Toute La Physique Sans Les Équations Antoine Moreau

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Antoine Moreau

TOUTE
LA PHYSIQUE
SANS LES
ÉQUATIONS
TOUTE LA PHYSIQUE
SANS LES ÉQUATIONS

Antoine Moreau
ISBN 9782340-063532
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2022
8/10 rue la Quintinie 75015 Paris
A

Le livre que vous tenez entre les mains est celui que j’ai toujours eu
envie d’écrire, et si j’ai mis du temps, c’est qu’il représente un triple pari.
Le premier pari, c’est qu’il est possible de raconter, sans aucune équa-
tion, les raisonnements et les idées les plus fondamentaux sur lesquels la
physique se base – même s’il s’agit de l’électromagnétisme, de la relativité
générale ou de la mécanique quantique.
Le deuxième pari, c’est de ne négliger aucune partie de la physique
parce qu’elles sont toutes passionnantes. La vulgarisation moderne s’ape-
santit souvent sur les dernières découvertes, les dernières spéculations à
la mode, mais on en oublie les subtilités qu’il peut y avoir dans la notion
d’énergie ou dans la façon qu’on a de produire de l’électricité.
Le troisième pari, c’est qu’il soit possible de relever les deux premiers
en ennuyant le lecteur le moins possible. C’est le pari qui me tient le plus à
cœur. J’ai essayé d’écrire le livre que j’aurais aimé lire quand j’étais au col-
lège et que la physique commençait à m’intriguer, pour mieux comprendre
en quoi elle est si importante et si élégante.
Il faut aussi admettre que cet ouvrage est le prolongement logique
d’une expérience : je me suis lancé il y a maintenant quelques années dans
la rédaction d’un site web de vulgarisation de physique 1 qui a attiré plus
d’un million et demi de visites. J’ai reçu des messages de remerciements de
personnes ne connaissant pas du tout la physique, surprises d’avoir réussi
à la comprendre facilement. A mon tour de les remercier, c’est ce qui m’a
nalement poussé à écrire ce livre en me disant qu’il pouvait être utile ou
apprécié.
Finalement, si ce livre “fonctionne” comme prévu, il vous fera voir
le monde comme les physiciens le voient. Et on voit vraiment l’univers
diéremment quand on en connaît les mécanismes. J’aimerais que vous

1. www.e-scio.net
4

ne regardiez jamais plus de la même manière les grosses mouches vertes,


les escargots, une boule de pétanque, vos mains ou encore le noir qu’il y a
entre les étoiles... et que ça vous fasse plaisir!
C 1

É

L ’ est le concept le plus central de toute la physique. Et pour


cause : lorsque les lois de la physique ne changent pas avec le temps
(en général, c’est le cas), alors il y a un “truc”, qu’on ne peut pas mesurer
mais qu’on peut calculer, qui est conservé. C’est-à-dire qu’il y en a toujours
autant. Cette quantité, c’est l’énergie. C’est un concept tellement puissant
qu’il traverse toutes les disciplines de la physique, et c’est pourquoi ce
premier chapitre lui est consacré !


L’énergie se conserve

Pour vous parler de l’énergie, je vais commencer par un exemple : la


pétanque. Je sais bien qu’on dit qu’il n’y a pas besoin de beaucoup d’énergie
pour jouer à la pétanque. Certes. Mais nous allons cependant voir comment
une partie de cette énergie est dépensée.
Lorsqu’une boule de pétanque vole vers sa cible, on dit qu’elle pos-
sède (du fait de sa vitesse) une énergie de mouvement, appelée l’énergie
cinétique. En réalité, c’est vous qui avez fourni cette énergie à la boule,
puisque c’est vous qui l’avez lancée. Plus vous voulez lancer la boule vite,
c’est-à-dire lui donner plus d’énergie cinétique, plus il vous faut faire un
eort important. De plus, il est bien plus aisé de lancer le cochonnet qu’une
boule car celui-ci est plus léger : à vitesses égales c’est donc la boule de
pétanque qui a plus d’énergie cinétique que le cochonnet. La vitesse et la
masse sont les deux paramètres qui déterminent l’énergie cinétique.
Le plus dur, à la pétanque, c’est peut-être d’avoir à ramasser les boules :
pour vaincre le poids de la boule et la soulever, il vous faut dépenser de
l’énergie. Mais cette énergie ne disparaît pas, on dit qu’elle se retrouve
6 1. É

dans la boule sous la forme d’énergie “potentielle” liée au poids. Plus une
boule est en hauteur, plus elle a d’énergie potentielle.
Pourquoi “potentielle” ? Pour comprendre, il faut lâcher la boule, la
laisser tomber droit vers le sol. Vous voyez bien qu’elle se met en mou-
vement, et qu’elle va de plus en plus vite vers le sol : elle acquiert donc
une énergie cinétique en descendant. Comme elle descend, elle est de plus
en plus proche du sol et son énergie potentielle diminue. En fait, toute
l’énergie potentielle qui disparaît au cours de la descente est transformée
en énergie cinétique. C’est pour cela que l’énergie est potentielle : il faut
la laisser s’exprimer pour voir qu’en fait, la boule était capable de prendre
de la vitesse toute seule. L’énergie potentielle est en un sens parfaitement
invisible : elle ne correspond pas à du mouvement, à de la chaleur, ou à
quelque chose qu’on puisse sentir.

