FrenchPDF Les Mots Sont Des Fenetres
FrenchPDF Les Mots Sont Des Fenetres
FrenchPDF Les Mots Sont Des Fenetres
com
Bénéficiez de nos offres à chaque
instant et à tout endroit, le site
FrenchPDF vous invite à
réinventer le plaisir de la lecture
et découvrir les nouveautés de vos
auteurs préférés.
Marshall B. Rosenberg
2018
Souhaitez-vous avoir un accès
illimité aux livres gratuits en
ligne ?
Désirez- vous les télécharger
et les ajouter à votre
bibliothèque ?
French .com
À votre service!
Présentation
La plupart d’entre nous avons été élevés dans un esprit de compétition,
de jugement, d’exigence et de pensée de ce qui est « bon » ou « mauvais ».
Au mieux, ces conditionnements peuvent conduire à une mauvaise
compréhension des autres, au pire, ils génèrent colère, frustration, et
peuvent conduire à la violence. Une communication de qualité entre soi et
les autres est aujourd’hui une des compétences les plus précieuses.
Par un processus en quatre points, Marshall Rosenberg met ici à notre
disposition un outil très simple dans son principe, mais extrêmement
puissant, pour améliorer radicalement et rendre vraiment authentique notre
relation aux autres. Grâce à des histoires, des exemples et des dialogues
simples, ce livre nous apprend principalement : à manifester une
compréhension respectueuse à tout message reçu, à briser les schémas de
pensée qui mènent à la colère et à la déprime, à dire ce que nous désirons
sans susciter d’hostilité et à communiquer en utilisant le pouvoir
guérisseur de l’empathie.
Cette nouvelle édition est par ailleurs enrichie d’un important chapitre
sur la médiation et la résolution des conflits. Bien plus qu’un processus,
c’est un chemin de liberté, de cohérence et de lucidité qui nous est ici
proposé !
Pour en savoir plus…
L’auteur
Formé à la psychothérapie psychanalytique et docteur en psychologie
clinique, Marshall B. Rosenberg a fondé en 1984 le Center for NonViolent
Communication (CNVC), organisation internationale œuvrant pour la paix
dans plus de 60 pays, et en a occupé pendant de nombreuses années la
fonction de directeur des services pédagogiques. Il est l’auteur de
nombreux ouvrages, dont le best-seller Les mots sont des fenêtres (ou bien
ce sont des murs), vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le
monde. Il a été distingué pour son action par de nombreux prix. Il est
décédé en 2015.
Également disponible
Manuel de Communication NonViolente.
Guide d’exercices individuels et collectifs, Lucy Leu, Éditions La
Découverte, Paris, 2016.
Parents respectueux, enfants respectueux, Sura Hart et Victoria Kindle
Hodson,
Éditions La Découverte, Paris, 2014
frenchpdf.com
Copyright
Translated from the book Nonviolent Communication : A language of
Life 3rd Edition, ISBN 13/10 : 9781892005281/189200528X by Marshall
B. Rosenberg. Copyright © Fall 2015 PuddleDancer Press, published by
PuddleDance Press. All rights reserved. Used with permission. For
further information about NonViolent Communication™, please visit the
Center for NonViolent Communication on the Web at : www.cnvc.org.
frenchpdf.com
L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se
réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété
intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénale.
S’informer
Si vous désirez être tenu régulièrement informé de nos parutions, il
vous suffit de vous abonner gratuitement à notre lettre d’information par
courriel, à partir de notre site www.editionsladecouverte.fr où vous
retrouverez l’ensemble de notre catalogue.
frenchpdf.com
Table
Avant-propos
Remerciements
frenchpdf.com
Exercice : Exprimer des sentiments
5 - Assumer la responsabilité de ses sentiments
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Exprimer ses besoins ou les taire : quel est le plus douloureux ?
De l’esclavage affectif à la libération affective
La CNV en pratique
Exercice : Identifier les besoins ?
6 - Demander ce qui contribuerait à notre bien-être
Utiliser un langage d’action positif
Formuler une demande consciemment
Demander un retour
Demander de la sincérité
Adresser une demande à un groupe
Demandes et exigences
Définir l’objectif derrière notre demande
La CNV en pratique
Exercice : Formuler des demandes
7 - Recevoir avec empathie
La présence : ne te contente pas d’agir, sois là
Écouter les sentiments et les besoins
Paraphraser
Maintenir l’empathie
La douleur, obstacle à l’empathie
La CNV en pratique
Exercice : La différence entre recevoir avec empathie et recevoir
sans empathie
8 - Le pouvoir de l’empathie
L’empathie qui guérit
L’empathie et la capacité d’être vulnérable
frenchpdf.com
L’empathie pour désamorcer le danger
Accepter un refus avec empathie
L’empathie pour redonner vie à une conversation
L’empathie pour le silence
9 - Relions-nous à nous-mêmes avec bienveillance
Souvenons-nous de ce qui nous rend unique
Nous évaluer lorsque nous avons été moins que parfaits
Traduire les jugements envers nous-mêmes et nos exigences
intérieures
Le deuil en CNV
Nous pardonner
L’enseignement du costume à pois
Ne faisons rien si ce n’est par jeu !
Traduire « je dois » en « je choisis »
Cultivons la conscience de l’énergie qui motive nos actions
10 - Exprimer pleinement la colère
Ne pas confondre la cause et le facteur déclenchant
Toute colère a une fonction vitale
Facteur déclenchant et cause : lorsque nous les confondons
Exprimer la colère en quatre temps
Offrir d’abord de l’empathie
Prendre son temps
La CNV en pratique
11 - Résolution des conflits et médiation
Une connexion de cœur à cœur
Résolution de conflit en CNV et médiation traditionnelle
Les étapes de la résolution de conflit en CNV – un bref aperçu
Quelques mots sur les besoins, les stratégies et l’analyse
Sentir intuitivement les besoins des autres, quoi qu’ils disent
Les besoins ont-ils été entendus ?
L’empathie soulage la souffrance qui empêche d’entendre
frenchpdf.com
Parler au présent et dans un langage d’action positif pour résoudre
les conflits
Utiliser des verbes d’action
Traduire un « non »
La CNV et le rôle du médiateur
Votre rôle, et la confiance dans le processus
Rappelez-vous : il ne s’agit pas de nous
L’empathie d’urgence
Suivre l’échange : garder les yeux sur la balle
Maintenir la conversation dans le présent
Continuer d’avancer
Savoir interrompre
Quand les gens refusent de se rencontrer face à face
La médiation informelle : mettre le nez dans les affaires des autres
12 - L’usage de la force dans un but de protection
Lorsque le recours à la force est inévitable
Dans quel esprit recourt-on à la force ?
Exemples de force répressive
Le prix de la punition
Deux questions qui montrent les limites de la punition
L’usage préventif de la force à l’école
13 - Se libérer et accompagner les autres
S’affranchir des anciens conditionnements
Résoudre les conflits intérieurs
Prendre soin de notre environnement intérieur
Remplacer le diagnostic par la CNV
La CNV en pratique
14 - Exprimer sa reconnaissance en Communication NonViolente
L’intention du remerciement
Les trois composantes d’un remerciement
Recevoir un remerciement
frenchpdf.com
La soif de reconnaissance
Surmonter la réticence à dire sa reconnaissance
Épilogue
Annexes
frenchpdf.com
Avant-propos
frenchpdf.com
passions et de préjugés, elles entrent en connexion. Quand on observe un
monde en proie aux guerres et à la violence, dans lequel on pense souvent
qu’il y a nous et les autres, et où des États sont capables d’enfreindre toutes
les règles de la civilisation pour commettre des atrocités insupportables, un
nouveau système de valeurs paraît bien éloigné. Lors d’une conférence
européenne de médiateurs, un sceptique a critiqué l’approche de Marshall
en la qualifiant de psychothérapie. En langage populaire, Marshall ne nous
demande-t-il pas d’oublier simplement le passé et d’être amis – un objectif
bien difficile à atteindre non seulement dans une région en guerre, mais
dans n’importe quelle affaire de divorce ?
Où que l’on soit dans le monde, on adhère à un système de valeurs. Non
seulement il est impossible d’échapper à ces systèmes, mais les gens en sont
fiers. De tous temps, les guerriers ont été à la fois appréciés et craints dans
le monde entier. Les jungiens nous disent que l’archétype de Mars, le dieu
de la guerre, est profondément ancré dans l’inconscient collectif, rendant le
conflit et l’agression inévitables, comme un vice inhérent à notre nature.
Pourtant, on peut voir la nature humaine autrement, comme le montre ce
livre avec éloquence. Il faut s’y intéresser, car c’est notre seul véritable
espoir. Cet autre point de vue ne nous identifie pas aux histoires que nous
vivons. Ces histoires sont des fictions créées par nous-mêmes, qui restent
inchangées sous l’effet de l’habitude, de la pression du groupe, des anciens
conditionnements et du manque de conscience de soi. Même les meilleures
histoires contribuent à la violence. Si vous voulez utiliser la force pour
protéger votre famille, vous prémunir contre des attaques, lutter contre les
méfaits des autres, prévenir la criminalité et vous engager dans une guerre
prétendument « juste », vous avez été séduit par le chant des sirènes de la
violence. Si vous décidez de ne pas jouer ce jeu, il y a de grandes chances
que la société se retournera contre vous et vous le fera payer. En bref, il
n’est pas facile de trouver une issue.
En Inde, il existe un ancien modèle de vie non violente qui s’appelle
l’Ahimsa. L’Ahimsa se définit habituellement comme la non-violence,
même si son champ sémantique s’étend de la résistance passive du
frenchpdf.com
Mahatma Gandhi à la vénération pour la vie d’Albert Schweitzer. Le
premier axiome de l’Ahimsa pourrait se traduire par « Ne fais pas de mal ».
Ce qui m’a beaucoup impressionné chez Marshall Rosenberg, qui est
décédé à l’âge de quatre-vingts ans, à peine six semaines avant que je
n’écrive ces quelques lignes, c’est qu’il avait compris les deux niveaux de
l’Ahimsa : celui de l’action et celui de la conscience.
Les actions étant bien décrites dans cet ouvrage sous la forme de
principes de la Communication NonViolente, je ne les répéterai pas ici.
Être dans la conscience de l’Ahimsa est beaucoup plus puissant, et
Marshall possédait cette qualité. Dans un conflit, il ne prenait pas parti et ne
s’intéressait même pas fondamentalement à l’histoire des parties en
présence. Reconnaissant que toutes les histoires mènent à un conflit, latent
ou ouvert, il concentrait son attention sur la connexion entre les gens pour
établir entre eux un pont psychologique. On retrouve là un autre axiome de
l’Ahimsa : ce n’est pas ce que vous faites qui compte, c’est la qualité de
votre attention. Du point de vue juridique, un divorce est terminé quand les
deux parties se sont mises d’accord sur la répartition des biens. Sur le plan
émotionnel, en revanche, les conséquences sont bien plus durables : les
personnes concernées ont échangé trop de paroles qui, pour reprendre
l’expression de Marshall, ont changé leur monde.
L’agression fait partie intégrante du fonctionnement de l’ego, qui est
entièrement centré sur « je, moi et le mien » chaque fois qu’un conflit se
déclare. La société fait mine de s’inspirer des saints et de leur vœu de servir
Dieu plutôt qu’eux-mêmes, mais il y a un grand fossé entre les valeurs que
nous embrassons et la manière dont nous vivons réellement. L’Ahimsa
comble ce fossé en élargissant le champ de notre conscience. Le seul moyen
de mettre fin à toute violence est de renoncer à notre histoire. Il est
impossible d’accéder à l’Éveil tant que l’on a un intérêt personnel dans le
monde – voilà ce qui pourrait être le troisième axiome de l’Ahimsa.
Cependant, cet enseignement peut sembler aussi radical que le Sermon sur
la montagne, dans lequel Jésus promet que les humbles hériteront la terre.
frenchpdf.com
Dans les deux cas, il ne s’agit pas de changer vos actions mais de changer
votre conscience. Pour cela, vous devez parcourir un chemin allant de A à
B, où A est une vie soumise aux exigences incessantes de l’ego et B une vie
marquée par une conscience désintéressée. Pour être franc, une conscience
désintéressée est rarement un objet de désir, mais plutôt une aspiration qui
paraît à première vue effrayante et impossible à atteindre. Quelle
gratification peut-on espérer si l’on débranche l’ego, dont la seule
motivation est la recherche de gratification ? Une fois l’ego hors service,
reste-t-on sans rien faire, passif et spirituellement inerte ?
La réponse se trouve dans ces moments où le moi se met en retrait
naturellement et spontanément, par exemple pendant une méditation ou
simplement quand on éprouve un profond contentement. La conscience
désintéressée est l’état dans lequel nous sommes lorsque la nature, l’art ou
la musique suscitent notre émerveillement. L’unique différence entre ces
moments – auxquels nous pouvons ajouter toutes les expériences de
créativité, d’amour et de jeu – et l’Ahimsa tient au fait que les premiers
vont et viennent, tandis que la seconde est un état stable. L’Ahimsa révèle
que les histoires vécues et les ego qui les alimentent sont des illusions, des
modèles que nous créons nous-mêmes pour des raisons de survie et
d’égoïsme. La récompense que nous apporte l’Ahimsa ne consiste pas à
renforcer l’illusion, ce que l’ego cherche toujours à faire en aspirant à plus
d’argent, de possessions et de pouvoir. La récompense, c’est d’arriver à
devenir qui nous sommes vraiment.
Il est exagéré d’évoquer une conscience supérieure pour décrire
l’Ahimsa. Il serait plus exact de parler de conscience normale dans un
monde où la norme est si anormale qu’elle relève de la psychopathologie.
Vivre dans un monde où des milliers d’ogives nucléaires sont dirigées vers
l’ennemi et où le terrorisme est un acte religieux acceptable, c’est devenu la
norme, mais ce n’est pas normal pour autant.
À mes yeux, l’héritage que Marshall nous laisse par le travail de toute sa
vie ne réside pas dans la manière dont il a révolutionné le rôle de médiateur,
aussi précieux que cela soit. Cet héritage, c’est le nouveau système de
frenchpdf.com
valeurs selon lequel Marshall vivait, qui est en réalité très ancien. L’Ahimsa
doit être ravivé avec chaque génération, parce que la nature humaine est
déchirée entre paix et violence. Marshall Rosenberg a prouvé que l’on
pouvait réellement entrer dans cet état de conscience élargie et que celui-ci
pouvait donner des résultats très concrets pour la résolution de conflits. Il ne
nous reste qu’à marcher sur ses traces. Si notre véritable intérêt personnel
nous tient à cœur, nous le suivrons. C’est la seule solution dans un monde
désespérément en quête de sagesse et de paix.
DEEPAK CHOPRA
Fondateur du centre de soins qui porte son nom, le Chopra
Center for Wellbeing, et auteur de plus de quatre-vingts livres
traduits dans plus de quarante-trois langues, dont vingt-deux
best-sellers du New York Times.
frenchpdf.com
Les leçons de mon grand-père
Préface à la deuxième édition
frenchpdf.com
sommes tous habités par la violence et qu’il est nécessaire de changer la
manière dont nous nous comportons. Souvent, nous ne reconnaissons pas
notre propre violence parce que nous la méconnaissons. Nous présumons
que nous ne sommes pas violents parce que notre vision de la violence est
faite de combats, de meurtres, de coups et de guerres, c’est-à-dire le genre
de choses que les personnes ordinaires ne vivent pas. Pour que je puisse
intégrer ce concept, Grand-père m’a fait dessiner un arbre généalogique de
la violence en appliquant les mêmes principes que pour un arbre
généalogique classique. Il affirmait que je me ferais une meilleure idée de la
non-violence si je pouvais comprendre et reconnaître la violence qui existe
dans le monde. Chaque soir, il m’aidait à analyser les événements de la
journée – tout ce que j’avais vécu, lu, vu ou fait aux autres – et à les placer
sur l’arbre, soit sous la branche « physique » (s’il s’agissait de violence
faisant appel à la force physique), soit sous la branche « passive » (si la
violence aboutissait à une souffrance plutôt émotionnelle).
En l’espace de quelques mois, j’avais recouvert tout un pan de mur de ma
chambre avec des actes de violence « passive » que Grand-père décrivait
comme étant plus insidieux que les actes de violence « physique ». Il
m’expliqua alors que la violence passive finissait par susciter la colère de la
victime qui, individuellement ou en tant que membre d’un groupe,
réagissait avec violence. En d’autres termes, c’est la violence passive qui
alimente le feu de la violence physique. C’est parce que nous ne
comprenons ni n’intégrons ce principe que tous nos efforts en faveur de la
paix n’aboutissent pas, ou bien que la paix que nous obtenons n’est que
temporaire. Comment pouvons-nous éteindre un incendie si nous ne
coupons pas d’abord la source qui alimente la flamme ?
frenchpdf.com
Communication NonViolente ; j’ai été impressionné par la profondeur de
son travail et par la simplicité des solutions qu’il préconise. À moins,
comme le disait Grand-père, que nous ne devenions le « changement que
nous souhaitons voir dans le monde », aucun changement n’aura jamais
lieu. Malheureusement, nous attendons tous que l’autre change d’abord.
La non-violence n’est pas une stratégie que nous pouvons utiliser un jour
et laisser de côté le lendemain, pas plus qu’elle ne fait de nous des agneaux
ou des mauviettes. La non-violence consiste à inculquer des attitudes
positives pour remplacer les attitudes négatives qui nous dominent. Tout ce
que nous faisons est conditionné par des motivations égoïstes – ce que nous
avons à gagner – et plus encore dans une société à dominante matérialiste
qui tire sa force d’un individualisme à toute épreuve. Aucun de ces concepts
négatifs ne contribue à créer des familles, des communautés, des sociétés ou
des nations homogènes.
Peu importe que nous nous rassemblions dans les moments de crise et
que nous prouvions notre patriotisme en brandissant notre drapeau ; il ne
suffit pas de devenir une super-puissance en construisant un arsenal capable
de détruire plusieurs fois la Terre ; ni d’assujettir le reste du monde par
notre puissance militaire, car la paix ne peut se fonder sur la peur.
La non-violence consiste à faire émerger ce qu’il y a de positif en nous.
Laissons-nous envahir par l’amour, le respect, la compréhension,
l’appréciation, la bienveillance et l’attention envers les autres, plutôt que
par les comportements égocentriques, égoïstes, avides, haineux, pleins de
préjugés, de suspicion et d’agressivité qui dominent la plupart du temps
notre pensée. Nous entendons souvent les gens dire : « Ce monde est sans
pitié et si l’on veut survivre, il faut devenir impitoyable aussi. » Permettez-
moi d’être en désaccord avec cette affirmation. Ce monde est ce que nous
en avons fait. S’il est sans pitié aujourd’hui, c’est parce que nous l’avons
rendu impitoyable par nos comportements. Nous ne pouvons changer le
monde que si nous changeons nous-mêmes, et cela commence par notre
langage et notre façon de communiquer. Je recommande vivement la lecture
frenchpdf.com
de ce livre et l’application des principes de la Communication NonViolente
dont il traite. Il s’agit d’un premier pas important vers une nouvelle façon
de communiquer et vers la création d’un monde de compassion.
ARUN GANDHI
Fondateur et président du M.K. Gandhi Institute for Nonviolence
frenchpdf.com
Préface de Charles Rojzman
Un peu partout dans le monde, la violence est manifeste. Que ce soit sous
les formes très visibles du nettoyage social ou ethnique, de la criminalité,
des violences urbaines ou sous des formes plus secrètes dans les familles ou
les entreprises, elle prolifère, semant à son tour les graines de la peur et de
la haine dans le cœur des individus, réintroduisant parfois le cycle fatal de
la vengeance. En France, depuis quelques années, dans un grand nombre de
quartiers populaires, des violences, des incivilités rendent la vie des
habitants et des professionnels qui y travaillent très difficile et parfois
dangereuse.
Le sentiment d’insécurité se généralise. Découragés, désorientés,
dévalorisés même par leur propre impuissance, les agents des services
publics, les travailleurs sociaux risquent d’abandonner à leur sort les
habitants de ces cités, aggravant ainsi leur exclusion. Pis encore, les
ruptures de la communication et du dialogue entraînent l’agressivité, la
montée aux extrêmes, l’incompréhension et les malentendus, pour ne pas
dire la haine et la paranoïa entre les uns et les autres. Certains policiers, et
même des pompiers accueillis à coups de pierres dans les cités, parfois
menacés de mort, en viennent à considérer ces « autres » comme des
ennemis qu’il faudra, disent certains, un jour ou l’autre exterminer. Un
racisme se répand, qui hésite à s’exprimer en public, mais qui, portes
fermées, n’hésite plus à se dire avec des mots qui ont la couleur du meurtre
et du massacre. « Un jour, ça sera pire qu’au Kosovo, ici, monsieur », ai-je
entendu dire il n’y a pas longtemps.
frenchpdf.com
Dans ce livre, Marshall Rosenberg propose son remède, la
« Communication NonViolente ». Inspiré par les comportements et les
paroles de tous ceux qui la pratiquent spontanément, il a mis au point un art
du dialogue fondé sur l’empathie et l’authenticité.
Travaillant au quotidien dans ces villes, ces quartiers avec des
personnes de toutes origines et de tout niveau hiérarchique, j’ai pu constater
à quel point la vision et les méthodes de Marshall Rosenberg pouvaient être
utiles, d’une part, à ceux qui faisaient face à des agressions, physiques ou
verbales, d’autre part, à ceux qui sans s’en rendre vraiment compte
engendraient par leurs comportements ou leurs paroles des réponses
violentes. Les travailleurs sociaux, les enseignants, les policiers, les
personnels chargés de l’accueil dans les mairies ou les organismes de
logement social ont besoin de comprendre ce qui, concrètement, déclenche
la violence, au-delà des explications purement sociologiques ou
économiques qui les laissent, à leur niveau, complètement impuissants. Ils
ont aussi besoin d’outils, de méthodes pour affronter des situations
nouvelles auxquelles ils ne sont en général pas préparés. Cette
compréhension, ces méthodes et ces outils, ils les trouveront dans le livre de
Marshall Rosenberg. Ils trouveront les mots, les attitudes qui permettent
d’écouter l’autre et de se faire entendre par lui dans les situations les plus
tendues, ce « langage du cœur », comme dit Marshall Rosenberg, qui est
enfoui en nous et que nous pouvons apprendre à réveiller.
Les sceptiques et les cyniques souriront peut-être à l’évocation des mots
utilisés dans ce livre : comment l’« empathie », la « bienveillance », la
« langue du cœur », toutes ces notions expliquées ici, pourraient-elles nous
aider à résoudre des problèmes complexes liés à la mondialisation de
l’économie, au développement de la criminalité et aux sursauts
identitaires ? N’y aurait-il pas naïveté ou hypocrisie – défauts typiquement
américains pour certains – à croire que le salut pourrait nous venir d’une
meilleure communication ?
En fait, il ne s’agit pas ici de communication au sens habituel du terme ;
il ne s’agit pas d’apprendre à utiliser des procédés qui permettraient la
frenchpdf.com
manipulation de l’autre. Il s’agit du langage qui traduit nos convictions
profondes d’individu. À l’opposé, le langage qui juge est le résultat d’un
conditionnement, il n’est pas naturel. La thèse de Marshall Rosenberg,
suivant en cela des prédécesseurs comme Carl Rogers ou Paulo Freire,
consiste à montrer que ce langage est à la fois celui de la domination et
celui de la soumission. Ce n’est pas le langage de la liberté et de l’égalité.
Que Rosenberg se trompe en croyant en la bienveillance naturelle de l’être
humain n’est pas important : ce qui compte, c’est que la malveillance, la
violence, la tyrannie, elles, ont fait l’objet d’un apprentissage avec lequel on
peut rompre.
« Toute violence émane d’un mode de pensée, explique l’auteur, qui
attribue la cause du conflit aux torts de l’adversaire et à l’incapacité de
reconnaître sa propre vulnérabilité ou celle de l’autre. » Un tel mode de
pensée permet en effet d’accuser, de culpabiliser et de faire la guerre.
« À l’entrée des grands palais de Mésopotamie et d’Égypte se dressaient
de gigantesques statues de lions et de taureaux dont l’objectif principal était
de remplir ceux qui s’approchaient de la royale présence d’un sentiment
paralysant de leur propre petitesse et de leur propre impuissance. » C’est
ainsi que Lewis Mumford décrit la mégamachine mise en place à Babylone
et dans l’Égypte ancienne et qui selon lui a été recréée par l’Occident
moderne, et établie désormais sur l’ensemble de la planète. Le moyen
d’assurer le pouvoir des uns et l’obéissance des autres a toujours été le
langage, un langage qui humilie, violente, assujettit et qui, intériorisé,
empêche le développement d’une âme libre et fière.
La question est posée : comment sortir de la violence ou, à tout le moins,
vivre ensemble avec un peu moins de violence et plus de sociabilité ? La
réponse de ce livre est simple : commençons déjà par nous sentir nous-
mêmes responsables. À travers la relation à l’autre, travaillons à sortir du
carcan des habitudes apprises.
Ainsi, ce livre nous permet de prendre conscience que, face aux dangers
qui nous menacent, une nouvelle éthique est nécessaire : l’éthique du souci
de soi, des autres, de tous les êtres vivants qui demandent à être protégés et
frenchpdf.com
soignés. D’une éthique de la responsabilité, de la sollicitude et de la
compassion. Il nous faut comprendre que les changements institutionnels,
politiques, économiques, si nécessaires, ne seront possibles que dans la
mesure où les êtres humains accéderont à l’autonomie et à la responsabilité.
Encore une fois, de tels mots peuvent paraître aujourd’hui dévalués et
dérisoires. Dans le modèle de comportement que nous avons assimilé sans
le vouloir et sans le savoir, nous ne parlons pas le langage du cœur. Mais
rappelons-nous que ce langage a été utilisé en leur temps par Gandhi et
Martin Luther King pour dire à la fois leurs refus, leur révolte devant
l’injustice et la haine, et leur compassion pour leurs adversaires pétris de la
même humanité. Rappelons-nous aussi que dans un monde rempli de
souffrances parfois visibles, parfois cachées, mais toujours présentes dans
les couples, les familles, les entreprises, les institutions, le mépris, la haine
et la peur minent toutes les relations et contribuent à élever un mur
d’incompréhension entre les uns et les autres…
Ces murs que nous avons bâtis ou accepté de voir bâtir, que nous
continuons à maintenir sans toujours nous en rendre compte, Marshall
Rosenberg nous apprend à les reconnaître et nous donne quelques outils
pour les abattre. Ensemble.
CHARLES ROJZMAN
frenchpdf.com
Remerciements
frenchpdf.com
Pour l’édition française, je tiens à remercier les formateurs qui ont
donné de leur temps et de leur énergie pour réviser la traduction, en
particulier Laurence Bruschweiler et Anne Bourrit, et tout spécialement
Christiane Secretan, qui s’est dévouée sans compter.
Qu’il me soit enfin permis de dire ma gratitude à mon amie Annie Muller,
qui, en m’encourageant à préciser les fondements spirituels de mon travail,
a renforcé celui-ci et lui a donné une vigueur nouvelle.
MARSHALL B. ROSENBERG
frenchpdf.com
Les mots sont des fenêtres
(ou bien ce sont des murs)
frenchpdf.com
1
L’élan du cœur
Aux sources de la Communication NonViolente
« Ce que je recherche dans la vie, c’est
la bienveillance, un échange avec les autres motivé
par un élan du cœur réciproque. »
MARSHALL B. ROSENBERG
Introduction
Partant de la conviction que notre nature profonde nous porte à aimer
donner et recevoir dans un esprit de bienveillance, j’ai passé ma vie à
m’intéresser à deux questions. Comment se fait-il que nous puissions nous
couper de notre bonté naturelle au point d’adopter des comportements
violents et agressifs ? Et inversement, comment certains individus
parviennent-ils à rester en contact avec cette bonté naturelle même dans les
pires circonstances ?
Mon intérêt pour ces questions s’est éveillé dans mon enfance, au cours
de l’été 1943, lorsque ma famille s’est établie à Detroit, dans le Michigan.
Les tensions raciales étaient très vives et nous n’étions pas arrivés depuis
deux semaines qu’un incident dans un jardin public mit le feu aux poudres.
En quelques jours, les émeutes firent plus d’une quarantaine de victimes.
Notre quartier était au centre du foyer de violence et nous sommes restés
barricadés chez nous pendant trois jours.
À la rentrée des classes, le calme était rétabli. Ce fut à l’école que je
découvris qu’un patronyme pouvait être aussi préjudiciable qu’une couleur
frenchpdf.com
de peau. L’instituteur fit l’appel et, lorsqu’il prononça mon nom, deux
garçons me jetèrent des regards noirs et sifflèrent : « Sale youpin ! » Je
n’avais jamais entendu le mot et j’ignorais qu’il était employé comme un
terme de mépris envers les Juifs. Les deux compères m’attendirent à la
sortie et, après m’avoir jeté à terre, ils me rouèrent de coups.
Depuis ce jour, je n’ai cessé de m’interroger. Comment une femme
comme Etty Hillesum, par exemple, a-t-elle pu rester fidèle à sa nature
profondément bienveillante, alors même qu’elle était plongée dans l’atrocité
d’un camp de concentration nazi ? Voici ce qu’elle confia à l’époque à son
journal :
frenchpdf.com
J’utilise le terme de non-violence au sens où l’entendait Gandhi, pour
désigner notre état naturel de bienveillance lorsqu’il ne reste plus en nous la
moindre trace de violence. Car bien que nous puissions avoir l’impression
que notre façon de parler n’a rien de « violent », il arrive souvent que nos
paroles soient source de souffrance pour autrui ou pour nous-mêmes.
frenchpdf.com
résistance, de défense ou d’agressivité. En effet, lorsque au lieu de critiquer
et de juger nous sommes attentifs à ce que nous observons, ressentons et
désirons, nous découvrons l’ampleur de notre propre bonté naturelle. Parce
qu’elle privilégie la qualité de l’écoute de soi et de l’autre, la CNV suscite
le respect, l’attention et l’empathie, et engendre un désir mutuel de donner
spontanément dans l’élan du cœur.
frenchpdf.com
Dirigeons notre conscience là où nous avons des chances de
trouver ce que nous recherchons.
frenchpdf.com
cela se fera rapidement, mais je maintiens que la bienveillance s’épanouit
inéluctablement lorsque l’on reste fidèle à l’esprit et au processus de la
CNV.
La démarche de la CNV
Pour parvenir à un désir réciproque de donner du fond du cœur, nous
focalisons notre attention sur quatre points, qui constituent les quatre
composantes de la CNV.
Dans un premier temps, nous observons ce qui se passe réellement dans
une situation donnée : qu’est-ce qui, dans les paroles ou les actes d’autrui,
contribue ou non à notre bien-être ? L’important est de parvenir à énoncer
ces observations sans y mêler de jugement ou d’évaluation – ce qui revient
à dire simplement quels sont les faits que nous apprécions ou n’apprécions
pas. Puis, nous disons ce que nous ressentons en présence de ces faits :
sommes-nous tristes, joyeux, inquiets, amusés, fâchés ?… En troisième
lieu, nous précisons les besoins à l’origine de ces sentiments.
C’est la conscience de ces trois composantes qui nous permet de nous
exprimer clairement et sincèrement en CNV.
La mère d’un adolescent pourrait ainsi exprimer ces trois points en disant
à son fils : « Félix, quand je vois trois chaussettes sales sous la table du
salon et deux autres sous la télé, je suis de mauvaise humeur parce que j’ai
besoin de plus d’ordre dans les pièces que nous partageons. »
Elle compléterait aussitôt en exprimant la quatrième composante, à
savoir une demande précise et concrète : « Tu veux bien ranger tes
frenchpdf.com
chaussettes ou les mettre au sale ? » Ce quatrième élément indique
précisément ce que l’on désire de la part de l’autre afin que notre vie soit
plus agréable.
Ainsi donc, une partie de la CNV vise à exprimer très clairement ces
quatre éléments d’information, soit en les verbalisant, soit par d’autres
moyens. L’autre aspect consiste à recevoir ces quatre mêmes éléments
d’information de la part de notre interlocuteur. Dans le message qu’il nous
adresse, nous cherchons tout d’abord à percevoir les faits qu’il observe, ce
qu’il ressent et les besoins qu’il éprouve, puis à identifier ce qui pourrait
contribuer à son bien-être en écoutant le quatrième élément, sa demande.
En focalisant notre attention sur ces quatre points, et en aidant l’autre à
suivre la même démarche, nous établissons un courant de communication
qui débouche tout naturellement sur la bienveillance : je dis ce que
j’observe, ressens et désire, et ce que je demande pour mon mieux-être ;
j’entends ce que tu observes, ressens et désires, et ce que tu demandes pour
ton mieux-être.
La démarche de la CNV
J’observe un comportement concret qui affecte mon bien-être.
Je réagis à ce comportement par un sentiment.
Je cerne les désirs, besoins ou valeurs qui ont éveillé ce sentiment.
Je demande à l’autre des actions concrètes qui contribueront à mon
bien-être.
Lorsque nous suivons cette démarche, nous pouvons commencer soit par
l’expression des quatre éléments nous concernant, soit par l’accueil
empathique de ces quatre éléments dans l’expression de l’autre. Nous
reviendrons plus longuement sur l’écoute et l’expression de chacun de ces
éléments (chapitres 3 à 6), mais pour l’heure souvenons-nous que, loin
d’être une recette figée, la CNV s’adapte à toutes les variétés possibles de
situations, de même qu’au style personnel et culturel de chacun. Et bien
que, pour des raisons pratiques, il m’arrive de dire que la CNV est un
frenchpdf.com
« processus » ou un « langage », elle permet tout aussi bien d’exprimer ces
quatre composantes sans une parole, car son principe même repose non sur
la verbalisation, mais sur une prise de conscience des quatre composantes.
La CNV au quotidien
Lorsque nous pratiquons la CNV dans nos interactions – avec nous-
mêmes, avec un interlocuteur ou au sein d’un groupe –, nous nous
installons de plus en plus dans notre bienveillance naturelle. Il s’agit donc
d’une pratique qui peut être efficacement appliquée à tous les niveaux de
communication et à toutes sortes de situations :
relations de couple,
relations familiales,
milieu scolaire,
milieu professionnel,
relation thérapeutique,
négociations diplomatiques et relations d’affaires,
résolution de conflits et différends de toutes sortes.
frenchpdf.com
que je me suis rendu compte que l’homme avec qui je vivais depuis
vingt-huit ans était un homme qui souffrait beaucoup. Quelques jours
avant l’atelier de CNV, il m’avait demandé le divorce. Je n’entrerai pas
dans les détails, mais toujours est-il qu’aujourd’hui nous sommes
encore ensemble, et j’apprécie la contribution de la CNV à cette
heureuse issue. J’ai appris à écouter les sentiments, à exprimer mes
besoins, à accepter des réponses que je n’avais pas forcément envie
d’entendre. Il n’est pas là pour me rendre heureuse et je ne suis pas là
pour faire son bonheur. Nous avons tous deux appris à grandir, à
accepter et à aimer, de sorte que chacun trouve sa plénitude.
Une participante d’un atelier de San Diego
D’autres l’emploient pour établir des relations plus efficaces dans leur vie
professionnelle.
frenchpdf.com
participation. J’avais également l’impression de négliger les besoins
pédagogiques des autres élèves. À partir de là, dès qu’il commençait à
s’exciter, je lui disais : « J’aimerais que tu écoutes toi aussi. » J’ai
parfois répété cela cent fois par jour, mais il entendait le message et, en
général, il réagissait en s’intéressant au cours.
Un enseignant de Chicago (Illinois)
frenchpdf.com
D’autres encore utilisent ce processus dans la vie politique. Une officielle
française en visite chez sa sœur remarqua à quel point la communication et
l’interaction entre sa sœur et son mari avaient changé. Enthousiasmée par
leur description de la CNV, elle mentionna le fait qu’elle prévoyait de
négocier, la semaine suivante, certaines questions sensibles concernant les
procédures d’adoption entre la France et l’Algérie. Malgré le peu de temps
dont nous disposions, un formateur francophone fut envoyé à Paris pour
travailler avec elle. Plus tard, elle attribua une grande partie du succès de
ses négociations en Algérie à ses nouvelles compétences en
communication.
Lors d’un atelier organisé à Jérusalem, des Israéliens de diverses
sensibilités politiques ont utilisé la CNV pour s’exprimer sur la question
épineuse des territoires occupés. La plupart des colons établis sur la rive
gauche du Jourdain sont persuadés d’agir pour accomplir une volonté
divine ; cette conviction les oppose non seulement aux Palestiniens, mais
aussi à d’autres Israéliens qui, eux, reconnaissent la légitimité des
revendications palestiniennes sur ces territoires. Au cours d’une séance, je
présentai avec l’un de mes formateurs un modèle concret d’écoute
empathique par la CNV, puis conviai les participants à un jeu de rôles, en
les invitant à se mettre dans la peau de leurs antagonistes. Au bout d’une
vingtaine de minutes, une femme installée en Cisjordanie déclara qu’elle
serait prête à renoncer à ses revendications et à quitter sa colonie pour
retourner vivre sur un territoire israélien reconnu par la communauté
internationale si ses adversaires politiques pouvaient l’écouter comme on
venait de l’écouter.
Dans les nombreux pays où elle est enseignée à travers le monde, la CNV
se révèle être un outil précieux pour les communautés déchirées par des
conflits violents ou de graves tensions ethniques, religieuses ou politiques.
La diffusion de la CNV par ceux qui s’y sont formés et son utilisation pour
la médiation entre les peuples en guerre, que ce soit en Israël, en Palestine,
au Nigeria, au Rwanda, en Sierra Leone ou ailleurs, m’ont confirmé le
potentiel de ce processus. À Belgrade, avec des collègues formateurs en
frenchpdf.com
CNV, nous avons passé trois jours à former des citoyens œuvrant pour la
paix. À notre arrivée, les stagiaires avaient le visage fermé et empreint de
désespoir, car leur pays était alors enlisé dans une guerre barbare en Bosnie
et en Croatie. Pendant ce stage, ils retrouvèrent peu à peu des intonations
plus joyeuses, car ils éprouvaient un grand bonheur et une grande
reconnaissance d’avoir enfin trouvé l’efficacité qui leur manquait. Pendant
les deux semaines suivantes, nous avons animé d’autres stages en Croatie,
en Israël et en Palestine, où, une fois de plus, nous avons vu des citoyens
désespérés par la guerre retrouver leur élan vital et leur confiance après
avoir découvert la CNV.
Je me sens privilégié de pouvoir transmettre à des individus des quatre
coins de la planète un processus de communication qui leur permet de
prendre conscience de leur capacité d’action et de la joie qu’elle procure.
Je suis heureux de pouvoir aujourd’hui, grâce à ce livre, vous faire
partager la richesse du processus de Communication NonViolente.
Résumé
La CNV nous aide à renouer avec nous-mêmes comme avec les autres en
laissant libre cours à notre bienveillance naturelle. Elle nous engage à
reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et dont nous écoutons
l’autre, en fixant notre attention sur quatre éléments : l’observation d’une
situation, les sentiments qu’éveille cette situation, les besoins qui sont liés à
ces sentiments, et enfin ce que nous pourrions demander concrètement pour
satisfaire nos besoins. La CNV suscite qualité d’écoute, respect et empathie,
et fait naître un courant de générosité réciproque. Certaines personnes
utilisent la CNV pour mieux cerner leurs propres besoins, d’autres pour
approfondir une relation de couple, établir des relations professionnelles
efficaces ou gérer des situations politiques. Dans de nombreux pays, des
individus y ont recours pour dénouer toutes sortes de différends et de
conflits.
frenchpdf.com
La CNV en pratique
Au fil de cet ouvrage, des encadrés intitulés « La CNV en pratique »
présentent des dialogues inspirés de situations réelles. Chacun donne
une idée de ce que peut être un échange lorsque l’un des protagonistes
applique les principes de la Communication NonViolente. La CNV ne
saurait pour autant se limiter à un langage ou à une technique de
verbalisation. Elle repose sur une prise de conscience et sur une
intention qui peuvent être exprimées par des silences, par une qualité
de présence, par l’expression du visage ou la gestuelle. Les dialogues
retranscrits ici ne peuvent malheureusement pas rendre compte de la
dimension non verbale des échanges réels, où silences empathiques,
anecdotes, plaisanteries et gestes contribuent à établir un rapport plus
spontané entre les interlocuteurs.
