-problèmes ou en conflits cognitifs. Par contre, elle ne trouve pas
nécessaire de déjà envoyer un enfant d’école enfantine chez un spécialiste lorsqu’il rencontre
des difficultés en math, car il doit tout de même s’approprier le langage de l’école et
s’habituer à la façon dont elle fonctionne et aborde les multiples domaines mathématiques.
AS explique que les parents peuvent être des alliés et travailler des petites choses à la
maison avec leur enfant comme lui faire mettre la table, lui demander d’aider pour la
cuisine ou lors des courses. Souvent les élèves qui ont des retards sont des enfants sous-
stimulés à la maison donc AS estime que c’est aux enseignantes de l’école enfantine de
le suggérer aux parents.

BS pense que oui, ça vaut la peine d’agir au plus vite et de donner un maximum de
possibilités aux élèves de s’approprier le nombre. Elle évoque aussi le fait qu’il faut rester

28
dans la zone proximale de développement de l’enfant, car ça ne sert à rien de vouloir trop
pousser un élève qui n’est pas prêt. C’est en jouant à répétitions à divers jeux que l’élève
s’approprie les constellations du dé et que petit à petit les compétences se mettent en place.
Elle mentionne aussi la possibilité de demander un soutien pédagogique ambulatoire pour
les élèves en difficulté, car cela permet de décharger l’enseignante titulaire.

Toutes les enseignantes sont pour une action rapide lorsqu’un enfant rencontre des
difficultés en mathématique à l’école enfantine. Par contre, les enseignantes C ainsi que BS
mentionnent en complément, l’importance de la maturité de l’élève, ce qui nous renvoie aux
stades de développement proposés par Piaget.

5.3.5 La cinquième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est :

Avez-vous déjà vécu une/des situations(s) où un enfant qui avait


beaucoup de peine en début de cycle a réussi lors des deux premières années
de sa scolarité à combler son retard ?

Réponses des enseignantes A / B / C / AS / BS

L’enseignante A répond que pour des élèves qui étaient peu suivis à la maison, oui
la situation s’est déjà présentée. Les élèves sont tellement stimulés tous les jours à l’école que
combler le retard est possible. D’autres élèves, pour qui le retard accumulé est trop
important, n’y arrivent pas. Elle mentionne aussi que les élèves qu’elle a envoyés en classe
d’introduction réussissent en général très bien à réintégrer le programme régulier en 4H,
alors que ceux dont les parents ont refusé la mesure de soutien sont des élèves qui tôt ou
tard redoublent.

L’enseignante B rappelle qu’il est difficile de faire des généralités. Elle prend
l’exemple d’un élève qu’elle a dans sa classe en ce moment et qui a commencé l’école
enfantine avec un niveau de développement en mathématiques extrêmement bas. Il était
incapable de compter jusqu’à trois. A l’aide de soutien et de stimulation, cet élève a déjà
rattrapé énormément, il est certain qu’il ira en classe d’introduction donc il n’arrivera pas
à combler son retard lors des deux premières années d’école, mais il progresse énormément.
Donc oui pour l’enseignante B il arrive que certains élèves comblent leur retard, mais pas
forcément dans le laps de temps des deux premières années.

L’enseignante C affirme que cela arrive avec les élèves qui ont été très peu stimulés,
mais qui n’ont pas forcément d’immenses difficultés.

AS trouve que combler le retard est quelque chose de relatif et qu’il y a généralement
trop peu d’enfants qui comblent leur retard. Cela dépend, selon elle, de la nature des

29
difficultés. Selon AS, les élèves progressent toujours, mais ils ne peuvent pas échapper
à l’évaluation et même si un élève a atteint les objectifs, les fragilités restent présentes et
souvent réapparaissent plus tard. Elle avoue qu’il est rare qu’un élève qui avait de grandes
difficultés en début de parcours devienne brillant en mathématiques.

BS a vécu des situations positives où des élèves ont pu combler ce retard. Par contre,
elle admet que les enseignantes ne peuvent pas le faire sans l’aide des parents. Il est
nécessaire qu’ils s’impliquent dans la démarche et surtout que l’élève ait envie et qu'il y voie
un sens. Mettre du sens sur les apprentissages permet vraiment, selon BS, d’avancer et de
progresser, car la motivation intervient.

5.3.6 La sixième question posée aux enseignantes A, B, C et AS, BS est :

Est-ce que vous pensez qu’un élève qui a des problèmes en début
de scolarité les gardera tout au long de son parcours ?

Réponses des enseignantes A / B / C / AS /BS

A répond que pour les élèves dont les parents refusent la mesure de classe
d’introduction, dans 90% des cas, les enfants se retrouvent en situation d’échec. Ce sont
des élèves qui doivent sans cesse fournir plus d’efforts que les autres et qui peinent à suivre
le programme. Ces élèves n’ont pas eu l’opportunité de consolider leur manque de maturité.
En revanche, les élèves dont les parents ont accepté la mesure deviennent selon A, dans 90%
des cas de très bons élèves lorsqu’ils réintègrent la classe dite régulière en 4H. Seule une
toute petite partie est placée en classe spéciale.

Pour B, ça serait condamner les élèves que de penser qu’ils ne pourront pas
rattraper et qu’ils auront des difficultés jusqu’à la fin de leurs études. Elle pense qu’il y a des
enfants qui arrivent à se reprendre grâce notamment à la classe d’introduction. Elle a vu
plusieurs enfants qui ont débuté en faisant la 3H sur deux ans et qui ont réussi en 4H à
« récupérer le train » comme elle dit. Selon elle, les enfants qui ont des difficultés tout au
long de leur scolarité ne sont pas des enfants qui manquent de capacités. Ce sont des élèves
qui n’ont pas compris l’enjeu de l’école et le comportement à adopter. Si l’enfant n’a pas saisi
qu’il doit s’impliquer dans les apprentissages et que cela lui appartient, alors celui-là arrive
en 8H avec de mauvaises appréciations, car son attitude n’a pas changé.

C réplique que chaque élève est plus ou moins à l’aise selon la matière. Lorsqu’un
enfant se sent doué dans une branche, il prend confiance en lui et apprécie le travail
puisqu’il y arrive, c’est en relation avec la motivation. L’élève qui a des difficultés en math
et qui se rend compte que, malgré ses efforts, il ne réussit pas, il va se démotiver et lâcher

30
prise peu à peu. Selon elle, ce phénomène va se répéter les années suivantes parce que
la matière augmente en difficulté.

AS quant à elle, trouve qu’en tant qu’enseignante, qu’il est normal pour un enfant
de rencontrer des difficultés dans son parcours scolaire. L’important est d’affronter
ces difficultés et de trouver des solutions avec l’enfant. Il y a d’énormes différences entre les
élèves. Les enfants sont très vite confrontés à leurs lacunes. AS donne l’exemple d’un enfant
qui entre en 3H et qui n’arrive pas encore à reconnaître sans dénombrer une petite quantité
de trois ou de quatre objets, ce dernier sera très vite dépassé, parce qu’en 3H ils jonglent
rapidement avec des quantités de dix. Selon elle, si les difficultés persistent et s’aggravent
alors il faut commencer à parler de troubles.
A ce stade, l’enfant aura besoin d’une intervention plus soutenue, AS pense que seule
une thérapie logico-mathématique permettra alors d’aider l’enfant.

BS pense que si l’élève est bien encadré, que ses parents, ses enseignants, ses paires
l’aident, avec de bons outils, il ne gardera pas ses difficultés tout au long de son parcours.
Si l’élève s’implique, qu’il a envie de comprendre et qu’il est motivé, alors il y a des chances
qu’il y arrive. Par contre, si l’élève se trouve nul alors il va probablement le devenir.
BS souligne l’importance de donner confiance et de valoriser les élèves. Elle affirme aussi
que l’enseignant joue un rôle extrêmement important en ce sens et aussi dans la manière
dont il enseigne, dont il amène et explique les choses. Elle mentionne le fait que des ensei-
gnants trop doués en mathématiques peuvent avoir du mal à se mettre à la place de l’élève,
mais ça n’est pas systématique, car désormais il existe énormément de pistes théoriques.

L’enseignante A, désigne la maturité de l’élève. En évoquant cela, elle nous renvoie à


la théorie de Vigotsky, à propos de la zone proximale de développement, qui signale que
si l’élève est trop éloigné, au niveau de son développement, des apprentissages proposés, il ne
peut les intégrer. L’enseignante B fait référence au « métier d’élève » qui joue également un
rôle dans le bon déroulement de la scolarité d’un enfant. Les enseignantes C ainsi que BS
soulignent l’aspect primordial de motiver les élèves et de donner confiance.

AS exprime l’importance de la reconnaissance globale immédiate des premiers nombres qui


est la preuve que l’enfant conçoit la possibilité de totaliser les unités de façons différentes.
(Brissiaud 2007)

31
5.4 Questions uniquement posées aux enseignantes de 1H-2H

5.4.1 La première question posée aux enseignantes A, B, C est :

A quelle période de l’année commencez-vous de travailler plus préci-


sément l’apprentissage du nombre, quelles notions abordez-vous avant ?

Réponses des enseignantes A / B / C

Les trois enseignantes m’ont affirmé qu’elles commençaient à travailler le nombre


dès le début de l’année. L’enseignante A m’a expliqué qu’elle débutait avec les dés,
les constellations une et deux, mais pas plus pour les 1H et des jeux de cartes simples.
Tous les apprentissages mathématiques débutent plus ou moins en même temps et ensuite
augmentent en difficulté selon une progression.

Pour l’enseignante B, c’est pareil, elle commence dès le début à sensibiliser ses élèves
au nombre par des activités simples et pour elle aussi, tous les apprentissages débutent
en même temps et sont travaillés progressivement.

L’enseignante C commence par une multitude de jeux de bataille. Elle débute par
la bataille chat/souris pour que les élèves comprennent le principe que c’est le plus « fort »
qui remporte. Après, elle introduit des batailles de dés avec les constellations de un à trois
points et celui qui gagne le coup peut se servir d’un petit objet. En fin de partie, lorsqu’il
ne reste plus d’objets à prendre, ils doivent dénombrer leurs collections et ainsi définir qui
a gagné et qui a perdu. La difficulté augmente progressivement, car elle introduit des dés
ou des cartes avec toujours plus de points positionnés de manière aléatoire, c’est-à-dire
différente de la constellation originale du dé. Finalement, ils utilisent des jeux de cartes
traditionnels.

En faisant jouer les élèves à des jeux de bataille de dés, l’enseignante commence
par faire dénombrer à ses élèves des petites quantités. Les élèves doivent, s’ils ne connaissent
pas d’emblée les figures des constellations, mettre en relation les mots-nombres qu’ils
prononcent et leur geste.

5.4.2 La deuxième question posée aux enseignantes A, B, C est :

Comment est abordé ce qui pourrait relever d’une sensibilisation


au nombre et à la numération, puis d’une consolidation ? Quels en sont
les contenus ?

Réponses des enseignantes A / B / C

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Pour l’enseignante A la sensibilisation est abordée au travers de connaissances à
mémoriser. Comme la suite numérique orale, mais également la suite écrite des nombres.
Elle précise que tous les élèves entrent à l’école avec un bagage différent et qu’au début, elle
travaille la sensibilisation au nombre à travers la musique, le rythme les comptines et les
poésies.

Ensuite, elle travaille avec le nouveau moyen d’enseignement de mathématiques créé


pour l’école enfantine. Il est conçu de manière à travailler les différents apprentissages
mathématiques progressivement et permet aux élèves d’évoluer et consolider leurs
connaissances. Elle propose des activités où les élèves sont obligés de dénombrer pour
résoudre un problème et à force de manipuler, les élèves commencent à comprendre
le fonctionnement de la numération.

L’enseignante B, quant à elle, sensibilise ses élèves au nombre à l’aide des jeux
de dés, de société, de bataille. Elle mentionne aussi les comptines. En ce qui concerne la
consolidation, l’enseignante en question propose aux élèves des activités précises qu’elle
choisit en fonction des besoins de chacun.

L’enseignante C sensibilise ses élèves dans plusieurs domaines de la vie de la classe.


Par exemple distribuer, mettre autant d’assiettes qu’il y a d’élèves, partager des noisettes
des amandes ou des grains de raisin lors des dix heures pour que chaque enfant en ait
le même nombre. A la gym, en demandant aux élèves de se partager en deux groupes égaux
ou en se mettant par équipe de trois ou de quatre. Les élèves sont également sensibilisés
au nombre au travers des comptines, des jeux de société ou encore en suivant des recettes
de cuisine simples.

Les comptines permettent aux enfants de mémoriser la suite numérique qui est
le premier apprentissage nécessaire au dénombrement. L’enseignante C, en faisant distri-
buer, nous renvoie aux dires de Bideaud, J. (1991) qui dit que « les premiers problèmes qui
aient un sens pour le jeune enfant et à partir desquels il peut attribuer une valeur fonc-
tionnelle au concept de nombre sont des problèmes de comparaison de combinaison et de
transformation des collections discrètes. » (p. 272)

5.4.3 La troisième question posée aux enseignantes A, B, C est :

Comment voyez-vous le rôle que joue l’enseignant dans l’acquisition


de la notion de nombre ?

Réponses des enseignantes A / B / C

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Toutes les trois pensent que le rôle de l’enseignant est très important. L’institutrice A
observe ses élèves au long des deux années d’école enfantine et agit en fonction des besoins
de chacun.

Selon l’enseignante B, il est extrêmement important de varier les approches afin que
chaque élève puisse apprendre au mieux. Selon elle, certains enfants apprennent en
tâtonnant, d’autres préfèrent qu’on leur dise exactement ce qu’il faut faire. Elle varie
également le matériel et utilise toutes les occasions propices pour aborder la question du
nombre c’est-à-dire pas uniquement lors des ateliers mathématiques.

Elle souligne qu’il est important d’expliquer aux élèves l’enjeu du travail à fournir,
préciser ce que l’on attend d’eux et leur expliquer ce qu’ils sont en train d’apprendre.

L’enseignante C précise qu’elle doit d’abord connaître ses élèves pour savoir où ils en
sont. Ensuite, elle les stimule individuellement où en regroupement à chaque fois que
l’occasion se présente. Selon elle, son rôle est d’amener les élèves à réfléchir et à se poser
des questions pour qu’ils deviennent autonomes dans la réflexion.

