Penser La Crise Avec Emmanuel MOUNIER

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AVEC EMMANUEL MOUuNIER, REINVENTER L’AFRICANITE Jacques NANEMA Avant propos Je voudrais tout d’abord exprimer ma profonde gratitude aux organi- sateurs de cette rencontre qui n’ont ménagé aucun effort pour qu’elle puisse se tenir, rassemblant des personnes de plusieurs horizons, malgré les graves turbulences sociopolitiques que traverse la France depuis quelque temps. Permettez-moi de transmettre 4 cette fraternelle et chaleureuse assem- blée, les salutations des gens de chez moi, en particulier celles de Jean Paul Sagadou, président-fondateur de l’Association des amis d’Emmanuel Mounier du Burkina Faso, avec qui depuis quelques années, nous essayons de goiter et de faire gotiter principalement aux jeunes et jeunes adultes, la pensée et la vie de celui qui, parmi les philosophes, vint 4 la rencontre des Africains et de l’Afrique noire en 1947, C’est a son invitation de prendre part a la fondation de l'association des amis d’Emmanuel Mounier, en tant que conseiller technique universitaire, que j’ai décidé d’intégrer l’association et d’engager au niveau de l’enseignement supérieur au Burkina Faso, une dynamique de formation des étudiants et futurs enseignants a la découverte et 4 la lecture critique des textes de Mounier. Le témoignage que je souhaite faire aujourd’hui a propos de l’intérét de la pensée et de la vie de Mounier pour nous autres Africains, consistera moins a gloser sur ce qui s’est imposé depuis 2008 comme un déterminant majeur de notre histoire, et qui se désigne plus que jamais en termes absolus « la Crise » dans un monde lui-méme embarqué dans un mercantilisme se globalisant, qu’a montrer comment la pensée et la vie de Mounier sont appréciées comme une véritable nourriture 4 la fois intellectuelle et morale favorisant le changement, en quelque sorte une renaissance. Pour ce. qui concerne la crise (financiére, économique et finalement morale, car liée au sort de notre liberté, au devenir de notre humanité) qui a installé dans 117 Jacques NANEMA le langage populaire l’expression « vie chére », permettez simplement que j’évoque ici a titre d’ingrédients supplémentaires de la crise telle quelle s’est manifestée chez nous : 1. Le retour forcé de beaucoup de nos compatriotes partis chercher fortune en République de Céte d'Ivoire voisine, suite aux tribulations connues par ce pays voisin cette derniére décennie; 2. La terrible et exceptionnelle inondation survenue le 1* septembre 2009 qui s’est tragiquement rajoutée aux habituelles variations, incertitudes de la pluviométrie sur le rendement de la production rurale (agriculture, Alevage, etc.) encore artisanale et impuissante 4 nourrir A suffisance le pays; 3. L’augmentation significative du nombre d’enfants de la rue et le déve- loppement considérable de la mendicité (incluant celle des étudiant[e]s) aprés la gréve violemment réprimée qui a conduit 4 la fermeture de la cité universitaire ; ‘ 4. La dépendance chronique de notre pays vis-a-vis de l'aide au développe- ment. Toute cette situation critique se retrouve comme par bonheur, résumée dans une manifestation artistique, musicale qui a franchi ces derniéres années, les frontiéres du Burkina Faso!. A défaut de vous faire écouter la fameuse chanson réalisée en octobre 2008 par un rassemblement d’artistes burkinabé appelé « Génération partage », je souligne ici les grandes idées exprimées. Notons au passage que dans notre pays, les artistes évoluent habituellement dans une logique de compétition inter et intragénérationnelles, alors que Ia, ils se sont mis ensemble et portent bien le nom du groupe inscrit sous I’étoile du partage et de l’optimisme pour un monde plus solidaire. Le titre de la chanson que chacun peut retrouver sur « YouTube » est le suivant : « on veut s’aimer ». II s’agit d’une chanson contre la vie chére, contre laxénophobie, les divisions sociales et politiques, contre les fractures sociales, en faveur de Punité par-dela les oppositions politiques. Il y est dénoncé le fait que, face a la vie chére qui s'est installée au pays, augmentant les prix des denrées de premiére nécessité, le cotit du carburant, des médicaments, de 1. Méme si le Burkina Faso, pays indépendant depuis 1960, mais dont on doit dire, malgré certaines prouesses réalisées ces dernigres décennies (Fespaco, Siao, Tour cycliste du Faso, Semaine nationale de la culture, amélioration sensible du climat politique démocra- tique, médiation dans les crises sociopolitiques de la sous-région) qu'il reste encore un pays pauvre, avait été présenté comme ne risquant pas de subir frontalement la crise financiére, car peu lié aux grands flux commerciaux internationaux, a connu des convul- sions sociopolitiques liées aux conséquences de la crise ce 2008, L’année 2008 fut année de la hausse des prix des denrées de premiere nécessité, des produits pétroliers, des ‘manifestations sociales dans les plus