« Meurtrier, assassin, bourreau d’enfants ! »
Alors que je présentais la Communication NonViolente dans une
mosquée du camp de réfugiés de Deheisha, à Bethléem, devant
quelque cent soixante-dix musulmans palestiniens, j’entendis soudain
une rumeur parcourir l’assistance et enfler. « Ils murmurent que vous
êtes américain ! » m’expliqua mon interprète. À cet instant, un homme
se leva d’un bond et, me regardant droit dans les yeux, hurla :
« Assassin ! » Un chœur de voix renchérit aussitôt : « Meurtrier ! »
« Bourreau d’enfants ! » « Assassin ! »
Par chance, je parvins à diriger mon attention sur ce que l’homme
ressentait et sur le besoin que son message exprimait. Dans ce cas
précis, j’avais eu quelques indices : ce matin-là, en arrivant au camp
de réfugiés, j’avais vu les grenades de gaz lacrymogène qui avaient été
lancées sur le camp la veille au soir. Sur chacune d’elles apparaissait
frenchpdf.com
clairement la mention « Made in USA ». Je savais que les réfugiés en
voulaient énormément aux Américains qui fournissaient à Israël des
gaz lacrymogènes et d’autres armes.
Je m’adressai donc à l’homme qui m’avait traité d’assassin :
Vous êtes en colère car vous aimeriez que mon pays utilise ses
ressources autrement ? (Je n’étais pas certain de viser juste,
mais l’essentiel était que je m’efforce en toute sincérité
d’identifier ses sentiments et ses besoins.)
Un peu que je suis en colère ! Vous croyez qu’on a besoin de
gaz lacrymogènes ? Nous avons besoin de fosses septiques,
mais pas de vos gaz lacrymogènes ! Nous avons besoin de
logements ! Nous avons besoin d’un pays à nous.
Vous êtes donc furieux et vous aimeriez que l’on vous aide à
améliorer vos conditions de vie et à accéder à l’indépendance
politique ?
Vous savez ce que c’est que de vivre ici ? Moi, ça fait vingt-
sept ans que j’y suis avec ma famille, mes enfants… Est-ce que
vous avez la moindre idée de ce que nous endurons ?
Vous semblez désespéré et on dirait que vous vous demandez
si quiconque peut réellement comprendre ce que c’est que de
vivre dans ces conditions. Est-ce bien ce que j’entends ?
Ah, vous voulez comprendre ? Dites-moi, avez-vous des
enfants ? Ils vont à l’école ? Ils ont des terrains de jeux ? Eh
bien moi, mon fils est malade. Il joue dehors, dans les égouts.
Dans sa classe, ils n’ont pas de livres ! Vous avez déjà vu une
école où il n’y a pas de livres, vous ?
Je constate qu’il vous est très pénible d’élever vos enfants ici.
Vous aimeriez que je sache que ce que vous voulez, c’est ce
que tous les parents souhaitent pour leurs enfants : une bonne
éducation, la possibilité de jouer et de grandir dans un
environnement sain…
frenchpdf.com
Exactement ! Ce sont des droits fondamentaux ! C’est le b.a.-
ba des droits de l’homme – c’est comme ça que vous appelez
cela en Amérique, non ? Pourquoi ne venez-vous pas plus
nombreux pour voir à quoi ils ressemblent, les droits de
l’homme que vous nous apportez ?
Vous voudriez que davantage d’Américains prennent
conscience de l’ampleur de vos souffrances, et qu’ils
s’interrogent plus sérieusement sur les conséquences de nos
actes politiques ?
frenchpdf.com
2
Quand la communication entrave
la bienveillance
« Ne vous posez pas en juge afin de n’être pas jugé ;
car c’est de la façon dont vous jugez qu’on vous
jugera… »
MATTHIEU, 7 : 1
Jugements moralisateurs
L’un de ces modes de communication qui « coupent de la vie » est le
recours à des jugements moralisateurs envers l’autre, dont nous avons
tendance à dire qu’il est dans le faux ou qu’il est mauvais lorsque ses actes
ne correspondent pas à nos valeurs. C’est ce que reflètent des expressions
telles que « Le problème avec toi, c’est que tu es tellement égoïste… » ou
frenchpdf.com
« Elle est paresseuse », « Ils sont bourrés de préjugés », « Ce n’est pas
correct »… Les reproches, insultes, dénigrements, étiquetages,
comparaisons et diagnostics sont autant de jugements portés.
« Par-delà les notions de bien et mal, il y a un champ. C’est là-bas que je
te retrouverai », écrivait le poète soufi Jalâl al-Din Rumi. Or, la
communication aliénante nous enferme dans un monde où tout est polarisé
entre le bien et le mal, dans un monde de jugements. C’est un langage riche
de mots qui étiquettent et catégorisent les gens et leurs actes. Lorsque nous
parlons ce langage, nous jugeons les autres et leur comportement pour
déterminer qui est bon, mauvais, normal, anormal, responsable,
irresponsable, intelligent, ignorant, etc.
frenchpdf.com
insensible ». Si mon collègue est plus attentif aux détails que moi, il est
« pointilleux et maniaque » ; si c’est moi qui le suis, il devient « brouillon et
inorganisé ».
frenchpdf.com
appris à exprimer directement nos besoins et nos valeurs, plutôt que
d’attribuer des torts à autrui lorsque ces valeurs et besoins ne sont pas
satisfaits. Nous pourrions par exemple reformuler la phrase « La violence
est un mal » en disant : « Je redoute l’usage de la violence pour résoudre les
conflits. Je tiens à résoudre les conflits humains par d’autres moyens. »
O. J. Harvey, professeur de psychologie à l’université du Colorado, a
étudié les rapports entre langue et violence. À partir de quelques exemples
glanés au hasard dans le corpus littéraire de plusieurs pays, il a relevé
l’occurrence des mots dénotant un jugement ou une catégorisation d’autrui.
Il a ainsi mis en évidence une forte corrélation entre la fréquence de ces
mots et l’incidence de la violence. Je ne suis pas surpris d’entendre que
dans les cultures qui pensent en termes de besoins humain, il y a beaucoup
moins de violence que dans celles où l’on s’entre-étiquette de « bons » ou
« mauvais » et où l’on soutient que les mauvais doivent être punis. À la
télévision américaine, dans 75 % des émissions programmées aux heures de
grande écoute enfantine, soit le héros tue les méchants, soit il leur donne
une bonne correction. Cette violence constitue généralement le dénouement
de l’intrigue et ravit les spectateurs, à qui l’on a appris que les méchants
méritent d’être punis.
frenchpdf.com
soviétiques considéraient quant à eux les États-Unis comme des
« oppresseurs impérialistes » qui s’efforçaient de les soumettre. Aucun des
deux camps ne reconnaissait la crainte qui sous-tendait ces étiquettes.
frenchpdf.com
N’importe quel lecteur, aussi vulnérable soit-il à cet exercice de
flagellation, se rend compte à quel point ce type de raisonnement peut
entraver la bienveillance, envers soi-même comme envers les autres.
Refus de responsabilité
Un autre mode de communication aliénante consiste à nier ses
responsabilités. Il empêche l’individu de prendre pleinement conscience
qu’il est responsable de ses pensées, de ses sentiments et de ses actes. Dans
le langage courant, une expression comme « il faut » (« il y a certaines
choses qu’il faut que tu fasses, que ça te plaise ou non ») voile la
responsabilité de chacun pour ses actes. Les tournures construites sur le
modèle « tu me » (« tu me culpabilises ») illustrent également la façon dont
le langage favorise notre refus d’assumer la responsabilité de nos propres
sentiments et pensées.
frenchpdf.com
J’ai nettoyé ma chambre parce que j’y étais obligé.
notre état de santé, au diagnostic dont nous sommes l’objet, ou à
nos antécédents individuels ou psychologiques
Je bois parce que je suis alcoolique.
les actes d’autrui
J’ai frappé mon enfant parce qu’il courait dans la rue.
le diktat d’une autorité
J’ai menti au client parce que le patron me l’a demandé.
la pression sociale
J’ai commencé à fumer parce que tous mes amis fumaient.
une politique institutionnelle, des règlements, des lois
Je dois vous renvoyer pour cette infraction car c’est la politique
de l’école.
la fonction attribuée à un sexe, à un groupe social ou à une
tranche d’âge
Je déteste aller travailler, mais j’y vais car je suis père de famille.
des impulsions incontrôlables
J’ai mangé un gâteau parce que c’était plus fort que moi.
frenchpdf.com
quelque chose qu’elle détestait car elle s’y sentait obligée, et que j’espérais
qu’elle puisse trouver des alternatives plus satisfaisantes en apprenant le
langage de la CNV.
Elle apprit très vite. Ce soir-là, après la séance, elle rentra chez elle et
annonça à sa famille qu’elle ne voulait plus faire la cuisine. Trois semaines
plus tard, j’eus un écho de sa famille lorsque ses deux fils vinrent assister à
une séance de l’atelier. J’étais curieux de savoir comment ils avaient réagi à
la décision de leur mère. « J’ai béni le ciel ! » soupira l’aîné. Et, voyant
mon regard étonné, il poursuivit : « Je me suis dit qu’elle arrêterait peut-être
enfin de se plaindre à chaque repas ! »
Lors d’un autre atelier, mené cette fois-ci en milieu scolaire, une
enseignante confia : « Je déteste mettre des notes. Je ne pense pas que cela
serve à quoi que ce soit et ça angoisse beaucoup les élèves. Mais j’y suis
obligée : ce sont les directives du rectorat. » Nous venions de faire quelques
exercices sur la façon d’introduire en classe un langage qui permette à
chacun de mieux prendre conscience de la responsabilité de ses actes. Je lui
proposai de reformuler ce qu’elle venait de dire en commençant par : « Je
choisis de mettre des notes parce que je veux… » Elle compléta sans
hésiter : « parce que je veux garder mon poste. » Mais elle s’empressa
d’ajouter : « Mais je n’aime pas le dire de cette façon. Cela fait peser sur
moi tout le poids de la responsabilité de ce que je fais. » « C’est exactement
pour cela que je voulais vous le faire dire », répondis-je.
frenchpdf.com
Je partage les sentiments de Georges Bernanos, quand il écrit :
frenchpdf.com
comprendre que je ne pouvais pas les mener par le bout du nez. Tout au plus
pouvais-je leur faire regretter de n’avoir pas accédé à mes exigences – en
les punissant. Mais, au bout du compte, ils m’ont appris que, lorsque j’avais
été assez stupide pour les punir, c’est eux qui trouvaient le moyen de me le
faire regretter !
Nous avons pour la plupart été élevés avec un langage qui nous pousse à
étiqueter, catégoriser, exiger et porter des jugements, plutôt qu’à prendre
conscience de nos sentiments et de nos besoins. Cette communication
aliénante trouve, selon moi, ses origines dans des conceptions de la nature
humaine ancrées dans les mentalités depuis plusieurs siècles, et qui
soulignent le mal et les défaillances qui sont en nous et la nécessité d’une
éducation pour contrôler notre nature par essence médiocre. Or cette
frenchpdf.com
éducation nous engage souvent à nous demander s’il y a quelque chose de
faux dans les sentiments et les besoins que nous éprouvons, et nous
apprenons très tôt à nous fermer à l’écoute intérieure.
Résumé
Il est dans notre nature d’aimer donner et recevoir du fond du cœur. Nous
avons cependant appris plusieurs formes de « langage aliénant » qui nous
conduisent à nous exprimer ou à nous comporter de manière blessante vis-
à-vis des autres et de nous-mêmes. L’une de ces formes de communication
aliénante consiste à utiliser des jugements moralisants qui impliquent que
ceux dont le comportement ne correspond pas à nos valeurs ont tort ou sont
mauvais. Une autre repose sur les comparaisons, qui peuvent entraver la
bienveillance envers nous-mêmes comme à l’égard d’autrui. La
communication aliénante nous empêche aussi de prendre pleinement
frenchpdf.com
conscience que chacun est responsable de ses pensées, de ses sentiments et
de ses actes. Une autre caractéristique de ce type de communication
consiste à communiquer ses désirs sous forme d’exigences.
frenchpdf.com
3
Observer sans évaluer
« Observez ! Peu de choses sont plus importantes, plus
religieuses que cela. »
FREDERICK BUECHNER, pasteur
frenchpdf.com
MARSHALL B. ROSENBERG
frenchpdf.com
Une chanson de ma collègue Ruth Bebermeyer oppose langage
dynamique et langage statique, illustrant la différence entre observation et
évaluation.
frenchpdf.com
J’ai vu tout cela, mais pas de cuisinier.
Dis-moi, quand tu regardes,
Est-ce un cuisinier que tu vois,
Ou quelqu’un qui fait ce que nous appelons cuisiner ?
Ce que certains nomment paresse
Est pour d’autres de la fatigue ou de la détente.
frenchpdf.com
qu’ils avaient à communiquer. L’inspecteur d’académie m’avait demandé de
les aider à résoudre ce conflit. Je devais tout d’abord m’entretenir avec les
enseignants, puis les réunir avec le directeur.
J’ouvris la première réunion en demandant aux enseignants : « Que fait
votre directeur qui contrarie vos besoins ? » La première réponse fusa :
« C’est un moulin à paroles ! » Ma question appelait une observation. Or, le
terme de « moulin à paroles » me renseignait sur la façon dont ce professeur
jugeait le directeur, mais ne décrivait pas les actes ou les paroles qui
provoquaient ce jugement.
Lorsque j’en fis la remarque, un autre professeur intervint : « Je sais ce
qu’il veut dire : le directeur parle trop. » Au lieu d’une observation claire de
l’attitude du directeur, c’était encore une évaluation – sur le débit verbal du
directeur. Un troisième enseignant déclara alors : « Il est persuadé d’être le
seul à avoir quelque chose d’intéressant à dire. » J’expliquai que prêter des
pensées à quelqu’un, ce n’est pas la même chose qu’observer ses actions.
Un quatrième enseignant se risqua alors : « Il veut tout le temps être le point
de mire. » Quand j’eus fait remarquer que cela était également une
supposition – portant, cette fois, sur le désir de l’autre –, deux enseignants
soupirèrent à l’unisson : « C’est qu’il n’est pas facile de répondre à votre
question ! »
Nous avons donc travaillé ensemble pour dresser une liste des
comportements concrets du directeur qui les ennuyaient, en veillant à
écarter tout jugement. Il apparut que, pendant les réunions pédagogiques, le
directeur racontait ses souvenirs d’enfance et de guerre, retardant ainsi la
fin de la réunion d’une bonne vingtaine de minutes. Je demandai aux
professeurs s’ils lui avaient un jour fait part de leur contrariété. Ils avaient
essayé, répondirent-ils, mais uniquement par des jugements. Ils n’avaient
jamais mentionné de comportement précis – tels que ses récits – mais
convinrent d’en parler dès notre réunion avec le directeur.
À peine la réunion commencée, je compris ce que les enseignants avaient
voulu me dire. Quel que fût le sujet que nous abordions, le directeur
coupait : « Ça me rappelle l’époque où… » Et il enchaînait sur ses
frenchpdf.com
souvenirs d’enfance ou de guerre. J’attendis que les enseignants manifestent
leur malaise. Mais au lieu d’appliquer la CNV, ils s’exprimèrent par une
condamnation non verbale. Certains levaient les yeux au ciel, d’autres
bâillaient ostensiblement, un autre regardait sa montre.
Je supportai un moment ce pénible spectacle et finis par demander :
« Personne ne va se décider à dire quoi que ce soit ? » Un silence gêné
s’installa. L’enseignant qui avait parlé le premier lors de notre réunion
préalable prit son courage à deux mains, regarda le directeur droit dans les
yeux et dit : « Ed, tu es un moulin à paroles. »
Comme le montre cette anecdote, il n’est pas toujours facile de se défaire
de ses habitudes et de parvenir à séparer les observations des évaluations.
En fin de compte, les enseignants réussirent à exposer clairement au
directeur les actes concrets qui les ennuyaient. Le directeur écouta
attentivement, puis s’écria : « Pourquoi est-ce qu’aucun de vous ne me l’a
dit plus tôt ? » Il reconnut qu’il était conscient de sa manie de raconter des
histoires… et se lança dans une grande histoire sur cette manie ! Je
l’interrompis, lui faisant gentiment remarquer qu’il recommençait. Nous
conclûmes notre réunion en élaborant des stratégies pour permettre aux
enseignants de faire savoir en douceur à leur directeur que ses histoires
n’étaient pas appréciées.
frenchpdf.com
qu’il s’agit d’un poche, je pense que tu
jugement. es trop généreux.
frenchpdf.com
Note : Les adverbes toujours, jamais, tout le temps, chaque fois, etc.
expriment des observations dans les contextes suivants.
Tu es toujours occupé.
Elle n’est jamais là quand on a besoin d’elle.
Évaluation Observation
Tu fais Les trois dernières fois que j’ai proposé une activité, tu as
rarement ce dit que tu ne voulais pas en entendre parler.
que
j’aimerais.
Résumé
La première composante de la CNV consiste à bien séparer l’observation
de l’évaluation. Quand nous mélangeons observation et évaluation, notre
frenchpdf.com
interlocuteur risque d’entendre une critique et de résister à ce que nous
disons. La CNV est un langage dynamique qui déconseille les
généralisations figées et les remplace par des observations circonstanciées.
Nous dirons ainsi plus volontiers : « En vingt matchs, je n’ai pas vu Jacques
marquer un seul but » que « Jacques est un mauvais footballeur ».
frenchpdf.com
La CNV en pratique
« L’orateur le plus arrogant que nous ayons jamais eu ! »
Le dialogue suivant eut lieu au cours d’un atelier que j’animais.
Après environ une demi-heure d’exposé, je m’interrompis pour
permettre aux participants de réagir. L’un d’entre eux leva la main et
dit : « Vous êtes l’orateur le plus arrogant que nous ayons jamais eu ! »
Lorsque j’entends ce genre de réflexion, je peux réagir de
différentes manières. Par exemple, je peux me sentir visé
personnellement : je sais que c’est le cas lorsque j’éprouve une forte
envie de me plaindre, de me défendre ou de me justifier. Une autre
solution (à laquelle je suis bien entraîné) consiste à riposter à ce que je
perçois comme une attaque envers moi. En l’occurrence, je choisis une
troisième possibilité en concentrant mon attention sur ce qui pouvait
se cacher derrière les propos de cet homme.
frenchpdf.com
MBR : Vous réagissez donc parce que je n’ai pas dit que
j’avais parfois du mal à suivre le processus ?
PHIL : C’est bien cela.
MBR : Vous sentez-vous contrarié parce que vous auriez aimé
avoir de ma part un signe montrant que j’éprouvais
moi-même des problèmes avec le processus ?
PHIL : (Après un moment.) Exactement.
MBR : (Plus détendu maintenant que je suis relié à son
sentiment et à son besoin, je porte mon attention sur ce
qu’il pourrait me demander.) Voudriez-vous que je
reconnaisse là, maintenant, qu’il m’arrive d’avoir
beaucoup de mal à appliquer le processus ?
PHIL : Oui.
MBR : (Ayant clarifié son observation, son sentiment, son
besoin et sa demande, je vérifie en moi si je suis prêt à
répondre à sa demande.) Oui, j’ai souvent du mal à
suivre le processus. Au cours de l’atelier, vous
m’entendrez probablement décrire plusieurs situations
où j’ai peiné… ou complètement perdu le contact…
avec ce processus, cette conscience, dont je vous parle
aujourd’hui. Mais ce qui me permet de traverser ces
difficultés, ce sont les liens étroits que je vis avec les
autres lorsque je parviens à rester dans le processus.
frenchpdf.com
Exercice
OBSERVATION OU ÉVALUATION ?
Cet exercice vous aidera à évaluer votre capacité à séparer les observations
des évaluations. Cochez les phrases qui sont de simples observations sans
trace d’évaluation.
frenchpdf.com
4. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
« Un homme généreux » exprime, à mon sens, une évaluation.
Pour faire une observation sans porter de jugement, on aurait pu
dire : « Depuis vingt-cinq ans, mon père a donné un dixième de
son salaire à des œuvres charitables. »
5. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
« Trop » est à mon sens une opinion. Pour faire une observation
sans évaluer on aurait pu dire : « Cette semaine, Claire a passé
plus de soixante heures au bureau. »
6. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. Je
considère qu’« agressif » est une évaluation. Pour faire une
observation sans évaluer, on aurait pu dire : « Henri a frappé sa
sœur lorsqu’elle a éteint la télévision. »
7. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer qu’il s’agit bien d’une observation sans évaluation.
8. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
« Souvent » est à mon sens une évaluation. Pour faire une
observation sans évaluation, on aurait pu dire : « Cette semaine,
mon fils a omis deux fois de se brosser les dents avant d’aller au
lit. »
9. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer qu’il s’agit bien d’une observation sans évaluation.
10. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
« Se plaint » contient à mon sens une évaluation. Pour faire une
observation sans porter de jugement on aurait pu dire : « Ma
tante m’a appelé trois fois cette semaine et chaque fois elle m’a
parlé de gens qui la traitaient d’une façon qui lui déplaisait. »
frenchpdf.com
4
Identifier et exprimer
les sentiments
Le masque
Toujours un masque
Que tenait la main fine et blanche.
Elle avait toujours un masque devant le visage…
Vraiment le poignet
Qui le soutenait légèrement
Convenait à la tâche ;
Arrivait-il pourtant
Qu’il y ait un tremblement
Qu’un doigt vacille
Imperceptiblement…
En tenant le masque ?
frenchpdf.com
Elle n’avait pas de visage.
Elle était devenue
Une simple main
Tenant un masque
Avec grâce.
ANONYME
frenchpdf.com
me demanda de quitter l’école. Je lui expliquai que j’avais peur de sortir,
mais elle répliqua : « Les grands garçons n’ont pas peur. » Quelques années
plus tard, mon expérience sportive renforça ce postulat. Les entraîneurs
appréciaient généralement les joueurs qui étaient prêts à « donner le
meilleur d’eux-mêmes » et, le cas échéant, à continuer le match au mépris
de la douleur. J’avais si bien appris la leçon que j’ai continué à jouer au
base-ball pendant un mois avec un poignet cassé.
Lors d’un atelier de CNV, un étudiant parla d’un voisin de chambre qui
mettait sa chaîne stéréo si fort que le bruit l’empêchait de dormir. Je lui
demandai quel sentiment lui inspirait cette situation. « J’ai le sentiment que
ce n’est pas bien de jouer de la musique si fort la nuit », répondit-il. Je lui
fis remarquer que l’expression « J’ai le sentiment que… » exprimait
davantage une opinion qu’un sentiment. Il tenta alors de reformuler ce qu’il
ressentait : « Je sens que lorsque les gens font ce genre de choses, cela
relève d’un trouble de la personnalité. » C’était encore une opinion plus
qu’un sentiment. Il réfléchit un instant, et finit par lancer : « Ça ne
m’inspire strictement aucun sentiment ! »
De toute évidence, il éprouvait des sentiments intenses, mais il ne savait
malheureusement pas comment en prendre conscience et moins encore
comment les exprimer. Cette difficulté à identifier et dire ce que l’on ressent
est courante, notamment, d’après mon expérience, parmi les avocats,
ingénieurs, agents de police, chefs d’entreprise, militaires de carrière et tous
ceux qui exercent une profession dont la déontologie n’encourage pas la
manifestation des émotions. Dans les relations familiales, cette incapacité à
partager ses émotions a de tristes conséquences. Après la mort de son père,
la chanteuse folk Reba McIntire écrivit une chanson qu’elle intitula « Ce
Très Grand Homme, que je n’ai jamais connu ». Elle exprimait ainsi les
sentiments de beaucoup de gens qui n’ont jamais pu établir avec leur père le
lien affectif qu’ils auraient souhaité.
J’entends très souvent des femmes dire : « Comprenez-moi bien, mon
mari est un homme merveilleux, mais je ne sais jamais ce qu’il ressent. »
L’une de ces épouses insatisfaites ayant amené son mari à un atelier lui dit
frenchpdf.com
au cours d’un exercice : « J’ai le sentiment d’avoir épousé un mur. » Le
mari imita alors parfaitement le mur : il se cala dans son fauteuil, sans
desserrer les mâchoires et sans bouger. Exaspérée, elle se tourna vers moi et
s’exclama : « Vous voyez ! C’est comme ça tout le temps. Il s’assied et il ne
dit rien. Je vivrais avec un mur, ce serait pareil ! »
« Il me semble que vous vous sentez seule et que vous aimeriez avoir
plus de contacts affectifs avec votre mari », répondis-je. Elle acquiesça et je
tentai de montrer que la phrase « J’ai le sentiment d’avoir épousé un mur »
avait peu de chances d’attirer l’attention de son mari sur ses sentiments et
ses désirs. Elle risquait au contraire d’être entendue plutôt comme une
critique que comme une invitation à se brancher sur le registre des
sentiments. De plus, de telles réflexions conduisent souvent à des
prophéties qui s’accomplissent d’elles-mêmes, en ceci qu’elles ont pour
effet de provoquer l’attitude même qu’elles dépeignent : un mari qui
s’entend reprocher de se conduire comme un mur est blessé, découragé et
ne réagit pas, confirmant ainsi l’image de mur que sa femme se fait de lui.
Nous avons tout à gagner en enrichissant notre vocabulaire affectif, non
seulement dans nos relations familiales, mais aussi dans nos rapports
professionnels. Une grande entreprise suisse m’avait demandé d’aider ses
techniciens à comprendre pourquoi le personnel des autres services les
évitait. J’interrogeai leurs collègues, qui me répondirent : « Nous avons
horreur de traiter avec eux. Nous avons l’impression de parler à des
machines ! » La situation s’améliora après que j’eus pris du temps avec les
techniciens pour les encourager à laisser davantage transparaître leur côté
humain lorsqu’ils communiquaient avec leurs collègues.
En une autre occasion, je fus amené à intervenir auprès des gestionnaires
d’une clinique qui appréhendaient leur prochaine réunion avec les
médecins. Ils voulaient faire approuver un projet contre lequel les médecins
avaient récemment voté à dix-sept voix contre une et tenaient à ce que je
leur montre comment la CNV pourrait leur permettre d’aborder les
médecins.
frenchpdf.com
J’organisai un jeu de rôles et me mis dans la peau d’un administrateur :
« Je redoute d’aborder cette question. » Je commençai de la sorte car je
sentais à quel point les administrateurs craignaient cette nouvelle
confrontation avec les médecins. Mais l’un d’entre eux me coupa aussitôt :
« Vous n’êtes pas réaliste ! Nous ne pourrions jamais dire aux médecins que
nous avons peur ! »
Je lui demandai alors pourquoi il lui semblait si impossible de reconnaître
ses craintes. « Si nous admettions que nous avons peur, répliqua-t-il sans
hésiter, ils nous mettraient en pièces ! » Sa réponse ne me surprit guère. J’ai
souvent entendu des gens dire qu’ils ne concevaient pas d’exprimer leurs
sentiments dans leur milieu professionnel. J’eus toutefois par la suite le
plaisir d’apprendre que l’un des administrateurs s’était risqué à montrer sa
vulnérabilité lors de la réunion tant redoutée. Au lieu de se présenter
comme à son habitude sous un éclairage strictement logique, rationnel et
réservé, il choisit d’exposer ses sentiments ainsi que les raisons pour
lesquelles il voulait que les médecins modifient leur point de vue. Ce
faisant, il remarqua que les médecins adoptaient à son égard une attitude
très différente. Au bout du compte, il constata avec surprise et soulagement
qu’au lieu de le « mettre en pièces » les médecins avaient totalement changé
d’avis et voté en faveur du projet à dix-sept voix contre une ! Ce revirement
spectaculaire permit aux administrateurs de se rendre compte à quel point il
pouvait être profitable d’exprimer sa vulnérabilité – même dans un contexte
professionnel.
Pour finir, je voudrais partager une anecdote qui m’a appris les effets des
émotions dissimulées. J’enseignais la CNV à des jeunes habitants dans des
quartiers défavorisés. Le premier jour, dès que j’entrai dans la classe, les
étudiants arrêtèrent net leurs discussions et firent silence. Je les saluai, mais
frenchpdf.com
n’obtins aucune réponse. J’étais très mal à l’aise, mais j’avais peur de le
montrer. J’enchaînai donc sur un ton très professionnel : « Nous allons ici
étudier un processus de communication dont j’espère qu’il vous aidera à
gérer vos rapports familiaux et amicaux. »
Je continuai à présenter la CNV, mais personne ne semblait écouter. Une
jeune fille fourragea dans son sac, sortit une lime et se fit ostensiblement les
ongles. Les étudiants assis près de la fenêtre collaient le nez au carreau,
comme si le spectacle de la rue les passionnait. J’étais de plus en plus
nerveux, mais m’obstinai à ne rien en dire. Enfin, un étudiant plus
courageux que moi lança : « Vous n’aimez pas être avec des Noirs, hein ? »
J’étais abasourdi, mais je compris immédiatement qu’en m’efforçant de
cacher mon malaise j’avais en fait contribué à lui donner cette impression.
« Je suis en effet mal à l’aise, avouai-je. Non parce que vous êtes noirs,
mais parce que je ne connais personne ici, et j’aurais voulu être accepté en
entrant dans la salle. » Cet aveu de vulnérabilité leur fit beaucoup d’effet.
Ils se mirent à me poser des questions sur moi, à me parler d’eux et à
manifester de la curiosité pour la CNV.
frenchpdf.com
Je sens que nous n’allons pas nous entendre.
J’ai le sentiment d’être un raté.
J’ai le sentiment de vivre avec un mur.
J’ai le sentiment que mon patron me mène par le bout du nez.
B. Expression de sentiments
frenchpdf.com
« Je suis mécontent de la façon dont je joue. »
Le sentiment réel que cache l’adjectif « nul » pourrait par conséquent être
la déception, l’impatience, le mécontentement ou une autre émotion.
Il est également utile de distinguer entre les adjectifs qui traduisent nos
sentiments et ceux qui expriment notre interprétation des actes ou pensées
d’autrui. Dans les exemples suivants, on pourrait penser que le locuteur
exprime un sentiment, alors que les adjectifs utilisés font davantage
référence à la façon dont il interprète le comportement des autres qu’à ce
qu’il ressent véritablement.
B. Je me sens incompris.
L’adjectif « incompris » renvoie à mon jugement sur la capacité de
compréhension des autres et non à un sentiment réel. Dans cette situation, il
serait plus juste de dire que je suis inquiet ou contrarié, par exemple.
C. Je me sens ignoré.
Une fois de plus, il s’agit ici d’une interprétation des actes d’autrui.
Quant aux sentiments qui s’y rapportent, ils peuvent varier. Il s’est
certainement trouvé des moments où, pensant que d’autres nous ignoraient,
frenchpdf.com
nous en avons été soulagés, car nous souhaitions que l’on nous laisse
tranquilles. En d’autres circonstances, nous nous sommes sentis blessés,
parce que nous aurions souhaité participer à ce qui se faisait.
Des adjectifs comme « ignoré » expriment donc davantage notre
interprétation des actes d’autrui que ce que nous ressentons. Voici un
échantillon d’adjectifs de ce type.
abandonné
attaqué
bousculé
bridé
coincé
contraint
déconsidéré
délaissé
dévalorisé
entraîné
exploité
ignoré
incompris
indésirable
maltraité
manipulé
materné
menacé
méprisé
mésestimé
négligé
obligé
pas apprécié
pas entendu
pas soutenu
frenchpdf.com
persécuté
piégé
provoqué
rabaissé
rejeté
surchargé
trahi
trompé
utilisé
Développer un vocabulaire
des sentiments
Les mots désignant des émotions particulières sont plus utiles pour
exprimer les sentiments que les mots vagues ou trop généraux. Ainsi « Je
me sens bien » peut vouloir dire « Je suis content, enthousiaste, soulagé »
ou faire référence à toute une gamme d’émotions positives. Des mots
comme « bien » et « mal » empêchent notre interlocuteur de voir
précisément ce que nous ressentons vraiment.
Les listes suivantes ont été constituées pour nous aider à exprimer
précisément des sentiments et à décrire clairement toute une gamme
d’émotions.
Lorsque nos besoins sont satisfaits, nous pouvons nous sentir…
admiratif
alerte
amoureux
amusé
apaisé
attendri
attentif
aux anges
frenchpdf.com
béat
bien disposé
bouleversé
calme
captivé
charmé
comblé
confiant
content
curieux
de bonne humeur
décontracté
délivré
détendu
ébahi
ébloui
égayé
électrisé
émerveillé
émoustillé
ému
en effervescence
en harmonie avec…
en extase
en sécurité
enchanté
encouragé
enjoué
enthousiaste
étonné
éveillé
exalté
frenchpdf.com
excité
fasciné
fier
frémissant (de joie, de surprise)
gai
heureux
hilare
inspiré
intéressé
intrigué
joyeux
léger
libre
mobilisé à…
optimiste
paisible
passionné
ragaillardi
rassasié
rassuré
ravi
reconnaissant
régénéré
regonflé
réjoui
remonté
revigoré
satisfait
serein
soulagé
stimulé
stupéfait
frenchpdf.com
submergé (de joie)
sûr de soi
surexcité
surpris
touché
tranquille
transporté de joie
vibrant
vivant
vivifié
ou bien plein…
d’amour
d’affection
d’appréciation
d’ardeur
de chaleur
de compréhension
de douceur
d’énergie
d’entrain
d’espoir
de ferveur
de gratitude
de pétulance
de tendresse
de zèle
frenchpdf.com
enjouée
espiègle
exubérante
insouciante
pétillante
frenchpdf.com
crispé
débordé
déconcerté
découragé
déçu
défait
dégoûté
de mauvaise humeur
démoralisé
démuni
dépassé
dépité
déprimé
dérouté
désabusé
désemparé
désenchanté
désespéré
désolé
désorienté
déstabilisé
détaché
écœuré
effaré
effrayé
embarrassé
ému
en colère
énervé
ennuyé
épuisé
exaspéré
frenchpdf.com
excédé
excité
fâché
fatigué
fragile
frustré
furieux
gêné
glacé de peur
haineux
hésitant
honteux
horrifié
horripilé
impatient
impuissant
incommodé
inquiet
insatisfait
instable
intrigué
irrité
jaloux
las
lassé
lourd
mal à l’aise
mal assuré
malheureux
mécontent
méfiant
mélancolique
frenchpdf.com
navré
nerveux
paniqué
pas intéressé
peiné
perplexe
perturbé
pessimiste
piqué au vif
piteux
préoccupé
remonté
résigné
sceptique
secoué
sensible
seul
sidéré
soucieux
soupçonneux
stupéfait
surexcité
sur le qui-vive
surpris
terrifié
tourmenté
transi
tremblant
triste
troublé
ulcéré
vexé
frenchpdf.com
vidé
ou bien nous pouvons nous sentir d’humeur…
chagrine
maussade
massacrante
morose
sombre
ou encore éprouver des sentiments…
d’agressivité
d’appréhension
d’aversion
d’ennui
de peur
de pitié
de rancœur
de ressentiment
Résumé
La deuxième composante de la CNV consiste à exprimer nos sentiments.
En développant un vocabulaire affectif qui nous permet de décrire
clairement et précisément nos émotions, nous pouvons établir plus
facilement un lien avec les autres. Montrer notre vulnérabilité en exprimant
nos sentiments peut contribuer à résoudre des conflits. Enfin, la CNV
distingue les sentiments réels des mots décrivant des pensées, des
jugements et des interprétations.
frenchpdf.com
Exercice
EXPRIMER DES SENTIMENTS
Si vous voulez voir si nous sommes d’accord sur l’expression verbale des
sentiments, cochez les phrases où des sentiments sont nommés.
frenchpdf.com
4. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
Pour moi, « délaissée » n’exprime pas un sentiment, mais ce que
la personne pense qu’on lui fait. Pour exprimer un sentiment, on
aurait pu dire : « Quand tu ne me dis pas bonjour, je me sens
seule. »
5. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer qu’un sentiment est spécifiquement exprimé.
6. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À
mon sens, « exaspérant » exprime ce qu’on pense de l’autre
plutôt que ce qu’on ressent. Pour exprimer un sentiment, on
aurait pu dire : « Je suis exaspéré. »
7. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À
mon sens, « J’ai envie de te taper dessus » exprime ce qu’on a
envie de faire et non ce qu’on ressent. Pour exprimer un
sentiment, on aurait pu dire : « Je suis furieux contre toi. »
8. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À
mon sens, « incompris » n’est pas un sentiment. La personne qui
parle donne son opinion sur la compréhension des autres. Pour
exprimer un sentiment on aurait pu dire : « Je suis déçu » ou « Je
suis découragé ».
9. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer qu’un sentiment a été exprimé verbalement. Notons
toutefois que « bien » est vague pour exprimer un sentiment.
Nous pouvons préciser ce que nous éprouvons en utilisant
d’autres adjectifs, d’habitude. Ici, on aurait pu dire : « Je me sens
soulagé » ou « très content » ou « encouragé ».
10. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
À mon sens, « incapable » n’est pas un sentiment. Celui qui
parle dit ce qu’il pense de lui-même, et non ce qu’il ressent. Pour
exprimer un sentiment, on aurait pu dire : « Je doute de mes
propres talents » ou « Je suis démoralisé ».
frenchpdf.com
5
Assumer la responsabilité
de ses sentiments
« Les gens sont troublés non par les choses, mais
par l’image qu’ils s’en font. »
ÉPICTÈTE
frenchpdf.com
Quatre façons d’accueillir un message négatif :
1. se sentir fautif ;
frenchpdf.com
Enfin, la quatrième possibilité consiste à diriger notre attention sur les
sentiments et les besoins de l’autre, tels qu’ils sont exprimés. Nous
pourrions ainsi répondre par une question : « Te sens-tu blessé parce que tu
aurais besoin que tes préférences soient mieux prises en compte ? »
Au lieu de blâmer les autres pour les sentiments que nous éprouvons,
nous en acceptons la responsabilité en les reliant à nos propres besoins,
désirs, attentes, valeurs ou pensées. Soulignons la différence entre les
formulations suivantes d’une déception.
Exemple 1
Exemple 2
frenchpdf.com
« Lorsqu’ils ont annulé le contrat, j’ai été très irrité parce que j’espérais
que ce serait l’occasion de reprendre les employés que nous avions licenciés
l’année dernière. »
Le mécanisme de base de la motivation par la culpabilité consiste à
attribuer la responsabilité de ses sentiments aux autres. Lorsque les parents
disent : « Quand tu as de mauvaises notes à l’école, cela nous fait de la
peine », ils sous-entendent que les actes de l’enfant sont la cause de leur
plaisir ou de leur déplaisir. À première vue, cette attitude qui consiste à se
considérer comme responsable des sentiments des autres pourrait aisément
passer pour de l’affection. On peut avoir l’impression que l’enfant aime ses
parents et se sent mal parce qu’ils souffrent. Mais si les enfants qui
assument ce type de responsabilité modifient leur comportement en
fonction des désirs de leurs parents, ils n’agissent pas spontanément, mais
pour échapper à la culpabilité.
frenchpdf.com
3. Emploi de l’expression « Je suis (+ émotion) parce que… » suivie
du nom d’une personne ou d’un pronom personnel autre que
« je »
frenchpdf.com
dit : « Tu ne me comprends jamais », il nous dit en réalité que son besoin
d’être compris n’est pas satisfait. De même une épouse qui déclare à son
mari : « Tu rentres tard du travail tous les soirs depuis une semaine. Tu
aimes plus ton travail que moi » dit en fait que son besoin d’intimité n’est
pas satisfait.
frenchpdf.com
Je fus un jour invité en Californie du Sud comme médiateur entre des
propriétaires terriens et des ouvriers agricoles immigrés, opposés dans des
conflits de plus en plus vifs et violents. Au début de la réunion, je leur posai
deux questions : « Quels sont vos besoins respectifs ? Et que souhaiteriez-
vous demander à l’autre partie par rapport à ces besoins ? » « Le problème,
c’est que ces gens-là sont racistes ! » tonna un ouvrier agricole. « Le
problème, c’est que ces gens-là ne respectent pas la loi ! » rétorqua un
propriétaire terrien. Comme c’est souvent le cas, ces groupes étaient plus
habiles à analyser les torts des autres qu’à exprimer clairement leurs
besoins.
