SB145 55-59
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Dominique Porquet*
MOTS CLÉS
Protéome, électrophorèse 2D, spectrométrie de masse, biopuces à protéines, biologie clinique
the last 10 years and opens a lot of perspectives on the understanding of the functioning of a cell or a given
organ. Among various approaches, we consider qualitative aspects of proteomic analysis, which only presents
short-term applications in clinical biology. For the simultaneous analysis of numerous proteins, the current
reference method is the 2D electrophoresis followed by a mass spectrometry analysis. This approach allows the
identification of various proteins by establishing a mass peptide finger print of each. When identification is not
possible, a tandem mass spectrometry is required to establish the aminoacid sequence of a peptidic fragment.
At present, the very fast development of methods of proteomic analysis, turns to the development of separation
methods based on HPLC or capillary electrophoresis (as a replacement of 2D electrophoresis) coupled with
the mass spectrometry or towards the use of protein arrays. Moreover, a lot of approaches propose a two step
strategy with a separation step of a protein mixture by means of biochips, followed by a treatment of every
fraction by mass spectrometry. Clinical application concern mainly studies with diagnostic or therapeutic aim on
pathogenic agents and also the establishment of diagnostic tools in various fields: automimmune diseases, cancer
diseases, renal diseases, and pathologies of central nervous system.
KEYWORDS
Proteome, 2D electrophoresis, mass spectrometry, protein biochips, clinical biology
* Service de Biochimie-Hormonologie - Hôpital Robert Debré - 48, Bd. Sérurier - 75935 Paris Cedex 19
Dans la suite de cet article, seules les techniques de comparaison avec des cartes « témoins », ce qui
la protéomique qualitative (descriptive) vont être peut permettre dans des situations favorables
détaillées. En effet, dans le cadre de l’application l’identification d’un certain nombre de protéi-
des approches protéomiques à la biologie clinique, nes. Dans les cas les moins favorables, la com-
seule la protéomique descriptive présente actuel- paraison de deux cartes protéiques obtenues sur
lement des applications à court terme. un même type d’échantillon, mais correspon-
dant à des « situations » différentes, va cepen-
dant permettre de visualiser des protéines dont
III– Les techniques de l’analyse pro- l’expression est fortement modifiée entre ces
deux situations. La façon la plus simple d’identi-
téomique qualitative fier ces protéines est de recourir à la spectromé-
trie de masse. Classiquement, chaque protéine
Très classiquement, et comme cela a été briève- à identifier est éluée à partir du gel en 2D, puis
ment cité ci-dessus, l’approche utilisée est celle de soumise à une digestion trypsique et les pepti-
l’électrophorèse bidimensionnelle (2D) suivie par des ainsi obtenus sont analysés en MALDI-TOF.
une identification des protéines d’intérêt par spec- Le MALDI-TOF est un spectromètre de masse
trométrie de masse. dont le système d’ionisation respose sur la cris-
tallisation de l’échantillon à analyser dans une
1. Extraction et séparation des protéines matrice (MALDI = Matrix-Associated Laser
Desorption-Ionization) et la mesure du rapport
La première étape de cette approche, en fait la plus m/z des peptides est effectuée en temps de vol
délicate et la plus limitante, est la phase d’extrac- (TOF = Time Of Flight). Cette analyse permet
tion des protéines. Cette extraction reste assez l’obtention d’une carte peptidique où chaque
simple dans le cas d’un liquide biologique ; cela peptide obtenu après l’hydrolyse trypsique est
devient d’emblée beaucoup plus délicat dans le cas représenté par son rapport m/z. Cette carte
d’un tissu. Beaucoup de protéines sont en effet hy- peptidique peut à son tour être comparée à de
drophobes et donc difficiles à extraire, ce qui est très nombreuses cartes peptidiques contenue
également le cas de protéines très fortement an- dans des bases de données bioinformatiques,
crées à des structures cellulaires. Il est alors fait bases facilement accessibles sur Internet. Assez
appel à des solutions d’extraction associant des fréquemment, cela va permettre l’identification
agents chaotropes, des détergents neutres et des de la protéine en question, pour peu que cette
réducteurs. De plus, l’addition d’anti-protéases protéine ait déjà été « cartographiée » selon cet-
permet de réduire la dégradation des protéines te approche. Dans les cas où aucune banque de
lors de cette phase d’extraction. La deuxième étape données n’est susceptible de permettre l’identifi-
correspond à la séparation en 2D proprement dite. cation de la protéine, on a alors recours à l’utili-
Dans la première dimension, la séparation s’effec- sation d’une spectrométrie de masse en tandem.