grandes villes, des gréves d’étudiants, de leur répres- sion et des tentatives politiques de résoudre le probléme de la vie chére. Le Burkina ne fut donc pas a l'abri de ce qu’on a pu appeler une crise atlantique, donc non mondiale, car aprés tout, il faut reconnaitre avec Martin Heidegger que notre pays est concerné par le « devenir monde de loccident » ou le « devenir occidental du monde », sans oublier que notre monnaie est, pour le meilleur et pour le pire, arrimé 4 l'euro. Quand l'euro et sa zone toussent, comment le franc GFA et I’Afrique de l’ouest pourraient se porter bien? 118 Avec EMMANUEL MOUNIER, REINVENTER L’AFRICANITE la scolarité, et méme des capotes... dans un pays qui s’est fortement engagé dans la prévention contre le sida, la société semble ne se déranger que lorsque le prix de Ja biére augmente... Les artistes dénoncent la perversion d'un systéme social, politique qui divise... la déliquescence actuelle du lien social mis en danger par la précarité accrue ces derniéres années, par une paupérisation des populations rurales et urbaines... mais ils prennent le soin de prévenir, comme dans un réflexe de peur d’une éventuelle répression politique, qu’ils ne font pas de politique, mais seulement de la musique, quils ne font que pratiquer leur art... Il reste a savoir si l’artiste est par nature imperméable aux questions politiques, si un art peut n’étre pas engagé... Mounier ne confondait pas engagement et militantisme, embrigadement. Face a la condition qui est la nétre en Afrique de maniére globale, et au Burkina de maniére particuliére, quel sens ont et peuvent avoir la pensée et la vie du philosophe francats, Emmanuel Mounier? En quoi Mounier et son expérience de la vie peuventils, en ces temps sombres ott la désespé- rance s'impose comme une fatalité, nous accompagner aujourd'hui pour en quelque sorte ré-inventer l’africanité, refaire 4 nouveaux frais la renaissance, africaine et universelle? Mounier et nous : un compagnonnage édifiant « Ce n’est pas en se grisant de forces vagues et d’actes Gloquents ou en se soumettant aux tyrannies intérieures et collectives que "homme se sauvera [...]. C’est en se situant personnellement et collectivement, dans un univers réhabilité et en s'engageant, par la décision libre d’une personne rénovée, dans des gestes responsables, sous une lumiére unifiante?, » J'ai commencé 4 enseigner la philosophie de Mounier en I’an 2000, aussi bien 4 l’université de Ouagadougou (cours de niveau DEUG 1, philosophie) dans le cadre d'un cours obligatoire de 50 heures sur les grands courants de la pensée contemporaine : phénoménologie, marxisme, freudisme, existentialisme, personnalisme. Ce cours s’adresse 4 une cinquantaine d’étu- diants dont I'age moyen est de 19 ans, garcons et filles confondus. Il faut le mentionner, on voit encore trés peu de filles au département de philoso- phie, mais cela ne veut pas dire qu’elles y réussissent moins que les garcons, bien au contraire. Ce que je peux retenir de cette expérience, c’est que Mounier intéresse les étudiants de philosophie par deux dimensions de son propos : — D'abord par son intérét pour la personne en ce qu’elle prend des distances d’avec l’individu et l'idéologie bourgeoise de l’individu, et en ce qu’elle met en ceuvre a la fois l’essentialité de la relation avec l’autre, 2. Mounier E., « Pour une technique des moyens spirituels », Révolution personnaliste et communautaire, t. 1, p. 320. wo: Jacques NANEMA lenracinement dans une communauté 4 la fois locale et venir, universelle. La pensée de Mounier résonne au diapason de certains proverbes de chez nous qui interpellent fortement ceux qui parlent la langue (le mooré) dans laquelle s’énonce le proverbe : ned la a to tiim... c'est la personne qui est le reméde de l’autre personne... en d’autres termes, aucun médicament ne vaut la relation humaine, la relation de personne 4 personne. Il faut croire que, méme empétrés dans leurs difficultés quotidiennes (difficultés liées a l’insuffisance en matiére d’infrastructures universitaires, d’équipements documentaires, de supports pédagogiques, mais aussi difficulté 4 pouvoir se nourrir correctement pour étre en mesure d’apprendre en toute sérénité), certains étudiants du Burkina révent aujourd'hui plus que jamais, d’un monde fait de partage, de solidarité, d’humanisme et non d’individualisme et d’ignorance réciproque entre les personnes, les cultures, les peuples. — Ensuite, par son refus de faire de la philosophie un exercice purement spéculatif, théorique, une activité intellectuelle plus soucieuse de la connais- sance que de I’existence concréte des hommes aux prises avec les réalités quotidiennes, politiques, historiques. Sans doute les étudiants sont-ils du fait de leur jeunesse, sensibles au caractére iconoclaste du penseur, en ce qu'il engage contre ses devanciers, un véritable débat sur ce que penser veut dire, sur la nécessité d’affronter notre condition humaine, en tant qu’ac- teurs