Dans une situation comparable, j’ai rencontré un groupe d’Israéliens et
de Palestiniens qui souhaitaient établir une relation de confiance réciproque
afin d’œuvrer pour la paix dans leur région. J’ouvris la séance avec les
mêmes questions : « De quoi avez-vous besoin et que souhaiteriez-vous
demander à l’autre partie par rapport à ces besoins ? » Au lieu d’énoncer
clairement ses besoins, un mukhtar (maire) palestinien lança aux Israéliens :
« Vous vous comportez comme une bande de nazis ! » Ce n’était certes pas
ce type de déclaration qui allait lui attirer leur coopération !
Presque aussitôt, une Israélienne se leva d’un bond et répliqua :
« Mukhtar, ce que vous venez de dire manque tout à fait de tact ! » Ces gens
s’étaient réunis pour bâtir un rapport de confiance et travailler ensemble en
harmonie, mais il avait suffi d’un échange pour envenimer la situation.
C’est souvent ce qui arrive lorsque les individus sont plus habitués à
critiquer les autres qu’à exprimer clairement leurs propres besoins. Dans ce
cas précis, la femme aurait pu répondre au mukhtar en se focalisant sur ses
besoins et en formulant une demande : « J’ai besoin de plus de respect dans
notre dialogue. Au lieu de nous dire comment vous pensez que nous nous
comportons, voudriez-vous nous dire ce qui, dans ce que nous faisons, vous
dérange ? »
J’ai constaté à maintes reprises qu’à partir du moment où les gens parlent
de leurs besoins plutôt que des torts des autres, il devient beaucoup plus
frenchpdf.com
facile de trouver des moyens de satisfaire tout le monde. Voici quelques-uns
des besoins humains fondamentaux que nous avons tous en commun.
Autonomie
Célébration
Intégrité
authenticité
créativité
estime de soi
recherche de sens
Interdépendance
acceptation
amour
appartenance communautaire
appréciation
chaleur humaine
compréhension
confiance
contribution à l’épanouissement de la vie (exercer pleinement ses
talents au service de la vie)
délicatesse, tact
frenchpdf.com
empathie
honnêteté, sincérité (la sincérité qui sert notre liberté d’action en
nous permettant de tirer les leçons de nos propres limites)
proximité
respect
sécurité (affective, matérielle, etc.)
soutien
Jeu
amusement
rire
Communion spirituelle
beauté
harmonie
inspiration
ordre
paix
Besoins physiologiques
abri
air
eau
expression sexuelle
mouvement, exercice
nourriture
protection contre les agents qui menacent la vie : virus, bactéries,
insectes, animaux prédateurs
repos
toucher, contact physique
frenchpdf.com
Exprimer ses besoins ou les taire :
quel est le plus douloureux ?
Dans un monde où nous sommes souvent sévèrement jugés lorsque nous
identifions et révélons nos besoins, cette démarche peut faire peur, surtout
aux femmes, qui essuient encore plus de critiques. On entretient en effet
depuis des siècles une image de la femme aimante, censée se sacrifier et
renier ses besoins pour se consacrer aux autres. Or, dans la mesure où les
femmes sont élevées dans l’idée que c’est là leur fonction sociale première,
elles ont souvent appris à ignorer leurs propres besoins.
Lors d’un atelier, nous discutions du sort des femmes qui intériorisent ce
type de conviction. Lorsqu’elles formulent leurs désirs, elles le font souvent
sur un mode qui reflète et renforce l’idée selon laquelle leurs besoins ne
sont ni légitimes ni importants. Ainsi, au lieu de dire qu’elle a eu une
longue journée, qu’elle est fatiguée et qu’elle a besoin d’un peu de temps à
elle en soirée, une femme qui craint de demander ce dont elle a besoin
pourrait se lancer dans une véritable plaidoirie : « Vous savez que je n’ai
pas eu un moment à moi de toute la journée. J’ai repassé les chemises, fait
les lessives de la semaine, emmené le chien chez le vétérinaire, préparé le
repas et les sandwiches des enfants, appelé les voisins pour la réunion de
copropriétaires, alors… (sur un ton implorant)… alors si vous vouliez
bien… » La réponse ne se fait pas attendre : « Pas question ! » Sa requête
larmoyante suscite davantage de résistance que d’empathie, car ses
interlocuteurs ont du mal à entendre et à apprécier les besoins qui se
cachent derrière ses suppliques. Et lorsqu’elle tente maladroitement de faire
valoir ce qu’elle « mériterait » ou « devrait » obtenir d’eux, elle se heurte à
une réaction négative. Au bout du compte, elle se trouve confortée dans
l’idée que ses besoins n’ont aucune espèce d’importance, sans se rendre
compte que la façon dont elle les a exprimés ne favorisait guère une
réaction positive.
frenchpdf.com
Si nous n’accordons pas de valeur à nos besoins, les autres ne
leur en accorderont peut-être pas davantage.
frenchpdf.com
Elle avait joué gros, mais son stratagème marcha : elle reçut exactement le
même petit sac que celui de sa sœur. Bien qu’elle fût dans une situation très
inconfortable, ce cadeau la transporta de joie. Deux infirmières entrèrent
dans sa chambre, et l’une lui mit un thermomètre dans la bouche. Ma mère
bafouilla un « Mmph… mmph… » en montrant son petit sac à l’autre
infirmière, qui répondit : « C’est pour moi ? Oh, c’est trop gentil, il ne
fallait pas ! » Et elle disparut avec son « cadeau » ! Ma mère était
désespérée et ne parvint jamais à dire : « Je n’avais pas l’intention de vous
le donner. Rendez-le-moi, s’il vous plaît. » Cette anecdote souligne bien les
risques que l’on prend à ne pas reconnaître ouvertement ses besoins.
frenchpdf.com
spontanée et merveilleuse. Mais, à mesure qu’elle devient « sérieuse », il
arrive que chacun commence à se sentir responsable des sentiments de
l’autre.
frenchpdf.com
sourdre la colère. Dans cette phase, que je qualifie ironiquement
d’exécrable, nous avons tendance à réagir à la souffrance de l’autre par des
réflexions désagréables, telles que : « C’est ton problème ! Ce n’est tout de
même pas moi qui suis responsable de ce que tu ressens ! » Nous savons ce
dont nous ne sommes pas responsables, mais il nous reste à apprendre à
nous comporter envers l’autre de façon responsable, en enrayant
l’engrenage de l’esclavage affectif.
frenchpdf.com
rendu compte qu’elle étouffait souvent ses désirs pour plaire à son
entourage, je lui dis combien j’aimerais l’entendre exprimer plus souvent
ses besoins. La première fois que nous abordâmes ce sujet, Marla fondit en
larmes : « Mais, papa, je ne veux décevoir personne ! » protesta-t-elle,
désemparée. Je tentai de lui faire comprendre qu’elle offrirait aux autres un
cadeau bien plus précieux en étant honnête qu’en transigeant pour éviter de
les contrarier. Je lui expliquai également comment elle pouvait témoigner
de l’empathie aux autres lorsqu’ils étaient contrariés, sans pour autant se
sentir responsable de leurs sentiments.
Quelque temps plus tard, je constatai qu’elle commençait à exprimer plus
ouvertement ses sentiments. Je reçus un appel de son proviseur, qui avait
visiblement été perturbé par un échange avec Marla, arrivée au lycée en
salopette. « Marla, lui avait-il dit, ce n’est pas une tenue pour une jeune
fille ! » Marla avait réagi au quart de tour : « Je vous emmerde ! » La
nouvelle me réjouit : Marla venait de passer de l’esclavage affectif à la
phase exécrable ! Elle apprenait à exprimer ses besoins et à s’exposer au
mécontentement des autres. Il lui fallait certes encore apprendre à affirmer
ses besoins sereinement et en respectant ceux des autres, mais j’étais
convaincu que cela viendrait en son temps.
Lors de la troisième phase, dite de libération affective, nous réagissons
aux besoins des autres uniquement par bienveillance et jamais par crainte,
culpabilité ou honte. Nos actes nous satisfont donc autant qu’ils satisfont
ceux qui reçoivent le fruit de nos efforts. Nous prenons la totale
responsabilité de nos intentions et de nos actes, mais pas celle des
sentiments des autres. À ce stade, nous sommes conscients que nous ne
pouvons en aucun cas assouvir nos propres besoins au détriment de l’autre.
La libération affective consiste à exposer clairement ce que nous voulons,
tout en montrant que nous tenons aussi à ce que les besoins des autres
soient satisfaits. La CNV nous aide à établir une relation à ce niveau.
frenchpdf.com
Troisième phase, la libération affective : nous prenons la
responsabilité de nos intentions et de nos actes.
Résumé
La troisième composante de la CNV consiste à identifier les besoins dont
découlent nos sentiments. Les actes et les paroles des autres peuvent être
des facteurs déclenchants, mais jamais la cause de nos sentiments. Face à
un message négatif, nous pouvons choisir de réagir de quatre façons : 1.
nous juger fautif ; 2. rejeter la faute sur les autres ; 3. identifier nos propres
sentiments et besoins ; 4. identifier les sentiments et les besoins qui se
cachent derrière le message négatif de l’autre.
Les jugements, critiques, diagnostics et interprétations portant sur les
autres sont autant d’expressions détournées de nos propres besoins et
valeurs. Lorsque l’autre entend une critique, il a tendance à mettre toute son
énergie à se défendre ou à contre-attaquer. Mieux nous parvenons à associer
nos sentiments à nos besoins, mieux l’autre peut y répondre avec empathie.
Dans un monde où nous sommes souvent sévèrement jugés lorsque nous
identifions et révélons nos besoins, cette démarche peut faire peur, surtout
aux femmes, qui sont habituées à ignorer leurs propres besoins pour se
consacrer aux autres.
En apprenant à assumer la responsabilité de nos sentiments, nous passons
généralement par trois phases : 1. l’esclavage affectif – où nous nous
croyons responsables des sentiments des autres ; 2. la phase exécrable – où
nous refusons d’admettre que les sentiments et les besoins des autres nous
importent ; 3. la libération affective – où nous assumons pleinement nos
propres sentiments mais pas ceux des autres, tout en sachant que nous ne
pouvons jamais satisfaire nos propres besoins au détriment de l’autre.
frenchpdf.com
La CNV en pratique
« C’était quand même mieux avant, quand les filles mères
étaient mal vues ! »
Une étudiante en Communication NonViolente travaillant comme
bénévole dans une banque alimentaire fut choquée lorsqu’une collègue
plus âgée surgit de derrière son journal en s’exclamant : « C’était
quand même mieux avant, quand les filles mères étaient mal vues ! »
Auparavant, la réaction de la bénévole à ce genre de réflexion aurait
été de se taire, de juger l’autre sévèrement mais en silence, et
finalement de ravaler ses propres sentiments pour ne pas les exposer.
Cette fois, elle se souvint qu’elle pouvait choisir d’écouter les
sentiments et besoins dissimulés derrière les paroles qui l’avaient
choquée.
frenchpdf.com
BÉNÉVOLE :
frenchpdf.com
courant de la bienveillance reprend chaque fois qu’un
nouveau sentiment s’exprime.) Oui, et devine qui finit
par payer pour tout cela ?
LA On dirait que tu es exaspérée parce que tu aimerais que
BÉNÉVOLE : l’argent de tes impôts serve à autre chose. C’est bien
cela ?
LA Mais bien sûr ! Tu sais, mon fils et ma belle-fille
COLLÈGUE : voudraient avoir un deuxième enfant mais ils ne
peuvent pas, bien qu’ils travaillent tous les deux, parce
que cela coûte trop cher.
LA Je suppose que cela te rend triste. Tu aimerais sans
BÉNÉVOLE : doute être à nouveau grand-mère…
LA Oui, et il n’y a pas qu’à moi que cela ferait plaisir.
COLLÈGUE :
LA … Et tu voudrais aussi que ton fils ait la famille qu’il
BÉNÉVOLE : désire… (Même si la bénévole n’a pas vu tout à fait
juste, elle n’a pas interrompu le courant empathique,
permettant ainsi à sa collègue de poursuivre et de
prendre conscience d’une autre de ses préoccupations.)
LA Oui, je pense aussi que c’est triste d’être enfant unique.
COLLÈGUE :
LA Ah, je vois, tu aimerais que Katie ait un petit frère ?
BÉNÉVOLE :
LA Oui, ce serait bien.
COLLÈGUE :
frenchpdf.com
tension s’étaient dissipées parce qu’elle ne se sentait plus sur la
défensive. Elle comprenait les sentiments et les besoins cachés
derrière les propos de sa collègue et n’avait plus le sentiment qu’un
« gouffre les séparait ».
frenchpdf.com
dégrader à partir de ce moment et la mission qu’elles voulaient toutes
deux accomplir ensemble – prendre soin des autres et leur venir en
aide – aurait pu en pâtir.
frenchpdf.com
Exercice
IDENTIFIER LES BESOINS
frenchpdf.com
irrité quand tu laisses des documents de l’entreprise par terre
dans la salle de conférence, parce que je veux que nos documents
soient bien rangés et accessibles. »
2. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer que la personne qui parle assume la responsabilité de
ses sentiments.
3. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
Pour préciser les besoins ou les pensées qui sont à l’origine des
sentiments exprimés, on aurait pu dire : « Je suis contrarié que tu
arrives en retard car j’espérais que nous pourrions choisir les
meilleures places. »
4. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer que la personne qui parle assume la responsabilité de
ses sentiments.
5. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
Pour préciser les besoins ou les pensées qui sont à l’origine de
ses sentiments, cette personne aurait pu dire : « Quand tu n’as
pas tenu ta promesse, j’ai été déçue parce que j’aimerais pouvoir
compter sur ta parole. »
6. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer que la personne qui parle assume la responsabilité de
ses sentiments.
7. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
Pour préciser les besoins ou les pensées qui sont à l’origine de
ses sentiments, cette personne aurait pu dire : « Parfois, quand
les gens me font de petites réflexions, je me sens blessée parce
que j’aimerais être appréciée et non critiquée. »
8. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
Pour exprimer les besoins ou les pensées qui sont à l’origine des
sentiments exprimés, on aurait pu dire : « Quand tu as reçu cette
frenchpdf.com
récompense, j’étais contente parce que j’espérais que tu recevrais
une marque de reconnaissance pour tout le travail que tu as
investi dans ce projet. »
9. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
Pour préciser les besoins ou les pensées qui sont à l’origine des
sentiments exprimés, on aurait pu dire : « Quand tu élèves la
voix, j’ai peur parce que je me dis que quelqu’un pourrait être
blessé et j’ai besoin d’être assurée que nous sommes tous en
sécurité. »
10. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer que la personne qui parle assume la responsabilité de
ses sentiments.
frenchpdf.com
6
Demander ce qui contribuerait
à notre bien-être
Nous avons passé en revue les trois premières composantes de la CNV,
liées à nos observations, à nos sentiments et à nos besoins. Nous avons
appris à les appliquer sans analyser, diagnostiquer, critiquer les autres ni
leur adresser de reproches, et d’une manière susceptible de favoriser
l’émergence de la bienveillance. La quatrième et dernière composante de
cette démarche porte sur ce que nous voudrions demander aux autres pour
que notre vie soit plus conforme à nos vœux. Lorsque nos besoins ne sont
pas satisfaits, immédiatement après avoir exprimé nos observations,
sentiments et désirs, nous formulons une demande spécifique : nous
demandons des actes concrets susceptibles d’assouvir nos besoins.
Comment le faire de telle sorte que l’autre prenne plaisir à répondre à nos
besoins ?
frenchpdf.com
demandes sont formulées à la forme négative : notre interlocuteur ne sait
pas ce qui est vraiment demandé et, de plus, les demandes négatives
risquent de provoquer une réaction de résistance.
Lors d’une session, une participante qui ne supportait plus de voir son
mari passer tant de temps au bureau nous raconta comment sa requête
s’était retournée contre elle : « Je lui avais demandé de passer moins de
temps au bureau. Trois semaines plus tard, il réagit en m’annonçant qu’il
s’était inscrit à un tournoi de golf ! » Elle avait réussi à lui dire ce qu’elle ne
voulait pas – qu’il passe trop de temps au bureau – mais n’avait pas su lui
demander ce qu’elle voulait. Encouragée à reformuler son souhait, elle
réfléchit un instant et dit : « J’aurais dû lui dire que je voudrais qu’il passe
au moins une soirée par semaine à la maison avec les enfants et avec moi. »
Pendant la guerre du Viêt-nam, je fus invité à la télévision pour participer
à un débat contradictoire sur le conflit. L’émission ayant été enregistrée sur
vidéo, je visionnai la cassette en rentrant chez moi. Je fus très contrarié en
constatant que j’avais adopté des modes de communication que j’aurais
préféré ne pas utiliser. « Si je me retrouve un jour dans un autre débat
public, me dis-je, je me jure de ne pas refaire ce que j’ai fait ici ! Je ne serai
pas sur la défensive, je ne les laisserai pas me ridiculiser. » Je raisonnais
alors en termes de ce que je ne voulais pas faire, et non de ce que je voulais
faire.
J’eus l’occasion de me racheter dès la semaine suivante, lorsque je fus
convié à poursuivre le débat dans la même émission. Sur le trajet du studio,
je me répétai intérieurement tout ce que je ne voulais plus faire. Dès le
début de l’émission, mon contradicteur reprit exactement comme la
semaine précédente. Pendant les dix secondes qui suivirent son
intervention, je parvins à me conformer à ce que je m’étais juré d’éviter. En
fait, je ne dis rien du tout, je restai simplement assis là. Mais dès que
frenchpdf.com
j’ouvris la bouche, je me surpris à reproduire tout ce que j’étais si déterminé
à éviter ! C’est ainsi que j’appris à mes dépens ce qui peut se passer lorsque
je n’identifie que ce que je ne veux pas faire, sans préciser ce que je veux
faire.
En une autre occasion, je fus invité à travailler avec des lycéens qui en
voulaient énormément à leur proviseur. Ils lui reprochaient entre autres
choses d’être raciste et cherchaient des moyens de se venger. Un pasteur qui
travaillait en étroite collaboration avec eux craignait que ces tensions ne
débouchent sur une explosion de violence. Par égard pour le pasteur, les
jeunes gens acceptèrent de me rencontrer.
Ils commencèrent par décrire l’attitude du proviseur, qu’ils qualifiaient
de discriminatoire. J’écoutai une partie de leurs griefs, puis leur proposai de
préciser ce qu’ils attendaient du proviseur.
« À quoi bon ? fit l’un en haussant les épaules d’un air désabusé. Nous
sommes déjà allés le voir pour lui dire ce que nous voulions. Il nous a
simplement répondu : “Sortez d’ici ! Ce n’est tout de même pas vous autres
qui allez me dire ce que j’ai à faire !” »
Que lui avaient-ils donc demandé ? Ils se souvenaient lui avoir déclaré
qu’ils ne voulaient pas qu’il leur dise comment se coiffer. Je suggérai qu’ils
auraient peut-être suscité plus d’ouverture s’ils avaient clairement exprimé
ce qu’ils voulaient plutôt que ce qu’ils ne voulaient pas. Ils lui avaient
également fait part de leur désir d’être traités avec impartialité. Le proviseur
s’était alors braqué, réfutant vigoureusement avoir jamais été partial. Je me
risquai à deviner que le proviseur aurait réagi plus favorablement s’ils lui
avaient demandé des actes précis plutôt qu’une attitude vague, comme de
l’« impartialité ».
Nous avons donc travaillé ensemble sur les façons d’exprimer
concrètement ce qu’ils voulaient plutôt que ce qu’ils ne voulaient pas. À la
fin de la séance, les étudiants avaient précisé trente-huit mesures qu’ils
désiraient demander au proviseur d’adopter, parmi lesquelles : « Nous
aimerions que des représentants des étudiants noirs participent aux
décisions sur le code vestimentaire » et « Nous aimerions que vous vous
frenchpdf.com
adressiez à nous en utilisant le terme d’“étudiants noirs” et non de “vous
autres” ». Le lendemain, ils présentèrent leurs requêtes au proviseur en
employant le « langage d’action positif » que nous avions pratiqué ; ce
même soir, ils m’appelèrent, ravis : leur proviseur avait accédé à toutes
leurs demandes !
Outre l’emploi du langage d’action positif, il convient également d’éviter
les formulations vagues, abstraites ou ambiguës et de s’efforcer de
demander des actes concrets que l’autre puisse entreprendre. Dans un dessin
humoristique, un homme tombé à l’eau se débat et crie à son chien :
« Médor, va demander de l’aide ! » À l’image suivante, le chien est allongé
sur le divan d’un psychanalyste. Comme nous le savons tous, la notion
d’aide ne recouvre pas la même réalité pour tout le monde : dans ma
famille, certains sont ainsi persuadés qu’aider à la vaisselle signifie
inspecter les travaux finis !
Lors d’un atelier, un couple qui traversait une période de crise nous
donna une autre illustration de la façon dont un langage vague peut entraver
la compréhension et la communication. « Je veux que tu me laisses être
moi-même », déclara l’épouse. « Mais c’est bien ce que je fais ! » rétorqua
le mari. « Pas du tout ! » répondit-elle. Je lui demandai de reformuler sa
demande en langage d’action positif. Elle reprit : « Je veux que tu me
donnes la liberté de m’épanouir et d’être moi-même. » Cette déclaration,
tout aussi vague, appelait une réaction de défense. Elle réfléchit à une
formulation plus claire et finit par reconnaître : « C’est un peu
embarrassant, mais, pour être précise, je pense que ce que je veux, c’est que
tu sois souriant et que tu approuves tout ce que je fais. » L’emploi d’un
langage vague et abstrait masque souvent ce type de jeux oppressifs entre
individus.
frenchpdf.com
C’était le même manque de précision qui entravait les relations d’un père
et de son fils de quinze ans venus me consulter. « Tout ce que je veux, c’est
que tu commences à te montrer un peu responsable. Je ne demande tout de
même pas la lune ! » déclara le père. Je lui demandai ce qu’à son sens son
fils devait faire pour prouver qu’il était responsable. Après une discussion
sur la façon de préciser sa demande, le père reprit, un peu piteux : « Ça a
l’air idiot, mais lorsque je dis que je voudrais qu’il soit responsable, en fait,
j’attends qu’il fasse ce que je lui demande, qu’il saute quand je lui dis de
sauter – et avec le sourire. » Il convint alors que si son fils se comportait
ainsi, il témoignerait davantage d’obéissance que de responsabilité.
Comme ce père, nous utilisons souvent un langage imprécis et abstrait
pour indiquer à l’autre la façon dont nous voudrions qu’il se comporte ou
qu’il réagisse, mais sans lui demander une action concrète qui lui
permettrait d’y parvenir. Prenons le cas d’un patron qui fait un effort sincère
pour inviter ses employés à lui donner un feed-back : « Je voudrais que
vous vous exprimiez librement en ma présence. » Par cette déclaration, le
patron communique son désir de voir ses employés « s’exprimer
librement », mais ne dit pas ce qu’ils pourraient faire pour se sentir libres. Il
pourrait utiliser un langage d’action positif pour formuler sa demande :
« J’aimerais que vous me disiez ce que je pourrais faire pour vous
encourager à vous exprimer librement en ma présence. »
frenchpdf.com
La dépression est la récompense que nous obtenons pour
notre conformité.
frenchpdf.com
PATIENT : Je commence à entrevoir ce que j’attends des autres pour
satisfaire mon besoin d’amour, mais c’est gênant.
MBR : En effet, c’est très souvent gênant. Alors, quels actes attendez-
vous de moi ou des autres ?
PATIENT : Je voudrais que vous deviniez ce que je veux avant même que
je n’en prenne moi-même conscience. Et je voudrais que vous le fassiez
toujours.
MBR : Je vous remercie de votre précision. Vous concevez maintenant,
j’espère, que vous n’avez pas de grandes chances de trouver quelqu’un
qui puisse satisfaire votre besoin d’amour s’il faut en passer par là.
Dans la plupart des cas, mes patients parvenaient à comprendre que leur
sentiment d’insatisfaction et leur dépression provenaient largement du fait
qu’eux-mêmes ne savaient pas très bien ce qu’ils attendaient des autres.
frenchpdf.com
sentiments.
Il arrive encore plus souvent que nous ne soyons pas conscients de ce que
nous demandons lorsque nous parlons. Nous nous adressons directement ou
indirectement aux autres, sans savoir comment engager un dialogue avec
eux. Nous lâchons des mots, utilisant la présence d’autrui comme un
déversoir. Dans ces situations, l’interlocuteur, incapable de discerner une
demande claire dans nos paroles, peut ressentir un certain désarroi, comme
le montre l’anecdote suivante.
frenchpdf.com
« Est-ce que tu as peur que nous rations notre avion et tu aimerais que la
navette de l’aéroport soit plus rapide ? »
frenchpdf.com
Demander un retour
Comme nous le savons, le message que nous envoyons n’est pas toujours
celui qui est reçu. Nous avons généralement besoin de signaux verbaux
pour savoir si notre message a été reçu comme nous le voulions. Si
toutefois nous ne sommes pas certains que l’intention que nous y mettions
ait été perçue correctement, nous devons demander clairement une réponse
qui nous dise comment le message a été reçu, de façon à pouvoir corriger
tout malentendu. Dans certains cas, une simple question comme « C’est
clair ? » peut suffire. Il se peut aussi que, pour être sûrs d’avoir été bien
compris, nous ayons besoin d’autre chose que d’un simple « Oui, je t’ai
compris ». Nous pouvons alors demander à l’autre de restituer dans ses
propres mots ce qu’il nous a entendu dire. Cela nous offre une occasion de
reformuler des éléments de notre message pour remédier aux éventuels
écarts ou oublis que nous aurions détectés.
Pour nous assurer que le message que nous avons émis est
bien celui qui a été reçu, demander à notre interlocuteur de
nous le restituer.
frenchpdf.com
Face à des assertions telles que : « Tu ne m’as pas entendue », « Ce n’est
pas ce que j’ai dit » ou « Tu m’as mal comprise », Éric pourrait aisément
penser qu’il se fait réprimander. Or, dans la mesure où l’enseignante
constate qu’Éric a sincèrement répondu à sa demande de reformulation, elle
pourrait dire : « Je te remercie de m’avoir dit ce que tu as entendu. Je
constate que je ne me suis pas exprimée aussi clairement que je l’aurais
voulu, je vais donc réessayer. »
frenchpdf.com
Demander de la sincérité
Après nous être ouvertement exprimés et avoir reçu la compréhension
que nous voulons, nous avons souvent envie de connaître la réaction de
l’autre à ce que nous avons dit. La réponse sincère que nous aimerions
recevoir porte généralement sur l’un ou l’autre des trois points suivants.
frenchpdf.com
c) s’il est disposé à entreprendre une action spécifique.
frenchpdf.com
observer leurs débats. Je les engageai à animer la réunion comme à leur
habitude, après quoi je leur dirais si je voyais comment la CNV pourrait les
aider.
Un homme ouvrit le débat en attirant l’attention du groupe sur un article
de presse récent, sur une mère d’élève noire qui se plaignait et s’inquiétait
de la façon dont le proviseur traitait sa fille. Une participante reprit la balle
au bond en évoquant un incident qui lui était arrivé à l’époque où elle
étudiait dans la même école. Puis, tous les adhérents racontèrent tour à tour
des expériences vécues du même ordre. Au bout d’une vingtaine de
minutes, je leur demandai si cette discussion répondait à leurs besoins.
Personne ne répondit par l’affirmative. « C’est toujours pareil dans ces
réunions ! s’écria un homme. J’ai mieux à faire que de venir écouter les
mêmes vieilles rengaines ! »
Je m’adressai alors à l’homme qui avait lancé le débat : « Pouvez-vous
me dire ce que vous attendiez des participants lorsque vous avez présenté
l’article ? » « Je pensais que c’était intéressant », répondit-il. Je précisai que
je lui demandais quelle réaction il attendait de la part du groupe et non ce
qu’il pensait de l’article. Il réfléchit un instant et reconnut : « En fait, je ne
sais pas vraiment ce que j’attendais. »
C’était précisément là, à mon sens, la raison pour laquelle le groupe avait
perdu vingt précieuses minutes dans un échange stérile. Lorsque nous nous
adressons à un groupe sans savoir clairement ce que nous attendons en
retour, cela aboutit souvent à des débats improductifs. Il suffit toutefois
qu’un seul participant comprenne qu’il est important d’énoncer clairement
le type de retour qu’il souhaite pour que tout le groupe en prenne
conscience. Dans ce cas précis, voyant que l’intervenant n’avait pas défini
la réaction qu’il attendait, un participant aurait pu dire : « Je ne suis pas
certain de savoir comment tu voudrais que nous abordions ton article.
Voudrais-tu nous dire quelles réactions tu attends de nous ? » Une telle
intervention peut éviter de faire perdre un précieux moment d’échange.
frenchpdf.com
Dans un groupe, on perd beaucoup de temps lorsque les
intervenants ne sont pas sûrs de ce qu’ils attendent des
autres.
Demandes et exigences
Les demandes sont reçues comme des exigences lorsque le destinataire
craint de faire l’objet de critiques ou de représailles s’il n’y donne pas suite.
Or, face à ce qu’il perçoit comme une exigence, il ne voit que deux façons
de réagir : la soumission ou la révolte. Dans un cas comme dans l’autre, il
considère que le demandeur exerce une pression, et il se trouve par
conséquent bien moins disposé à répondre avec bienveillance à la demande.
frenchpdf.com
personnes ont employé avec eux ces tactiques, nous en paierons aussi le
prix. Plus un individu a été critiqué, puni ou culpabilisé pour ne pas s’être
plié à la volonté d’autrui, plus il risque d’en porter la trace dans toutes ses
relations et d’entendre une exigence dans la moindre demande.
Examinons deux variantes d’une situation de ce type. « Je me sens seul et
j’aimerais que tu passes la soirée avec moi », confie Jacques à son amie
Lucie. Est-ce une demande ou une exigence ? En fait, nous n’en savons rien
tant que nous ne voyons pas comment Jacques réagit si son amie lui oppose
un refus. Supposons qu’elle réponde : « Jacques, je suis très fatiguée. Si tu
as vraiment besoin de compagnie, pourquoi ne demandes-tu pas à
quelqu’un d’autre de passer la soirée avec toi ? » S’il réplique alors : « Ça,
c’est toi tout craché ! Quelle égoïste tu fais ! » sa demande était en fait une
exigence. Au lieu de manifester de l’empathie pour son besoin de repos, il
l’a critiquée.
frenchpdf.com
Ici encore, au lieu de réagir avec empathie, Jacques voit dans la réponse
de Lucie un signe de rejet et d’indifférence. Or, plus nous interprétons un
refus comme un rejet, plus il y a de chances que nos demandes soient
entendues comme des exigences. Cette attitude prend alors un caractère
prophétique car, à force d’entendre des exigences dans nos paroles, les
autres en viennent à fuir notre compagnie.
frenchpdf.com
Définir l’objectif derrière notre
demande
Notre demande ne peut être entièrement sincère que si nous sommes
conscients de l’objectif qui la motive. Si notre seule intention est de changer
les autres et leurs comportements pour qu’ils se plient à nos quatre volontés,
ce n’est pas la CNV qui nous permettra de parvenir à nos fins. Le processus
est destiné à ceux d’entre nous qui souhaiteraient que les autres changent et
réagissent favorablement, mais à la seule condition qu’ils le fassent de leur
plein gré et du fond du cœur. L’objectif de la CNV est d’établir une relation
fondée sur la sincérité et l’empathie. Dès lors que les autres comprennent
que nous nous attachons en premier lieu à la qualité de la relation et que
nous attendons de ce processus qu’il satisfasse aussi bien leurs besoins que
les nôtres, ils peuvent être assurés que nos demandes sont sincères et ne
dissimulent aucune exigence.
frenchpdf.com
trouver la maison en ordre et voir que tu avais fait ta part de travail. » Puis,
j’ai formulé une demande : je lui ai dit que je voulais qu’il nettoie
immédiatement.
– Il me semble que vous avez clairement exposé toutes les composantes,
commentai-je. Que s’est-il passé ?
– Il ne l’a pas fait…
– Et puis ?…
– Je lui ai dit qu’il ne pourrait pas rester paresseux et irresponsable toute
sa vie.
Je compris qu’elle ne savait pas encore distinguer l’expression
d’exigences et de demandes. Dans son esprit, l’efficacité du processus était
encore liée à la satisfaction de ses exigences. Pendant les phases initiales
d’apprentissage de la CNV, nous nous surprenons parfois à appliquer de
façon systématique les différentes composantes de la démarche sans savoir
à quoi nous aspirons.
Mais il arrive aussi que, bien que nous soyons conscients de notre
intention et que nous veillions à exprimer correctement notre demande,
certaines personnes entendent tout de même une exigence. Cela arrive
surtout aux personnes qui détiennent un certain pouvoir et s’adressent à des
gens qui ont été confrontés à des supérieurs autoritaires.
Un directeur de lycée m’invita un jour à expliquer aux enseignants de son
établissement en quoi la CNV pouvait les aider à communiquer avec les
élèves qui ne se montraient pas aussi coopératifs que les professeurs
l’auraient voulu.
Il me demanda de rencontrer quarante élèves qui avaient été jugés
« socialement et psychologiquement inadaptés ». Je fus marqué par le
caractère prophétique de ce type d’étiquette. Une fois que l’on est ainsi
catalogué, comment ne pas se sentir encouragé à se moquer des professeurs
en refusant systématiquement d’obtempérer ? À partir du moment où nous
étiquetons les individus, nous avons tendance à adopter à leur égard un
comportement qui provoque précisément l’attitude qui nous contrarie – ce
que nous interprétons comme une confirmation de notre diagnostic. Dans la
frenchpdf.com
mesure où ces élèves savaient qu’ils avaient été jugés « socialement et
psychologiquement inadaptés », en pénétrant dans la salle de classe, je ne
fus pas surpris de voir que la plupart étaient accoudés à la fenêtre et
hurlaient des obscénités à leurs camarades qui étaient dans la cour. J’ai
commencé par exprimer une demande : « J’aimerais que vous veniez tous
vous asseoir pour que je puisse vous dire qui je suis et ce que je voudrais
faire avec vous aujourd’hui. » La moitié de la classe s’installa. Comme je
n’étais pas sûr qu’ils m’aient tous entendu, je réitérai ma demande. Les
autres élèves vinrent s’asseoir, mais deux jeunes gens restèrent accoudés à
la fenêtre. Malheureusement pour moi, c’étaient les deux plus solides
gaillards du groupe.
Je m’adressai directement à eux : « Excusez-moi, l’un d’entre vous
voudrait-il me répéter ce qu’il m’a entendu dire ? » L’un se retourna et
répondit : « Oui, vous avez dit qu’il fallait qu’on vienne s’asseoir. » Il a
donc entendu ma demande comme une exigence, me dis-je. Puis, je repris à
voix haute : « Monsieur (j’ai appris à appeler “Monsieur” les gens qui ont
des biceps pareils, surtout ceux qui arborent des tatouages), voudriez-vous
me dire comment j’aurais pu vous faire part de ce que je souhaitais sans
avoir l’air de vous donner des ordres ? » Le jeune homme parut interloqué :
« Quoi ? » Il avait été si bien conditionné à attendre des exigences de la part
de tous ceux qui représentaient l’autorité que ma façon de l’aborder l’avait
dérouté. Je répétai donc ma demande : « Comment pourrais-je vous dire ce
que j’aimerais que vous fassiez sans donner l’impression de ne pas me
soucier de vos désirs ? » Il hésita un instant et haussa les épaules : « J’en
sais rien, moi. »
Je poursuivis : « Ce qui se passe en ce moment entre vous et moi illustre
bien ce dont j’avais envie de parler avec vous aujourd’hui. Je suis persuadé
que les gens peuvent bien mieux s’apprécier si chacun peut faire savoir à
l’autre ce qu’il aimerait, sans donner des ordres à tout le monde. Quand je
vous dis ce que je voudrais, je ne dis pas que vous êtes obligé de le faire,
faute de quoi je vous rendrais la vie impossible. Je ne sais pas le dire d’une
façon qui puisse vous inspirer confiance. » À mon grand soulagement, le
frenchpdf.com
jeune homme parut comprendre et, avec son camarade, s’approcha pour
rejoindre le groupe. Dans des situations comme celle-ci, il faut parfois un
certain temps avant que nos demandes soient clairement perçues pour ce
qu’elles sont.
En formulant une demande, il est également précieux de repérer un
certain nombre de pensées susceptibles de transformer automatiquement
des demandes en exigences.
Chanson de Brett
Si je comprends clairement
Que tu n’as pas l’intention d’exiger
frenchpdf.com
Je répondrai d’ordinaire à ton appel,
Mais si tu viens vers moi
Comme un chef supérieur et puissant,
Tu auras le sentiment de te cogner contre un mur.
Et quand tu me rappelles
Si pieusement
Tout ce que tu as fait pour moi,
Tu ferais bien de te préparer
À un nouveau bras de fer,
Tu pourras bien crier ensuite, tu pourras vitupérer,
Gémir, te plaindre et faire une scène,
Rien ne me fera sortir la poubelle.
Même si tu changes désormais d’attitude
Il me faudra encore un petit moment
Pour pouvoir pardonner et oublier,
Parce qu’il me semble que toi
Tu ne me considéreras pas comme un autre être humain,
Tant que je ne correspondrai pas à tes normes.
Résumé
La quatrième composante de la CNV attire notre attention sur ce qui
enrichit notre vie et celle des autres, et nous invite à formuler mutuellement
des demandes claires. Nous nous efforçons d’éviter les formulations
imprécises, ambiguës ou abstraites et d’utiliser un langage d’action positif
en déclarant ce que nous demandons plutôt que ce que nous ne demandons
pas.
Plus nous exprimons avec précision ce que nous voulons, plus nous
avons de chances de l’obtenir. Dans la mesure où le message que nous
émettons ne coïncide pas toujours avec celui qui est reçu, nous pouvons
apprendre des moyens de savoir si notre message a été correctement
entendu. Lorsque nous nous adressons à un groupe, soyons particulièrement
frenchpdf.com
attentifs à indiquer la nature précise de la réaction que nous souhaitons.
Sans quoi, nous risquons de lancer des conversations improductives, qui
font perdre beaucoup de temps au groupe.
Les demandes sont perçues comme des exigences lorsque leur
destinataire est convaincu qu’il sera critiqué ou puni s’il n’obtempère pas.
Nous pouvons aider nos interlocuteurs à croire que nous exprimons bel et
bien une demande et non une exigence en précisant que nous apprécierions
qu’ils n’accèdent à nos désirs que s’ils y sont vraiment disposés. L’objectif
de la CNV n’est pas de changer les autres et leurs comportements afin
d’obtenir ce que nous voulons. Il est d’établir des relations fondées sur la
sincérité et l’empathie qui, au bout du compte, satisferont les besoins de
chacun.
frenchpdf.com
LA CNV en pratique
Partager nos peurs avec un meilleur ami fumeur
Alain et Serge sont les meilleurs amis du monde depuis plus de
trente ans. Alain est non fumeur et s’évertue depuis des années à
convaincre Serge de renoncer à ses deux paquets quotidiens. Il se rend
compte que, depuis un an, son ami tousse de plus en plus. Un beau
jour, il finit par laisser exploser toute l’énergie et la vitalité
accumulées dans sa colère et ses craintes inexprimées.
