Rapport Filiere Numerique Etat 20230616
Rapport Filiere Numerique Etat 20230616
Rapport Filiere Numerique Etat 20230616
humaines de l’État
dans le numérique
Janvier 2023
PREMIÈRE MINISTRE
N° 2022-M-043-04 N° 2022/07/CGE/SG
RAPPORT
Établi par
- JANVIER 2023 -
Rapport
SYNTHÈSE
Le numérique est désormais omniprésent dans l’État : premier mode d’interaction avec les
citoyens et usagers des services publics, il a investi le travail des agents et il modifie en
profondeur la manière dont l’État conduit et même conçoit ses politiques. Ce numérique
dépasse, même s’il l’englobe, l’informatique qui servait d’outil d’optimisation et de
dématérialisation de processus existant antérieurement, et n’est plus assimilable à une
fonction support.
Cette évolution requiert de nouvelles compétences, qui remplacent en partie les anciennes et
qui ne cessent d’évoluer avec l’émergence de nouvelles technologies, de nouvelles règles et de
nouveaux usages. Ces besoins de compétences de l’État sont à la fois très importants en
quantité au vu de l’accélération de la transformation numérique ainsi qu’en qualité car du
numérique dépend la conception et le succès de la conduite de nombreuses politiques
publiques.
Or, si l’on examine l’investissement de l’État dans les ressources humaines du numérique au
cours des dernières années, le constat est que l’effort est resté en deçà des besoins, malgré un
plan d’action lancé en 2019. Plus de 21 000 agents exercent une activité essentiellement
numérique dans le domaine civil (le ministère des armées employant de son côté plus de
28 000 agents) : ce nombre s’est légèrement contracté depuis 2016, alors que le recours aux
prestations de services numériques a presque doublé dans le même temps (+16% en moyenne
par an). La composition des effectifs a toutefois évolué rapidement, avec une forte baisse de la
part des agents de catégorie B au profit des catégories A et surtout une augmentation de 75%
de la proportion des contractuels, qui atteint près d’un agent sur six actuellement, avec de
fortes disparités selon les ministères. Dans les ministères civils, la moitié des contractuels sont
en contrat à durée indéterminée.
Le recensement exhaustif réalisé pour la première fois par une mission aboutit à la conclusion
suivante : du fait de l’âge moyen de cette population (47 ans), de l’accroissement net de la
rotation des effectifs (notamment en raison de la hausse du nombre de contractuels), et des
efforts de réinternalisation des compétences nécessaires pour mieux piloter une
externalisation aujourd’hui excessive au moins dans certaines fonctions, l’État va devoir faire
face dans les cinq prochaines années à un effort de rattrapage considérable. En rupture avec
les pratiques actuelles, il va devoir créer 3 500 postes supplémentaires dans les cinq
prochaines années, ce qui conduira à un total de 2 500 recrutements par an, soit 50% de plus
qu’actuellement et surtout 100% de plus en ce qui concerne les contractuels. C’est à ce prix que
l’État pourra conserver la maîtrise de son activité numérique et, par voie de conséquence,
limiter les surcoûts et surtout les risques d’échecs et de spirale négative de la dette technique
et de la dépendance vis-à-vis de ses prestataires.
Pour gravir cette marche, l’État apparaît mal préparé : son image d’employeur numérique est
peu avantageuse et ses pratiques de fidélisation des talents accusent un fort retard par rapport
au privé, dans un contexte de concurrence croissante sur les compétences clés. Pourtant, il
dispose d’atouts comparativement à d’autres employeurs et peut s’appuyer sur certaines
initiatives indéniablement réussies en matière de transformation numérique.
Dans le domaine des ressources humaines numériques, le rapport propose de se fixer cinq
objectifs, dont la mise en œuvre peut être qualifiée de « chocs ».
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Rapport
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ...................................................................................................................................1
CONCLUSION...................................................................................................................................... 47
Rapport
INTRODUCTION
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1.1.1. Le numérique modifie la manière dont l’État travaille et conduit les politiques
publiques
5 Ces démarches sont recensées par la DINUM sur https://observatoire.numerique.gouv.fr/ (octobre 2022).
6 Le nombre d’utilisateurs mensuels sur webconf.numerique.gouv.fr a plus que doublé (+114 %) entre 2021 et 2022.
7 Par exemple, l’action des forces de l’ordre a par exemple été simplifiée avec le déploiement des terminaux mobiles
NEO qui permettent de consulter à distance les fichiers de titres (carte d'identité, passeport, etc.).
8 Voir notamment le rapport du député Éric Bothorel « Pour une politique publique de la donnée » (décembre 2020)
et le rapport du Conseil d’État « Intelligence artificielle et action publique » (mars 2022).
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Rapport
Enfin, l’action numérique des armées présente de fortes spécificités qui se retrouvent dans
l’organisation de leur ministère (voir encadré).
La mission a cherché à identifier les principales dynamiques ayant un impact sur les besoins
de l’administration en ressources humaines.
Les chantiers informatiques dans les administrations ont d’abord consisté à
dématérialiser les processus administratifs issus du monde du papier. Dans cette
acception, le numérique est une fonction support. Une séparation est alors instaurée entre les
équipes « métier » (assurant la maîtrise d’ouvrage), chargées de la conception et de la conduite
des politiques publiques, et les équipes informatiques qui mettent en œuvre les spécifications
exprimées par le métier, dans un rôle technique (maîtrise d’œuvre). Dans ce cadre, le modèle
le plus fréquent de développement d’une application informatique est dit du « cycle en V »10.
Les mérites du « mode projet » sont indéniables dans ces chantiers de dématérialisation.
Lorsque ces projets s’achèvent, les produits développés sont mis en maintenance.
Plusieurs dynamiques récentes viennent bousculer ce paradigme qui a défini la
conduite des projets informatiques de l’État pendant plus de trois décennies.
La place croissante occupée par le numérique impose désormais la prise en compte native de
la dimension numérique lors de la conception des politiques publiques, ce qui signifie que la
fonction numérique n’est plus une fonction support et ne se cantonne plus à dématérialiser un
processus pensé sans elle, mais devient une part du cœur de métier de l’administration. De
fait, l’administration devient éditrice de logiciel dans certains domaines.
9 Ces systèmes d’information sont généralement développés sous maîtrise d’ouvrage de la direction générale de
l’armement (DGA). Seules quelques administrations partagent avec le ministère des armées un besoin en systèmes
d’information opérationnels, à l’instar de la DGAC ou encore le ministère de l’intérieur.
10 La partie descendante détaille les besoins métier puis les spécifications techniques, permettant le développement
du produit en bas du V. La partie ascendante valide que l’application satisfait bien les spécifications et ce jusqu’à la
livraison du produit et sa mise en service.
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Rapport
Parallèlement, les modèles dans lesquels un produit numérique n’est confronté à ses usagers
qu’en fin de cycle de développement sont progressivement délaissés. On leur préfère des
approches plus itératives, dites « agiles »11, s’appuyant notamment sur des compétences
spécialisées en ergonomie exercées par des designers UX12. Les produits numériques
monolithiques, peu ouverts et peu interopérables, sont devancés par des produits de plus
petite taille (« microservices ») interagissant entre eux. La taille des équipes et des projets se
réduit et la séparation entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre s’estompe. Des équipes
intégrées où les développeurs côtoient directement les utilisateurs finaux sont privilégiées : la
seule interface qui subsiste entre ces mondes est le chef de produit13, chargé de hiérarchiser
les développements. Le mode produit remplace ainsi le mode projet14.
À ces évolutions dans la conduite des chantiers numériques s’ajoutent plusieurs
transformations technologiques profondes :
l’informatique en nuage (cloud) réduit la barrière à l’entrée en matière
d’infrastructures. La circulaire du Premier ministre du 5 juillet 202115 fait du cloud la
modalité d’hébergement par défaut pour les nouveaux produits numériques de l’État ;
la séparation entre le développement et l’exploitation des infrastructures fait place à
l’émergence des modèles dits « DevOps »16, caractérisés par une forte automatisation
des étapes de création d’une application numérique ;
en sciences des données, les progrès techniques et l’explosion des capacités de calculs
ouvrent des perspectives, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle ;
enfin, l’augmentation majeure des enjeux de cybersécurité nécessite de rester à jour
vis-à-vis des évolutions technologiques et des découvertes de failles informatiques.
Ces évolutions accroissent les écarts de maturité entre les administrations, où coexistent
des approches disparates de méthodologies de développement (cycle en V, méthode agile), de
mode de travail (mode projet, mode produit) ou de technologies utilisées (langages de
développement, modes d’hébergement : cloud public, privé, hébergement local).
Surtout, elles modifient en profondeur la structure des compétences dont l’État a besoin
dans le numérique. Dans le tableau ci-dessous, la mission a cherché à synthétiser l’impact de
cette transformation numérique sur treize grandes familles de métiers du numérique, à
l’horizon des cinq prochaines années. Cette même catégorisation a aussi servi au recensement
des agents de l’État, qui sera présenté infra. La mission estime ainsi que :
pour dix familles de métiers, les besoins vont augmenter, avec une évolution forte pour
cinq d’entre elles, ce qui appelle une action vigoureuse ;
pour une famille, aucune évolution substantielle des besoins n’a été identifiée ;
pour deux familles, les besoins vont diminuer, ce qui appelle une vigilance particulière
sur la gestion des effectifs concernés et l’organisation de leur remplacement.
11 La méthode « agile » regroupe plusieurs modèles d’organisation du développement informatique dont le plus
courant est « Scrum ». Elle s’articule autour d’une équipe pluridisciplinaire travaillant de manière très incrémentale.
12 Le designer UX (user experience) est un professionnel de l’ergonomie qui améliore l’expérience des utilisateurs
sur un service numérique en s’appuyant sur des tests de parcours. Le designer UI (user interface) est quant à lui
spécialisé dans l’amélioration de l’interface graphique (positionnement des éléments, couleurs, etc.).
13 Le product manager est l’équivalent du chef de projet dans le mode produit : il supervise toutes les phases de la
vie d’un produit numérique. Le product owner quant a lui a pour rôle, au sein d’une équipe fonctionnant en mode
« agile », de prioriser les fonctionnalités à développer. S’il existe une différence mineure entre le rôle de product
manager et de product owner, ces deux fonctions sont traduites par « chef de produit », terme qui sera utilisé ici.
14 La distinction entre la construction et la maintenance d’un produit disparait car les services doivent faire l’objet
d’évolutions fréquentes. Le chef de produit est pérenne et non plus temporaire comme le chef de projet.
15 Circulaire relative à la doctrine d’utilisation de l’informatique en nuage par l’État, 5 juillet 2021.
16 Les équipes techniques sont chargées à la fois du développement des solutions (« dev ») et de leur exploitation
(« ops »). Le modèle dit de « DevSecOps » combine en plus les enjeux de sécurité informatique.
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Rapport
17 « Évaluation des besoins de l’État en compétences et expertises en matière de donnée », INSEE-DINUM, 2021.
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L’écrasante majorité des métiers du numérique exercés au sein de l’État existent également au
sein des entreprises. L’État se trouve donc en concurrence avec tous les autres employeurs.
Dans la liste des 30 métiers les plus en tension en France publiée par la DARES18 figurent les
métiers d’ingénieur et cadre en informatique, de chef de projets informatiques et d’ingénieur
et cadres des télécommunications, qui représentent ensemble environ 350 000 personnes19.
Cette dynamique va se poursuivre et probablement s’intensifier. Une étude de 2022 relative
aux métiers en 203020, menée par France Stratégie et la DARES, anticipe que le métier
d’ingénieur dans l’informatique est celui qui connaîtra la plus forte expansion entre 2019 et
2030, avec une croissance de 26% soit une création nette de 115 000 postes. Cette étude
anticipe également une augmentation des difficultés de recrutement dans ce métier, l’appareil
de formation rencontrant des difficultés à suivre le dynamisme des besoins de l’économie.
Le baromètre semestriel de l’organisation professionnelle Numeum21 permet d’affiner ce
constat et de détailler les métiers les plus en tension dans le numérique : les métiers de la
sécurité sont ceux dans lesquels les DSI font le plus état de difficultés à recruter (54% d’entre
eux déclarent des difficultés), suivi des données (46%), du cloud (44%), de la production
informatique (43%) et enfin du DevOps (42%).
1.2.1. Une population de 21 000 agents dans les ministères civils, aux trois quarts
masculine, dont la moyenne d’âge est élevée
La mission a recensé près de 50 000 agents dans les ministères, dont 28 600 au
ministère des armées et 21 400 dans les autres ministères, exerçant un métier à
composante principalement numérique en 202222.
Un large périmètre a été retenu pour les métiers du numérique. La mission a inclus dans son
recensement les agents travaillant sur les systèmes d’information et, au-delà, ceux qui exercent
des métiers tels que la science des données, les achats, le droit, la régulation du numérique ou
la lutte contre les criminalités dans l’espace numérique. Les contours de ces métiers, la
méthodologie de l’enquête et ses résultats détaillés sont présentés dans l’annexe 3.
Dans les ministères civils, l’exercice révèle que :
il n’existe le plus souvent pas de recensement des compétences des agents (à défaut, la
mission s’est appuyée sur la description des métiers) ;
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Rapport
même la description des postes est mal renseignée dans les SIRH des secrétariats
généraux des ministères. La qualité des données collectées n’est donc pas parfaite.
La rémunération annuelle brute de l’ensemble de ces agents est de 1,1 Md€ dans les
ministères civils.
En plus du ministère des armées, trois pôles ministériels se détachent (économie, intérieur,
éducation), avec plus de 2 000 agents chacun. Ils constituent les principaux employeurs et
rassemblent 77 % des effectifs des ministères civils.
Si l’on considère les familles de métiers, au sein des ministères civils, la principale correspond
à l’exploitation des infrastructures numérique (près du tiers des effectifs), suivie par le soutien
aux utilisateurs (près du cinquième des effectifs). La décomposition est présentée ci-dessous.
Dans la suite, les analyses quantitatives se concentrent sur le périmètre des ministères civils.
Le décompte des agents est effectué en ETP (équivalent temps plein). Le ministère des armées
a été mis à part parce que ses missions et ses compétences sont en partie spécifiques (cf.
encadré 1), bien que les enjeux RH pour les SI scientifiques et techniques et les SI
d’administration et de gestion au sein des armées se rapprochent des problématiques
rencontrées dans les autres ministères et constituent à ce titre un point de comparaison utile.
En particulier, les 3 700 effectifs numériques de la DGA présentent des similitudes avec les
effectifs des ministères civils.
Les opérateurs et autorités indépendantes ont également été distingués du premier niveau
d’analyse, car le cadre juridique dans lequel s’inscrit leur fonction RH est distinct de celui de
l’État (certains relèvent du droit privé). Des opérateurs figurent parmi les grands employeurs
du numérique : avec plus de 1 500 personnes, la CNAM et Pôle emploi concentrent chacun
davantage d’effectifs que la plupart des ministères. Les autorités indépendantes ont, en
revanche, une petite taille : les plus gros effectifs ont été identifiés à la CNIL, avec 200 agents.
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Le recensement met en évidence trois résultats saillants au sein des ministères civils :
la taille de cette population s’est contractée d’environ 4 % depuis le recensement
de 201623, ce qui est notable dans un contexte où les chantiers numériques se sont
multipliés et le recours aux prestataires accru, comme examiné dans la partie suivante ;
la population des spécialistes du numérique est âgée : l’âge moyen est de 47 ans,
ce qui est plus élevé que dans la fonction publique d’État (44 ans hors militaires). La
première conséquence concerne les compétences : la moitié des effectifs numériques a
reçu une formation initiale il y a plus de 20 ans, ce qui, dans un contexte d’évolutions
techniques rapides, crée un risque d’obsolescence des compétences sauf à fournir un
effort soutenu de mise à jour. La deuxième conséquence concerne la vague prévisible des
départs à la retraite : 37% de la population est âgée de 52 ans ou plus, soit près de 7 600
ETP. En prenant l’hypothèse d’un âge de départ moyen à la retraite à 62 ans24, plus du
tiers des personnels partira à la retraite dans les dix prochaines années. Dans l’hypothèse
d’une stabilisation des effectifs, le besoin de recrutement s’établirait donc à environ 760
personnes par an dans les 10 années à venir pour compenser les seuls départs à la
retraite. Les familles de métiers dont les pyramides des âges sont les moins favorables
sont les achats, l’encadrement, le soutien aux utilisateurs, la gestion de projet et de
produit, l’exploitation des infrastructures et l’urbanisation. Ce phénomène ne
concerne pas le ministère des armées, dont la pyramide des âges est différente ;
23 Pour établir cette comparaison, la mission a utilisé le recensement de 2016 décrit dans le rapport « Stratégie de
ressources humaines de la filière numérique et Système d’Information et de Communication (SIC) de l’État » (CGEFI,
CGE, IGA) publié en 2019. Elle a ensuite retraité le recensement de 2022 en le limitant aux ministères hors armées
et en retranchant les personnels qui ne semblent pas avoir été recensés en 2016 (ceux du service de statistique
public, et ceux des familles de métiers juridiques, de lutte contre les criminalités et de réglementation). La
comparaison fait apparaître une baisse de l’ordre de 1 000 ETP entre 2016 et 2022.
24 Âge moyen des départs constatés dans la fonction publique d’État en 2020, d’après la DGAFP. Une hypothèse de
départ plus tarif à la retraite, par exemple à 64 ans en moyenne, réduit de 20% le volume de départs prévus dans
les 10 ans et ne modifie pas le sens des conclusions du rapport.
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Dans l’ensemble, la proportion de femmes est faible dans les effectifs numériques des
ministères civils, à 27 %. Bien que cette proportion soit variable d’un employeur à l’autre et
que les femmes soient parfois plus nombreuses, les situations de parité demeurent
exceptionnelles. L’INSEE fait exception. Comme on peut s’y attendre, le déséquilibre est plus
important au ministère des armées (15% de femmes).
Cette situation n’est pas atypique par rapport au marché du travail dans son ensemble : selon
Numeum, en France, les femmes ne représentent que 28 % des effectifs dans le numérique,
contre 46 % dans les services, et la proportion est encore plus faible dans les métiers
techniques (16 % parmi les techniciens d’études et de développement, 14 % parmi les
techniciens en installation, maintenance, support et services aux utilisateurs en informatique,
11 % dans la cybersécurité)26.
Au sein de l’État, le renouvellement des générations ne conduit pas à davantage de
parité. Le taux de féminisation par tranche d’âge ne révèle pas d’amélioration de la parité chez
les plus jeunes. Au contraire, les générations les plus féminisées sont celles de 55 ans et plus.
En outre, les viviers de recrutement classiques (écoles d’ingénieurs et d’informatique) restent
très fortement masculins, ce qui ne permet pas d’envisager de rééquilibrage à court terme.
Parmi les jeunes ingénieurs diplômés, la proportion de femmes est de 28 % et cette proportion
n’augmente plus depuis 2015, selon les enquêtes de l’IESF27.