concernés et non en tant que contemplatifs, spectateurs peu soucieux d’influer sur le cours des choses. Je ne crois pas qu’il faille s’inquiéter outre mesure de la raison principale de l’intérét des étudiants pour sa pensée, il ne s’agit pas d’un rejet de la tache de penser dont l’actualité du monde nous prouve la fécondité, de la nécessité du décollage conceptuel, mais d’une certaine maniére de penser qui se détourne des préoccupations concrétes de l’existence. Mounier se montre dans son ceuvre et tout au long de sa bréve existence, contre la loi du fait accompli, contre ce qu’il appela avec justesse le désordre établi. Mounier n’est pas un philosophe comme les autres, son propos est de ramener la philosophie du cercle des joutes universitaires vers la vie réelle dans ses tribulations quotidiennes, mais aussi sur les sentiers de la recherche tenace du sens 4 travers des événements qui sont « notre maitre intérieur ». Sur ce point, on doit reconnaitre que Mounier est plus proche de Nietzsche qu’on pourrait le croire, tant ils se sont appliqués tous deux & tourner en dérision la dérive « cogitale » de l’activité philosophique. La dérive cogitale signifie effectivement ce qu’on pourrait appeler l’oubli de la vie et de la personne dans son épaisseur sociale, historique par les grands penseurs, au profit d’une philosophie de la pure représentation. « Je ne suis pas un cogito léger et souverain dans le ciel des idées, mais cet étre lourd [...] je suis un moi-ici-maintenant [...] un moi-ici-maintenant- comme ca-parmi ces hommes avec ce pass 3. Mounter Emmanuel, uvres, t. II : 1944-1950, Paris, Le Seuil, 1961-1962, p. 192. 120 vic EMMANUEL MOUNIER, REINVENTER L’AFRICANITE Mounier peut a juste titre, étre considéré comme un philosophe a part, en raison du soin qu’il prend a se démarquer de ses vis-2-vis, de ses prédé- cesseurs dans la grande aventure de la raison. Il avoue franchement avoir tourné le dos a la maniére classique de philosopher, 4 la tradition de ratio- nalité qui est pour lui marquée par l’idéalisme, une certaine complaisance dans V’abstraction, les vues de l’esprit, et pire encore, il dit rompre d’avec la captation universitaire de cette tradition qui en a fait un tréne au service d’un pouvoir intellectuel arrogant face a la vie concréte. La pensée philoso- phique ne doit pas s'enfermer dans la tour d’ivoire universitaire mais plutét s’ouvrir la vie, au monde, a !’histoire, aux hommes, et servir la promotion des personnes en tant que centre de gravité de leur vocation spirituelle. Fautil le rappeler, aprés Nietzsche, Mounier se démarque lui aussi de la rumination universitaire en matiére de philosophie; il tourne le dos aux boutiquiers de la pensée et ailtres « distributeurs » d’idées philosophiques que sont beaucoup d’enseignants de philosophie en Afrique (répétiteurs de leurs maitres 4 penser surtout au moment ou I’accés personnel aux documents leur devient difficile). Avant d’étre un philosophe du départ (Vouverture 4 l'autre et 4 la transcendance dispose au départ), Mounier est d’abord un philosophe du retour (vers notre condition premiére, vers notre enracinement dans I’environnement social, culturel, politique, histo- rique), dans la mesure o¥ cet environnement nous place au coeur de nos responsabilités vis-a-vis de nous-mémes, vis-a-vis des autres et vis-a-vis de Vhistoire 4 habiter et batir. Mais, naturellement, l’enracinement ne signi- fie jamais enlisement comme l’engagement ne signifia jamais embrigade- ment. II n’y a de transcendance, de vocation possible que pour des étres d’abord enracinés. En cela Mounier doit étre reconnu comme un penseur en dialogue permanent avec l’histoire de la philosophie, avec les grandes figures de la philosophie (en particulier le souci husserlien de panser et de compenser la rupture consacrée entre le monde de la vie et celui de la pensée, et dans le prolongement de la phénoménologie husserlienne, le souci sartrien de sortir la conscience* d’une certaine moiteur pour la situer dans le monde, dans la vie, dans l’histoire...). Mounier est de la trempe des grands philosophes tels que Nietzsche, dont le souci majeur était de réconcilier "homme avec sa condition réelle, le contexte social, historique dans lequel il vit et évolue. ~0« Ge qui me guide sous le prétexte du probléme historique, c’est le souci d'une philosophie humaine contre tous les abstracteurs de quintessence orgueilleuse et vide, de quelque cété qu’il soit de la barricade (car c'est 1a une question de méthode, non de doctrine)’. » 4. Voir la réflexion sartrienne dans le prolongement de la théorie husserlienne de Vintentionnalité. 5. Mounier et sa génération, Lettres, carnets et inédits, Parole et silence, 2000, p. 23. 