ALAIN : Serge, je sais que nous en avons déjà parlé des dizaines
de fois, mais écoute-moi. J’ai peur que tes satanées
cigarettes ne finissent par te tuer ! Tu es mon meilleur
ami et je veux que tu vives aussi longtemps que
possible. Ne pense pas que je te juge. Ce n’est pas le
cas. Je suis simplement très inquiet.
(Auparavant, quand Alain avait essayé de le convaincre
d’arrêter de fumer, Serge l’avait souvent accusé de le
juger.)
SERGE : Non, j’entends ton inquiétude. Nous sommes amis
depuis longtemps…
ALAIN : (Formulant une demande.) Serais-tu prêt à arrêter ?
SERGE : J’aimerais bien.
ALAIN : (Écoutant les sentiments et besoins qui empêchent
Serge d’accéder à sa demande.) Crains-tu d’essayer
parce que tu ne veux pas échouer ?
SERGE : Oui, tu sais bien que j’ai déjà essayé plusieurs fois… Je
frenchpdf.com
sais que les gens me déconsidèrent encore plus parce
que je suis incapable d’arrêter.
ALAIN : (Devinant ce que Serge pourrait avoir envie de
demander.) Moi, je ne te déconsidère pas. Et si tu
essayais et échouais à nouveau, je ne te déconsidérerais
toujours pas. Je voudrais simplement que tu essaies.
SERGE : Merci, mais tu n’es pas le seul… Tout le monde s’y
met : ça se lit dans leur regard. Ils me prennent pour un
minable.
ALAIN : (Écoutant avec empathie les sentiments de Serge.) Tu
trouves que c’est un peu étouffant de se soucier de ce
que les autres pourraient penser, alors qu’en soi il est
déjà assez difficile d’arrêter de fumer ?
SERGE : Je n’aime pas me dire que je suis dépendant, qu’il y a
quelque chose que je ne parviens pas à maîtriser…
ALAIN : (Regardant Serge droit dans les yeux, il hoche la tête en
signe d’approbation. L’intérêt et l’attention qu’Alain
porte aux sentiments et besoins profonds de Serge
transparaissent dans son regard comme dans son
silence.)
SERGE : En fait, je n’ai plus aucun plaisir à fumer. On a
l’impression d’être un paria quand on fume en public.
C’en est gênant.
ALAIN : (Continuant à manifester sa bienveillance.) On dirait
que tu as vraiment envie d’arrêter mais que tu crains les
conséquences que cela pourrait avoir sur l’image que tu
as de toi et sur ta confiance en toi.
SERGE : Oui, je suppose que c’est cela… Tu sais, je ne pense
pas en avoir jamais parlé. En général, quand les gens
frenchpdf.com
me disent d’arrêter, je les envoie tout simplement au
diable. J’aimerais bien arrêter, mais je ne veux pas être
soumis à toutes ces pressions extérieures.
ALAIN : Je ne voudrais t’imposer aucune pression. Je ne sais pas
si je peux te rassurer sur tes craintes d’échec, mais je
voudrais certainement te soutenir si je le peux. Enfin, si
tu es d’accord…
SERGE : Oui, je voudrais bien. Je suis très touché par ton
inquiétude et ta bonne volonté. Mais… si je ne suis pas
encore prêt à essayer, ça ne te pose pas de problème ?
ALAIN : Bien sûr que non. Cela ne retirera rien à notre amitié. Je
voudrais simplement que notre amitié dure plus
longtemps ! (Ayant formulé une véritable demande et
non une exigence, Alain garde à l’esprit son
attachement à la qualité de la relation,
indépendamment de la réponse de Serge. C’est ce qu’il
exprime en disant « Cela ne retirera rien à notre
amitié », tout en énonçant son propre besoin : « Que
notre amitié dure plus longtemps. »)
SERGE : Eh bien, je vais peut-être réessayer… mais n’en parle à
personne, d’accord ?
ALAIN : Bien sûr. À toi de décider quand tu seras prêt. Je n’en
parlerai à personne.
frenchpdf.com
Exercice
FORMULER DES DEMANDES
Pour voir si nous sommes d’accord sur l’expression claire des demandes,
cochez les phrases où une action concrète est clairement demandée.
frenchpdf.com
clairement qu’une action concrète est demandée. On aurait pu
dire : « J’aimerais que tu fasses un stage de développement
personnel qui, je pense, t’aiderait à acquérir plus d’assurance. »
4. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À
mon sens, les mots « que tu arrêtes de boire » ne disent pas
clairement ce que veut celui qui parle, mais seulement ce qu’il ne
veut pas. On aurait pu dire : « Je voudrais que tu me dises quels
besoins tu satisfais en buvant et j’aimerais bien que nous
discutions d’autres façons de satisfaire ces besoins. »
5. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À
mon sens, les mots « que tu me laisses être moi-même »
n’expriment pas clairement quelle action concrète est demandée.
Cette personne aurait pu dire : « Je veux que tu me dises que tu
ne mettras pas un terme à notre relation, même si je fais des
choses qui te déplaisent. »
6. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À
mon sens, les mots « que tu sois sincère » n’expriment pas
clairement quelle action concrète est demandée. On aurait pu
dire : « J’aimerais connaître tes sentiments à propos de ce que
j’ai fait, et savoir ce que tu aimerais que je fasse différemment. »
7. Si vous avez coché cette phrase, nous sommes d’accord pour
considérer qu’il s’agit d’une demande claire et concrète.
8. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
À mon sens, elle n’exprime pas clairement quelle action concrète
est demandée. On aurait pu dire : « Je voudrais que tu me dises si
tu serais d’accord pour que nous déjeunions ensemble une fois
par semaine. »
9. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
À mon sens, les mots « que tu respectes ma vie privée »
n’expriment pas clairement quelle action concrète est demandée.
On aurait pu dire : « Je voudrais que tu acceptes de frapper avant
d’entrer dans mon bureau. »
frenchpdf.com
10. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord.
À mon sens, les mots « plus souvent » n’expriment pas
clairement quelle action concrète est demandée. Cette personne
aurait pu dire : « Je voudrais que tu prépares le dîner tous les
lundis soir. »
frenchpdf.com
7
Recevoir avec empathie
Nous avons décrit dans les quatre chapitres précédents les quatre
composantes de la CNV : ce que nous observons, ce que nous ressentons, ce
dont nous avons besoin et ce que nous souhaitons demander pour que notre
vie soit plus belle. Après avoir vu comment exprimer pour nous-mêmes ces
quatre composantes, nous allons maintenant nous intéresser à la façon de
recevoir avec empathie les observations, sentiments, besoins et demandes
d’autrui. Nous désignons cette phase du processus de communication sous
le terme d’« écoute empathique ».
La présence : ne te contente
pas d’agir, sois là
L’empathie est une façon de comprendre avec respect ce que les autres
vivent. Selon le philosophe chinois Tchouang-Tseu, l’empathie véritable
exige que l’on écoute de tout son être : « L’écoute exclusivement auditive
est une chose. L’écoute intellectuelle en est une autre. Mais l’écoute de
l’esprit ne se limite pas à une seule faculté – l’audition ou la compréhension
intellectuelle. Elle requiert un état de vacuité de toutes les facultés. Lorsque
frenchpdf.com
cet état est atteint, l’être tout entier est à l’écoute. On parvient alors à saisir
directement ce qui est là, devant soi, ce qui ne peut jamais être entendu par
l’oreille ou compris par l’esprit. »
frenchpdf.com
Lorsque l’on a besoin d’empathie, il est souvent frustrant d’avoir en face
de soi quelqu’un qui part du principe que l’on veut être rassuré ou obtenir
une « recette miracle ». J’ai à cet égard reçu une leçon de ma fille, qui m’a
appris à m’assurer de ce que demande mon interlocuteur avant de proposer
un conseil ou des paroles de réconfort. Un jour qu’elle se regardait dans un
miroir, je l’entendis dire : « Je suis laide comme un pou ! »
« Allons ! répondis-je. Tu es la plus belle créature que Dieu ait mise sur
terre. » Elle me fusilla du regard et, exaspérée, s’exclama : « Oh, je t’en
prie, papa ! » Puis elle sortit en claquant la porte. Je compris par la suite
qu’elle avait en fait demandé un peu d’empathie. Au lieu de lui offrir un
réconfort inopportun, j’aurais pu lui demander : « Es-tu déçue par ton
apparence, aujourd’hui ? »
Mon amie Holley Humphrey a repéré un certain nombre de
comportements classiques qui nous empêchent d’offrir à l’autre une qualité
de présence suffisante pour établir avec lui une relation d’empathie. Voici
quelques exemples d’obstacles de ce type.
frenchpdf.com
douleur. Mais il lui fut plus pénible encore de reconnaître que, depuis vingt
ans, il disait exactement les mêmes choses à ceux qui traversaient ce type
d’épreuve !
Dès lors que nous pensons devoir résoudre des situations et réconforter
les autres, nous ne pouvons plus être présents. Cet écueil nous guette tout
particulièrement lorsque nous remplissons un rôle de conseiller ou de
psychothérapeute. Travaillant un jour avec vingt-trois professionnels de la
santé mentale, je leur demandai d’écrire mot pour mot ce qu’ils
répondraient à un patient qui leur dirait : « Je me sens très déprimé. Je ne
vois aucune raison de continuer à vivre. » Je ramassai les « copies » et
annonçai : « Je vais maintenant lire à haute voix ce que chacun d’entre vous
a écrit. Mettez-vous dans la peau du patient qui a exprimé son sentiment de
dépression et levez la main dès que vous entendrez une réponse qui vous
donne le sentiment d’avoir été compris. » Sur les vingt-trois réponses,
seules trois suscitèrent des réactions favorables. Les autres étaient pour la
plupart des questions telles que : « Depuis quand êtes-vous dans cet état ? »
Elles donnent l’impression que le psychothérapeute cherche à cerner les
données qui lui permettront de poser son diagnostic, puis de traiter le
problème. Or cette approche intellectuelle exclut la qualité de présence que
requiert l’empathie. Lorsque nous analysons ses paroles et que nous
cherchons à les intégrer à nos théories, nous observons l’autre, mais nous ne
sommes pas avec lui. L’empathie est avant tout fondée sur la présence :
nous sommes pleinement présent à l’autre et à ce qu’il éprouve.
Voici les trois réponses qui obtinrent l’aval des psychothérapeutes : sur le
premier billet, il était simplement indiqué « Silence, avec attention non
verbale clairement portée vers le patient » ; sur le deuxième on pouvait lire
« Vous êtes apparemment au bout du rouleau et la seule envie qui vous
reste, c’est de trouver n’importe quel moyen pour arrêter de souffrir, c’est
ça ? » et sur le troisième : « Est-ce que vous vous sentez désespéré au point
que vous n’arrivez plus à trouver de sens à votre vie ? » Cette qualité de
présence distingue l’empathie de la compréhension intellectuelle ou de la
frenchpdf.com
sympathie. Si nous pouvons parfois choisir de compatir avec l’autre en
partageant ses sentiments, il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit de
sympathie, et non pas d’empathie.
Dans cette situation, ce que la famille observe et ce à quoi elle réagit est
évident : prêter une voiture à un parfait inconnu. Dans d’autres situations, il
arrive que cela ne soit pas aussi clair. Si un collègue nous dit : « Tu ne sais
pas travailler en équipe », nous ne savons pas forcément ce qu’il observe,
bien que dans la plupart des cas nous puissions deviner ce qui est à l’origine
de cette réflexion.
frenchpdf.com
L’échange suivant, tiré d’un atelier, montre combien il est difficile de
concentrer son attention sur les sentiments et les besoins des autres lorsque
nous avons été habitués à nous sentir responsables de leurs sentiments et à
nous sentir visés par leurs réflexions. Dans ce dialogue, l’épouse souhaitait
apprendre à entendre les sentiments et besoins qui se cachaient derrière
certaines réflexions de son mari. Je lui proposai de deviner, puis de vérifier
avec lui.
frenchpdf.com
MBR : C’est ce que j’avais à l’esprit. Est-ce que cela fait une différence
pour vous de l’entendre de cette façon ?
ÉPOUSE : Tout à fait, une grande différence. Je vois ce qui se passe chez
lui sans entendre que j’ai fait quelque chose de faux.
Écouter
ce dont nos interlocuteurs ont besoin plutôt que ce qu’ils
pensent de nous.
Paraphraser
Après avoir écouté et entendu ce que l’autre observe, ressent, désire et
demande pour rendre sa vie plus conforme à ses vœux, peut-être aurons-
nous envie de lui dire en le paraphrasant ce que nous avons compris. Dans
le chapitre concernant les demandes (chapitre 6), nous avons vu comment
demander à l’autre de reformuler nos paroles pour nous assurer qu’elles
correspondent bien à ce que nous voulions dire. Nous allons voir
maintenant comment renvoyer à notre interlocuteur ce que l’on a perçu de
son message.
Cela lui confirmera, le cas échéant, que nous avons bien reçu son
message, ou lui donnera au contraire une occasion de nous corriger. Autre
avantage, notre reformulation lui donnera le temps de réfléchir à ce qu’il a
dit et lui fournira une occasion de plonger plus profondément en lui-même.
La CNV propose d’énoncer notre paraphrase à la forme interrogative,
afin de dire ce que nous avons compris tout en invitant notre interlocuteur à
apporter d’éventuelles corrections. Les questions peuvent ainsi porter sur :
frenchpdf.com
C. Ce que l’autre demande : « Veux-tu que je te dise pourquoi je
t’ai dit cela ? »
frenchpdf.com
Comment reconnaître les situations dans lesquelles il est bon de redire à
l’autre ce que nous avons entendu ? Lorsque nous ne sommes pas certains
d’avoir bien compris le message, nous pouvons, bien entendu, utiliser la
paraphrase pour inviter l’autre à lever toute ambiguïté. Mais il arrive
également que, même lorsque nous sommes sûrs de l’avoir compris, nous
ayons l’impression que l’autre souhaite s’entendre confirmer qu’il a été
correctement entendu. Il peut même exprimer ouvertement ce désir en
demandant : « C’est clair ? » ou « Tu vois ce que je veux dire ? » Il sera
alors plus rassuré d’entendre une reformulation claire de son message qu’un
simple : « Oui, je comprends. »
Ainsi, des infirmières demandèrent à une bénévole de l’hôpital qui venait
de participer à un stage de CNV d’aller parler à une patiente âgée : « Nous
lui avons dit qu’elle n’était pas si malade que cela et que, si elle prenait ses
médicaments, elle irait mieux, mais elle s’obstine à rester toute la journée
dans sa chambre, à répéter qu’elle veut mourir. »
La bénévole alla voir la vieille dame et, comme le lui avaient annoncé les
infirmières, la trouva prostrée, murmurant sans cesse : « Je veux mourir. »
« Ainsi, vous voulez mourir ? » demanda-t-elle avec empathie. Surprise,
la vieille dame arrêta sa litanie et sembla soulagée. Puis elle se mit à parler,
expliquant que personne ne comprenait à quel point elle se sentait mal. La
bénévole continua à reformuler les sentiments de la patiente. Bientôt, une
telle chaleur s’instaura dans leur dialogue que la bénévole prit la vieille
dame dans ses bras. Les infirmières interrogèrent par la suite la bénévole
sur sa « recette miracle » : la dame avait recommencé à s’alimenter et à
prendre ses médicaments, et elle semblait plus joyeuse. Les infirmières
avaient certes tenté de l’aider en lui prodiguant conseils et réconfort, mais
ce fut le dialogue avec la bénévole qui lui avait fourni ce dont elle avait
besoin : un lien avec un autre être humain, capable d’entendre son profond
désespoir.
Il n’existe aucun moyen infaillible de savoir à quel moment utiliser la
paraphrase, mais, en règle générale, on peut sans craindre de se tromper
frenchpdf.com
partir du principe que les gens qui expriment un message comportant une
forte charge émotionnelle aimeraient en obtenir un écho. Lorsque c’est nous
qui parlons, nous pouvons faciliter la tâche à notre interlocuteur en lui
signifiant clairement les moments où nous souhaitons ou ne souhaitons pas
que nos paroles nous soient renvoyées.
frenchpdf.com
Paraphraser seulement quand cela contribue à plus de
bienveillance et de compréhension.
frenchpdf.com
découvrons ce bonheur lorsque nous commençons à percevoir les messages
non plus comme des critiques ou des reproches, mais comme les cadeaux
qu’ils sont : des occasions de donner à ceux qui souffrent.
frenchpdf.com
études sur les négociations entre partenaires sociaux ont montré que l’on
parvenait à résoudre deux fois plus rapidement les conflits lorsque chaque
partie acceptait de répéter précisément ce qu’elle avait entendu la partie
adverse dire avant de répondre.
frenchpdf.com
paroles. Savourant ce qu’il venait d’entendre, il me regarda et conclut : « Ça
marche. » Il est très émouvant de recevoir la preuve concrète que quelqu’un
établit avec nous un lien empathique.
Maintenir l’empathie
Je conseille de laisser aux autres la possibilité de s’exprimer pleinement
avant de tourner notre attention sur les solutions ou les demandes de
réconfort. En cherchant à répondre trop vite aux éventuelles demandes des
autres, nous risquons de ne pas réussir à leur montrer que nous nous
intéressons sincèrement à leurs sentiments et à leurs besoins. Ils peuvent
alors avoir l’impression que nous sommes pressés de nous débarrasser
d’eux ou de résoudre leur problème. De plus, un premier message est
souvent la partie émergée de l’iceberg. Il peut être suivi de sentiments
encore inexprimés, mais reliés – et souvent plus intenses. En maintenant
notre attention sur ce que vit l’autre, nous lui donnons une occasion
d’explorer complètement ce qui se passe au tréfonds de lui-même et de
l’exprimer. En déviant trop tôt notre attention sur sa demande ou sur notre
propre désir de nous exprimer, nous couperions ce flux.
Supposons qu’une mère de famille vienne nous trouver en nous disant :
« Mon fils est insupportable. Quoi que je lui dise de faire, il refuse
d’écouter. » Nous pourrions déceler ses sentiments et ses besoins en
répondant : « Il semble que vous êtes désespérée et que vous aimeriez
trouver un moyen d’établir un contact avec votre fils. » Une paraphrase
encourage souvent l’autre à regarder ce qui se passe en lui. Si nous avons
correctement reflété sa déclaration, la mère peut parvenir à identifier
d’autres sentiments : « C’est peut-être ma faute, je passe mon temps à le
houspiller. » Restant à l’écoute, nous nous en tenons aux sentiments et aux
besoins exprimés : « Vous sentez-vous coupable parce que vous auriez aimé
lui témoigner plus de compréhension que vous ne l’avez parfois fait ? » Si
la mère continue de se sentir comprise, par l’effet de ce que nous lui
renvoyons, elle peut approfondir ses sentiments : « J’ai vraiment échoué
frenchpdf.com
dans mon rôle de mère. » Nous continuons alors à rester en phase avec les
sentiments et besoins qu’elle exprime : « Vous êtes donc découragée et vous
voulez restaurer la relation avec lui sur une autre base ? » Nous continuons
de la sorte jusqu’à ce que la personne ait pu exprimer tous les sentiments en
jeu dans cette situation.
Comment être certains que nous avons bien écouté l’autre avec
empathie ? Le premier signe est le soulagement qu’il ressent lorsqu’il se
rend compte que toutes ses émotions ont été comprises avec empathie.
Nous en prenons conscience en constatant un relâchement de nos propres
tensions corporelles. Notre interlocuteur nous envoie un second signe, plus
probant encore, lorsqu’il arrête de parler. Si nous ne sommes pas sûrs d’être
restés assez longtemps dans le processus, rien de nous empêche de vérifier,
en demandant : « Y a-t-il autre chose que vous vouliez dire ? »
frenchpdf.com
autres. Si nous reconnaissons ouvertement que notre propre détresse nous
empêche de réagir avec empathie, l’autre pourra dans certains cas nous
apporter l’empathie dont nous avons besoin.
Dans d’autres cas, il peut être nécessaire de faire d’urgence un retour sur
nous en écoutant ce qui se passe en nous-mêmes avec la même qualité de
présence et d’attention que celle que nous offrons aux autres. « Plus vous
écoutez fidèlement votre voix intérieure, mieux vous entendrez ce qui se
passe au-dehors », déclara un jour Dag Hammarskjold, ancien secrétaire
général des Nations unies. Une fois que nous savons « nous donner de
l’empathie », il suffit souvent de quelques secondes pour sentir une
libération naturelle d’énergie, qui nous permet alors d’être présent à l’autre.
À défaut, deux autres possibilités s’offrent à nous.
La première : hurler – en appliquant les principes de la CNV, s’entend. Je
me souviens avoir assuré pendant trois jours une médiation entre deux
bandes rivales qui s’entre-tuaient littéralement. L’une se faisait appeler les
Égyptiens noirs, et son adversaire n’était autre que le commissariat de
police des quartiers est de la ville de Saint Louis. À mon arrivée, le score
était de deux à un – soit trois morts en un mois ! Au bout de trois journées
éprouvantes, pendant lesquelles je m’étais efforcé de rapprocher les deux
parties, afin que chacune entende l’autre et qu’elles résolvent leurs
différends, je me dis en rentrant à la maison que jamais plus je ne voulais
me retrouver pris en étau dans un conflit.
À peine avais-je poussé la porte d’entrée que je vis mes enfants en train
de se battre. N’ayant pas l’énergie d’aborder la situation posément, j’ai
hurlé en appliquant la CNV : « Écoutez, je vais mal ! Je n’ai pas envie de
m’occuper de votre bagarre. Je voudrais simplement avoir la paix et du
calme ! » Mon fils aîné, qui avait alors neuf ans, s’arrêta net et me
demanda : « Tu veux en parler ? » Je me suis rendu compte que, à partir du
frenchpdf.com
moment où nous parvenons à dire notre souffrance sans la maquiller et sans
y mêler de reproches, même les gens en détresse sont capables d’entendre
nos besoins. Il ne s’agit bien entendu pas de hurler : « Non, mais ça ne va
pas, non ? Vous ne savez pas vous tenir ? Je viens de rentrer et j’ai eu une
journée difficile ! » – ni d’insinuer d’aucune façon que c’est leur
comportement qui est en cause. Hurler en CNV permet d’attirer l’attention
sur les besoins impérieux et la souffrance que j’éprouve à cet instant précis.
Si toutefois notre interlocuteur éprouve également des sentiments si
intenses qu’il ne peut ni nous entendre ni nous laisser tranquille, la
troisième solution consiste à nous retirer physiquement de la situation. Nous
nous donnons ainsi le temps de la réflexion et les moyens d’acquérir
l’empathie dont nous avons besoin pour revenir dans un autre état d’esprit.
Résumé
L’empathie est une compréhension empreinte de respect de ce que les
autres vivent. Au lieu de proposer de l’empathie, nous avons souvent
tendance à donner des conseils, à réconforter, à donner notre avis ou à
exposer notre sentiment. L’empathie exige en revanche que nous fassions le
vide dans notre esprit et que nous écoutions l’autre de tout notre être.
En CNV, quels que soient les mots choisis par l’autre pour s’exprimer,
nous écoutons simplement ses observations, ses sentiments, ses besoins et
ce qu’il demande. Nous pouvons alors choisir de paraphraser ses paroles, en
disant ce que nous avons compris. Nous maintenons l’empathie en lui
laissant une chance de s’exprimer pleinement avant de porter notre attention
sur la recherche de solutions ou sur sa demande de réconfort.
Nous avons besoin de faire nous-mêmes le « plein » d’empathie pour
pouvoir en donner aux autres. Lorsque nous sommes sur la défensive ou
incapables d’empathie, nous avons besoin :
– soit de nous arrêter pour respirer et faire d’urgence un retour sur nous-
mêmes ;
frenchpdf.com
– soit de hurler en CNV, c’est-à-dire d’exprimer avec force ce qui se
passe en nous, en appliquant les principes de la CNV (chapitres 4 à 6) ;
– soit encore de nous retirer pour nous donner le temps de la réflexion.
frenchpdf.com
La CNV en pratique
Une femme établit une connexion avec son mari mourant
Un patient vient d’apprendre qu’il est en phase terminale d’un
cancer du poumon. La scène suivante, qui se déroule chez lui entre
une infirmière à domicile, lui-même et sa femme, constitue pour lui
une dernière occasion d’établir un contact affectif avec son épouse et
de parler de sa mort avant d’être hospitalisé. En engageant le dialogue
avec l’infirmière, l’épouse se plaint de la kinésithérapeute qui
s’occupait jusqu’alors de son mari à domicile.
frenchpdf.com
ÉPOUSE : Je n’imagine même pas comment je pourrais vivre sans
lui. Il a toujours été là pour moi. Toujours.
INFIRMIÈRE : Vous êtes donc triste quand vous pensez à ce que sera la
vie sans lui ?
ÉPOUSE : Je n’ai personne d’autre que lui. Il est tout pour moi,
vous savez. Ma fille ne m’adresse même plus la parole.
INFIRMIÈRE : On dirait que, quand vous pensez à votre fille, vous être
frustrée parce que vous aimeriez avoir une autre
relation avec elle.
ÉPOUSE : J’aimerais bien, mais elle est tellement égoïste. Je ne
sais pas pourquoi je me suis embêtée à faire des
enfants. Voilà ce que ça me rapporte, maintenant.
INFIRMIÈRE : J’ai l’impression que vous êtes un peu en colère et
déçue parce que vous aimeriez que votre famille vous
soutienne davantage pendant la maladie de votre mari.
ÉPOUSE : Oui, il est tellement malade. Je ne sais pas comment je
vais pouvoir traverser cette épreuve toute seule. Je n’ai
personne… pas même à qui parler, à part vous, ici…
pour l’instant. Même lui refuse d’en parler. Regardez-
le ! (Le mari reste silencieux et imperturbable.) Il ne dit
rien !
INFIRMIÈRE : Êtes-vous triste, et aimeriez-vous pouvoir vous soutenir
l’un l’autre et vous sentir plus proches ?
ÉPOUSE : Oui. (Après une brève pause, elle formule une
demande.) Parlez-lui comme vous me parlez.
INFIRMIÈRE : (Vérifiant qu’elle a bien compris le besoin exprimé par
la demande de l’épouse.) Voulez-vous qu’il soit écouté
de telle façon qu’il puisse exprimer ce qu’il ressent au
plus profond de lui-même ?
frenchpdf.com
ÉPOUSE : Oui, oui, c’est exactement cela ! Je veux qu’il se sente à
l’aise pour parler et je veux savoir ce qu’il ressent.
(Utilisant la supposition de l’infirmière, l’épouse
parvient d’abord à prendre conscience de ce qu’elle
veut, puis à trouver les mots pour le dire. C’est un
moment crucial : s’ils savent ce qu’ils ne veulent pas,
les gens ont souvent du mal à identifier ce qu’ils
veulent dans une situation donnée. Nous voyons
comment une demande claire – « Parlez-lui comme
vous me parlez » – est un cadeau : cela offre à l’autre
toutes sortes de possibilités d’action. L’infirmière peut
désormais agir d’une façon qu’elle sait être en
harmonie avec les désirs de l’épouse. Cela modifie
l’atmosphère de la pièce, car l’infirmière et l’épouse
travaillent maintenant ensemble, toutes deux sur le
mode de la bienveillance.)
INFIRMIÈRE : (Se tournant vers le mari.) Que ressentez-vous lorsque
vous entendez ce que votre femme a dit ?
MARI : Je l’aime vraiment beaucoup.
INFIRMIÈRE : Êtes-vous content d’avoir une occasion de parler de
cela avec elle ?
MARI : Oui, nous avons besoin d’en parler.
INFIRMIÈRE : Voudriez-vous nous dire ce que vous éprouvez par
rapport à votre cancer ?
MARI : (Après un bref silence.) Je ne me sens pas très bien.
(Les mots « bien » ou « mal » sont souvent utilisés pour
décrire des sentiments lorsque les gens n’ont pas
encore identifié la nature des émotions qu’ils
frenchpdf.com
éprouvent. L’expression plus précise de ses sentiments
l’aiderait à trouver le contact affectif qu’il cherche à
établir avec son épouse.)
INFIRMIÈRE : (L’encourageant à être plus précis.) Avez-vous peur de
mourir ?
MARI : Non, je n’ai pas peur. (Bien que l’intuition de
l’infirmière n’ait pas été la bonne, cela n’empêche pas
le dialogue de se poursuivre.)
INFIRMIÈRE : Êtes-vous en colère à l’idée de mourir ? (Le patient
ayant du mal à verbaliser ses émotions, l’infirmière
continue de l’aider dans ce processus.)
MARI : Non, ce n’est pas de la colère.
INFIRMIÈRE : (À ce moment, après deux essais infructueux, elle
décide d’exprimer ses propres sentiments.) Eh bien, je
me demande ce que vous pouvez ressentir. Est-ce que
vous pourriez me le dire ?
MARI : En fait, je me demande comment elle va faire sans moi.
INFIRMIÈRE : Oh, vous craignez qu’elle ne parvienne pas à gérer sa
vie sans vous ?
MARI : Oui, j’ai peur de lui manquer.
INFIRMIÈRE : (Elle sait que les mourants se raccrochent souvent à la
vie parce qu’ils s’inquiètent pour ceux qu’ils laissent
derrière eux. Les patients doivent parfois être assurés
que les êtres qui leur sont chers peuvent accepter leur
mort avant de se laisser partir.) Voulez-vous entendre
maintenant ce que ressent votre femme lorsque vous
dites cela ?
MARI : Oui.
frenchpdf.com
L’épouse se joint à la conversation. En présence de l’infirmière,
chacun commence à exprimer ouvertement ses sentiments à l’autre.
Dans ce dialogue, l’épouse a commencé par se plaindre de la
kinésithérapeute. Mais, au bout de quelques échanges qui lui ont
permis de se sentir entendue avec empathie, elle est parvenue à
déterminer que ce qu’elle recherchait véritablement, c’était un rapport
plus profond avec son mari pendant cette phase critique de leur vie.
frenchpdf.com
Exercice
LA DIFFÉRENCE ENTRE RECEVOIR AVEC
EMPATHIE ET RECEVOIR SANS EMPATHIE
frenchpdf.com
8. PERSONNE A : L’organisation du mariage de ma fille me met à
bout de nerfs. La famille de son fiancé n’arrange rien : presque
tous les jours, ils changent d’avis sur le style de mariage qu’ils
aimeraient.
Personne B : Es-tu nerveuse par rapport à l’organisation et aimerais-
tu que les futurs beaux-parents de ta fille soient plus conscients
des complications que leur indécision te crée ?
9. PERSONNE A : Lorsque la famille débarque à l’improviste, je me
sens envahie. Cela me rappelle la manière dont mes parents
ignoraient mes besoins et planifiaient des choses à ma place.
PERSONNE B : Je sais comment tu te sens. C’était pareil pour moi.
10. PERSONNE A : Je suis déçu de vos résultats. J’aurais aimé que
votre service double sa production le mois dernier.
PERSONNE B : Je comprends votre déception, mais nous avons eu
beaucoup d’absents pour cause de maladie.
frenchpdf.com
6. Si vous avez entouré celle-ci, nous sommes en partie d’accord. Je
vois la personne B accueillir les pensées de la personne A.
Néanmoins, je crois que nous sommes plus profondément reliés
lorsque nous accueillons les sentiments et les besoins qui
s’expriment, plutôt que les pensées. C’est pourquoi j’aurais
préféré que la personne B dise : « Es-tu furieuse parce que tu
aimerais qu’il soit plus présent ? »
7. Je vois la personne B donner un conseil plutôt que d’accueillir
avec empathie ce que vit la personne A.
8. Si vous avez entouré celle-ci, nous sommes d’accord. Je vois la
personne B accueillir avec empathie ce que vit la personne A.
9. Je vois la personne B présumer qu’elle a compris et parler de ses
propres sentiments plutôt que d’accueillir avec empathie ce que
vit la personne A.
10. Je vois la personne B concentrer d’abord son attention sur les
sentiments de la personne A, mais se mettre ensuite à donner des
explications.
frenchpdf.com
8
Le pouvoir de l’empathie
L’empathie qui guérit
« Lorsque quelqu’un vous entend vraiment sans vous juger, sans essayer
de vous prendre en charge ou de vous enfermer dans un moule, cela fait un
bien incroyable… À partir du moment où j’ai été écouté et entendu, je
parviens à percevoir mon univers sous un jour nouveau et à aller de l’avant.
Il est étonnant de voir à quel point tout ce qui semblait insoluble trouve une
issue dès lors que quelqu’un écoute. À quel point ce qui semblait
irrémédiablement confus se dénoue de façon relativement claire lorsque
l’on est entendu. » C’est en ces termes que Carl Rogers décrivait les effets
de l’empathie sur ses destinataires.
À cet égard, l’une de mes histoires préférées est celle que me rapporta la
directrice d’une école alternative. En revenant de déjeuner, elle trouva un
jour dans son bureau Milaine, une élève de primaire, qui l’attendait, l’air
abattu. Elle s’assit près d’elle et la petite fille lui dit :
– Madame Anderson, vous est-il déjà arrivé de passer toute une semaine
où chacun de vos actes causait du tort à quelqu’un, alors que vous n’aviez
aucune intention de faire du mal ?
– Oui, répondit la directrice. Je crois comprendre ce que tu veux dire.
frenchpdf.com
Sur ce, Milaine lui raconta sa semaine. « Quand elle eut fini, poursuivit la
directrice, j’étais très en retard à une réunion importante. Je n’avais pas
retiré mon manteau, et je ne voulais pas faire attendre une salle pleine. J’ai
donc demandé : “Milaine, que puis-je faire pour toi ?” La petite s’approcha
de moi, m’attrapa par les épaules et me regarda droit dans les yeux :
“Madame Anderson, je ne vous demande pas de faire quoi que ce soit. Je
vous demande simplement d’écouter.” Ce fut l’un des moments les plus
riches d’enseignements de ma vie. Et il me fut donné par une enfant. “Tant
pis pour tous ces adultes qui m’attendent !” me dis-je, allant m’asseoir avec
Milaine sur un banc. Je passai mon bras autour de ses épaules, elle posa sa
tête sur ma poitrine et me dit tout ce qu’elle avait sur le cœur. Et cela prit
peu de temps, somme toute. »
L’un des aspects les plus satisfaisants de mon travail est d’entendre
comment les gens ont mis en pratique la CNV pour renforcer leur capacité à
établir une relation d’empathie avec d’autres. Laurence, une amie suisse,
me raconta qu’elle fut un jour exaspérée de voir son fils de six ans, furieux,
partir en claquant la porte, sans même lui laisser le temps de finir sa phrase.
Isabelle, sa fille de dix ans, qui l’avait accompagnée à un atelier de CNV,
dit alors : « Tu es très en colère, maman. Tu préférerais qu’il te parle au lieu
de partir, quand il est en colère. » Laurence constata avec émerveillement
que les paroles de sa fille l’avaient immédiatement détendue, et elle parvint
à se montrer plus compréhensive envers son fils lorsqu’il revint.
De même, un professeur de lycée nous expliqua comment les rapports
entre les élèves et les enseignants avaient évolué après que plusieurs de ses
collègues eurent appris à écouter avec empathie et à s’exprimer plus
sincèrement, sans dissimuler leur vulnérabilité. « Les élèves étaient de plus
en plus ouverts et nous parlaient des divers problèmes personnels qui
affectaient leurs études. Plus ils en parlaient, plus ils étaient efficaces dans
frenchpdf.com
leur travail. Ce type d’écoute était très prenant, mais nous étions ravis d’y
consacrer tout ce temps. Le proviseur n’était malheureusement pas
convaincu. Il estimait que nous n’étions pas des conseillers psychologiques
et que nous devions passer moins de temps à discuter avec les élèves et
davantage à enseigner. »
Je lui demandai comment ses collègues et lui avaient réagi. « Nous avons
écouté les inquiétudes du proviseur avec empathie, répondit-il. Nous avons
entendu qu’il se faisait du souci et qu’il voulait s’assurer que nous ne nous
mêlions pas de ce qui nous dépassait. Nous avons aussi compris qu’il avait
besoin d’être rassuré sur le fait que le temps que nous passions à discuter
n’empiétait pas sur le programme. Il sembla soulagé par la façon dont nous
l’avions écouté. Nous avons continué de dialoguer avec les élèves, car nous
voyions que plus nous les écoutions, meilleurs étaient leurs résultats. »
Lorsque nous travaillons dans le cadre d’une institution hiérarchisée,
nous avons tendance à entendre des ordres et des jugements de la part de
nos supérieurs. Or, s’il nous est relativement facile de témoigner de
l’empathie à ceux qui occupent un rang égal ou inférieur au nôtre, il n’est
pas rare que nous soyons sur la défensive ou que nous tentions de nous
justifier face à ceux que nous identifions comme nos « supérieurs ». C’est
pourquoi je fus particulièrement content de constater que ces enseignants
s’étaient souvenus qu’ils pouvaient offrir autant d’empathie à leur directeur
qu’à leurs élèves.
frenchpdf.com
Dans la mesure où la CNV nous invite à révéler nos sentiments et nos
besoins les plus profonds, cela peut apparaître comme un défi de l’appliquer
dans certaines circonstances. Pourtant, à partir du moment où nous
établissons avec autrui un lien empathique, il devient plus facile de nous
exprimer, car nous rencontrons l’être humain et prenons conscience des
qualités que nous avons en commun. Plus nous parvenons à reconnaître les
sentiments et les besoins derrière les paroles de l’autre, moins nous avons
peur de nous ouvrir à lui. C’est généralement lorsque nous cherchons à
donner de nous-mêmes l’image d’un personnage sans faille – de peur de
perdre notre autorité ou le contrôle d’une situation – que nous hésitons à
exprimer notre vulnérabilité.
frenchpdf.com
mon sens commencer par obtenir l’empathie nécessaire pour aller au-delà
des pensées qui occupent notre esprit, de façon à pouvoir reconnaître nos
besoins profonds.
En écoutant attentivement la réflexion du jeune homme et les rires de ses
camarades, j’ai supposé qu’ils étaient contrariés et qu’ils ne voulaient pas
être manœuvrés ni manipulés. Peut-être par le passé avaient-ils été
confrontés à des gens qui employaient des expressions comme « cela me
blesse » pour donner à entendre leur désapprobation. Ne leur ayant pas
explicitement demandé de confirmer cette intuition, je n’avais aucun moyen
de savoir si j’avais deviné juste, mais le simple fait de porter mon attention
là-dessus m’a permis de ne pas me sentir directement visé et de garder mon
sang-froid. Au lieu de les juger parce qu’ils me ridiculisaient ou me
manquaient d’égards, je me suis efforcé d’écouter les souffrances et les
besoins qu’impliquait leur attitude. C’est alors que l’un d’entre eux
explosa : « Mais c’est du n’importe quoi, votre truc. Imaginez que vous
soyez en face de gars d’une autre bande. Ils sont armés et vous pas. Vous
comptez rester planté là, à leur faire la causette ? À d’autres ! »
Une fois de plus, tout le monde éclata de rire, et, une fois de plus, je me
concentrai sur leurs sentiments et leurs besoins :
– Vous en avez assez d’apprendre des choses qui n’ont aucune utilité
dans ces situations ?
– Ça oui alors, et si vous viviez dans ce quartier, vous sauriez que ce
n’est que du baratin.
– Vous auriez donc besoin d’être assurés que ceux qui vous enseignent
quelque chose connaissent un tant soit peu votre quartier ?
– Tu l’as dit. J’en connais qui vous auraient réduit en bouillie sans vous
laisser le temps de placer deux mots !