25 Les 2% restants n’ont pas pu être associés à une catégorie dans le cadre du recensement conduit.
26 Source : https://numeum.fr/sites/default/files/Documents/NUMEUM_-_Chiffres_et_datas_2021_def.pdf
27 Source : https://www.iesf.fr/offres/doc_inline_src/752/Synthese_Infographie_EnqueteIESF2021.pdf
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1.2.2. Une rotation des effectifs en hausse du fait du nombre croissant de contractuels
Les effectifs du numérique au sein des ministères, hors ministère des armées, sont
composés de fonctionnaires à 82 % et de contractuels à 17 %28. Les contractuels ont vu
leur part s’accroître de trois quarts en six ans : ils ne représentaient que 10 % des agents en
2016. La dynamique s’accélère au vu de l’importance de la proportion d’agents contractuels
dans les classes d’âge les plus jeunes, ce qui apparaît sur le graphique ci-dessous.
Sources : Données transmises par les employeurs ; calculs de la mission. Note : la part de contractuels est calculée sur
l’ensemble de la population, y compris les alternants, dont les faibles effectifs n’apparaissent pas sur le schéma.
La proportion d’agents contractuels varie fortement selon les employeurs, avec deux
modèles extrêmes :
les plus grandes administrations, en particulier le ministère de l’intérieur, la DGFIP et
l’INSEE au sein du ministère de l’économie et des finances, ainsi que le ministère de
l’éducation nationale s’appuient de manière très majoritaire (plus de 90 % pour les
premiers et plus de 85 % pour le dernier) sur des titulaires, grâce à des corps de
fonctionnaires ayant conservé une spécialisation numérique, corps qui par ailleurs ont
conservé un périmètre ministériel dans les faits ;
de plus petits ministères, en particulier le ministère de la culture, le ministère de la
justice, les services de la Première ministre, n’ont pas de corps de titulaires sur lequel
s’appuyer et reposent sur une population majoritairement contractuelle.
Le lien des contractuels avec l’État est moins durable que celui des titulaires, d’autant
que 44 % d’entre eux sont en CDD.
Les responsables rencontrés décrivent une évolution des comportements, en particulier des
jeunes générations, plus volatiles et plus susceptibles d’interrompre une expérience
professionnelle si la proposition de l’employeur ne correspond pas à leurs souhaits. Ce constat
n’est pas spécifique aux employeurs publics et se retrouve dans le taux de démission des
salariés en France qui, en 2022, a atteint 8,4 % par an, son niveau le plus élevé depuis 21 ans29.
29 Selon la Dares, le taux de démission (nombre de démissions rapporté au nombre de salariés) dans les entreprises
de plus de 50 salariés en France a atteint le niveau de 2,1 % au premier trimestre 2022, un niveau qui n’avait pas
été atteint depuis 2001. Source : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/la-france-vit-elle-une-grande-
demission
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1.2.3. Un recours aux prestataires qui a dépassé le point d’équilibre dans certaines
fonctions malgré un coût plus élevé
1.2.3.1. Les prestations informatiques ont crû de 16% par an au cours des cinq dernières
années
30Ce chiffre est en effet à interpréter avec prudence, la plupart des employeurs sollicités par la mission ayant
éprouvé des difficultés à mesurer leur taux de turnover actuel.
31 La mission a pris en compte le taux de sortie moyen des titulaires au sein de la fonction publique d’État (4,1 %)
et celui des contractuels (15,6 %) (source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, DGAFP, 2022). Ces taux
ont ensuite été appliqués à la structure de la population numérique de l’État.
32 Afin de mesurer le recours aux prestataires, la mission a consulté les données des achats de l’État dans Chorus,
l’application budgétaire et comptable de l’État. Cette approche permet de recenser la totalité des marchés passés
par les ministères, au niveau central et déconcentré, à l’exception des marchés de défense ou de sécurité (tels que
définis par l’article L1113-1 du Code de la commande publique). Les analyses de la mission ont spécifiquement porté
sur les achats des ministères relevant du domaine « informatique et télécom », qui correspond approximativement
au périmètre numérique examiné par la mission.
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Rapport
Au sein de ce domaine, on peut distinguer les achats de produits et de services sur catalogue
(services de télécommunications, logiciels, matériel, réseaux et postes de travail) et les achats
de prestations informatiques qui, pour l’essentiel, mobilisent des compétences pour lesquelles
la question de l’internalisation ou de l’externalisation peut se poser dès lors que l’État dispose
aussi d’effectifs ayant des compétences numériques. Ces prestations informatiques relèvent en
majorité de prestations intellectuelles couvrant un spectre allant de la stratégie à la conception
et au déploiement de produits numériques, en passant par diverses formes d’appui technique.
Les prestations informatiques représentent 1,5 Md€ en 2021 et ont augmenté au
rythme moyen de 16 % par an.
1.2.3.2. Cette pratique n’est pas critiquable en soi, mais son absence de pilotage l’est
L’externalisation est une pratique courante chez l’ensemble des acteurs privés et
publics dans le numérique. La forte évolutivité des métiers et des compétences donne un
avantage aux prestataires qui sont capables de fournir des personnels à jour sur les dernières
évolutions. Le développement du cloud concourt à l’externalisation là où l’hébergement
reposait historiquement davantage sur des compétences internes. Le rôle transformant des
données, la montée en puissance de la gestion en mode produit et les enjeux de cybersécurité
font appel à des compétences avancées qui peuvent être mobilisées grâce à des prestataires.
Le recours aux prestataires informatiques accélère nettement en France, à la fois dans le
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secteur privé et dans le secteur public. Selon les estimations du cabinet KPMG33 qui s’appuie
sur un sondage, les entreprises du secteur des ESN (entreprises de services numériques) et ICT
(sociétés d’ingénierie et de conseil en technologie) ont ainsi vu leur chiffre d’affaires croître de
12 % en France en 2021. Ces entreprises anticipent un taux de croissance encore plus élevé à
l’avenir. Les prestations qui croissent le plus concernent le cloud (croissance de 30 %), le
conseil en transformation numérique (17 %) et la cybersécurité (15 %)34.
Le recours par l’État à des prestations intellectuelles informatiques n’est donc pas en soi une
pratique anormale35. En pratique, l’intensité du recours aux prestataires est variable au sein
de l’État :
sur les grands projets informatiques36, le taux d’externalisation médian est de 60 % selon
le suivi effectué par la DINUM au premier semestre 2022. Il varie de 0 % à 93 % selon les
projets. Un quart de ces projets a un taux d’externalisation supérieur à 75 % ;
sur l’activité courante des ministères, les estimations de la mission donnent un taux
d’externalisation variant de 25 % à 75 % selon les ministères ;
sur les programmes d’armement, y compris numériques, la DGA conserve la maîtrise
d’ouvrage mais mobilise largement une maîtrise d’œuvre externe.
Bien qu’il n’existe pas de règle absolue permettant d’identifier un niveau d’externalisation
excessif, il existe un consensus sur le fait que le seuil de vigilance se situe autour de 60% :
la DINUM a identifié des ratios entre compétences internes et externes à respecter sur
un projet, qui aboutissent à un taux d’externalisation maximum de 63 % ;
plusieurs acteurs privés rencontrés ont déclaré qu’un niveau de 60 % d’externalisation
doit constituer un point d’alerte.
En retenant un critère de 60 % d’externalisation à ne pas dépasser pour un projet donné, la
moitié des grands projets de l’État et trois ministères sont dans une situation à risque
du fait d’une externalisation excessive.
Surtout, le niveau d’externalisation n’apparaît pas véritablement piloté. L’État ne s’est
pas doté d’une doctrine précise et opérationnelle en matière d’externalisation des
compétences numériques, qui définirait d’une part les fonctions externalisables et celles qui ne
le sont pas, et d’autre part expliciterait la manière la plus efficace de procéder (par exemple en
matière d’allotissement des marchés ou de choix d’une pluralité de prestataires). Dans les faits,
les achats des ministères sont très fragmentés : 78% des dépenses de prestations
informatiques ont lieu via des marchés ministériels, 11% via des marchés interministériels et
11% via la centrale d’achat UGAP.
Les stratégies d’achat que définit la direction des achats de l’État (DAE) s’appliquent une fois
que la décision d’externaliser a été prise, mais n’interrogent pas la pertinence de ce choix
initial. En pratique, dans la grande majorité des cas, les administrations n’appliquent pas les
deux premières bonnes pratiques identifiées par le Cigref pour la gestion des fournisseurs de
services numériques :
définir une stratégie de services externalisés et sa gouvernance ;
33 Source : https://home.kpmg/fr/fr/home/insights/2022/09/grand-angle-esn-ict-2022.html
34Avec une méthodologie différente reposant sur une projection à partir des chiffres de l’Insee, l’institut d’études
Xerfi avait relevé une croissance du chiffre d’affaires des services numériques et du conseil de 9,5 % en 2021 et
anticipe une croissance de 15,5 % en 2022 et de 10,5 % en 2023.
35Le contraire serait au contraire critiquable, l’internalisation totale des compétences numériques pouvant poser
de sérieuses questions en matière d’adaptabilité et de capacité à maintenir les compétences à jour.
36 Il s’agit des projets les plus stratégiques ou sensibles, notamment tous ceux dont le coût dépasse 9 M€, qui font
l’objet d’un suivi particulier par la DINUM. 53 projets sont ainsi suivis à mi-2022, dont 32 pour lesquels un taux
d’externalisation est connu.
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Rapport
La mission estime qu’en moyenne, recourir à un prestataire est plus coûteux d’au moins
20% pour l’État que le recrutement d’un agent disposant des mêmes compétences.
Pour parvenir à ce constat, la mission a procédé par échantillonnage auprès de plusieurs
employeurs publics représentant une diversité de missions, de statuts et de politiques de
rémunération37.
Une comparaison a été recherchée entre la facturation annuelle TTC d’un prestataire
informatique et le coût complet d’un agent contractuel de profil comparable au sein d’une
administration38. Selon les cas, la comparaison a porté sur un profil précis de développeur ou
sur un profil moyen agrégeant plusieurs métiers du numérique.
Les résultats montrent que, au sein de l’échantillon examiné, le coût complet d’un agent
contractuel est de 19 à 42 % inférieur au coût d’un prestataire. Conscients de ce surcoût,
comme le montrent les ateliers participatifs, certains agents comprennent mal le but d’une
stratégie d’externalisation considérée comme plus dépensière.
Pour expliquer ce choix, il convient de souligner qu’un recrutement conduit l’État à s’engager
de manière soit plus durable, soit plus rigide, qu’en recourant à un prestataire, en fonction des
modalités du contrat de travail. Les aléas inhérents au recrutement et la difficulté qu’il y a à
entretenir les compétences des agents dans la durée renforcent la prudence de certains
employeurs et leur préférence pour l’externalisation, considérée comme moins risquée. Plus
généralement, la mission observe que la faiblesse de la fonction « ressources humaines » dans
le numérique de l’État favorise l’externalisation.
Le recours non piloté à l’externalisation, coûteux pour l’État, atteint dans certains cas
des niveaux où il devient risqué pour la réussite des politiques publiques. Il peut
accroître les risques d’insécurité, de perte de maîtrise sur les systèmes d’informations, et de
dépendance à l’égard des prestataires. Le fait que les administrations ne disposent pas toujours
des compétences clés en interne agit négativement sur le corps social. Et dans un marché de
l’emploi où les acteurs privés déclarent faire face à des taux de rotation encore plus élevés que
37 Les employeurs ayant fourni des données sont : la direction générale des finances publiques, la direction du
numérique du ministère de l’intérieur, la direction interministérielle du numérique, le GIP Plateforme de l’inclusion
et des opérateurs qui ont transmis à la mission leurs données agrégées. Ces cinq sources de données sont notées A,
B, C, D, E (dans un ordre différent).
38 Cette approche en coût complet vise à prendre en compte la rémunération de l’agent et l’ensemble des charges
associées à son internalisation (cotisations, mais aussi coûts d’immobilier, d’encadrement, etc.).
- 14 -
Rapport
le secteur public, l’externalisation ne fournit même plus la garantie d’obtenir des compétences
stables.
Dans ce contexte de tension sur le marché du travail, le secteur privé a déjà commencé à mettre
un frein à une partie de l’externalisation : d’après un sondage de Numeum39 réalisé en 2022,
57% des entreprises ont engagé une réinternalisation de certaines compétences critiques.
En 2020, la Cour des comptes estimait que « pour conduire efficacement ses projets numériques,
l’administration doit disposer dans ses effectifs de ressources d’expertise propres. Des
compétences internes, notamment de direction de projet, sont indispensables, pour garder la
maîtrise des prestations que les administrations délèguent encore trop souvent à des sociétés
sous-traitantes et pour s’assurer qu’elles seront en mesure d’en effectuer la maintenance. »
Parmi les causes de dérive des grands projets identifiées par la DINUM, la mission a relevé
qu’un tiers concernaient les ressources humaines. En particulier, la difficulté à recruter le
directeur de projet, l’absence de chef de produit interne pour arbitrer entre les besoins, le ratio
insuffisant entre la maîtrise d’ouvrage interne et externe et l’absence d’architecte central sont
pointés par la DINUM comme des facteurs de dérive.
Ces éléments conduisent la mission à recommander une mise sous contrôle de
l’externalisation croissante des prestations numériques. La réinternalisation doit porter
sur les fonctions numériques les plus critiques, notamment en matière de direction des projets,
de maîtrise d’ouvrage, de chefferie de produit, et d’architecture. La nécessité de ce mouvement
fait l’objet d’un large consensus au sein des acteurs rencontrés.
Les employeurs les plus mûrs en matière de transformation numérique soulignent aussi
l’intérêt de disposer de compétences de développement en interne (ce qui peut éventuellement
inclure des personnes sous statut indépendant intégrées aux équipes), et de ne plus voir ce
métier comme une variable d’ajustement pouvant sans dommage être externalisée. Ces
administrations ont souligné que les méthodes de développement agile de produits
numériques s’inscrivant dans une logique de produit nécessitaient une part plus
importante de compétences de développement internes que les méthodes
traditionnelles de cycles en V.
1.2.4. 3 500 créations nettes de postes sur 5 ans, soit 2 500 recrutements à effectuer
par an
40Cette estimation repose sur la poursuite de la croissance des besoins numériques de l’État (avec une croissance
du nombre total d’experts, internes et externes, similaire à celle des dernières années) associée à une stabilisation
du taux d’externalisation.
- 15 -
Rapport
Pour atteindre cette cible, le nombre de recrutements devrait s’établir à environ 2 500
personnes par an41, pendant les cinq prochaines années, pour les ministères civils :
la principale cause des besoins de recrutement est liée au turnover hors retraite
(départs des agents de l’État en cours de carrière), l’augmentation des contractuels
contribuant à soutenir cet effet. En fidélisant une partie de ses agents, l’État réduira le
nombre de recrutements à effectuer. La mission évalue qu’il faudra recruter de l’ordre
de 1 100 personnes par an pour compenser le turnover hors retraite (en supposant un
turnover hors retraite supérieur d’un quart au taux observé actuellement, en raison
notamment de la hausse prévisible des contractuels42) ;
la vague à venir de départs à la retraite, constitue à la fois un défi et une opportunité
pour adapter la répartition des compétences aux nouveaux besoins, à condition que
l’Etat parvienne à anticiper les besoins et définisse la cible qu’il poursuit. Il y aura environ
700 départs par an pendant les prochaines années ;
la réinternalisation de certaines fonctions concernerait environ 700 recrutements
par an, conduisant à la création de 3 500 postes sur cinq ans, en se concentrant sur les
métiers à forts enjeux.
41 Le calcul porte sur la somme des trois effets au cours des cinq prochaines années. Ces estimations ont été
produites pour dix des treize familles de métiers, en excluant les trois familles hors de l’informatique qui semblent
trop éloignées pour obéir aux mêmes tendances. La méthodologie et les hypothèses sont présentées en annexe 3.
42 Alternativement, une hypothèse de stabilité du turnover hors retraite donnerait un chiffre de 900. Ce calcul
reprend le taux de turnover théorique au sein de l’Etat de 6,1 %, au sein duquel la mission a isolé les départs hors
retraite en estimant, de manière simplifiée, qu’il s’agit des départs avant 60 ans. Ce choix de prendre le taux de 6,1
% est a priori conservateur. A l’inverse, l’hypothèse de croissance de 25 % semble réaliste : d’une part, le seul effet
de la hausse des effectifs (qui reposera vraisemblablement sur les contractuels) estimée comme nécessaire par la
mission aura pour effet d’accroître le turnover hors retraite de 40 % en cinq ans, soit 20 % en moyenne sur la
période ; d’autre part, les acteurs rencontrés par la mission décrivent une volatilité croissante du personnel, ce qui
justifie de retenir une hypothèse un peu supérieure (25 % au lieu de 20 %).
- 16 -
Rapport
Le défi à relever est donc massif, au vu du volume de recrutements actuels, qui peut être
estimé à environ 1600 hors ministères des armées43 dont environ 700 fonctionnaires et
900 agents contractuels. A l’avenir, ces 2 500 recrutements extérieurs à l’administration, qui
pourraient concerner environ 1 800 contractuels et 700 titulaires, impliquent une
augmentation de plus de 50 % des flux de recrutement, et en particulier un doublement
du nombre de contractuels du numérique recrutés chaque année. Ce changement
d’échelle sous-tend une partie des propositions effectuées.
1.3. L’État s’est mal préparé à attirer et conserver les compétences dont il a
besoin
Auprès des professionnels du numérique, l’État est perçu comme un acteur peu
performant et ses réalisations restent mal identifiées la plupart du temps. D’après les
résultats d’un sondage44 réalisé en 2020 auprès de personnes de 18 à 55 ans travaillant dans
le numérique en France, l’État est perçu comme en retard dans le numérique par 46 % des
répondants et dans la moyenne par 45 %.
Lorsque l’on demande aux sondés à quoi ils associent l’État dans le numérique, les réponses les
plus fréquentes (25 %) concernent des dysfonctionnements. Le fait même que l’État est un
employeur du numérique n’est pas connu de tous : seuls 69 % pensent que l’État recrute dans
43 La mission a établi des modèles d’estimation des recrutements actuels et futurs, qui sont détaillés en annexe.
44 Sondage réalisé par l’institut BVA pour la DINUM, auprès de 501 personnes interrogées par internet, en juin 2020.
- 17 -
Rapport
ce domaine45. Quand elle existe, l’image de l’État employeur est contrastée : autant de
répondants en ont une bonne image qu’une mauvaise (41 % contre 40 %) et 19 % ne se
prononcent pas. Plus précisément, les facettes de l’État employeur dans le numérique pour
lesquelles les répondants ont la meilleure image sont la possibilité de travailler pour l’intérêt
général, l’équilibre entre vie privée et professionnelle et l’intérêt des projets. A l’inverse, les
points qui ont la plus mauvaise image sont les méthodes de travail, la rémunération et le style
de management.