121 Jacques NANEMA Jai également enseigné Mounier a VEcole normale supérieure de Koudougou jusqu’en 2008. Cette école regroupe aussi bien les éléves-profes- seurs des lycées et colléges que les éléves-inspecteurs de l’enseignement primaire et secondaire. Le cours dispensé 4 ce public porte essentiellement sur l'éducation selon Mounier. Les professionnels de l'éducation formés 4 V’école normale supérieure ont toujours été moins sensibles que les étudiants de l’université de Ouagadougou, 4 la rupture de ton et de méthode que Mounier a opérée vis-4-vis de la tradition philosophique. Sans doute parce qu’admis 4 l’école normale supérieure, ils pensent plus a la pratique de Péducation, a la pédagogie qu’aux joutes intellectuelles. Mais en matiére d’éducation, ce que pense Mounier ne va pas forcément dans le sens des représentations socioculturelles burkinabé de I’enfant et de son éducation, de la vision coercitive de l'éducation qui bien souvent repose sur une volonté du groupe Social d’intégrer, de domestiquer le nouvel arrivant au monde, de se servir de lui pour perpétuer son régne, et non sur la volonté de promouvoir son autonomie, sa liberté, son épanouissement personnel, sa réalisation en tant que personne libre, consciente, respon- sable. Cette tendance de |’éducation traditionnelle que I’on retrouve dans Pessentiel des groupes ethniques au Burkina Faso (pour qui la souffrance et la capacité a l’endurer sont des vertus éminemment pédagogiques) se trouve dans la ligne pédagogique empruntée par |’école dans notre pays dés ses origines coloniales (sans doute parce que I’école du colonisateur a été pendant longtemps aussi un lieu de punition, de contrainte, de violence formative, de lutte contre le mal, l’ignorance, la bétise... par une culture pas toujours questionnée de la docilité... Ce dernier point achéve de nous montrer que l'éducation traditionnelle dans les groupes ethniques a des résonnances aussi bien avec ]’école coloniale africaine, et la vision religieuse qui, a défaut de la soutenir, I’a préparée et justifiée. Le propos de Mounier sur l’enfant est tout au contraire révolutionnaire, il force l’attention, le questionnement, l’auto-questionnement des éducateurs. Chacun sait 4 quel point Mounier, tout en reconnaissant l’insertion de l’enfant dans une collectivité nécessaire (il n’est pas un sujet pur et isolé) a voulu soustraire l'enfant a toute violence adulte, qu’elle soit familiale, sociale, culturelle ou religieuse (ecclésiale) : « Par définition, une personne se suscite par appel, elle ne se fabrique pas par dressage, L’éducation ne peut donc avoir pour fin de fagonner l’enfant au conformisme d’un milieu familial, social ou étatique, ni se restreindre a l'adapter a la fonction ou au réle qu’adulte, il jouera, La transcendance de la personne implique que Ja personne n’appartient a personne d’autre qu’a elle-méme : |’enfant est sujet, il n'est ni Res Societatis, ni Res Familiae, ni Res Ecclesiae®. » 6. Le personnatisme, chap. vi sur « l’éminente dignité », Paris, PUF, coll. « Que saisje? ». 122 Avec EMMANUEL MOUNIER, REINVENTER L’AFRICANITE De toute évidence, une telle vision de l’enfant et de son éducation comme libération de toute entrave imposée, rame 4 contre-courant de la dépendance souvent recherchée, cultivée dans le processus éducatif par nos sociétés traditionnelles dans lesquelles le monde des adultes exerce une action unilatérale non questionnée sur les enfants. Les éléves-professeurs et les éléves-encadreurs du systéme éducatif burkinabé, en travaillant par petits groupes de plusieurs disciplines, origines ethniques, culturelles et religieuses, trouvent une opportunité pour ne pas dire une chance de revenir sur des pratiques ancestrales, traditionnelles d’éducation qui sortent dés lors du statut de tabou pour devenir de la matiére 4 pensée, avec une influence appréciable sur les comportements. Il n’est jamais sir que les changements soient immédiatement visibles ou méme possibles, mais il se développe une dynamique réflexive (dont Mounier déplorait la faiblesse) par laquelle, on peut étre stir que les vieux schémas éducatifs commencent leur essouffle- ment pour faire place a |’obligation de réinventer 4 nouveaux frais l’éduca- tion chez nous, I’africanité. Mounier n’a eu de cesse de stigmatiser ce qu’il appela le « danger des sociétés closes et des mythes communautaires rayon trop étroit” ». Toute politique ou idéologie du rétrécissement de 1’échelle universelle de la condition humaine n’est ni plus ni moins qu’une violence contre la personne et un plein épanouissement communautaire et spirituel. « Certains font un premier pas sur les chemins qui unissent, [...] l’indivi- duel au collectif, Mais la croissance trop rapide des espaces collectifs les effrayant [...], tout en parlant de réveil communautaire, ils réduisent l’affir- mation personnaliste a la défense de l’esprit de canton. Ils partent de l’idée, juste au plan des rapports interpersonnels, que l’'unité humaine normale est le petit groupe d’hommes... Il semble que certains réfugient dans la mystique du petit groupe une sorte de peur de vivre, de frilosité sociale. Ils la tournent alors en une critique anachronique et réactionnaire de toutes les unités plus vastes, comme s’ils craignaient la grande aventure humaine, et cherchaient s’en abriter dans des refuges domestiques®. » Le groupe ethnique n’est pas la vocation de la personne, pas plus que la domestication de la personne n’est la finalité de l'éducation. Il n’y a de communauté véritable que consentie, voulue, réalisée par des personnes libres et responsables. Le personnalisme est faut-l le rappeler, « le meilleur exorcisme contre le démon de la pureté? ». 