– Vous avez donc besoin d’être assurés que ceux qui essayent de vous
enseigner quelque chose comprennent les dangers qu’il y a à vivre ici ?
Je continuai à les écouter de cette façon en reflétant tantôt verbalement,
tantôt silencieusement ce que j’entendais. Cet échange se poursuivit
pendant trois quarts d’heure, puis je perçus un déclic : ils sentaient que je
frenchpdf.com
les comprenais vraiment. Un conseiller du programme remarqua également
que quelque chose avait basculé et leur demanda à haute voix : « Que
pensez-vous de cet homme ? » Le jeune homme qui m’avait donné le plus
de fil à retordre répondit : « De tous ceux que nous avons vus passer, c’est
celui qui a le mieux su nous parler. »
Surpris, le conseiller se tourna vers moi et murmura : « Mais vous n’avez
rien dit ! » En fait, j’en avais dit beaucoup en leur montrant qu’ils ne
pouvaient rien me dire qui ne puisse être traduit en besoins et sentiments
universels.
frenchpdf.com
ENSEIGNANTE : J’ai l’impression que vous êtes très contrarié et que vous
voulez que je fasse ce que vous me dites.
JEUNE HOMME : Bien vu, poupée, et il va t’arriver des bricoles si tu
n’obéis pas.
ENSEIGNANTE : Voudriez-vous me dire s’il y a un autre moyen de vous
satisfaire sans que vous me fassiez de mal ?
JEUNE HOMME : Déshabille-toi, je t’ai dit !
ENSEIGNANTE : J’entends que vous en avez vraiment envie, mais je veux
aussi que vous sachiez que j’ai très peur et que je me sens très mal, et
que je serais très reconnaissante si vous partiez sans me faire de mal.
JEUNE HOMME : Donne-moi ton sac à main.
Je suis ravi que vous nous ayez fait pratiquer l’empathie face à des gens
en colère, la dernière fois. Quelques jours à peine après la séance, je
suis allé arrêter quelqu’un dans une HLM. Lorsque nous sommes
ressortis, une soixantaine de gens cernaient ma voiture et criaient à tue-
tête : « Relâchez-le ! Il n’a rien fait ! Sales flics, vous êtes tous
racistes ! » Je n’étais pas certain que l’empathie marcherait, mais je
n’avais pas d’autre solution. Je leur ai donc reflété les sentiments que
j’entendais, en leur disant par exemple : « Vous ne pensez donc pas que
j’ai de bonnes raisons d’arrêter cet homme ? Vous pensez que cela a
frenchpdf.com
quelque chose à voir avec sa couleur de peau ? » Lorsque je leur eus
ainsi reflété pendant quelques minutes leurs sentiments, l’hostilité
retomba, et ils finirent par m’ouvrir un chemin jusqu’à ma voiture.
frenchpdf.com
Être empathique plutôt que répliquer « mais » à une
personne en colère.
J’ai respiré un grand coup et j’ai dit : « J’entends que vous êtes très en
colère et que vous voulez qu’on vous donne une chambre. » Sans cesser de
crier, il répondit : « Ce n’est pas parce que je suis drogué que je ne mérite
pas le respect ! J’en ai marre que personne ne me respecte ! Mes parents ne
me respectent pas, mais je vais en avoir, du respect ! » J’ai continué à me
concentrer exclusivement sur ses sentiments et besoins : « En avez-vous
assez de ne pas obtenir le respect que vous voulez ? »
– Combien de temps ce dialogue a-t-il duré ? demandai-je.
– Oh, une bonne demi-heure, répondit-elle.
– Vous deviez être terrifiée !
– Non, après les deux ou trois premiers échanges, je n’ai plus eu peur, car
j’ai pris conscience d’un autre phénomène dont nous avions parlé ici : en
me concentrant sur l’écoute de ses sentiments et de ses besoins, j’ai cessé
de le voir comme un monstre. J’ai vu, comme vous l’aviez dit, comment les
individus qui ont l’air de monstres sont simplement des êtres humains dont
le langage et le comportement nous empêchent parfois de percevoir l’aspect
profondément humain. Plus je parvenais à porter mon attention sur ses
sentiments et ses besoins, mieux je le voyais comme un désespéré dont les
besoins n’étaient pas assouvis. C’est là que j’ai commencé à me dire que si
je focalisais mon attention là-dessus, il ne me ferait aucun mal. Et en effet,
lorsqu’il eut reçu l’empathie dont il avait besoin, il m’a libérée, a rangé son
couteau et je l’ai aidé à trouver une chambre dans un autre centre.
frenchpdf.com
– Pourquoi donc êtes-vous revenue ? lui demandai-je. Vous avez l’air
d’avoir maîtrisé la CNV et vous devriez plutôt être en train d’enseigner aux
autres ce que vous avez appris.
– Non, j’ai encore besoin de votre aide pour quelque chose de vraiment
difficile…
– J’ose à peine imaginer ! Quel cas pourrait être plus délicat que celui-
ci ?
– Ma mère… Je voudrais que vous m’aidiez. Malgré tout ce que j’ai
compris sur l’effet du « mais », vous savez ce qui s’est passé ? Je suis allée
dîner chez elle le lendemain et je lui ai raconté l’incident. « Si tu restes dans
ce centre, tu finiras par nous faire attraper une crise cardiaque, à ton père et
à moi ! Il faut que tu trouves autre chose ! » m’a-t-elle dit. Et devinez ce
que je lui ai répondu ? « Mais, maman, c’est ma vie ! »
frenchpdf.com
Répondre à un refus avec empathie nous évite de le prendre
mal.
frenchpdf.com
doute arrivé d’entendre parler quelqu’un sans ressentir le moindre lien avec
lui, ou bien d’être confronté à une intarissable logorrhée. Le dialogue perd
de sa vitalité lorsque nous nous déconnectons des sentiments et besoins qui
motivent les paroles de l’autre et des demandes associées à ces besoins.
C’est un phénomène courant lorsque les gens parlent sans être conscients de
leurs sentiments, besoins ou demandes. Au lieu de participer à un échange
plein de vie, nous avons alors l’impression de n’être que de simples
réceptacles de leurs paroles.
frenchpdf.com
Lors d’une réception, j’étais submergé par des flots de paroles qui me
semblaient sans vie. Je m’adressai alors aux neuf personnes qui formaient
notre cercle : « Excusez-moi, je perds patience car j’aimerais me sentir plus
proche de vous, mais notre conversation ne me permet pas d’y arriver. Je
voudrais savoir si notre conversation satisfait vos besoins et, le cas échéant,
lesquels. »
Mes neuf interlocuteurs me regardèrent comme si je venais de jeter un rat
dans la soupe. Fort heureusement, je cherchai aussitôt à identifier les
sentiments et les besoins que couvrait leur silence : « Êtes-vous contrariés
que je vous aie interrompus parce que vous auriez aimé poursuivre cette
conversation ? » demandai-je.
Après un autre silence, l’un d’entre eux finit par répondre : « Non, je ne
suis pas contrarié. Je réfléchissais à votre question. Cette conversation ne
me satisfaisait pas. En fait, elle m’ennuyait à mourir. »
Sur le moment, sa réponse me surprit, car c’était précisément lui qui avait
alimenté la fameuse conversation. Mais j’ai compris depuis lors que les
conversations qui sont sans vie pour l’auditoire le sont également pour
l’orateur.
Il peut certes sembler délicat d’interrompre quelqu’un au beau milieu
d’une phrase, mais un sondage que j’ai réalisé auprès de plusieurs dizaines
de personnes démontre que cette attitude est souvent mieux perçue qu’on ne
pourrait le penser. À la question : « Si ce que vous dites n’intéresse plus
votre interlocuteur, préférez-vous qu’il continue à faire semblant de vous
écouter ou qu’il vous interrompe ? », à une exception près, toutes les
personnes interrogées affirmèrent préférer être interrompues. Ces résultats
m’ont encouragé et convaincu qu’il est plus courtois d’interrompre l’autre
que de faire semblant de l’écouter, car chacun de nous souhaite que ses
paroles soient pour les autres une richesse et non un fardeau.
frenchpdf.com
L’orateur préfère être interrompu plutôt que l’on fasse
semblant de l’écouter.
frenchpdf.com
À l’époque où j’exerçais la psychothérapie, je reçus la visite des parents
d’une jeune femme de vingt ans, suivie par des psychiatres. Elle était sous
traitement depuis plusieurs mois, avait été hospitalisée et avait subi
plusieurs électrochocs. Depuis trois mois, elle s’était enfermée dans le
mutisme le plus complet. Lorsqu’ils l’emmenèrent à mon cabinet, ils durent
la porter, car elle n’effectuait plus d’elle-même le moindre mouvement.
Dès le début de la consultation, elle resta prostrée dans son fauteuil,
tremblante, les yeux rivés au sol. M’efforçant d’établir un lien d’empathie
avec les sentiments et besoins qu’exprimait son message non verbal, je dis :
« Il me semble que vous êtes effrayée et que vous voudriez être sûre que
vous pouvez parler sans crainte. Est-ce bien cela ? »
Voyant qu’elle ne réagissait pas, j’exprimai mes propres sentiments : « Je
suis très préoccupé de vous voir comme cela et j’aimerais que vous me
disiez s’il y a quelque chose que je peux dire ou faire pour vous aider à
vous sentir plus en sécurité. » Toujours pas de réponse. Je passai les
quarante minutes suivantes à tenter de décoder ses sentiments et ses besoins
ou à exprimer les miens. Elle ne laissait strictement rien paraître, pas le
moindre signe indiquant qu’elle comprenait que j’étais en train d’essayer de
communiquer avec elle. Finalement, je lui dis que j’étais fatigué et que je
souhaitais la revoir le lendemain.
Les deux séances suivantes se déroulèrent exactement comme la
première. Je continuai à concentrer mon attention sur ses sentiments et
besoins, disant ce que je comprenais, tantôt à voix haute, tantôt en silence
pour moi-même. De temps en temps, je lui faisais part de ce que j’éprouvais
en mon for intérieur. Elle restait enfoncée dans son fauteuil, tremblante,
sans desserrer les dents.
Au quatrième jour, alors qu’elle ne réagissait toujours pas, je
m’approchai et lui pris la main. Ne sachant pas si mes paroles traduisaient
ma sollicitude à son égard, j’espérais que le contact physique serait plus
efficace. Au premier contact, ses muscles se crispèrent et elle se
recroquevilla encore plus dans son fauteuil. Je m’apprêtai à desserrer mon
étreinte, mais je me ravisai en sentant un léger relâchement. Elle se détendit
frenchpdf.com
peu à peu. Je gardai sa main dans la mienne quelques minutes de plus, tout
en lui parlant comme je l’avais fait pendant les premiers jours. Elle ne disait
toujours rien.
Le lendemain, en arrivant, elle semblait encore plus tendue
qu’auparavant, à cette différence près qu’elle me tendit un poing fermé en
détournant le visage. Je fus tout d’abord déconcerté par ce geste, mais je
compris qu’elle me donnait quelque chose. Je dépliai ses doigts et trouvai
dans sa paume un billet froissé où était griffonné un message : « S’il vous
plaît, aidez-moi à dire ce qui est à l’intérieur. »
J’étais enchanté de recevoir ce signe, qui témoignait de son désir de
communiquer. Au bout d’une heure d’encouragements, elle finit par
articuler une première phrase, doucement et avec appréhension. Lorsque je
lui reformulai ce que je l’avais entendue dire, elle sembla soulagée, puis
continua à parler, lentement, craintivement. Un an plus tard, elle m’envoya
une copie de quelques morceaux choisis de son journal.
frenchpdf.com
Lorsque j’avais fait sortir quelque chose, j’étais toujours contente. Je
me rappelle avoir compté les jours, les heures même, qui me séparaient
du prochain rendez-vous.
J’ai également appris qu’il n’y a pas que du mauvais à regarder la
réalité en face. Je me rends de plus en plus compte de ce que j’ai envie
d’oser et des choses que j’ai besoin de faire par moi-même. C’est
effrayant. Et très dur. Et c’est tellement décourageant de voir que,
même quand je fais tout mon possible, je peux encore échouer
lamentablement. Mais le bon côté de la réalité, c’est que j’ai vu qu’elle
comporte aussi des aspects formidables.
Depuis un an, je découvre à quel point il peut être agréable de partager
ce que je suis avec d’autres personnes. Je pense que je n’ai encore vu
qu’une facette de cette joie de parler à d’autres personnes, et de les voir
véritablement écouter – et même parfois véritablement comprendre.
Résumé
Développer notre capacité à être empathiques nous permet de demeurer
sincères, vulnérables, de désamorcer les risques de violence, d’entendre un
refus sans y voir un rejet, de redonner vie à une conversation, et même
d’entendre les sentiments et besoins exprimés par un silence. On parvient
frenchpdf.com
souvent à dépasser les effets paralysants de la douleur psychologique
lorsqu’on entretient un lien assez fort avec quelqu’un qui peut nous
entendre avec empathie.
frenchpdf.com
9
Relions-nous à nous-mêmes avec
bienveillance
« Devenons le changement que nous souhaitons voir
dans le monde. »
MAHATMA GANDHI
frenchpdf.com
ne s’en apercevra pas. Je veux qu’il garde les yeux ouverts et… qu’il
voie… les possibilités illimitées qui s’offrent à lui. Je veux qu’il sache que
cela vaut bien la peine de bousculer un peu le monde lorsqu’on le peut. Et
je veux qu’il connaisse l’importante raison, subtile et dissimulée, pour
laquelle il est arrivé sur terre sous la forme d’un être humain et non d’une
chaise. »
Je suis très inquiet de voir que bon nombre d’entre nous ont perdu
conscience de « cette chose qui nous rend uniques » ; nous avons oublié
l’« importante raison, subtile et dissimulée » que l’oncle voulait si
ardemment que son neveu connaisse. Lorsque les jugements critiques que
nous portons sur nous-mêmes nous empêchent de voir notre beauté
intérieure, nous nous coupons de l’énergie divine qui est notre source. Si
nous sommes conditionnés à nous considérer comme des objets – des objets
pleins de défauts –, est-il étonnant si, souvent, nous finissons par avoir un
rapport violent avec nous-mêmes ?
L’évaluation que nous faisons de nous-mêmes, instant par instant, est un
domaine important où nous pouvons remplacer la violence par de la
compassion. Puisque nous voulons que toutes nos actions contribuent à
embellir la vie, il est essentiel de savoir évaluer les événements et les
situations d’une façon qui nous aide à apprendre et à faire en permanence
les choix qui nous seront bénéfiques. Malheureusement, la manière dont
nous avons été conditionnés à nous évaluer nous conduit souvent à nous
haïr nous-mêmes plutôt qu’à apprendre.
frenchpdf.com
Lors de mes ateliers, je demande habituellement aux participants de se
souvenir d’une situation récente dans laquelle ils ont fait quelque chose
qu’ils regrettent. Ensuite, nous observons ce qu’ils se sont dit juste après
avoir fait ce qu’on appelle dans le langage courant une « erreur » ou une
« faute ». Les réflexions habituelles sont : « C’était pas malin » « Comment
as-tu pu faire une chose aussi stupide ? » « Qu’est-ce qui t’a pris ? » « Tu as
le chic pour tout gâcher ! » « Quel égoïste ! »
Ces personnes ont appris à porter sur elles-mêmes des jugements qui
impliquent que ce qu’elles ont fait était faux ou mauvais ; en se
réprimandant elles-mêmes, elles supposent implicitement qu’elles méritent
de souffrir des conséquences de leurs actes. Il est tragique que nous soyons
si nombreux à nous empêtrer dans la haine de nous-mêmes au lieu de tirer
parti de nos erreurs, qui nous montrent nos limites et nous invitent à grandir.
Même lorsqu’il nous arrive de « prendre une bonne leçon » des erreurs
que nous jugeons sévèrement, je suis préoccupé par la nature de l’énergie
qui nous amène à changer et à apprendre de cette manière. J’aimerais que le
changement soit stimulé par un vrai désir de rendre la vie plus belle pour
nous ou pour les autres, et non par des énergies destructrices comme la
honte ou la culpabilité.
Si la manière dont nous nous évaluons nous conduit à ressentir de la
honte et à modifier notre comportement en conséquence, nous permettons à
cette haine de nous-mêmes d’être le guide de notre évolution et de notre
apprentissage. La honte est une forme de haine de soi et les actes qui en
résultent ne sont ni libres ni joyeux. Même si nous avons l’intention de nous
comporter avec plus de gentillesse et de sensibilité, si l’autre sent que nos
actions sont motivées par la honte ou la culpabilité, il sera moins enclin à
apprécier ce que nous faisons que si nous sommes animés uniquement par
le désir humain de contribuer à la vie.
Dans notre langage, il existe un mot qui possède un pouvoir énorme pour
engendrer la honte et la culpabilité. Ce mot violent, dont nous nous servons
habituellement pour nous évaluer, est ancré si profondément dans notre
conscience que beaucoup d’entre nous auraient bien du mal à s’en passer. Il
frenchpdf.com
s’agit du verbe « devoir », dans des expressions comme « j’aurais dû
savoir » ou « je n’aurais pas dû faire cela ». La plupart du temps, lorsque
nous utilisons ce terme vis-à-vis de nous-mêmes, nous refusons d’apprendre
parce que « devoir » implique que nous n’avons pas le choix. Lorsqu’on
essaie de leur imposer une quelconque exigence, les êtres humains ont
tendance à se rebeller parce que leur autonomie – leur besoin pressant
d’avoir le choix – est menacée. C’est ainsi que nous réagissons face à la
tyrannie, même si cette tyrannie vient de nous-mêmes sous la forme d’un
« je dois ».
frenchpdf.com
lorsque nous suggérons qu’une personne est en tort ou est mauvaise, nous
voulons dire en réalité qu’elle n’agit pas en harmonie avec nos besoins. S’il
se trouve que la personne que nous jugeons est nous-mêmes, nous disons,
dans ce cas, « Je ne suis pas en harmonie avec mes besoins lorsque je me
comporte ainsi ». Je suis convaincu que si nous apprenons à nous évaluer
sous l’angle de la satisfaction de nos besoins, nous aurons beaucoup plus de
chances de tirer profit de cette évaluation.
Notre défi, lorsque nous accomplissons un acte qui n’est pas au service
de la vie, consiste alors à nous évaluer instant par instant d’une manière qui
nous permettra d’évoluer à la fois :
1) dans le sens où nous souhaitons aller ;
2) et dans le respect et la bienveillance pour nous-mêmes, plutôt que dans
la haine de soi, la culpabilité ou la honte.
Le deuil en CNV
Après avoir passé une période de notre vie à l’école et dans la société, il
est probablement trop tard, pour la plupart d’entre nous, pour entraîner
notre esprit à se concentrer uniquement sur nos besoins et nos valeurs, à
chaque instant. Néanmoins, tout comme nous avons appris à traduire les
jugements lors de nos conversations avec les autres, nous pouvons aussi
nous entraîner à reconnaître nos jugements intérieurs et à porter
immédiatement notre attention sur les besoins qui les sous-tendent.
Par exemple, si nous nous surprenons à nous faire des reproches en
réaction à une chose que nous avons faite (« Tu as vu, tu as de nouveau tout
gâché ! »), nous pouvons nous arrêter tout de suite et nous demander :
« Quel est le besoin insatisfait qui s’exprime au travers de ce jugement
frenchpdf.com
moral ? » Lorsque nous nous relierons à ce besoin – et il peut y avoir
plusieurs couches de besoins – nous constaterons un changement très
perceptible dans notre corps. La honte, la culpabilité ou la dépression que
nous ressentons sans doute lorsque nous nous critiquons pour avoir « à
nouveau tout gâché » céderont la place à des sentiments différents. Qu’il
s’agisse de tristesse, de frustration, de déception, de peur, de souffrance ou
d’autre chose encore, c’est pour une bonne raison que la nature nous a dotés
de ces sentiments : ils nous poussent à agir dans le but de satisfaire nos
besoins et de respecter nos valeurs. Les effets qu’ils produisent sur notre
esprit et notre corps sont très différents de la honte, de la culpabilité et de la
dépression qui apparaissent lorsque nous sommes coupés de nous-mêmes.
Le deuil en CNV consiste à se relier pleinement aux besoins insatisfaits
et aux sentiments qui apparaissent lorsque nous avons été moins que
parfaits. Nous faisons l’expérience du regret, mais d’un regret qui nous aide
à tirer les leçons de nos actes sans nous faire des reproches ou nous détester.
Nous évaluons la manière dont notre comportement est allé à l’encontre de
nos propres besoins et valeurs, et nous accueillons les sentiments qui
émergent de cette prise de conscience. Lorsque nous dirigeons notre
conscience sur nos besoins, nous sommes naturellement stimulés à trouver
des pistes créatives pour les satisfaire. À l’inverse, les jugements
moralisateurs auxquels nous faisons appel lorsque nous nous critiquons
tendent à brouiller ces pistes et à nous maintenir dans un état
d’autopunition.
Nous pardonner
frenchpdf.com
Nous donnons suite au deuil en nous pardonnant à nous-mêmes. En
portant notre attention vers la partie de nous-mêmes qui a choisi d’agir de
manière à aboutir à la situation actuelle, nous nous demandons : « Lorsque
j’ai fait ce que je regrette maintenant, quels sont les besoins que j’essayais
de combler ? » Je crois au fait que les êtres humains agissent toujours pour
servir des besoins et des valeurs, que ces actes comblent ou non le besoin,
ou que nous finissions par nous en réjouir ou par les regretter.
En nous écoutant de façon empathique, nous pouvons repérer le besoin à
l’origine de nos actes. Nous arrivons à nous pardonner dès l’instant où ce
lien empathique est établi. Nous pouvons alors reconnaître que l’acte que
nous avions choisi avait pour but de servir la vie, tout en apprenant, par le
processus du deuil, en quoi ce choix n’a pas nourri nos besoins.
Pour nous manifester de la compassion, il est important que nous
puissions embrasser avec empathie les deux parties de nous-mêmes – celle
qui regrette un acte passé et celle qui a accompli cet acte au départ. Le
processus du deuil et du pardon nous libère en nous permettant d’apprendre
et de grandir. En nous reliant instant par instant à nos besoins, nous
développons notre aptitude créatrice à agir en harmonie avec eux.
frenchpdf.com
je me dépêchai de répondre à toutes les demandes, signant et griffonnant sur
les nombreux morceaux de papier qu’on me tendait. Tandis que je
m’éclipsais, je glissai mon stylo – sans le capuchon – dans la poche de mon
nouveau costume. Une fois dehors, je découvris avec horreur qu’au lieu du
joli costume gris clair, je portais à présent un costume à pois !
Pendant vingt minutes, je fus très dur avec moi-même. « Comment as-tu
pu être aussi négligent ? Quel idiot ! » Je venais juste de massacrer un tout
nouveau costume : si j’avais besoin de compassion et de compréhension,
c’était bien à cet instant, et pourtant j’étais là à me traiter de telle manière
que j’en souffrais encore davantage.
Heureusement – après seulement vingt minutes – je pris conscience de ce
que j’étais en train de faire. Je m’arrêtai, recherchai le besoin que je n’avais
pas comblé en laissant mon stylo ouvert, et me demandai : « Quel est le
besoin qui m’a amené à me juger “négligent” et “stupide” ? »
Immédiatement, je vis qu’il s’agissait de mieux prendre soin de moi, de
faire plus attention à mes propres besoins alors que je me précipitais pour
satisfaire ceux des autres. Dès que je me reliai à cette partie de moi et à
cette envie profonde d’être davantage conscient et soucieux de mes propres
besoins, mes sentiments se métamorphosèrent. Je sentis la tension dans mon
corps se relâcher tandis que ma colère, ma honte et ma culpabilité se
dissipaient. Je fis en entier le deuil de mon costume massacré et du stylo
non refermé en laissant entrer en moi la tristesse, accompagnée de l’envie
de mieux prendre soin de moi.
Ensuite, je tournai mon attention vers le besoin que je nourrissais au
moment de glisser le stylo ouvert dans ma poche. Je me rendis compte de la
valeur que j’attachais à prendre en compte les besoins des autres. Bien sûr,
en m’occupant si bien de leurs besoins, je n’avais pas pris le temps d’en
faire de même à mon égard. Cependant, au lieu de m’adresser des
reproches, je ressentis une vague de compassion envers moi, en me rendant
compte que même la précipitation et le manque d’attention avec lesquels
j’avais rangé mon stylo étaient une manière de combler mon besoin de
traiter les autres avec bienveillance !
frenchpdf.com
Nous avons de la compassion pour nous-mêmes lorsque nous
sommes capables d’embrasser tous les aspects de nous-
mêmes et de reconnaître les besoins et valeurs exprimés par
chacun d’entre eux.
frenchpdf.com
Dans nos actions, soyons animés par le désir de contribuer à
la vie plutôt que par la peur, la culpabilité, la honte ou
l’obligation.
frenchpdf.com
choisissez de les faire, et non parce que vous en avez l’obligation. Insérez
les mots « Je choisis de… » devant chaque point de votre liste.
Je me souviens de ma propre résistance à cette étape. « Rédiger des
rapports cliniques, me répétais-je à moi-même, je ne choisis pas de le faire !
Il faut que je le fasse. Je suis psychologue clinicien. Je suis obligé de
rédiger ces rapports. »
3e étape : Après avoir reconnu que vous choisissez de faire certaines
choses, tentez de trouver l’intention qu’il y a derrière ce choix en
complétant la phrase de la manière suivante : « Je choisis de… parce que je
veux… »
J’eus tout d’abord bien du mal à déterminer ce que je voulais en écrivant
des rapports cliniques. Il y avait déjà plusieurs mois que je m’étais déjà
rendu compte que ces rapports n’étaient pas suffisamment utiles à mes
patients pour justifier le temps que j’y consacrais, alors pourquoi
continuais-je à investir autant d’énergie dans leur rédaction ? Je me rendis
compte finalement que je choisissais d’écrire les rapports uniquement parce
que je voulais l’argent qu’ils me rapportaient. Depuis cette prise de
conscience, je n’ai plus jamais rédigé un seul rapport clinique. Je ne peux
pas vous dire à quel point je me sens joyeux simplement en pensant au
nombre de rapports cliniques que je n’ai pas rédigés depuis lors, il y a
trente-cinq ans ! Lorsque je me rendis compte que l’argent était ma
motivation première, je vis immédiatement que je pouvais trouver d’autres
moyens de subvenir à mes besoins financiers et que, en réalité, je préférais
encore fouiller dans les poubelles pour trouver de la nourriture plutôt que de
rédiger un seul rapport clinique de plus.
Le point qui venait après dans ma liste des tâches que j’accomplissais
sans joie était la conduite des enfants à l’école. Lorsque j’analysai les
raisons qui motivaient cette corvée, je me mis à apprécier les avantages,
pour mes enfants, de fréquenter cette école en particulier. Ils auraient
facilement pu se rendre à pied à l’école du quartier, mais celle où ils allaient
était bien plus en harmonie avec mes valeurs éducatives. Je continuai donc
de les y conduire, mais avec une autre énergie. Au lieu de me dire « Oh,
frenchpdf.com
zut ! c’est mon tour de conduire les gamins aujourd’hui », j’étais conscient
de mon but, qui était de donner à mes enfants une qualité d’enseignement
qui me tenait vraiment à cœur. Bien entendu, il m’était parfois nécessaire de
me rappeler, deux ou trois fois pendant le trajet, de recentrer mon attention
sur ce qui motivait mon action.
Pour l’argent
L’argent est, dans notre société, une forme très importante de récompense
extrinsèque. Les choix motivés par le désir d’une récompense sont
coûteux : ils nous privent de la joie de vivre qui accompagne les actions
fondées sur l’intention claire de contribuer à un besoin humain. L’argent
n’est pas un « besoin » tel que nous le définissons en CNV ; il s’agit de
l’une des innombrables stratégies que nous pouvons choisir pour s’occuper
d’un besoin.
Pour l’approbation
frenchpdf.com
Comme l’argent, l’approbation des autres est une forme de récompense
extrinsèque. Notre culture nous a habitués à être avides d’approbation.
Nous avons fréquenté des écoles où c’est par le biais de facteurs
extrinsèques qu’on nous a motivés à étudier ; nous avons grandi dans des
familles où nous étions récompensés d’être de petits enfants bien sages, et
punis lorsque ceux qui s’occupaient de nous nous jugeaient autrement.
C’est ainsi que, en tant qu’adultes, nous nous méprenons facilement en
pensant que la vie consiste à faire des choses pour être récompensés ; nous
sommes toujours en quête d’un sourire, d’un compliment, d’un jugement
verbal nous qualifiant de « type bien », « bon parent », « bon citoyen »,
« bon travailleur », « bon copain », etc. Nous agissons pour nous faire aimer
des autres et nous évitons ce qui pourrait les amener à ne pas nous apprécier
ou à nous punir.
Je trouve dramatique que nous en fassions autant pour acheter l’amour
des autres et que nous partions de l’idée que nous devons renoncer à nous-
mêmes et agir pour les autres dans le but de nous faire aimer. En réalité, si
nous agissons uniquement pour servir la vie, nous verrons que les autres
nous apprécient. Néanmoins, leur appréciation n’est qu’un mécanisme de
retour confirmant que nos efforts ont eu l’effet désiré. Reconnaître que l’on
a choisi de mettre ses forces au service de la vie et qu’on y est parvenu avec
succès permet d’éprouver une joie sincère et un contentement de soi que
l’approbation des autres ne peut pas nous procurer.
Certains d’entre nous paient leurs impôts en premier lieu pour éviter
d’être punis. Par voie de conséquence, ils risquent fort d’appréhender ce
rituel annuel avec une certaine mauvaise volonté. Je me souviens pourtant
que, lorsque j’étais enfant, mon père et mon grand-père avaient une tout
autre approche vis-à-vis des impôts. Ils avaient immigré de Russie aux
États-Unis et souhaitaient apporter leur soutien à un gouvernement qui,
selon eux, protégeait les gens bien mieux que le tsar. En pensant aux
frenchpdf.com
nombreuses personnes qui bénéficiaient d’une assistance grâce à l’argent de
leurs impôts, ils éprouvaient un véritable plaisir à envoyer leur chèque au
gouvernement américain.
Par obligation
frenchpdf.com
devoir ou d’obligation. Je considère que, parmi toutes les manières dont
nous agissons lorsque nous sommes coupés de nos besoins, celle-là est la
plus dangereuse pour notre société et la plus regrettable sur le plan
personnel.
Au chapitre 2, nous avons vu comment le concept de l’Amtssprache a
permis à Adolf Eichmann et à ses collaborateurs d’envoyer à la mort des
dizaines de milliers de personnes sans qu’ils se sentent affectés
émotionnellement ni responsables personnellement. Lorsque nous
employons un langage qui nie le choix, nous laissons tomber l’énergie
vitale en nous au profit d’une mentalité qui nous fait agir comme des
automates et nous coupe de notre propre essence.
Résumé
C’est peut-être dans la manière dont nous nous traitons nous-mêmes que
la CNV joue son rôle le plus important. Lorsque nous commettons des
erreurs, nous pouvons utiliser le processus du deuil en CNV et du pardon
pour apprendre à grandir, au lieu de nous emprisonner dans les jugements
moralisateurs envers nous-mêmes. Si nous évaluons notre comportement
frenchpdf.com
sous l’angle de nos besoins insatisfaits, ce n’est pas la honte, la culpabilité,
la colère ou la dépression qui nous pousse au changement, mais
l’authentique désir de contribuer à notre bien-être et à celui des autres.
Nous cultivons également la compassion envers nous-mêmes en faisant
le choix conscient, chaque jour de notre vie, d’agir uniquement au service
de nos propres besoins et valeurs plutôt que par devoir, pour obtenir une
récompense extrinsèque ou pour échapper à la honte, à la culpabilité et à la
sanction. En revoyant toutes les choses que nous nous obligeons à faire sans
la moindre joie et en traduisant les « je dois » en « je choisis de », nous
découvrons davantage de jeu et d’intégrité dans notre vie.
frenchpdf.com
10
Exprimer pleinement la colère
Le thème de la colère nous offre une occasion unique d’approfondir la
CNV. L’expression de la colère met en effet en évidence plusieurs aspects
de ce processus et fait clairement ressortir son originalité par rapport à
d’autres formes de communication.
De mon point de vue, tuer les gens est un acte trop superficiel. En effet,
tuer, battre, accabler ou blesser l’autre – que ce soit mentalement ou
physiquement – n’exprime jamais que de façon très superficielle ce que
nous ressentons lorsque nous sommes en colère. Si nous éprouvons une
vraie colère, il nous faut un moyen bien plus efficace pour l’exprimer
pleinement.
Cette prise de conscience soulage généralement les groupes avec lesquels
je travaille. Confrontés au racisme et à la discrimination, ils veulent
renforcer leur capacité à faire évoluer les choses. Les termes de
Communication « NonViolente » ou « empathique » les mettent mal à
l’aise, car on les a trop souvent exhortés à étouffer leur colère, à se calmer
et à accepter le statu quo. Ils se méfient des approches qui considèrent leur
colère comme un élément indésirable, devant être évacué. Or le processus
que nous décrivons ici nous invite non pas à ignorer, réprimer ou ravaler
notre colère, mais à l’exprimer pleinement.
frenchpdf.com
Ne pas confondre la cause
et le facteur déclenchant
Pour exprimer pleinement notre colère en CNV, le premier pas est de
dégager l’autre personne de toute responsabilité dans cette colère. Il faut
tout d’abord reconnaître que l’autre ne porte en rien la responsabilité de nos
émotions. Nous écartons toutes pensées du type : « Il ou elle m’a mis en
colère en faisant ceci ou cela » – qui n’aboutissent qu’à exprimer
superficiellement sa colère en critiquant ou en punissant l’autre. Comme
nous l’avons vu, le comportement d’autrui peut certes faire naître en nous
tel ou tel sentiment, mais en aucun cas il n’en est la cause. Nous ne sommes
jamais en colère à cause de ce que quelqu’un d’autre a fait. Nous pouvons
voir que son comportement a déclenché notre colère, mais il est
indispensable de bien distinguer entre la cause et le facteur déclenchant.
frenchpdf.com
En confondant le facteur déclenchant et la cause, il s’était convaincu que
c’était le comportement des directeurs de la prison qui le mettait en colère.
C’est là un réflexe facile à acquérir dans une culture qui recourt à la
culpabilité pour faire obéir les gens. Ce type de culture s’attache à nous
faire croire que nous pouvons susciter chez les autres certains sentiments.
frenchpdf.com
de nous prendre pour Dieu et de juger l’autre, de le blâmer ou de décider
qu’il mérite punition pour sa faute. C’est à mon sens là que réside la cause
de la colère. Même si nous n’en sommes pas conscients, c’est dans notre
pensée que la colère prend sa source.
La troisième possibilité décrite au chapitre 5 consiste à porter notre
attention sur nos sentiments et sur nos besoins. Au lieu d’analyser
mentalement les torts de l’autre, nous choisissons de renouer avec ce qu’il y
a de plus vivant en nous. Cette énergie vitale est particulièrement palpable
et accessible lorsque nous restons à tout instant en contact avec nos besoins.
Supposons par exemple que quelqu’un arrive en retard à un rendez-vous.
Si nous avons besoin d’être rassurés sur le fait que nous comptons pour
cette personne, il se peut que nous nous sentions blessés. Si nous avons
besoin de faire un meilleur usage de notre temps, nous éprouverons peut-
être un sentiment de frustration. Si en revanche nous avions justement envie
d’une demi-heure de solitude et de calme, nous serons plutôt reconnaissants
au retardataire ; nous ne nourrirons alors à son égard aucune colère. Ce
n’est donc pas le comportement d’autrui, mais bien notre propre besoin qui
suscite notre sentiment. Lorsque nous sommes conscients de nos besoins –
être rassurés, faire un meilleur usage de notre temps, ou être seuls –, nous
sommes reliés à notre énergie vitale. Il se peut que nous éprouvions des
sentiments intenses mais nous ne serons jamais en colère. La colère
provient d’une façon de penser qui ne tient pas compte des besoins et qui
est donc coupée de la vie. Elle indique que nous avons fait appel à notre
intellect pour analyser et juger l’autre au lieu de nous focaliser sur nos
besoins insatisfaits.
Une autre option consiste à porter notre attention sur les sentiments et
besoins de l’autre. Dans ce cas, nous ne ressentons jamais de colère. Nous
ne la réprimons pas, mais nous constatons simplement que toute colère est
absente dès lors que nous sommes entièrement présents aux sentiments et
aux besoins de l’autre.
frenchpdf.com
Toute colère a une fonction vitale
Mais, me direz-vous, n’y a-t-il aucune circonstance qui justifie la colère ?
N’est-on pas en droit d’éprouver une « indignation légitime » face, par
exemple, à la pollution inconsidérée de l’environnement ? À cela, ma
réponse est la suivante : je suis profondément convaincu que, dans la
mesure où je me permets de croire qu’il existe des actes « inconsidérés » ou
« réfléchis », des gens « profiteurs » ou des gens « honnêtes », je contribue
à la violence sur cette planète. Au lieu de discuter des termes à employer
pour qualifier les gens qui tuent, violent ou polluent, je crois que nous
sommes plus du côté de la vie en concentrant notre attention sur nos propres
besoins.
Toute colère est à mon sens le fruit d’une pensée coupée de la vie, qui
engendre la violence. Au cœur de toute colère, il y a un besoin insatisfait.
La colère peut donc être très utile si nous l’utilisons comme un signal
d’alarme : elle nous permet de prendre conscience qu’il y a chez nous un
besoin insatisfait et que nos pensées actuelles diminuent fortement nos
chances de le satisfaire. Exprimer complètement notre colère requiert la
capacité d’être pleinement conscients de nos besoins. Par ailleurs, pour
satisfaire ces besoins, il faut de l’énergie. Or, la colère accapare notre
énergie en l’utilisant pour punir l’autre. Au lieu de céder à l’« indignation
légitime », mieux vaut donc considérer avec empathie nos propres besoins
ou ceux des autres. Cela ne se fait certes pas du jour au lendemain, mais on
y parvient à force de remplacer systématiquement l’expression « Je suis en
colère parce qu’ils… » par : « Je suis en colère parce que j’ai besoin de… »
frenchpdf.com
J’ai tiré un enseignement mémorable à cet égard en travaillant dans un
foyer de réinsertion pour enfants dans le Wisconsin. Il m’arriva deux jours
de suite le même incident : je reçus un coup sur le nez. La première fois, je
pris un coup de coude en essayant de séparer deux élèves. J’étais si furieux
que je dus me retenir pour ne pas riposter ! Dans les rues de Detroit, où j’ai
grandi, il en fallait bien moins pour me mettre en rage. Le deuxième jour,
dans la même situation, je repris un autre coup – au même endroit, ce qui
fut donc plus douloureux encore. Pourtant, je n’éprouvai aucune colère.
frenchpdf.com
JOHN : Il y a trois semaines, j’ai adressé une requête aux directeurs et
ils ne m’ont toujours pas répondu.
MBR : Dans ce cas précis, vous étiez en colère parce que… quoi ?
JOHN : Je viens de vous le dire ! Parce qu’ils n’avaient pas répondu à
ma requête !
MBR : Attendez… Au lieu de dire « J’étais en colère parce qu’ils… »
réfléchissez et prenez conscience de ce que vous pensez qui vous met
tellement en colère.
JOHN : Je ne pense rien du tout.
MBR : Stop, doucement, écoutez simplement ce qui se passe en vous.
JOHN : (Après un moment de réflexion.) Je me dis qu’ils n’ont aucun
respect pour les êtres humains. Ce sont des bureaucrates froids et
anonymes qui se fichent bien de tout le monde et ne pensent qu’à eux !
C’est une bande de…
MBR : Très bien, cela suffit. Maintenant, vous savez pourquoi vous êtes
en colère : ce sont ces pensées qui vous irritent.
JOHN : Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à penser de la sorte !