C’est auprès des jeunes que l’image de l’État est la plus préoccupante dans le domaine
numérique. Interrogés en septembre et octobre 2022 par la DINUM sur ce que leur évoque
spontanément les mots « numérique » et « ministère », 353 étudiants en universités et écoles
d’informatique les participants ont répondu par les mots représentés dans la figure ci-dessous,
très majoritairement critiques. De rares étudiants citent des termes positifs. Les exemples
d’employeurs ou de structures cités sont encore plus rares (moins de 5 % des réponses) : il
s’agit de l’ANSSI, des impôts, de la CNIL, de la DINUM, du ministère des armées et de services
de renseignement.
Graphique 3 : Nuage des mots associés par des étudiants à « numérique » et « ministère »
Source : DINUM.
Ces critiques font écho au jugement que portent les agents de l’État sur leur employeur,
d’après les résultats des ateliers participatifs46 organisés par la mission (voir infra).
45Les modalités de recrutement, par concours et par contrat, ne sont connues que par une moitié seulement (51
%) des répondants, les autres n’en connaissant qu’une partie, ce qui traduit un manque d’intérêt général.
46 Ces ateliers, organisés avec l’appui de la direction interministérielle de la transformation publique et du
BercyLab, ont réuni une cinquantaine d’agents travaillant dans le numérique public. Le compte-rendu de ces ateliers
est présenté en annexe.
- 18 -
Rapport
1.3.1.2.1. Des voies de recrutement pour les fonctionnaires qui perdent en attractivité ou se sont
taries
Pour les fonctionnaires, les recrutements par concours, en particulier lorsqu’ils incluent des
épreuves écrites, s’avèrent peu adaptés aux profils numériques qui ont déjà une expérience
professionnelle : à la fois parce qu’ils ne sont pas attirés par un tel formalisme, et parce qu’ils
connaissent les opportunités que le marché du travail leur offre sans passer de concours.
Afin de mesurer l’attractivité des concours de fonctionnaires, la mission a examiné 12 corps à
forte composante numérique de catégories A et B, représentant au total 12 475 ETP dans la
filière numérique. Les chiffres d’inscription aux concours externes de ces corps, représentées
dans le graphique ci-dessous pour les corps de catégorie A et en annexe 3 pour ceux de
catégorie B, montrent une diminution généralisée de l’attractivité. Les gestionnaires ont
confirmé ce constat. Cela les conduit à ne pas pourvoir tous les postes ouverts47.
Graphique 4 : Nombre de candidats inscrits aux concours des principaux corps de catégorie A
à forte composante numérique (base 1 en 2018)
Source : Mission, à partir des données fournies par les gestionnaires de corps.
47 Par exemple, la DGFiP n’a intégré en 2022 que 14 inspecteurs programmeur de système d’exploitation sur les 30
postes ouverts ; de même, le ministère de l’intérieur n’a admis que 33 ingénieurs des systèmes d’information et de
communication sur 38 postes ouverts en 2022 en externe.
- 19 -
Rapport
Par ailleurs, le recrutement par concours ne garantit pas à lui seul l’adéquation entre les
besoins des employeurs et les compétences des agents, pourtant essentielle dans les métiers
du numérique. La persistance des processus d’affectation des jeunes fonctionnaires qui ne
donnent qu’une place mineure aux préférences de l’employeur (en privilégiant soit le
classement des candidats, soit une décision centralisée) aggrave cette situation.
Notons enfin que plusieurs filières ayant permis de recruter des fonctionnaires dans le
numérique se sont taries. C’est le cas du corps des attachés d’administration, qui dispose d’une
filière numérique des attachés analystes-informaticiens, historiquement formés au sein de
l’IRA de Lille. Le dernier concours organisé pour les recruter date de 2006. La mission a recensé
418 attachés d’administration dans le numérique. De même, le corps des ingénieurs des
travaux publics de l’État (TPE) disposait jusqu’en 2019 d’un concours sur titres avec une
spécialité informatique (elle-même composée de 8 sous-spécialités). 136 ingénieurs des TPE
ont ainsi été recensés. Enfin, depuis la fusion entre le corps des mines et le corps des
télécommunications en 2009, le flux annuel d’ingénieurs des mines débutant leur carrière dans
le numérique est de moins de cinq agents, contre une quinzaine pour les télécom auparavant48.
1.3.1.2.2. Des processus de recrutement épuisants voire dissuasifs pour les contractuels
Pour les contractuels, alors que le cadre législatif s’est assoupli pour favoriser leur
embauche, la mission observe que les processus de recrutement restent excessivement
longs et déresponsabilisants pour les employeurs.
Un sondage auprès des ministères a révélé que les durées moyennes de vacance des postes
numériques sont supérieures à cinq mois pour la majorité des employeurs, traduisant une
difficulté générale à recruter. L’examen des processus mis en œuvre révèle une grande
complexité, avec une articulation entre les services employeurs49, les services RH et parfois les
CBCM, qui interviennent à plusieurs étapes du recrutement et peuvent influencer son issue,
voire le bloquer. La mission a spécifiquement analysé, à titre d’exemple, le processus mis en
œuvre pour un recrutement de contractuels au service du numérique du ministère de
l’économie et des finances (MEFSIN), qui comprend 22 étapes (ou plus en cas d’aller-retours
entre services) et dure en moyenne 149 jours entre la publication de la fiche de poste et
l’arrivée effective de la personne, c’est-à-dire deux mois de plus que la durée du préavis
standard de départ de trois mois50. Des processus comparables se retrouvent dans la plupart
des ministères.
Le caractère démotivant pour le service employeur tient au fait que la proposition de
rémunération adressée au candidat lui échappe en grande partie et est réalisée tardivement et
dans des conditions peu transparentes par d’autres services, auxquels il n’a que peu ou pas
accès. Alors que l’employeur pense avoir sélectionné son candidat, commence une phase de
négociation interne à l’administration sur la rémunération qui aboutit à un résultat qui ne
prend pas nécessairement en compte les intérêts du service employeur. Cette incertitude est
également dissuasive pour les candidats, qui ne reçoivent que tardivement une réponse ferme
et ne peuvent signer leur contrat que quelques jours avant leur prise de poste.
48 Il faut cependant noter que les flux totaux entrant au corps des mines ont également été divisés par presque trois
par rapport au total du corps des mines, des télécom et du contrôle des assurances avant les fusions.
49On entend par « service employeur » l’entité qui accueille l’agent, par distinction avec le service des ressources
humaines.
50 Les 22 étapes du processus sont décrites en annexe 3.
- 20 -
Rapport
Les responsables et les agents interrogés décrivent un contraste entre la nécessité de recruter
davantage dans les métiers du numérique et les volumes insuffisants d’embauches. Cela
conduit à un recours subi à la prestation extérieure, bien qu’il ne soit jamais affiché comme tel.
Un grand nombre de ministères voudrait réduire le volume d’externalisation, en
réinternalisant certaines fonctions essentielles ou critiques, mais dit ne pas y parvenir.
La mission identifie deux facteurs distincts pour l’expliquer :
la difficulté pour les services employeurs à obtenir les ouvertures de postes et les crédits
budgétaires : lorsque le numérique n’est pas identifié comme une fonction stratégique,
les décisions de réallocations d’effectifs et de budgets se font en sa défaveur51. En
plafonnant les effectifs et la masse salariale des administrations, les règles budgétaires
favorisent de facto l’externalisation, ce qui se traduit in fine par une dépense
supplémentaire. Or l’externalisation a tendance à enclencher un cercle vicieux, car plus
les compétences sont externalisées, plus l’État se voit contraint de se faire assister pour
piloter les prestataires auxquels il a recours ;
la difficulté à attirer de bons candidats et à les recruter, notamment du fait de la lenteur
des processus de recrutements. Face à des besoins urgents en compétences numériques,
les administrations estiment parfois qu’il est plus facile et plus sûr de faire appel à des
prestataires, malgré les contraintes de la commande publique.
Le niveau de rémunération des effectifs numériques de l’État a été analysé par le pôle
« sciences des données » de l’IGF. La rémunération brute moyenne s’élève à près de 46 000 €
sur l’ensemble des employeurs et 50 000 € pour les ministères civils. Au sein de ce dernier
périmètre, les rémunérations varient fortement d’un ministère à l’autre et, toutes choses égales
par ailleurs, sont inférieures de près de 8 % pour les contractuels en poste par rapport aux
fonctionnaires52.
Les entretiens de la mission ont révélé une très grande diversité d’approches sur ce point, avec
certains employeurs qui mettent en place des stratégies plus ou moins agressives d’attractivité
salariale, en relevant les rémunérations des contractuels du numérique. Une « guerre des
rémunérations » pour les compétences très recherchées est évoquée par certains employeurs.
Les ministères qui conservent un taux de fonctionnaires élevé rémunèrent, toutes choses
égales par ailleurs, leurs titulaires plus que leurs agents contractuels dans le numérique ; a
contrario, les ministères avec un taux de contractuels élevé rémunèrent ceux-ci de manière
comparable ou légèrement plus favorable que leurs collègues titulaires. Compte tenu de la
prépondérance quantitative des premiers ministères sur les seconds, la comparaison globale
montre que les contractuels sont en moyenne moins bien payés que les titulaires.
51 La Cour des comptes soulignait en 2020 que « dans certains ministères, les directions de projet ont [...] des difficultés
à obtenir, des secrétariats généraux, les ouvertures des postes nécessaires au sein des plafonds d’emploi pour engager
les recrutements indispensables à la maîtrise effective des projets par l’administration, plutôt que de recourir fortement
à des prestataires extérieurs ».
52 Résultat obtenu avec un modèle de régression pour expliquer les rémunérations en fonction de variables
observables (l’âge, la famille de métier, la catégorie, l’affectation, le temps de travail, le sexe et le statut).
- 21 -
Rapport
Cela s’explique probablement par la mise en place seulement en 2019 d’un référentiel de
rémunération pour les contractuels dans le numérique, établi à partir des rémunérations
constatées sur le marché. Ce référentiel a contribué à une augmentation des rémunérations en
flux des contractuels embauchés mais n’a eu qu’un impact faible s’agissant du stock.
Même s’il ne constitue pas une grille de rémunération, ce référentiel a constitué un progrès
significatif en facilitant l’embauche de contractuels à des niveaux plus proches du marché de
l’emploi et en aidant les employeurs publics à harmoniser leurs pratiques. Il n’a toutefois pas
mis fin à toute forme d’écart avec celui-ci :
les habitudes de l’administration restent éloignées du marché en matière de
rémunération. Le référentiel n’est pas appliqué dans toutes les administrations.53 L’un
des principaux freins à un rapprochement des rémunérations des contractuels avec
celles du marché résulte de la difficulté à faire coexister des agents présentant des écarts
de rémunération significatifs ;
les possibilités de revalorisation des rémunérations en cours de contrat sont très faibles :
de l’ordre de 3 à 5% tout au plus tous les trois ans. C’est sur ce point que l’écart par
rapport aux pratiques du marché est le plus défavorable pour l’État. L’absence de lignes
de gestion ministérielles sur cet aspect, nouveau pour l’administration habituée aux
grilles générales de la fonction publique, bloque les possibilités d’évolution.
A ces facteurs s’ajoutent, pour certains métiers particulièrement en tension, des hausses très
significatives de rémunération pratiquées depuis quelques années dans le marché. Pour les
profils expérimentés et les hauts niveaux de responsabilité, les niveaux de rémunération
atteints rendent de fait impossible toute forme de concurrence entre public et privé.
Par rapport aux entreprises contraintes par le turnover de mettre en place des politiques
actives de fidélisation, surtout dans les spécialités très concurrentielles, l’État accuse un retard
certain. La contradiction entre les pratiques de l’administration, fondées sur des progressions
à l’ancienneté indépendantes de la performance, et celles du secteur privé est criante. Or, c’est
sur les modèles du privé que se fondent les attentes des contractuels dans le numérique.
L’absence, ou la quasi-absence, de parcours organisés pour les contractuels est ainsi la
principale cause mise en avant par les participants aux ateliers participatifs de désaffection et
d’incitation au départ.
En ce qui concerne les titulaires, les progressions sont possibles mais cela se traduit souvent
par une sortie de la filière expert. Les allers et retours entre le numérique et les autres métiers
sont rares et trop peu encouragés.
53 Il faut par ailleurs rappeler qu’il ne s’applique pas aux établissements publics.
- 22 -
Rapport
Plus généralement, l’ensemble des responsables et des agents auditionnés souligne la très
faible visibilité existante sur les opportunités de parcours. A quelques rares exceptions près54,
les administrations n’ont pas développé d’identification des compétences de leurs agents, ce
qui limite les possibilités de construire des parcours de professionnalisation et a fortiori
d’anticiper les besoins en compétences à venir, pour les métiers en émergence comme pour les
métiers traditionnels et les spécialités rares. La gestion prévisionnelle des compétences, les
revues de compétences et les entretiens de carrière sont peu répandus (ce qui n’est pas propre
au numérique)55. Le fonctionnement cloisonné par ministères, voire au sein mêmes des
ministères, est un obstacle supplémentaire.
Les ateliers participatifs révèlent les difficultés rencontrées au quotidien par les spécialistes
du numérique. Celles qui concernent les outils de travail et l’équipement informatique sont
perçues comme particulièrement pénalisantes. Trois principaux écueils sont mis en avant :
le manque de performance de l’équipement, notamment en matière de capacité de calcul
et de mémoire des terminaux ou encore de nombre d’écrans. Plusieurs agents ont
témoigné qu’ils utilisaient en conséquence leur matériel personnel ;
les rigidités de l’environnement de travail numérique, avec notamment des proxys qui
bloquent l’accès à certaines ressources, et le manque de maîtrise du poste de travail sur
lequel les agents ne disposent en règle générale pas d’un compte d’administrateur. La
mise en place de solutions de contournement a été évoquée comme unique solution ;
la difficulté à acquérir des équipements ou des logiciels pourtant largement utilisés dans
les différentes spécialités mais non disponibles au sein des administrations.
1.3.3. L’État dispose pourtant d’atouts réels dans la compétition pour les talents
Malgré son déficit d’image, les agents ont largement insisté lors des ateliers participatifs sur
les importants atouts dont dispose l’État comme employeur dans le numérique.
Ceux-ci ont tout d’abord souligné l’intérêt et la richesse des missions qui leur étaient
confiées, dans la mesure où ces missions concourent souvent au règlement de grands enjeux
de société, en matière de santé, d’écologie, de sécurité ou encore de souveraineté. Par ailleurs,
l’État propose certaines missions qui n’existent pas ailleurs, comme la régulation, la politique
industrielle ou encore la défense nationale. Cette richesse des missions est bien identifiée par
les professionnels du numérique en dehors de l’État56.
Les agents ont également mis en avant leur fierté d’inscrire au quotidien leur action dans
les valeurs du service public. Ils ont souligné que le service de l’intérêt général apportait un
sens à leur activité professionnelle qu’ils ne retrouveraient pas dans le secteur privé57.
54 Notamment le ministère des armées, la gendarmerie nationale ou la direction générale des finances publiques.
55Partout ailleurs, les exercices de GPEEC sont inexistants, ou récents et encore en phase de professionnalisation
(MTECT, ministère de l’Intérieur).
56 60% des personnes interrogées dans le sondage précité (réalisé par l’institut BVA pour la DINUM, auprès de 501
personnes interrogées par internet, en juin 2020) ont en effet une bonne image de « l’intérêt des projets et sujets
informatiques et numériques » au sein de l’État.
57 Ici encore, cette réalité est perceptible en dehors de l’État par les experts du numérique : 71% des sondés ont une
image favorable des possibilités offertes de travailler pour l’intérêt général.
- 23 -
Rapport
Enfin, les agents ont souligné que l’État offrait des responsabilités rapidement sur des
projets à enjeu, ce qui le distinguait d’autres employeurs dans le numérique.
Au-delà de ces éléments soulignés lors des ateliers participatifs, la mission a identifié plusieurs
autres atouts réels sur lesquels l’État peut capitaliser. Tout d’abord, certains services ont
construit une réputation d’excellence qui est un facteur clef d’attractivité en termes de
ressources humaines. Il s’agit essentiellement de services dans le domaine de la souveraineté
(notamment l’ANSSI, la DGSE, ou la DGSI). Ensuite, le maillage territorial très fin de l’État est
un atout pour pouvoir diversifier les bassins territoriaux de compétence qu’il cible dans ses
stratégies de recrutement. Enfin, la variété des métiers qu’il offre au niveau
interministériel devrait, au moins en théorie, lui permettre d’offrir des perspectives de
carrière variées avec des missions diversifiées.
Un des enjeux identifiés par les agents lors des auditions est la nécessité de mieux
communiquer sur les succès de la transformation numérique de l’État, dans un contexte
où l’image de celui-ci est trop souvent associée à des échecs de grands programmes
informatiques.
Les agents ont souligné de multiples exemples de chantiers très visibles qui peuvent concourir
à renforcer l’intérêt du grand public et a fortiori des experts du numérique pour les missions
de l’État dans le numérique. On peut par exemple citer :
la généralisation de FranceConnect qui simplifie le quotidien administratif de 40 millions
d’usagers ;
la mise en œuvre du prélèvement à la source par la DGFiP, dont les conséquences sont
directement visibles par les contribuables ;
la plateforme data.gouv.fr, dont les statistiques d’usage ont fortement crû durant le
COVID et qui a contribué à l’information du public pendant l’épidémie.
Au-delà de ces chantiers emblématiques, de nombreuses administrations ont d’ores et déjà
placé la transformation numérique au centre de leur stratégie de modernisation et de leur
feuille de route en matière de ressources humaines. Il s’agit par exemple de la direction
générale de l’aménagement, du logement et de la nature, de la direction générale de la
gendarmerie nationale, du commissariat général au développement durable ou encore de la
délégation ministérielle au numérique en santé. Ces administrations sont autant d’exemples de
nature à attirer des experts au sein de l’État.
L’enjeu de l’attractivité de l’État pour les talents du numérique est identifié de longue date. Une
circulaire primo-ministérielle58 mandatait dès 2017 la DINSIC (devenue DINUM) et la DGAFP
pour mettre en place un plan d’actions « permettant d’attirer, de recruter et de fidéliser les
compétences rares » dans le numérique. Ce premier plan prévoyait :
un recours accru aux différentes voies d’accès aux corps de fonctionnaires et notamment
celui des ingénieurs des systèmes d’information et de communication géré par le
ministère de l’intérieur mais ouvert à l’interministérialité en mai 2015 ;
le recrutement direct en CDI pour les métiers à compétences rares dans le numérique ;
le développement de la portabilité des CDI pour les agents de la filière.
58 Circulaire relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers du numérique et des systèmes
d'information et de communication, 21 mars 2017.