7. Guores, t. Ml, p. 241. 8. Ibid,, p. 240. 9. Ibid, p. 307. 123 JACQUES NANEMA Avec Mounier, réinventer Pafricanité «Je pense, au surplus, qu’il peut étre mauvais de fixer 4 Dakar les premiers étudiants de ce pays. Plus on sortira ’Africain d’Afrique, plus on le mélera a Ia France et aux Francais, plus on lui donnera le sentiment dune formation identique a celle de métropolitains, plus il se débarrassera des complexes qui Pencombrent encore, moins il risquera de s’enfermer dans un particularisme inrité qui ne régle aucun probléme”, » Ce que nous retenons de ce formidable opuscule que Mounier" nous a laissé et qu’avec la bienveillance des Presses de la Renaissance et de I’asso- ciation des Amis d’Emmanuel Mounier, Jean Paul Sagadou et moi avons introduit, aussi bien pour les Africains que pour les Européens qui étaient aussi les interlocuteurs pour ne pas dire les destinataires des notes de voyage, c’est que la relation entre Mounier et I’Afrique évite deux types d’écueils et renvoie dos a dos deux types d’attitudes dangereuses : — le « trop de distance » arrogance, le mépris colonial que Mounier a vu et dénoncé chez les Blancs 4 Dakar, dans la rue ou dans les services publics... ; — le « pas assez de distance », I’empathie, l’excés de sympathie, la condescendance du colon repentant, Ja complaisance du philanth- rope qui instaurent la confusion (celle qui aplatit la relation dans une solidarité qui est obtenue par des raccourcis, qui refuse l’épreuve de la patience qu’exige toute découverte de soi et/ou de I’autre) ou celle du tiers-mondiste (souvent effet d’une trop grande haine contre I’Occident). Cette relation s’inscrit dans une distance raisonnable, dans ce minimum de distance qu’est la lucidité (la conscience critique) dont seuls les amis critiques s’honorent, qui permet non seulement de toucher du doigt la réalité problématique de I’ Afrique (castrée et déboussolée), de se mettre 4 l’écoute des personnes a la recherche d’une vie meilleure, d’apprendre par l’expérience vivante, mais encore de réfléchir, de penser la relation (c’est- a-dire, la hisser au niveau oi elle permet d’entrevoir une finalité commune pour l’humanité) au lieu de se contenter de la vivre dans l’immédiateté, pour mieux la vivre, dans une réciprocité tendue vers une communauté de destin qui est I"humanité a inventer, a réaliser dans la méme barque, dans la méme mer, vers la méme terre, c’est-4-dire la méme vocation universelle. Pour autant qu’on puisse parler de legon de vie dans le cas d’un visiteur qui n’avait nullement le souci de s'imposer A ses hétes, on peut dire que Je personnalisme de Mounier tient 4 l’idée qu’une relation a certes de la valeur, mais qu’elle en a encore plus quand elle promeut effectivement en quelque facon les partenaires, aidantI’un et l'autre 4 dépasser chacun pour 10. Ibid, p. 307. 11. L ¥oeil de VAfrique noire, Patis, Presses de la Renaissance, 2007. 124 Avec EMMANUEL MOUNIER, REINVENTER L’AFRICANITE soi et chacun pour l’autre leur propre particularité, pour aller en synergie Ala conquéte d’un horizon sans cesse fuyant de signification commune : « VoilA mes voeux. Je sais que ce sont nos voeux communs. A ceux qui nous lisent, mon cher Alioune, nous les disons & deux voix. Je voudrais que votre voix soit plus forte que la mienne, car elle portera mieux. Mais il faut que nous soyons deux a dire ensemble ces choses : ne sommes-nous pas sur le méme bateau, secoué des vents,... tendus vers un seul espoir commun aux hommes de toute peau"? » On ne peut, en lisant Mounier, ignorer sa perspicacité, son attention 4 des fardeaux silencieux qui pésent sur nos vies quotidiennes et qui, méme s’ils sont le lieu de valeurs (familiales, sociales, culturelles), n’en demeurent pas moins, de la matiére 4 penser pour que la vie communautaire s’améliore. Mounier fait preuve d'une grahde attention : « Chaque Africain traine ainsi aprés soi une grappe imprécise de parents, de protégés, de pensionnaires, d’hétes, qu'il entretient pour quelques jours, ou pour la vie, selon un code de devoirs réglés et traditionnels, dont le premier est de beaucoup palabrer avec chacun d’eux"®, » Il met ainsi Je doigt sur une des entraves souvent invisibles ou incom- préhensibles pour les étrangers, a |’amélioration des conditions d’exis- tence communautaire : les pesanteurs sociales au développement \La grande famille n’est jamais un probléme en soi comme on a tendance a le penser en Europe, mais ce qui pose en vérité probléme, c’est