tue selon le principe de la focalisation isoélectrique Le principe de cette approche méthodologique
et de plus en plus de gradients de PH préformés, est la suivante : dans le premier analyseur de
étroits ou larges, sont disponibles sur le marché. masse, il y a séparation des peptides issus de
Pour la seconde dimension, il s’agit d’un classique la digestion trypsique ; ces peptides sont alors
gel de polyacrylamide en présence d’agents déna- introduits dans une chambre de fragmentation
turants (SDS). En définitif, les protéines sont donc permettant de générer à partir d’un peptide don-
séparées en fonction de leurs masses et charges né (sélectionné spécifiquement par son rapport
respectives. En ce qui concerne la masse, l’inter- m/z) des peptides fils ayant perdu un certain
valle de 7000 Da à 200 000 Da peut être retenu. nombre d’acides aminés (la fragmentation doit
La troisième étape de l’analyse consiste à révéler permettre de cibler spécifiquement les liaisons
et analyser les spots protéiques obtenus. La révé- peptidiques). Les peptides fils ainsi obtenus sont
lation peut faire appel à l’utilisation de colorants alors analysés dans un second spectromètre de
(Bleu de Coomassie), de marquages fluorescents, masse qui les séparent à nouveau en fonction de
à la chimioluminescence ou au marquage isotopi- leur rapport m/z ; enfin, les masses des peptides
que. La détection se fait ensuite par densitométrie, fils sont comparées à la masse du peptide pa-
ou toute autre méthode appropriée utilisant un rental, permettant ainsi par différence de masse
scanner, une caméra, un imager … d’établir la séquence d’acides aminés. Cette sé-
quence peut alors être rentrée dans des banques
2. Analyse des gels d’électrophorèse de données où sont stockées des séquences pri-
maires de protéines obtenues par séquençage ou
Après révélation, on obtient ainsi une véritable par traduction à partir des séquences nucléoti-
carte protéique de l’échantillon étudié. Cette diques d’ADNc.
carte peut alors être analysée aux moyens d’outils Plusieurs types de spectromètres de masse en tan-
bioinformatiques permettant la comparaison dem peuvent être utilisées pour l’analyse protéo-
de cartes protéiques entre elles et également la mique combinant des ionisations de type MALDI
ou de type ESI (Ionisation par ElectroSpray) et à identifier sont alors déposés sur ces puces, le
quatre types d’analyse de masse (combinés 2 à 2) : principe général de l’hybridation par complémen-
la capture d’ions, le temps de vol, le quadrupole, tarité de bases permettant la fixation des ARNm
les transformées de Fourier/cyclotron. sur les séquences nucléotidiques qui leur sont
complémentaires ; le marquage préalable de ces
ARNm, lors de leur amplification par RT-PCR,
IV– Evolutions récentes en analyse permet par la suite la localisation sur la puce de
ces hybridations et ainsi l’identification des ARNm
protéomique qualitative correspondants. Dans le cas des biopuces à pro-
téines, le réactif déposé sur ces puces, réactif qui
L’approche classique décrite précédemment (élec- va permettre la fixation sélective de ces protéines,
trophorèse 2D suivie d’une analyse par spectro- peut être variable et dépend initialement du type
métrie de masse) reste une méthode de référence de biopuces développées, biopuces analytiques ou
mais fait actuellement l’objet de nombreuses évo- biopuces fonctionnelles. Le réactant déposé peut
lutions. ainsi être un anticorps, un antigène, un allergène,
un aptamère, un substrat ou plus généralement
1. L’automatisation de l’étape séparative tout « ligand » susceptible de reconnaître et de lier
spécifiquement une protéine donnée.
Une première série d’évolutions consiste à auto- S’il n’y a encore actuellement que peu d’exemples
matiser toutes les étapes de l’analyse en 2D et de en pratique de l’utilisation de tels systèmes, en
nombreuses plateformes de ce type sont main- revanche certains fabricants ont développé des
tenant proposées par différents fabricants. Afin systèmes associant l’utilisation de puces à protéi-
toujours de simplifier l’étape séparative préalable nes, en tant que méthode initiale de séparation et
à l’analyse en spectrométrie de masse, certains d’isolement de protéines à partir d’un mélange, à
auteurs proposent également de recourir à une une identification plus ou moins poussée de ces
séparation monodimensionnelle reposant sur une protéines par spectrométrie de masse selon la
seule électrophorèse en gel de polyacrylamide technologie SELDI-TOF-MS (Surface Enhanced
(PAGE-SD). Enfin et il s’agit là d’une évolution Laser Desorption/Ionization-Time Of Flight-
majeure, de plus en plus d’expérimentations sont Mass Spectrometry). C’est le cas par exemple du
conduites pour coupler de façon automatique et système développé par la société CIPHERGEN.