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Rapport
Une mission CGE-IGA-CGEFI59 a été conduite fin 2018 sur la stratégie de ressources humaines
de l’État dans le numérique, à la suite de quoi un second plan d’action DGAFP-DINUM a recensé
en mai 201960 31 actions réparties en trois priorités : « attirer et recruter les bons profils dans
le vivier spécifique des agents de la filière NSIC », « développer la mobilité et les parcours
professionnels, dans une logique de management des compétences », et « faciliter le recours
au contrat pour les métiers NSIC ». Une mission « talents » de quatre agents a été mise en place
à la DINUM pour piloter ce plan. Les éléments transmis par la DINUM témoignent d’une
réalisation partielle des objectifs. Parmi les principales actions menées figurent :
la publication d’un référentiel des rémunérations pour les 15 métiers du numérique en
tension mi 2019, qui a été étendu fin 2021 aux 56 métiers du numérique. Il permet
d’éviter le visa a priori du CBCM pour les recrutements de contractuels en-deçà de
plafonds de rémunération fixés dans le référentiel. Il est salué comme une avancée
importante ;
l’organisation annuelle d’un « forum de l’emploi tech de l’État », regroupant les
employeurs numériques de l’État notamment pour favoriser les mobilités
interministérielles. La dernière édition, organisé à Paris en décembre 2022, a permis à
plus de 20 services employeurs d’assurer la publicité de 300 postes à pourvoir ;
le financement par la DINUM, via les crédits du plan de relance, de 20 projets de
formation continue pour les agents de la filière numérique ;
le lancement du site metiers.numerique.gouv.fr qui recense des offres d’emploi dans le
numérique de l’État mais peine à atteindre ses objectifs. Toujours en version beta, il ne
présentait que 14 offres d’emploi début janvier 2023.
L’effet de ces mesures aurait pu être accru avec une gouvernance resserrée responsabilisant
une personne unique quant à la réussite du plan d’action, alors que la responsabilité est
actuellement diluée. A l’inverse, les groupes publics et privés rencontrés par la mission ont
tous un responsable de la stratégie de ressources humaines numériques qui rapporte
directement au directeur général.
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Rapport
Face au décalage entre les compétences dont l’État a besoin et celles dont il dispose, afin de
relever le défi de la réinternalisation des compétences numériques essentielles, la mission
formule cinq propositions pour renforcer les capacités de l’État à recruter.
Il faut créer une alternative à l’externalisation subie. Le plus souvent, lorsque les ministères
arrivent à recruter, ils sont limités par les plafonds et schémas d’emploi qui les éloignent de
l’optimum. Paradoxalement, ces règles budgétaires conduisent à accroître la dépense publique
dans certains cas.
Comme indiqué précédemment, la mission estime le besoin de créations nettes de
postes dans le numérique à 3 500 dans les cinq prochaines années sur le périmètre des
ministères civils.
En principe, des réallocations de moyens au sein des programmes budgétaires permettraient
d’atteindre ces objectifs en priorisant les ressources affectées au numérique et de réduire ainsi
l’externalisation subie. Mais le changement de culture que cela suppose de la part des
responsables prendra du temps : aujourd’hui, la compréhension du caractère stratégique du
numérique est encore insuffisante, et les arbitrages se font souvent en sa défaveur. Un
changement de perception est à l’œuvre, mais l’urgence des besoins suppose d’actionner des
leviers plus rapides pour que les ministères reprennent la maîtrise de leurs projets.
La première solution proposée par la mission consisterait à acter des créations nettes
de postes ciblées sur les emplois numériques dans le cadre de plafonds et schémas
d’emplois en augmentation, à proportion des réinternalisations à effectuer. Un suivi
spécifique des postes ainsi créés serait nécessaire pour s’assurer que les emplois nouveaux
correspondent aux fonctions à réinternaliser. La consolidation des demandes des ministères
et la validation de leur pertinence pourraient faire l’objet d’un suivi rapproché par la DINUM.
- 26 -
Rapport
L’État employeur a besoin de raccourcir ses délais de recrutement et, surtout, d’être capable
de proposer rapidement aux meilleurs candidats une rémunération et une perspective
d’embauche. A l’inverse, si les prétentions salariales d’un candidat sont excessives, le recruteur
doit pouvoir le lui dire rapidement.
La mission propose de sortir de la logique actuelle dans laquelle, à la négociation entre
un candidat et un service employeur61, succède une négociation interne entre celui-ci et
le service des ressources humaines, voire le contrôleur budgétaire et comptable
(proposition 2).
Les négociations entre ces personnes ne permettent pas d’obtenir une décision rapide, efficace
et prévisible. Ce processus dilue les responsabilités et décourage les candidats.
Préalablement au recrutement, les administrations doivent donc définir les règles
permettant de fixer la rémunération adéquate et de proposer le type de contrat adapté. Ces
règles doivent faire l’objet d’un accord entre les services employeurs, le service RH et le CBCM.
Les critères à prendre en compte seront notamment la classification du poste au sens du
référentiel interministériel de rémunération des métiers du numérique, le profil du candidat
(rémunération précédente incluant les primes62, compétences, formation) et ses prétentions.
61 Pour rappel, on entend par « service employeur » l’entité qui accueille l’agent, par distinction avec le service RH.
62 La mission a constaté que les règles existantes conduisaient à ne pas prendre en compte les primes ou avantages
(primes de performance, intéressement, participation, participation aux frais de mutuelle, etc.) dont bénéficiait
- 27 -
Rapport
Les règles doivent être claires et non ambiguës, y compris pour les acteurs extérieurs à la
sphère RH, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : la mission a relevé des ministères où ces règles
ne sont pas formalisées, et d’autres où elles sont complexes et floues, comme au ministère de
l’économie et des finances63.
A chaque ouverture de poste, le service employeur s’assurera que le lien avec le référentiel de
rémunération interministériel est bien établi (en identifiant notamment le métier et, le cas
échéant, un niveau d’expérience). Dès le premier entretien, le service employeur recueillera les
prétentions salariales du candidat. Si elles sont compatibles avec les règles préétablies, les
entretiens pourront se poursuivre. Si elles ne sont pas compatibles, l’employeur informera son
service RH pour instruire les possibilités de dérogation, en parallèle de la poursuite des
entretiens avec les autres candidats. Le service RH répondra sous une semaine :
soit pour accorder une dérogation (ce qui signifie que le service RH acceptera, si besoin,
de défendre le dossier devant le CBCM), ce qui permet de poursuivre les entretiens ;
soit pour refuser la dérogation, ce qui pourra être notifié rapidement au candidat.
Par la suite, lorsque l’employeur décide finalement de retenir un candidat, il sollicite son
service RH qui doit alors formuler une offre ferme :
si la rémunération demandée est compatible avec les règles préalablement fixées, l’offre
doit être formulée au candidat sous une semaine, sous condition de fournir
ultérieurement les justificatifs ;
sinon, l’avis du CBCM doit être rendu en une semaine, avant de revenir au point
précédent.
De plus, l’administration doit délivrer des promesses d’embauche aux candidats retenus qui le
souhaitent. Cette pratique existe mais est peu répandue, alors qu’elle permet d’augmenter la
confiance des candidats qui n’ont pas encore reçu leur contrat de travail et qui doivent parfois
prendre des décisions importantes (démission, déménagement) dans un délai rapide.
Les pratiques de rémunération, aujourd’hui, varient fortement entre les employeurs publics,
et même entre ministères. En ce qui concerne spécifiquement les contractuels de catégories A
et B, si le niveau de rémunération du service employeur le mieux-disant (qui indique appliquer
le référentiel interministériel de rémunération) était appliqué dans tous les ministères, hors
ministère des armées, la masse salariale serait accrue d’environ 30 millions d’euros.
Il convient de généraliser l’application de rémunérations pertinentes, sans attiser de guerre
des talents entre employeurs de l’État. C’est l’objectif du référentiel de rémunération des
métiers du numérique, qui doit être conforté.
Le référentiel, établi dans sa dernière version en décembre 2021 par la DB, la DGAFP et
la DINUM, devra être mis à jour en 2023 pour prendre en compte les évolutions du
marché du travail (proposition 3).
Les axes de progrès tiennent aux points suivants :
identification de fourchettes standards de rémunération en fonction des métiers et de
l’expérience (permettant notamment aux services employeurs de déterminer les règles
de rémunération évoquées précédemment) ;
l’agent contractuel dans son précédent emploi. Cette pratique doit être revue car elle n’incite pas ces candidats à
rejoindre le secteur public.
63Voir l’instruction du 1er juillet 2021 « relative au recrutement et à l’emploi d’agents contractuels dans les
ministères économiques et financiers ».
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Rapport
2.1.4. Structurer une fonction d’acquisition des talents dans des pôles RH dédiés
Alors que la pyramide des âges est préoccupante et le décalage entre les compétences
numériques en place et celles dont l’État a besoin avéré, une meilleure anticipation des besoins
s’impose. L’exercice de prévision ne doit cependant pas constituer un travail consommateur
de ressources et sans résultat tangible, ce que redoutent plusieurs interlocuteurs.
Le ministère des armées fournit l’exemple le plus abouti d’un tel exercice au sein de l’État64. Le
but est double : assurer la cohérence entre la trajectoire RH et les objectifs des métiers ; mettre
les moyens internes au service de la réalisation de cette trajectoire RH. La fonction de mise en
cohérence des systèmes d’information et de la trajectoire RH y est assurée par la DGNUM65 lors
d’un exercice annuel de prévision des besoins du ministère à horizon 6 ans.
Les grands groupes rencontrés par la mission ont adopté une organisation comparable, avec
un pilotage central de la cohérence des SI et de l’animation de leurs ressources humaines.
64Les compétences numériques y relèvent soit de la famille professionnelle SIC, pilotée par la DGNUM, soit de la
famille « systèmes de forces, systèmes d’armes et équipements » gérée par la DGA.
65 Pour mener à bien cette mission, le décret portant création de la DGNUM prévoit qu’elle « contribue à la gestion
prévisionnelle des ressources humaines conduite au niveau ministériel et relative aux compétences nécessaires à la mise
en œuvre du système d’information et de communication de la défense.. » L’action de la DGNUM en matière de RH est
ainsi étroitement liée à ses missions d’architecture générale des systèmes d’information, et de contrôle des schémas
directeurs, plans d’action et projets numériques conduits par les autres entités du ministère.
- 29 -
Rapport
Si un exercice aussi formalisé de GPEEC ne se justifie pas dans les autres ministères, aux
effectifs plus réduits, une meilleure anticipation des besoins généraux de l’État serait
nécessaire, au moins en ce qui concerne les métiers en tension, et à condition que l’exercice
soit mené par les services concernés au plus près de leurs besoins de terrain. Pour que ces
exercices prévisionnels RH soient homogènes entre eux et en phase avec les chantiers
numériques conduits par les ministères sous la supervision de la DINUM, celle-ci devra assurer
une fonction de « récapitulation » de la trajectoire interministérielle en glissement.
La mission propose que la DINUM rende un avis sur la cohérence entre les trajectoires
d’emploi, les crédits et les projets des ministères en matière de numérique lors de
l’exercice budgétaire annuel (proposition 5).
Cet avis permettra d’apporter un regard extérieur sur la pertinence des demandes des
ministères et leur adéquation avec leur stratégie de transformation numérique. Cette
compétence de la DINUM permettrait de plus de compléter et d’anticiper le contrôle a priori
des grands projets numériques, qui révèle parfois des difficultés RH de manière trop tardive.
Tableau 8 : Modalités d’obtention du premier emploi pour les jeunes ingénieurs en 2020
Modalité d’obtention du premier emploi Hommes Femmes
Stage de fin d’études 30,8 % 34,8 %
Réseaux sociaux professionnels (LinkedIn) 11,3 % 10,9 %
Site Internet spécialisé (APEC, Indeed, Welcome to the Jungle) 10,4 % 12,0 %
Apprentissage (embauche dans l’entreprise d’accueil) 9,2 % 7,2 %
Relations personnelles 8,7 % 6,1 %
Candidature spontanée 6,3 % 6,0 %
Site Internet d’entreprise 5,8 % 6,2 %
Chasseur de tête 4,2 % 2,8 %
Réseau des anciens élèves 3,0 % 3,0 %
Source : enquête annuelle 2021 « L’insertion des diplômés des grandes écoles » de la Conférence des grandes écoles.
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Rapport
Un premier axe important de progrès identifié par la mission est de travailler à la marque
employeur auprès des jeunes, et ce alors que ces derniers sont encore en formation.
Cette marque employeur ne peut être celle de l’« État employeur dans le numérique », car elle
est trop générique et par suite désincarnée. Elle doit correspondre soit aux politiques
publiques (santé, environnement, lutte contre les infractions, renseignement, etc.) soit aux
spécialités métier (data scientist, expert cyber, architecte, etc.). La mise en avant des « success
stories » du numérique de l’État a été identifiée comme un facteur clef lors des ateliers
participatifs.
Pourtant, les écoles et formations interrogées n’ont aujourd’hui que peu de relations
construites dans la durée avec les différents employeurs de l’État, à l’exception des écoles
publiques formant des ingénieurs-élèves. En conséquence, les personnels des autres écoles
ainsi que les étudiants ne connaissent pas les opportunités que le secteur public peut offrir. Or,
ces écoles sont demandeuses de tels rapprochements qui ouvrent des perspectives nouvelles
pour les étudiants. Plusieurs exceptions méritent toutefois d’être notées : les écoles ont
globalement souligné une forte présence du ministère des armées (notamment la DGSE), de
l’ANSSI et du ministère de l’intérieur (dont notamment la gendarmerie nationale et la DGSI).
Plusieurs modalités de partenariats doivent être développées entre les administrations
et les écoles et universités (proposition 6).
Il convient de cibler quelques écoles ou formations66 et d’avoir des relations suivies avec elles.
Ces actions de partenariat peuvent être synthétisées comme suit, par intensité croissante :
participer aux forums des emplois des écoles et organiser des événements
ponctuels de présentation des métiers du secteur public permettrait de montrer la
diversité des missions proposées par les ministères. Les écoles ont insisté sur la
nécessité d’une présence d’agents en poste dans l’administration plutôt que celle
d’agents RH qui n’ont pas le même degré de connaissance technique des missions ;
assurer une présence et une visibilité de l’État dans les événements qui rassemblent
les communautés techniques et notamment les étudiants, que ce soient les grands
hackathons, les conférences de développeurs ou encore les événements annuels
thématiques du domaine du numérique (open source, cyber, start-up, etc.) ;
proposer des stages et des contrats en alternance, voire des doctorats. Ces points
font l’objet plus loin d’un approfondissement ;
participer directement à des modules de cours, afin de donner à voir aux étudiants le
type de mission que propose l’État. L’exemple de la participation de l’AP-HP à la majeure
numérique et santé de l’école privée EPITA est illustratif.
Ces actions seront coordonnées par les pôles RH dédiés au numérique (introduits ci-dessus en
proposition n°4).
L’apprentissage constitue une opportunité forte d’attraction des jeunes vers les métiers du
numérique public, 41% des ingénieurs ayant réalisé un apprentissage restant ensuite au sein
de la structure qui les a accueillis67.
66 Certaines formations, telles des masters, sont portées par plusieurs établissements. Un exemple en est le master
MVA (machine, vision, automation).
67 Selon l’enquête annuelle 2021 « L’insertion des diplômés des grandes écoles » de la Conférence des grandes
écoles.
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Rapport
La mission a constaté une forte hétérogénéité dans le recours des administrations au contrat
d’apprentissage. Elle a recensé 557 apprentis au ministère des armées (1,9% des ETP du
ministère dans le numérique) et 296 apprentis dans les ministères civils (1,4%). Un extrait des
chiffres obtenus lors du recensement sont présentés dans le tableau en annexe 3, montrant une
forte disparité entre administrations.
Un objectif interministériel pourrait être de fixer à 3 % au minimum la part des
apprentis par rapport au nombre d’agents dans le numérique dans les ministères
(proposition 7.a).
Cela représente un objectif interministériel d’environ 600 apprentis dans les ministères civils,
soit environ 300 alternants de plus qu’à l’heure actuelle. Pour assurer cette montée en
puissance, les enjeux pour les administrations sont de plusieurs natures. Tout d’abord, les
apprentis ne sont plus décomptés depuis 2022 du plafond d’emploi de l’administration qui les
emploie68. Leur rémunération est imputée sur le titre 2. Si les administrations ne font pas état
d’une pression importante à la hausse sur le niveau de rémunération des apprentis, celles-ci
soulignent les frais importants de formation pris en charge par l’administration,
singulièrement lorsqu’il s’agit de centres de formation privés. Afin de limiter l’inflation en la
matière, la DGAFP a établi en 2021 une grille de référence des coûts de formation pour
l’apprentissage dans la fonction publique d’État69, négociée avec France compétences, qui sera
actualisée en 2023. Certaines administrations auditionnées ont pointé le fait que ces frais
venaient s’imputer sur leurs budgets de formation des agents, ce qui n’est pas une
pratique de nature à encourager le développement de l’apprentissage.
Par ailleurs, un écueil largement mentionné par les administrations pratiquant l’apprentissage
est la difficulté à embaucher les apprentis qu’elles veulent conserver, notamment car elles ne
peuvent réaliser des promesses d’embauches. Si l’option consistant à orienter les apprentis
vers les concours de la fonction publique ne semble pas être la plus prometteuse compte tenu
de la faible appétence des experts du numérique pour ces processus de concours (sauf
éventuellement s’agissant des concours sur titres), le développement d’un processus plus clair
pour faire en sorte que l’administration puisse leur proposer un poste d’agent contractuel est
une piste intéressante. A ce titre, la DGAFP a souligné que le principe d’égal accès aux emplois
publics nécessitait que l’ouverture d’un poste fasse l’objet d’une publication et d’un processus
de recrutement ouvert aux fonctionnaires et aux contractuels, qui toutefois permet de recruter
l’apprenti si ce dernier s’avère être le candidat sélectionné aux termes d’un processus
satisfaisant les règles d’embauche dans la fonction publique.
La mission propose que la DGAFP établisse un vade-mecum détaillant notamment le
rétroplanning concernant l’ouverture du poste pour que l’apprenti puisse candidater et,
le cas échéant, être sélectionné afin d’avoir une proposition d’embauche ferme de
l’administration au moins 6 mois avant le terme de son apprentissage (proposition 7.b).
La mission a constaté au gré des auditions que le recours aux stagiaires dans le domaine du
numérique est très rare au sein de l’État. Pourtant, le stage de fin d’étude est la première
modalité qui amène les jeunes ingénieurs vers leur premier emploi, comme le montre
le tableau 8. Par ailleurs, les stages de fin d’étude sont longs (jusqu’à 6 mois au
maximum), ce qui permet à l’étudiant de réaliser un travail valorisable pour son
administration d’accueil.
69 Source : https://www.pass.fonction-publique.gouv.fr/ressource/grilles-de-reference-des-couts-de-formation-
de-lapprentissage-dans-la-fonction-publique
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Rapport
Les contraintes administratives pour le recrutement de stagiaire sont faibles. En effet, l’emploi
par les administrations de stagiaires n’est pas décompté de leur plafond d’emploi et la
gratification de ceux-ci est imputée sur le titre 3 de l’administration qui les accueille.