F 1.1 – Au moment où on la lâche, la boule a de l’énergie potentielle,


mais pas de vitesse, donc pas d’énergie cinétique. Un peu plus bas, elle a
moins d’énergie potentielle, mais toute l’énergie potentielle qui a disparu s’est
transformée en énergie cinétique : la vitesse de la boule est grande.

Ce qui est important, c’est que lors de la descente, l’énergie change de


nature mais il y en a toujours autant. Tout en haut, il n’y a que de l’énergie
potentielle au moment où on lâche la boule (qui n’a pas de vitesse). Au
milieu de la trajectoire, il y a à la fois de l’énergie potentielle, mais moins,
et de l’énergie cinétique. On dit que l’énergie se “conserve”. En fait, elle ne
disparaît d’une forme que pour réapparaître sous une autre et c’est bien là
sa propriété essentielle.
L’   7

Si vous lancez la boule verticalement vers le haut, elle monte en perdant


petit à petit de la vitesse. En fait, elle transforme son énergie cinétique
(qui disparaît) en énergie potentielle (qui augmente). Une fois arrivée au
plus haut, elle va redescendre. L’énergie passe bien d’une forme à l’autre
en permanence. Puis la boule de pétanque heurte le sol, et s’immmobilise.
“Comme ça, elle tombera pas plus bas !” Certes. Mais dans ce cas, elle n’a
plus d’énergie cinétique, et plus d’énergie potentielle à dépenser facilement.
Où est l’énergie ? En fait elle n’a pas disparu. Si vous pouviez, vous verriez
que les atomes du sol et de la boule 1 s’agitent maintenant plus qu’avant la
chute de la boule. Ce sont de très petits mouvements désordonnés, mais
c’est bien là qu’est passée l’énergie de la boule : d’une énergie cinétique
bien visible avec plein d’atomes allant dans la même direction (la boule qui
tombe), on est passé à une énergie cinétique invisible avec plein d’atomes,
mais qui bougent dans toutes les directions. C’est ce qu’on appelle de
l’agitation thermique. On dit aussi couramment de la chaleur. Comme c’est
la température qui mesure ce degré d’agitation des atomes, on peut dire
que la température du sol et de la boule a augmenté entre avant la chute
et après.

F 1.2 – Juste avant d’arriver au sol, la boule a une grande énergie
cinétique. Après avoir heurté le sol, elle n’en a plus. Par contre, le sol est plus
chaud à l’endroit où la boule a frappé : les constituants du sol s’agitent un
peu plus. Ils ont donc plus d’énergie cinétique : l’énergie s’est conservée !

Bien. Nous avons vu l’énergie potentielle liée au poids, et qu’on appelle,


pour cette raison énergie potentielle gravitationnelle, mais il en existe
d’autres.
1. Les particules minuscules et largement invisibles qui constituent le sol.
8 1. É

Imaginez deux aimants en apesanteur. Vous savez qu’ils s’attirent,


s’ils sont convenablement orientés. Si on lâche un des deux aimants, il
va se précipiter vers l’autre en gagnant de la vitesse. Il gagne donc de
l’énergie cinétique. Et on peut donc aussi dénir une énergie potentielle,
mais d’origine magnétique cette fois. En se précipitant vers l’autre, l’aimant
perd de l’énergie potentielle magnétique et gagne de l’énergie cinétique.
Et voilà une deuxième sorte d’énergie potentielle !
Vous savez sans doute que certains constituants de la matière (les élec-
trons et les noyaux atomiques 1 ) s’attirent. Pour expliquer cette attraction,
on dit qu’ils sont chargés, qu’ils portent une charge qui peut être positive
ou négative.
Si on considère deux charges opposées (une positive et une négative),
comme elles s’attirent, alors on peut dire qu’elles ont une énergie poten-
tielle d’origine électrique. Et plus on éloigne deux charges l’une de l’autre,
plus elles ont d’énergie potentielle, même si c’est vrai qu’elles s’atirent de
moins en moins fort. Quand on les lâche, elles se précipitent l’une vers
l’autre d’abord doucement plus de plus en plus vite, en transformant cette
énergie potentielle en énergie cinétique. C’est logique.
Vous savez aussi que lorsqu’il y a une combustion, comme lorsqu’un
morceau de bois brûle, il y a un gros dégagement d’énergie sous forme de
chaleur et de lumière (c’est le feu). Il y a donc une énergie potentielle dans
un morceau de bois - on l’appelle souvent “énergie potentielle chimique”
parce qu’elle est libérée lorsqu’une réaction chimique (la combustion)
se produit. Mais en réalité, il s’agit d’énergie potentielle essentiellement
électrique : lors de ce type de réaction chimique, les électrons (chargés
négativement) ont l’occasion de se rapprocher des noyaux des atomes,
chargés positivement. Comme, dans l’histoire, une charge négative s’est
approchée d’une charge positive (le noyau), l’ensemble a perdu de l’énergie
potentielle. Cette énergie potentielle est alors convertie en lumière ou en
agitation des molécules et des atomes, c’est-à-dire en chaleur !
De la même manière, il est possible de dénir une énergie potentielle
(beaucoup moins intuitive) pour les forces nucléaires. Prenons deux noyaux
d’hydrogène. Ces deux noyaux sont chargés positivement et par consé-
quent ils se repoussent, à cause de la force électrique. Mais il existe des
forces qui s’exercent lorsque ces deux noyaux sont très proches, et qui
font qu’il s’attirent alors, malgré la force électrique. Ces forces nucléaires
1. C’est vrai, je n’ai pas encore parlé des électrons ou des noyaux... faites donc un
court détour par le début du chapitre sur la structure de la matière si vraiment ça vous
démange trop !
L’   9

