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COLLOQUE DU SNBH 2004

Dominique Porquet*

Analyse protéomique : stratégies


méthodologiques et applications
en biologie clinique
RÉSUMÉ
Le protéome correspond à l’ensemble des protéines produites par un génome donné. Son analyse s’est
considérablement développée au cours des 10 dernières années et ouvre de larges perspectives sur la
compréhension du fonctionnement d’une cellule ou d’un organe donné. Parmi les différentes approches
protéomiques envisageables, n’est abordé dans cet article que l’analyse protéomique qualitative qui seule
actuellement présente des applications à court terme en biologie clinique. Pour l’analyse simultanée
de nombreuses protéines, la méthode de référence actuelle reste l’électrophorèse 2D suivie d’une
analyse des protéines d’intérêt par spectrométrie de masse après digestion partielle par la trypsine. Cette
approche permet l’identification de différentes protéines en établissant une véritable carte « d’identité »
peptidique de chacune d’entre elles. En cas d’échec d’identification d’une protéine, il est alors fait appel à
la spectrométrie de masse en tandem qui permet d’établir la séquence en acides aminés d’un fragment
peptidique. Actuellement, le développement très rapide des méthodes de l’analyse protéomique s’oriente
vers la mise au point de méthodes de séparation en HPLC ou en électrophorèse capillaire (en alternative
à l’électrophorèse en 2D) couplées à la spectrométrie de masse, ou vers l’utilisation de biopuces à
protéines. Certaines approches proposent d’ailleurs une stratégie en deux temps avec le fractionnement
d’un mélange protéique à l’aide de biopuces suivi d’une analyse de chaque fraction en spectrométrie
de masse. De nombreuses applications de la protéomique en biologie clinique sont en cours de
développement. Elles correspondent à des études à visée diagnostique ou à visée thérapeutique sur des
agents pathogènes ainsi qu’à l’établissement d’outils diagnostiques dans différents domaines : maladies
auto-immunes, pathologies cancéreuses, pathologies rénales, pathologies du système nerveux central.

MOTS CLÉS
Protéome, électrophorèse 2D, spectrométrie de masse, biopuces à protéines, biologie clinique

Proteomic analysis : methods and clinical applications


SUMMARY :
Proteome corresponds to all the proteins produced by a given genome. Its analysis considerably developed during
Outils

the last 10 years and opens a lot of perspectives on the understanding of the functioning of a cell or a given
organ. Among various approaches, we consider qualitative aspects of proteomic analysis, which only presents
short-term applications in clinical biology. For the simultaneous analysis of numerous proteins, the current
reference method is the 2D electrophoresis followed by a mass spectrometry analysis. This approach allows the
identification of various proteins by establishing a mass peptide finger print of each. When identification is not
possible, a tandem mass spectrometry is required to establish the aminoacid sequence of a peptidic fragment.
At present, the very fast development of methods of proteomic analysis, turns to the development of separation
methods based on HPLC or capillary electrophoresis (as a replacement of 2D electrophoresis) coupled with
the mass spectrometry or towards the use of protein arrays. Moreover, a lot of approaches propose a two step
strategy with a separation step of a protein mixture by means of biochips, followed by a treatment of every
fraction by mass spectrometry. Clinical application concern mainly studies with diagnostic or therapeutic aim on
pathogenic agents and also the establishment of diagnostic tools in various fields: automimmune diseases, cancer
diseases, renal diseases, and pathologies of central nervous system.
KEYWORDS
Proteome, 2D electrophoresis, mass spectrometry, protein biochips, clinical biology

* Service de Biochimie-Hormonologie - Hôpital Robert Debré - 48, Bd. Sérurier - 75935 Paris Cedex 19

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I - Introduction grands types d’analyses protéomiques : la protéo-