L’importance du sens dans les activités revient de manière systématique dans


les propos des enseignantes.

5.4.4 La quatrième question posée aux enseignantes A, B, C est :

Lorsque vous décelez un élève en difficulté dans ce domaine, que faites-


vous pour améliorer sa compréhension ? Quelles activités, remédiations ?

Réponses des enseignantes A / B / C

L’enseignante A fait répéter les jeux aux enfants qui ont des difficultés, elle simplifie
les consignes, elle propose à ses élèves des jeux rapides avec des petits nombres comme
entraînement. Elle les fait manipuler de différentes manières. Selon elle, la rythmique, la
musique sont des activités qui aident pour l’apprentissage des mathématiques. Autrement,
elle propose des jeux de domino, de dés, de cartes. Elle met aussi ses élèves en situation
comme lors de balades en forêt où elle donne des consignes telles que rapporter quelques
cailloux, rapporter un nombre précis de feuilles, de pives. En classe, elle travaille les notions
"aucun", "tous", "plusieurs" également en situation. Lors des dix heures, un enfant distribue
des biscuits pour que chaque enfant en ait un ou deux. Elle fait des jeux avec les paires de
pantoufles. Il y a des comptines à mémoriser, la lecture et l’écriture des nombres à
entraîner. Elle fait aussi repérer les chiffres que l’on rencontre dans la vie quotidienne

34
comme dans un annuaire, dans le jeu de la poste, sur les prix, les dossards, dans les
journaux.

L’enseignante B met en avant le travail de différenciation. Elle reprend des activités


avec ceux qui ont de la peine, alors que les autres peuvent déjà aller plus loin. Les activités
peuvent être reprises de différentes manières. Elle travaille en individuel avec ceux qui ont
de la difficulté. Elle affirme qu’il est essentiel de reprendre depuis le tout début avec certains
enfants. Selon elle, il est indispensable d’essayer de trouver l’origine des difficultés, où sont
les manques. Parfois, il est nécessaire de reprendre des exercices extrêmement basiques
avec ces enfants.

L’enseignante C propose des jeux ou des activités plus simples pour ses élèves en
difficulté. Elle souligne l’importance qu’ils ne perdent pas confiance en eux. Selon elle,
l’enfant qui remarque qu’il fait toujours faux, finit par se décourager et démissionne
rapidement. En revanche, s’il est beaucoup encouragé et qu’on lui propose des activités qu’il
peut réaliser, alors il y prendra du plaisir et va progresser. Parfois, lorsqu’elle pose
le problème du matin et qu’elle sait que l’élève en difficulté saura y répondre, elle le
questionne délibérément et le félicite peut-être plus qu’un autre devant le groupe pour que
ça le motive à continuer d’essayer et qu’il ait une bonne estime de lui.

5.4.5 La cinquième question posée aux enseignantes A, B, C est :

Selon vous, quels objectifs l’élève doit-il avoir atteints en fin de 1H-2H
au niveau de la construction du nombre ?

Réponses des enseignantes A / B / C

Selon A, tout est inscrit dans le PER. Cependant elle précise quand même que cela
dépend aussi de la collègue chez qui l’enfant se rendra en 3H, car certaines enseignantes
aiment que les élèves sachent en tout cas compter jusqu’à trente ou quarante et qu’ils
reconnaissent les nombres jusqu’à vingt.

B, quant à elle, trouve que c’est une chance que les objectifs soient enfin définis dans
le PER. Elle apprécie aussi que, désormais grâce à l’introduction du cycle, les élèves en
difficulté peuvent progresser en quatre ans. De plus, la possibilité de travailler de manière
interdisciplinaire à l’école enfantine est une aubaine, car les connaissances peuvent être
enseignées par plusieurs biais. Ce qui est extrêmement difficile, selon B, c’est d’établir une
progression des apprentissages sur l’année tout en abordant la totalité des thèmes
mathématiques plus ou moins en même temps.

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Pour l’enseignante C, l’enfant doit être capable en fin de 2H en terme de construction
du nombre de comprendre et résoudre de petites opérations avec les nombres de un à huit.
Il doit être capable de décomposer des petites quantités comme sept. Savoir par exemple
que sept c’est quatre et trois, cinq et deux, un et six. A force de jouer à certains jeux comme
le " Halli galli " ou le " jeu des graines ", les enfants s’habituent petit à petit à connaître les
décompositions des premiers nombres.
Selon C, les élèves doivent également être capables de reconnaître des collections de
manière globale de trois à six objets environ. Ils doivent savoir lire les nombres jusqu’à dix,
résoudre des problèmes de logique simples et maîtriser les notions telles que : autant que,
moins que, plus que…

Les enseignantes A et B font référence au plan d’études romand. En revanche, C


synthétise ce que doit savoir, selon elle, l’élève à la fin de la 2H.

Elle parle de décompositions et de reconnaissance globale des premiers nombres, de lecture


des nombres, de résolutions de problèmes et de compréhension d’un vocabulaire spécifique
lié aux mathématiques qui marque, encore une fois, la question de la langue dans les
apprentissages des bases mathématiques.

5.5 Questions uniquement posées aux enseignantes spécialisées

5.5.1 La première question posée aux enseignantes AS, BS est :

Selon vous quelle est la nature des lacunes que peuvent présenter
les élèves en math ? Comment ces lacunes peuvent-elles être rapidement
détectées ? Quels sont les indices qui peuvent apparaître ?

Réponses des enseignantes AS / BS

AS signale en premier lieu que les élèves qui ont été orientés en classe d’introduction
ont des difficultés de types différents, mais sont toutes en rapport avec un retard de
maturité. La nature des lacunes concernant la construction du nombre est souvent liée au
sens du nombre et aux structures logiques. Elle ajoute que dans le domaine de l’espace, tout
ce qui touche à la géométrie est également souvent source de difficultés. Pour détecter ces
lacunes en début d’année, AS observe les enfants dans différentes activités spécifiques pour
cerner leurs besoins et éventuellement détecter leurs lacunes. Il y a des indices qui ne
trompent pas. Elle donne l’exemple de l’élève qui n’a pas compris les trois premiers
nombres, c’est-à-dire celui qui est obligé de compter un à un une collection de trois objets.

36
Elle remarque aussi rapidement les élèves qui n’arrivent pas à mettre en correspondance
le geste et la voix lorsqu’ils dénombrent une collection.

BS affirme que la nature des lacunes peut être en lien avec la compréhension des
consignes. Par exemple lorsqu’une consigne contient plusieurs items, l’élève n’arrive pas à
accumuler l’ensemble des informations. Toujours en lien avec le langage, BS signale la diffi-
culté de la langue française dans les apprentissages mathématiques. Un est à la fois un
déterminant, puis un nombre et une quantité. Au niveau du nombre plus précisément elle
remarque que pour certains élèves les nombres n’ont aucun lien les uns avec les autres.
Certains savent réciter la comptine, mais ne savent pas que trois correspond à la quantité
trois.

Concernant la nature des lacunes, on peut faire le lien avec le travail des trois
premiers nombres qui font partie d’un petit système numérique en soi (Brissiaud 2007)
et l’importance de pouvoir conceptualiser trois en un, un et encore un ou en deux et un.
Le deuxième point ne concerne pas directement les maths puisqu’il est lié à la langue.
Mais comme le dit Berdonneau (2005), le langage contribue à la structuration des acqui-
sitions et c’est exactement ce qu’affirme BS lorsqu’elle dit que ses élèves se retrouvent
empruntés face à une suite de plusieurs consignes. De plus, elle exprime la difficulté de
la langue française selon laquelle on emploie le même mot pour définir un déterminant ainsi
qu’un nombre. Comme Brissiaud (2007) l’affirme, il est difficile de comprendre que les mots-
nombres sont des noms de nombres.

5.5.2 La deuxième question posée aux enseignantes AS, BS est :

Quelles mesures compensatoires mettez-vous en place pour vos élèves ?

Réponses des enseignantes AS / BS

AS signale que les élèves qui ont de la peine en mathématiques ont besoin de
travailler en menant des activités concrètes. AS met ses élèves en situation avec du matériel
à manipuler, mais pas uniquement des jetons. Elle utilise toutes sortes d’objets de récu-
pération comme des emballages, des ustensiles en plastique, des vieilles bouteilles… Utiliser
du matériel permet à l’enfant d’intérioriser ses actions. AS va aussi observer la manière
dont l’élève raisonne où sont ses difficultés et la façon dont il réfléchit. A partir de ses obser-
vations, elle se rend compte des compétences de l’élève et peut commencer à construire avec
l’élève là où il en est.

BS multiplie varie beaucoup ses interventions, elle signale qu’il est important que
les enfants puissent voir, entendre, mais aussi toucher, car les élèves doivent pouvoir

37
essayer, manipuler. Elle fait chercher ses élèves seuls, puis à deux et leur donne la possibilité
d’expliquer leurs démarches.

La mise en situation et la manipulation font, encore une fois, référence à la question


du sens. En confrontant les élèves à des situations concrètes, les enseignantes les placent face
à des problèmes qui nécessitent une recherche.

5.5.3 La troisième question posée aux enseignantes AS, BS est :

Dans ce cadre, avez-vous à faire à d’éventuels partenaires, collaborez-


vous avec les enseignantes de l’EE ?

Réponses des enseignantes AS / BS

AS souligne l’importance d’échanger avec ses collègues de ses difficultés, mais aussi
de ses réussites et de ses constatations. Elle trouve intéressant de pouvoir partager les
découvertes de situations qui ont bien fonctionné. AS trouve aussi qu’il est essentiel de
continuer à se former en tant qu’enseignant parce qu’elle reconnaît que dans le domaine des
maths, les lacunes et les difficultés que présentent les enfants et la façon d’y remédier sont
des domaines encore peu connus des enseignants. AS travaille avec le service d’orthophonie
qui est doté d’orthophonistes qui ont suivi la formation GEPALM (groupe d’étude sur
la psychopathologie des activités logico-mathématiques). Ces orthophonistes travaillent
avec les élèves non seulement le langage, mais également les notions mathématiques en
fonction des besoins des élèves. AS s’est aperçu que souvent les élèves qui ont des difficultés
en mathématiques en ont aussi en langage.

BS ne collabore pas particulièrement avec les enseignantes de 1H-2H dans le cadre


des mathématiques. En revanche, elle collabore avec d’autres enseignantes de classe de 3H.
Ce qui est intéressant, c’est que dans son collège il y a aussi des professionnels qui ont suivi
la formation GEPALM, mais les élèves de la classe d’introduction ne peuvent pas bénéficier
de cette aide externe, car ils sont déjà pris en charge par la classe d’introduction qui est une
mesure en soi.

AS, mentionne le lien qui existe entre l’apprentissage des mathématiques et celui
de la langue. Ici, il est possible de tisser un lien entre les paroles de l’enseignante et la partie
du cadre théorique de ce travail qui s’intitule "ponts entre langage et développement des
concepts scientifiques". AS, par ses constatations, relève le fait que souvent, les élèves en
difficultés en math en ont aussi en langage. Ceci démontre donc le lien entre ces deux
disciplines.

38
6 Conclusion

6.1 Critiques du travail


Arrivée au terme de ce travail de recherche, je peux faire une réflexion sur
les éléments qui auraient mérité une réflexion supplémentaire. Concernant la méthodologie,
j’ai fait le choix d’interroger cinq enseignantes sur le terrain pour répondre à ma question de
recherche.

Il est clair que les résultats ne sont pas forcément exhaustifs et que si j’avais
interviewé d’autres professionnels du terrain, les résultats auraient peut-être été quelque peu
différents. Cependant, j’ai remarqué que sur beaucoup de points les réponses de ces cinq
enseignantes convergeaient.

En rapport avec le cadre théorique, les enseignantes interrogées m’ont éclairée sur
l’importance du rôle de la motivation dans les apprentissages numériques. C’est un point
qui n’apparaît pas dans la problématique de ce travail et qui aurait eu largement sa place
étant donné que la recherche se concentrait sur la tâche de l’enseignant.

Il aurait également été intéressant d’interroger une enseignante de soutien ou une


logopède qui a fait la formation GEPALM (groupe d’études sur la psychopathologie des
activités logico-mathématiques) afin que je sois mieux renseignée sur la nature des difficultés
rencontrées par les élèves.

En complément, il aurait été judicieux de questionner les cinq enseignantes, sur


la manière dont elles observent les élèves et à quel moment elles le font.

6.2 Ce que ce travail m’a apporté


Au début, j’ai choisi de réaliser une recherche en didactique des mathématiques sur
la base d’une pensée de sens commun. J’avais l’intime conviction que la compréhension
des mathématiques était une sorte de don, qu’on était né avec ou sans, qu’on y arrivait donc
bien ou pas. Je peux dire, aujourd’hui, que j’ai dépassé cet état d’esprit dans lequel je me
trouvais au commencement de ce travail. J’estime donc avoir revisité cette croyance de
la compréhension innée ou acquise des mathématiques. En effet, la théorie m’a permis
de comprendre la multiplicité des facteurs qui entrent en jeu dans la compréhension du
nombre et qu’au fond, la part de l’innéité et de l’acquis joue un rôle minime. De plus, grâce
aux interviews réalisés auprès des enseignantes et à leurs discours enrichissants, je suis
désormais d’avis que tous les enfants sont capables de comprendre et de progresser dans

39
le vaste domaine des mathématiques. L’importance d’un milieu familial stimulant reste
néanmoins, peut-être un facteur de réussite plus important que le facteur de l’innéité.

Tout au long de mon travail, ma question de recherche était focalisée sur le rôle de
l’enseignant. J’ai eu envie de découvrir quelle était sa part de responsabilité, en terme
d’enseignement dans la progression des apprentissages des élèves de 1H-2H.

L’enseignant, au-delà de ses compétences en didactique, a la mission de valoriser


chacun de ses élèves et de porter sur eux un regard confiant. Ceci afin qu’eux-mêmes
développent une bonne estime d’eux et de l’assurance envers leurs compétences. Les élèves
doivent, grâce à l’enseignant, se sentir capables d’y arriver.