F 1.3 – Voici comment on peut se représenter un atome : quelques


électrons, chargés négativement (ils ont un signe moins) tournent autour d’un
noyau chargé positivement (c’est écrit dessus) parce que le noyau les attire.
Cette image est cependant très trompeuse. La mécanique quantique (voir le
dernier chapitre) fournit une vision des choses très diérente et beaucoup plus
exacte. Mais bon, pour l’instant, ça sura.

peuvent vaincre la force qui fait se repousser les noyaux. Et nalement faire
qu’ils se collent violemment, qu’ils tombent l’un vers l’autre. Il y a donc là
aussi une forme d’énergie potentielle. Les étoiles, les bombes atomiques et
les centrales nucléaires sont des signes tangibles de l’importance de cette
énergie potentielle : elle est énorme. Tous ces phénomènes sont en fait de
la conversion d’énergie potentielle nucléaire en chaleur, rayonnement, etc.
Ce qu’il faut retenir, c’est que quel que soit le phénomène, les forces
mises en jeu, l’énergie ne disparaît ou n’apparaît jamais. Elle ne fait que
passer d’une forme à une autre. On dit que l’énergie se conserve et c’est
le premier principe de la discipline qui étudie les échanges d’énergie : la
thermodynamique. Ce domaine a été créé pour étudier le fonctionnement
des machines à vapeur (et à charbon comme source d’énergie). Depuis des
siècles, le rêve de beaucoup d’hommes était d’inventer le mouvement per-
pétuel : une machine capable de conserver son mouvement éternellement,
et mieux, de mettre en mouvement d’autres machines sans perdre son
élan. Si une telle machine existait, cela signierait qu’elle serait capable de
fournir de l’énergie à volonté. Et de la sortir de nulle part nalement. Or
cela contredirait le fait que l’énergie se conserve ! Bref, à partir du moment
10 1. É

où on a compris que l’énergie se conservait, on a renoncé à la quête du


mouvement perpétuel 1 .
Dans la suite, nous allons voir que si l’énergie se conserve, elle devient
par contre souvent irrécupérable pour nous. On dit qu’elle se dissipe, ce
qui n’est pas très heureux comme terme : l’énergie se conserve, mais elle
se dissipe, c’est pas clair... c’est juste qu’on ne peut pas toujours aller la
récupérer, même si elle est toujours là.


Le sens du temps, le désordre et le billard

Nous allons jouer à un petit jeu. Je vais vous proposer trois cas. Pour
chaque cas, je vais vous donner deux situations. Vous devez rééchir et dire
laquelle s’est produite en premier à votre avis si personne n’est intervenu
entre les deux.
Le premier cas est celui d’une boule de pétanque.

F 1.4 – La première situation est celle de la boule en l’air, la seconde


celle de la boule au sol.

Vous allez me dire que la boule était en l’air et qu’elle est tombée, donc
que la première situation est antérieure. Facile.
Le deuxième cas est celui d’un verre d’eau.
1. Un nom qui peut induire en erreur : il ne s’agit pas seulement de conserver indé-
niment le même mouvement, ça, les satellites le font très bien par exemple, mais de
fournir de l’énergie en réalité. Ce que ce nom ne laisse pas transparaître.
L   ,      11

F 1.5 – Dans une première situation le verre est légèrement teinté, dans
une seconde une goutte de colorant concentré est clairement visible.

Cette fois, vous serez d’accord pour dire que la seconde situation est
chronologiquement la première et que la goutte s’est diluée.
Le dernier cas est celui de deux cubes de métal accolés (voir gure 1.6).

F 1.6 – La première situation est celle où les deux blocs ont des tempé-
ratures diérentes : l’un est froid (le bloc 1, mettons), l’autre est chaud (le bloc
2). Dans la seconde situation les deux blocs sont à une même température,
intermédiaire (tiède, disons).

Cette fois, vous me direz que le bloc le plus chaud a fourni de la chaleur
à celui qui était le plus froid, et qu’ainsi leurs températures sont devenues
égales. La première situation était donc antérieure à l’autre.
12 1. É