plutét le fait que chaque membre de la famille, de l’ethnie ou du groupe ne se sente ni ne s’assume pas toujours comme sujet agissant pour lui-méme, et pour les autres, le fait que la solidarité soit quelquefois une solidarité non de production, mais de consommation, favorisant ainsi le parasitisme et le partage de la pauvreté. Mounier nous aide 4 repenser certaines valeurs traditionnelles pour ne plus en étre les otages mais acteurs conscients et responsables, le personnalisme bouscule les habitudes et exige que tout soit remis en perspective. Tout partage doit d’abord étre celui des efforts réciproques pour construire, produire une meilleure condition, une vie meilleure. Sans la confiance en chacun, permettant de considérer chacun comme une personne et non comme un sujet du groupe, il n’y a pas d’avenir; cela n’est pas plus valable en Europe qu’en Afrique, car il s’agit partout de ’humain qui apprend continuellement... selon le mot de Pascal. 12. L’éueil de VAfrique noire, op. cit, p. 216. 18. Eure, t. IIL, op. cit, p. 288. 125 Jacques NANEMA Epilogue : sortir du ressentiment... et renaitre 4 ’'universel « Du passé, il faut bien faire maintenant un saut vers Favenir™. » Lire les €crits de Mounier, c’est rencontrer un auteur, un homme, un penseur qui cherche 4 se démarquer d’une tendance devenue habituelle de philosopher, de croire, de regarder le monde, les hommes, les hommes de sa communauté d'origine, et surtout de se rapporter a l’altérité en général et 4 celle des autres communautés dont la communauté africaine en particulier. A travers son ceuvre, il s’est constamment illustré comme la voix qui proteste contre des états de faits que l’on voudrait consacrer comme des états de droit, comme la, voix qui prévient contre des tentations qui assaillent l"homme, des dérives qui le guettent et l’entrainent quelque- fois loin du chemin de la vie qui est celui de l’exigence de rester debout, l’exigence d’excellence. On peut soutenir que toute la philosophie de Mounier repose sur I’énergie spirituelle et intellectuelle par laquelle Vhomme peut résister 4 de nombreuses formes de sommeil idéologique qui l’aident 4 perdre le nord, a perdre la boussole de son existence au coeur des désordres établis du monde. Le personnalisme de Mounier est une pensée qui dépayse et décentre chacun, qui le sort de lui-méme, l’ouvre et le met constamment en relation avec la réalité qui l’entoure (« le monde existe, je ne suis pas seul, il y a un monde, je ne suis pas seul au monde, Yautre existe, les autres existent; mieux encore, c’est dans un monde que je suis, c’est par et pour les autres que je suis ce que je suis, que je peux aller au-dela de moi-méme, transgresser mon étre-la par la force d’une vocation qui signifie la réalité d’une transcendance 4 la fois horizontale et verti- cale »). Aller 4 la recherche de Mounier dans son ceuvre, c’est réaliser que Mounier est lui-méme un chercheur de vérité et de valeur, mais par-dessus tout, un chercheur d’humanité dans les vicissitudes de l’histoire que Kant® percevait comme « apparemment un tissu de folies » qu'il faut savoir et pouvoir décrypter pour y voir un fil conducteur qui laisse apparaitre, au travers du désordre des actions individuelles et méme communautaires, du sens, un sens qui relie dans une symphonie unique et universelle la cacophonie des désirs et des intéréts particuliers. Mounier illustre bien le personnage socratique du philosophe qui est toujours en chemin, en cheminement, en route, en quéte d’un « je-ne-sais-quoi » qui le fascine et le tient en éveil. Le philosophe n’est-il pas un itinérant, un étre inquiet (au sens latin du terme), insatisfait, rétif 4 l’autosatisfaction, A la suffisance sous toutes ses formes? 14, L'oeil de UAfrique noire, op. cit, p. 266. op. 15. Voir Opuscules sur Uistoire, Paris, GF, 1985. 126 AVEC EMMANUEL MOUNIER, REINVENTER L’AFRICANITE Léveil de VAfrique noire contient il est vrai V’itinéraire suivi par Mounier lors de son périple africain (la route noire) et les nombreux points névralgiques qui gangrénent l’existence individuelle et collective dans ce bout de monde mis en piéces par le régime colonial, mais tout Topuscule de Mounier prend sens dans la vision qu’il se fait et qu’il nous propose de I’Afrique et des Africains qui ne peuvent invoquer aucune excuse historique pour laisser leur humanité et ce qu’elle peut apporter au monde en général et 4 l'Europe en particulier, sombrer dans la démission et se flétrir dans le boudoir d’on ne sait quelle exception « africaine ». Mounier est un ami critique de l'Afrique qui ne mache pas ses mots, qui ne fait pas preuve de complaisance face aux drames du continent. Il a dit aux Africains avec un courage amical notable qu’ils devaient prendre au sérieux leur propre histoire sans l'isoler, sans perdre de vue la nécessaire relation/coopération avec l'Europe. Il en est ainsi pour le développement agricole, le développement de l’école rurale!