J’imaginais évidemment que la tâche de l’enseignant était importante, mais je ne me


doutais pas à quel point et dans quelles mesures elle l’était. Les enseignants doivent observer,
évaluer leurs élèves pour savoir où ils en sont, repérer les difficultés en définissant la nature
de leurs lacunes. Ils doivent élaborer une progression adaptée à chaque élève en leur
proposant des apprentissages cohérents proches de leur zone proximale de développement.
La différenciation est donc au cœur de l’enseignement des mathématiques. Les enseignants
doivent, sans cesse, ajuster les activités et les exercices en fonction des besoins de leurs élèves
et tenir compte de leur degré de maturité. En même temps, il est nécessaire que les institu-
teurs acceptent le fait que leur enseignement ne soit pas, à chaque fois, idéal pour tous.

La question du sens est un élément qui ressort très fortement des réponses que m’ont
apportées les cinq enseignantes interrogées. En effet, il apparaît que toutes, sans exception,
ont le souci de proposer un enseignement du nombre qui repose sur la pertinence des
contenus afin de permettre à leurs élèves de s’approprier au mieux la notion de nombre.
Les enseignantes de 1H-2H, doivent être vigilantes sur un point : la plupart des appren-
tissages sont traités au travers du jeu, un des risques est que l’objectif principal de l’activité
passe quelque peu inaperçu des élèves. J’ai donc compris qu’il est opportun de mettre
des mots sur les notions enseignées et d’expliciter les moments où tels ou tels apprentissages
étaient abordés. Cette démarche permet à l’élève de porter et d’acquérir un regard méta
sur ce qui se passe en atelier et lors des divers moments d’apprentissages.

Ce travail m’a également permis de prendre conscience combien la langue ainsi que
le langage mathématique jouent un rôle important dans les premiers apprentissages
numériques. Certains des éléments qui semblent être des détails peuvent s’avérer
fondamentaux, je pense notamment à la question de la décomposition des nombres : par
exemple exprimer la conclusion du comptage en explicitant le fait que quatre, c’est un, un, un
et encore un. Ou encore, insister sur la différence entre un chiffre, un nombre qui exprime
une quantité, le symbole écrit, le déterminant… Je garde en tête également que ces jeunes

40
écoliers sont au tout début du décodage de leur métier d’élève. Ceci peut influencer parfois
la réalisation de la tâche à faire, non pas par manque de compétences mathématiques,
mais bien par manque d’outils d’apprenants (concentration, respect de la consigne,
investissement,…)

J’ai aussi appris que l’enseignement d’activités musicales, rythmiques, physiques,


contribuait au développement des compétences mathématiques et permettait de diversifier
judicieusement les approches.

Comme le dit Brissiaud (2007) « Même si, en matière d’apprentissages, le passé


ne prédétermine jamais le futur, il y a des premières rencontres qu’il vaut mieux réussir. »
(p. 4) C’est bien grâce aux enseignants valorisants de 1H-2H, que les élèves font leur première
rencontre avec les nombres en toute confiance et pertinence. En ce sens, j’ai pu prendre
conscience de la responsabilité qu’ils portaient dans leur tâche.

6.3 Perspectives de poursuite


Si j’avais à poursuivre cette recherche, je me pencherais désormais du côté de l’élève.
Je me suis rendu compte que les enfants qui ont de grandes difficultés sont rapidement pris
en charge par des professionnels qui travaillent en collaboration avec les enseignants et que
des mesures existent pour eux. Je souhaiterais donc désormais affiner cette recherche en
observant des enfants qui ne sont ni en grande difficulté ni en situation de confort par
rapport aux nombres et de manière générale aux mathématiques. Je chercherais à rendre
compte des types de difficultés qui se présentent régulièrement et envisagerais les possibilités
d’améliorer le quotidien de ces élèves-là, dits moyens

Il me paraît pertinent également d’interroger des élèves d’une classe de soutien ainsi
que des enseignants ayant l’habitude de travailler avec des apprenants en difficulté. De là,
il serait intéressant de mettre en place un outil, comme une grille critériée, qui permettrait
d’évaluer et de déceler l’origine des difficultés dans le but de proposer à ces élèves les activités
adéquates à leurs compétences et qui se situent dans leur zone proximale de développement.

41
7 Références bibliographiques
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3 août 2012 à 16 h dans

http://www.erz.be.ch/erz/fr/index/kindergarten_volksschule/kindergarten_volksschule/pr
ojekte/revos_2012/schuleingangsphase/zweijaehriger_kindergarten.html

Schéma conservation des liquides

http://ute3.umh.ac.be/cours/psychoeduc/module6a-4b.htm

Article Brissiaud (2012) Il faut refonder l'apprentissage des nombres en maternelle.


Consulté le 21.01.2013

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/11/12112012Accueil.aspx

43
Annexes

7.1 Retranscription entretien enseignante A

E : Comment mettez-vous en place l’apprentissage du nombre avec vos


élèves ? Par quels moyens didactiques ?

A : Alors, le moyen d’enseignement actuel, qui s’appelle des mathématiques au cycle


élémentaire, le présente bien. Il y a une progression pour les 1H et pour les 2H. Les 1H qui
sont au niveau des 2H font les jeux des 1H ainsi que les 2H et ils ont tout fait ainsi. Donc,
chaque semaine, chaque deux semaines, il y a les jeux de math du moyen didactique qui sont
proposés aux deux niveaux que j’entrecoupe ensuite avec des jeux du commerce. Avec le
groupe des petits, les 1H, on commence par des jeux de dés, parce que certains n’ont jamais
vu un dé de leur vie. A la fin de la 2H, je vérifie la conservation du nombre en cours de
l’année, aussi la correspondance terme à terme, la sériation, etc. Il n’est pas vain quand
même de rappeler que le développement de l’enfant évolue par progression, donc forcément à
un moment donné il y a une déstabilisation des connaissances qui sont préétablies, et il
rencontre ses difficultés et face à la nouveauté ou à la difficulté, tout ce qui est de l’organisme
cognitif répond par une adaptation qui met en place un jeu d’assimilation et
d’accommodation qui permet après à l’enfant de trouver un nouvel équilibre. Chez le jeune
enfant, l’acquisition et la conservation du nombre sont le fruit d’un développement logico-
mathématique important. La construction du nombre n’a pas encore été atteinte, en tout cas
il y a un équilibre assez stable chez les élèves du cycle initial. Et, le nombre comme mesure
des quantités reste au cœur des préoccupations. Il permet une première organisation du
monde des objets en classant, en comparant, en sériant, et je donne l’occasion à l’élève de
compter, d’établir des correspondances terme à terme, de sérier divers objets et ça devient un
objectif prioritaire dans le plan d’étude. L’enseignement tend également à élargir l’expérience
des premiers nombres en pointant les différents usages, les significations, les fonctions qu’ils
peuvent prendre dans l’environnement actuel. Et au-delà du savoir compter, savoir ordonner,
le maniement des premiers nombres fournit également une sensibilisation à la cardinalité, à
l’ordinalité et aux premières règles du système numérique. Ensuite, la résolution de
problèmes : des situations-problèmes favorisent la prise de conscience et l’utilité des
nombres et leurs pouvoirs de structuration qu’ils procurent sur le monde des objets et
contribuent au développement cognitif de l’élève.

44
E : A quelle période de l’année commencez-vous de travailler plus
précisément l’apprentissage du nombre, quelles notions abordez-vous avant ?

A : Alors, au début de l’année on débute tout de suite par le nombre en petites


quantités avec des dés avec les constellations un et deux, pas plus pour les 1H. Les cartes et
tout un matériel didactique qu’on a dans nos classes, et puis on débute en fait tous les
différents domaines en progression plus ou moins en même temps. Donc, les nombres, les
formes, le raisonnement et au fil des semaines les jeux s’étoffent, deviennent de plus en plus
difficiles pour certains. Et puis, en 2H vers janvier, je débute un jeu. Par exemple : il y a trois
oiseaux sur une branche, il y en a un qui s’envole, combien il en reste ?

E : Comment est abordé ce qui pourrait relever d'une sensibilisation au


nombre et à la numération, puis d'une consolidation ? Quels en sont les
contenus ?

A : Alors, je dirais au tout départ, c’est plutôt des connaissances qu’ils mémorisent
donc c’est plutôt la suite orale et plutôt la suite écrite des nombres. Donc, avant d’entrer à
l’école, les enfants ont quand même déjà acquis certaines connaissances pour certains, mais
ça n’est pas semblable pour tout le monde. Donc, certains montrent leur âge sur les doigts, ou
disent j’ai tant de bougies sur mon gâteau, etc. Donc, ils ont peut-être aussi appris des
comptines, mais en tout cas au départ, j’dirais que la sensibilisation aux nombres entre, en
tout cas chez moi, au travers de la musique, du rythme et de l’apprentissage des comptines et
des poésies. Ensuite, dans la numération, ils apprennent, je dirais, les chiffres et les nombres
au travers des jeux du dé, de ce qu’on a dit avant aussi. Et puis après, dans les connaissances
à construire, par exemple la capacité à reconnaître les situations dans lesquelles le nombre
est pertinent, dans différents jeux qu’il y a dans la méthodologie de math, dans le moyen
d’enseignement de math, tous ces jeux sont de manière très progressive et amènent l’élève à
travailler avec la numération et à consolider d’une autre manière. Donc, il y aura un jeu qui
sera utilisé de plusieurs manières différentes avec des supports et du matériel différent mais
c’est le même jeu. Et, ils devront dénombrer des quantités. C’est des activités qui sont
conçues pour placer les élèves dans l’obligation de dénombrer une collection et de résoudre
un problème et à force d’en faire, ils vont commencer de comprendre le fonctionnement de la
numération et puis ils vont pouvoir s’y adapter. Ensuite, il y aura la comparaison des
quantités et des nombres ça, ça vient, je dirais plutôt, en deuxième partie d’année pour le
groupe des 1H.

45
E : Comment voyez-vous le rôle que joue l’enseignant dans l’acquisition de
la notion de nombre ?

A : Alors, je dirais que c’est très important pour lui et pour ses pairs, donc nous on les
suit sur deux ans, ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur leurs progrès et de reprendre
certaines choses qui n’étaient pas forcément acquises dans leur première année enfantine.

Par exemple, un élève de 2H qui a des difficultés sera aiguillé encore sur des jeux de
1H qu’il a déjà fait l’an passé pour qu’il puisse se consolider en fait.

E : Lorsque vous décelez un élève en difficulté dans ce domaine, que


faites-vous pour améliorer sa compréhension ? Quelles activités, remédiations ?

A : Alors, la répétition des jeux ça c’est une chose qui est sûre, la simplification des
consignes, les jeux rapides avec les petits nombres, comme si c’était entre parenthèses du
drill. La manipulation avec divers objets, la manipulation sensorielle, la manipulation
auditive, la manipulation visuelle, les comptines, la rythmique, la musique en tout cas pour la
musique c’est une chose qui est sûre, c’est quelque chose qui aide pour les maths. Ensuite,
ben en comptant sur ses doigts, en jouant aussi à des jeux de société, comme je l’ai dit avant,
des jeux de dés, des dominos, des cartes. Et puis ensuite, moi je fais beaucoup de jeux en
situation, ça veut dire en forêt, on rapporte quelques cailloux, on rapporte quelques feuilles,
on décide d’un chiffre. Sur un tapis de circulation, on pose tous les avions et aucune voiture
par exemple. Dans la cour, on ramasse tous les papiers, ou plusieurs balles. Ensuite, tout ce
qui est du comptage rituel, les enfants donc sont habitués à compter le matin pour savoir
combien on est, mais aussi peut-être combien de biscuits on devrait distribuer à dix heures
pour que tous les enfants en aient un ou deux, des jeux avec les pantoufles, les paires de
pantoufles. Ensuite, les comptines numériques à mémoriser, ensuite écrire et lire le nombre
d’objets de petites collections et composer ces collections : des collections de pinceaux, des
collections de crayons, des collections de pives… Repérer les différents chiffres dans des jeux
avec des dés, des cartes, des cartes-chiffres aussi et puis, de nouveau comme avant, établir
une correspondance terme à terme entre deux ensembles, entre deux sous-ensembles, des
collections de jetons de plusieurs couleurs, des jouets en plastique. Comparer le nombre
d’animaux et le nombre de fleurs, pouvoir dire qu’il y en a plus ou qu’il y en moins. Repérage
aussi dans tout ce qui est l’univers familier de chiffres donc dans les annuaires, dans le jeu de
la poste, dans les prix, les dossards, les cartes de crédit, les journaux, etc.

46
E : Que pensez-vous des élèves qui dès le début de leur scolarité
présentent de grosses lacunes dans le domaine numérique, pensez-vous qu’une
part de ces difficultés soient du ressort de l’innéité ?

A : Personnellement, je pense que oui, mais je dirais qu’il y a un lien aussi avec les
personnes avec qui on vit. Je pense qu’un élève qui a un père « matheux », va forcément
s’adresser à son enfant de manière à ce qu’il fonctionne et pense comme lui. Donc, des fois il
y a une sorte de mimétisme, mais aussi depuis le départ, depuis qu’ils sont tout petits les
enfants avec leur père ou avec leur mère vont développer des attitudes et des compétences
qui sont influencées par leurs parents. Mais, j’dirais que pour moi en enfantine, ça débute
plus ou moins en 1H et 2H quand même où voilà, nous on entre vraiment dans des
apprentissages beaucoup plus systématiques. Mais, oui je pense que c’est quand même lié
avec les personnes avec qui on vit.

E : Procédez-vous d’une autre manière avec les élèves allophones ?

A : Je n’en ai pas, jamais

E : Pensez-vous qu’il faille tout de suite agir si on rencontre un élève en


difficulté à l’école enfantine ? (Si oui de quelle manière, si non pourquoi)

A : Alors, oui évidemment, un moyen d’aider c’est la différenciation, tout ce qu’on a


énuméré ci-dessus en est l’exemple, et j’pense qu’il est aussi possible de proposer aux parents
d’aider un peu à la maison, par exemple dans des jeux comme le UNO, c’est un jeu qui est
facile, que pratiquement tout le monde a à la maison, en tout cas dans mon village, et faire à
la maison pour s’exercer, il y a peut-être un peu moins de stress qu’à l’école, c’est peut-être
plus jouissif pour eux, parce qu’il y a leurs parents, il y a leurs frères, il y a leurs sœurs et s’ils
sont d’accord d’entrer dans cette démarche je trouve que la triangulation famille, école et
élève est un moyen, quand même, de pouvoir soutenir et de pouvoir guider l’élève.