Dans tous ces cas, il y a eu une évolution spontanée - celle qui se


produit naturellement, sans intervention extérieure. Il n’y aucun doute à
avoir sur le sens de cette évolution - il y a un sens naturel de déroulement
des événements. Dans tous les cas, cette évolution s’est faite vers un plus
grand "désordre". Il s’agit d’un désordre assez évident pour ce qui est du
colorant : au début, il était bien rangé, concentré. À la n, il était réparti un
peu partout dans le verre. C’est bien ce qu’on appelle du désordre, puisque
ranger ses chaussettes ne signie pas les éparpiller à travers la pièce. Enn
en général.
Pour les deux autres situations, il s’agit d’un désordre, mais seulement
si on considère l’énergie. Quand la boule de pétanque est en l’air, elle a de
l’énergie potentielle. C’est une énergie "bien rangée" en quelque sorte. Elle
est concentrée dans la boule et elle peut être convertie en énergie cinétique
de la boule, qui est aussi une énergie "bien rangée". Par contre, quand la
boule est au sol, l’énergie est répartie dans les molécules du sol et de la
boule sous la forme de mouvements microscopiques et désordonnés : la
chaleur. Il s’agit bien d’une forme de désordre assez similaire.
Dans le cas des deux blocs, il y en avait un dont les molécules étaient
plus agitées que l’autre au début puisqu’il était plus chaud. L’énergie était
donc un peu plus concentrée dans le bloc chaud. À la n, l’énergie s’est
répandue partout (un peu comme le colorant) et il y en a autant dans l’un
que dans l’autre : c’est là encore une forme de désordre énergétique.
C’est vrai que c’est un désordre très particulier. On aurait pu penser
qu’avoir la même température partout, dans le cas des deux cubes métal-
liques, c’est nalement avoir une situation plus simple, donc plus “rangée”.
Peut-être que le terme même de désordre n’est pas très bien choisi.
Le désordre (au sens énergétique surtout) augmente donc avec le temps.
Et vous pouvez chercher d’autres types d’évolutions spontanées, cela va
toujours vers le type de “désordre” que nous venons de voir.
Cela nous paraît tout à fait normal, c’est l’ “ordre” des choses, comme
qui dirait, et c’est pour ça qu’il est simple pour nous de remettre les situa-
tions dans l’ordre. Cette constatation a été traduite sous la forme d’une
loi : le Second Principe de la Thermodynamique (le premier principe étant
que l’énergie se conserve). Le Second Principe introduit une grandeur
appelée "entropie" qui donne une mesure du “désordre” d’un système. Et
comme le désordre croît au cours du temps, le second principe s’énonce
ainsi : "l’Entropie d’un système isolé croît avec le temps". C’est (presque)
la seule loi physique qui contienne ainsi la èche du temps, c’est-à-dire
qui mentionne qu’il y a une diérence entre passé et futur !
L   ,      13

Maintenant, il va falloir vous accrocher. Je vais essayer de vous montrer


que le fait qu’il y ait une èche du temps aussi nette n’est pas si évident.
Nous allons pour cela considérer un billard un peu particulier. Imaginez
que les boules qui y sont ne s’arrêtent jamais. Elles ne sont jamais ralenties
par le tapis. Admettons qu’il y ait six boules et qu’on ait tracé un trait au
milieu du tapis. On lance les boules depuis l’un des deux côtés et on regarde
comment les choses évoluent. De temps en temps, toutes les boules se
retrouvent d’un même côté. Mais cela n’arrive pas très souvent. En général
les boules sont plutôt réparties. Si vous augmentez le nombre de boules, il
arrive de moins en moins souvent qu’elles se retouvent toutes d’un même
côté.

F 1.7 – Voici une situation qui ne se produirait pas très souvent : toutes
les boules sont dans la même moitié du billard. Et plus le nombre de boules
est grand, plus il est rare qu’elles soient toutes du même côté !

Après avoir bien étudié les 6, 7 ou 8 boules, on vous montre deux


photos : l’une où 20 boules sont du même côté. L’autre où les 20 boules
sont réparties. Et l’on vous demande de dire laquelle de ces deux photos a
été prise la première. Vous allez répondre que c’est celle où les boules sont
du même côté qui a été prise d’abord. Non pas que vous en soyez sûr, mais
parce que vous savez que si les boules se réunissaient déjà rarement d’un
côté quand il y en avait 6, alors quand il y en a 20 c’est encore plus rare. Vous
avez donc beaucoup plus de chances de gagner en disant que les boules étaient
en fait regroupées au départ et qu’elles se sont dispersées que le contraire. Ça
y est, vous faites maintenant comme dans le cas des situations du début (la
boule de pétanque, le colorant dans le verre et les cubes métalliques), vous
14 1. É

savez dire quelle situation s’est produite la première. Un sens naturel de


déroulement des événements est apparu. Vous avez votre èche du temps.

F 1.8 – Représenté ainsi, il paraît évident que la première situation (a)
est antérieure à la seconde (b). Pourtant, ça n’est pas parfaitement sûr ! C’est
juste beaucoup plus probable.

La èche du temps "émerge" parce qu’il y a un sens de déroulement


des événements qui est beaucoup plus probable qu’un autre, pas parce
qu’il y en a un qui est impossible et l’autre pas ! Dans un litre d’air il y a
environ 2 mille milliards de milliards (2 000 000 000 000 000 000 000) de
molécules. Du coup, elles ont beau aller très vite, il vous faudrait attendre
des milliards d’années pour voir (et encore c’est pas sûr) les molécules
se grouper d’un côté de la boîte. On peut considérer que c’est presque
impossible et dans ce cas là édicter une loi valable "statistiquement" et qui
dirait que les molécules d’un gaz ont tendance à se répartir, c’est-à-dire à
augmenter le désordre. Cette loi c’est le second principe, et ainsi on peut
dire qu’il est d’origine statistique.
Si tout d’un coup, toutes les particules qui nous composent faisaient
"marche arrière", changeaient simplement de sens de marche, tout se dé-
roulerait à l’envers. Pour un observateur extérieur, nous rajeunirions en
oubliant les choses qui se sont passées, etc. Ça ne serait pas, à quelques
détails près, en contradiction avec les autres lois de la physique, que tout
se passe ainsi à l’envers. Cela serait seulement en contradiction avec le
second principe.
Reprenons notre exemple des deux blocs de températures diérentes.
Les atomes qui composent le bloc chaud sont plus agités que celui qui
composent le bloc froid. Lorsque les blocs sont en contact, les atomes agités
se cognent à ceux qui le sont moins. En moyenne, après un choc l’atome le
plus agité l’est un peu moins : il a cédé une partie de son énergie cinétique
à celui qui était moins agité. Le contraire n’est pas interdit, seulement ça
É   :   15

n’arrive que rarement. Au nal c’est ainsi que la chaleur se répartit de


façon égale dans les deux blocs.
Il n’est pas impossible d’imaginer non plus que si on pose une boule
de pétanque sur le sol elle soit soudainement éjectée à un mètre de hau-
teur. À température ambiante, les molécules du sol ont largement l’énergie
cinétique susante pour le faire. Mais il faudrait que tout d’un coup, au
lieu d’être agitées de façon désordonnées, quelques milliards de milliards
de particules du sol aillent toutes cogner la boule de pétanque en même
temps. Evidemment, c’est très très très très (je pourrais encore en mettre
quelques uns, même) improbable. C’est dommage, ça éviterait d’avoir à les
ramasser.