directe l’étape séparative et l’analyse en spectromé- Le principe en est le suivant : dans une première
trie de masse. Cette étape séparative repose alors étape, les échantillons biologiques à analyser sont
sur des chromatographies en HPLC ou en nanoH- déposés sur des surfaces réactives (puces) sur
PLC dites « muldidimensionnelles » car associant lesquelles ont été fixés des groupements chimi-
plusieurs types de séparation chromatographique ques permettant une fixation selon des principes
(exclusion/phase reverse ; affinité/phase reverse ; classiques de chromatographie par rétention ou
échange d’ions/affinité …). de chromatographie d’affinité. Après une étape
De façon alternative aux séparations par chroma- de lavage qui permet l’élimination des protéines
tographie, il est également possible d’utiliser des qui n’ont pas été fixées sur le support, un réactif
techniques électrophorétiques et en particulier spécifique est ajouté qui va permettre de stabili-
l’électrophorèse capillaire qui peut être réalisée sur ser les protéines fixées sur la puce dans une ma-
des supports miniaturisés du type « laboratoire trice cristalline. Dans une seconde étape, la puce
sur une puce » (Lab on a Chip) comme le propose est soumise à un rayonnement LASER qui va en-
plusieurs fabricants (Agilent Technologies par traîner la désorption et l’ionisation des protéines
exemple). qui vont être analysées dans un spectromètre de
Les techniques séparatives ont parfois atteint un masse qui mesure leur rapport m/z en temps de
tel niveau d’efficacité qu’elles peuvent être, dans vol. Ceci va conduire à établir un profil protéique
certaines conditions particulièrement favorables, particulier de l’échantillon biologique. Ce système
conduites directement sur des protéines qui n’ont est plus précisément destiné à la biologie clinique
pas été soumises à une digestion trypsique préa- où il peut servir d’outil diagnostique ; en effet, il
lable. est possible avec cette approche de comparer deux
profils protéiques correspondant à un même type
2. Les biopuces dédiées à la protéomique d’échantillons biologiques mais préparés à partir
de deux individus différents ou chez un même in-
A côté des méthodologies précédemment citées se dividu mais à des moments différents. Par rapport
développe également la technologie des biopuces au profil de l’un de ces deux échantillons qui va
à protéines ou protein array. Le principe se veut être considéré comme « témoin normal », toute
similaire à ce qui est maintenant largement dé- différence qualitative ou quantitative du profil du
veloppé pour les études du transcriptome et qui deuxième échantillon va « signer » une situation
consiste à immobiliser sur des puces des ADNc physio-pathologique particulière et a priori diffé-
ou des oligonucléotides de synthèse ; les ARNm rente de la normalité. Il est même possible, pour un
type d’échantillon biologique parfaitement défini cacité d’un médicament et également d’explorer sa
(plasma, urines, LCR) et traité dans des conditions toxicité potentielle.
standardisées, d’établir un profil type de normalité
auquel vont être comparés tous les profils établis 3) Constitution d’outils diagnostiques
dans les mêmes conditions chez une population de
sujets à explorer. La société CIPHERGEN propose Il s’agit là d’un champ d’investigation extrêmement
d’ores et déjà des protocoles et des biopuces dédiés étendu. En effet, la capacité à établir et à comparer
à des activités diagnostiques dans différents do- des profils protéiques doit contribuer à la mise en
maines comme par exemple le cancer, les patholo- évidence et au développement de marqueurs spé-
gies neuropsychiatriques (dépression, maladie de cifiques de pathologies. C’est le cas par exemple,
Parkinson, maladie d’Alzheimer …), les patholo- pour les maladies auto-immunes, les pathologies
gies infectieuses, les pathologies rénales …. cancéreuses, les pathologies rénales (étude en par-
ticulier de protéomique « urinaire »), et les patho-
logies du système nerveux central, tout particuliè-
V - Les applications de la protéomi- rement les pathologies neurodégénératives (étude
de protéomique « rachidienne » à partir de LCR).
que en biologie clinique
De façon très générale, les principaux domaines
d’application de la protéomique en biologie clini-
VI - Conclusion
que peuvent être regroupés de la façon suivante : Quoique encore délicates et relativement lour-
des à mettre en œuvre, les techniques de l’analyse
1) Etudes à visée diagnostique ou thérapeutique protéomique évoluent cependant très rapidement
et leurs simplifications et leurs automatisations
(cibles vaccinales) sur des agents pathogènes laissent entrevoir qu’une approche protéomique
Ce type d’études permet de caractériser différen- globale sera de plus en plus souvent à l’avenir évo-
tes souches d’agents pathogènes, d’identifier plus qué pour toute démarche diagnostique ou de suivi
précisément des protéines impliquées, soit dans thérapeutique en biologie clinique. D’ores et déjà,
la pathogénicité de ces souches, soit dans les inte- la mise en évidence et la caractérisation de mar-
ractions hôtes-pathogènes, et d’évaluer différents queurs tumoraux totalement spécifiques d’une
types de mécanisme de résistance. tumeur donnée constitue une des applications pri-
vilégiées de l’analyse protéomique. De nombreux
2) Evaluation et développement de nouveaux autres domaines de la physiopathologie peuvent
également être abordés via l’analyse protéomique
médicaments comme la recherche de marqueurs dans les patho-
Cela correspond à des possibilités d’évaluer de logies rénales, les pathologies neuro-dégénératives,
nouvelles cibles pharmacologiques, d’étudier l’effi- les intoxications et les pathologies infectieuses.