E : Avez-vous déjà vécu une/des situation(s) où un enfant, qui avait


beaucoup de peine en début de cycle, a réussi lors des deux premières années de
sa scolarité à combler son retard ?

A : Alors, pour certains enfants qui étaient non stimulés à la maison oui, lorsqu’ils
arrivent à l’école en 1H, ils découvrent le monde, ils sont tellement stimulés en classe, tous les
jours, qu’en fait ils rattrapent leur retard. C’est comme si ils avaient emmagasiné beaucoup
de compétences qu’ils n’ont jamais pu partager ou en tout cas exercer et lorsqu’ils arrivent en

47
1H c’est une découverte et c’est comme si le terreau était préparé et il n’y avait plus qu’à
semer. Voilà, on avait semé et il n’y a plus qu’à récolter après.

Pour d’autres, par contre, le retard est trop important et ils ne rattraperont pas. C’est
vrai qu’il y a beaucoup plus d’élèves que j’ai eus où j’ai proposé des tests de maturité scolaire
à la fin de la 2H où l’élève avait vraiment des difficultés en numération et les parents ont
refusé le test de maturité scolaire, il a débuté en 3H et en 5H ou en 6H ou même en 7H c’est
des élèves qui ont redoublé et qui avaient des difficultés en math. Donc, il y a, en proportion
un plus grand nombre d’élèves, en tout cas pour le village où j’enseigne, qui n’a pas rattrapé
le retard que certains qui ont rattrapé.

E : Est-ce que vous pensez qu’un élève qui a des problèmes en début de
scolarité les gardera tout au long de son parcours ?

A : Alors, les élèves qui sont signalés en 1H-2H avec une demande de classe
d’introduction, dont les parents ont refusé la mesure, oui je pense dans 90% des cas ils se
retrouvent en échec parce que leur maturité n’a pas pu être consolidée et ils sont toujours en
train de courir après la classe qui va bien, en fait et souvent ils redoublent, effectivement. Une
autre partie des parents qui seraient d’accord avec une mesure de retarder l’élève, deviennent
pratiquement dans le 90% des cas des très bons élèves et des têtes de classes quand ils
réintègrent ensuite après une classe d’introduction la 2H. Donc, une toute petite partie va en
classe spéciale au lieu de réintégrer ça c’est clair, mais tout dépend de ce que tu entends aussi
par problème, parce que tu peux préciser j’ai écrit, est-ce que c’est en math ou est-ce que c’est
social ?

E : Oui là j’avais pensé plutôt au niveau cognitif en effet

A : D’accord alors c’est ça.

E : Selon vous, quels objectifs l’élève doit-il avoir atteints en fin de 1H-2H
au niveau de la construction du nombre ?

A : Alors, ben dans le PER tout est noté. Après, tout dépend de chez qui ils vont en 3H,
donc voilà pour certaines enseignantes elles aiment bien que les élèves aient acquis les
nombres jusqu’à vingt, donc qu’ils les reconnaissent jusqu’à vingt et puis qu’ils sachent
compter en tout cas jusqu’à trente ou quarante. Voilà, c’est en fonction un peu de
l’enseignante quoi.

48
7.2 Retranscription entretien enseignante B

E : Comment mettez-vous en place l’apprentissage du nombre avec vos


élèves ? Par quels moyens didactiques ?

B : Alors, moi j’ai noté d’abord en dehors des vraies activités, enfin des activités qui
sont déjà construites dans les moyens qu’on a, d’abord au travers de toutes les occasions qui
peuvent être présentes dans une journée. Donc, les occasions qui ne sont pas forcément
créées par moi dans un atelier ou comme ça, mais ça peut être avec les présences et les
absences déjà tout simplement en comptant les enfants le matin, en regardant qui manque,
etc. Alors, après je peux te montrer, mais je ne sais pas si ça t’intéresse que je te montre
les choses ça veut faire un peu du bruit, mais par exemple dans les occasions quotidiennes
comme compter les présents et les absents avec les élèves qui mettent leur carte, après y’a ce
système ici, ça, ça représente tous les enfants, ceux qui sont absents on les fait glisser de ce
côté, mais le nombre reste toujours identique, c’est toujours vingt élèves.

E : Oui je me souviens que tu nous avais montré ça quand tu étais venue présenter le
calendrier.

B : Ah d’accord, et puis les présences les absences avec les enfants qui mettent leur
carte on comptabilise, on écrit aussi au tableau ensuite le nombre de présents d’absents en
faisant des sacs de dizaines. Par exemple, quand y’a dix enfants présents ça fait un sac de dix.
Donc, il y a une colonne de cartes dès que y’a dix cartes ça fait un sac, ça fait le un de la
dizaine et les autres cartes à côté sont les unités et comme ça on met sept ou huit ou neuf et
petit à petit on amorce comme ça la dizaine voilà. Avec le nombre d’enfants aux jeux aussi,
c’est archi basique, mais en début d’année on voit bien, les enfants doivent… D’abord ils font
du terme à terme puis ensuite ils doivent compter le nombre d’enfants qui peuvent participer
à tels jeux, et ensuite ça doit correspondre au nombre de cartes qu’ils mettent quand y
s’inscrivent voilà. Ensuite, avec toutes les activités transversales qu’on peut avoir en gym et
en rythmique, par exemple : faites des groupes de quatre, faites des groupes de cinq, partagez
la classe en deux, se mettre deux par deux, se mettre trois par trois, faire le rang, etc. Est-ce
qu’on peut faire le rang ? Est-ce qu’on peut tous être par deux ? Est-ce que y’en a un qui est
tout seul ? Pourquoi ? Parce qu’on est un nombre impair, etc.

En rangeant les choses et en les classant, là on est toujours dans la numération avec
des activités qui sont pas… c’est pas un atelier si tu veux voilà. Alors, ça c’est tout ce qui
gravite autour, et puis effectivement après, les moyens didactiques que j’ai ben c’est tout le
matériel qu’on a en mathématiques. Donc, tout des jeux qu’on peut trouver dans le commerce
où les enfants jouent en individuel et moi je surveille que tout le monde soit passé partout,

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j’ai des listes de jeux avec des tableaux à double entrée, le nom des enfants, etc. Je contrôle
toujours qui est passé où et chacun a une feuille individuelle pour savoir "je suis passé à tel
jeu" etc. Et en même temps j’évalue, je fais de la prise de notes à côté. Plus ensuite, les
ateliers à plusieurs où moi l’enseignante je joue avec eux voilà qui sont dans les moyens de
math qu’on a reçus, plus d’autres moyens de math, que j’avais déjà d’avant. Voilà ça suffit ?

E : Parfait !

E : A quelle période de l’année commencez-vous de travailler plus


précisément l’apprentissage du nombre, quelles notions abordez-vous avant ?

B : Alors, en fait j’ai pas trop compris la question dans quelles notions abordez-vous
avant, parce qu’en fait dès le début de l’année on commence avec le nombre. On est déjà dans
le nombre même avec des toutes petites choses. Avant le nombre c’est de toute façon le
nombre enfin j’sais pas comment dire…

E : Non ben je me demandais si, par exemple, il y avait une progression et puis qu’il
y avait des choses à travailler avant le nombre ?

B : Oui, mais c’est déjà le nombre, oui simplement c’est progressif, mais…

E : Ok non ben alors dès le début de l’année

B : Oui voilà, voilà

E : Comment est abordé ce qui pourrait relever d'une sensibilisation au


nombre et à la numération, puis d'une consolidation ? Quels en sont les
contenus ?

B : Alors, comme sensibilisation moi j’aurais envie de dire d’abord tous les jeux de
dés, les jeux de société tout ça, les jeux de bataille, distribuer les cartes de jeux quand les
enfants jouent entre eux, ils sont en plein dedans, les comptines, les petites comptines. Et
puis, pour la consolidation après c’est dans des activités précises que je choisis. J’me dis
maintenant on va aller plus loin on peut aborder ça ou un jeu purement avec la constellation
par exemple.

E : Comment voyez-vous le rôle que joue l’enseignant dans l’acquisition de


la notion de nombre ?

B : Alors, hyper important, donc l’enseignant ce qu’il doit essayer de faire c’est de
varier les approches, pas seulement avoir une façon de faire, mais plusieurs. Il n’y a pas

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qu’une chapelle. Il y a des enfants qui apprennent en tâtonnant, y’en a d’autres qui
apprennent quand on leur dit exactement ce qu’il faut faire, ça dépend de l’enfant donc je
varie mes approches. Essayer de varier le plus possible le matériel, d’utiliser toutes les
occasions qui peuvent se présenter dans la journée, pas seulement l’atelier où on dit : tiens on
va faire la leçon de math et on travaille les maths. Mais, comme je disais avant, faire le rang
ou regarder les absents c’est chaque fois une occasion de travailler le nombre. Et puis, surtout
en travaillant avec l’enfant, c’est important de lui faire expliciter sa démarche. D’accord, t’as
trouvé ça, mais pas se contenter de lui dire bon ok c’est juste ou ce n’est pas juste, mais
comment tu pourrais faire autrement ? Comment est-ce que tu as fait ? Et si j’enlève ça
qu’est-ce qui se passe, etc. Chaque fois, essayer de pousser plus loin. Et ça, je trouve que c’est
hyper important. D’ailleurs c’est quand même aussi ce qui est de plus en plus noté dans les
manuels et dans les nouvelles façons de procéder… Donc, expliquer à l’enfant l’enjeu du
travail qu’il est en train de faire, qu’est-ce qu’on est en train d’apprendre maintenant ?
Maintenant, on va apprendre ça, donc je t’amène tel et tel matériel et on va travailler ça. Et ce
que j’aimerais bien c’est dans ta tête que tu puisses apprendre ça et ça. Et ensuite, et toi
maintenant comment tu as fait ? Pour qu’ils puissent après comprendre ce qui s’est passé et
transférer.

E : Lorsque vous décelez un élève en difficulté dans ce domaine, que


faites-vous pour améliorer sa compréhension ? Quelles activités, remédiations ?

B : Alors, ça serait la différenciation en fait. Dès qu’il y a un élève en difficulté ou


même quand il n’est pas en difficulté. Mais, c’est quand même ça qui ressort, c’est quand il y
en a un qui n’arrive pas en fait on différencie un maximum en reprenant des activités pour
certains alors que d’autres peuvent aller plus loin. Ça peut être repris autrement. Ensuite,
certains enfants, je les fais travailler en individuel avec moi. Si dans le groupe il ne progresse
plus, que ça soit des groupes hétérogènes ou homogènes, des fois il faut à l’enfant quelque
chose de plus pointu et là, je travaille seule avec lui. Et puis, pour certains il faut reprendre
tout au départ, essayer de voir où ça pêche, où il n’a pas compris, où il a des manques. Donc,
ça peut être de reprendre des jeux, même des fois archi basiques, comme juste un
déplacement d’un pion avec un dé.

E : Que pensez-vous des élèves qui dès le début de leur scolarité


présentent de grosses lacunes dans le domaine numérique, pensez-vous qu’une
part de ces difficultés soient du ressort de l’innéité ?

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B : Alors là, j’ai trouvé un peu difficile la question, parce qu’on a pas toujours la
réponse en fait. Qu’est-ce qui appartient à l’innéité au point de départ ? Mais, par expérience,
j’ai plutôt l’impression, en règle générale, que les enfants qui ont des difficultés c’est par
manque d’expérience avant. C’est-à-dire ils n’ont pas été assez stimulés, il n’y a pas eu assez
d’encadrement à la maison, ils n’ont pas pu assez expérimenter de choses, ils n’ont pas assez
joué ou expérimenté avec du matériel varié à la maison. Et souvent, c’est ça qui manque et on
a l’impression qu’ils démarrent, en fait, à l’école enfantine à se poser des questions. Mais
effectivement si l’enfant a des troubles du développement, par exemple j’ai une petite qui est
en intégration, par contre elle a un milieu très stimulant, mais elle, elle a d’énormes
difficultés, mais elle a un trouble du développement en fait elle grandit difficilement. Mais ça
c’est plus, je ne sais pas, physiologique. Là, c’est pas la stimulation par contre il y en a un
autre qui est en soutien pédagogique ambulatoire, lui il a tout ce qu’il faut, donc au niveau
"innée" il n’y’a rien, par contre, au niveau stimulation c’était tellement vide avant qu’il a
démarré ici et on voit qu’il est en train de progresser dès que quelqu'un peut l’aider à
travailler et lui donner le matériel qu’il faut.

E : Oui, c’était aussi dans le sens où des fois y’a des familles qui disent nous de toute
façon on est mauvais en math dans notre famille et puis ça se répercute peut-être un peu sur
les enfants…

B : Oui, mais en fait ça revient au même parce que le parent qui dit bon de toute façon
nous on est mauvais en math il part déjà du fait que de toute façon on sera mauvais en math
dans la famille. Mais donc automatiquement c’est pas qui sont mauvais en math, eux n’ont
peut-être pas été stimulés, n’ont pas vraiment compris puis ensuite avec les enfants c’est
comme un fait accompli, toute façon on sait pas compter, oui.

E : Procédez-vous d’une autre manière avec les élèves allophones ?

B : Alors moi j’avais envie de dire non parce qu’en fait le principe est le même. La
différence c’est la langue. Peut-être la différence ça serait d’avoir un matériel qui est peut être
plus facile à comprendre et puis plus de gestes, plus de manipulations. Mais en fait, la
manière de travailler est la même, on aborde le nombre. Effectivement je dois faire attention
à la langue.

E : Pensez-vous qu’il faille tout de suite agir si on rencontre un élève en


difficulté à l’école enfantine ? (Si oui de quelle manière, si non pourquoi ?)

B : Alors oui, il faut agir le plus rapidement, je dirais. Mais d’abord laisser un p’tit peu
le temps à l’enfant de se retourner, pour pouvoir cerner où sont vraiment les difficultés. Mais

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en fait ça revient au même, il faut agir assez vite. Soit parce qu’on s’aperçoit que c’est un
enfant qui a une difficulté neurologique ou voilà, donc là il faut agir pour pouvoir l’aider, ou
bien c’est un enfant qui est sous-stimulé et il faut aussi l’aider en proposant par exemple, j’ai
dû le faire cette année, une ICD. ICD c’est intervention de courte durée où il y a une maîtresse
d’appui qui peut prendre l’enfant à peu près une heure par semaine et qui s’en occupe, et
après douze leçons, ça devient un soutien pédagogique ambulatoire, SPA ça s’appelle, et là il
continue de le prendre.