mique descriptive et la protéomique fonctionnelle.
Voilà maintenant 10 ans que Marc Wilkins lors du Dans le premier cas, celui de la protéomique des-
premier congrès de Sienne sur la protéomique uti- criptive, il s’agit de répondre aux quatre questions
lisait pour la première fois le terme de protéome. suivantes : quelles protéines sont exprimées ; quel
Depuis lors, c’est tout un champ de recherche qui est le niveau de cette expression ; quelle est la loca-
s’est ouvert et cette évolution a permis à la fois des lisation subcellulaire de ces différentes protéines et
progrès méthodologiques très importants et des quelles sont les modifications post-traductionnel-
avancées très prometteuses dans de nombreux do- les dont elles font l’objet. Dans le second cas, celui
maines physiopathologiques, ce qui est également de la protéomique fonctionnelle, et afin d’ap-
de nature à susciter de grands espoirs pour la mise procher la fonction des protéines, on cherchera
en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques. à répondre à des questions du type : quelles sont
Quelques définitions pour commencer. Dans son les molécules qui au sein de la cellule s’associent à
acception la plus large, le terme de protéome ca- nos protéines d’intérêt ; quel type de modifications
ractérise l’ensemble des PROTEines exprimées par structurales est responsable de quel type de modi-
le génOME. De façon plus restrictive mais égale- fications d’activité.
ment plus accessible, le protéome est l’ensemble En ce qui concerne la protéomique descriptive, la
des protéines « exprimées » par une cellule (ou un réponse à la question : quelles protéines ? relève
tissu, ou un organe) à un instant donné. Si l’analyse plus précisément de la protéomique qualitative
d’un protéome est toujours, et cela va être abordé et ses techniques font appel à l’électrophorèse bidi-
un peu plus loin, un challenge complexe, l’intérêt mensionnelle couplée à la spectrométrie de masse,
de cette approche n’est plus à démontrer : à des techniques séparatives diverses couplées à
• seule la protéine (par rapport à une séquence d’ADN une analyse en spectrométrie de masse en tandem
ou un ARNm) présente un effet biologique ; ou à des biopuces à protéines. L’aspect quantita-
• un même génome peut donner naissance à de tif de l’expression des protéines (protéomique
nombreux protéomes différents ; quantitative) repose au plan méthodologique sur
• le niveau d’expression d’une protéine ne peut que le principe du marquage différentiel effectué soit
rarement être prédit à partir du niveau d’expres- avant la phase d’extraction des protéines (appro-
sion du messager correspondant ; che in vivo par la méthode SILAC (Stable Isotope
• la (ou plutôt) les protéines « issues » d’un même gène Labelling with Aminoacids in Cell culture) soit
sont variables du fait, entre autre, des très nombreuses après l’extraction de ces mêmes protéines (appro-
modifications post-traductionnelles dont une protéine che in vitro par marquage par des fluorochromes,
peut faire l’objet. par la méthode ICAT (Isotope Coded Affinity Tag)
Challenge complexe est-il dit un peu plus haut. En ef- ou par la méthode ALICE (Acid-Labil Isotope-Co-
fet, une approche « protéomique » suppose dans tous ded Extractant). En ce qui concerne la localisation
les cas l’analyse simultanée d’un très grand nombre de subcellulaire de la production des protéines, elle
protéines, en vue de caractériser leurs structures, leurs relève de la protéomique « topologique » et
fonctions, leurs interactions avec d’autres composants s’appuie essentiellement sur la technologie MELK
cellulaires (et en particulier d’autres protéines) ainsi (Multiple-Epitope-Ligand « Kartographie »). En-
que les variations de ces caractéristiques en fonction fin, pour ce qui est des modifications post-traduc-
du contexte cellulaire. Cette analyse simultanée d’un tionnelles, il est fait appel à une approche dite de
grand nombre de protéines se heurte à un certain Shotgun MS consistant en une chromatographie
nombre de difficultés : il n’est pas possible à l’instar de en phase liquide (LC) suivie d’une spectrométrie
ce qu’il est habituel de faire pour des séquences nu- de masse en tandem (MS/MS) sur un échantillon
cléotidiques d’ « amplifier » des protéines pour mieux biologique correspondant à des peptides obtenus
les étudier ; les protéines sont parfois difficiles à extrai- après clivage par différentes protéases.
re ; au sein d’une même solution, des protéines peu- Dans le cas de la protéomique fonctionnelle, la
vent être présentes à des concentrations extrêmement protéomique d’interaction, qui vise à mettre en
différentes (l’écart de concentration pouvant atteindre évidence les différents partenaires d’une protéine
6 logs) ; enfin, le nombre total de protéines à analyser au sein d’un milieu complexe ou d’une cellule, re-
dans un échantillon, et ce quelle que soit son origine, pose sur plusieurs approches méthodologiques :
est très élevé (une cellule à un instant donné peut ex- le système double hybride, le FRET (Fluorescence
primer environ 104 protéines différentes et un individu Resonance Energy Transfer), l’analyse de comple-
à un instant donné jusqu’à 106 protéines différentes). xes après purification (par des méthodes biochi-
miques conventionnelles ou par Tandem Affinity
Purification « TAP ») ou l’utilisation de sondes
II – Les différents types d’analyses chimiques multifonctionnelles. La protéomique
structurale quant à elle fait largement appel à des
protéomique techniques telles que la cristallographie aux rayons
X, la spectrométrie par résonance magnétique nu-
On peut distinguer de façon conceptuelle deux cléaire et la tomographie d’électrons.