MBR : Je ne dis pas que c’est mal. Notez que, si je le disais, je
penserais de la même manière que vous. Je ne dis pas que c’est mal de
juger les autres, de les traiter de bureaucrates anonymes, ou de
qualifier leurs actes d’inconsidérés ou d’égoïstes. Mais c’est ce type de
raisonnement qui nourrit la colère en vous. Concentrez-vous sur vos
besoins : de quoi avez-vous besoin dans cette situation ?
JOHN : (Après un long silence.) Marshall, j’ai besoin de la formation
que j’ai demandée. Si je ne l’obtiens pas, je suis sûr et certain qu’à
peine sorti de prison je me referai coffrer.
MBR : Maintenant que vous êtes concentré sur vos besoins, comment
vous sentez-vous ?
JOHN : Terrifié.
MBR : Maintenant, mettez-vous dans la peau d’un directeur de prison
et supposez que ce soit moi le détenu. D’après vous, aurais-je plus de
frenchpdf.com
chances d’obtenir ce que je veux en vous disant : « J’ai vraiment besoin
de ce stage et j’ai peur de ce qui pourrait arriver si je ne l’ai pas… » ou
bien en m’adressant à vous en vous considérant comme un bureaucrate
anonyme ? Même si je ne prononce pas ces mots, mon regard trahira ce
que je pense. Alors, comment ai-je plus de chances d’obtenir ce que je
veux ? (Le regard rivé au sol, John ne répond pas.)
MBR : Eh bien, que vous arrive-t-il ?
JOHN : Je ne peux pas en parler.
frenchpdf.com
autre direction. Si en revanche je réussissais soit à lui manifester de
l’empathie à ce moment précis, soit à exprimer ouvertement mes sentiments
et besoins, j’aurais bien plus de chances de voir mes besoins satisfaits.
La façon dont j’exprimai mon choix – qui, dans ce cas précis, se révéla
utile – ne transparut pas tant dans ce que je dis que dans ce que je fis. Au
lieu de le traiter de menteur, je tentai d’entendre son sentiment : il avait peur
et avait besoin de se protéger d’une punition. En adoptant une attitude
empathique, j’avais l’occasion d’établir un contact affectif susceptible de
nous satisfaire tous les deux. Cependant, si je l’avais considéré comme un
menteur – même sans le dire –, il se serait certainement senti moins en
sécurité pour dire sincèrement ce qui s’était passé. J’aurais alors enclenché
l’engrenage infernal : par le simple fait de le juger en le qualifiant de
menteur, j’aurais alimenté une prophétie qui se serait réalisée d’elle-même.
En effet, à quoi bon dire la vérité si l’on sait qu’elle nous vaudra d’être
jugés et punis ?
frenchpdf.com
seront ceux qui s’intéresseront à nos besoins. Si nous avons l’âme
écologiste et que nous abordons un patron d’usine en lui reprochant de
détruire la planète et en affirmant qu’il n’a aucun droit de traiter la Terre
comme il le fait, nous limitons sérieusement nos chances d’obtenir ce que
nous voulons. Seul un être exceptionnel serait en mesure de rester centré sur
nos besoins en nous entendant lui adresser de tels reproches. Il arrive bien
entendu que, par ces jugements, nous parvenions à intimider les autres pour
les contraindre à satisfaire nos besoins. S’ils éprouvent suffisamment de
crainte, de culpabilité ou de honte pour modifier leur conduite, nous
pouvons finir par penser qu’il est possible de « convertir » les autres en leur
exposant leurs défauts.
À terme, pourtant, nous comprenons que, à chaque fois que nos besoins
sont satisfaits de cette manière, non seulement nous perdons, mais nous
contribuons très concrètement à la violence sur Terre. Nous avons peut-être
résolu notre problème à court terme, mais nous en avons aussi engendré un
autre. Plus les gens entendent des critiques et des jugements, plus ils se
mettent sur la défensive et deviennent agressifs, et moins ils se soucieront à
l’avenir de nos besoins. Ainsi, même si notre besoin immédiat est satisfait,
en ceci que les autres font ce que nous voulons, nous en paierons plus tard
les conséquences.
frenchpdf.com
Mais, sachant que ce type de jugement est l’expression tragique de besoins
insatisfaits, nous passons à l’étape suivante et cherchons à identifier les
besoins sous-jacents à ces pensées. Si je qualifie quelqu’un de raciste, je
peux éprouver le besoin d’être intégré, d’être considéré d’égal à égal, d’être
respecté ou de me sentir plus proche de l’autre.
frenchpdf.com
nous écoute, nous avons intérêt à lui témoigner d’abord de l’empathie. Plus
nous agirons ainsi, plus il y aura de chances qu’il en fasse autant pour nous
par la suite.
frenchpdf.com
d’établir un contact avec lui et de considérer avec empathie et respect
l’énergie vitale qui avait suscité chez lui ce commentaire. Je savais par
expérience que si j’étais capable d’empathie, alors il serait capable de
m’entendre. Ce ne serait pas facile, mais il le pourrait.
frenchpdf.com
Lorsque nous entendons les sentiments et les besoins de
l’autre, nous renouons avec l’humanité qui nous est
commune.
frenchpdf.com
Ce dont nous avons besoin, c’est que l’autre entende
vraiment notre souffrance.
Je voulais non pas qu’il entende un reproche, mais qu’il sache ce que ses
paroles avaient éveillé en moi.
Il est facile d’accuser les autres de ceci ou de cela. Les gens sont habitués
à entendre des critiques ; soit ils les acceptent et s’en veulent, soit ils se
braquent et nous en veulent de les avoir traités de racistes, par exemple – ce
qui, dans un cas comme dans l’autre, ne les empêche pas de persister dans
leurs comportements. Si nous croyons deviner qu’ils entendent une critique,
il peut être souhaitable de ralentir, d’en revenir à la phase précédente et de
se donner un peu plus de temps pour entendre leur souffrance.
frenchpdf.com
Un de mes amis, Sam Williams, avait résumé les éléments essentiels de
la CNV sur une petite fiche, qu’il avait toujours sur lui au travail. Au
moindre conflit avec son patron, il marquait une pause, sortait son
« antisèche » et révisait soigneusement la marche à suivre pour réagir. Je lui
demandai si ses collègues ne le trouvaient pas un peu bizarre en le voyant
constamment consulter sa petite fiche et prendre un temps infini à préparer
ses phrases. « En fait, cela ne dure pas si longtemps que cela, répondit Sam.
Et quand bien même, cela en vaudrait la peine. C’est important pour moi de
savoir que je réponds aux autres comme je le veux vraiment. » En famille, il
agissait plus ouvertement et avait expliqué à sa femme et à ses enfants
pourquoi il prenait le temps et la peine de consulter sa petite fiche, par
exemple lorsqu’une dispute menaçait. Au bout d’un mois, il s’était senti
assez sûr de lui pour laisser son antisèche de côté. Mais un soir, il eut maille
à partir avec son fils de quatre ans, qui refusait d’éteindre la télé. Le conflit
dégénéra, et le gamin le supplia : « Papa, va chercher ta fiche ! »
Je propose un exercice à ceux qui souhaitent appliquer la CNV,
notamment dans des situations délicates ou dans les moments de colère.
Comme nous l’avons vu, notre colère provient des jugements, étiquettes et
reproches portant sur ce que les autres « devraient » faire et sur ce qu’ils
« méritent ». Recensez les jugements qui vous viennent le plus souvent à
l’esprit en commençant votre phrase par : « Je n’aime pas les gens qui
sont… » À partir de cette liste de qualificatifs négatifs, demandez-vous :
« Lorsque je juge quelqu’un, quels sont les besoins qui, chez moi, ne sont
pas satisfaits ? » Peu à peu, vous apprendrez ainsi à penser davantage en
termes de besoins insatisfaits que de jugements.
La pratique est essentielle, car nous avons presque tous grandi sinon dans
les rues de Detroit, du moins dans des milieux plus ou moins violents. Juger
frenchpdf.com
et critiquer sont devenus chez nous une seconde nature. Pour pratiquer la
CNV, il nous faut procéder lentement, réfléchir posément avant de parler, et
souvent juste prendre une profonde respiration et ne rien dire du tout.
L’apprentissage de ce processus est long, tout comme sa mise en
application.
Résumé
Critiquer et punir les autres sont autant d’expressions superficielles de la
colère. Si nous souhaitons exprimer pleinement la colère, le premier pas est
de décharger l’autre de toute responsabilité, afin de porter notre entière
attention sur nos propres sentiments et besoins. Nous avons bien plus de
chances d’obtenir ce que nous souhaitons en exprimant nos besoins qu’en
jugeant, critiquant ou punissant l’autre.
L’expression de la colère se fait en quatre temps : 1) marquer une pause
et respirer profondément ; 2) identifier les jugements qui nous viennent à
l’esprit ; 3) prendre conscience de nos besoins et 4) exprimer nos
sentiments et nos besoins inassouvis. Il se peut que, entre les étapes 2) et 3),
nous choisissions de témoigner de l’empathie à l’autre pour lui permettre de
mieux nous écouter lorsque nous exprimerons notre demande 4).
Il est nécessaire de prendre son temps pour apprendre le processus de la
CNV, et aussi pour l’appliquer.
frenchpdf.com
La CNV en pratique
Dialogue entre un parent et un ado : les conséquences de
nos actes
Alexandre, quinze ans, a emprunté une voiture sans l’autorisation
de son propriétaire, Georges, un ami de la famille. Il s’est offert une
petite virée avec deux amis et a ramené la voiture sans encombre, et
sans même que personne ne se soit aperçu qu’elle avait quitté le
garage. Mais entre-temps, la fille de Georges, Sandrine, quatorze ans,
qui avait participé à la petite balade, a tout raconté à son père. Georges
a alors alerté le père d’Alexandre, qui, fraîchement initié à la CNV,
décide de parler à son fils.
frenchpdf.com
comportement de son fils. « J’ai été idiot de penser
qu’il était raisonnable !… Quelqu’un aurait pu se faire
tuer dans cette histoire ! » Mais il se rattrape aussitôt :
« Attention ! Je dois traduire les adjectifs “idiot” et
“menteur” en termes de sentiments et de besoins. Je
suppose que quand je me sens “idiot”, je suis déçu par
moi-même : j’aurais aimé me dire que je le connaissais
mieux. Et quand je le traite de “menteur”, j’éprouve de
la peur car je veux pouvoir compter sur des
informations précises pour gérer la situation. » En
silence, il prépare ce qu’il va dire.)
Alexandre, as-tu peur d’être puni si tu me dis la vérité ?
ALEXANDRE : Bien sûr ! Tu me tombes toujours dessus quand je fais
quelque chose qui ne te plaît pas.
LE PÈRE : Es-tu en train de me dire que tu aimerais être mieux
compris et traité avec plus d’objectivité pour ce que tu
fais ?
ALEXANDRE : C’est ça, essaie de me faire croire que c’est toi qui vas
me comprendre et être objectif !
LE PÈRE : (Intérieurement : « Je vois rouge quand il dit ça ! Il ne
se rend donc pas compte des efforts insensés que je
déploie ? En fait, j’ai besoin d’un peu de respect pour
ces efforts, et aussi, je crois, qu’on prête attention à ma
peur. ») Il me semble que tu crains de ne pas être traité
de façon impartiale, quoi que tu dises.
ALEXANDRE : Ce n’est pas l’impartialité qui t’étouffe ! Dès qu’il
arrive quelque chose, tu veux à tout prix punir
quelqu’un. D’ailleurs, il n’y a pas de quoi en faire un
frenchpdf.com
plat ! Même si j’ai pris la voiture, il n’y a pas eu de
blessé et elle est revenue à sa place. Ce n’est tout de
même pas un crime !
LE PÈRE : Crains-tu des représailles si tu reconnais avoir pris la
voiture et voudrais-tu être certain d’être traité de façon
impartiale ?
ALEXANDRE : Ben, oui…
LE PÈRE : (Prenant le temps, avant de répondre, de saisir en
profondeur ce qui se passe en lui.) Que pourrais-je faire
pour te rassurer ?
ALEXANDRE : Tu pourrais promettre de ne plus jamais me punir.
LE PÈRE : (Sachant que la punition n’aidera pas son fils à mieux
prendre conscience des éventuelles conséquences de ses
actes, mais ne servira qu’à accentuer sa résistance et à
l’éloigner, le père montre qu’il est prêt à accéder à la
demande d’Alexandre.) Je n’aurais rien contre si tu
étais d’accord pour continuer à dialoguer avec moi.
J’aimerais que nous parlions jusqu’à ce que je sois
persuadé que tu es conscient de toutes les conséquences
que tu aurais pu déclencher en prenant la voiture.
Cependant, si à l’avenir je ne suis pas certain que tu
mesures le danger potentiel de tes actes, je me réserve
la possibilité d’user de la force – mais seulement pour
te protéger.
ALEXANDRE : Super ! Ravi de savoir que je suis si bête que tu es
obligé d’user de la force pour me protéger de moi-
même !
LE PÈRE : (Perdant de vue ses propres besoins, il se dit : « Il y a
vraiment des moments où je pourrais tuer ce petit… Je
suis tellement furieux quand il dit des choses comme
frenchpdf.com
ça !… Voyons, de quoi ai-je besoin, ici et
maintenant ?… J’ai besoin de savoir que, quand je fais
de tels efforts, ça lui fait au moins un peu d’effet. »)
(À voix haute, d’un ton coléreux.) Tu sais, Alex, quand
tu dis ce genre de choses, ça me met vraiment en rogne.
Je fais de mon mieux pour te comprendre, dans cette
histoire, mais quand je t’entends dire ça… Écoute, j’ai
besoin de savoir si tu as envie de continuer à parler
avec moi.
ALEXANDRE : Ça m’est égal.
LE PÈRE : Alex, j’ai vraiment envie de t’écouter au lieu de
retomber dans mes vieilles habitudes de te critiquer et
de te menacer dès que quelque chose me contrarie.
Mais quand je t’entends dire sur ce ton « Ravi de savoir
que je suis si bête », j’ai beaucoup de mal à me
maîtriser. J’aurais besoin de ton aide là-dessus. J’ai
besoin de savoir si tu préfères que je t’écoute au lieu de
te faire des reproches et de te menacer. Sinon, je
suppose que je n’aurai d’autre choix que de régler cet
incident comme avant.
ALEXANDRE : C’est-à-dire ?
LE PÈRE : Eh bien, là, je dirais probablement : tu es puni pour
deux ans. Plus de télé, plus de voiture, plus d’argent de
poche, plus de sorties, plus rien !
ALEXANDRE : Dans ce cas, je crois que je préfère ta nouvelle façon de
faire.
LE PÈRE : (Avec humour.) Je suis ravi de constater que tu n’as rien
perdu de ton instinct de conservation. Maintenant, j’ai
besoin que tu me dises si tu es prêt à partager un peu
d’honnêteté et de vulnérabilité.
frenchpdf.com
ALEXANDRE : Qu’est-ce que tu entends par « vulnérabilité » ?
LE PÈRE : Cela implique que tu me dises ce que tu ressens
réellement, et que je te dise ce que moi je ressens.
(D’une voix ferme.) Alors, tu en as envie ?
ALEXANDRE : D’accord, je vais essayer.
LE PÈRE : (Dans un soupir de soulagement.) Merci. Je te suis
reconnaissant de bien vouloir essayer. Est-ce que je t’ai
dit que Georges avait puni Sandrine pour trois mois ?
Elle n’aura plus le droit de sortir. Qu’est-ce que ça te
fait ?
ALEXANDRE : Oh, la barbe ! C’est pas juste !
LE PÈRE : J’aimerais entendre ce que cela te fait vraiment.
ALEXANDRE : Je viens de te le dire : c’est complètement injuste !
LE PÈRE : (Comprenant qu’Alexandre n’est pas conscient de ce
qu’il ressent, il décide de deviner.) Es-tu triste qu’elle
doive payer si cher son erreur ?
ALEXANDRE : Non, ce n’est pas ça. Ce n’était pas réellement sa faute.
LE PÈRE : Tu es donc contrarié qu’elle paye les conséquences
d’un acte dont tu étais à l’origine ?
ALEXANDRE : Ben, oui… Elle a juste fait ce que je lui disais de faire.
LE PÈRE : J’ai l’impression que ça te fait un peu mal de voir les
conséquences que ta décision a entraînées pour
Sandrine.
ALEXANDRE : Un peu…
LE PÈRE : Alex, j’ai vraiment besoin de savoir que tu comprends
en quoi tes actes peuvent porter à conséquence.
ALEXANDRE : Je n’avais pas pensé à ce qui aurait pu se passer. Oui, je
crois que j’ai mal joué, là.
frenchpdf.com
LE PÈRE : Je préférerais que tu le voies comme quelque chose que
tu as fait et qui n’a pas donné les résultats que tu
attendais. Et j’ai toujours besoin d’être assuré que tu es
conscient des conséquences. Veux-tu me dire ce que tu
ressens en ce moment, face à ce que tu as fait ?
ALEXANDRE : Je me sens vraiment idiot… Je t’assure, papa, je ne
voulais faire de mal à personne.
LE PÈRE : (Traduisant le jugement de son fils en sentiments et
besoins.) Tu es donc triste et tu regrettes ce que tu as
fait parce que tu voudrais que l’on puisse te faire
confiance ?
ALEXANDRE : Oui, je ne voulais pas provoquer tous ces ennuis. Je n’y
ai tout simplement pas pensé.
LE PÈRE : Es-tu en train de me dire que tu aurais aimé y penser un
peu plus et avoir une idée plus précise avant d’agir ?
ALEXANDRE : (Pensif.) Oui…
LE PÈRE : Je suis rassuré d’entendre cela et, pour véritablement
arranger les choses avec Georges, je voudrais que tu
ailles le voir et que tu lui répètes ce que tu viens de me
dire. Tu voudrais bien ?
ALEXANDRE : Oh, c’est trop terrifiant ! Il va être furieux.
LE PÈRE : Il y a des chances, en effet. C’est l’une des
conséquences. Veux-tu être responsable de tes actes ?
J’aime bien Georges et je ne veux pas perdre son
amitié. Et je suppose que toi, tu aimerais rester en
contact avec Sandrine. C’est bien ça ?
ALEXANDRE : C’est l’une de mes meilleures amies.
LE PÈRE : On va les voir ?
ALEXANDRE : (Avec crainte et hésitation.) Bon, d’accord…
frenchpdf.com
LE PÈRE : As-tu peur et as-tu besoin de savoir que tu ne risques
rien en y allant ?
ALEXANDRE : Oui.
LE PÈRE : Eh bien, je t’accompagne. Je serai là pour toi et avec
toi. Je suis très fier que tu veuilles bien y aller.
frenchpdf.com
11
Résolution des conflits
et médiation
Maintenant que vous connaissez les étapes du processus de la
Communication NonViolente, j’aimerais voir avec vous comment les
appliquer à la résolution des conflits. Il peut s’agir de conflits entre vous-
même et quelqu’un d’autre, ou il se peut que l’on vous demande – ou que
vous choisissiez – d’intervenir dans des conflits entre d’autres personnes :
des membres de votre famille, un couple, des collègues de travail, voire des
inconnus qui se disputent. Quelle que soit la situation, la résolution de
conflit fait appel à tous les principes que j’ai exposés précédemment dans
ce livre : observer une situation, identifier et nommer des sentiments, relier
ces sentiments à des besoins, et adresser des demandes réalisables à une
autre personne dans un langage clair et concret, un langage d’action positif.
Cela fait plusieurs décennies que j’emploie la Communication
NonViolente pour résoudre des conflits dans différentes parties du monde.
J’ai rencontré toutes sortes de gens malheureux : des couples, des familles,
des salariés et leurs employeurs, ou encore des groupes ethniques en guerre.
D’après mon expérience, il est possible de résoudre pratiquement n’importe
quel conflit à la satisfaction de toutes les parties en présence. Tout ce qu’il
faut, c’est beaucoup de patience, l’élan d’établir une connexion de cœur à
cœur, la détermination à suivre les principes de la CNV jusqu’à ce que le
conflit soit résolu, et enfin la confiance dans le fonctionnement du
processus.
frenchpdf.com
Une connexion de cœur à cœur
Si l’on veut résoudre un conflit en faisant appel à la CNV, l’essentiel est
d’établir une connexion entre les gens en conflit. C’est cette connexion qui
permettra à toutes les autres étapes du processus de se dérouler : elle sera
indispensable pour que chacune des parties ait envie de savoir ce que l’autre
ressent et de quoi elle a besoin. Chaque partie en présence doit également
savoir dès le départ que le but n’est pas d’amener l’autre à faire ce qu’elle
veut. Lorsque cela est clair pour tout le monde, il devient possible (et
parfois même facile) d’avoir une conversation sur les moyens de répondre
aux besoins de chacun.
frenchpdf.com
l’étape la plus ardue. Une fois cette connexion créée, j’aide les parties à
mettre en place des stratégies qui permettront de sortir du conflit à la
satisfaction de chacun.
Notez bien que je parle de satisfaction et non de compromis ! Pour
résoudre un conflit, on vise généralement le compromis, ce qui signifie que
chaque partie renonce à quelque chose et qu’aucune ne peut être pleinement
satisfaite. Avec la CNV, c’est différent : notre objectif est de satisfaire
pleinement les besoins de chacun.
Résolution de conflit
en CNV et médiation traditionnelle
Penchons-nous à nouveau sur la connexion de cœur à cœur sur laquelle
s’appuie la CNV, cette fois au travers de la médiation par un tiers, c’est-à-
dire une personne qui intervient pour résoudre un conflit entre deux autres
parties. Quand je travaille avec deux personnes ou deux groupes qui sont en
conflit, mon approche est très différente de celle qu’adoptent souvent les
médiateurs professionnels.
Ainsi, je rencontrai un jour en Autriche un groupe de médiateurs
professionnels intervenant dans des conflits internationaux en tout genre,
notamment entre syndicats et patronat. Je leur décrivis plusieurs conflits
dans lesquels j’avais été médiateur, dont un en Californie, marqué par des
violences physiques importantes, qui avait opposé des propriétaires terriens
et des travailleurs migrants. Je leur parlai aussi d’une médiation entre deux
tribus africaines (que j’explique en détail dans mon ouvrage Parler de paix
dans un monde de conflits) et de quelques autres conflits dangereux
profondément enracinés.
Un participant me demanda combien de temps je m’accordais pour
étudier une situation dans laquelle j’étais appelé à intervenir comme
médiateur. Il se référait à la méthode de travail habituelle de la plupart des
médiateurs : on examine d’abord les enjeux du conflit, puis on mène la
médiation en se concentrant exclusivement sur ces enjeux plutôt que de
frenchpdf.com
s’attacher à créer une connexion de cœur à cœur entre les parties en
présence. En fait, lors d’une médiation classique, il se peut très bien que les
parties en conflit ne se trouvent pas dans la même pièce. Un jour que je
participais à une médiation, notre groupe était dans une pièce, l’autre dans
une autre, et le médiateur faisait la navette entre les deux. Il nous
demandait : « Que voulez-vous qu’ils fassent ? », puis il allait demander
aux autres s’ils étaient d’accord. Il revenait ensuite chez nous pour nous
dire : « Ils ne veulent pas faire cela, mais que pensez-vous de ceci ? »
Nombre de médiateurs définissent leur rôle comme celui d’une
« troisième tête » réfléchissant à un moyen de mettre tout le monde
d’accord. Ils ne pensent pas une seconde à créer une connexion de qualité
entre les parties, négligeant ainsi le seul outil de résolution de conflit qui ait
jamais fonctionné à ma connaissance. Lorsque, à la réunion tenue en
Autriche, je décrivis la méthode de la CNV et le rôle de la connexion de
cœur à cœur, un des participants objecta qu’il s’agissait là de
psychothérapie et que les médiateurs n’étaient pas des psychothérapeutes.
Selon mon expérience, le fait de créer une telle qualité de lien ne relève
pas de la psychothérapie mais touche à l’essence même de la médiation, car
lorsque les gens se relient de cœur à cœur, le problème se résout le plus
souvent tout seul.
Si, au lieu d’avoir une troisième tête qui demande : « Sur quoi pouvons-
nous nous mettre d’accord ici ? », nous arrivons à faire en sorte que chaque
partie nomme clairement ses besoins, c’est-à-dire exprime de quoi elle a
besoin maintenant de la part de l’autre, nous découvrirons ce qu’il y a
moyen de faire pour satisfaire les besoins de tout le monde. Nous pourrons
alors élaborer des stratégies que les parties seront d’accord de mettre en
œuvre lorsque la médiation sera terminée et qu’elles auront quitté la pièce.
frenchpdf.com
Les étapes de la résolution de conflit
en CNV – un bref aperçu
Avant d’examiner plus en détail certains des éléments essentiels de la
résolution de conflit, j’aimerais esquisser les différentes étapes du processus
à suivre pour sortir d’un conflit entre nous-même et une autre personne. Ces
étapes sont au nombre de cinq. Chacune des deux parties peut exprimer ses
besoins la première mais, par souci de simplicité, supposons que nous
commençons par les nôtres.
Pendant tout le processus, nous nous écoutons l’un l’autre avec le plus
grand soin, en évitant toute parole insinuant que l’une ou l’autre des deux
parties a tort.
frenchpdf.com
Éviter toute parole insinuant que l’un ou l’autre a tort.
frenchpdf.com
pouvant se présenter sous la forme de demandes, de désirs, de souhaits ou
de solutions, font référence à des actions concrètes que des personnes
précises peuvent effectuer.
Par exemple, je rencontrai un jour un homme et une femme qui avaient
pratiquement perdu tout espoir de sauver leur couple. Je demandai au mari
lesquels de ses besoins n’étaient pas satisfaits dans son mariage. Il me
répondit : « Il faut que je sorte de ce mariage. » Ce dont il me parlait, c’était
une action précise (sortir du mariage) à effectuer par une personne précise
(lui-même). Il ne nommait pas un besoin ; il formulait une stratégie.
Je le lui fis remarquer, en lui suggérant de clarifier ses propres besoins et
ceux de sa femme avant de mettre en œuvre sa stratégie consistant à « sortir
de ce mariage ». Une fois que tous deux se furent reliés à leurs besoins
mutuels, ils découvrirent que ces besoins pouvaient être satisfaits par
d’autres stratégies que la séparation. Le mari se rendit compte qu’il avait
besoin d’appréciation et de compréhension pour le stress engendré par son
travail, qui était assez prenant ; la femme, quant à elle, identifia ses besoins
de proximité et de connexion dans une situation où elle considérait que le
travail de son mari occupait beaucoup de son temps.
Lorsqu’ils eurent réellement compris leurs besoins respectifs, ce mari et
cette femme purent se mettre d’accord sur différentes stratégies qui
répondaient à leurs besoins à tous les deux tout en leur permettant de gérer
les exigences du travail du mari.
Chez un autre couple, le manque de connaissance du « langage des
besoins » se traduisait par une confusion entre l’expression de besoins et la
formulation d’analyses, et finissait par engendrer des actes de violence
physique. Le mari, qui participait à une formation professionnelle, avait
fondu en larmes en décrivant sa situation et, à la fin de la journée, m’avait
demandé si lui et sa femme pouvaient me parler en privé. C’est ainsi que je
fus invité à intervenir comme médiateur.
Je les rencontrai chez eux un soir. Pour commencer, je leur dis : « Je sais
que vous souffrez tous les deux énormément. Je vais d’abord vous
demander d’exprimer, chacun de vous, les besoins qui ne sont pas satisfaits
frenchpdf.com
dans votre relation. Une fois que vous aurez compris les besoins de l’autre,
je suis convaincu que nous pourrons élaborer des stratégies pour y
répondre. »
Ne connaissant pas le « langage des besoins », le mari commença par
dire à sa femme : « Le problème avec toi, c’est que tu es complètement
insensible à mes besoins. »
Elle répondit de la même manière : « Ça te ressemble bien, tiens, de dire
des choses injustes comme ça ! »
Au lieu de parler de leurs besoins, ils formulaient leur analyse de la
situation, qui peut facilement être prise pour une critique par celle ou celui
qui écoute. Comme je l’ai écrit plus haut dans ce livre, les analyses qui
impliquent que l’autre a tort sont fondamentalement des expressions
tragiques de besoins insatisfaits.
Dans le cas de ce couple, le mari avait besoin de soutien et de
compréhension, mais l’exprimait en parlant de l’« insensibilité » de sa
femme. Celle-ci avait également besoin d’être bien comprise, mais elle le
disait en reprochant à son mari d’être « injuste ». Il fallut un certain temps
pour explorer toutes les couches de besoins du mari et de la femme, mais ce
n’est qu’après avoir réellement reconnu et apprécié leurs besoins mutuels
qu’ils purent finalement entamer la recherche de stratégies pour régler leurs
anciens conflits.
J’ai travaillé dans une entreprise où, à un moment donné, le moral du
personnel et la productivité plongèrent en raison d’un conflit très
perturbant. À l’intérieur d’un même service, deux équipes s’opposaient au
sujet du choix d’un logiciel, et la tension était très forte. Une équipe avait
travaillé très dur pour développer le logiciel qui était utilisé à ce moment-là
et elle voulait le conserver. L’autre équipe tenait beaucoup à ce qu’un
nouveau logiciel soit élaboré.
Je commençai par demander à chacune des parties lesquels de leurs
besoins seraient mieux satisfaits par le logiciel qu’elle préconisait. Toutes
deux répondirent par une analyse intellectuelle que l’autre partie prit pour
de la critique. Un membre du groupe favorable à un nouveau logiciel dit :
frenchpdf.com
« Nous pouvons rester excessivement conservateurs mais je pense que, dans
ce cas, nous risquons de perdre notre emploi dans l’avenir. Aller de l’avant,
c’est prendre des risques et oser montrer que nous savons renoncer à des
méthodes démodées. » Un membre de l’autre groupe répondit : « Moi, je
pense que ce n’est pas dans notre intérêt de sauter de manière impulsive sur
n’importe quelle nouveauté qui croise notre chemin. » Ils reconnurent qu’ils
répétaient ces mêmes analyses depuis des mois et que cela ne leur apportait
rien, sauf des tensions de plus en plus fortes.
frenchpdf.com
me répond : « Quelle question idiote », je suppose que mon interlocuteur
exprime un besoin sous la forme d’un jugement sur moi. J’entreprends alors
de deviner quel pourrait être ce besoin : peut-être ma question ne
satisfaisait-elle pas le besoin de l’autre d’être compris. Dans un autre
exemple, si je demande à mon partenaire de parler des tensions qu’il y a
dans notre relation et qu’il me répond : « Je ne veux pas en parler », je vais
peut-être sentir chez lui le besoin de se protéger contre les conséquences
possibles d’une discussion sur notre relation. Notre travail sera donc
d’apprendre à reconnaître le besoin dans des paroles qui n’en expriment
explicitement aucun. Cela demande de la pratique, et nous passons du
temps à essayer de deviner. Lorsque nous croyons comprendre le besoin de
l’autre personne, nous pouvons vérifier avec elle, puis l’aider à mettre des
mots dessus. Si nous parvenons à entendre véritablement son besoin, une
connexion se crée à un autre niveau : c’est une étape essentielle pour que le
conflit évolue vers une issue favorable.
frenchpdf.com
tellement longtemps qu’il serait impossible à régler si rapidement.
Je lui demandai de me dire tout d’abord si elle savait quels étaient les
besoins de son mari dans ce conflit.
Elle répondit : « Manifestement, il ne veut pas que je dépense le moindre
centime. » Le mari s’exclama aussitôt : « C’est ridicule ! »
En affirmant que son mari ne voulait pas qu’elle dépense un centime, la
femme évoquait ce que j’appelle une stratégie. Même si elle avait bien
deviné la stratégie adoptée par son mari, elle n’avait aucunement identifié
son besoin. On retrouve ici la distinction essentielle entre l’une et l’autre :
selon ma définition, un besoin ne fait pas référence à une action spécifique,
comme dépenser ou ne pas dépenser de l’argent. Je dis alors à la femme que
tous les êtres humains partagent les mêmes besoins et que, si elle pouvait
seulement comprendre ceux de son mari, la question serait réglée. Quand je
l’invitai à nouveau à nommer les besoins de son mari, elle répondit : « Il est
tout à fait comme son père », évoquant ainsi le fait que son beau-père
rechignait à dépenser. À ce stade, elle se livrait à une analyse.
Je l’arrêtai pour lui redemander : « Quel était son besoin ? »
Il devint clair que, même après trente-neuf années de « bonne
communication », elle n’avait toujours aucune idée des besoins de son mari.
Je me tournai alors vers le mari. Puisque votre femme n’est pas en lien
avec vos besoins, pourquoi ne le lui dites-vous pas ? Quels besoins
nourrissez-vous chez vous-même en lui interdisant d’utiliser le chéquier ?
frenchpdf.com
diagnostic ou une interprétation, il est probable que les énergies en présence
seront orientées vers l’autodéfense et la contre-attaque plutôt que vers la
sortie du conflit.
J’essayai d’entendre le sentiment et le besoin qui étaient vivants en lui
quand il qualifiait sa femme d’irresponsable : « Ressentez-vous de la peur
parce que vous avez besoin d’être assuré que votre famille sera protégée sur
le plan économique ? » Il acquiesça. Il se trouve que j’avais bien deviné,
mais il n’était pas indispensable de tomber juste du premier coup : même si
je m’étais trompé, j’avais concentré mon attention sur ses besoins, et c’est
là l’essentiel. En fait, ne pas trouver le vrai besoin de l’autre peut
néanmoins l’aider à s’y relier, car cela le fait sortir du mode « analyse »
pour mieux se connecter à ce qui est vivant en lui.
frenchpdf.com
L’empathie soulage la souffrance
qui empêche d’entendre
Cependant, elle souffrait encore trop pour m’entendre. C’était le moment
de faire appel à une autre compétence nécessaire pour engager
véritablement le processus de résolution de conflit en CNV. Lorsque les
gens sont contrariés, ils ont souvent besoin d’empathie avant de pouvoir
entendre ce que les autres leur disent. Dans ce cas, je changeai de cap : au
lieu d’essayer de faire répéter à la femme ce que son mari avait dit,
j’essayai de comprendre sa souffrance – cette souffrance qui l’empêchait
d’entendre son mari. Il est important, surtout quand une souffrance est
ancienne, de donner assez d’empathie aux parties pour les rassurer quant au
fait que cette souffrance est reconnue et comprise.
Je m’adressai donc à la femme avec empathie : « On dirait que vous êtes
vraiment blessée et que vous avez un grand besoin qu’on puisse croire que
vous savez tirer les leçons du passé. » Je vis alors dans ses yeux à quel point
elle avait besoin d’être comprise pour cela. « Oui, exactement », répondit-
elle ; mais quand je lui demandai de reformuler ce que son mari avait
exprimé, elle dit : « Il trouve que je suis trop dépensière. »
frenchpdf.com
nourrissait par rapport à leur situation financière, il fallut moins de vingt
minutes pour trouver des moyens concrets de satisfaire leurs besoins à tous
les deux.
À mesure que j’accumule de l’expérience en médiation au fil des ans et
que je comprends mieux ce qui mène les familles à la dispute et les nations
à la guerre, je suis de plus en plus convaincu que la plupart des écoliers
pourraient résoudre ces conflits. Si nous pouvions simplement dire : « Voici
les besoins des deux parties et voici les ressources disponibles. Que peut-on
faire pour répondre à ces besoins ? », il serait facile de mettre fin aux
conflits. Au lieu de cela, notre mode de pensée s’attache à déshumaniser
l’autre en lui collant des étiquettes et en le jugeant, jusqu’à ce que le
moindre conflit devienne très difficile à résoudre. La CNV nous aide à
éviter ce piège et, ainsi, améliore nos chances de parvenir à une solution
satisfaisante pour tous.
frenchpdf.com
résolution du conflit doit aboutir à des actions qui satisfont les besoins de
chacun, et la formulation de stratégies en langage d’action clair, présent et
positif y contribuera.
S’exprimer en langage présent, c’est parler de ce que l’on veut ici et
maintenant. Par exemple, une des parties pourrait dire : « J’aimerais que tu
me dises si tu serais d’accord de… » et décrire ce qu’elle voudrait que
l’autre fasse. La formulation d’une demande en langage présent
commençant par : « Serais-tu d’accord de… » favorise un échange
respectueux. Si l’autre partie répond qu’elle n’est pas d’accord, la suite de
l’échange consistera naturellement à essayer de comprendre ce qui
l’empêche d’être d’accord.
À l’inverse, une demande telle que : « J’aimerais que tu viennes avec moi
au cinéma samedi soir » n’est pas formulée en langage présent et ne dit rien
de ce qui est demandé à l’autre ici et maintenant. Le recours au langage
présent permet d’affiner cette demande. Si l’on dit par exemple : « Que
dirais-tu d’aller avec moi au cinéma samedi soir ? », il y aura plus de clarté
et de connexion dans l’échange. Nous pouvons clarifier encore davantage la
demande en indiquant ce que nous attendons de l’autre au moment même :
« Tu serais d’accord de me dire comment tu te sens à l’idée d’aller avec moi
au cinéma samedi soir ? » Plus nous serons clairs quant à la réponse que
nous attendons maintenant de l’autre, plus nous avancerons effectivement
vers la résolution du conflit.
frenchpdf.com
Le langage d’action signifie que l’on utilisera des verbes d’action et que
l’on évitera les paroles qui rendent l’échange obscur ou qui peuvent
facilement être prises pour des attaques. J’aimerais illustrer mon propos par
un exemple : un jour, une femme exprima un besoin de compréhension qui
n’était pas satisfait dans la relation avec son partenaire. Après que celui-ci
fut capable d’entendre avec exactitude et de reformuler ce besoin de
compréhension, je me tournai vers la femme et lui dis : « Maintenant,
passons aux stratégies. Que voulez-vous que votre partenaire fasse pour
satisfaire votre besoin de compréhension ? » Elle se tourna vers lui et dit :
« J’aimerais que tu m’écoutes quand je te parle. » « Mais je t’écoute quand
tu parles ! », rétorqua le partenaire. Il n’est pas inhabituel, lorsque
quelqu’un nous dit qu’il aimerait bien que nous l’écoutions quand il parle,
que nous entendions des accusations et que nous en éprouvions un certain
ressentiment.
frenchpdf.com
Dans un autre conflit de couple, la femme voulait être assurée que son
mari respectait ses choix. Lorsqu’elle eut réussi à exprimer son besoin,
l’étape suivante consistait à clarifier sa stratégie pour nourrir ce besoin et à
adresser une demande à son mari. Elle lui dit : « Je veux que tu me donnes
la liberté de grandir et d’être moi-même. » « C’est ce que je fais », répondit-
il. Et comme avec l’autre couple, il s’ensuivit une succession stérile de :
« Non, tu ne le fais pas » et de : « Si, je le fais. »
Des formules vagues comme : « Donne-moi la liberté de grandir » ont
souvent pour effet d’aggraver le conflit. Dans ce cas-ci, le mari a entendu
que sa femme le jugeait comme étant dominateur. Je fis remarquer à la
femme que ce qu’elle voulait n’était pas clair pour son mari : « Pourriez-
vous lui dire exactement ce que vous voudriez qu’il fasse pour répondre à
votre besoin de respect de vos choix ? »
« Je veux que tu me laisses — », commença-t-elle. Je l’interrompis :
« laisser » est trop vague. « Que voulez-vous vraiment dire quand vous
demandez à quelqu’un de vous « laisser » faire quelque chose ? »
Après quelques secondes de réflexion, elle comprit quelque chose
d’important : ce qu’elle voulait vraiment, quand elle disait par exemple :
« Je veux que tu me laisses exister » ou : « Je veux que tu me laisses
grandir », c’était que son mari lui dise que, quoi qu’elle fasse, il
l’accepterait.
Quand elle eut compris ce qu’elle demandait vraiment – qu’il lui dise
quelque chose –, elle se rendit compte que ce qu’elle voulait ne laissait pas
beaucoup de liberté à son mari et ne laissait pas beaucoup de place au
respect de ses choix à lui. Or la préservation du respect est essentielle pour
résoudre un conflit avec succès.