E : Je me demandais, par rapport aux stades de développement, si on peut pousser un


élève, en ne sachant pas… Ben peut-être des fois on ne peut pas les pousser justement parce
qu’ils ne sont tout simplement pas prêts ou immatures pour pouvoir avancer dans une
certaine compétence, leur laisser le temps.

B : Ben c’est ça oui, oui moi je suis d’accord, c’est pour ça qu’il faut les évaluer et après
voir. Bon là, effectivement on progresse pas donc ça ne sert à rien d’essayer d’aller plus loin,
on continue de travailler là où il en est.

E : Avez-vous déjà vécu une/des situation(s) où un enfant, qui avait


beaucoup de peine en début de cycle, a réussi lors des deux premières années de
sa scolarité à combler son retard ?

B : Alors oui, pas complètement combler son retard, mais c’est impressionnant ce
qu’on peut quand même combler. Quand c’est le cas justement d’un enfant, je redis un peu la
même chose, qui a eu des manques avant, donc le petit s’appelle Julien1, quand il est arrivé
ici, il y a une année et demie, donc il arrivait à peine à compter jusqu’à deux, trois c’était
déjà… C’était même impossible, vraiment comme un tout petit. Et puis, il a donc eu du
soutien voilà et il est en train de progresser vraiment. Alors, il ne rattrape pas
malheureusement. En deux ans je ne suis pas sûre, il ne va pas arriver en fin des deux années
d’école enfantine à avoir tout rattrapé, mais, il a déjà rattrapé énormément. Maintenant, il
peut se mêler aux jeux des autres, je peux le mettre dans un atelier avec d’autres, il sera un
peu plus lent, mais ça avance et il ira en classe d’introduction. Donc, c’est déjà pas mal parce
qu’en fait effectivement, quand il est arrivé, il y a deux ans, il avait presque trois ans au
niveau du développement mathématique. Mais donc les lacunes se comblent. Pour lui en tout
cas. C’est toujours au cas par cas.

1 Prénom fictif

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E : Est-ce que vous pensez qu’un élève qui a des problèmes en début de
scolarité les gardera tout au long de son parcours ?

B : Alors ça, c’est toujours aussi la grande question épineuse parce que c’est vrai que
ça serait condamner les… C’est terrible si on se dit non en fait il a des problèmes maintenant,
il en aura tout le temps, c’est le condamner dès le départ et puis c’est comme si la résilience
là, c’était pas possible. Moi je pense qu’il y a des enfants qui peuvent se rattraper. Justement
par exemple les classes d’introduction pour ça on a vu des enfants qui étaient en classe
d’introduction qui ont récupéré le train en deuxième année (4H) et qui vont très bien
maintenant ils sont en sixième avec les autres je les ai vus, ils vont bien. Il faut extrêmement
être vigilant au départ, c’est pour ça que nous on a un rôle assez impressionnant en fait. Mais
j’ai l’impression en fait que l’élève qui gardera des problèmes tout au long de son parcours
c’est plus une question de comportement face au travail plus qu’une question de capacités.

Si un enfant n’a pas compris qu’il a un rôle à jouer dans ce qu’il est en train
d’apprendre, oui que les apprentissages lui appartiennent en fait nous on est les vecteurs,
mais, s’il n’a pas compris qu’il doit y mettre du sien, effectivement, ceux-là on les retrouve en
sixième « peu mieux faire » et toutes ces caricatures qu’on entend où en fait il y a un déclic
que l’enfant ne fait pas, il y a un bouton qui tourne pas et il continue d’avoir le même
comportement. Ben comme Julien justement je reviens sur lui, qui est en train de
comprendre "ah, mais je peux en fait", la maîtresse elle me donne ça, mais peut-être si j’y
vais, si j’m’accroche, si j’essaye de comprendre ce qu’elle me dit,… Ah oui j’ai compris ça, ah
oui alors si on fait ça comme ça, on met comme ça et pis ça fera deux ou ça fera trois, après
c’est une telle joie qu’il a envie de continuer. Mais là, c’est vrai que ça lui appartient.

E : Selon vous, quels objectifs l’élève doit-il avoir atteints en fin de 1H-2H
au niveau de la construction du nombre ?

B : Ben écoute, je vais te dire ce qu’on disait avant devant la porte, effectivement
maintenant on a la chance d’avoir les objectifs qui sont enfin assez clairement définis dans le
PER. Bon maintenant, avec l’introduction du cycle, ce qui sera le plus important c’est de voir
à la fin de la deuxième, fin de la quatrième Harmos voilà. Effectivement, le principe il est
assez intéressant parce que ça va permettre à l’enfant de progresser en quatre ans. Ça peut
permettre « à un Julien » en fait, si on étale sur quatre ans, de pouvoir rattraper le train en
route. Sinon effectivement le fait d’avoir enfin des objectifs clairement définis, c’est une mine
d’or pour nous. Parce que le plus difficile je trouve c’est ça. Il y a d’autres maîtresses d’école
enfantine qui te le diront, c’est de faire une planification sur l’année. Ça, c’est terrible se dire

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qu’est-ce que je mets en bout de piste, pis après comment j’installe les choses petit à petit
pour arriver à… C’est très difficile de ne pas faire en aller-retour, en zigzag, d’autant plus que
ça n’est pas non plus faux d’aller en aller-retour et d’autant plus que dès qu’on différencie on
est, en fait, partout.

E : Ouais c’est ça il faut aborder tout en même temps… c’est du job !

B : C’est ça. Et moi, des fois, ça me prend profondément la tête parce que j’ai
l’impression par moment de me dire attends là j’ai fait tout faux, et puis en fait de me rendre
compte que ah non j’ai pas du tout fait tout faux. Parce qu’en fait pour tel enfant c’était bien
de procéder comme ça et pour et pour tel autre comme ça. Donc, c’est le casse-tête, mais
effectivement c’est quand même ça le mieux. C’est quand même comme ça qu’on arrive à
quelque chose en n’avançant pas tous en même temps, parce qu’en fait c’est impossible. Mais
c’est de la folie en fait.

E : Ouais c’est impressionnant je me disais en fait si on doit dans tous les domaines,
parce qu’en fait le nombre c’est une toute petite partie de l’apprentissage des maths, mais il y
a tous les domaines du PER qu’il faut traiter et faut faire tout en même temps, et puis on ne
peut pas faire que des maths toute l’année…

B : Ouais, ouais, par contre nous on a la chance, à l’école enfantine, d’avoir toutes les
entrées on peut être à une leçon de rythmique et en fait en pleine leçon de rythmique, on
s’aperçoit qu’on a fait que des maths. Tu fais un cercle, tu mets les enfants en ligne ou en
colonne, tu travailles dans l’espace t’es en plein dans les maths, après tu peux refaire la même
chose sur le papier, faites un plan de la salle de gym, etc.

Compter le nombre d’enfants dans tel groupe, ah tiens est-ce qu’on peut diviser par
quatre, pour faire quatre postes, ah mais oui il va nous en rester trois ah, donc, ça veut dire
quelque part qu’on n’est pas un nombre divisible par quatre, voilà, etc., etc. Donc, on rentre
un peu partout.

E : Oui c’est la chance de l’école enfantine, l’interdisciplinarité.

B : Oui et puis parfois tu te dis tiens j’ai pas fait ce domaine,…

E : … tu l’as quand même abordé sans t’en rendre compte.

B : Voilà, alors après le danger c’est de dire bon moi j’y vais un peu au nez et ça, c’est
très mauvais parce que, évidemment, après il y a des choses qui nous échappent. Donc, moi
maintenant, j’essaye d’écrire tout, mais je dis bien j’essaye.

E : Ça serait intéressant que tu me montres comment tu procèdes.

B : C’est un peu de la folie, non c’est extrêmement difficile et je me base surtout sur
mon expérience. Oui bien sûr, sur les choses que je sais, mais après sur mon vécu. Moi je

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trouve que c’est vraiment l’épreuve du feu. En plus, on a énormément de matériel, on a reçu
un moyen de math, le seul inconvénient de ce moyen de math, je ne sais pas si vous l’avez
vu ?

E : Pas encore en détail.

B : Alors, tout le matériel est bien, la seule chose qui manque dans ce matériel c’est la
progression dans l’année. Tu reçois une magnifique boîte là-haut, avec tous les jeux, et je ne
l’ai encore pas utilisée parce que comme je suis assez rigoureuse, je n’arrive pas à avoir le
courage d’ouvrir ma boîte et de prendre comme ça les jeux, je veux d’abord tous les regarder
et les mettre dans l’ordre en fait d’une progression dans l’année. Mais c’est un temps
astronomique, voilà.

7.3 Retranscription entretien enseignante C

E : Comment mettez-vous en place l’apprentissage du nombre avec vos


élèves ? Par quels moyens didactiques ?

C : Ok, alors le premier trimestre je mets en place les rituels, les rituels du matin, donc
tout ce qu’on fait en arrivant, compter les enfants, voir combien d’enfants manquent, qui est
présent qui est absent et le calendrier. Ensuite, les enfants font des petits jeux en attendant
que tout le monde soit prêt, se soit déshabillé enfin soit prêt. Alors, ces petits jeux consistent
à faire toute sorte justement de petits jeux liés au nombre comme des jeux de dés, des jeux de
dés à points comme des batailles donc, des jeux de dés à chiffres, aussi des batailles. Celui qui
fait le plus peut rester, celui qui fait le moins amène son dé à un autre enfant. Et puis, un petit
peu plus tard, j’introduis le jeu du moins. Donc, ils lancent deux dés soit à chiffre soit à points
et puis c’est l’enfant qui a le moins qui ose rester et l’enfant qui a le plus qui amène son dé à
un autre enfant donc ça se joue sous forme de bataille et puis comme ça, ça met un peu en
place la notion "moins que". Plus tard, une fois qu’ils ont joué plusieurs fois à ces jeux de dés
pendant peut-être quelques semaines, on met en place le jeu des graines. Donc, c’est un jeu
où on a un gobelet avec quatre graines, cinq graines, six graines enfin toujours plus et puis un
enfant cache sous le gobelet un certain nombre de graines, et puis par exemple il en cache
deux, il en montre deux, et les autres enfants doivent essayer de deviner combien de graines
sont cachées sous le gobelet et puis celui qui trouve la réponse, il peut aller devant et puis
refaire le jeu aux autres. Donc, là justement on commence par quatre graines ensuite on fait
cinq, six et pis ça, ça leur fait faire tous les jours des petits calculs. Depuis cette année
j’prends aussi tous les matins un matériel didactique qui s’appelle (résolution de problèmes à

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l’école maternelle) et puis tous les matins je leur pose un petit problème qu’ils doivent
essayer de résoudre et ils doivent expliquer comment ils l’ont résolu expliquer leur démarche.
Est-ce tu veux que j’explique…

E : Si tu as un exemple peut-être ?

C : Ouais, alors par exemple, c’est chaque fois des grandes images alors on voit par
exemple huit oreilles de lapins et puis la question est : combien y a-t-il de lapins derrière la
palissade ? Et puis, les enfants réfléchissent, lèvent la main et puis en général j’en questionne
deux ou trois et puis ensuite une fois que chacun a un peu donné son avis, on tourne la page
on voit la réponse, du nombre de lapins avec les oreilles et en général l’enfant doit expliquer
comment il a fait pour trouver la réponse. Voilà, alors ça c’est ce que je fais un peu pour
mettre en place la réflexion.

E : A quelle période de l’année commencez-vous de travailler plus


précisément l’apprentissage du nombre, quelles notions abordez-vous avant ?

C : Alors, nous on commence directement en début d’année le premier travail qu’on


fait le premier trimestre par rapport au nombre c’est tout des jeux de batailles. Donc, le
premier jeu de bataille qu’on fait c’est ni avec des points ni avec des nombres, rien du tout
c’est une bataille de chats/souris pour qu’ils arrivent à comprendre que le chat est plus fort
que la souris et puis c’est le plus fort qui gagne pour qu’ils arrivent après à mettre en lien la
notion de gagner et de perdre. Donc, une fois qu’ils ont compris le fonctionnement de la
bataille chat/souris, on joue à toutes sortes de batailles donc par exemple des dés avec un à
trois points, et puis là chaque fois que l’enfant gagne, il peut prendre par exemple un petit
objet, ils jouent un nombre de fois, ensuite ils comptent le nombre d’objets on voit qui a
gagné ensuite on fait avec les dés de un à six points ensuite avec des dés ou des cartes, déjà
assez en début d’année, on voit les chiffres de un à cinq en général ou éventuellement six.
Ensuite, on fait des batailles avec des points de un à huit, soit collés comme c’est sur les
constellations du dé soit de manière aléatoire où en désordre pour qu’ils doivent compter les
points. Ensuite, des petites batailles de pierres précieuses ou des petites batailles avec des
objets pour les motiver. Et puis, après ça devient toujours plus difficile les batailles de cartes
traditionnelles par exemple. Alors, ça c’est vraiment ce qu’on fait au début pour les
sensibiliser au nombre.

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E : Comment est abordé ce qui pourrait relever d'une sensibilisation au
nombre et à la numération, puis d'une consolidation ? Quels en sont les
contenus ?

C : La sensibilisation est abordée dans tous les domaines de la vie en classe. Donc,
tous les jours on favorise, comme demander aux enfants de donner autant d’objets que
d’enfants, distribuer à chacun un crayon par exemple on fait les dix heures aussi une fois par
semaine. Mettre autant d’assiettes qu’il y a d’élèves ou partager justement que chaque enfant
ait un certain nombre de… Si on partage les dix heures par exemple, que chacun ait : deux
choses, deux noisettes, le même nombre d’amandes, de raisins ou de ce qu’on fera à manger.
Ensuite, ben justement dans tous les domaines comme à la gym se partager en deux groupes
égaux ou en trois ou quatre groupes égaux pour aller dans les différents ateliers. Par tous les
jeux de société qu’on fait, la sensibilisation au nombre aussi ben justement les recettes, il faut
mettre tant de gobelets de farine, tout ça. Ensuite, ben les comptines aussi les comptines pour
compter et puis par exemple aussi les livres à compter.

E : Alors, ça c’est en ce qui concerne la sensibilisation, et puis est-ce que tu peux dire
quelque chose sur la consolidation ?