Énergie et entropie : le lien

En réalité, une augmentation d’entropie signie presque toujours que


c’est le désordre énergétique qui a augmenté. Dès lors qu’un système isolé
subit une évolution spontanée, cette évolution va dans le sens d’un plus
grand désordre énergétique : il y avait de l’énergie bien rangée au début,
celle-ci se retrouve sous forme de chaleur à la n. Elle n’a pas disparu, par
contre elle est devenue irrécupérable. Pour utiliser l’énergie, nous avons en
eet besoin qu’elle soit bien rangée. Pour faire fonctionner une machine, il
faut de l’énergie bien rangée qu’on va dépenser et qui se retrouvera tôt où
tard (notamment à cause des frottements) répartie sous forme de chaleur.
C’est nalement ce que nous dit le second principe.
Prenons la boule de pétanque. On peut imaginer que sur son chemin
se trouve une petite roue, comme celle d’un moulin à eau et qui fasse
tourner une dynamo, qui elle-même charge une batterie. Si on ajoute un tel
dispositif, et qu’on laisse faire les choses, la boule va être ralentie un peu et
la batterie va se charger. C’est-à-dire qu’une part de l’énergie potentielle
initiale de la boule a été récupérée. Par contre, lorsque la boule est posée sur
le sable, aucune machine qu’on pourrait ajouter n’est capable de récupérer
l’énergie dissipée sous forme de chaleur.
16 1. É

F 1.9 – En passant, la boule met en mouvement un petit moulin, qui


produit de l’électricité, qui charge une batterie. Juste avant d’arriver au sol, la
boule aura moins d’énergie (cinétique) que si le moulin n’avait pas été là. La
chaleur dégagée par le choc de la boule sur le sol sera donc moins importante.
La diérence est dans la batterie : c’est l’énergie qu’on a réussi à sauver, à
économiser !

Reprenons nos deux blocs métalliques l’un chaud, l’autre froid. Dans
ce cas, l’énergie ne s’est pas encore bien répartie. Autrement dit, elle est
encore partiellement rangée, et donc il y a une part de cette énergie qui
est récupérable. Comment faire ? Il surait de séparer les deux blocs et de
mettre par exemple un thermocouple entre les deux. C’est un dispositif
très simple à base de ls métalliques (diérents alliages), qui produit de
l’électricité dès qu’on le soumet à une diérence de température. Si on
avait mis un thermocouple sans accoler les deux blocs, il aurait tiré de
l’énergie de la diérence de température. Ce faisant, le bloc chaud se serait
refroidi, le bloc froid se serait réchaué. Mais leur température nale serait
moindre que si on les avait laissé échanger de la chaleur sans récupérer
l’énergie, bien sûr !
La thermodynamique a été inventée pour étudier exactement ce cas :
celui des machines thermiques, qui tirent leur énergie d’une diérence
de température. C’était le cas des premières machines à vapeur : elles
vaporisaient l’eau pour pousser des pistons, qui mettaient des machines
en mouvement. C’est une façon de voir les choses. D’un point de vue
énergétique, on peut dire qu’elles utilisaient une diérence importante
de température entre le charbon en train de se consumer et l’eau froide
qu’elles emportaient.
Et saviez-vous qu’en fait une centrale nucléaire est une machine à
vapeur ? Elle utilise la diérence de température entre le réacteur nucléaire
L’  T 17

F 1.10 – Si le bloc chaud avait vraiment été très chaud on aurait pu
en mettant de l’eau dessus, la faire s’évaporer à l’intérieur d’un piston et
ainsi mettre le piston en mouvement. Puis la vapeur aurait pu être condensée
(retransformée en eau) sur le bloc froid et on aurait pu recommencer. C’est
une autre façon de tirer de l’énergie d’une diérence de température, et c’est
le principe des machines à vapeur !

qui est chaud et de l’eau fraîche. C’est pour cela que les centrales sont
toujours placées soit au bord d’une rivière, soit au bord de la mer. La
vaporisation de l’eau permet de mettre en mouvement l’alternateur qui
transforme ce mouvement en énergie électrique. On voit la vapeur produite
s’échapper des tours de refroidissement des centrales, en leur donnant
cet aspect d’ ”usines à nuages”. Bref, même si ce n’est pas très sexy, les
centrales nucléaires sont avant tout des machines à vapeur.
Pour résumer, si l’entropie d’un système isolé 1 est maximale il n’y a
pas d’énergie récupérable, il ne contient que de l’énergie désordonnée. Il
ne peut donc plus évoluer à nos yeux. La boule de pétanque reste collée au
sol et les blocs sont à la même température. Par contre, tant que l’entropie
d’un système n’est pas à son maximum, cela signie en général qu’il y a de
l’énergie récupérable, qu’on peut en tirer de l’énergie bien rangée.