Traduire un « non »
frenchpdf.com
Lorsque nous exprimons une demande, il est très important d’être
respectueux de la réaction de l’autre, qu’il soit d’accord ou non avec cette
demande. De nombreuses médiations auxquelles j’ai assisté consistaient à
attendre que les gens s’usent au point d’accepter n’importe quel compromis.
Ce genre de conclusion est très différent d’une sortie de conflit dans
laquelle les besoins de tous sont satisfaits et personne ne vit aucune perte.
Au chapitre 8, nous avons découvert l’importance de ne pas entendre un
« non » comme un rejet. Écouter attentivement le message qui se cache
derrière le « non » nous aide à comprendre les besoins de l’autre. Quand il
dit « non », il dit qu’il a un besoin qui l’empêche de dire « oui » à ce que
nous demandons. Si nous parvenons à entendre le besoin derrière un
« non », nous pouvons poursuivre le processus de résolution de conflit – en
continuant de nous attacher à trouver un moyen de nourrir les besoins de
tous – même si l’autre partie dit « non » à la stratégie particulière que nous
lui avons suggérée.
frenchpdf.com
les circonstances, il pourra également être utile de dire notre confiance dans
le fait que, si les parties suivent les étapes du processus en CNV, leurs
besoins à toutes les deux seront satisfaits à la fin.
Rappelez-vous : il ne s’agit
pas de nous
Au début de ce chapitre, j’ai souligné que l’objectif n’était pas de faire en
sorte que l’autre fasse ce que nous voulons. Cela vaut également pour les
médiateurs qui interviennent dans les conflits des autres. Même si nous
souhaitons peut-être que le conflit se résolve de telle ou telle manière,
surtout s’il oppose des membres de notre famille, des amis ou des
collègues, nous devons nous rappeler que nous ne sommes pas là pour
atteindre nos propres objectifs. Le médiateur a pour rôle de créer un espace
dans lequel les parties peuvent se relier l’une à l’autre, exprimer et
comprendre leurs besoins respectifs, et parvenir à des stratégies pour
satisfaire ces besoins.
L’empathie d’urgence
En tant que médiateur, je souligne que mon intention est d’arriver à ce
que les deux parties se sentent comprises de manière précise et complète.
Malgré cela, il n’est pas rare que, dès que j’exprime de l’empathie envers
l’une d’elles, l’autre m’accuse immédiatement de favoritisme. La chose à
faire à ce moment-là, c’est de donner une empathie d’urgence. On dira par
exemple : « Vous êtes vraiment en colère, et vous avez besoin d’être rassuré
que vous aurez aussi voix au chapitre ? »
frenchpdf.com
Une fois cette empathie exprimée, je rappelle aux parties que chacune
aura l’occasion d’être entendue et que, après la première, le tour de la
seconde viendra. Ensuite, il est utile de vérifier que celle-ci est d’accord
pour attendre, par exemple en lui demandant : « Êtes-vous suffisamment
assuré que vous aurez l’occasion de vous faire entendre ? »
Il sera peut-être nécessaire de répéter souvent cette étape tout au long de
la médiation pour maintenir le cap.
frenchpdf.com
Maintenir la conversation dans
le présent
Une autre qualité importante à mettre en œuvre lors d’une médiation est
la conscience du moment présent : qui a besoin de quoi en ce moment
précis ? Qu’est-ce que les parties demandent maintenant ? Cela demande
une grande pratique de rester dans le moment présent, car la plupart d’entre
nous n’ont jamais appris à le faire.
À mesure que nous avancerons dans le processus de médiation, nous
entendrons probablement beaucoup de références aux événements du passé
et aux changements que les parties souhaiteraient dans l’avenir. Cependant,
la résolution d’un conflit ne peut se produire que dans le moment présent, et
c’est sur ce moment que nous devons concentrer toute notre attention.
Continuer d’avancer
Le médiateur a également pour tâche d’éviter que la conversation ne
s’enlise. Cela peut se produire très facilement, car les gens pensent souvent
que, s’ils racontent la même histoire encore une fois, ils seront finalement
compris et l’autre partie fera ce qu’ils veulent.
Pour continuer de faire avancer le processus, le médiateur va poser des
questions efficaces et, en cas de besoin, maintenir ou même accélérer le
rythme. Il y a quelque temps, on m’a demandé d’animer un stage dans une
petite ville de province. L’organisateur me demanda si je voulais bien
l’aider à régler un conflit personnel en rapport avec la division d’une
propriété familiale. J’acceptai d’intervenir comme médiateur, sachant que
nous ne disposions que de trois heures entre deux ateliers.
Le conflit familial tournait autour d’un homme qui possédait une grande
ferme et s’apprêtait à prendre sa retraite. Ses deux fils étaient en bagarre au
sujet de la division de la propriété. Ils ne se parlaient plus depuis huit ans,
frenchpdf.com
alors qu’ils vivaient tout près l’un de l’autre du même côté de la ferme. Je
rencontrai les frères, leurs femmes respectives et leur sœur, tous mêlés à cet
imbroglio juridique et à ces huit années de souffrance.
Pour faire avancer les choses – et rester dans les temps –, je dus accélérer
le processus de médiation. Afin d’éviter qu’ils passent du temps à raconter
les mêmes histoires encore et encore, je demandai à l’un des frères si je
pouvais jouer son rôle ; j’inverserais ensuite pour jouer celui de l’autre
frère.
frenchpdf.com
au jeu de rôle, je sais que n’importe qui peut arriver au même résultat à
condition de se relier à ses propres besoins. Quoi qu’il se passe, nous avons
tous les mêmes besoins. Les besoins sont universels.
Il m’arrive de travailler avec des personnes qui ont été violées ou
torturées et, quand l’auteur des faits est absent, j’assume son rôle. Souvent,
la victime est surprise de m’entendre, lors du jeu de rôle, dire la même
chose que son violeur ou son bourreau, et elle me demande : « Mais
comment saviez-vous ? » La réponse à cette question, je crois, est que je
sais parce que je suis un être humain. Nous le sommes tous. Quand nous
exprimons nos sentiments et nos besoins, nous ne nous préoccupons pas des
problèmes qui se posent mais nous nous mettons simplement à la place de
l’autre, nous essayons d’être l’autre. « Bien jouer le rôle » n’est pas notre
objectif, même si nous vérifions de temps en temps avec notre
« réalisateur » parce que nous avons envie d’être au plus proche. Personne
ne joue toujours juste, et ce n’est pas grave. Si nous n’allons pas dans le bon
sens, la personne dont nous jouons le rôle nous le fera savoir d’une manière
ou d’une autre, nous donnant ainsi une autre occasion de rectifier le tir.
Savoir interrompre
Parfois, les médiations deviennent très animées, les parties se criant
dessus ou essayant de parler plus fort l’une que l’autre. Pour maintenir le
processus sur les rails dans de telles circonstances, il est important de savoir
interrompre les échanges avec une certaine aisance. Au cours d’une
médiation que je menais un jour en Israël, j’avais des difficultés parce que
mon interprète était trop poli. Je finis par lui apprendre à être méchant :
« Dites-leur de la fermer ! », lui dis-je. « Dites-leur d’attendre au moins que
la traduction soit finie avant de recommencer à se crier dessus. » Donc,
frenchpdf.com
lorsque les deux parties crient ou parlent en même temps, je m’interpose :
« S’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît ! » Je répète cette phrase
aussi fort et aussi souvent que nécessaire pour gagner leur attention.
Au moment de capter leur attention, il s’agit d’être rapide. Si la personne
se met en colère quand nous l’interrompons, nous pouvons deviner qu’elle
souffre trop pour nous entendre. C’est alors le moment de lui donner une
empathie d’urgence. Pour illustrer cela, voici un exemple tiré d’une réunion
en entreprise :
L’EMPLOYÉ : C’est toujours la même chose ! Ils ont déjà convoqué trois
réunions, et à chaque fois ils trouvent une nouvelle raison pour nous
dire que le projet ne peut aboutir. La dernière fois, ils ont même signé
un accord ! Maintenant ils nous font encore une promesse, et il n’y aura
rien de plus : juste une nouvelle promesse ! Cela ne sert à rien de
travailler avec des gens qui…
LE MÉDIATEUR : S’il vous plaît… S’il vous plaît… S’IL VOUS PLAÎT !
Pourriez-vous reformuler ce que l’autre personne vient de dire ?
L’EMPLOYÉ : (se rendant compte qu’il n’avait pas écouté l’autre) Non !
LE MÉDIATEUR : Vous ressentez beaucoup de méfiance en ce moment, et
vous avez besoin d’avoir confiance que les gens tiennent parole ?
L’EMPLOYÉ : Euh, évidemment, mais…
LE MÉDIATEUR : Alors pourriez-vous me dire ceci : quand votre
interlocuteur a parlé, qu’est-ce que vous avez entendu ? Je vais le
répéter pour vous. Ce que j’entends chez l’autre partie, c’est un grand
besoin d’intégrité. Pourriez-vous reformuler cela, pour que je sois sûr
que nous nous comprenons tous ?
L’EMPLOYÉ : (silence)
LE MÉDIATEUR : Non ? Alors je vais vous le dire encore une fois.
Et nous le répétons.
frenchpdf.com
Nous pourrions voir notre rôle comme celui d’un traducteur : nous
traduisons le message de chacune des parties afin qu’il soit compris par
l’autre. Je demande aux parties de s’habituer à ce que je les interrompe afin
de contribuer à la résolution du conflit. Lorsque je les interromps, je vérifie
également auprès de la personne qui parle si elle estime que je la traduis de
manière exacte. Je traduis de nombreux messages, mais je ne fais que
deviner et c’est toujours la personne qui parle qui décidera en fin de compte
de l’exactitude de ma traduction.
Il est important de se rappeler que si l’on interrompt les gens et que l’on
capte leur attention de cette manière, c’est pour revenir dans le processus
qui consiste à formuler des observations neutres, identifier et exprimer les
sentiments, relier les sentiments à des besoins, et formuler des demandes
dans un langage clair et concret, un langage d’action positif.
frenchpdf.com
Pour répondre à cette difficulté, j’ai recherché des stratégies permettant
de résoudre un conflit lorsque les parties ne veulent pas se réunir. Une
méthode qui donne des résultats prometteurs consiste à faire un
enregistrement audio de la séance. Je travaille alors séparément avec chaque
partie en jouant le rôle de l’autre. S’il y a dans notre vie deux personnes qui
souffrent trop pour être prêtes à se rencontrer, c’est une possibilité à
envisager.
Ainsi, j’eus un jour affaire à une femme qui souffrait énormément en
raison d’un conflit avec son mari, et notamment à cause de la façon dont il
dirigeait sa colère contre elle. D’abord, je l’écoutai d’une manière qui l’aida
à exprimer clairement ses besoins et lui permit de se sentir accueillie avec
une compréhension respectueuse. Ensuite, je jouai (en m’enregistrant) le
rôle de son mari et lui demandai de m’écouter tandis que j’exprimais ce que
je devinais être les besoins de ce dernier. Une fois que les besoins des
parties en conflit eurent été clairement nommés dans ce jeu de rôle, j’invitai
la femme à faire écouter l’enregistrement à son mari afin de recueillir sa
réaction.
Comme j’avais bien deviné les besoins du mari, celui-ci ressentit un
immense soulagement à l’écoute de l’enregistrement. Étant davantage en
confiance après s’être senti compris, il accepta plus tard de venir à une
séance de médiation, ce qui nous permit de travailler ensemble jusqu’à ce
que l’un et l’autre trouvent des moyens de satisfaire leurs besoins dans un
respect mutuel.
Lorsqu’il est difficile, dans la résolution d’un conflit, de réunir les parties
dans la même pièce, l’utilisation de jeux de rôle enregistrés peut apporter la
solution.
frenchpdf.com
nous mettons le nez dans les affaires des autres.
Un jour, je faisais des achats dans une épicerie quand je vis une femme
frapper son petit enfant. Elle allait le faire à nouveau quand j’intervins. Elle
ne m’avait pas demandé : « Marshall, pourriez-vous mener une médiation
entre nous ? »
Une autre fois, je marchais dans les rues de Paris, et une femme marchait
à côté de moi. Soudain, un homme assez éméché arriva en courant derrière
elle, la retourna et la gifla. Comme je n’avais pas le temps de parler avec cet
homme, je recourus à l’usage protecteur de la force en le maîtrisant au
moment où il allait la frapper à nouveau. Je m’interposai entre les deux et
mis ainsi le nez dans leurs affaires. Une autre fois encore, lors d’une
réunion en entreprise, j’observai deux clans pris dans une discussion
interminable sur une question ancienne, et je m’en mêlai à nouveau.
Lorsque nous observons des comportements qui nous préoccupent – sauf
dans une situation nécessitant l’usage protecteur de la force, telle que
décrite au chapitre 12 –, la première chose à faire est de se relier avec
empathie aux besoins de la personne dont le comportement nous déplaît.
Dans la première situation évoquée plus haut, si je voulais que l’enfant
subisse davantage de violence, j’aurais pu, au lieu de donner de l’empathie
à la mère, lui reprocher d’avoir frappé son enfant. Une telle réaction de ma
part n’aurait fait qu’aggraver la situation.
Pour apporter un vrai soutien dans ces situations de médiation informelle,
il nous faut acquérir une grande maîtrise du langage des besoins et une
aptitude à déceler le besoin qui se cache dans n’importe quel message,
même celui qui peut amener une personne à en gifler une autre. Une grande
pratique de l’empathie verbale est également indispensable pour que les
gens se sentent compris dans leurs besoins.
Souvenons-nous que, lorsque nous choisissons de nous mêler des affaires
de quelqu’un d’autre, il ne suffit pas d’aider cette personne à se relier à ses
propres besoins. Il s’agira aussi de pratiquer toutes les autres étapes traitées
dans ce chapitre. Par exemple, après avoir donné de l’empathie à la mère du
petit enfant, nous pourrions lui dire que nous accordons de l’importance à la
frenchpdf.com
sécurité et à la protection des êtres humains, puis nous pourrions lui
demander si elle est d’accord, pour satisfaire ses besoins, d’essayer une
autre stratégie.
Résumé
frenchpdf.com
La résolution de conflit à l’aide de la CNV est différente des méthodes de
médiation traditionnelles ; au lieu de débattre des enjeux, des stratégies et
des solutions de compromis, nous nous attachons avant tout à cerner les
besoins des deux parties, et ce n’est qu’après cela que nous recherchons des
stratégies pour satisfaire ces besoins.
Nous commençons par créer une connexion de cœur à cœur entre les
parties en conflit. Ensuite, nous veillons à ce que celles-ci aient l’occasion
d’exprimer pleinement leurs besoins, que chacune écoute attentivement les
besoins de l’autre et que, une fois tous les besoins entendus, elles fassent
des propositions concrètes et réalisables pour satisfaire leurs besoins. Nous
évitons de porter des jugements ou d’analyser le conflit, en restant plutôt
concentrés sur les besoins.
Lorsqu’une partie souffre trop pour entendre les besoins de l’autre, nous
lui donnons de l’empathie, en prenant tout le temps nécessaire pour qu’elle
sache que sa douleur a été entendue. Nous n’entendons pas un « non »
comme un rejet, mais plutôt comme une expression du besoin qui empêche
la personne de dire « oui ». Ce n’est qu’après que tous les besoins ont été
entendus que nous passons au stade des solutions, en demandant aux parties
de formuler des demandes réalisables dans un langage d’action positif.
Lorsque nous intervenons comme médiateur dans un conflit entre deux
autres parties, nous suivons attentivement le déroulement des échanges,
nous donnons de l’empathie quand cela est nécessaire, nous veillons à ce
que la conversation reste axée sur le présent, nous la faisons avancer et nous
interrompons les parties si nécessaire pour revenir au processus.
Avec ces outils et cette compréhension, nous pouvons pratiquer et aider
les autres à résoudre des conflits, même anciens, à la satisfaction de tous.
frenchpdf.com
12
L’usage de la force dans
un but de protection
Lorsque le recours à la force
est inévitable
Quand deux parties en conflit ont eu l’occasion d’exprimer pleinement ce
qu’elles observaient, ressentaient, désiraient et demandaient – et que
chacune a donné de l’empathie à l’autre –, une solution satisfaisante pour
l’une et l’autre est généralement à portée de main. Ou, du moins, peuvent-
elles en toute cordialité tomber d’accord pour ne pas être d’accord.
Certaines situations n’offrent en revanche aucune ouverture sur le
dialogue. L’usage de la force peut alors s’imposer pour protéger la vie ou
les droits de l’individu. Il se peut par exemple que l’une des parties refuse
de communiquer ou que l’imminence du danger ne laisse pas le temps de
dialoguer. Nous pouvons alors être contraints de recourir à la force. Le cas
échéant, on distingue en CNV l’usage protecteur de l’usage répressif de la
force.
frenchpdf.com
L’usage protecteur de la force vise à éviter des dommages corporels ou
des injustices, tandis que la force répressive vise à faire souffrir des
individus pour les punir de leurs actes perçus comme des méfaits. C’est de
cela qu’il s’agit lorsque nous attrapons un enfant qui traverse la rue en
courant pour lui éviter de se faire écraser. Une agression physique ou
psychologique – une fessée ou des remontrances telles que : « Comment as-
tu pu être aussi bête ? Tu devrais avoir honte de toi ! » – relève en revanche
de l’usage répressif de la force.
Lorsque nous employons la force dans un but de protection, nous
pensons à la vie ou aux droits que nous souhaitons protéger sans porter de
jugement sur la personne ou sur son comportement. Nous ne critiquons ni
ne condamnons l’enfant qui se précipite sur la chaussée. Notre seul souci
est de le protéger du danger. (Pour les applications du recours à la force
dans un but de protection dans les conflits sociaux et politiques, voir
l’ouvrage de Robert Irwin, Nonviolent Social Defense [« La Défense sociale
NonViolente »].) L’usage protecteur de la force part du principe que c’est
essentiellement par inconscience que les individus adoptent des
comportements dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. C’est donc
par l’information et non par la répression qu’il convient d’y remédier.
L’inconscience peut se manifester sous diverses formes : a) l’individu ne se
rend pas compte des conséquences de ses actes ; b) il ne voit pas comment
satisfaire ses besoins propres sans porter préjudice à autrui ; c) il est
persuadé d’être « en droit » d’infliger une punition ou une douleur aux
autres, sous prétexte qu’ils le « méritent » ; d) il est prisonnier de ses
fantasmes et croit par exemple qu’une « voix » lui a ordonné de tuer
quelqu’un.
frenchpdf.com
L’action répressive part en revanche du principe que les individus
commettent des délits parce qu’ils sont mauvais ou méchants et que, pour y
remédier, il faut les contraindre au repentir. Pour les remettre dans le droit
chemin, on recourt à l’action répressive, censée 1) leur infliger
suffisamment de douleur pour qu’ils comprennent leur erreur ; 2) les
pousser au repentir, et 3) les changer. Or, dans la pratique, la répression
parvient davantage à générer de l’hostilité ou à renforcer la résistance aux
comportements que nous recherchons qu’à susciter un repentir et une prise
de conscience.
frenchpdf.com
La peur du châtiment corporel empêche l’enfant de percevoir
la bienveillance inhérente aux exigences de ses parents.
Le prix de la punition
Lorsque nous ne consentons à faire quelque chose que pour échapper à la
punition, notre attention est détournée de la valeur de l’acte en soi. Elle se
porte en revanche sur ce qui pourrait arriver si nous ne cédons pas. Si un
employé n’est motivé que par la peur des sanctions, il fera certes son
frenchpdf.com
travail, mais sans aucun enthousiasme et, tôt ou tard, il sera moins
productif. L’estime de soi est également endommagée par l’usage répressif
de la force. Si les enfants ne se brossent les dents que parce qu’ils craignent
d’être tournés en ridicule ou humiliés, ils auront peut-être des dents
éclatantes, mais leur respect d’eux-mêmes sera bien moins reluisant ! De
plus, comme chacun le sait, la punition entame sérieusement la bonne
volonté : plus l’autre nous perçoit comme un agent répressif, plus il aura du
mal à répondre avec bienveillance à nos besoins.
J’étais un jour dans le bureau d’un ami qui dirige un collège. Regardant
par la fenêtre, il vit un grand frapper un petit. Il se précipita dans la cour,
attrapa l’agresseur, lui donna une gifle et lui dit : « Je vais t’apprendre, moi,
à frapper les petits ! » Lorsqu’il revint, je lui fis remarquer : « Je ne pense
pas que tu aies appris à cet enfant ce que tu voulais. Je crains qu’au
contraire il n’ait compris qu’il ne faut pas frapper plus petit que soi lorsque
quelqu’un de plus grand – le directeur, par exemple – se trouve dans les
parages ! J’ai plutôt l’impression que tu l’as renforcé dans l’idée que le
meilleur moyen d’obtenir ce que l’on veut de l’autre, c’est de le battre. »
Dans de telles situations, je recommande de commencer par manifester
une attitude empathique à l’enfant qui a un comportement violent. Si je vois
par exemple un enfant frapper un camarade qui l’a insulté, je pourrais réagir
avec empathie de la façon suivante : « Il me semble que tu es en colère
parce que tu aimerais être traité avec plus de respect. » Si j’ai deviné juste
et que l’enfant confirme cette intuition, je poursuis en exprimant mes
propres sentiments, désirs et demandes sans y mêler de blâme : « Je suis
frenchpdf.com
triste parce que je voudrais que nous trouvions des façons de nous faire
respecter sans tourner les autres en ennemis. J’aimerais que tu me dises si tu
veux bien chercher avec moi d’autres façons d’obtenir le respect que tu
désires. »
frenchpdf.com
1re question : Que voudrais-je que cette personne fasse ?
2e question : Quelle motivation voudrais-je que cette
personne ait pour le faire ?
frenchpdf.com
WILL : Mais non ! Ils sont nuls parce qu’ils restent plantés là et ils ne
lèvent même pas le petit doigt.
MBR : (Essayant à nouveau de recevoir les sentiments et désirs de mon
interlocuteur.) Tu veux dire que tu es déçu parce que tu aimerais qu’ils
réagissent davantage quand il y a des problèmes ?
WILL : C’est ça, oui. Quoi qu’on fasse, ils restent plantés là, à sourire
comme des imbéciles.
MBR : Serais-tu disposé à me donner un exemple concret ?
WILL : Facile ! Pas plus tard que ce matin, un mec rentre avec une
bouteille de Scotch dans la poche – gros comme une maison. Tout
monde le voit. La prof aussi, mais elle fait comme si elle n’avait rien vu.
MBR : (M’efforçant toujours de comprendre pleinement.) J’ai
l’impression que tu n’éprouves pas de respect pour les professeurs
lorsqu’ils n’interviennent pas. Tu aimerais qu’ils fassent quelque
chose ?
WILL : Ben, oui…
MBR : Je suis déçu, parce que je voudrais qu’ils résolvent les
problèmes avec les élèves, mais il semble que je n’ai pas su leur
montrer ce que je voulais dire.
frenchpdf.com
MBR : (M’efforçant toujours de recevoir les sentiments de Joe.) Tu
doutes qu’une autre méthode puisse marcher ?
JOE : (Il acquiesce de la tête.)
MBR : Si c’est le seul moyen, je me sens découragé. Je déteste cette
façon de résoudre les problèmes et j’aimerais en trouver d’autres.
ED : Pourquoi ?
MBR : Pour plusieurs raisons. Supposez que j’arrive à vous empêcher
de mettre l’école sens dessus dessous en vous battant avec le martinet.
Que se passe-t-il le jour où trois ou quatre élèves que j’ai frappés en
classe se trouvent près de ma voiture quand je veux rentrer chez moi ?
ED : (Esquissant un sourire.) Vous auriez intérêt à avoir un bon
gourdin !
MBR : (Certain d’avoir compris le message d’Ed et sachant qu’il sait
que j’ai compris, je continue sans paraphraser.) C’est exactement ce
que je veux dire. Je voudrais que vous compreniez que je n’aime pas
cette façon de régler les choses. Je suis trop distrait pour penser à avoir
toujours un bon gourdin sur moi, et même si je m’en souvenais, je
n’aimerais pas m’en servir contre quelqu’un.
ED : Vous pourriez éjecter le type.
MBR : Tu veux dire que tu aimerais que nous renvoyions
temporairement ou définitivement des élèves ?
ED : Oui.
MBR : Je n’aime pas davantage cette idée. Je veux montrer qu’il y a
d’autres méthodes pour résoudre les conflits à l’école que de renvoyer
des élèves. J’aurais un sentiment d’échec si c’était ce que nous avions
de mieux à faire.
WILL : Si un mec ne fait rien, pourquoi est-ce qu’on ne peut pas le
mettre dans une salle à ne rien faire ?
MBR : Tu veux dire, Will, que tu aimerais qu’il y ait une pièce où l’on
puisse envoyer les élèves qui dérangent les autres ?
frenchpdf.com
WILL : C’est cela. Ils n’ont pas besoin d’être dans la classe s’ils ne font
rien.
MBR : Cette idée m’intéresse beaucoup. J’aimerais bien entendre
comment tu envisagerais le fonctionnement d’une telle salle.
WILL : Il y a des jours où, en arrivant au collège, on se sent mal. On n’a
pas envie de faire quoi que ce soit. Alors, on pourrait aller dans une
salle spéciale jusqu’à ce qu’on ait envie de faire quelque chose.
MBR : Je comprends ce que tu dis, mais je pense que le professeur va se
demander si les élèves iront d’eux-mêmes dans la salle à ne rien faire.
WILL : (D’un ton assuré.) Ils iront.
Je leur dis qu’à mon avis ce projet pourrait marcher si nous parvenions à
faire comprendre qu’il ne s’agissait pas de punir, mais de proposer un
endroit à ceux qui n’étaient pas prêts à étudier et, dans le même temps, de
donner à ceux qui en avaient envie l’occasion de travailler. Je suggérai
également que la « salle à ne rien faire » aurait plus de succès si tout le
monde savait qu’elle avait été proposée par des élèves et non imposée par la
direction.
Une « salle à ne rien faire » fut donc ouverte pour les élèves qui étaient
perturbés et ne se sentaient pas capables de travailler, et pour ceux qui
dérangeaient la classe. Parfois, les élèves demandaient à y aller, parfois
c’étaient les professeurs qui leur demandaient de s’y rendre. L’enseignante
qui maîtrisait le mieux la CNV fut placée dans la « salle à ne rien faire », où
elle eut des conversations très fécondes avec les adolescents. L’ordre fut
effectivement rétabli dans l’école grâce à cette salle, parce que les élèves
qui l’avaient imaginée expliquèrent clairement son but à leurs camarades :
préserver les droits des élèves qui voulaient travailler. Nous utilisâmes le
dialogue avec les élèves pour démontrer aux professeurs que l’on pouvait
résoudre les conflits autrement qu’en battant en retraite ou en réprimant par
la force.
frenchpdf.com
Résumé
Dans les situations qui ne laissent aucune place à la communication – en
cas de danger imminent, par exemple –, nous pouvons parfois être amenés à
employer la force dans un but de protection. L’intention est alors d’éviter
les dommages corporels ou les injustices, jamais d’amener des individus à
souffrir, à se repentir ou à changer. L’usage répressif de la force tend à
générer de l’hostilité et à renforcer la résistance au comportement que l’on
cherche à susciter. La punition entame la sincérité des rapports et l’estime
de soi, et concentre notre attention sur les conséquences de l’acte en faisant
oublier l’intention première. Les reproches et la punition ne suscitent pas
les motivations que nous aimerions inspirer à l’autre.
frenchpdf.com
13
Se libérer et accompagner
les autres
« L’humanité a dormi – et dort encore – bercée
par les joies étroites et confinantes de ses amours
fermés. »
TEILHARD DE CHARDIN, théologien
frenchpdf.com
Pour y parvenir, il est nécessaire de connaître le langage des besoins et
d’être capable de se relier à soi-même, ce qui est difficile pour les gens de
notre culture. Nous n’avons jamais été éduqués à connaître nos besoins et,
bien plus encore, nous sommes souvent exposés à un conditionnement
culturel qui nous empêche en fait d’en être conscients. Comme nous l’avons
dit plus haut, nous avons hérité un langage qui servait les rois et les élites au
pouvoir dans les sociétés fondées sur la domination. Les masses, dissuadées
de développer une conscience de leurs propres besoins, ont, au contraire,
été éduquées à être dociles et soumises à l’autorité. Notre culture laisse
penser que les besoins sont négatifs et destructeurs ; lorsqu’une personne
est qualifiée de « sensible », elle est perçue comme inadaptée ou immature.
Lorsque les gens expriment leurs besoins, ils sont souvent taxés
d’« égoïstes » et l’utilisation du pronom personnel « je » est parfois
assimilée à de l’égoïsme ou à de la dépendance affective.
En nous incitant à séparer observation et évaluation, à reconnaître les
pensées ou besoins qui sont à l’origine de nos sentiments et à exprimer nos
demandes en langage d’action clair, la CNV nous aide à être plus conscients
du conditionnement culturel qui nous influence dans l’instant. Or mettre en
lumière ce conditionnement, et en prendre conscience, est le premier pas
déterminant pour nous dégager de son emprise.
frenchpdf.com
nous portons des jugements sur nous-mêmes, nous perdons le contact avec
nos besoins et ne pouvons donc plus agir pour les satisfaire. La dépression
est révélatrice d’un état d’aliénation de nos propres besoins.
Une participante à un stage de CNV traversait une période de profonde
dépression. On lui demanda d’identifier ce qu’elle se disait aux moments où
elle se sentait le plus déprimée et de transcrire ces messages sous forme de
dialogue. Les deux premières répliques furent les suivantes.
Voix 1 (« femme professionnelle ») : Je devrais faire quelque chose de
mieux de ma vie. Je suis en train de gâcher ma formation et mes talents.
Voix 2 (« mère responsable ») : Tu n’es pas réaliste. Tu as deux enfants et
tu n’arrives déjà pas à assumer cette responsabilité, comment veux-tu gérer
autre chose ?
Ces messages intérieurs sont truffés de termes et de tournures contenant
des jugements implicites tels que « je devrais », « gâcher ma formation et
mes talents », « tu n’arrives déjà pas ». Cette femme entretenait depuis des
mois des pensées de cet ordre. On lui demanda ensuite d’imaginer que la
voix de la « professionnelle » prenait une « pilule CNV » pour reformuler
son message selon le schéma suivant : « Quand a), je me sens b), parce que
j’ai besoin de c). Par conséquent, je voudrais maintenant d). »
La phrase « Je devrais faire quelque chose de mieux ma vie. Je suis en
train de gâcher ma formation et mes talents » devint alors : « Quand je
passe tout ce temps à la maison avec les enfants sans exercer ma profession,
je me sens déprimée et découragée parce que j’ai besoin de la satisfaction
que me procurait mon métier. Par conséquent, je voudrais maintenant
travailler à mi-temps dans ma spécialité. »
Puis elle fit de même avec la voix de la « mère responsable ». « Tu n’es
pas réaliste. Tu as deux enfants et tu n’arrives déjà pas à assumer cette
responsabilité, comment veux-tu gérer autre chose ? » devint : « Quand
j’envisage d’aller travailler, je me sens effrayée parce que j’ai besoin de
savoir que les enfants seront en de bonnes mains. Par conséquent, je
frenchpdf.com
voudrais maintenant rechercher une garde de qualité pour mes enfants
pendant que je travaillerai et trouver le moyen de réserver assez de temps
pour être avec eux sans être fatiguée. »
Cette femme éprouva un grand soulagement à traduire ses messages
intérieurs en CNV. Elle parvint à percer les messages aliénants qu’elle se
rabâchait et à « s’offrir de l’empathie ». Elle avait encore à résoudre les
problèmes pratiques, tels que la garde de ses enfants et le soutien de son
mari, mais elle s’était affranchie du dialogue intérieur plein de jugements
qui l’empêchait de prendre conscience de ses propres besoins.
frenchpdf.com
omis de faire cela ? Mais, venant de travailler sur la mise en œuvre de la
CNV pour mieux m’occuper de moi, je me demandai plutôt : “Qu’ai-je
besoin de faire pour moi-même, maintenant, avec cette migraine ?”
Nous centrer sur ce que nous voulons faire plutôt que sur ce
qui s’est mal passé.
« Je me suis assise sur mon lit et j’ai fait des rotations de la nuque
pendant un bon moment, puis je me suis levée, j’ai marché un peu et fait
d’autres choses qui me faisaient du bien au lieu de m’accabler de reproches.
Ma migraine s’atténua assez pour que je puisse participer au séminaire ce
jour-là. Cela a représenté pour moi une avancée capitale. Ce que j’ai
compris en étant plus à l’écoute de moi-même, c’est que la veille je ne
m’étais pas accordé assez d’attention, et que la migraine était une façon de
me dire à moi-même : “J’ai besoin de plus d’attention.” Je parvins alors à
me donner l’attention dont j’avais besoin et, grâce à cela, à participer toute
la journée à l’atelier. J’ai des migraines depuis toujours, et pour moi cet
incident a marqué un tournant décisif dans ma vie. »
Lors d’un autre séminaire, un participant demanda comment la CNV
pouvait nous aider à nous affranchir des messages qui nous mettent en
colère lorsque nous sommes au volant. Je connaissais bien la question !
Pendant des années, mon métier m’a amené à traverser le pays en voiture et
j’étais épuisé et éreinté par les messages générateurs de violence qui me
passaient par la tête. Tous ceux qui ne conduisaient pas comme je le voulais
étaient des ennemis jurés, des brutes épaisses. Les pensées fusaient : « Mais
qu’est-ce qu’il fabrique, cet imbécile ? Il pourrait regarder où il va ! » Dans
cet état d’esprit, je n’avais qu’une envie : punir l’autre chauffeur. Et comme
je ne pouvais pas le faire, la colère se cristallisait dans mon organisme et
faisait des ravages.
Je finis par apprendre à traduire mes jugements en sentiments et besoins,
et à me donner de l’empathie : « Je suis tétanisé quand les gens conduisent
frenchpdf.com
de cette façon. J’aimerais vraiment qu’ils comprennent combien leur
comportement est dangereux ! » Je fus stupéfait de voir que je pouvais créer
pour moi-même des situations beaucoup moins stressantes, simplement en
prenant conscience de ce que je ressentais et de mes besoins, au lieu de
blâmer les autres.
Plus tard, je décidai de porter mon empathie sur les autres conducteurs, et
ma première expérience fut on ne peut plus gratifiante. J’étais derrière une
voiture qui roulait à une vitesse d’escargot et ralentissait à chaque carrefour.
Je fulminais. « Encore un qui ne sait pas conduire ! » me dis-je en
maugréant. Remarquant le stress que je m’imposais, je changeai de registre
et me demandai quels pouvaient être les sentiments et les besoins du
conducteur. Je supposai que cette personne était perdue, désorientée et
qu’elle désirait de la patience de la part de ceux qui la suivaient. Lorsque
enfin je parvins à la doubler, je vis au volant une dame qui devait avoir dans
les quatre-vingts ans et semblait terrorisée. Je me félicitai de lui avoir donné
assez d’empathie pour m’abstenir de klaxonner ou de recourir à l’une de
mes tactiques coutumières pour montrer mon mécontentement à ceux dont
je n’aimais pas la façon de conduire.
frenchpdf.com
psychothérapie dans le rôle du psychothérapeute. De passage aux États-
Unis, Buber avait été invité à débattre avec Carl Rogers dans un hôpital
psychiatrique, devant un groupe de professionnels de la santé mentale.
Dans ce dialogue, Buber part du principe que le développement humain
se produit lors de la rencontre de deux êtres qui s’expriment avec sincérité
et vulnérabilité, dans le cadre de ce qu’il appelait un « rapport du Je au
Tu ». Il trouvait peu vraisemblable qu’une telle authenticité puisse exister
lorsque des êtres se rencontrent dans les rôles de psychothérapeute et de
client. Rogers convenait que la sincérité était une condition nécessaire au
développement. Mais il soutenait qu’un psychothérapeute éclairé pouvait
choisir de transcender son rôle pour avoir avec son client une rencontre
authentique.
Buber était sceptique. Il estimait que, même si le thérapeute était de
bonne volonté et capable d’établir une relation authentique avec ses
patients, une telle rencontre serait impossible tant que les patients
continueraient à se considérer comme des patients et à percevoir le
thérapeute comme un thérapeute. Le processus même de prendre rendez-
vous avec quelqu’un dans son cabinet et de le payer pour « se faire
soigner », soulignait-il, compromet les chances qu’une relation authentique
se développe.
Ce dialogue précisa l’ambivalence que m’inspirait depuis longtemps la
question du détachement clinique – règle sacro-sainte de la psychothérapie
psychanalytique à laquelle j’avais été formé. Dans l’esprit de la plupart des
professionnels, faire intervenir ses propres sentiments et besoins dans la
psychothérapie trahissait une pathologie chez le thérapeute. Les
psychothérapeutes compétents devaient rester en dehors du processus
thérapeutique et fonctionner comme un miroir, sur lequel les patients
projetaient leurs transferts, qu’ils travaillaient alors avec l’aide du
thérapeute. Je comprenais les raisons de laisser les processus internes du
thérapeute à l’écart de la psychothérapie et les risques qu’il y avait à se
pencher sur ses propres conflits intérieurs au détriment du patient. Pourtant,
frenchpdf.com
j’avais toujours eu du mal à maintenir la distance affective requise, et j’étais
en outre persuadé des avantages qu’il y aurait à m’impliquer dans le
processus.
J’engageai donc mes premières tentatives, remplaçant le langage clinique
par le langage de la CNV. Au lieu d’interpréter ce que mes patients disaient,
conformément aux théories de la personnalité que j’avais étudiées, je me
rendis présent à leurs paroles et les écoutai avec empathie. Au lieu de poser
sur eux un diagnostic, je leur révélai ce qui se passait en moi. Au début,
j’eus peur. Je me demandais comment mes collègues réagiraient à la
sincérité que je mettais dans mon dialogue avec mes clients. Mais les
résultats furent si heureux, tant pour les clients que pour moi-même, que
j’abandonnai toute hésitation. Depuis 1963, l’idée de s’investir pleinement
dans la relation patient-thérapeute a cessé d’être perçue comme une hérésie,
mais à l’époque je fus souvent invité par des associations de
psychothérapeutes à présenter ce nouveau rôle.
frenchpdf.com
différents diagnostics possibles. D’après vous, cette femme manifeste-t-elle
une réaction schizophrénique ou s’agit-il d’un cas de psychose induite par
des substances psychotropes ? »
Je répondis que ce type de question me mettait mal à l’aise. À l’époque
où j’étais interne dans un hôpital psychiatrique, déjà, je ne savais jamais
très bien dans quelle catégorie diagnostique placer les individus. Depuis
lors, j’avais lu dans des rapports de recherche que les psychiatres et les
psychologues n’étaient pas d’accord sur les termes. Ces études concluaient
que, dans les hôpitaux psychiatriques, les diagnostics étaient davantage
fonction de l’école dont était issu le psychiatre que des symptômes du
patient.
J’ajoutai que j’hésiterais à appliquer ces termes, même si tout le monde
s’entendait sur ce qu’ils recouvraient, car je ne voyais pas en quoi ils
servaient les intérêts des patients. En médecine physique, c’est souvent
l’identification du phénomène pathologique responsable de la maladie qui
permet de proposer un traitement, mais je ne percevais pas de lien aussi
clair dans le domaine que nous appelons la maladie mentale. Mon
expérience m’avait montré qu’en milieu hospitalier, lorsqu’ils étudiaient un
cas, les médecins passaient le plus clair de leur temps à discuter du
diagnostic. Puis, lorsque la fin de la réunion approchait, le psychiatre qui
suivait le patient demandait parfois à ses collègues de l’aider à établir un
traitement, mais dans bien des cas les autres continuaient à débattre du
diagnostic, ignorant cette demande.