C : Ben la consolidation c’est individuel après. Les enfants pour qui c’est évident, ben
eux ils partiront déjà à faire des choses plus difficiles et puis les enfants pour qui c’est encore
vraiment difficile ben justement, on les prendra plus souvent pour les petits travaux qui
nécessitent justement du comptage ou une distribution de matériel, comme ça.

E : Ok

E : Comment voyez-vous le rôle que joue l’enseignant dans l’acquisition de


la notion de nombre ?

C : Alors, là l’enseignant doit d’abord connaître les élèves pour savoir où ils en sont et
puis ensuite, il stimule les élèves en tout temps, soit individuellement soit en groupe par
toutes les activités d’apprentissage qu’il propose. Son rôle c’est de poser les bonnes questions,
d’être là au bon moment et justement de les amener eux à se poser des questions, de les
amener eux à réfléchir et pas juste apprendre à compter et à savoir quelques notions qu’ils
auront comme ça apprises et répétées, mais l’enseignant il est vraiment là pour les amener à
faire tout seul une réflexion.

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E : Lorsque vous décelez un élève en difficulté dans ce domaine, que
faites-vous pour améliorer sa compréhension ? Quelles activités, remédiations ?

C : Alors, pour les élèves qui sont en difficulté en général ben je leur propose des jeux
ou des activités plus simples qui sont d’un stade avant ou qui sont en fait peut-être assez
simple en lui faisant faire des exercices plus faciles, pour qu’il prenne confiance en lui et qu’il
voit qu’il arrive parce que l’enfant qui en est pas encore au stade des autres, au bout d’un
moment si chaque fois qu’on pose une question, il voit qu’il a fait faux, ben il va se dire qu’il
arrive pas et puis ben il va peut-être déjà un peu démissionner. Donc, ce qui est important
c’est de lui faire faire des choses qui sont à son niveau parce qu’automatiquement même s’il
est pas au même niveau que les autres, il en est à un stade, et puis à partir de ce stade, lui
montrer qu’il arrive à réussir quand même et puis, essayer de le faire progresser par rapport à
ça. Enfin, moi ce que je trouve qui est hyper important, c’est l’encouragement et pour
l’enfant, l’estime de soi. Donc, aussi dans le groupe ce qui est important quand par exemple je
fais le problème du matin, le jour où je vois que l’élève, ce problème-là, il arrivera à le faire et
ben je lui demanderai à lui et je l’encouragerai peut-être plus qu’un autre devant tout le
monde pour que ça lui donne envie de continuer que ça lui donne envie d’essayer voilà.

E : Que pensez-vous des élèves qui dès le début de leur scolarité


présentent de grosses lacunes dans le domaine numérique, pensez-vous qu’une
part de ces difficultés soient du ressort de l’innéité ?

C : Bon ben ça, c’est la question à laquelle c’est vraiment très difficile de répondre, je
pense qu’il y a une part des deux, je pense qu’il y a quand même des enfants qui, à la base, ont
plus de difficultés que d’autres et qu’il y a des enfants qui sont doués dans un domaine et
moins dans un autre. Les enfants qui ont des difficultés à la base s’ils sont peut-être
justement stimulés par un environnement, un milieu social favorable, ils arriveront peut-être
à rattraper ou à compenser, les enfants pas du tout stimulés, ils auront ben moins de chances
que les autres. Mais, j’ai aussi des élèves en difficulté qui ont des familles qui sont vraiment
très bien qui ont un environnement stimulant, ils ne font pas que de regarder la télé, ils font
plein de choses intelligentes avec leurs parents, ouais j’ai l’impression que les parents font
tout ce qui peuvent et malgré cela, l’enfant a quand même des difficultés ce qui laisse à croire
qu’il y a une part des deux.

E : Procédez-vous d’une autre manière avec les élèves allophones ?

C : Bon, j’ai pas d’élèves allophones dans ma classe ou très peu souvent, mais donc
j’enseigne aussi le français langue seconde dans une classe et puis en fait je pense, il n’y a pas

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tellement de différences parce qu’une des premières choses que les enfants allophones
aiment faire, c’est apprendre à compter. Moi, j’ai un élève qui vient de décrocher un tout petit
peu en français, la première chose qu’il adore faire, quand il arrive c’est compter. Il arrive
jusqu’à quatorze, quinze en général le nombre d’élèves qu’il y a dans la classe et puis les
enfants aiment bien compter dans les autres langues. Une fois qu’ils ont un peu appris à
compter dans une autre langue, ils comprennent la même chose le nombre, il n’y a pas
beaucoup de différences en fait.

E : Pensez-vous qu’il faille tout de suite agir si on rencontre un élève en


difficulté à l’école enfantine ? (Si oui de quelle manière, si non pourquoi)

C : Alors, à l’école enfantine si un enfant est en difficulté je le stimule le plus possible.


Donc, vraiment le prendre le plus souvent peut-être tout seul à une table ou à deux élèves
pour bien leur expliquer les règles de jeux, tous ces petits jeux de math qu’on fait, justement
d’amener à réfléchir le plus souvent possible par lui-même à des solutions. Mais, si un élève a
vraiment de la peine à décrocher en maths, je… S’ils ne décrochent pas en math je ne vois pas
ce que je pourrais faire enfin : l’aider, le stimuler, tout ce qu’on arrive à faire dans une classe
en tant qu’enseignant. L’enfant qui ne décroche pas en français, on peut le mettre à
l’orthophonie, un enfant qui tient mal son crayon, à la psychomotricité, mais en math, il n’y a
pas grand-chose que je connaisse à faire. Par contre, si un enfant à vraiment beaucoup de
peine en math, à l’école enfantine je propose l’orientation, au lieu qu’il aille en première
année (3H), je propose qu’il aille en 1P, 2P plus (3H-4H introduction), en classe
d’introduction pour qu’il puisse commencer sa scolarité en ayant plus d’appui et plus de
temps pour les apprentissages. C’est parfois une question de maturité, car certains élèves
sont encore très jeunes. Il y a des élèves qui sont pratiquement une année plus jeune que…

E : …leurs camarades

C : Les enfants qui sont nés en juillet ont une année de plus que les enfants qui sont
nés en avril. Donc ça n’est pas forcément seulement une question de difficulté, mais c’est une
question de maturité.

E : Avez-vous déjà vécu une/des situation(s) où un enfant qui avait


beaucoup de peine en début de cycle a réussi lors des deux premières années de
sa scolarité à combler son retard ?

C : Alors, ça arrive en général avec les élèves qui ont été très peu stimulés et qui ont
pas forcément des immenses difficultés, mais qui sont pas stimulés, donc quand ils arrivent à
l’école enfantine c’est vraiment le début du début enfin ils savent à peine compter… Enfin, ils

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sont vraiment très en retard par rapport aux autres ces enfants-là. Si on les stimule bien, si
on travaille avec eux, en principe ils arrivent à rattraper le retard, ouais ça m’est déjà arrivé.
Mais avec des élèves, au début, on a l’impression qu’ils ne comprennent rien quoi et puis c’est
vraiment ben ces deux années où ils développent tout ça où ils arrivent à rattraper.

E : Est-ce que vous pensez qu’un élève qui a des problèmes en début de
scolarité les gardera tout au long de son parcours ?

C : Je pense que tous les élèves ont des domaines où ils ont plus de difficultés ou plus
de facilités, ils peuvent être très bons plutôt en français et moins en math ou inversement. Ce
qui veut dire qu’un enfant qui est doué dans un domaine et moins dans un autre peut, peut-
être rattraper, mais je pense quand même que… Ouais, la lacune elle reste. Il y a des enfants
qui sont doués en tout, et il y a des enfants qui ont vraiment des domaines où ils sont
beaucoup plus à l’aise que d’autres. Et, je pense que le domaine où on est à l’aise ben
justement de nouveau on prend confiance en soi, donc on va de l’avant et le domaine où on a
de la difficulté on perd la confiance et peut-être la motivation aussi et après on aime moins
aussi, et quand on aime moins, on a moins envie de travailler, les résultats sont des fois pas
tellement bons donc c’est décourageant parce que toute la scolarité, ça va être difficile quoi.

E : Selon vous, quels objectifs l’élève doit-il avoir atteints en fin de 1H-2H
au niveau de la construction du nombre ?

C : Alors, il doit être capable de comprendre des petites opérations de un à huit ou de


un à dix. Par exemple des jeux comme le (Halli-Galli) où il faut qu’il y ait chaque fois cinq
fruits ou bien comme on fait par exemple le jeu des graines, savoir que sept ça peut être
quatre et trois, cinq et deux, un et six, à force de le faire, non seulement ils le savent par cœur,
mais il l’ont compris. Il faut qu’ils arrivent à reconnaître sans recourir au comptage des
petites collections globales entre trois et six je pense. Il faut qu’ils sachent compter moi je
dirais jusqu’à vingt, trente, lire les nombres jusqu’à dix, on a déjà dit avant, savoir résoudre
des petits problèmes et puis comprendre les notions de quantité comme autant que, moins
que, plus que,…

E : Notions de vocabulaire plutôt ?

C : Ouais de vocabulaire, mais aussi, comprendre. Mais, je pense qu’au niveau du


nombre c’est à peu près ce qu’ils devraient savoir faire.

61
7.4 Retranscription entretien enseignante AS

E : Selon vous, quelle est la nature des lacunes que peuvent présenter les
élèves en math ? Comment ces lacunes peuvent-elles être rapidement détectées
? Quels sont les indices qui peuvent apparaître ?

AS : Alors, avant de répondre à votre question je voudrais préciser une chose. Dans les
classes 1p 2p +, les enfants qui suivent le programme d’introduction ont été signalés, orientés
pour un certain nombre de difficultés de types différents, qui ont toutes un rapport avec un
retard de maturité. Si on se réfère au développement de l’enfant la période 6-7 ans qui
concerne justement les classes 1P/2P+, comporte une variation très grande en ce qui
concerne le développement cognitif et plus précisément les procédures logico-
mathématiques. Maintenant, concernant la nature des lacunes, je peux dire que, je dirais les
premiers apprentissages numériques, lorsque l’enfant construit la notion du nombre, le sens
du nombre. La nature des lacunes concerne tout le cheminement de l’enfant dans la mise en
place des structures logiques. Je rajouterais encore que dans le domaine de l’espace, ce qui
touche à la géométrie, à la mesure, on constate très souvent aussi des lacunes. Comment ces
lacunes peuvent-elles être rapidement détectées ? Durant les premières semaines, donc en
début d’année la mission de l’enseignante sera d’observer les enfants dans différentes
activités. Ces activités sont ciblées pour cerner leurs besoins spécifiques et c’est là que
l’enseignante va pouvoir détecter ces lacunes. Quels sont les indices qui peuvent apparaître ?
Je donnerais quelques exemples : l’enfant qui n’a pas compris les trois premiers nombres est,
à mon avis, un des indices les plus clair. S’il voit trois images par exemple, il doit être capable
de dire il y en a trois sans compter un à un. Au niveau des procédures de comptage, on
remarque très vite les enfants qui ne parviennent pas à réciter la suite verbale tout en
pointant les objets donc, pas de simultanéité entre le geste et la voix. Mais d’une autre part,
un enfant pourra réciter la suite des nombres, ou des calculs appris de façon auditive, de
mémorisation auditive, mais cela ne signifie pas qu’il compte, qu’il ait réussi à conceptualiser
les notions. Voilà à mon avis les indices.

E : Quelles mesures compensatoires mettez-vous en place pour vos


élèves?

AS : Les élèves qui ont des difficultés dans les domaines logico-mathématiques ont
besoin de travailler sur du concret. Quand j’ai parlé tout à l’heure de cette première phase
d’observation durant laquelle on va repérer les difficultés, les particularités on va observer les
cheminements de l’enfant, mais aussi ses ressources et là, c’est à partir de ses compétences

62
donc de ses ressources qu’on va construire avec l’enfant. On va travailler sur du concret ça
signifie qu’on va mettre l’enfant en situation dans une activité spécifique avec une consigne
précise, du vrai matériel adéquat avec lequel il va pouvoir manipuler. Parce que, je pense qu’il
faut préciser une chose, c’est que les enfants en difficulté, s’ils travaillent uniquement autour
de fiches, à mon avis, ça n’est pas une solution adéquate pour eux.

E: Mais vous utilisez du matériel que vous fabriquez vous-même ou bien vous avez des
autres moyens ?

AS : Alors il y a du matériel fabriqué par moi, il y a du matériel qu’on trouve, des


vieilles choses qu’on garde, des emballages, des vieilles bouteilles, des ustensiles en
plastique… Pas seulement des jetons, c’est ce que je voulais dire. Pas seulement des jetons,
mais du vrai matériel que l’enfant va manipuler et avec lequel il va pouvoir procéder à une
série d’actions qui vont lui permettre d’intérioriser des choses, tout en manipulant. C’est-à-
dire, je me rappelle que Piaget avait dit que l’apprentissage se construit à partir d’actions
intériorisées de l’enfant dans le réel. A mon avis, pour les enfants en difficultés, il faut partir
d’actions et ensuite on ira peut-être avec des fiches ou d’autres supports.

E : Dans ce cadre, avez-vous à faire à d’éventuels partenaires, collaborez-


vous avec les enseignantes de l’EE ?

AS : Oui, pour les enseignantes praticiennes qui ont des enfants qui ont des difficultés,
parce que moi je suis enseignante spécialisée, il est vraiment nécessaire d’échanger avec
d’autres enseignantes, il faut partager ses difficultés, mais il faut aussi partager ses
découvertes, ses réussites, échanger des situations qui ont bien fonctionnées. Je pense qu’il
est aussi important de continuer à se former, de participer à des conférences, par exemple
moi j’ai participé pendant une dizaine d’années à un réseau de mathématique, d’échange,
réseau de formation. Parce que, dans le domaine des maths, on peut quand même dire que
souvent les difficultés, les lacunes comme vous dites, dans le domaine de l’enseignement des
maths c’est quelque chose qui n’est pas très connu. Evidemment, on peut dire tel et tel élève a
des lacunes en math et ne peut pas faire telle chose, mais comprendre où se trouve sa
difficulté pour essayer d’y remédier, là c’est encore vraiment une autre difficulté pour
l’enseignante. Trouver des chemins pour le faire avancer. Ce qui n’était pas mon cas tout au
début de l’enseignement.