Pour être attractifs auprès des jeunes, deux points restent toutefois à améliorer. Tout d’abord,
les administrations doivent définir des stages intéressants, donnant un sens à la mission
proposée et en assurer la publicité active auprès des écoles et formations.
La mission propose de fixer le même objectif interministériel minimal que pour les
apprentis, à savoir un nombre de stagiaires égal à 3 % des effectifs numériques dans les
ministères (proposition 8.a).
Ensuite, les administrations doivent rémunérer les stages au niveau du marché. Une
difficulté de nature réglementaire subsiste de ce point de vue : le code de l’éducation (article
D124-8) limite la gratification des stagiaires au sein des organismes publics au minimum légal,
c’est-à-dire 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale soit 3,90 euros bruts par heure en
2022. Ainsi, un stagiaire au sein d’une administration publique qui travaille sept heures par
jour perçoit en 2022 une gratification comprise entre 546 et 627,90 euros brut pour un mois
complet de stage. Une telle gratification est significativement inférieure aux pratiques du
marché. Une école d’ingénieurs dans l’informatique a souligné que la gratification moyenne de
ses étudiants en stage s’élevait à 1 589 euros bruts par mois. Une étude par la mission des 739
offres de stage de la plateforme Jobteaser en ligne le 6 octobre 2022 dans la catégorie « IT et
digital » montre une gratification moyenne proposée de 1 280 euros brut mensuels.
En conséquence, la mission propose de déplafonner les gratifications de stage dans la
fonction publique (proposition 8.b).
Pour attirer des jeunes dans les métiers du numérique public, l’État pourrait mettre en place
un système consistant à présélectionner des candidats durant leur formation et à leur proposer
une rémunération pendant cette période en échange d’un engagement à servir.
Pour ce faire, la solution habituelle consiste à développer les voies d’accès à la fonction
publique via les filières d’élèves-ingénieurs recrutés à l’entrée des écoles sélectives recrutant
sur concours. C’est par exemple le cas des élèves-ingénieurs du corps de l’industrie et des
mines qui sont recrutés au concours d’entrée à l’IMT Nord Europe. Ces élèves sont rémunérés
durant leur scolarité en échange d’un engagement à servir de 8 ans à partir de leur
titularisation. Le volume d’élèves ingénieurs ainsi recrutés dans les corps numériques
interministériels gagnerait à être augmenté. Ce point sera développé plus bas.
Au vu de la faible appétence des jeunes dans le numérique pour le statut de fonctionnaire qu’ils
perçoivent parfois comme une forme d’enfermement professionnel, la mission propose qu’un
dispositif similaire soit expérimenté pour des parcours d’agents contractuels.
Le ministère des armées développe des modalités qui s’y apparentent : par exemple, il a
introduit un « parcours armée de terre-défense » dans une formation civile de BTS en systèmes
numériques à Aix-en-Provence. Les élèves qui s’inscrivent dans ce parcours signent un
« contrat d’éducation » par lequel ils déclarent leur intention d’intégrer une école de formation
de sous-officiers après l’obtention de leur BTS, et de servir pendant une durée minimale. Ils
bénéficient alors d’une solde et de l’internat pendant leur formation au titre de l’aide au
recrutement des sous-officiers du ministère des armées70. Ils devront rembourser ces frais s’ils
ne respectent pas leur engagement. Le directeur des ressources humaines de l’armée de terre
souhaite développer ces modalités de présélection de candidats alors qu’ils sont en formation.
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Rapport
A l’écoute des responsables auditionnés par la mission et des agents réunis à l’occasion lors
des ateliers participatifs, les trois principaux facteurs qui limitent la possibilité pour les agents
contractuels d’effectuer un parcours de plus de quelques années au sein de l’État se ramènent
à trois difficultés :
une absence de visibilité sur les mobilités possibles ;
la difficulté de progresser sans sortir de la filière ou sans devoir assumer des
responsabilités d’encadrement qui éloignent du contenu technique ;
une faible évolution des rémunérations.
La proposition n°3 de mise à jour du référentiel interministériel visant à répondre à la
troisième difficulté, il est primordial de pouvoir répondre efficacement aux deux premières72.
C’est sur elles, d’ailleurs, que l’État est le plus attendu de la part de ses agents, le différentiel de
rémunération avec le privé, surtout pour les métiers les plus rares et les plus recherchés, étant
une donnée admise. En plus des propositions favorisant les parcours dans la filière numérique,
il est indispensable de renforcer l’ossature d’agents de niveau A et A+ titulaires dont la vocation
est d’assurer une stabilité et une capitalisation des compétences dans la durée.
Les agents ne savent pas quels sont les postes auxquels ils pourraient accéder à la suite du
poste qu’ils occupent. De leur côté, les responsables affirment aussi qu’ils ont une faible
connaissance des postes ouverts ou susceptibles de l’être hors de leur service, et auxquels
pourraient prétendre les agents compte tenu de leurs profils et de leur expérience.
71 Une option alternative moins ambitieuse consisterait à proposer une rémunération nettement moins élevée,
éventuellement seulement sur la ou les dernières années d’école et sans obligation de rejoindre l’administration
comme agent contractuel, mais avec obligation de stage dans l’administration concernée. Cela permettrait de
constituer un flux entrant et établir des liens avec ces élèves.
72 Difficultés qui se situent au-delà des « irritants » du quotidien identifiés par les agents interrogés, qui constituent
plutôt des facteurs de baisse de motivation et d’efficacité que des causes immédiates de départ.
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Rapport
Cette faible visibilité sur les opportunités de mobilité réduit la capacité de l’État à fidéliser ses
meilleurs éléments, au moins pour les contractuels. Il perd ainsi le bénéfice de la capitalisation
des compétences et aussi de leur connaissance du monde administratif, longue à acquérir. Pour
les titulaires, l’enrichissement et le maintien des compétences, dans des métiers en constante
évolution, doit être stimulé par le renouvellement des situations et des communautés de
travail. Pour les deux populations la situation est un frein à la motivation.
Une médiation humaine peut réaliser un service efficace de mise en relation entre les offres de
compétences et les demandes de mobilité tenant compte des attentes des uns et des besoins
des autres. Elle doit intégrer les logiques de spécialité des différentes familles de métiers du
numérique, les parcours possibles au sein de ces spécialités et les contraintes liées aux
prérequis de maîtrise des compétences complémentaires à la jonction entre le numérique et
les métiers concernés.
En ce qui concerne les contractuels, la mission propose que des postes de conseillers
mobilité-carrière soient créés au sein des pôles RH ministériels dédiés au numérique
(proposition 10).
Afin de pouvoir effectuer un suivi individualisé de chaque agent contractuel, un portefeuille de
300 agents contractuels par conseiller est le bon ordre de grandeur. Ces conseillers présentant
un profil spécialisé dans la GRH des compétences des métiers du numérique, prendront
l’initiative d’un rendez-vous tous les deux ans minimum avec chacun des agents contractuels
de leur portefeuille. Ils pourront être sollicités par les agents titulaires s’ils le souhaitent. Pour
ces agents titulaires, la mission constate un besoin particulier d’accompagnement s’agissant
des corps interministériels, ce qui sera traité par la suite.
Les mobilités doivent pouvoir être effectuées au niveau interministériel. L’animation de la
communauté des conseillers mobilité-carrière sera donc effectuée par la DINUM. Celle-ci devra
s’assurer de la remontée effective et de la mise en commun des demandes et des besoins de
chaque ministère. Elle sera responsable de la progression des mobilités entre ministères,
actuellement insuffisante. La DINUM veillera, en outre, à associer les opérateurs et autorités
indépendantes volontaires.
Les progressions au sein des spécialités du numérique ne sont pas organisées. La plupart du
temps, il n’est possible de progresser qu’en assumant des responsabilités managériales. Pour
les contractuels, c’est encore plus difficile : l’expression « plafond de verre » a été employée. Or
les plus compétents techniquement ne sont pas toujours les plus volontaires pour prendre des
responsabilités d’encadrement. Il est donc important de permettre des progressions pour les
profils experts, en complément des carrières traditionnelles.
La DINUM doit poursuivre et enrichir sa politique d’animation de communautés
numériques, structurées par spécialités. Certaines existent déjà, en matière de :
développement de services publics numériques (beta.gouv.fr)73 ;
science des données74 ;
73 La communauté beta.gouv.fr réunit les près de mille membres des start-up d’État incubées dans tous les
ministères. Elle organise très régulièrement des rassemblements pour que ses membres puissent présenter leurs
avancées et leurs difficultés. Elle s’est dotée d’outils et de procédures communs, ainsi que d’une bourse aux emplois.
74 Le département Etalab de la DINUM anime un réseau ouvert d’experts dans la communauté interministérielle. Il
organise régulièrement des évènements réunissant la communauté autour de présentation de projets intéressants.
Le département anime également le programme « Entrepreneur d’intérêt général » détaillé en annexe 3.
- 35 -
Rapport
Pour réduire le turnover et s’assurer d’une ossature d’agents effectuant une carrière au sein de
l’État, il est important de conserver une part de titulaires disposant des compétences
numériques requises. Les corps spécialisés de la fonction publique doivent continuer à
permettre à leurs membres d’occuper plusieurs postes dans le domaine au cours de leur
carrière, notamment pour les catégories A correspondant aux besoins les plus importants.
75 Le pôle « conseil et maîtrise des risques » de la DINUM assure une formation pour les 300 directeurs de projets,
en matière notamment de commande publique, de pilotage de prestataires et de tenue de planning. Des sessions de
formation sont organisées trois fois par an durant deux jours et des demi-journées thématiques deux fois par an.
76 Le pôle « design des services numériques » de la DINUM anime la communauté des 623 responsables des
principales démarches administratives en ligne, en proposant des événements réguliers, des formations ou des
outils. Une action particulière a été apportée sur les enjeux d’accessibilité numérique pour les personnes en
situation de handicap. Le pôle peut également accompagner les ministères qui souhaitent recruter.
77Le rapport de la commission Bassères relatif à la préfiguration de la DIESE avait détaillé les principes de ces
communautés interministérielles (Fiche 10 : « appui au développement de communautés de pratiques »).
78 Cette offre de service pourrait contenir par exemple : une bourse aux emplois interne à la communauté ; la
constitution d’une CVthèque rassemblant les candidats non reçus à un poste ; des événements réguliers pour
apprendre par les pairs et se rencontrer ; un annuaire interne et espace d’échanges collaboratifs ; des formations
proposées à l’interministériel ; des évaluations de pair à pair au sein de la communauté ; éventuellement, des
campagnes mutualisées de recrutement, à l’instar du dispositif des « Entrepreneurs d’intérêt général ».
79 Comme chez EDF par exemple : expert, confirmé, chef de file ou « fellow ». A ces cercles correspondent des
niveaux d’expérience croissants au sein du groupe et de maturité dans la maîtrise des technologies.
80 « Évaluation des besoins de l’État en compétences et expertises en matière de donnée », INSEE-DINUM, 2021.
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Rapport
En ce qui concerne les profils d’encadrement supérieur de l’État, aux compétences pointues en
début de carrière mais ayant vocation à assumer ensuite les responsabilités d’encadrement
élevées, la mission propose de renforcer les recrutements dans les grands corps
techniques de l’État. Ces mêmes corps doivent favoriser les parcours de carrière qui alternent
entre le domaine numérique et les autres métiers.
La mission propose de recruter et orienter vingt jeunes ingénieurs supplémentaires par
an dans le numérique, soit cinq agents additionnels par grand corps technique
(proposition 12.a).
La mission renvoie aux propositions du rapport Berger-Guillou-Lavenir pour ce qui touche à
l’animation et à la gestion de ces corps.
En ce qui concerne le principal besoin en effectifs, les fonctionnaires de catégorie A, il importe
d’abord de veiller à ce que les corps gérés par les différents ministères conservent une
attractivité suffisante. Au vu des résultats des dernières années présentés en partie 1.3, cela ne
paraît pas garanti. Le maintien de profils à compétence numérique dans ces corps dépendra,
d’une part, de la possibilité qui leur sera offerte de valoriser cette expertise, ce à quoi répond
notamment la proposition n°11, d’autre part, du maintien d’un niveau indemnitaire compétitif
sur les postes qu’ils occupent dans cette spécialité81. En ce qui concerne les corps de catégorie
A à vocation interministérielle, les propositions sont les suivantes.
Le corps des ingénieurs de l’industrie et des mines (IIM), dont la gestion est assurée par le
secrétariat général des ministères économiques et financiers, comprend 1 887 membres dont
la répartition démontre le caractère interministériel. Une intéressante expérimentation
d’admission sur titres de profils numériques est en cours depuis 2020. Elle a permis d’attirer
une dizaine de personnes par an, soit une trentaine au total, exerçant essentiellement des
métiers dans la gestion de projet numérique82.
En ce qui concerne le corps des IIM, il est proposé de pérenniser l’expérimentation et de
la renforcer en identifiant des spécialités correspondant aux principaux besoins des
employeurs de ces agents et en visant un flux d’admissions d’une vingtaine de personnes
par an (proposition 12.b).
Après échange avec les gestionnaires du concours sur titre, cet ordre de grandeur paraît
atteignable.
Pour les attachés statisticiens de l’INSEE, la mission se réfère au rapport INSEE-DINUM de
202183 qui estimait le besoin d’ici 2023 à une vingtaine de recrutements supplémentaires de
fonctionnaires depuis les deux écoles de formation de l’INSEE (ENSAE et ENSAI).
En prenant en compte l’augmentation proposée précédemment de cinq recrutements
par an au sein du corps des administrateurs de l’INSEE, la mission propose de garder un
objectif de quinze recrutements additionnels dans le corps des attachés de l’INSEE pour
alimenter les besoins en science des données des ministères (proposition 12.c).
Le corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication (ISIC) du
ministère de l’intérieur a vu sa vocation élargie à l’interministériel en 2015. Le succès de
cette extension est resté toutefois limité, puisque seuls 110 agents du corps sont employés à
l’extérieur du ministère de l’intérieur sur 717 dans le recensement effectué par la mission.
81 Un ingénieur des systèmes d’information et de communication débutant (au premier échelon du premier grade)
perçoit par exemple une rémunération annuelle d’environ 36 000 euros bruts, ce qui est inférieur de plus de 20 %
aux rémunérations évoquées dans le référentiel de rémunération de la DINUM pour des profils junior de
développeur, d’intégrateur logiciel, de data engineer ou encore d’administrateur télécom.
82Ces agents sont en majorité en poste dans les directions du ministère de l’économie et des finances, et, dans une
moindre mesure, au ministère de la transition écologique et à l’autorité de sûreté nucléaire.
83 « Évaluation des besoins de l’État en compétences et expertises en matière de donnée », INSEE-DINUM, 2021.
- 37 -
Rapport
Plus généralement, ce corps connaît une attractivité déclinante, et présente de plus une
pyramide des âges défavorable (51 ans d’âge moyen). Sa réputation souffre d’une mauvaise
image, pour les premières affectations hors du ministère de l’intérieur tout au moins, du fait
que les candidats choisissent leur poste en fonction de leur ordre de classement et sans réelle
adéquation avec les exigences de l’employeur, à la différence par exemple du corps des IIM où
une adéquation profil-poste est recherchée. Pour ces raisons, la mission considère qu’une
simple revalorisation de la grille indemnitaire des ISIC serait insuffisante pour enrayer la
désaffection du corps, alors que l’existence d’un corps interministériel d’agents spécialisés
dans le numérique constitue pour l’État un atout à valoriser.
La mission propose de transformer en profondeur le recrutement et la gestion du
corps des ISIC (proposition 12.d).
Trois principales évolutions sont préconisées :
privilégier une admission sur titres par entretiens : ceux-ci devront évaluer les
compétences des candidats dans les spécialités numériques recherchées par les
employeurs, regroupées en quelques grandes familles qui pourront être autant de
spécialités du corps (par exemple cybersécurité, développement, méthodes agiles,
etc.). Cette admission sur titres permettra notamment aux contractuels le souhaitant de
rejoindre un corps de fonctionnaire. L’absence d’écrit paraît préférable pour attirer les
profils désirés, ce qui n’exclut pas des mises en situation sur la maîtrise de
l’environnement administratif. Un accès direct pour des ingénieurs-élèves en formation
dans l’une des écoles de l’Institut Mines-Télécom doit également être envisagé. L’objectif
est d’atteindre rapidement une centaine d’entrées par an dans le corps ;
tenir compte des besoins du service employeur pour le premier poste, ce que
facilitera la spécialité du recrutement ;
charger la DINUM de la gestion de ce corps. C’est en effet à la DINUM, renforcée en
effectif dans ce but à hauteur d’environ 8 ETP, en tant que responsable interministériel
de la politique de ressources humaines du numérique, que revient ce rôle. Le corps
pourrait à cette occasion rebaptisé corps des « ingénieurs du numérique de l’État », ses
membres devenant « ingénieurs du numérique de l’État ». La grille indemnitaire sera
portée au même niveau que de celle des ingénieurs de l’industrie et des mines, reconnue
comme pertinente et attractive, et cette grille sera harmonisée à l’interministériel. Les
quelques 700 ingénieurs SIC actuels resteraient membres de ce corps avec sa nouvelle
appellation84. Le coût du rehaussement indemnitaire envisagé est d’une dizaine de
millions d’euros bruts en année pleine.
Tous les ministères rencontrés par la mission ont en commun certaines préoccupations dans
le domaine du numérique, en particulier en matière d’infrastructures. Ce « choc » identifie les
mutualisations interministérielles permettant de dégager des gains d’efficacité et financiers.
Plusieurs ministères, notamment parmi les plus petits employeurs, insistent auprès de la
mission sur le fait qu’ils consacrent une part importante de leurs ressources humaines
numériques à l’exploitation de leurs infrastructures (gestion des postes de travail, des logiciels
de bureautique, ou encore des infrastructures d’hébergement de leurs applications).
84Une option pourrait consister, pour les membres actuels demeurant employés au ministère de l’intérieur, de
continuer à être gérés par ce ministère jusqu’à leur départ, soit en mobilité soit à la retraite.
- 38 -
Rapport
L’ANSSI dresse le même constat et souligne que l’obsolescence de ces infrastructures entraîne
souvent les ministères dans le cercle vicieux de la dette technique : plus les infrastructures sont
anciennes, plus il est coûteux de les maintenir, moins on dispose de marges de manœuvre pour
lancer des chantiers de modernisation.
Une plus grande mutualisation interministérielle de la gestion de ces infrastructures
constituerait une avancée. Par exemple en matière de poste de travail, on constate que les coûts
par poste, incluant à la fois les dépenses imputées au titre 2 et hors titre 2, décroissent
globalement avec le volume de postes gérés85. On se propose de schématiser le système
d’information de l’État en trois couches en fonction du niveau de mutualisation envisageable.