J’expliquai à la psychiatre que, en CNV, plutôt que de chercher à définir
les défaillances du patient, il importait de se poser d’autres questions :
« Que ressent cette personne ? De quoi a-t-elle besoin ? Quels sentiments
m’inspire-t-elle et quels sont les besoins qui sont à l’origine de mes
sentiments ? Quelle initiative ou quelles décisions pourrait-on proposer à
cette personne de prendre pour que sa vie soit plus heureuse ? » Dans la
mesure où les réponses à ces questions révèlent une grande part de ce que
nous sommes et de nos valeurs, nous nous sentons bien plus vulnérables
que si nous nous contentons de poser un diagnostic sur l’autre.
frenchpdf.com
En une autre occasion, je fus invité à montrer comment on pouvait
enseigner la CNV à des patients chez qui on avait diagnostiqué une
schizophrénie chronique. Devant quelque quatre-vingts psychologues,
psychiatres, travailleurs sociaux et infirmières, on fit venir sur scène quinze
patients dits schizophrènes. Tandis que je me présentais et expliquais
l’objectif de la CNV, l’un des patients fit une remarque qui semblait n’avoir
aucun rapport avec ce que je disais. Sachant qu’il avait été diagnostiqué
schizophrène chronique, je me laissai prendre au raisonnement clinique et
crus que c’était à cause de son état que je ne le comprenais pas. « Vous
semblez avoir du mal à suivre ce que je dis », lui fis-je remarquer.
Mais un autre patient s’interposa aussitôt : « Moi je comprends ce qu’il
dit. » Puis il expliqua en quoi ce qu’avait dit le premier patient était
pertinent dans le contexte de mon introduction. Force était de reconnaître
que l’homme n’avait absolument pas l’esprit confus, mais que c’était moi
qui n’avais tout simplement pas saisi le lien entre nos pensées. Je fus
déconcerté par l’aisance avec laquelle je lui avais attribué la responsabilité
de la rupture de communication. J’aurais aimé avoir répondu à sa remarque
en exprimant simplement ma perplexité : « Je ne comprends pas. J’aimerais
voir le lien entre ce que j’ai dit et votre réaction, mais je n’y arrive pas.
Voudriez-vous m’expliquer en quoi vos paroles ont un lien avec ce que j’ai
dit ? »
À part ce bref retour au raisonnement clinique, la séance avec les patients
se passa bien. Les médecins, impressionnés par les réactions des patients,
me demandèrent si je les considérais comme des sujets exceptionnellement
coopératifs. Je répondis qu’à partir du moment où je m’abstenais de poser
un diagnostic sur les individus, mais restais en contact avec la vie en eux et
en moi, les gens réagissaient en général de façon positive.
Un membre du personnel demanda alors qu’à titre d’expérience
pédagogique on organise une séance similaire avec quelques-uns des
psychologues et psychiatres. Sur ce, les patients cédèrent leur place à
plusieurs volontaires. Lors de ce travail avec les professionnels, j’eus
quelque difficulté à faire comprendre à un psychiatre la différence entre la
frenchpdf.com
compréhension intellectuelle et l’empathie de la CNV. Lorsqu’un membre
du groupe exprimait des sentiments, il expliquait la dynamique
psychologique qui sous-tendait ces sentiments, mais il ne parvenait pas à
exercer l’empathie. À la troisième reprise, l’un des patients, désormais
passé dans le public, explosa : « Vous ne voyez pas que vous
recommencez ? Vous interprétez ce qu’elle dit au lieu de donner de
l’empathie à ses sentiments ! »
En adoptant les méthodes et l’état d’esprit de la CNV, nous pouvons
apporter un soutien aux autres dans des rencontres authentiques, ouvertes et
réciproques, au lieu de faire appel à des relations professionnelles
caractérisées par le diagnostic, le rapport hiérarchique et une prudente mise
à distance de toute émotion.
Résumé
La CNV favorise une nouvelle relation à nous-mêmes en nous aidant à
traduire nos pensées négatives en sentiments et besoins. Notre capacité à
identifier nos propres sentiments et besoins, et à les considérer avec
empathie peut nous affranchir de la dépression. Nous nous rendons alors
compte que, en toutes circonstances, nous avons toujours un choix. En nous
apprenant à nous concentrer sur ce qui nous tient à cœur plutôt que sur nos
défaillances ou celles des autres, la CNV nous donne les moyens et la clarté
nécessaires pour entretenir un état d’esprit plus serein. Enfin, les
professionnels du conseil psychologique ou de la psychothérapie peuvent
également utiliser la CNV pour établir une relation authentique et
réciproque avec leurs patients.
frenchpdf.com
La CNV en pratique
Les ressentiments et les jugements de soi
Une participante à un stage de Communication NonViolente nous a
fait parvenir le témoignage suivant.
frenchpdf.com
IRÈNE : (Oubliant la CNV, elle entend la critique et la remarque
désobligeante.) Tu n’as pas le droit de me dire ça ! Tu
ne me connais pas et tu ne sais pas quel genre de
bibliothécaire je suis ! Je prends mon métier très à cœur
et sache que je me considère comme une pédagogue, au
même titre que n’importe quel enseignant…
MOI : (Me mettant à la place de Lisa, sensibilisée à la CNV et
écoutant avec empathie.) On dirait que tu es en colère
parce que tu voudrais que je sache et que je reconnaisse
ce que tu es vraiment, avant de te critiquer. C’est bien
cela ?
IRÈNE : Exactement ! Tu n’as aucune idée de ce qu’il m’a fallu
surmonter, ne serait-ce que pour m’inscrire à ce raid. Et
pourtant, tu vois, je suis là et je suis allée jusqu’au bout.
J’ai accepté tous les défis pendant ces quatorze jours, et
je les ai tous relevés !
MOI : (Toujours dans la peau de Lisa.) J’entends que tu te
sens blessée et que tu aurais aimé que ton courage et
que tes efforts soient reconnus et appréciés.
frenchpdf.com
ans, en effet, elle avait eu tout le temps de s’en vouloir pour n’avoir
pas eu le réflexe de répondre à Lisa du tac au tac. Elle aborda
d’ailleurs le sujet aussitôt après le déclic :
frenchpdf.com
et se rattrape aussitôt. En commençant par « je », elle
prend la responsabilité des sentiments de Lisa au lieu
de les attribuer à un désir de Lisa. Plutôt que « tu es
agacée parce que je suis ceci ou cela », elle pourrait
dire : « Tu es agacée parce que tu attendais autre chose
de moi. »)
(Reprenant sa phrase.) Bon… Lisa, on dirait que tu es
agacée parce que tu as besoin de… euh… tu voudrais…
frenchpdf.com
14
Exprimer sa reconnaissance
en Communication NonViolente
« Plus on se familiarise avec la gratitude, moins on est victime
des rancœurs, de la dépression et du désespoir. La gratitude fera
l’effet d’un élixir qui dissout peu à peu la carapace de notre ego
– de notre besoin de posséder et de maîtriser – pour faire de nous
des êtres généreux. Le sentiment de gratitude produit une
véritable alchimie spirituelle, nous rend magnanimes – fait de
nous de grandes âmes. »
SAM KEEN
L’intention du remerciement
« Tu as fait un bon travail sur ce rapport. »
« Tu as une grande sensibilité. »
« C’était gentil à toi de me ramener hier soir. »
On utilise souvent ce genre de phrases pour exprimer sa gratitude en
langage coupé de la vie. Le fait que je considère les félicitations et
compliments comme coupés de la vie vous surprendra peut-être. Force est
pourtant de constater que, lorsqu’ils sont formulés de cette façon, ils ne
nous renseignent pas beaucoup sur le vécu de la personne qui s’exprime,
mais la présentent comme quelqu’un qui se pose en juge. Or les jugements
– qu’ils soient favorables ou défavorables – relèvent à mon sens de la
communication aliénante.
frenchpdf.com
Les compliments sont souvent des jugements d’autrui, tout
positifs soient-ils.
frenchpdf.com
Les trois composantes d’un
remerciement
La CNV distingue clairement trois composantes dans l’expression de la
reconnaissance :
L’ordre de ces facteurs peut varier. Il suffit parfois d’un sourire ou d’un
simple « merci » pour manifester simultanément les trois composantes.
Mais si nous voulons nous assurer que notre gratitude a été pleinement
reçue, il vaut la peine d’apprendre à les verbaliser une à une. Le dialogue
suivant montre comment on peut passer d’un compliment à un
remerciement comportant ces trois composantes de la reconnaissance.
frenchpdf.com
JEANNE : Lesquels, par exemple ?
MBR : D’abord, j’aimerais savoir ce qui t’a plu dans ce que j’ai dit ou
fait.
JEANNE : Eh bien, tu es tellement intelligent.
MBR : Je crains que tu ne viennes de porter un autre jugement, mais il
ne me renseigne pas davantage sur les actes ou les paroles qui t’ont fait
du bien.
(Jeanne dut réfléchir un instant, puis me montra deux passages dans les
notes qu’elle avait prises pendant l’atelier.)
JEANNE : Voilà, ce sont ces deux choses que tu as dites.
MBR : Ah, ainsi c’est le fait que j’aie dit ces deux choses que tu
apprécies.
JEANNE : Oui.
MBR : À présent, j’aimerais connaître les sentiments que t’inspirent ces
deux choses.
Jeanne : Je me sens pleine d’espoir et soulagée.
MBR : Et maintenant, j’aimerais savoir quels besoins dans ce que j’ai
dit ont été satisfaits chez toi.
JEANNE : J’ai un fils de dix-huit ans avec qui je n’arrive pas à
communiquer. Je cherchais désespérément quelque chose qui pourrait
m’aider à établir un rapport d’affection plus profond avec lui, et ces
deux choses que tu as dites m’ont fourni l’orientation que je cherchais.
Une fois que j’eus entendu ces trois informations – ce que j’avais fait, ce
qu’elle avait ressenti et quels besoins avaient été satisfaits chez elle –, je fus
en mesure de goûter pleinement ce qu’elle avait apprécié. Si elle avait
d’emblée exprimé sa reconnaissance en CNV, elle aurait pu dire par
exemple : « Marshall, lorsque tu as dit ces deux choses (en me montrant ses
notes), je me suis sentie pleine d’espoir et soulagée car je cherchais un
moyen d’établir un lien avec mon fils et cela m’a donné l’orientation que je
cherchais. »
frenchpdf.com
Recevoir un remerciement
Rares sont ceux qui savent recevoir un remerciement avec simplicité.
Nous nous demandons généralement si nous le méritons, nous craignons
que l’on ne nous demande quelque chose en retour – surtout si nous avons
des enseignants ou des patrons qui recourent au compliment pour stimuler
notre productivité. Ou alors nous nous demandons si à l’avenir nous serons
à la hauteur de ce compliment. Habitués à une culture où acheter, gagner et
mériter sont les modes d’échange classiques, nous sommes souvent mal à
l’aise lorsqu’il s’agit simplement de donner et de recevoir.
La CNV nous invite à recevoir le compliment avec la même qualité
d’empathie qu’en écoutant d’autres messages. Nous reconnaissons ce qui,
dans nos actes, a contribué au bien-être de notre interlocuteur ; nous
entendons ce qu’il ressent et les besoins qui ont été satisfaits. Et nous
savourons avec joie le fait que chacun peut contribuer au bien-être des
autres.
C’est mon ami Nafez Assailey qui m’a appris à recevoir une appréciation
avec simplicité. Nafez faisait partie d’une équipe palestinienne que j’avais
invitée en Suisse pour un séminaire de CNV, à l’époque où, pour des
raisons de sécurité, on ne pouvait pas accueillir dans leur pays d’origine des
groupes mêlant Israéliens et Palestiniens. À la fin du séminaire, Nafez vint
me trouver. « Ce stage nous sera très précieux pour œuvrer pour la paix
dans notre pays, déclara-t-il. Je voudrais te remercier à notre manière. Voilà
comment nous faisons lorsque nous voulons exprimer notre gratitude pour
quelque chose. » Croisant mon pouce avec le sien comme cela se fait dans
la tradition soufie, il me regarda droit dans les yeux et dit : « J’embrasse le
Dieu qui est en toi et te permet de nous donner ce que tu nous as donné. »
Puis il me baisa la main.
Je découvris dans le rituel par lequel Nafez exprimait sa gratitude une
façon différente d’accueillir la reconnaissance de l’autre. En général, nous
adoptons l’une ou l’autre de deux attitudes extrêmes pour recevoir un
remerciement : soit le narcissisme, soit la fausse modestie. Dans le premier
frenchpdf.com
cas, nous nous croyons supérieurs parce que nous avons été appréciés ; dans
le second, nous nions l’importance du remerciement en minimisant ce qui
nous a valu cette reconnaissance : « Oh, ce n’était rien. » Nafez m’a montré
que je pouvais recevoir un remerciement dans la joie, conscient que la vie a
donné à chacun le pouvoir d’apporter quelque chose aux autres. À partir du
moment où je garde à l’esprit que c’est l’énergie de la vie passant à travers
moi qui me donne les moyens d’apporter quelque chose aux autres, je peux
échapper au piège du narcissisme comme à celui de la fausse modestie.
Notre pire crainte n’est pas de ne pas être à la hauteur. Notre pire
crainte est d’être démesurément puissants.
Ce ne sont pas nos zones d’ombre qui nous font le plus peur, mais plutôt
notre lumière. Nous sommes des enfants de la Vie. Quand nous faisons
semblant d’être insignifiants, cela n’apporte rien au monde.
Il n’y a rien de sage à nous diminuer pour que les autres ne se sentent
pas déstabilisés à notre contact.
Nous sommes nés pour laisser la Vie se déployer en nous dans toute sa
splendeur. Elle n’est pas seulement en quelques-uns, elle est en chacun
de nous.
Et lorsque nous laissons rayonner notre propre lumière, nous donnons
inconsciemment aux autres la permission d’en faire autant.
Lorsque nous sommes libérés de notre peur, notre présence
automatiquement libère les autres.
frenchpdf.com
La soif de reconnaissance
Paradoxalement, malgré notre difficulté à recevoir les remerciements,
nous avons presque tous soif d’être véritablement reconnus et appréciés. À
l’occasion d’une fête donnée en mon honneur, un jeune ami de douze ans
proposa d’organiser un jeu pour aider les invités à faire connaissance. Nous
devions rédiger une question, la déposer dans une urne, puis tirer l’un après
l’autre une question et y répondre à voix haute.
J’étais récemment intervenu auprès de diverses entreprises et organismes
de services sociaux, et j’avais été frappé de voir le nombre de gens qui
exprimaient leur soif de reconnaissance au travail. « Quelle que soit la peine
que vous vous donnez, soupiraient-ils, il n’y a jamais un mot de
remerciement de personne. Mais, à la première erreur, il se trouve toujours
quelqu’un pour vous tomber dessus ! » Je rédigeai donc pour notre jeu la
question suivante : « Quelles paroles de reconnaissance pourraient vous
faire bondir de joie ? »
Une femme tira ma question, la lut et fondit en larmes. Elle dirigeait un
foyer pour femmes battues et, mois après mois, consacrait beaucoup
d’énergie à préparer des plannings qui satisfassent autant de monde que
possible. Pourtant, à chaque fois qu’elle présentait son planning, il y avait
toujours au moins deux personnes pour se plaindre. Elle ne se souvenait pas
d’avoir jamais reçu le moindre témoignage de reconnaissance pour les
efforts qu’elle déployait dans le but d’être équitable envers chacun. Tout
cela lui était revenu à l’esprit au moment où elle avait lu ma question, et sa
soif de reconnaissance lui avait mis les larmes aux yeux.
Après avoir entendu l’histoire de cette femme, un autre de mes amis
déclara qu’il souhaitait lui aussi répondre à la question. Puis, tout le monde
voulut en faire autant, et plusieurs personnes se mirent à pleurer pendant
qu’elles répondaient.
frenchpdf.com
Si la soif de reconnaissance – par opposition aux compliments
manipulateurs – est particulièrement évidente sur le lieu de travail, elle
existe également en famille. Un soir, alors que je lui faisais remarquer qu’il
ne s’était pas acquitté d’une de ses tâches, mon fils Brett rétorqua : « Papa,
as-tu remarqué que tu parles souvent de ce qui ne va pas, mais presque
jamais de ce qui va bien ? » Sa réflexion me frappa. Je me rendis compte
que, à force de chercher comment les choses pouvaient être mieux faites,
j’en oubliais de me réjouir de ce qui allait bien. Je venais de terminer un
séminaire avec plus d’une centaine de participants qui, à une exception
près, l’avaient tous jugé excellent. Or, ce que j’avais surtout retenu, c’était
le mécontentement de cette unique personne. Ce soir-là, j’écrivis une
chanson qui commençait de la sorte :
frenchpdf.com
Je fus profondément touché par un passage du livre de John Powell, The
Secret of Staying in Love (« Comment rester amoureux »), où l’auteur dit
combien il était triste de ne pas avoir su, quand son père était encore en vie,
lui exprimer sa reconnaissance. « Quel dommage, me dis-je, de laisser
passer l’occasion de remercier ceux qui ont exercé l’influence la plus
bénéfique qui soit sur notre vie ! »
Je pensai alors immédiatement à l’un de mes oncles, Julius Fox. Quand
j’étais enfant, il venait tous les jours s’occuper de ma grand-mère, qui était
totalement paralysée. Auprès d’elle, il ne se départait jamais de son sourire
tendre et affectueux. Je le voyais parfois effectuer des tâches qui me
semblaient bien ingrates, mais il était toujours plein d’égards et l’on avait
l’impression qu’elle lui faisait la plus grande faveur qui soit en le laissant
s’occuper d’elle. Cela me donna un merveilleux exemple de force
masculine – auquel j’ai souvent fait appel depuis lors.
Or, je me suis rendu compte que je n’avais jamais dit ma reconnaissance
à mon oncle, qui lui-même était désormais malade et proche de la fin.
J’envisageai de le faire, mais je perçus ma propre réticence : « Je suis sûr
qu’il sait déjà ce qu’il représente pour moi, je n’ai pas besoin de le lui dire.
D’ailleurs, mes paroles risqueraient de le gêner. » À peine ces pensées
m’eurent-elles effleuré que je sus qu’elles n’étaient pas vraies. J’avais trop
souvent imaginé que les autres savaient combien je leur étais reconnaissant,
pour ensuite découvrir le contraire. Et même si cela pouvait les mettre dans
l’embarras, ils avaient tout de même envie d’entendre des paroles de
gratitude.
Toujours hésitant, je me dis que les mots ne pouvaient pas faire justice à
la profondeur de ce que je voulais communiquer. Je déjouai rapidement
cette nouvelle parade : certes, les mots sont de bien piètres vecteurs pour
nos réalités les plus profondes, mais, comme je l’ai appris, « tout ce qui
vaut la peine d’être fait vaut la peine d’être fait même médiocrement ».
En fait, je me suis retrouvé quelque temps plus tard assis à côté de l’oncle
Julius lors d’une réunion de famille, et les mots me sont venus
naturellement. Il les accueillit avec joie, sans manifester le moindre
frenchpdf.com
embarras. Cette soirée avait été pour moi très riche d’émotions et, en
rentrant chez moi, je composai un poème et le lui envoyai. On me raconta
par la suite que, pendant les trois semaines qui suivirent et jusqu’à son
dernier souffle, il avait demandé chaque jour qu’on le lui lise.
Résumé
Les compliments convenus prennent souvent la forme de jugements,
aussi favorables soient-ils, et sont parfois prononcés pour influencer le
comportement d’autrui. La CNV invite à faire part de ce qu’on apprécie,
juste pour le plaisir. Nous énonçons 1) l’action qui a contribué à notre bien-
être ; 2) le besoin particulier que nous éprouvions et qui a été satisfait ; et 3)
le sentiment de contentement né de cette satisfaction.
Lorsque nous recevons un remerciement de cette façon, nous pouvons
l’accueillir sans éprouver de sentiment de supériorité et sans fausse
modestie, en nous réjouissant avec la personne qui offre sa reconnaissance.
1. Traduction adaptée.
frenchpdf.com
Épilogue
J’ai un jour demandé à mon oncle Julius comment il avait acquis cette
remarquable capacité de donner avec bienveillance. Ma question sembla le
flatter et, ayant réfléchi un instant, il répondit : « J’ai eu la chance d’avoir
de bons maîtres. » Je voulais savoir qui étaient ces maîtres, et il poursuivit :
« Ta grand-mère est celle qui m’a le plus appris. Elle était déjà malade
quand tu l’as connue, et tu n’as pas su quel genre de femme elle était
vraiment. Est-ce que ta mère t’a déjà raconté comment, lors la grande crise
de 1929, elle avait recueilli chez elle pendant trois ans un tailleur, sa femme
et leurs deux enfants, après qu’il eut perdu sa maison et son commerce ? »
Je me souvenais bien de cette histoire. Elle m’avait beaucoup impressionné
lorsque ma mère me l’avait racontée, car je n’ai jamais compris où grand-
mère avait trouvé la place pour la famille du tailleur, alors qu’elle élevait
neuf enfants dans une maison minuscule !
Oncle Julius évoqua la générosité de ma grand-mère à travers quelques
autres anecdotes, que j’avais toutes entendues dans mon enfance. L’histoire
de l’homme qui se prenait pour Jésus fut le dernier présent que me fit mon
oncle avant de mourir. C’était une histoire vraie. Un jour, un homme frappa
à la porte de ma grand-mère et lui demanda à manger. Cela n’avait rien
d’exceptionnel : ma grand-mère était très pauvre mais, dans le quartier, tout
le monde savait qu’elle offrirait une assiette à quiconque viendrait la lui
demander. L’homme avait une barbe et des cheveux noirs en broussaille.
Ses vêtements étaient élimés et il portait en sautoir une croix faite de bouts
frenchpdf.com
de bois grossièrement taillés et assemblés avec une ficelle. Ma grand-mère
l’invita dans sa cuisine et lui donna une assiette. En le regardant manger,
elle lui demanda son nom :
– Je m’appelle Jésus, répondit-il.
– Vous avez un nom de famille ?
– Je suis Jésus Le Seigneur.
Ma grand-mère comprenait mal l’anglais. Un autre oncle, Isidor, me
raconta plus tard qu’il arriva dans la cuisine pendant que l’homme était à
table, et ma grand-mère le lui avait présenté sous le nom de « M.
Leseigneur ».
Tandis qu’il continuait à manger, ma grand-mère lui demanda où il
habitait.
– Je n’ai pas de maison.
– Où donc allez-vous dormir, ce soir ? Il fait froid, dehors.
– Je ne sais pas.
– Voulez-vous rester ici ? proposa-t-elle.
Et il resta sept ans.
La Communication NonViolente était chez ma grand-mère une seconde
nature. Elle n’avait pas cherché à cataloguer cet homme – auquel cas, elle
se serait probablement dit qu’il était fou et s’en serait débarrassée. Elle
pensait à ce que les gens ressentaient et à ce dont ils avaient besoin, ce qui
revenait à dire : s’ils ont faim, on les nourrit. S’ils n’ont pas de toit, on leur
offre un abri pour la nuit.
Ma grand-mère aimait aussi danser, et ma mère se souvient l’avoir
souvent entendue dire : « Ne marche pas si tu peux danser. »
C’est ainsi que j’achève ce livre en rendant hommage à ma grand-mère,
qui pratiquait la Communication NonViolente sans l’avoir jamais apprise.
frenchpdf.com
Annexes
frenchpdf.com
Quelques besoins fondamentaux
qui nous animent tous
Autonomie
• Choisir nos rêves, nos buts, nos valeurs
• Choisir des stratégies pour concrétiser nos rêves, nos buts, nos valeurs
Célébration
• Célébrer la vie et la réalisation de nos rêves
• Célébrer nos pertes : la perte des êtres proches, la non-réalisation de nos
rêves, etc. (le deuil)
Intégrité
• Authenticité
• Créativité
• Sens
• Estime de soi
Interdépendance
• Acceptation
• Appréciation
• Proximité
• Communauté
• Considération
• Contribution à l’enrichissement de la vie
• Sécurité émotionnelle
frenchpdf.com
• Empathie
• Honnêteté (l’honnêteté qui nous donne le pouvoir d’apprendre par nos
propres limites)
• Amour
• Réassurance
• Respect
• Soutien
• Confiance
• Compréhension
Jeu
• Amusement
• Rire
Communion d’esprit
• Beauté
• Harmonie
• Inspiration
• Ordre
frenchpdf.com
• Paix
frenchpdf.com
Pratiquer le processus de la CNV
J’exprime avec honnêteté J’écoute avec empathie comment
comment je me sens, sans tu te sens, sans entendre de
formuler de reproches ni de reproches ni de critiques
critiques
OBSERVATIONS
SENTIMENTS
BESOINS
frenchpdf.com
« Parce que j’ai besoin sentiments : « Parce que tu as
de/j’accorde de l’importance besoin de/tu accordes de
à… » l’importance à… »
DEMANDES
© Marshall Rosenberg.
frenchpdf.com
Bibliographie
ALINSKY Saul D., Manuel de l’animateur social : une action directe non
violente, Le Seuil, « Points Politique », no 93, Paris, 1978.
BUBER Martin, Je et Tu, Aubier, « Bibliothèque philosophique », Paris,
1992.
ELLIS Albert, L’Approche émotivo-rationnelle, Psychologie CIM, Paris,
1992.
FREIRE Paulo, Pédagogie des opprimés, La Découverte, « Petite collection
Maspero », Paris, 1974 (épuisé).
FROMM Erich, L’Art d’aimer, Desclée de Brouwer, « Hommes et groupes »,
Paris, 1983.
FROMM Erich, Au cœur de l’homme, Payot, « Petite bibliothèque Payot »,
no 68, Paris, 1991*.
GARDNER Herb, Des clowns par milliers. Série de pièces, L’Avant-Scène,
1964.
GENDLIN Eugene T., Au centre de soi : mieux que se comprendre, se
retrouver, Le Jour, Paris, 1983.
GREENBURG Dan et JACOBS Marcia, Le Manuel du parfait masochiste, Le
Seuil, « Point-virgule », no 34, Paris, 1985.
HILLESUM Etty, Une vie bouleversée : 1941-1943, Seuil, Paris, 1995.
HOLT John, S’évader de l’enfance : les besoins et les droits des enfants,
Payot, « Petite bibliothèque Payot », no 285, Paris, 1976*.
HUMPHREYS Christmas, Vivre en bouddhiste, Fayard, Paris, 1974*.
frenchpdf.com
KEEN Sam, Retrouver le sens du sacré : éveil de la spiritualité dans la vie
de tous les jours, J’ai lu, « Aventures secrètes », Paris, 1999.
KORNFIELD Jack, Périls et promesses de la vie spirituelle, Table ronde,
« Les chemins de la sagesse », Paris, 1998.
KUSHNER S. Harold, Pourquoi le malheur frappe ceux qui ne le méritent
pas, Sand Primeur, 1985 (épuisé).
MAGER Robert-Frank, Pour éveiller le désir d’apprendre, Dunod, Paris,
1995*.
MASLOW Abraham Harold, Vers une psychologie de l’Être, Fayard,
« Expérience et psychologie », Paris, 1972.
MCLAUGHLIN Corinne et DAVIDSON Gordon, Les Bâtisseurs de l’aube :
modes de vie communautaires dans un monde en mutation, Souffle d’or,
Findhorn, 1987.
MILGRAM Stanley, Soumission à l’autorité, Calmann-Lévy, « Documents »,
Paris, 1990.
ROGERS Carl Ransom, Liberté pour apprendre ? Dunod, Paris, 1996.
ROGERS Carl Ransom, Le Développement de la personne, Dunod, Paris,
1998.
SHARP, Gene, La Guerre civilisée : la défense par actions civiles, PUG,
Grenoble, 1995*.
STEINER Claude : L’ABC des émotions : développer son intelligence
émotionnelle, InterÉditions, Paris, 1998.
SZASZ Thomas, Idéologie et folie : essais sur la négociation des valeurs
humanistes dans la psychiatrie d’aujourd’hui, PUF, « Perspectives
critiques », Paris, 1976.
TAGORE Rabindranath, Sadhava. Albin Michel, « Spiritualités vivantes
poche », no 6, Paris, 1971.
frenchpdf.com
* Les correspondances entre ouvrage anglais et ouvrage français ne sont
pas avérées.
frenchpdf.com
À propos de l’auteur et du Centre pour
la Communication NonViolente
Marshall B. Rosenberg
Marshall B. Rosenberg, PhD (1934-2015) a fondé le Centre pour la
Communication NonViolente (CNVC), organisation internationale œuvrant
pour la paix, et a occupé pendant de nombreuses années la fonction de
directeur des services pédagogiques du Centre.
Il est l’auteur de quinze ouvrages, dont le best-seller Les Mots sont des
fenêtres (ou bien ce sont des murs) – Introduction à la Communication
NonViolente, vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde et
traduit de l’anglais dans plus de 30 langues à ce jour (d’autres traductions
sont en cours).
M. Rosenberg a reçu de nombreuses distinctions pour son travail en
Communication NonViolente, parmi lesquelles :
2014 : Champion of Forgiveness Award de la Worldwide Forgiveness
Alliance
2006 : Bridge of Peace Nonviolence Award de la Global Village Foundation
2005 : Light of God Expressing in Society Award de l’Association of Unity
Churches
2004 : Religious Science International Golden Works Award
2004 : International Peace Prayer Day Man of Peace Award de la Healthy,
Happy Holy (3HO) Organization
2002 : Princess Anne of England and Chief of Police Restorative Justice
Appreciation Award
2000 : International Listening Association Listener of the Year Award
frenchpdf.com
M. Rosenberg a développé le processus de la CNV dans les années 1960,
dans le cadre de projets d’intégration scolaire financés par l’État fédéral
américain ; sa tâche consistait alors à donner des séances de formation en
médiation et en communication. Le Centre pour la Communication
NonViolente, qu’il a fondé en 1984, s’appuie aujourd’hui sur des centaines
de formateurs certifiés et de transmetteurs qui enseignent la CNV dans plus
de soixante pays à travers le monde.
Orateur très sollicité, homme de paix et leader visionnaire, M. Rosenberg
a formé des dizaines de milliers de personnes lors d’ateliers et de
séminaires internationaux de formation intensive en CNV dans plus de 60
pays du monde.
Il a également dispensé des formations et mis en place des programmes
en faveur de la paix dans de nombreuses régions en proie à la guerre, parmi
lesquelles le Nigeria, la Sierra Leone et le Moyen-Orient. Il a travaillé sans
relâche avec des éducateurs, des dirigeants d’entreprise, des professionnels
de la santé, des juristes, des militaires, des responsables de la police et du
monde carcéral, des hauts fonctionnaires et des familles. Avec sa guitare,
ses marionnettes et une énergie spirituelle qui remplissait des salles
entières, Marshall nous a montré comment créer un monde plus pacifique et
plus accueillant.
frenchpdf.com
la Communication NonViolenteSM (CNV), qui renforce la capacité des
personnes à se connecter à elles-mêmes et aux autres avec compassion, à
partager leurs ressources et à résoudre les conflits dans la paix.
Le CCNV a pour vocation de contribuer à ce que nous interagissions
avec compassion en honorant nos besoins universels d’autonomie, de
célébration, d’intégrité, d’interdépendance, de nourriture physique, de jeu et
de communion d’esprit. Nous sommes déterminés à fonctionner, à tous les
niveaux de notre organisation et dans toutes nos interactions, en harmonie
avec le processus que nous enseignons, en agissant par consensus, en
utilisant la CNV pour résoudre les conflits et en formant notre personnel à
la CNV. Nous nous associons souvent à d’autres organisations dans le but
d’œuvrer pour la paix, la justice et l’équilibre écologique dans le monde.
frenchpdf.com
D’où vient la CNV – Marshall B.
Rosenberg a commencé à mettre au
point le processus de la CNV en 1963 et
n’a cessé de l’affiner jusqu’à la fin de sa
vie. Ayant fait très jeune l’expérience de
la violence, Marshall a été animé d’un
vif désir de comprendre ce qui suscitait
la violence entre les gens et d’explorer le type de langage, de pensée et de
communication qui pourrait apporter une alternative pacifique à la violence
qu’il rencontrait. Son intérêt l’a conduit à l’université, où il a obtenu un
doctorat en psychologie clinique. Il a d’abord mis la CNV au service de
communautés qui travaillaient dans le but d’intégrer de manière pacifique
des écoles et d’autres institutions publiques dans les années 1960. Le travail
consacré à ces projets dans différentes villes des États-Unis a mis Marshall
Rosenberg en contact avec des personnes qui souhaitaient faire largement
connaître son enseignement dans leur communauté. Dans le but de répondre
à ce besoin et de diffuser plus efficacement le processus de la CNV, il a créé
en 1984 le Centre pour la Communication NonViolente et a élaboré depuis
de nombreux outils pédagogiques, dont les deux ouvrages Les mots sont des
fenêtres (ou bien ce sont des murs). Introduction à la Communication
NonViolente (3e édition) et Une éducation au service de la vie2, disponibles
dans le commerce.
Depuis de nombreuses années, le Centre pour la Communication
NonViolente contribue à une transformation sociale de grande ampleur dans
nos pensées, nos paroles et nos actes, montrant aux gens comment entrer en
relation par des moyens qui inspirent des relations bienveillantes. Plus de
cent formateurs certifiés dispensent à présent une formation à la CNV à
travers le monde, avec le soutien de centaines de bénévoles dévoués qui
aident à l’organisation de séminaires, participent à des groupes de pratique
et coordonnent la formation d’équipes. La formation contribue à prévenir et
à résoudre les conflits dans les écoles, les entreprises, les centres de soins de
santé, les prisons, les associations de quartier et les familles. Marshall
frenchpdf.com
Rosenberg et son équipe ont introduit la CNV dans des régions déchirées
par la guerre, comme la Sierra Leone, le Sri Lanka, le Rwanda, le Burundi,
la Bosnie et la Serbie, la Colombie et le Proche-Orient.
Nous cherchons à recueillir des fonds au profit de projets menés dans le
monde entier, et notamment en Amérique du Nord, en Amérique latine, en
Amérique du Sud, en Europe, en Afrique, en Asie du Sud, au Brésil et au
Proche-Orient. Le CCNV a obtenu de certaines fondations des subventions
qui l’ont aidé à lancer des projets de formation novateurs en vue de créer
des outils destinés aux enseignants et aux projets mettant l’accent sur la
parentalité, le changement social et le travail en milieu carcéral dans
diverses régions du monde. Nous travaillons en synergie avec d’autres
organisations dont les objectifs concordent avec les nôtres. N’hésitez pas à
visiter le site web du CCNV pour trouver des informations sur ces projets,
la liste des sites web régionaux, ainsi que d’autres outils disponibles pour
apprendre la CNV. Toute contribution de votre part à ces efforts sera
grandement appréciée.
Sur le site Internet du CCNV figurent également la liste des formateurs
certifiés du Centre, ainsi que leurs coordonnées. Cette liste est actualisée
tous les mois. Le site web contient également des informations sur les
formations parrainées par le CCNV, de même que des liens vers des sites
web régionaux affiliés au Centre. Le CCNV vous invite à envisager de
dispenser une formation à la CNV dans votre entreprise, votre école, votre
église ou votre association de quartier. Pour obtenir des informations à jour
sur les formations prévues dans votre région, ou si vous souhaitez organiser
des formations à la CNV, figurer sur la liste de diffusion du CCNV ou
soutenir nos efforts pour créer un monde plus pacifique, n’hésitez pas à
prendre contact avec le CCNV.
Pour plus d’informations sur le Centre pour la Communication
NonViolente (Center for Nonviolent Communication), sur Marshall
Rosenberg ou sur la Communication NonViolente :
frenchpdf.com
9301 Indian Rd., N.E., Suite 204,
Albuquerque, NM87112-2861
Tél. : (uniquement États-Unis) : (+1) 80 02 55 76 96
Email : [email protected]
Sites Internet américains : http://www.cnvc.org
http://www.NonviolentCommunication.com
Site Internet européen : http://www.nvc-europe.org
frenchpdf.com
En France
Association Communication NonViolente
13 bis, boulevard Saint-Martin
75003 Paris
Tél. : 01 48 04 98 07 Fax : 01 42 72 01 31
E-mail : [email protected]
Site Internet : cnvf.free.fr
En Suisse
Association des formateurs en Communication NonViolente
6, rue de la Goutte-d’Or
CH-2014 Bôle
Tél./Fax : + 41 32 842 30 20
E-mail : [email protected]
En Belgique
Concertation pour la Communication NonViolente
c/o Université de Paix
Boulevard du Nord 4
B-5000 Namur
Tél. : + 32 27 82 10 13
E-mail : [email protected]
frenchpdf.com
The Center for Nonviolent Communication
Postfach 232
CH-4418 Reigoldswil
Fax +41 61 941 20 79
E-mail : [email protected]
frenchpdf.com
Témoignages
« Parce que je crois que seule une véritable compréhension mutuelle peut
soutenir la paix, je suis profondément reconnaissante que les moyens d’une
telle compréhension soient rendus accessibles par la CNV. En effet, chacun
d’entre nous, jeune ou vieux, a un rôle indispensable à jouer dans le
maintien de la paix. »
Lucy Leu, membre du conseil d’administration du
Centre pour
la Communication NonViolente, Seattle, Washington
frenchpdf.com
« À de multiples reprises, nous avons vécu des moments dramatiques –
moments de peur et de panique, d’incompréhension, de frustrations, de
déception et d’injustices de toutes sortes –, sans espoir d’en sortir, ce qui
aggravait notre souffrance. Ceux qui ont suivi la formation donnée par
Marshall Rosenberg sont vraiment désireux d’adopter la Communication
NonViolente comme un choix pacifique, afin de mettre fin à ce conflit
interminable au Rwanda. »
Théodore Nyilidandi, ministère des Affaires
étrangères, Kigali, Rwanda
« La CNV nous aide dans notre vie quotidienne avec notre famille, nos
amis et nos opposants, dans les moments de colère, de tension et de
conflit. Après la formation en CNV, le groupe palestinien a formé un comité
pour la Communication NonViolente. Nous travaillons à introduire les
principes pragmatiques du modèle dans la vie locale. »
Nafez Assailey, coordinateur
pour la CNV, Autorité palestinienne
« Aux ateliers de CNV dans mon pays, nous avons appris beaucoup plus
que des techniques de communication. Nous avons appris d’expérience
directe que chaque échange est une occasion de bonheur, une occasion
d’enrichissement mutuel. Récemment, un projet éducatif de CNV a touché
treize mille enfants de cinq à seize ans, leur enseignant à résoudre sans
frenchpdf.com
violence les malentendus et les conflits. Tous les participants à ce projet,
jeunes et vieux, disent que la CNV a été pour eux un apport positif dans
leur vie. »
Nada Ignatovic-Savic,
professeur d’université, Belgrade, Serbie
« De tout mon cœur, j’aurais aimé que cette approche fût enseignée à la
génération d’élèves précédente. Je suis certain que cela leur aurait donné
d’autres moyens que la violence de résoudre leurs divergences. »
Un enseignant, Belgrade, Serbie
« C’est bien dommage qu’il n’y ait pas plus de gens qui veuillent apprendre
à communiquer avec bienveillance. Il me semble maintenant évident que la
rhétorique et les accusations ne résolvent rien. J’aimerais travailler cela
avec d’autres, commencer par apprendre autant que je peux, puis faire
connaître [la CNV] dans les prisons. Pour faire cesser la criminalité, il faut,
entre autres, montrer aux prisonniers une nouvelle manière d’entrer en
relation avec les autres. J’espère que vous allez continuer votre bon travail.
Sachez que vous avez touché un prisonnier.
D.W, détenu dans une prison
du Missouri
Souhaitez-vous avoir un accès
illimité aux livres gratuits en
ligne ?
Désirez- vous les télécharger
et les ajouter à votre
bibliothèque ?
French .com
À votre service!