L’énergie sur Terre

Nous allons maintenant voir sous quelles formes l’énergie se trouve


sur Terre. Enn, sur Terre, je devrais plutôt dire à la surface de la Terre,

1. Un système, c’est le truc qu’on regarde, comme les deux blocs ou la boule de
pétanque et le sol.
18 1. É

puisque c’est cette partie précise de la Terre qui nous concerne le plus. Eh
bien la croûte terrestre reçoit de l’énergie de trois sources bien distinctes.
1. La première est la chaleur qui nous parvient de l’intérieur de la Terre.
Essentiellement, elle est produite par la désintégration des éléments
radioactifs qui se trouvent dans le manteau (loin sous terre). Ce
sont ceux-là même qu’on utilise dans les centrales nucléaires où
l’on accélère en fait leur désintégration. La désintégration libère
de l’énergie sous forme de chaleur. Sans cette source de chaleur, la
Terre se serait depuis longtemps refroidie et solidiée, alors que
loin sous terre, les roches sont liquides 1 . Comme les roches sont
liquides, elles bougent et entraînent les continents et les "plaques
tectoniques" dans leur mouvement. C’est ce qui provoque des trem-
blements de terre, des éruptions volcaniques. Et puis toute cette
chaleur se manifeste aussi par des sources chaudes (la géothermie
les utilise), des geysers et autres phénomènes volcaniques. Le champ
magnétique de la Terre est dû aux mouvements du manteau égale-
ment. Bref, la désintégration des éléments radioactifs est la source
d’énergie principale du fonctionnement "interne" de la Terre 2 .
2. La deuxième source d’énergie est celle qui est pour nous de très
loin la plus importante : c’est la lumière que nous recevons du soleil.
Nous allons voir qu’elle est convertie en plein de types d’énergie
diérents.
Hydraulique. La plus grande part de l’énergie lumineuse que nous
recevons est convertie en chaleur, en agitation des molécules. C’est
ce qui fait s’évaporer l’eau de la surface des océans, qui monte et
gagne ainsi de l’énergie potentielle, puis se condense et tombe sous
forme de pluie. Des barrages retiennent cette eau dans des vallées
en l’empêchant de perdre cette énergie potentielle que le soleil lui
a donnée. En quelque sorte, par ce mécanisme, le soleil apparaît
comme un ascenseur à eau ! Une part de l’énergie nous venant du
soleil est donc convertie en énergie potentielle de l’eau. Grâce aux
barrages, nous récupérons cette énergie plutôt que de la laisser
perdre en empêchant l’eau de tomber plus bas.
1. Elles bougent ce qui fait qu’on peut dire qu’elles sont liquides, mais ça ne peut
même pas s’attaquer au marteau piqueur à cause de la pression. Il ne faut donc pas
imaginer que ces roches sont uides comme de la lave.
2. Les éléments radioactifs sont donc très très dangereux ! Pas seulement parce qu’ils
émettent des rayonnements ou qu’on en fait des bombes, mais parce qu’ils sont respon-
sables des tremblements de terre, des éruptions et des tsunamis (raz de marée) !
L’  T 19

Éolien. Comme le soleil chaue surtout le sol, la surface de la


Terre, mais assez peu l’atmosphère qui est transparente, il se crée
des mouvements de "convection" : c’est l’air chaué par le sol qui
monte et qui est remplacé par de l’air froid. L’air se met donc en
mouvement : c’est ce que nous appelons le vent. Une partie de
l’énergie lumineuse du soleil est donc convertie en énergie cinétique
de l’air. C’est cette énergie "solaire" que les éoliennes essaient de
récupérer. Au passage, comme c’est le vent qui crée les vagues, une
partie de son énergie est transférée aux vagues. Par des systèmes de
otteurs, on peut récupérer là aussi un peu de l’énergie des vagues.
Chimique. Une partie de l’énergie lumineuse du soleil n’est pas
convertie en chaleur : c’est celle reçue par les plantes ! Les plantes se
servent de cette énergie pour se construire. Vous savez sans doute
que tous les êtres vivants partagent une même "chimie" : toutes les
molécules qui composent les êtres vivants sont en gros composées
de chaînes de carbone, entourés d’atomes d’hydrogène.
À l’état "naturel", dans l’atmosphère, le carbone se trouve sous
forme de dioxyde de carbone (CO2 ) : deux atomes d’oxygène liés à
un atome de carbone. C’est en eet cet état qui permet aux électrons
présents dans les atomes d’être au plus près des noyaux. C’est un
état d’énergie potentielle chimique la plus basse possible.
Quant aux atomes d’hydrogène, à l’état "naturel", ils sont sous forme
d’eau : deux atomes d’hydrogène liés à un atome d’oxygène. Ce sont
des états très courants pour ces atomes parce que ce sont ceux de
plus basse énergie potentielle. Et de la même manière qu’une boule
de pétanque tombe et dissipe son énergie potentielle, quand un
atome de carbone rencontre un atome d’oxygène, ils peuvent se lier
- en perdant de l’énergie potentielle chimique qu’ils convertissent
en chaleur.
Les plantes utilisent l’énergie lumineuse pour créer des molécules
organiques à partir de l’eau et du dioxyde de carbone : elles gardent
les atomes de carbone et d’hydrogène pour faire du sucre notam-
ment, et rejettent l’oxygène. Le sucre contient beaucoup d’énergie :
c’est celle des fruits, ou celle contenue dans les féculents (les sucres
lents sont en fait des molécules de sucre liées en de très longues
molécules). Cela signie que les plantes sont capables de stocker
une partie de l’énergie lumineuse du soleil sous forme d’énergie
potentielle chimique ! Plutôt que de laisser l’énergie lumineuse se
transformer en chaleur, les plantes en stockent une partie et utilisent
20 1. É

l’autre pour vivre.