Source : Mission.
- 39 -
Rapport
Le CGE et l’IGF ont déjà conjointement souligné l’opportunité budgétaire que représentent ces
chantiers de mutualisation et estimé les dépenses annuelles pouvant faire l’objet de
mutualisation interministérielle à environ 600 millions d’euros (hors titre 2). La rareté des
compétences numériques présentes dans chaque ministère pour maintenir des
infrastructures numériques et le besoin de préserver un niveau de qualité et de sécurité
sur la durée justifient cette mutualisation.
Cette logique de mutualisation se heurte à d’importants freins qui expliquent certainement le
retard de l’État. Aux difficultés de nature organisationnelle, liées à une gestion des budgets et
des emplois par ministère qui ne facilitent pas les transferts interministériels, s’ajoutent des
obstacles techniques89. Ces freins ne justifient néanmoins pas que l’État continue de retarder
les mutualisations utiles. Les auditions menées par la mission montrent qu’un tel chantier de
mutualisation nécessite une impulsion au plus haut niveau de l’organisation. Aussi, un portage
primo-ministériel s’impose, par exemple par circulaire, pour faire aboutir cette proposition.
La mission propose de confier au ministère de la transformation et de la fonction
publiques le mandat et les moyens, au sein de la DINUM, de piloter un chantier de
mutualisation des infrastructures numériques de l’État afin de mieux concentrer les
ressources humaines en la matière (proposition 13).
Un tel effort devra s’engager en premier lieu avec les ministères volontaires, plusieurs
ayant signalé leur intérêt en la matière. Une équipe d’environ cinq agents pourrait être chargée
du pilotage d’un tel chantier. Celle-ci devra proposer pour chaque brique numérique
mutualisée une trajectoire de ressources et formuler le cas échéant des demandes
additionnelles de moyens en fonction de cette trajectoire. Une incitation budgétaire à la
mutualisation pourrait être envisagée, par exemple sous la forme d’une prise en charge
interministérielle partielle des coûts de logiciels mutualisés. A terme, la création d’un
programme budgétaire dédié sera à étudier.
Au-delà de la mutualisation des infrastructures, les administrations ont souligné leur fort
intérêt pour une mutualisation de ressources humaines rares pour lesquelles elles ne
disposaient pas de besoins suffisants dans la durée pour constituer leur propre équipe. En la
matière, la DINUM a lancé plusieurs initiatives consistant à déployer certaines compétences
numériques rares en appui des projets des ministères :
les « commandos UX », inaugurés en 2020, consistent à déployer des experts en
expérience utilisateur (designer UX ou UI, développeur, experts en recherche utilisateur,
etc.) afin d’aider les ministères à améliorer l’ergonomie de leurs démarches
administratives, avec un accent sur l’accessibilité numérique pour les personnes en
situation de handicap. La première promotion comprenait 15 personnes.
L’expérimentation a été pérennisée à partir de mai 2021 au moyen de prestations
externes grâce au plan de relance ;
la « brigade d’intervention numérique », mise en place en 2022, est constituée d’une
équipe multidisciplinaire (développement, design, entreprenariat etc.) de 14 agents de
la DINUM pouvant être déployés sur des services publics numériques prioritaires pour
lesquels une capacité d’action très rapide est requise ;
89 Par exemple, on ne peut pas changer aisément les caractéristiques du poste des agents car les applications
métiers historiques ont une dépendance forte avec le poste. Les applications fonctionnant en « client lourd »
réalisent de nombreuses tâches informatiques directement sur le poste de l’agent. Il y a donc une adhérence entre
les technologies disponibles sur le poste et les applications client lourd. De nombreuses applications historiques
fonctionnent de cette manière, au moins partiellement. Les applications plus modernes, en « client léger », réalisent
les tâches du côté du serveur informatique et ont donc peu d’adhérence informatique avec le poste de l’agent.
- 40 -
Rapport
les « squads cloud »mis en place en 2021 (constitués de 8 experts dont 5 prestataires),
accompagnent les ministères dans leurs projets qui nécessitent une connaissance fine de
cette modalité d’hébergement nouvelle pour un certain nombre d’administrations.
Ce modèle d’appui interministériel est plébiscité par les ministères qui bénéficient ainsi d’une
expertise temporaire sans avoir besoin de faire appel à des prestations externalisées,
coûteuses pour des courtes opérations et difficiles à acheter compte tenu de leur faible
expertise dans le domaine concerné. Le système actuel présente cependant des limites :
les administrations n’ont pas toujours connaissance des dispositifs d’aide dont elles
peuvent bénéficier de la part de la DINUM ;
ces dispositifs restent aujourd’hui de taille modeste par rapport aux demandes des
ministères en compétences pointues dont ils ne peuvent se doter seuls. En matière de
cloud par exemple, plusieurs administrations ont des besoins d’accompagnement
portant sur une plus longue durée ;
seules trois compétences sont représentées à ce stade avec ces dispositifs, alors que de
nombreux ministères font l’objet de demandes similaires en architecture, data science
ou encore l’assistance à la mise en place d’un programme numérique.
Le succès de ces initiatives justifie que le dispositif d’appui interministériel sur les
compétences rares proposé par la DINUM soit maintenu et élargi a minima aux
compétences d’architecture numérique, de science des données et de direction de
programme (proposition 14).
Compte tenu de cet élargissement, l’effectif à prévoir correspond à environ 20 ETP
additionnels, au-delà de la pérennisation des équipes en place, afin de porter la dimension du
dispositif à une quarantaine d’agents en interne à la DINUM. Cette équipe pourrait par ailleurs
devenir un vivier de talents pour irriguer ensuite les équipes numériques des administrations.
Face aux enjeux importants de montée en compétence des agents sur les nouvelles
technologies ou les nouvelles méthodes du numérique (cloud, DevOps, enjeux cyber, etc.),
plusieurs ministères manifestent un intérêt pour une mutualisation de la capacité d’ingénierie
de formation. A ce titre, les formations offertes par l’ANSSI aux organismes publics en matière
cyber, détaillées en annexe 3, ont été citées plusieurs fois comme exemple.
L’enjeu de la mutualisation des formations était déjà identifié dans le plan d’actions pour la
filière numérique de 2019. Un marché interministériel de formation aux compétences
numériques a été notifié par le ministère des armées en 2020 au bénéfice de la communauté
interministérielle90. Le bilan des formations effectuées via ce marché permet d’estimer
qu’environ un tiers des agents du ministère des armées exerçant dans le numérique a bénéficié
d’une formation en deux ans. Le taux est comparable pour les ministères hors armées inclus
dans l’accord-cadre.
On ne peut qu’encourager les ministères à développer la formation continue de leurs agents au
vu de la vitesse à laquelle évoluent les technologies et les pratiques, en favorisant les
formations certifiantes. Si l’on prend pour référence une durée de formation d’environ une
semaine, pour un coût au maximum de 1 000 € par formation, le coût global à raison d’une
formation certifiante par agent tous les deux ans est d’environ dix millions d’euros par an pour
les ministères hors ministère des armées.
90Le ministère de l’économie et des finances, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et le ministère
de la justice ne se sont pas rattachés à cet accord-cadre.
- 41 -
Rapport
Plusieurs entreprises ont par ailleurs mentionné la mise en place de plans de formations
destinés à la reconversion vers le numérique d’employés travaillant dans d’autres domaines91.
Le dispositif pourrait être lancé à titre expérimental avec quelques dizaines d’agents en
partenariat avec une école de formation spécialisée92. Une telle initiative pourrait par ailleurs
contribuer à renforcer la féminisation de la filière numérique.
Enfin, les fonctions plus éloignées des métiers traditionnels de l’informatique mais pourtant
essentielles pour la transformation numérique de l’État, par exemple en matière d’achats ou
d’expertise juridique dans le numérique, pourraient bénéficier d’une mutualisation
interministérielle de parcours de formation, compte tenu les faibles volumes d’agents
concernés.
Comme l’a montré la comparaison avec les acteurs privés, l’État doit moderniser son
organisation du travail. C’est l’objet de ce cinquième choc, un choc culturel, que ce soit au
niveau des outils ou des modes de travail.
91 C’est notamment le cas du groupe SNCF qui assure en deux ans la reconversion de 300 collaborateurs provenant
de diverses branches d’activités de l’entreprise (agents d’accueil, comptables, conducteurs de train, etc.) vers les
métiers du développement informatique. Le groupe organise ces formations par promotions de 16. Ces dernières
suivent une formation de 9 mois dans une école partenaire, puis réalisent 3 mois de stage avant de retourner en
poste comme développeurs. Le groupe a reçu plus de 800 candidatures internes pour ces 300 postes offerts. Un
dispositif de nature comparable est expérimenté par le groupe La Poste.
92A ce titre, l’État pourrait s’appuyer sur le tissu des écoles d’ingénieurs publiques à forte composante numérique
ayant une activité de formation continue telles que celles de l’Institut Mines Telecom.
- 42 -
Rapport
Les ateliers participatifs ont révélé que les agents se plaignent fortement de leur équipements
et logiciels de travail au sein de l’Etat. La comparaison avec le privé apparaît défavorable à
l’État, certaines sociétés privées donnant même à leurs employés la possibilité de choisir leur
équipement numérique. La mission observe une forte hétérogénéité selon les administrations :
les plus en pointe dépassent ces difficultés et offrent un environnement de travail de bonne
qualité au prix parfois d’entorses aux directives directionnelles ou ministérielles sur les outils
numériques. Les difficultés mentionnées résultent de plusieurs contraintes.
Les contraintes budgétaires limitent l’acquisition d’équipements ou de logiciels
d’environnement de travail. Pourtant les coûts correspondants sont très faibles par rapport à
la rémunération des agents, et surtout aux moyens nécessaires pour attirer des experts sans
leur proposer des outils de travail de qualité. Compte tenu des coûts bureautiques des
ministères en 2022 présentés en annexe 3, une hypothèse maximaliste consisterait à chiffrer
comme coûts supplémentaires maximum une dépense annuelle de 500 euros par agent.
Des contraintes liées aux règles de la commande publique sont parfois mentionnées par
les agents. L’examen des marchés interministériels existants ne montre toutefois pas de
difficulté majeure :
pour les équipements, le marché interministériel ODICÉ (« OrDInateur Commandé par
l'État ») porté par l’UGAP au bénéficie de tous les ministères à l’exception du ministère
des armées permet d’acheter des équipements qui couvrent la plupart des besoins y
compris des spécialistes numériques. Pour les besoins très spécifiques dans certains
métiers, notamment pour les data scientists, un système de dérogation permet aux
ministères d’acheter des équipements non disponibles dans le marché ODICÉ ;
pour les logiciels, la stratégie interministérielle portée par la DAE prévoit des
négociations interministérielles pour les principaux fournisseurs de l’État. Au-delà, les
ministères passent des marchés pour leurs besoins récurrents. Pour les besoins
ponctuels ou mineurs, le marché multi-éditeur porté par l’UGAP permet d’accéder à un
catalogue de plus de 3 000 éditeurs de logiciel. Certains agents ont souligné la lenteur et
la complexité du processus de commande dans ce marché, compte tenu du fait qu’il y a
deux intermédiaires entre l’acheteur et le vendeur (l’UGAP et le titulaire du marché). Ce
marché devant faire l’objet d’un renouvellement prochain, la DAE devra être attentive à
la réduction de ces frictions. Pour les logiciels qui ne figurent pas au sein de ce catalogue,
les ministères peuvent passer un marché sans publicité ni mise en concurrence
préalables lorsque leur besoin est inférieur à 40 000 euros93. Une des solutions mises en
place dans certaines administrations, qui gagnerait à être généralisée, est l’usage des
cartes achat pour les achats de faible montant94.
Enfin, des contraintes de sécurité peuvent parfois expliquer les difficultés vécues par les
agents. La fluidité des échanges entre les agents du numérique et les équipes de cybersécurité
des ministères permet souvent de surmonter les difficultés en la matière. Parmi les pratiques
observées, certaines administrations confient deux postes de travail à leurs agents, un premier
ayant accès au réseau sécurisé du ministère et étant soumis à des contraintes de sécurité fortes
(proxy limitant les accès à certaines ressources sur Internet, compte non administrateur pour
les agents, etc.) et un second n’ayant pas accès à ce réseau mais laissant l’agent très libre de ses
actions. De surcroit, les règles d’usage du cloud95 dans les administrations limitent les
possibilités d’usage de solutions numériques soumises à des risques d’extraterritorialité.
94 Elles permettent notamment d’acheter les logiciels non référencés vendus sous forme de services (« Software as
a Service »).
95 Circulaire du 5 juillet 2021 relative à la doctrine d’utilisation de l’informatique en nuage par l’État.
- 43 -
Rapport
96L’étude annuelle nationale des rémunérations du cabinet Hays fait état d’une différence de 10% à 15% entre les
rémunérations dans Paris et hors de Paris pour le numérique. L’étude du cabinet Michael Page souligne quant à elle
des différences de rémunérations qui peuvent varier entre 0% et 20% entre la région parisienne et les territoires.
97 Décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans
la fonction publique et la magistrature.
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Rapport
L’action du programme beta.gouv.fr incubant les « Start-up d’Etat » qui développent de nouveaux
services publics numériques en s’appuyant sur les méthodes de fonctionnement des start-up repose sur
un manifeste dont le troisième pilier est le suivant :
« Le mode de gestion de l’équipe repose sur la confiance. Une fois son objectif fixé, une autonomie la plus
large possible lui est accordée : l’équipe a toute latitude pour prendre les décisions nécessaires au succès du
service ; elle a la main sur les décisions opérationnelles (recrutement, communication, organisation interne,
gestion du budget alloué). Les commanditaires veillent à imposer le minimum des contraintes inhérentes à
la structure (comitologie, reporting, communication, achat, standard technologique) afin de garantir à
l’équipe un espace de liberté pour innover. En contrepartie de cette autonomie, l’équipe assure une
transparence la plus large possible sur son travail (code source ouvert, mesure de l’impact publique, budget
ouvert, démonstrations fréquentes, documentation facilement accessible). »
Source : beta.gouv.fr.
Tous les participants aux ateliers consultatifs ont souligné les difficultés qu’ils rencontraient
dans leurs efforts de transformation numérique auprès d’administrations peu sensibilisées au
caractère stratégique de cette transition.
Les auditions ont permis de mettre en évidence un cycle de maturité de la transformation
numérique qui peut être synthétisé en trois principales étapes, chacune d’entre elle
correspondant à une répartition différente des compétences entre les directions du numérique
et les directions « métiers » :
1. Stade initial (expérimentations locales) : les ministères les moins matures en
matière de transformation numérique privilégient des preuves de concept pilotées
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Rapport
localement, en règle générale portées par des agents volontaires ayant une fibre
entrepreneuriale. Ces projets pilotes suivent une logique opportuniste plutôt qu’une
stratégie. A ce stade précoce de la transformation numérique, l’enjeu est d’identifier ces
agents et de leur confier les moyens et la liberté nécessaires. Parallèlement, des grands
programmes informatiques sont conduits dans une logique de dématérialisation,
souvent portés directement par les directions d’administration centrale et selon des
cycles en V avec une externalisation importante de la maîtrise d’œuvre voire parfois
d’une partie de la maîtrise d’ouvrage. En dehors de ces grands programmes, les
directions du numérique de ces ministères consacrent une part prépondérante de leurs
ressources à la maintenance de leurs infrastructures et logiciels existants. Les
ministères de la justice ou de l’agriculture sont parvenus à ce stade ;
2. Stade intermédiaire (centralisation de la transformation numérique) : une fois
que ces expérimentations ont prouvé la pertinence de s’engager dans une stratégie de
transformation numérique plus ambitieuse ou par volonté expresse, les efforts de
transformation sont centralisés au sein d’une équipe transverse – souvent la direction
(ou le service) du numérique, ou une direction ad hoc. Cette équipe industrialise et
pilote la réalisation des projets. Elle est chargée d’établir une stratégie globale pour la
transformation numérique du ministère (ou de la direction). Elle se heurte toutefois
aux difficultés de la conduite du changement et à la faible maturité du reste du
ministère. Le ministère de la santé et de la prévention avec la délégation ministérielle
au numérique en santé, le ministère de la culture ou encore la direction générale des
infrastructures, des transports et des mobilités correspondent à ce stade du cycle ;
3. Stade avancé (intégration des enjeux numériques dans les priorités de chaque
service) : les organisations les plus matures parviennent à intégrer la dimension
numérique dans la feuille de route de chacune de leurs politiques publiques. Un
équilibre est trouvé entre l’équipe centrale chargée du numérique et les équipes
conduisant les politiques publiques : les équipes numériques fournissent les
compétences pointues (architecture informatique, design, coaching, science de
données, accompagnement à la gestion de produit) tandis que le pilotage des initiatives
numériques est assuré directement par les équipes « métiers ». Parmi les
administrations les plus matures à l’échelle interministérielle figurent la direction
générale de la gendarmerie nationale, la direction générale des finances publiques ou
encore la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature.
La création des directions du numérique en 2019 témoigne d’une volonté interministérielle
d’engager les ministères vers la seconde étape décrite ci-dessus. Toutefois, certains ministères
en sont au premier stade du cycle. Dans de nombreux cas, le directeur du numérique n’est pas
présent au comité de direction du ministère, tandis que les grands groupes privés ont placé
depuis longtemps un représentant des fonctions numériques au sein de leur comité exécutif.
L’accélération du processus de maturité qui conduit d’un stade à un autre n’est possible qu’au
prix d’un progrès dans l’acculturation de l’encadrement supérieur de l’État en la matière.
La mission estime que la formation de l’ensemble des cadres supérieurs aux enjeux de
la transformation numérique est une condition indispensable pour que l’État s’assure
de sa souveraineté numérique et de la maîtrise de son avenir (proposition 18).
Ces connaissances pourraient être développées au moment du recrutement et au cours de la
carrière, au même titre par exemple que les compétences juridiques qui sont d’ores et déjà
considérées comme indispensables au pilotage des politiques publiques. A court terme, un
effort de formation des 25 000 cadres supérieurs de l’État pourrait être engagé, à l’instar du
travail en cours en matière de transition écologique qui représente environ quatre jours par
cadre. Cette opération pourrait être réalisée en 2024.
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Rapport
CONCLUSION
L’État va faire face au cours des cinq prochaines années à un défi d’une ampleur inégalée dans
sa politique de ressources humaines dans le domaine du numérique. Trois effets
s’additionnent : une dynamique de réinternalisation à engager, d’importants départs à la
retraite et la croissance du turnover. Le renforcement et le renouvellement des effectifs
constituent autant un défi qu’une opportunité, tant les besoins de l’État en compétences
numériques évoluent avec l’émergence de méthodes de travail et de technologies nouvelles.
L’État ne dispose pas à ce jour de tous les moyens nécessaires pour faire face à ce défi : trop
souvent, son image est désuète et peu attractive ; il ne s’est pas mis en capacité de recruter et
de gérer de manière satisfaisante les carrières des nombreux agents contractuels du
numérique ; il reste en fort décalage avec le marché sur des enjeux primordiaux comme
l’équipement de travail ou la rémunération.