® sans complexe pour doter nos pays d’une expertise agricole afin de produire ala hauteur des besoins des populations. Aujourd’hui l’intérét pour la terre, pour le monde rural et l’autosuf- fisance alimentaire demeurent un véritable probleme chez nous, nous importons ou recevons sous forme de dons, ce que nous pouvons ou devrions pouvoir produire par nous-mémes, quand ce ne sont pas nos besoins de consommation qui ont rompu tout lien avec nos potentiali- tés propres. Mounier a dénoncé aussi le peu de sérieux accordé par les Africains a la formation méthodique et patiente qui seule peut dévelop- per les compétences réelles nécessaires a l’amélioration de la qualité, du rythme du travail, de son rendement et des conditions de vic. I n’a pas perdu de vue la question politique (la démocratisation de la vie politique africaine), bien au contraire, il a prévenu contre toute adoption de facade de la démocratie considérée simplement comme un ornement démago- gique'”, une mode politique sans assise économique dans laquelle seules les apparences suffiraient : « Faire la démocratie en Afrique, ce n’est pas y étendre la souveraineté du café du Commerce. C’est d’abord équiper l'Afrique, qui est encore une affaire de mauvais rendement, afin de donner progressivement a tous un niveau de vie honorable. C’est multiplier l’école et ne pas craindre, par esprit de systéme et sous prétexte de certains abus, de I'adapter aux premiers besoins d’un peuple qui s’éveille, notamment le besoin de cadres paysans. Faire la démocratie en Afrique, c’est donner a partager aux Africains, progressivement et selon les capacités réelles, le pouvoir effectif, et non pas exporter la démagogie, la concussion, le mandarinat électoral, le bavardage de l'impuissance"*. » 16, Guvres,t. IL, p. 212 sq. 17. id,, p. 214 sq. 18. Bid., p. 311. 127 Jacques NANEMA Aujourd’hui encore persiste de facon lancinante chez nous, comme un déracinement tragique qui coupe I’immense minorité des élites”, des dirigeants de la population (rurale). Il n’y a pas de salut en Afrique des uns sans les autres, des intellectuels sans les ouvriers, les paysans, des politiques sans ceux qu’ils doivent représenter et servir. Etre Africain aujourd'hui, c’est devoir affronter cet appel de Mounier a une authentique et exigeante fidélité a la terre (théme bien nietzschéen aussi), 4 la population africaine, sans qu'une telle fidélité jamais ne nous referme sur nous-mémes, Mounier met en place un personnalisme non idéologique, ouvert sur le plan horizontal mais aussi vertical. L’homme a une vocation 4 double dimension : vocation historique, vocation spirituelle. A ce que le ressentiment hérité de I’esclavage et de la colonisation, a installé dans nos mentalités-africaines, nous rendant fébriles dans nos rapports a l'autre, face a la gestion diligente et durable de ce que Mounier appelait fort bien « les problémes d’Afrique », il faut avoir le courage de substituer une nouvelle dynamique partenariale, aux strictes antipodes des folies dominatrices qui trouvent leur point culminant aujourd’hui dans la globalisation néolibérale, mercantile. L’Europe doit changer de regard sur l'Afrique : « [...] Ainsi s’ensable I’Europe dans sa colonisation. Elle y fit de grandes choses. De moins grandes aussi. Mais histoire a tourné. Il faut changer d’appareil™, » Nous autres Africains ne devons pas nous laisser aller a la démission face a notre responsabilité historique de batir le monde, l’avenir du monde avec les autres, en invoquant une sempiternelle castration coloniale, en versant dans l’afropessimisme inutile et dangereux, fait de rumination agressive exploitée par des politiciens sans scrupule, de ressentiment et d’impuissance a renaitre au monde ; ‘ « Ne pas perdre un long temps, et précieux, 4 regretter le passé, 4 exiger pour agir une destinée, un cadre selon notre entétement. Etre prét A chaque instant... Ne pas gémir, ne pas attendre, s’adapter, faire face”... » Pour Mounier, il s’agit d’étre exigeant tout aussi bien vis-a-vis des Africains que des Européens : 19. Pour Mounier, I’élite africaine avait la téte ailleurs, elle était « une élite de déracinés », coupée des populations, coupée de I’appel de Ia terre nourriciére pour laquelle il fallait pourtant former des cadres techniques. L’élite africaine née du mimétisme le plus ridicule apparaissait aux yeux de Mounier, comme une occasion ratée d’éman- ciper en vérité les populations africaines de la précarité & laquelle la colonisation les avait exposées. 20. L’éveil de UAfrique noire, op. 21. « Mounier, écrits publiés octobre 2010, Paris, p. 21. 