L’opération inverse, qui fait que l’oxygène détruit les molécules des
plantes pour redonner de l’eau et du dioxyde de carbone (en libérant
de l’énergie) se fait de deux façons diérentes :
La première façon est violente : toute l’énergie potentielle chimique
est libérée sous forme de chaleur. C’est la réaction de combustion,
le feu !
Le seconde manière nous est plus familière : c’est nous ! Quand vous
absorbez (on dit “manger”) une molécule de sucre (ou de graisse
d’ailleurs) vous allez ensuite utiliser l’oxygène de l’air, que vous
respirez, pour le faire réagir avec le sucre ou les graisses. L’énergie
libérée vous sera utile pour vous faire vivre, et pour vous déplacer.
Dans l’opération, les molécules de sucre ou de graisse sont détruites
pour donner de l’eau et du dioxyde de carbone que nous rejettons.
En résumé, notre corps brûle les plantes pour récupérer l’énergie qui
leur vient du soleil. Il brûle aussi les animaux qui se sont eux-mêmes
nourris des plantes. Bref, nous fonctionnons à l’énergie solaire.
Quand les plantes meurent, parfois elles se fossilisent : leurs molé-
cules ne sont pas "brûlées" mais enterrées. Elles restent sous terre
avec leur énergie potentielle sous forme de charbon, de pétrole ou
de gaz qui sont tous bien issus de plantes. En quelque sorte c’est de
l’énergie solaire stockée ! Et c’est pour l’instant la forme d’énergie
que nous utilisons le plus - même si ça n’est pas la plus abondante
en réalité 1 . Elle est juste beaucoup plus facile à manipuler.
3. La troisième source d’énergie est la rotation de la Terre. À cause
de la rotation de la Terre et de l’attraction de la lune et du soleil,
la Terre se déforme en permanence. Bien entendu les océans se
déforment plus facilement que les continents et c’est ainsi que le
niveau des mers par rapport aux continents varie périodiquement :
ce sont les marées. Si les marées existent, c’est parce que la Terre
tourne. Les marées dissipent ainsi petit à petit l’énergie cinétique
de rotation de la Terre. Les usines marémotrices qui fonctionnent
comme des "barrages à marées" (elles laissent entrer l’eau et la
laissent ressortir en passant par des turbines) tirent en réalité leur
énergie de la rotation de la Terre. Elles augmentent donc (dans des

1. Comme c’est une source d’énergie qui ne se renouvelle que très très lentement,
elle sera bientôt rare et le mode de développement que nous avons choisi ressemblera
alors à une impasse - sans compter les dégâts inigés à la planète.
L’  T 21

proportions négligeables comparé à l’évolution naturelle) la durée


du jour puisque la Terre tourne moins vite sur elle-même.
Pour nir, toute cette énergie reçue par la surface de la Terre s’en va
bien quelque part, sinon la température n’arrêterait pas de grimper ! Il
faut savoir que tout corps chaud émet de la lumière, ce qu’on appelle le
rayonnement thermique. Le soleil est très chaud à cause des réactions
nucléaires en son sein. Il émet donc une lumière très vive, visible. La Terre
est chaude aussi, elle émet de la lumière aussi, mais plutôt des infrarouges
- donc invisibles pour nous. C’est sa façon à elle de se débarasser de son
énergie. Ça se sent bien les nuits sans nuages : la température chute assez
brutalement parce que la Terre perd son énergie sous forme d’infrarouges
qui partent dans l’espace. Mais vous savez aussi que lorsqu’il y a des nuages,
la température ne s’abaisse pas aussi brutalement. En fait, les nuages
empêchent les infrarouges de s’échapper et donc la Terre de se refroidir.
Mais même les gaz qui composent l’atmosphère peuvent empêcher les
infrarouges de s’échapper. Notamment le dioxyde de carbone CO2 et le
méthane.

F 1.11 – Pour résumer, la surface de la Terre reçoit de l’énergie de


l’intérieur de la Terre (surtout sous forme de chaleur et de tremblements de
terre), du soleil (ce qui va créer la pluie, le vent, les vagues et le pétrole), et de
la rotation de la Terre (qui crée les marées). Tous ces mouvements nissent en
agitation thermique, et la Terre se débarasse de cette énergie en la rayonnant
dans l’espace sous forme d’infrarouges.
22 1. É

Comme le dioxyde de carbone et le méthane laissent par contre passer


les rayons du soleil, nous recevons bien toute l’énergie du soleil - la Terre
a seulement du mal à s’en débarasser. Cela conduit à une augmentation de
la température de la surface de la Terre : c’est l’eet de serre. Et vu ce que
l’homme a dégagé comme gaz à eets de serre dans un passé récent, les
températures se sont mises à augmenter assez brutalement - et ça n’est
sans doute que le début.


