RFPS 019 0011
RFPS 019 0011
RFPS 019 0011
Claude Smadja
Dans Revue française de psychosomatique 2001/1 (no 19), pages 11 à 27
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 1164-4796
ISBN 2130520847
DOI 10.3917/rfps.019.0011
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 06/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 93.31.37.33)
CLAUDE SMADJA
12 Claude Smadja
Regroupement sémiologique
14 Claude Smadja
sion essentielle se décline selon une autre sémiologie que celle à laquelle
on est habitué dans les dépressions psychiatriques classiques. Ce que le
patient a perdu, c’est le sentiment de légèreté de l’existence qui confère
à celui qui l’éprouve une aptitude au plaisir dans tous les moments ordi-
naires de la vie. Pour lui, au contraire, tout devient coûteux, pesant et
grave. Au cœur de cette expérience dépressive, figure ce que l’on peut
qualifier de perte de l’espoir. Cette perte est vécue par le patient comme
une interruption douloureuse du sentiment de continuité de l’existence.
Elle a pour conséquence de le priver de toute projection dans le futur à
partir de ses rêveries de désir. Le patient se trouve ainsi emprisonné
dans le carcan de l’actuel et de l’actualité. Il vit intimement cette expé-
rience de fracture psychique comme une catastrophe intérieure.
Le fonctionnement opératoire est imposé au sujet du fait de circons-
tances traumatiques brutales, tant internes qu’externes. Par le surin-
vestissement de la réalité perceptive qu’il met en place, il vise à protéger
le sujet contre le déploiement d’événements hallucinatoires internes
qu’en même temps il maintient réprimés. Il apparaît ainsi comme un
mode adaptatif extrême, maintenant le fonctionnement psychique en état
de survie.
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 06/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 93.31.37.33)
16 Claude Smadja
sur une écoute flottante l’oblige alors à se maintenir dans une attitude
progrédiente de vigilance intellectuelle. Il est possible aussi que parti-
cipe à cet état de fatigue la projection de la part du patient d’une vio-
lence désorganisée.
– L’absence de contre-transfert. Dans certains états opératoires, l’ab-
sence d’investissement transférentiel de la part du patient rend impos-
sible chez l’analyste le développement d’un contre-transfert. La
relation reste fonctionnelle et l’analyste se voit privé de représentations
contre-transférentielles qu’il peut, s’il le choisit, proposer à son
patient. C’est dans ce contexte, très éloigné du travail analytique
actuel, que l’analyste devra faire preuve d’un véritable « art de la
conversation » en usant de la richesse et de la polysémie des mots pour
décondenser l’élocution langagière conformiste de son patient.
18 Claude Smadja
20 Claude Smadja
22 Claude Smadja
plement, j’ai trouvé qu’elle ne reconnaissait pas sa maladie. Elle m’a dit
qu’elle n’était jamais déprimée et m’a demandé si moi, je l’étais de temps
en temps. Je lui ai répondu, un peu embarrassée, qu’il arrive quelque-
fois qu’on ait une baisse de moral. Elle m’a répondu qu’elle ne connais-
sait pas cela. »
Je trouve remarquable que la secrétaire ait perçu deux des aspects les
plus saillants du fonctionnement psychique de la patiente : d’une part,
l’intérêt qu’a suscité chez elle sa manière particulière de décrire des évé-
nements de sa vie actuelle et d’autre part l’exclusion de toute expression
affective.
Au terme de ce premier entretien, j’ai le sentiment au sujet de Régine
A. que c’est une patiente très fragile, tant sur le plan psychique, par la
précarité de ses moyens psychiques, de repli défensif, que sur le plan
somatique. Elle m’apparaît constamment au bord de la désorganisation
psychosomatique.
Second entretien
24 Claude Smadja
26 Claude Smadja
jours vous avez pensé avoir gâché la vie de votre mère en raison de sa
grossesse difficile. Ne vous considériez-vous pas alors comme une charge
pour votre mère ?
– Oui, mais je suis comme ça avec tout le monde, pas simplement avec
ma mère. En même temps, je me suis toujours fait beaucoup d’amis. Je
me lie facilement et je ne suis pas du tout timide.
– Et avec les garçons ?
– Avec les garçons aussi. Oh, vous savez, les hommes sont faibles et
j’ai toujours obtenu d’eux ce que je voulais.
– Ah, oui ?
– Oui, chaque fois que j’ai voulu un garçon, je l’ai eu et chaque fois
que j’ai voulu le quitter, je l’ai quitté. »
Tout au long de cette dernière séquence, Régine A. a retrouvé sa
tenue habituelle. Elle a un ton direct, familier, voire malicieux. Ce qui
me paraît remarquable est qu’elle me parle sur le même ton et sur le
même plan, aussi bien de ses relations amicales que de ses relations
amoureuses, et aussi bien de ses amies filles que de ses amis garçons. La
sexualité ne semble pas avoir dessiné des différenciations dans ses diffé-
rentes relations d’objet. Aucun sentiment de pudeur ou de réserve,
aucune formation réactionnelle, aucune dramatisation hystérique ne
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 06/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 93.31.37.33)
CLAUDE SMADJA
107, avenue du Général Michel-Bizot
75012 Paris