63
E : Comment mettez-vous en place l’apprentissage du nombre avec vos
élèves ? Par quels moyens didactiques ?

AS : Alors écoutez, durant ma carrière, j’ai vraiment pu utiliser, beaucoup de pistes,


les officielles avec le fichier, j’ai très vite remarqué que, avec des enfants en difficulté, j’étais
dans une impasse. Cette année, avec les élèves du niveau 1P que ce soit première année,
introduction première année, introduction deuxième année, je suis, du verbe suivre, la
démarche développée par Rémi Brissiaud. Rémi Brissiaud, je le connais depuis de
nombreuses années avec ses ouvrages (les maths avec Picbille ou matériel). Je suis allée
suivre une conférence sur le thème qu’il avait choisi le développement des compétences
numériques et la résolution de problèmes. Parce que, ce qui m’intéressait plus
particulièrement cette année, c’était vraiment améliorer le calcul mental à l’école. Et, il donne
des pistes concrètes et je les trouve très cohérentes et je peux vous dire que ça marche très
bien. Donc, cette année on travaille avec Brissiaud.

E : Vous utilisez le principe de la décomposition ?

AS : Voilà, le matériel, les boîtes, c’est-à-dire le livre Picbille, je l’ai commandé pour
chaque enfant avec des boîtes et je remarque que même les enfants en difficulté peuvent
progresser. J’utilise encore évidemment des petits, comment on pourrait dire, compléments
sauce X2 avec des choses concrètes, des fruits qu’on déplace et dans des paniers, etc. On met
l’enfant justement en situation que ce soit des premières et les lacunes dont vous parlez tout
au début justement, les difficultés sont des moments intéressants parce qu’ils vont mettre
l’enfant devant quelque chose à réaliser, à comprendre et avec l’aide des autres enfants, des
discussions je pense qu’on arrive à aider les enfants en difficulté d’une autre façon que
simplement voilà, tu fais comme ça, tu fais comme ça, tu fais comme ça. Se poser des
questions. Ça marche relativement bien parce qu’il introduit très vite la soustraction. C’est la
première fois que j’le fais et je suis dans les situations dessiner les additions, dessiner les
soustractions. C’est formidable, je trouve que ça marche bien. J’attends la fin de l’année et
j’attends aussi le feed-back de ma collègue qui travaille un peu plus avec les deuxièmes
années pour voir un petit peu les différences par rapport à l’année passée.

E : Que pensez-vous des élèves qui dès le début de leur scolarité


présentent de grosses lacunes dans le domaine numérique, pensez-vous qu’une
part de ces difficultés soient du ressort de l’innéité ?

E : On dit souvent, nous, dans notre famille on est mauvais en calcul ou bien… Est-ce
qu’il y aurait quand même une part de…

2 Nom de l’enseignante

64
AS : d’innéité… Bon, disons que c’est un sujet sur lequel on peut rapidement
polémiquer. Et c’est vrai que les parents disent ouais moi aussi j’étais, moi aussi j’étais. Je
pense qu’il y a dans certaines familles des prédispositions à avoir des blocages en calcul, c’est
certain. J’ai lu un ouvrage intéressant qui a été écrit, coécrit par plusieurs auteurs, mais dont
l’un des auteurs s’appelle Jacqueline Bideau. Ça s’appelle « La conquête du nombre et ses
chemins chez l’enfant ». Et là, elle met en évidence un petit peu tout ce qui se dit sur le sujet,
les découvertes sur le sujet. Donc, je ne vais pas les redire ici, notamment que pour une
enseignante en fait, de se dire que telle et telle difficulté est de l’ordre de l’innéité, à mon avis,
ça peut nous dédouaner, mais ça ne fait pas avancer l’enfant avec lequel on travaille. Ce que
j’ai pu remarquer et ce que tout le monde sait, c’est que depuis la naissance, l’enfant évolue
dans un environnement en grande partie déterminé par des pratiques éducatives et des
représentations culturelles et c’est ces aspects-là, à mon avis, qui prennent beaucoup
d’importance notamment quand les parents disent ben tu vois moi aussi j’étais nul en math et
la manière dont les parents gèrent les difficultés de l’enfant ça, à mon avis, ça prend une
importance considérable. Donc, l’innéité c’est possible, mais en fait je dois travailler avec des
enfants qui sont plus ou moins en difficulté donc j’ai envie de miser sur les progrès.

E : Procédez-vous d’une autre manière avec les élèves allophones ?

AS : Vous savez ici que dans notre école la plupart des enfants sont des élèves
allophones donc en principe non. Par contre, ce que je remarque, c’est que ces enfants ont
besoin d’explications supplémentaires, concernant ces consignes mathématiques, ces longues
consignes mathématiques et c’est certain que les élèves allophones ont des difficultés à
s’approprier le langage mathématique, ils mettent beaucoup plus de temps quand ils se
l’approprient ça c’est certain. Mais, je pars du principe que je vais élever le niveau et je vais
parler de somme, je vais parler de différence, même si ce sont des élèves allophones.

E : Pensez-vous qu’il faille tout de suite agir si on rencontre un élève en


difficulté à l’école enfantine ? (Si oui de quelle manière, si non pourquoi)

AS : Alors, cela dépend de ce qu’on entend par agir. Si agir c’est mettre le plus possible
l’enfant en situation de recherche, d’action, de situations qui vont lui créer un conflit cognitif
comme on dit, si c’est ça agir alors oui, oui il faut agir. Par contre, à l’école enfantine est-ce
qu’il faut envoyer un enfant chez un spécialiste parce qu’on a constaté qu’il avait des lacunes,
je parle pour les maths, je parle pas pour le langage, je ne suis pas certaine parce qu’il faut
quand même lui laisser le temps de s’approprier le langage de l’école, la manière dont l’école
aborde ces différents domaines mathématiques.

65
E : Je me demandais aussi par rapport aux stades de développement, si un enfant n’a
pas acquis un certain stade, on ne peut pas exiger de lui qu’il aille plus loin parce que tout
simplement il n’est pas prêt pour y arriver et c’est ça que je me demandais si parfois il faut les
laisser parce qu’ils sont trop immatures et on ne peut pas, en les drillant ou en les poussant,
obtenir ce qu’on voudrait parce qu’ils ne sont tout simplement pas prêts…

AS : C’est vrai, j’pense que les parents peuvent être des alliés quand il y a des lacunes.
Si on dit aux parents "faites-lui mettre la table", vous faites de la cuisine, vous allez aussi lui
demander de faire certaines tâches ou alors si vous allez faire des courses, demandez-lui
certaines choses. Je pense que souvent les enfants qui ont des difficultés ce sont des enfants
qui ont quand même été suffisamment laissés à eux-mêmes, qu’on n’a pas suffisamment
stimulés. Donc, les maîtresses de l’école enfantine stimulent l’enfant, mais comme il a un
retard dans la stimulation pour combler son retard je pense que c’est important aussi pour les
élèves d’école enfantine qu’ils travaillent avec leurs parents et si personne ne peut le dire, je
pense que c’est les maîtresses enfantines qui doivent le suggérer aux parents.

E : Avez-vous déjà vécu une/des situation(s) où un enfant qui avait


beaucoup de peine en début de cycle a réussi après les deux années en classe
d’introduction à combler son retard ?

AS : Ouais, alors combler son retard c’est quelque chose de relatif, il y en a toujours
trop peu des enfants qui comblent leur retard. Tout dépend de la nature des difficultés au
départ. Moi je pars du principe qu’un enfant va progresser, ils progressent toujours !
Maintenant, il faut prendre en compte le chemin parcouru de l’enfant c’est vrai, mais il
n’échappe pas à l’évaluation en fin d’année, alors est-ce qu’il a atteint les objectifs ? Est-ce
qu’il n’a pas atteint les objectifs ? S’il a atteint les objectifs de quelle manière ses fragilités
vont ressortir en 3ème, 4ème année (5H-6H), je remarque que souvent elles se manifestent tôt
ou tard, plus tard elles reviennent parce que ces fragilités elles restent-là. C’est rare qu’un
enfant soit devenu un enfant brillant en mathématiques. Bon ça dépend quand même c’est ce
que j’ai dit, de la nature des difficultés au départ.

E : Mais est-ce qu’il y a vraiment des grandes différences de niveaux quand ils
arrivent ?

AS : Très, très grandes différences et c’est comme je vous ai dit tout au début si
l’enfant est déjà dans la période opératoire, il comprend très vite les liens, il a très vite de la
facilité pour entrer dans les additions, pour lui, c’est quelque chose qu’il maîtrise, et celui qui
ne maîtrise justement pas admet-on ce truc de reconnaissance du nombre, ce qu’on appelle
ce subitiznig, et ça c’est très important parce que si il doit chaque fois recompter trois ou

66
même quatre, parce que j’imagine, là en première année, à l’école enfantine jusqu’au trois ça
devrait être, en première année jusqu’au quatre. Parce qu’après, on va très vite plus une
main, puis plus d’une main c’est-à-dire qu’on utilise tout de suite les dix doigts. Donc, il est
très vite confronté à ses lacunes d’où les types de difficultés et le fait que les difficultés de
départ deviennent des troubles. Ça rejoint un peu votre dernière question.

E : Est-ce que vous pensez qu’un élève qui a des problèmes en début de
scolarité les gardera tout au long de son parcours ?

AS : Donc, pour une enseignante, je pense que les difficultés d’apprentissage sont des
événements normaux dans le parcours scolaire d’un enfant et on les affronte, on cherche les
solutions avec lui. Où il devient difficile de trouver des solutions, c’est quand ces difficultés
persistent elles s’aggravent et là ce n’est plus des difficultés d’apprentissage, c’est des
troubles. C’est quelque chose qui s’est installé après deux ans, après deux ans je dirais de
travail avec un enfant, si ces difficultés persistent alors là, il faut agir en tant que prof de
première année, il faut effectivement parler de troubles et il faut une intervention plus
soutenue sur un long terme. Et, à mon avis, seule une thérapie logico-mathématique pourra
améliorer la situation.

E : Ça existe ?

AS : Alors, vous savez ici on a la chance de travailler avec le service d’orthophonie et le


service d’orthophonie compte une part d’orthophonistes, de logopèdes qui ont suivi une
formation…

E : Le GEPALM ?

AS : Voilà, le GEPALM, et qui travaillent avec les enfants en orthophonie non


seulement sur le langage, mais aussi sur la thérapie mathématique et on le demande au
départ. J’ai pu constater donc j’ai bien observé que souvent les enfants qui ont une difficulté
en logico-mathématique ont une difficulté de langage. Cette année, ça se vérifie chaque fois.
Le contraire n’est pas forcément le cas, c’est-à-dire que celui qui a une difficulté de langage
n’a pas forcément de difficulté en mathématique par contre, celui qui a de grosses difficultés
en logico-mathématiques a des lacunes dans le langage ou l’apprentissage ou tout ce qui est
de la phonologie par exemple.

67
7.5 Retranscription entretien enseignante BS

E : Selon vous, quelle est la nature des lacunes que peuvent présenter les
élèves en math ? Comment ces lacunes peuvent-elles être rapidement détectées
? Quels sont les indices qui peuvent apparaître ?

BS : Quand vous dites math, c’est l’idée donc tous les domaines ou seulement la
numération, on s’arrête vraiment qu’au nombre et à la numération ?

E : Là on peut parler dans le contexte du nombre je dirais ou bien… non c’est


intéressant, allons-y globalement pour commencer.

BS : Parce que, en 1P 2P c’est en lien avec ça donc, moi plus particulièrement en classe
d’intro 1P je connais bien le programme de 2P aussi, mais celui de 1P il y a tous ces modules
qui sont tout ce qui est logico-mathématique, ce qui est apprendre à raisonner et à trier les
informations, et après il y a le module deux, les nombres, module trois, mettre en
interactions ces nombres (additions soustractions) et après quatre, cinq, six plutôt l’espace.
Alors, il y a tellement des difficultés qui peuvent intervenir à chaque module que c’était…
D’où ma question. Mais quels sont les indices qui peuvent apparaître, ben on les met
beaucoup en situations les élèves dans des activités soit de recherche ou soit des activités où
ils jouent et là c’est très vite flagrant, ce sont des enfants si c’est un jeu, il n’arriveront jamais
à gagner, ils n’arriveront pas à respecter les règles, ils arriveront à faire une fiche peut-être,
mais on peut vite voir s’ils copient ou pas. Donc, je dirais que comme à l’école enfantine, on
remarque assez rapidement qu’il y a une espèce de décalage parce que dans ces activités on
doit faire de la recherche et puis faire des liens et on ne peut souvent pas copier.

En ce qui concerne la nature des lacunes, ça peut être en lien avec les maths hein ?
Donc, il peut y avoir un problème de compréhension donc ça veut dire s’il y a plusieurs
consignes avec plusieurs items ça, ça peut déjà être… Donc, ça veut dire par exemple, un
enfant pourra très bien prendre deux consignes, mais ne pourra pas faire la troisième alors là,
c’est une histoire de compréhension de consignes. Donc, on n’est plus vraiment dans un
domaine mathématique. Après, il peut y avoir compréhension au niveau du nombre par
exemple des enfants qui savent la comptine numérique, mais qui… Les nombres n’ont aucun
lien les uns avec les autres, ou alors des enfants qui savent la comptine numérique, mais qui
ne savent pas que trois c’est la quantité trois, ou ne savent pas que le chiffre trois correspond
à la quantité trois correspond est plus petit que quatre est plus grand que deux. Enfin, je
trouve il y a trois niveaux là au niveau des nombres vraiment. Voilà, la nature des lacunes. Et
après, il y a et bien mettre en lien les choses quoi. Et après, il y a encore une autre grande
difficulté en mathématique, c’est tout le langage avec ce satané français. Un, une que c’est un

68
déterminant et en même temps c’est un nombre et en même temps c’est une quantité...
Autant, plus, moins, devant, derrière, enfin ça n’est vraiment pas du tout aidant, du tout du
tout. Donc là, on est plus dans des difficultés de compréhension au niveau du langage qu’au
niveau mathématique, mais, qui est en lien avec les maths.

E : Quelles mesures compensatoires mettez-vous en place pour vos


élèves?

BS : Alors, par mesures compensatoires, vous pensiez à quoi ?

E : Quels moyens didactiques vous utilisez, quelles méthodes vous mettez en place,
comment vous vous y prenez peut-être un peu avec ces élèves en difficultés ?