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Analyse protémique : stratégies méthodologiques


et applications en biologie clinique

Dans la suite de cet article, seules les techniques de comparaison avec des cartes « témoins », ce qui
la protéomique qualitative (descriptive) vont être peut permettre dans des situations favorables
détaillées. En effet, dans le cadre de l’application l’identification d’un certain nombre de protéi-
des approches protéomiques à la biologie clinique, nes. Dans les cas les moins favorables, la com-
seule la protéomique descriptive présente actuel- paraison de deux cartes protéiques obtenues sur
lement des applications à court terme. un même type d’échantillon, mais correspon-
dant à des « situations » différentes, va cepen-
dant permettre de visualiser des protéines dont
III– Les techniques de l’analyse pro- l’expression est fortement modifiée entre ces
deux situations. La façon la plus simple d’identi-
téomique qualitative fier ces protéines est de recourir à la spectromé-
trie de masse. Classiquement, chaque protéine
Très classiquement, et comme cela a été briève- à identifier est éluée à partir du gel en 2D, puis
ment cité ci-dessus, l’approche utilisée est celle de soumise à une digestion trypsique et les pepti-
l’électrophorèse bidimensionnelle (2D) suivie par des ainsi obtenus sont analysés en MALDI-TOF.
une identification des protéines d’intérêt par spec- Le MALDI-TOF est un spectromètre de masse
trométrie de masse. dont le système d’ionisation respose sur la cris-
tallisation de l’échantillon à analyser dans une
1. Extraction et séparation des protéines matrice (MALDI = Matrix-Associated Laser
Desorption-Ionization) et la mesure du rapport
La première étape de cette approche, en fait la plus m/z des peptides est effectuée en temps de vol
délicate et la plus limitante, est la phase d’extrac- (TOF = Time Of Flight). Cette analyse permet
tion des protéines. Cette extraction reste assez l’obtention d’une carte peptidique où chaque
simple dans le cas d’un liquide biologique ; cela peptide obtenu après l’hydrolyse trypsique est
devient d’emblée beaucoup plus délicat dans le cas représenté par son rapport m/z. Cette carte
d’un tissu. Beaucoup de protéines sont en effet hy- peptidique peut à son tour être comparée à de
drophobes et donc difficiles à extraire, ce qui est très nombreuses cartes peptidiques contenue
également le cas de protéines très fortement an- dans des bases de données bioinformatiques,
crées à des structures cellulaires. Il est alors fait bases facilement accessibles sur Internet. Assez
appel à des solutions d’extraction associant des fréquemment, cela va permettre l’identification
agents chaotropes, des détergents neutres et des de la protéine en question, pour peu que cette
réducteurs. De plus, l’addition d’anti-protéases protéine ait déjà été « cartographiée » selon cet-
permet de réduire la dégradation des protéines te approche. Dans les cas où aucune banque de
lors de cette phase d’extraction. La deuxième étape données n’est susceptible de permettre l’identifi-
correspond à la séparation en 2D proprement dite. cation de la protéine, on a alors recours à l’utili-
Dans la première dimension, la séparation s’effec- sation d’une spectrométrie de masse en tandem.
tue selon le principe de la focalisation isoélectrique Le principe de cette approche méthodologique
et de plus en plus de gradients de PH préformés, est la suivante : dans le premier analyseur de
étroits ou larges, sont disponibles sur le marché. masse, il y a séparation des peptides issus de
Pour la seconde dimension, il s’agit d’un classique la digestion trypsique ; ces peptides sont alors
gel de polyacrylamide en présence d’agents déna- introduits dans une chambre de fragmentation
turants (SDS). En définitif, les protéines sont donc permettant de générer à partir d’un peptide don-
séparées en fonction de leurs masses et charges né (sélectionné spécifiquement par son rapport
respectives. En ce qui concerne la masse, l’inter- m/z) des peptides fils ayant perdu un certain
valle de 7000 Da à 200 000 Da peut être retenu. nombre d’acides aminés (la fragmentation doit
La troisième étape de l’analyse consiste à révéler permettre de cibler spécifiquement les liaisons
et analyser les spots protéiques obtenus. La révé- peptidiques). Les peptides fils ainsi obtenus sont
lation peut faire appel à l’utilisation de colorants alors analysés dans un second spectromètre de
(Bleu de Coomassie), de marquages fluorescents, masse qui les séparent à nouveau en fonction de
à la chimioluminescence ou au marquage isotopi- leur rapport m/z ; enfin, les masses des peptides
que. La détection se fait ensuite par densitométrie, fils sont comparées à la masse du peptide pa-
ou toute autre méthode appropriée utilisant un rental, permettant ainsi par différence de masse
scanner, une caméra, un imager … d’établir la séquence d’acides aminés. Cette sé-
quence peut alors être rentrée dans des banques
2. Analyse des gels d’électrophorèse de données où sont stockées des séquences pri-
maires de protéines obtenues par séquençage ou
Après révélation, on obtient ainsi une véritable par traduction à partir des séquences nucléoti-
carte protéique de l’échantillon étudié. Cette diques d’ADNc.
carte peut alors être analysée aux moyens d’outils Plusieurs types de spectromètres de masse en tan-
bioinformatiques permettant la comparaison dem peuvent être utilisées pour l’analyse protéo-
de cartes protéiques entre elles et également la mique combinant des ionisations de type MALDI