1p. 151. ‘ou presque », Bulletin des amis d’E. Mounier, n° 100, 128 Avec EMMANUEL MOUuNIER, REINVENTER L’AFRICANITE « C’est une nouvelle conquéte de l'Afrique qui se présente devant nous, une conquéte de l’amitié. Il importe plus que jamais que nous envoyions a cette ceuvre des hommes de choix... Mais nous nous trouvons maintenant, au-dela de cet univers violent, devant une oeuvre humaine et politique délicate. Nous y avons envoyé trop de laissés pour compte, de semi-ratés et d’aventuriers. Tout fonctionnaire arrivant en Afrique est automatiquement surclassé ; bien des médiocres y perdent la téte. Qu’on élimine seulement les potentats de sous-préfecture, les aigris et les sots. Alors certaines campagnes perdront toute justification, qui aujourd’hui blessent linnocent avec le coupable®. » Les relations entre l’Afrique et I’Europe ont, aujourd’hui plus qu’hier, besoin de vérité, d’authenticité et de compréhension réciproque que la violence de l’argent ou la domination techno-scientifique compromet par impatience, car toute violence résulte fondamentalement de l’impatience. « [...J La réaction suffisante du rationalisme européen se ferme 4 I'avance les révélations africaines susceptibles, au moins par provocation, d’enrichir notre surface de contact avec I'univers, et les possibilités de trouver les points oft se greffent l'une sur l'autre deux civilisations qui désormais ne peuvent plus se développer en aire fermée, » Emmanuel Mounier a prévenu les Africains contre la menace de 1’ éli- tisme, celle de la médiocrité du travail et de son organisation, mais aussi celle de P’autisme culture! qui replie les gens sur eux-mémes au lieu de les ouvrir au monde, a l'histoire. Cela est valable aussi bien dans l’exacerba- tion de l’africanisme primaire qu’il appelle le particularisme irrité et infruc- tueux, que dans ]’enlisement des Européens dans l’illusion eurocentriste d'un complexe de supériorité méprisant et condescendant. Dans la lignée de Kant qui tournait en dérision I’idée selon laquelle certains peuples ne seraient pas mars pour la liberté, Mounier rappelle aussi bien aux puissances dominatrices de I’ Afrique qu’aux Africains eux-mémes qui doivent assumer l’exigence de sortir d’une certaine minorité, que : « Tout peuple nait un jour a la vie politique. Qui pense la lui interdire ne fait que I’y précipiter, précisément pour en conquérir le droit. Je vous dis seule- ment : ne vous jetez donc pas tous avec un tel ensemble dans la politique, et dans la politique verbale, de clocher, de personnes ou d’entrainement vocal... Il ya mieux a faire que d’importer chez vous ces luttes de chefs de bandes et ces combats de gosiers*4... » Cent aprés la naissance de cet homme, illustre non parce qu’il était francais, européen, blanc, mais parce qu'il incarnait de fagon vivante 22, Buvres, t. Ill, p. 309. 23. Ibid., p. 270. 24. Ibid., p. 388. 129 Jacques NANEMA Y’ouverture, la relation 4 autrui, le respect inconditionnel de la personne humaine, 'interculturalité qui est notre condition universelle aujourd’hui, qui et que sommes-nous devenus pour nous-mémes et pour les autres, dans un monde qui, malgré toutes les menaces diverses qui pésent sur lui, peut se donner aussi la chance d’étre le lieu d’un métissage 4 condition que chacun se convainque qu’il y a une place, un rle a jouer et que sa différence peut se nourrir de la différence des autres de facon fructueuse. Il importe de prendre la mesure la plus exacte possible des signes des temps, en cette période oi tout se précipite, s’accélére de toutes parts, et d’anti per ensemble I’avenir. Avec Mounier tout est encore possible contre la crise. 130 ger la crise MOUNIER " Quels sont les ressorts profonds de la grave ‘ crise économique, sociale et politique que P avec Emmi nous traversons? Quelles lignes de fracture souterraines révéle-t-elle? J Ces questions ont fait l'objet d'une journée Cs de réflexion organisée & (occasion du 60° “ ~~ anniversaire de la disparition du philosophe ( Emmanuel Mounier & (ge de 45 ans, a le 22 mars 1950. Vingt ans durant, le fondateur a de la revue Esprit n'a cessé de passer au = feu de la critique les politiques et idéologies (capitalisme, libéralisme économique, fascisme, fo communisme) aboutissant a la négation | \ de la personne, coeur vivant du personnalisme, sa doctrine. A origine de ces perversions : une erreur sur Avec les contributions de: homme. Mounier Uidentife ds ses premiers fr Boissonnat \ textes consacrés a la crise des années 1930. nis Clerc Crise financiére, crise économique, certes, \ Coq \ mais plus en profondeur, « crise morale » > Wisrerei \ is Ferreiro | / et « spirituelle », Elle se manifeste par le BS na Lasida primat de largent déconnecté de économie af Jean-Louis Lavil réelle dans une délirante « autofécondité », Jacques Le Goff e Uinstrumentalisation du travail, la domination ‘lino Lorenzon et les inégalités, la prolifération de besoins Jacques Nanema factices. juilherme d ‘Oliveira Martins 500 personnes dont 150 scolaires et étudiants ont participé a cette belle journée de débats qui s'est également interrogée sur linfluence internationale actuelle de la pensée de Mounier. i En couverture: d'aprés if Portrait d'Emmanuel Mounier, Iché, 1947. wonys Poxus creations ISBN : 978-2-7535-1447-8 16€ | JNM) 82753°514478

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