BS : D’accord, alors la première chose qu’il faut déjà bien s’imaginer c’est que, il faut
éviter d’avoir qu’un seul support, ça veut dire que ce soit « que parler » ou « que visuel ». Il
faut déjà vérifier, varier la consigne et même avoir souvent les deux, puis après il y a tout ce
qui est moyens de comparaison ou qu’ils puissent essayer avec tout ce qui est manipulation.
Mais attention dans la manipulation parce que je pense, tout à coup, je les avais faits
manipuler avec des pièces qui étaient un peu dorées alors ils partaient du contexte
mathématique parce qu’ils étaient pris dans une histoire et puis on n’était plus dans l’idée
mathématique, on était dans autre chose. Donc, dans les mesures compensatoires, je dirais
qu’il faut multiplier… Travailler, chercher tout seul, chercher à deux, qu’un autre enfant
explique, etc. Et puis, aussi des choses visuelles et des choses orales quoi.

E : Varier les approches

E : Dans ce cadre, avez-vous à faire à d’éventuels partenaires, collaborez-


vous avec les enseignantes de l’EE ?

BS : Non, je ne peux pas dire que dans le cadre des mathématiques j’aie collaboré avec
les enseignantes enfantines, mais avec d’éventuels partenaires oui alors par exemple d’autres
classes de 1P. Ce qu’on fait beaucoup nous dans les classes d’intro parce qu’on a intro 1, intro
2. Alors, les intros 2 introduisent les jeux auprès des intros 1. Donc, voilà ça c’est vraiment
quelque chose qui se passe souvent. Si c’était ça la question ?

E : oui, autrement est-ce qu’il y aurait aussi par exemple des intervenants externes
pour des enfants qui seraient vraiment en extrêmes difficultés, par rapport à des thérapies
logico-mathématiques ?

BS : Alors, oui, mais ça on a, mais simplement y sont… Dans nos classes d’intro, on ne
peut pas bénéficier de ça parce que, c’est déjà la mesure classe d’introduction voilà. Mais c’est

69
à disposition dans notre école. Donc, des gens qui ont suivi justement GEPALM ou bien des
cours comme ça.

E : Ouais c’est les logos en général qui…

BS : Et pis les logos aussi, certaines logos ont, et puis d’autres pas.

E : Comment mettez-vous en place l’apprentissage du nombre avec vos


élèves ? Par quels moyens didactiques ?

BS : Ok, alors l’apprentissage du nombre et ben il y a déjà un immense, énorme,


gigantesque travail qui a été fait à l’école enfantine, mais souvent si les enfants sont en classe
d’intro c’est qu’ils n’ont justement pas pu prendre à ce moment-là. Donc, tout ce qui est
manipulation savoir ce qu’est une quantité, trois, deux qu’on puisse voir trois éléments et
essayer de dire trois, faire le lien entre quantité, nombre que je dis, peut-être que je dis dans
ma langue dans ma tête et puis nombre que j’écris, alors ça c’est vraiment du travail de tous
les jours qu’on peut faire avec du matériel, en comptant les enfants de la classe, en faisant des
petits groupes, enfin à l’infini, le plus souvent possible. A la gym, on fait quatre équipes de
six, va me chercher six sautoirs rouges, six sautoirs jaunes, six sautoirs verts, voilà enfin c’est
vraiment infini.

E : Et en termes de moyens d’enseignement, vous utilisez les standards ?

BS : Ouais on utilise les standards, mais dans cette idée toujours d’essayer par
exemple comme j’disais pour faire une activité eh ben j’essaye de préparer avec eux le
matériel de cette activité. Ça veut dire que ça, ça va être dans un premier temps on va
préparer ce matériel et peut-être que l’activité je l’introduirai que le lendemain. Je ne vise pas
le même objectif en fait. Ou typiquement, distribuer, revérifier si on a tous les crayons de
couleur, vérifier si on a tous les jetons dans la boîte, alors plutôt que je vérifie moi, ben je les
ferai vérifier eux et ça fera une activité. Toujours le plus possible en lien avec ce qu’on a dans
le banc. Pour éviter justement ces histoires incroyables de petits calculs.

E : Donc du concret quoi.

BS : Voilà c’est ça, et puis du matériel qu’on a nous.

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E : Que pensez-vous des élèves qui dès le début de leur scolarité
présentent de grosses lacunes dans le domaine numérique, pensez-vous qu’une
part de ces difficultés soient du ressort de l’innéité ?

BS : Moi je crois vraiment à l’éducabilité, donc ça veut dire que je crois vraiment qu’on
peut apprendre beaucoup de choses en mettant du sens sur ces choses et en trouvant des
outils. Alors, c’est clair qu’on a des enfants qui ont des difficultés au niveau visio-spacial donc
ça veut dire que peut-être y comprendront bien avec les yeux, mais ils n’arriveront pas à
retranscrire ça en écrivant, mais que quand on discute avec eux y arrivent. Ou bien, là j’ai
typiquement un élève qui arrive à voir une quantité de sept, mais dès qu’il dénombre il se
perd parce qu’il est perdu au niveau spatial. Ce qui est aussi une grande difficulté par rapport
à ce domaine numérique, c’est de pouvoir voir ce qui cloche en fait. Parce que, souvent on
pense que c’est le nombre, mais en fait c’est pas le nombre. Ou typiquement les enfants, ça
arrive régulièrement, des familles qui se séparent ou des familles reconstituées, etc. ils
arrivent très bien additionner, mais n’arrivent pas du tout soustraire. C’est des gros
problèmes psychologiques alors, on dit oh, il ne sait pas calculer, mais ça n’est pas vrai, c’est
juste qu’il y a un blocage au niveau… Et nous, dans nos classes, on en a quand même toujours
régulièrement. Mais cette idée aussi de savoir… Ou bien, se déplacer sur un échiquier ou se
déplacer sur un chemin, ce sont des choses qui s’apprennent vraiment à l’école enfantine et
puis qui, n’est pas innée, mais qui a été appris dans beaucoup de familles. Typiquement nous
c’est vraiment difficile, mais en même temps on se rend très bien compte que si… C’est des
enfants qui n’arriveront peut-être pas à le faire eux-mêmes, mais si le copain d’en face y
compte le mauvais nombre, ils arriveront à dire… Alors, c’est toujours déstabilisant pour
nous parce qu’on voit qu’ils ont compris, mais en même temps pour eux-mêmes ils n’arrivent
pas. Donc, il y a vraiment une histoire « œil-main » qui joue par là. Donc, est-ce que je pense
que ces difficultés sont du ressort de l’innéité ? Non enfin non, je pense qu’il y a des terrains
qui sont plus favorables que d’autres et qu’il y a des grosses grosses « dys » quelque chose
maintenant, et puis est-ce qu’on mettrait ça dans l’innéité ? Alors oui, mais je pense qu’on
peut vraiment donner des outils.

E : Oui c’est aussi, certains disent nous, dans notre famille, on est mauvais en maths.

BS : Ouais c’est ça, alors ça je n’y crois pas.

E : Et il y a aussi un peu le milieu dans lequel y vivent, la stimulation…

BS : Ouais c’est sûr ça. C’est clair qu’un enfant qui a joué depuis longtemps ben il sait
déjà passer son tour, il sait lancer les dés, il sait que six c’est six enfin la constellation du dé et
puis dans certaines cultures c’est juste pas des choses qu’on fait. On fait d’autres choses avec
ces enfants, mais on ne joue pas. Alors là on voit, c’est sûr qu’il y a des grosses différences.

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E : Procédez-vous d’une autre manière avec les élèves allophones ?

BS : D’une autre manière pas forcément, mais, ce à quoi alors nous on est attentif,
c’est vraiment savoir dans quelle langue est-ce qu’ils comptent et voir qu’il y a eu une
référence parce que là il y a vraiment des gros bugs souvent. Et, pour les enfants qui ont peut-
être un peu moins d’outils, ça peut vraiment être des bugs très importants. Sept et huit qu’ils
mélangent ou ils sauraient dire le nombre dans leur langue, mais en français ils ne savent pas
bien le dire encore. Enfin, il y a quand même des confusions qui peuvent être de par le fait
que ce n’est pas leur langue maternelle quoi. Donc là, on va effectivement être attentifs à ça et
essayer de toujours faire le lien, comme je disais, quantité, nombre, écriture du chiffre, enfin
du nombre, mais... Est-ce que vous pensez à d’autres choses ou bien ?

E : Non ben justement c’était comme vous me disiez un peu avant par rapport au
langage. L’importance du langage dans le domaine des mathématiques.

BS : Ouais alors ça, on n’en discute même pas. Oui et puis moins, plus, autant, devant,
derrière, c’est juste l’angoisse quoi. Ça c’est sûr qu’il faut absolument, qu’ils puissent relier ça
à quelque chose qu’on a fait en classe, qu’ils ont manipulé, qu’ils puissent rajouter, quand on
rajoute on met plus,… Ca alors il n’y a pas photo, ça demande vraiment une explicitation
énorme quoi.

E : Pensez-vous qu’il faille tout de suite agir si on rencontre un élève en


difficulté à l’école enfantine ? (Si oui de quelle manière, si non pourquoi ?)

BS : Alors, je pense que les enseignantes d’école enfantine elles agissent tout de suite
en essayant vraiment de mettre des ateliers où ils ont la possibilité d’avancer de manière
différenciée. Mais, je pense que ça vaut vraiment la peine d’agir tout de suite et d’essayer de
donner un maximum de possibilités à ces enfants de jouer et de s’approprier le nombre.
Justement Bernadette Guéritte-Hess là, elle dit et puis aussi ben ses copines, elles disent
vraiment que c’est des choses qui sont exercées et stimulées depuis la petite enfance et que si
ça n’a pas été fait ben il n’y a aucune chance quoi. Mais ça, ça peut-être aussi dans une
famille… Mais ça, ça n’a rien à voir avec allophones, pas allophones quoi. Celui qui n’a pas eu
l’occasion de lancer des jouets par terre ou s’essayer dans le sable à trafiquer, à trafiquer dans
l’eau, à trafiquer… Qui a toujours été protégé, protégé ben il ne peut pas savoir ça.

E : La question ici c’était aussi dans le sens, par rapport aux stades de
développement : est-ce que des fois on ne peut pas les pousser plus que plus parce que tout
simplement ils ne sont pas prêts,…

BS : Ouais ça c’est clair, il faut toujours rester dans la zone proximale d’apprentissage,
ça ne sert à rien d’aller trop loin. Et les constellations du dé, par exemple, c’est en jouant

72
qu’elles viennent typiquement. Et puis là, je pense que maintenant on a vraiment la
possibilité d’avoir aussi un soutien dans la classe qui peut être vraiment intéressant avec tout
ce qui est soutien ambulatoire et qui peut décharger la maîtresse en ayant une enseignante
qui est là pour un petit groupe.

E : Avez-vous déjà vécu une/des situation(s) où un enfant qui avait


beaucoup de peine en début de cycle a réussi après les deux années en classe
d’introduction à combler son retard ?

BS : Ouais particulièrement en math ?

E : Oui plutôt

BS : Moi je dirais oui alors vraiment. Mais une fois de plus, il y avait une implication
de la famille, une implication de l’enfant. Et puis grâce à ça, il y a eu une collaboration avec
l’école qui a fait qu’on a pu combler le retard parce qu’il y a eu une stimulation et tout à coup
un sens qui a été mis. Mais, je ne suis pas sure que l’école, toute seule, elle puisse faire ça.

E : Il faut l’aide des parents ?

BS : L’aide des parents et l’implication de l’élève c’est ça. Je dirais avant tout quoi, que
l’élève ait envie et puis y mette un sens.

E : Ça n’est pas forcément évident à donner.

BS : Eh non, mais je dirais que c’est vraiment… Si on arrive à mettre du sens sur ces
apprentissages alors souvent c’est une porte qui s’ouvre. Parce qu’il y a la motivation qui
vient s’il y a le sens.

E : Est-ce que vous pensez qu’un élève qui a des problèmes en début de
scolarité les gardera tout au long de son parcours ?

BS : Alors moi j’ai vu des choses assez intéressantes quand même de ce point de vue là
et puis je pense, enfin moi je ne suis pas du tout pessimiste, ça veut dire qu’un enfant qui a
des problèmes en début de scolarité il va devoir s’il a la chance de pouvoir avoir soit des
paires, soit des enseignants soit des personnes qui l’aident qui puissent lui donner des bons
outils, alors il ne va pas garder ça tout au long de son parcours. Si un enfant a des problèmes
et qu’il a justement envie de comprendre pourquoi et qu’il est motivé, ça peut vraiment se
débloquer, mais je pense que s’il se croit nul alors il va être nul. Un peu dans cette idée-là
quoi. Là, il y a vraiment un gros boulot à faire de confiance par rapport aux enfants qui ont
des problèmes, dans l’idée, tu peux y arriver, simplement ça va te demander du travail, des

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efforts, mais tu vas y arriver. Et puis de valorisation extrême quoi vraiment pour ce genre de
chose. Mais alors moi j’y crois à fond. D’ailleurs, des fois il y a des déblocages même à l’école
secondaire parce que tout à coup ça se passe bien avec un enseignant et puis pouf, la
confiance est là. Mais, je pense qu’elle est vraiment liée à l’estime de soi et à ce qu’on
s’imagine qu’on est quoi, Pygmalion.

Et donc là, moi j’ai vraiment bon espoir et je pense que ça nous appartient beaucoup à
nous les enseignants aussi. Dans l’idée de valoriser aussi et puis c’est vrai que… Je crois aussi
beaucoup à la manière d’amener les choses et d’expliquer les choses de par notre manière de
les comprendre. Parfois, si on est trop doué en math et ben ça sera peut-être difficile pour
nous de comprendre les réelles difficultés. Pas forcément non plus, mais je veux dire voilà.

E : De se mettre à la place quoi…

BS : Ouais de se mettre à la place, mais pas forcément, on a vraiment plein de pistes


dans les livres qui nous aident à comprendre. Et notre manière de voir quoi. C’est clair que si
moi, fondamentalement j’arrive à emmagasiner les choses et me les approprier de manière
visuelle, je pense que mes élèves, le visuel aura plus de facilité parce que je lui ai donné les
outils que j’ai moi en premier. Non, moi je pense qu’un élève qui a des problèmes en début de
scolarité ne va pas les garder tout au long de son parcours.

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