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ou de type ESI (Ionisation par ElectroSpray) et à identifier sont alors déposés sur ces puces, le
quatre types d’analyse de masse (combinés 2 à 2) : principe général de l’hybridation par complémen-
la capture d’ions, le temps de vol, le quadrupole, tarité de bases permettant la fixation des ARNm
les transformées de Fourier/cyclotron. sur les séquences nucléotidiques qui leur sont
complémentaires ; le marquage préalable de ces
ARNm, lors de leur amplification par RT-PCR,
IV– Evolutions récentes en analyse permet par la suite la localisation sur la puce de
ces hybridations et ainsi l’identification des ARNm
protéomique qualitative correspondants. Dans le cas des biopuces à pro-
téines, le réactif déposé sur ces puces, réactif qui
L’approche classique décrite précédemment (élec- va permettre la fixation sélective de ces protéines,
trophorèse 2D suivie d’une analyse par spectro- peut être variable et dépend initialement du type
métrie de masse) reste une méthode de référence de biopuces développées, biopuces analytiques ou
mais fait actuellement l’objet de nombreuses évo- biopuces fonctionnelles. Le réactant déposé peut
lutions. ainsi être un anticorps, un antigène, un allergène,
un aptamère, un substrat ou plus généralement
1. L’automatisation de l’étape séparative tout « ligand » susceptible de reconnaître et de lier
spécifiquement une protéine donnée.
Une première série d’évolutions consiste à auto- S’il n’y a encore actuellement que peu d’exemples
matiser toutes les étapes de l’analyse en 2D et de en pratique de l’utilisation de tels systèmes, en
nombreuses plateformes de ce type sont main- revanche certains fabricants ont développé des
tenant proposées par différents fabricants. Afin systèmes associant l’utilisation de puces à protéi-
toujours de simplifier l’étape séparative préalable nes, en tant que méthode initiale de séparation et
à l’analyse en spectrométrie de masse, certains d’isolement de protéines à partir d’un mélange, à
auteurs proposent également de recourir à une une identification plus ou moins poussée de ces
séparation monodimensionnelle reposant sur une protéines par spectrométrie de masse selon la
seule électrophorèse en gel de polyacrylamide technologie SELDI-TOF-MS (Surface Enhanced
(PAGE-SD). Enfin et il s’agit là d’une évolution Laser Desorption/Ionization-Time Of Flight-
majeure, de plus en plus d’expérimentations sont Mass Spectrometry). C’est le cas par exemple du
conduites pour coupler de façon automatique et système développé par la société CIPHERGEN.
directe l’étape séparative et l’analyse en spectromé- Le principe en est le suivant : dans une première
trie de masse. Cette étape séparative repose alors étape, les échantillons biologiques à analyser sont
sur des chromatographies en HPLC ou en nanoH- déposés sur des surfaces réactives (puces) sur
PLC dites « muldidimensionnelles » car associant lesquelles ont été fixés des groupements chimi-
plusieurs types de séparation chromatographique ques permettant une fixation selon des principes
(exclusion/phase reverse ; affinité/phase reverse ; classiques de chromatographie par rétention ou
échange d’ions/affinité …). de chromatographie d’affinité. Après une étape
De façon alternative aux séparations par chroma- de lavage qui permet l’élimination des protéines
tographie, il est également possible d’utiliser des qui n’ont pas été fixées sur le support, un réactif
techniques électrophorétiques et en particulier spécifique est ajouté qui va permettre de stabili-
l’électrophorèse capillaire qui peut être réalisée sur ser les protéines fixées sur la puce dans une ma-
des supports miniaturisés du type « laboratoire trice cristalline. Dans une seconde étape, la puce
sur une puce » (Lab on a Chip) comme le propose est soumise à un rayonnement LASER qui va en-
plusieurs fabricants (Agilent Technologies par traîner la désorption et l’ionisation des protéines
exemple). qui vont être analysées dans un spectromètre de
Les techniques séparatives ont parfois atteint un masse qui mesure leur rapport m/z en temps de
tel niveau d’efficacité qu’elles peuvent être, dans vol. Ceci va conduire à établir un profil protéique
certaines conditions particulièrement favorables, particulier de l’échantillon biologique. Ce système
conduites directement sur des protéines qui n’ont est plus précisément destiné à la biologie clinique
pas été soumises à une digestion trypsique préa- où il peut servir d’outil diagnostique ; en effet, il
lable. est possible avec cette approche de comparer deux
profils protéiques correspondant à un même type
2. Les biopuces dédiées à la protéomique d’échantillons biologiques mais préparés à partir
de deux individus différents ou chez un même in-
A côté des méthodologies précédemment citées se dividu mais à des moments différents. Par rapport
développe également la technologie des biopuces au profil de l’un de ces deux échantillons qui va
à protéines ou protein array. Le principe se veut être considéré comme « témoin normal », toute
similaire à ce qui est maintenant largement dé- différence qualitative ou quantitative du profil du
veloppé pour les études du transcriptome et qui deuxième échantillon va « signer » une situation
consiste à immobiliser sur des puces des ADNc physio-pathologique particulière et a priori diffé-
ou des oligonucléotides de synthèse ; les ARNm rente de la normalité. Il est même possible, pour un