Donner une impulsion nouvelle à la stratégie de ressources humaines de l’État dans le
numérique est nécessaire afin d’en faire un employeur attractif qui sait capitaliser sur l’intérêt
et la diversité des missions qu’il peut offrir pour attirer et fidéliser les talents dont il a besoin.
Pour concrétiser ces orientations, il convient de confier à la direction interministérielle du
numérique un rôle de direction des ressources humaines interministérielle dans le domaine,
en lien avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique, et, s’agissant
de l’encadrement supérieur, avec la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de
l’État. La DINUM pourra s’appuyer sur la gouvernance déjà existante du numérique de l’État,
réunissant de manière régulière les directeurs du numériques et les SG des ministères, pour
la mise en œuvre du plan proposé par la mission.
Pour conclure, la mission souligne qu’il est indispensable de ne pas limiter l’action en matière
de ressources humaines à la seule filière numérique. La formation de l’ensemble des cadres
supérieurs aux enjeux de la transformation numérique est une condition indispensable pour
permettre la transformation numérique de l’État.
- 47 -
Rapport
Les me mb r es d e l a m i ss io n
Ma x e nc e L a n gl o is - B e r t hel ot
Mich el S ch mi tt
M a xi m e F o r es t An to i n e Mich o n
So us l a s up e rv is io n d e l ’i ns p ect e u r
g én é ra l d e s fi na nc es ,
J ea n- F ra n ç o is V e rd i e r
Quentin Bollliet
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ANNEXES
LISTE DES ANNEXES
Lettre de mission
Annexe I 1
-1-
2 Annexe I
-2-
Annexe I 3
-3-
ANNEXE II
2. MINISTÈRES .................................................................................................................................1
2.1. Services de la Première ministre ...............................................................................................1
2.1.1. Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).......... 1
2.1.2. Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE) 2
2.1.3. Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) .................................................... 2
2.2. Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique ...........................................................................................................................................2
2.2.1. Secrétariat général des ministères économiques et financiers .......................... 2
2.2.2. Direction générale des finances publiques (DGFiP) ................................................ 3
2.2.3. Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF)..................................................................................... 3
2.2.4. Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) .............................. 3
2.2.5. Direction générale des entreprises (DGE) .................................................................... 3
2.2.6. Direction des achats de l’État (DAE) .............................................................................. 3
2.2.7. Direction du budget (DB)..................................................................................................... 3
2.2.8. Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) .......... 3
2.2.9. Pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN) ........................................... 4
2.2.10. Inspection générale des finances (IGF).......................................................................... 4
2.3. Ministère de la transformation et de la fonction publiques ...........................................4
2.3.1. Direction interministérielle du numérique (DINUM) ............................................. 4
2.3.2. Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ................ 4
2.3.3. Direction générale de l'administration et de la fonction publique
(DGAFP) ....................................................................................................................................... 4
2.4. Ministère des armées .....................................................................................................................4
2.4.1. Direction générale du numérique et des systèmes d'information et de
communication (DGNUM) ................................................................................................... 4
2.4.2. Direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD).... 5
2.4.3. Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes
d’information (DIRISI) .......................................................................................................... 5
2.4.4. État-major des armées .......................................................................................................... 5
2.4.5. Direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRHAT) ................... 5
2.4.6. Commandement de la cyberdéfense (COMCYBER) .................................................. 5
2.4.7. Commandement des systèmes d’information et de communication
(COMSIC) ..................................................................................................................................... 5
2.4.8. Direction générale de l’armement (DGA) ..................................................................... 5
2.4.9. Direction générale de l’armement – maîtrise de l’information (DGA-MI) .... 6
2.4.10. Conseil général de l’armement (CGArm) ...................................................................... 6
2.5. Ministère de l’intérieur et des outre-mer...............................................................................6
2.5.1. Secrétariat général du ministère de l'intérieur et des outre-mer ..................... 6
2.5.2. Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) .................................... 6
2.5.3. Direction des ressources et des compétences de la police nationale
(DRCPN) ....................................................................................................................................... 6
2.5.4. Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ................................................ 6
2.5.5. Direction générale des étrangers en France ............................................................... 6
2.5.6. Service de contrôle budgétaire et comptable ministériel ..................................... 7
2.6. Ministères écologiques (ministère de la transition écologique et de la cohésion
des territoires et ministère de la transition énergétique) ..............................................7
2.6.1. Secrétariat général des ministères écologiques ........................................................ 7
2.6.2. Direction générale de l'aviation civile (DGAC) .......................................................... 7
2.6.3. Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature
(DGALN) ....................................................................................................................................... 7
2.6.4. Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités
(DGITM) ....................................................................................................................................... 7
2.6.5. Commissariat général au développement durable (CGDD) ................................. 8
2.6.6. Inspection générale de l'environnement et du développement durable
(IGEDD) ........................................................................................................................................ 8
2.7. Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .........................................8
2.7.1. Secrétariat général du ministère de l'agriculture et de la souveraineté
alimentaire ................................................................................................................................. 8
2.7.2. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
(CGAAER)..................................................................................................................................... 8
2.8. Ministères chargés des affaires sociales (ministère du travail, du plein emploi et
de l’insertion, ministère de la santé et de la prévention et ministère des
solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées) ...........................................8
2.8.1. Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales ..................... 8
2.8.2. Délégation ministérielle au numérique en santé ...................................................... 8
2.9. Ministères éducatifs (ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la jeunesse et ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche) ...........................................................................................................................................9
2.9.1. Secrétariat général des ministères de l’éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche .............................................................. 9
2.9.2. Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion
professionnelle (DGESIP) ..................................................................................................... 9
2.10. . Ministère de la justice .................................................................................................................9
2.10.1. Secrétariat général du ministère de la justice ........................................................... 9
2.11. . Ministère de l'Europe et des affaires étrangères .............................................................9
2.11.1. Secrétariat général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ...... 9
2.11.2. Ambassadeur pour le numérique ..................................................................................... 9
2.12. . Ministère de la culture ............................................................................................................. 10
2.12.1. Secrétariat général du ministère de la culture ....................................................... 10
3. OPÉRATEURS DE L’ÉTAT ...................................................................................................... 10
3.1. Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) .............................................. 10
3.2. Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)................................................................... 10
3.3. Agence de services et de paiement (ASP) ........................................................................... 10
3.4. Agence du numérique en santé (ANS) .................................................................................. 10
3.5. Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ........................................................ 10
3.6. Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) ............................................................ 10
3.7. Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ............................................................... 11
3.8. Health Data Hub............................................................................................................................. 11
3.9. Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) ....................... 11
3.10. . Météo France ............................................................................................................................... 11
3.11. . Pôle emploi ................................................................................................................................... 11
7. DIVERS ........................................................................................................................................ 14
7.1. Conseil national du numérique (CNNum)........................................................................... 14
7.2. Conseil d’État .................................................................................................................................. 14
7.3. Syndicat des ingénieurs des mines (SYNDIM) .................................................................. 14
7.4. Syndicat national des ingénieurs de l’industrie et des mines (SNIIM) ................... 14
7.5. Personnalité qualifiée.................................................................................................................. 14
Annexe II 1
1. Cabinets ministériels
2. Ministères
-1-
2 Annexe II
-2-
Annexe II 3
M. Antoine Lefeuvre, chef du bureau des agents contractuels au service des ressources
humaines
Mme Marie-Gaëlle Pinart, cheffe du bureau du pilotage des corps techniques par intérim
au service des ressources humaines
-3-
4 Annexe II
-4-
Annexe II 5
Ingénieur Général hors classe de l’Armement Benoît Laurensou, directeur des ressources
humaines et chef du service central de la modernisation et de la qualité
Ingénieur Général de 2ème classe de l’Armement Pascal Fintz, sous-directeur de la
politique des ressources humaines
Ingénieur Général de 1ère classe de l’Armement Erwan Conan, chef du service technique
de la direction technique
Ingénieur Général de 2ème classe des Etudes et Techniques de l’Armement Mike Bargain,
responsable du pôle numérique au sein de la direction technique
-5-
6 Annexe II
Ingénieur Général de 2ème classe de l’Armement (2ème section) Hervé Guillou, vice-
président
Ingénieure Générale de 2ème classe de l’Armement Mireille Carlier, secrétaire générale
Ingénieur Général de 2ème classe de l’Armement Patrick Lodéon, adjoint opérations
d’armement à l’agence du numérique de défense
Ingénieur de l’Armement Corentin Rifflart, architecte technique
-6-
Annexe II 7
2.6.4. Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM)
-7-
8 Annexe II
-8-
Annexe II 9
-9-
10 Annexe II
3. Opérateurs de l’État
- 10 -
Annexe II 11
M. Jean-Yves Cribier, directeur général adjoint en charge des ressources humaines et des
relations sociales
Mme Charline Nicolas, directrice générale adjointe en charge de la stratégie et des affaires
institutionnelles
M. Franck Denié, directeur des systèmes d’information (DSI)
Mme Laurence Piantoni, directrice des ressources humaines de la DSI
M. Aurélien Fenard, directeur de la transformation digitale des ressources humaines et
des données sociales
4. Autorités indépendantes
- 11 -
12 Annexe II
5.1. École 42
5.2. EPITA
- 12 -
Annexe II 13
M. Nicolas Vayatis,
M. Yann Gousseau,
6.1. Capgemini
6.3. Cigref
6.4. EDF
M. Laurent Giovachini, président, par ailleurs directeur général adjoint de Sopra Steria
- 13 -
14 Annexe II
6.7. SNCF
6.8. Saint-Gobain
7. Divers
- 14 -
ANNEXE III
Compléments méthodologiques
Annexe III 1
Il n’existe pas une unique définition des contours des métiers du numérique. La mission reprend les
conclusions d’un précédent rapport inter-inspections1 qui proposait une classification des métiers vis-
à-vis du numérique en trois blocs :
un segment « cœur », qui regroupe les métiers de l’informatique et des télécommunications
(développeur, data scientist, analyste en cybersécurité, urbaniste des systèmes d’informations,
etc.) ;
un segment « périphérique » constitué des métiers nouveaux ou profondément transformés par le
numérique, qui nécessitent une forte évolution des compétences (designer, chargé de
communication numérique, acheteur de logiciel, juriste spécialisé dans le droit numérique,
enquêteur cyber, etc.) ;
un segment « diffus », où les outils numériques sont utilisés comme support indispensable à l’activité
mais sans changer profondément la nature du métier (gestionnaire des ressources humaines, agent
d’administration centrale, inspecteur des finances, etc.).
Dans cette acception, la mission a concentré ses travaux sur les deux premiers blocs de métiers, en
s’appuyant sur le référentiel des métiers de la fonction publique (RMFP) maintenu par la DGFAP et
adopté depuis le 1er juillet 2021 en remplacement du répertoire interministériel des métiers de l’État
(RIME). Le RMFP se compose de 4 niveaux de hiérarchisation : 29 domaines fonctionnels, 185 familles
professionnelles, 692 métiers de référence et 1 609 métiers détaillés. Le domaine fonctionnel
« numérique » comporte 52 métiers de référence répartis dans 10 familles de métier.
À partir du RMFP, la mission a retenu 13 familles de métier, légèrement adaptées ou complétées par
rapport à la classification du RMFP, comme détaillé ci-dessous.
Dans le cadre de son recensement, la mission a pris le parti d’associer directement les compétences des
agents au métier qu’ils exercent dans le poste qu’ils occupent. Cela signifie par exemple qu’un agent
ayant une expertise en science des données mais exerçant aujourd’hui un poste dans lequel ses
compétences en données ne sont pas mises à profit échappe à cette étude. Une telle approximation
s’impose compte tenu de l’ampleur du périmètre de travail de l’étude et de l’absence de suivi transverse
des compétences des agents au sein de l’État.
Source : Mission.
1 « Les besoins et l'offre de formation aux métiers du numérique », février 2016 (https://www.vie-
publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/164000252.pdf)
-1-
2 Annexe III
Nom de la famille de
Situation dans le RMFP Exemples de métiers dans la famille
métier
5. Développements Famille de métier présente dans le Designer UX ; développeur ; concepteur ;
et études RMFP dans le domaine paramétreur ; testeur ; responsable
informatiques « numérique » d’études en systèmes d’informations.
Famille créée par la mission, qui
6. Expertise
comporte les métiers à forte
juridique
composante numérique dans le Juriste spécialisé dans le numérique.
spécialisée dans le
domaine « justice » et le domaine
numérique
« affaires juridiques »
Administrateur d’outils, de systèmes, de
réseaux ; intégrateur d’exploitation ;
7. Exploitation des Famille de métier présente dans le responsable d’exploitation ; responsable
infrastructures RMFP dans le domaine réseaux et télécoms ; technicien
numériques « numérique » d’exploitation et
maintenance ; technicien poste de
travail et maintenance.
Famille de métier présente dans le
RMFP dans le domaine
Technicien support utilisateurs ;
8. Soutien aux « numérique » sous le terme
assistant fonctionnel ; chargé de relation
utilisateurs « Gestion de la relation et du
sur l'offre de services SI.
support entre le numérique et les
métiers »
Product owner ; chef de projet ; chef de
9. Gestion de projet Famille de métier présente dans le
projet maîtrise d’œuvre ; chef de projet
et de produit RMFP dans le domaine
maîtrise d’ouvrage ; scrum master ;
numérique « numérique »
directeur de programme.
Chargé de recherche numérique ;
10. Lutte contre les Famille créée par la mission, qui analyste numérique ; spécialiste en
criminalités comporte les métiers à forte investigation support numérique ;
numériques et composante numérique dans les policier ou gendarme spécialisé dans la
renseignement dans domaines « renseignement » et lutte contre les criminalités
l’espace numérique « sécurité » numériques ; chargé de surveillance
électronique.
Cadre ou expert chargé d’une politique
11. Réglementation, Famille créée par la mission, qui transversale ayant trait à la régulation
régulation et comporte les métiers à forte de l’espace numérique ou au
politique composante numérique dans le développement économique de la filière
industrielle dans domaine « direction et pilotage des numérique ; responsable sectoriel ;
l’espace numérique politiques publiques » chargé de contrôle ; chef de projet en
politique publique.
12. Urbanisation des Famille de métier présente dans le
Architecte technique ; urbaniste des
systèmes RMFP dans le domaine
systèmes d’information.
d’information « numérique »
Fusion des familles « Web » Chargé de référencement ; webmestre ;
(domaine « numérique ») et des animateur de réseaux sociaux et de
13. Web et
métiers à forte composante communautés numériques ; chargé de
communication
numérique du domaine projet web ; chargé de création
« communication » graphique.
Source : Mission.
-2-
Annexe III 3
-3-
4 Annexe III
Part de
Part de Part de Âge moyen
contractuels
Effectifs contractuels femmes au des années
Employeur CDD
(ETP) au sein des sein des (en
au sein des
effectifs effectifs années)
effectifs
Centre d'études et d'expertise sur
les risques, l'environnement, la 358 13 % 0% 23 % 46
mobilité et l'aménagement
Centre nationale d'études spatiales 256 100 % 2% 31 % 43
Health Data Hub 51 94 % 0% 45 % 33
IGN 485 20 % 10 % 23 % 43
Météo France 504 10 % 9% 24 % 48
Pôle emploi 2 627 100 % 2% 42 % 48
Réseau Canopé 275 30 % 18 % 40 % 45
Autorités indépendantes (**) 368 88 % 23 % 47 % 38
Autorité de la concurrence 20 85 % 15 % 21 % 39
Autorité de régulation des
communications électroniques,
111 81 % 55 % 38 % 39
des postes et de la distribution de
la presse
Autorité de régulation des
16 87 % 39 % 24 % 37
transports
CNIL 208 92 % 6% 59 % 37
Défenseur des Droits 15 86 % 27 % 21 % 40
Total général (**) 58 461 43 % 24 % 23 % 42
Sources : Données transmises par les employeurs ; calculs de la mission. (*) Au sein du ministère des armées, la mission
a classé les militaires de carrière (sous-officiers et officiers) dans la catégorie « fonctionnaire » et les militaires sous
contrat (militaires du rang, sous-officiers et officiers) dans la catégorie « contractuel » sous statut CDD. (**) Le
recensement auprès des opérateurs et autorités indépendantes n’a pas de visée exhaustive.
-4-
Annexe III 5
Les achats de l’État sont classés dans le système d’information Chorus selon leur nature. 15 grands
domaines sont divisés en 65 segments, eux-mêmes subdivisés en 400 groupes de marchandises (GM).
La Direction des achats de l’État met régulièrement à jour cette nomenclature, dernièrement actualisée
en janvier 2022.
La mission a principalement examiné le domaine « Informatique et télécoms » et, en son sein, le segment
« Prestations informatiques » dont la décomposition en GM est représentée ci-dessous.
Source : DAE.
-5-
6 Annexe III
Estimation prospective des besoins de recrutement pour les cinq prochaines années
La mission a établi un modèle permettant d’estimer les besoins de recrutement de l’État en compétences
numériques (sur le périmètre des ministères civils) pour les cinq prochaines années, sur dix familles de
métier.
Ce modèle détermine d’abord une taille cible de la population numérique de l’État dans cinq ans. Pour
cela, on suppose que le nombre total d’experts du numérique, qu’ils soient employés par l’État ou par
des prestataires de l’État, va continuer d’augmenter au même rythme que les années précédentes (3,5 %
par an), mais que le ratio d’externalisation va arrêter d’augmenter pour rester désormais stable, afin de
traduire l’effort de réinternalisation des compétences. Cela permet de connaître une taille cible pour les
effectifs de l’État dans cinq ans.
Pour passer de la population actuelle à la population dans cinq ans, on suppose que seules certaines
familles de métier vont voir leurs effectifs augmenter, en suivant l’approche de hiérarchisation des
besoins décrite précédemment. On fait l’hypothèse que les familles, selon leur niveau de priorité, gardent
un effectif stable, légèrement croissant ou fortement croissant. Cela permet de déterminer un besoin de
recrutement par famille pour traduire à la fois la hausse des effectifs et la priorité à donner à certains
métiers. Sur un plan technique, le modèle répartit la hausse globale entre les familles, de manière
proportionnelle au produit entre leur effectif initial et un poids valant 0, 1 ou 2 selon le niveau de priorité
de la famille.
Ensuite, on ajoute les besoins de recrutement liés aux départs à la retraite prévisionnels calculés à partir
de la pyramide des âges des agents dans la filière numérique issue du recensement (sur la base d’une
hypothèse de départ à 62 ans). Enfin, on ajoute le turnover (hors retraite) par famille. La mission a estimé
sa valeur actuelle (à partir des taux de départs observés dans la fonction publique d’Etat pour les
fonctionnaires et les contractuels, dont la mission a soustrait la part vraisemblablement expliquée par
les départs à la retraite) et l’a augmentée de 25 % pour traduire sa probable croissance à venir.