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Analyse protémique : stratégies méthodologiques


et applications en biologie clinique

type d’échantillon biologique parfaitement défini cacité d’un médicament et également d’explorer sa
(plasma, urines, LCR) et traité dans des conditions toxicité potentielle.
standardisées, d’établir un profil type de normalité
auquel vont être comparés tous les profils établis 3) Constitution d’outils diagnostiques
dans les mêmes conditions chez une population de
sujets à explorer. La société CIPHERGEN propose Il s’agit là d’un champ d’investigation extrêmement
d’ores et déjà des protocoles et des biopuces dédiés étendu. En effet, la capacité à établir et à comparer
à des activités diagnostiques dans différents do- des profils protéiques doit contribuer à la mise en
maines comme par exemple le cancer, les patholo- évidence et au développement de marqueurs spé-
gies neuropsychiatriques (dépression, maladie de cifiques de pathologies. C’est le cas par exemple,
Parkinson, maladie d’Alzheimer …), les patholo- pour les maladies auto-immunes, les pathologies
gies infectieuses, les pathologies rénales …. cancéreuses, les pathologies rénales (étude en par-
ticulier de protéomique « urinaire »), et les patho-
logies du système nerveux central, tout particuliè-
V - Les applications de la protéomi- rement les pathologies neurodégénératives (étude
de protéomique « rachidienne » à partir de LCR).
que en biologie clinique
De façon très générale, les principaux domaines
d’application de la protéomique en biologie clini-
VI - Conclusion
que peuvent être regroupés de la façon suivante : Quoique encore délicates et relativement lour-
des à mettre en œuvre, les techniques de l’analyse
1) Etudes à visée diagnostique ou thérapeutique protéomique évoluent cependant très rapidement
et leurs simplifications et leurs automatisations
(cibles vaccinales) sur des agents pathogènes laissent entrevoir qu’une approche protéomique
Ce type d’études permet de caractériser différen- globale sera de plus en plus souvent à l’avenir évo-
tes souches d’agents pathogènes, d’identifier plus qué pour toute démarche diagnostique ou de suivi
précisément des protéines impliquées, soit dans thérapeutique en biologie clinique. D’ores et déjà,
la pathogénicité de ces souches, soit dans les inte- la mise en évidence et la caractérisation de mar-
ractions hôtes-pathogènes, et d’évaluer différents queurs tumoraux totalement spécifiques d’une
types de mécanisme de résistance. tumeur donnée constitue une des applications pri-
vilégiées de l’analyse protéomique. De nombreux
2) Evaluation et développement de nouveaux autres domaines de la physiopathologie peuvent
également être abordés via l’analyse protéomique
médicaments comme la recherche de marqueurs dans les patho-
Cela correspond à des possibilités d’évaluer de logies rénales, les pathologies neuro-dégénératives,
nouvelles cibles pharmacologiques, d’étudier l’effi- les intoxications et les pathologies infectieuses.

POUR EN SAVOIR PLUS


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