La somme de ces trois effets (hausse des effectifs, retraite et turnover hors retraite) permet d’établir le
besoin total de recrutement.
-6-
Annexe III 7
-7-
8 Annexe III
Les règles suivantes sont fixées par l’« instruction du 1er juillet 2021 relative au recrutement et à l’emploi
d’agents contractuels dans les ministères économiques et financiers » :
La rémunération des agents contractuels est fixée en indice majoré. Ces agents bénéficient donc des
augmentations du point d’indice. Quel que soit le type de contrat (CDI, CDD ou contrat de projet), la
rémunération doit être fixée en prenant en compte (i) les fonctions occupées et la qualification
requise pour leur exercice, (ii) les diplômes et qualifications détenus par l’agent dès lors qu’ils sont
en rapport avec les fonctions exercées et (iii) l’expérience professionnelle acquise y compris durant
les stages.
La rémunération peut être fixée selon trois modalités, sans que le choix de la modalité ne soit précisé
dans l’instruction ni que ces modalités ne déterminent précisément la rémunération proposée :
soit au sein d’une grille de rémunération spécifique au MEFSIN présentée dans l’instruction.
Cette grille est échelonnée en fonction de la formation de l’agent (les diplômes sont classés
en cinq niveaux) et de leur expérience professionnelle (les années d’expérience sont
valorisées à hauteur d’une demi année pour les douze premières et de trois-quarts d’année
pour les suivantes). Elle présente un indice maximal de rémunération pour les cinq niveaux
de diplômes, et un indice minimal en plus pour les deux premiers niveaux de diplômes (qui
correspondent aux catégories A et A+) ;
soit en appliquant des référentiels de rémunération certifiés au niveau ministériel ou
interministériel, à l’instar du « référentiel de rémunération des 56 métiers de la filière
numérique et des systèmes d’information et de communication » établi par la DINUM, la DB
et la DGAFP ;
soit sur la base de la rémunération antérieure de l’agent telle que constatée sur ses douze
derniers bulletins de salaire, en excluant tous les avantages ponctuels ou exceptionnels
(participation, intéressement, avantages sociaux, etc.).
Dans les deux derniers cas ci-dessus, la rémunération :
ne peut excéder de 8% la rémunération de l’agent perçue au cours des douze derniers mois,
sauf si le métier s’inscrit dans une liste limitative fixée par l’instruction (cette liste contient
de très nombreux métiers du numérique) ;
ne peut être inférieure à la rémunération perçue par l’agent le dernier mois sur le poste
actuellement occupé ;
doit respecter l’échelle des rémunérations de l’instruction.
Une part variable est prévue pour les agents contractuels de catégorie A. Elle ne peut excéder un
mois de rémunération brute de l’agent (ou deux mois pour les agents exerçant un très haut niveau
de responsabilité). Elle doit s’inscrire dans la rémunération globale proposée à l’agent selon les
modalités évoquées ci-dessus, mais peut aller au-delà de celle-ci sur la base d’un rapport
circonstancié.
Source : Mission, à partir des éléments transmis par le secrétariat général du ministère.
-8-
Annexe III 9
Graphique 1 : Nombre de candidats inscrits aux concours des principaux corps de catégorie B
à forte composante numérique (base 1 en 2018)
Source : Mission, à partir des données fournies par les gestionnaires de corps.
Tableau 4 : Critères de choix de l’emploi évoqués par les jeunes diplômés d’écoles d’ingénieur
de la promotion 2020
Critères de choix (chaque jeune peut sélectionner plusieurs
Hommes Femmes
critères)
Contenu de la mission et du poste proposé 73,9 % 80,3 %
Adéquation avec un projet professionnel 58,4 % 56,2 %
Lieu géographique 45,3 % 47,8 %
Secteur d’activité de l’organisme 42,7 % 48,0 %
Perspective d’évolutions 39,4 % 36,5 %
Montant du salaire proposé 35,9 % 28,9 %
Notoriété de l’organisme 20,7 % 17,3 %
Politique globale de ressources humaines dans l’organisme 14,0 % 20,1 %
Source : enquête annuelle 2021 « L’insertion des diplômés des grandes écoles » de la Conférence des grandes écoles
-9-
10 Annexe III
Tableau 6 : Coûts de bureautique des ministères par poste de travail tels que présentés
dans le calcul annuel des « ratios d’efficience bureautique »2
Ratio Nombre de
Ministère d’efficience postes
bureautique bureautiques
Ministère des armées 749 € 198 547
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté
950 € 162 000
numérique et industrielle
Ministères éducatifs (MENJ, MESR) 750 € 34 381
Ministère de l’Europe et des affaires étrangères 1 771 € 14 831
Services de la Première ministre 1 536 € 6 833
Ministère de la culture 1 500 € 4 300
Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire 1 825 € 2 824
Source : Projets annuels de performances des ministères pour l’année 2022.
2 Le ratio d’efficience bureautique est calculé en sommant toutes les dépenses, T2 et hors T2, nécessaires pour
produire les services de bureautique du ministère et en divisant la somme par le nombre de postes bureautiques.
La direction du budget a supprimé dans la circulaire budgétaire du 19 avril 2022 le suivi transversal de cet
indicateur de performance.
- 10 -
Annexe III 11
Le conseil des ministres du 25 mai 2011 a décidé de la mise en place d’un « réseau interministériel
sécurisé regroupant l’ensemble des réseaux des ministères et permettant la continuité de l’action
gouvernementale en cas de dysfonctionnement grave d’Internet ». Ce dernier viendrait remplacer des
réseaux qui étaient ministériels jusqu’alors. Un service à compétence nationale rattaché au DISIC
(devenue DINSIC puis DINUM) a été créé par l’arrêté du 17 décembre 2012 pour assurer la conception,
le déploiement, l’exploitation et le maintien en conditions opérationnelles du réseau. Ce SCN a été par la
suite dissous et réintégré à la DINUM par l’arrêté du 25 octobre 2019 au sein du département ISO.
Ce département comprend aujourd’hui 46 agents. Son budget annuel d’environ 13 millions d’euros est
rattaché au programme 129 « coordination du travail gouvernemental ». Des investissements récents
importants pour le RIE, à hauteur de 42 millions d’euros, ont été consentis notamment dans le cadre du
plan de relance afin d’améliorer la résilience, la capacité et la sécurité du réseau. Au-delà du budget de
la DINUM pour le RIE correspondant au socle interministériel mutualisé, les ministères supportent
chacun les coûts des réseaux de collecte correspondant à leurs implantations, pour un montant agrégé
d’environ 60 millions d’euros par an.
Le RIE connecte plus de 14 000 sites ministériels (contre 11 500 en 2016). Ce projet de mutualisation
est un réel succès de mutualisation numérique au sein de l’État. La Cour des comptes estime3 que le
retour sur investissement du projet est assuré depuis 2016, et que celui-ci génère par rapport aux
dispositifs antérieurs une économie annuelle de 19 M€.
Source : Direction interministérielle du numérique.
Créé en octobre 2016, le programme des « Entrepreneurs d’Intérêt Général » (EIG) permet de recruter
des experts du numérique (développement, design, science de la donnée, ingénierie de la donnée, droit
du numérique) pour travailler pendant 10 mois au sein d’équipe pluridisciplinaires sur des projets
numériques des administrations.
Le programme fonctionne par promotions : une fois les projets des administrations sélectionnés par
appel à projets, un appel à candidatures est organisé pour recruter les EIG. Ces derniers rejoignent alors
l’administration pendant 10 mois en tant qu’agents contractuels en CDD. Depuis la création du
programme, six promotions ont eu lieu réunissant au total 206 talents du numérique autour de 101
projets.
Le programme est piloté par le département Etalab de la DINUM. Initialement, la DINUM prenait en
charge l’intégralité des coûts du programme via le programme d’investissements d’avenir. Aujourd’hui,
la DINUM ne co-finance plus qu’environ 30% du coût employeur par EIG recruté. Le reste à charge est
donc financé par les administrations d’accueil, qui doivent également fournir les supports de poste
puisque ce sont elles qui embauchent directement les EIG.
3 Source : https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-10/20201014-58-2-conduite-grands-projets-
numeriques-Etat.pdf.
- 11 -
12 Annexe III
Le centre de formation à la sécurité des systèmes d’information (CFSSI) de l’ANSSI assure lui-même des
formations qui sont délivrées gratuitement aux agents des administrations publiques et, depuis 2020,
aux personnels des organismes d’importance vitale. Le CFSSI propose deux modalités de formation :
des stages courts, qui durent entre une journée et plusieurs semaines, permettent aux agents de se
former à une trentaine de thématiques en lien avec la cybersécurité à différents niveaux de
technicité. Par exemple, le CFSSI propose un stage « Cloud Computing : enjeux de sécurité » qui dure
deux jours, un stage « Administration sécurisée Windows » qui dure cinq jours ou encore un stage
« Cryptographie » qui dure quatre semaines. Chaque année, environ 2 000 agents suivent ces
formations4 ;
un module de formation long, qui dure un an à temps complet, permet d’obtenir le titre d’« expert
en sécurité des systèmes d’information » (titre de niveau 7 au RNCP). Une dizaine d’agents publics
bénéficient de cette formation longue chaque année.
Source : Mission.
4 Source : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/AVISANR5L16B0285-tVIII.html#_ftn19.
- 12 -
ANNEXE IV
COMPTE RENDU
DES ATELIERS
PARTICIPATIFS
Carrières numériques
dans le service public
-1-
2 Annexe IV
La démarche
Un premier temps d’atelier a permis d’interroger les agents quant à leur choix d’intégrer la
fonction publique, aux conditions de l’exercice de leur activité, et aux raisons qui les
amènent à rester en poste ou aux mécanismes qui les poussent à envisager un départ.
-2-
Annexe IV 3
En résumé
Si certaines thématiques ne font pas toujours consensus auprès des participants, la richesse
des sujets et des missions est incontestablement consensuelle pour l’ensemble des agents.
Des problématiques complexes, à forts enjeux, une diversité d’approche et d’activités
ravissent autant les nouveaux arrivants que les plus anciens en poste. Les questions
numériques au sein de l’État sont perçues avec enthousiasme et sont porteuses de
nombreux enjeux dynamisants. Les participants sont conscients des attentes fortes et des
défis à relever pour les usagers, et cela les vivifie au quotidien.
« Spécificités du travail de service public : on travaille sur des sujets qui ne sont traités nulle part
ailleurs »
Leur engagement répond très souvent à une recherche de sens, assouvie par leurs missions
au service de l’intérêt général. Ces valeurs de service public renforcent leur sentiment
quotidien d’utilité publique.
« L’impact des actions sur les concitoyens, le sentiment d’être utile et de fournir un service de
qualité »
« Je cherche dans mon métier à avoir un intérêt tangible de ce que je fais. Sans aller jusqu’à
l’humanitaire, le service public est quand même très utile »
Cette perception positive de leur activité est renforcée par des conditions de travail
favorables qui contribuent à la poursuite de leurs carrières au sein de l’État. Beaucoup
reconnaissent la grande liberté laissée pour mener et définir leurs postes et leurs missions.
La sécurité de leur emploi pour les fonctionnaires, la reconnaissance entre pairs, le
sentiment d’appartenance, une ambiance d’équipe solidaire, un management bienveillant,
sont autant d’éléments cités qui amènent les participants à caractériser positivement leurs
conditions de travail. C’est aussi la possibilité d’associer vie privée et vie professionnelle qui
-3-
4 Annexe IV
renforce cette vision. Certains soulignent également une montée en compétences fluide
avec une prise de responsabilités rapide. Cela étant, les conditions de travail sont
également perçues comme dégradées par une partie minoritaire des agents participants (cf.
partie 3). L’association entre vie privée et vie professionnelle est particulièrement évoquée
par les fonctionnaires.
« J’ai vraiment trouvé ce que je voulais faire : avec l’autonomie et la responsabilité nécessaire pour
exercer mes missions (pas partout dans l’administration mais pas non plus dans le privé »
« L’autonomie c’est un gros point positif. Parce que les gens montent jeunes, avec vite des capacités
d’encadrement, on apprend vite à être autonome sur les sujets et les méthodes. C’est un point fort
de l’État. Le management nous laisse beaucoup d’autonomie. »
« Management compréhensif sur vie pro vie perso : je vais chercher mes enfants, je retravaille après »
« Une équipe top : on est une bande de survoltés au milieu d’une tempête »
Certains agents soulignent que les perspectives de mobilité apparaissent assez claires et
attrayantes. Pour ces derniers, l’hétérogénéité des parcours au sein des équipes renforce
leur conviction qu’ils peuvent évoluer au sein de la fonction publique. Cette vision semble
toutefois être minoritaire. Une grande majorité des agents dénoncent la faible évolution à
long terme dans la fonction publique, tant dans les postes que dans l’évolution salariale
(cf. partie 3).
« J’aime bien la diversité des profils : c’est très ouvert on se nourrit de plein d’avis. Il y a une
communauté dans l’État, un désir d’ouverture, de partager qu’il n’y a peut-être pas ailleurs »
« Culture plutôt très féminine, le CODIR s’est pas mal féminisé. Les choses évoluent
progressivement, ce qui est plutôt agréable. Pas sur les postes les plus techniques. »
« On pratique un management par la confiance. Je suis assez jeune, on m’a donné un périmètre qui
me permet de gérer un beau budget, on m’a donné cette légitimité assez rapidement, j’ai pu faire
mes preuves. C’est une vraie perspective de carrière. »
-4-
En résumé Annexe IV 5
Malgré les éléments cités supra, « la quête de sens à ses limites 1». En effet, bien des
embûches parsèment le parcours d’un agent de la fonction publique, avec des particularités
notables dans le cadre d’un poste dans le numérique. Pour recruter des « talents » dans leurs
équipes, les participants soulignent la faible attractivité du « paquebot » que représente
l’État. Du point de vue de l’extérieur, l’administration publique pâtit d’une image
vieillissante, perçue comme peu innovante en matière de numérique. Elle rebute plus qu’elle
n’attire. Faute de capitaliser sur ses réussites, l’État leur paraît indisposé à recruter, préférant
externaliser bon nombre de compétences. Témoins du plafond de l’emploi dans de
nombreuses administrations, les participants regrettent la propension à engager des
prestations externes alors même que les compétences sont présentes au sein de l’État et
mériteraient d’être renforcées par des embauches internes.
« Je pense que les métiers sont méconnus, la diversité des métiers est méconnue. Sans doute on
renvoie une image peu dynamique et peut-être l’intérêt des missions est moins vu que les craintes sur
les lourdeurs de l’administration »
« Trop d’externalisation, même quand on a les compétences en interne »
« On perd la compétence en interne et on devient dépendant »
« Les devs sont des profils sous tension. On a du mal à recruter alors qu’on a beaucoup de projets,
c’est moins cher de recruter un développeur en interne que recourir à des prestations informatiques »
« Les RH ne sont pas prêtes pour recruter des compétences numériques (confusion
informatique/numérique) »
« Nos temps de recrutement sont extrêmement longs, sur des métiers en tension on peut pas avoir 6
mois entre la publication et l’arrivée »
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6 Annexe IV
« La RH arrive trop tard dans le processus, au niveau du premier entretien il devrait être là pour faire
un premier filtre, cela aiderait beaucoup »
Autre irritant évoqué : l’absence d’une culture du numérique et d’une compréhension fine
des besoins dans ce domaine au sein de certaines strates hiérarchiques, qui complexifient
leurs activités au quotidien. Les équipements et les outils mis à disposition ne faciliteraient
pas le travail des agents. Il a été mentionné que la commande politique ne prendrait que
trop rarement en compte les impératifs de temps induits dans la construction et la mise en
place d’une solution numérique. Incompris, les agents du numérique vivent mal cette
méconnaissance de leurs métiers et les contraintes associées, ne leur permettant pas de
mener correctement leurs activités. Tout cela s’inscrit dans un manque de partage de
principes et d’une culture commune inhérents à la pratique de l’innovation numérique, à
l’image des résistances au changement, tenaces dans l’administration. Certains participants
soulignent que progressivement les agents du numérique, pourtant soucieux de penser des
solutions disruptives et ambitieuses, s’autocensurent et s’empêchent d’être force
d’initiative, sclérosés progressivement par les inerties internes.
Cette organisation administrative est en effet une source d’exaspération pour les
participants. Les « lourdeurs de processus », communes à toutes les administrations,
amènent les agents à devoir « se battre pour faire leur travail » ; contraints d’élaborer des
stratégies de contournement des contraintes pour pratiquer correctement leurs activités.
Le travail, souvent effectué en silo, ne permet pas de partager les bonnes pratiques. De
manière mitigée, certains participants perçoivent l’action du manager comme en partie
responsable de ces dysfonctionnements, quand d’autres soulignent son manque de leviers
pour opérer des changements significatifs.
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En résumé Annexe IV 7
A l’instar des irritants évoqués précédemment, plusieurs sujets mènent les agents à
s’interroger sur la poursuite de leur carrière au sein du service public. Presque tous
s’accordent à dire qu’ils peinent à entrevoir leurs perspectives d’évolution.
L’accompagnement de carrière est jugé inexistant, beaucoup considérant qu’ils sont seuls
pour entreprendre cette réflexion et les démarches associées. Certains soulignent
qu’évolution rime uniquement avec la prise responsabilités managériales ; pour reprendre
les termes de plusieurs agents « tout le monde ne souhaite pas - ou n’est pas fait pour - être
chef à la place du chef ». Or, ces derniers aimeraient voir des évolutions de carrière basées
sur l’expertise et sur la montée en compétence davantage valorisées. Ils estiment que
l’acquisition de savoir-faire passe également par la formation. Jugée très riche par certains,
difficilement accessible par d’autres, l’offre de formation est une source de débat et les
positions clivées illustrent une inégale attractivité des catalogues selon les ministères ou les
administrations. Aussi les perspectives d’évolution sont décrites comme plus limitées pour
les contractuels. Leurs opportunités de progression se heurtent rapidement à la nécessité
du concours. Or, cette modalité rebute certains d’entre eux. Au-delà de l’investissement
nécessaire, le passage au statut de fonctionnaire n’est pas forcément perçu comme étant
la garantie d’une évolution pérenne, en matière de postes comme de salaires.
« Le fou rire de mes anciens collègues dans le privé quand je leur ai dit que je partais pour un CDD.
C’est un frein énorme au recrutement »
« Pleins de gens ne veulent pas devenir manager, notamment dans le numérique avec des domaines
de technicité, il faut proposer d’autres perspectives que juste être chef à la place du chef »
« Dans le privé, on recrute sur des compétences, dans le public il faut tel concours, tel statut, tel corps :
ça devient décourageant, rien que de comprendre il y a un énorme coût »
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8 Annexe IV
« On est vraiment encouragé à faire des allers- retours entre le privé et le public pour voir son salaire
augmenter »
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Annexe IV 9
« Gros écarts entre moyens et ambition : on manque de moyens logistiques, techniques, humains, et
donc de compétences »
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