Vous, moi, le monde et l’entropie

Comme nous l’avons vu, globalement, l’univers se dirige vers un


désordre énergétique : en fait, il transforme l’énergie potentielle nucléaire
en lumière, en chaleur et en particules dans les étoiles. L’énergie potentielle
nucléaire, "bien rangée" disparaît donc petit à petit.
C’est pareil pour l’énergie gravitationnelle, et ça montre encore un
peu plus que le désordre énergétique n’est pas intuitif. Une étoile est un
nuage de gaz qui s’est contracté sous son propre poids jusqu’à devenir
tellement chaud et dense que les réactions nucléaires démarrent. En se
contractant, le nuage devient plus petit, ses atomes se rapprochent les
uns des autres, donc ils perdent collectivement de l’énergie potentielle
gravitationnelle. Cette énergie est convertie en agitation thermique. Donc,
paradoxalement, le système solaire à ses débuts, quand il ressemblait à
un gros nuage de gaz, était mieux rangé d’un point de vue énergétique que
maintenant, où pourtant on distingue des jolies planètes et un joli soleil. La
source d’énergie interne de Jupiter vient du fait que la planète se contracte
de quelques centimètres par an !
Cela dit, que l’univers aille globalement vers le désordre n’interdit pas
que l’ordre augmente dans une petite partie de l’univers. C’est ce qui se
passe sur Terre quand une plante pousse ou que nous construisons un
immeuble. Une plante c’est de l’énergie lumineuse transformée en énergie
potentielle chimique. Un immeuble, c’est des matériaux auxquels on a
donné de l’énergie potentielle gravitationnelle. Donc un peu d’ordre dans
un monde de désordre.
Voyez ce que fait un barrage : il retient l’eau, et donc conserve une
énergie potentielle qui sinon serait perdue lorsque l’eau s’écoule (et trans-
formée en chaleur quand l’eau frotte sur les caillous, fait de la turbulence,
etc.). La vie fait la même chose avec la lumière du soleil : plutôt que de
la laisser se perdre en chaleur, elle la stocke sous forme de structures chi-
V, ,    ’ 23

miques à base de carbone. C’est-à-dire que la vie prote du gâchis ambiant


d’énergie bien rangée pour ranger un peu d’énergie et d’atomes. La vie
(surtout végétale) se comporte avec l’énergie un peu comme un barrage
avec l’eau : elle crée de l’ordre en utilisant l’énergie qui lui arrive sous
forme de lumière.
En ce qui nous concerne plus précisément, nous utilisons l’énergie
stockée par les plantes il y a très longtemps (pétrole et charbon) pour
construire des bâtiments, des machines, des ordinateurs. Pour mettre un
peu d’ordre dans l’univers en fabriquant des choses, nous mettons d’un
point de vue énergétique beaucoup plus de désordre.
Quand vous rangez votre chambre, vous puisez dans vos réserves
énergétiques pour mettre des chaussettes dans un tiroir et considérer que
c’est mettre de l’ordre. Mais en fait, même si vos chaussettes ont gagné un
peu d’énergie potentielle gravitationnelle si vous les avez prises sur le sol,
vous avez dépensé beaucoup plus d’énergie pour faire ça. Vous avez donc
augmenté le désordre énergétique de l’univers. Ranger sa chambre ne sert
à rien ! CQFD !
Bref, pour résumer, la vie peut être vue comme un processus qui crée
de l’ordre localement, à l’inverse de ce que l’univers a tendance à faire à
plus grande échelle.

La conséquence de tout ceci, c’est une Loi. Non pas exactement une loi
physique, mais une loi empirique - tirée de l’expérience - et qu’on appelle
Loi de l’Emmerdement Maximum (ou loi de Murphy chez les anglophones).
L’énoncé principal en est : "Si quelque chose est susceptible de mal tourner,
alors cela tournera nécessairement mal". En gros, c’est le pessimisme même
érigé en loi. Il y a toute une collection de constatations qui suivent ce premier
énoncé, dont deux nous intéressent particulièrement.
La première c’est que "Laissées à elle-mêmes, les choses ont tendance à
aller de mal en pis.". Il s’agit selon moi de façon évidente d’une formulation
du second principe : pour un système laissé à lui-même (et donc isolé) le
désordre ne peut que croître ! D’ailleurs, cette loi ne s’appelle-t-elle pas de
"l’Emmerdement Maximum" ? Et que fait l’entropie ? Elle croît ! L’entropie est
donc sans doute une mesure de l’emmerdement. C’est une conclusion logique.
La seconde constatation c’est que "La Nature n’est pas indiérente à
l’intelligence, elle lui est activement hostile.". Mais c’est normal ! Nous avons
vu que ce que nous cherchons en permanence à faire, c’est à créer de l’ordre.
Mais justement, cela va à l’encontre de ce que la "Nature" fait : elle, elle
24 1. Énergie

crée du désordre ! Il est normal que nous ayons l’impression que les choses
se liguent contre nous. Il y a beaucoup de catastrophes naturelles (incendies,
inondations) mais aucun “miracle naturel” (Oh, une ville tout équipée qui
surgit dans le désert !).
Je pense que personne ne peut plus soutenir après ça que la Loi de l’Em-
merdement Maximum ne trouve pas son origine dans la thermodynamique !
C 2

M

L  , celle de Galilée et de Newton, incarne la physique de


tous les jours par excellence. On l’appelle la mécanique classique.


Inertie, forces et blagues en apesanteur

En apesanteur, dans une station spatiale par exemple, un objet laissé à


lui-même continue sa course en ligne droite avec une vitesse parfaitement
constante. C’est à cause de ça que les astronautes ont beaucoup de mal
avec le bricolage en apesanteur : comme ils n’ont pas d’endroit où "poser"
un outil pour libérer une de leur mains, ils le laissent en l’air, immobile
d’après eux. Mais même lorsqu’ils font très attention, l’objet n’est pas
complètement immobile et il s’éloigne très doucement... c’est ainsi qu’ils
nissent par le perdre de vue.
Restons dans le domaine du bricolage en apesanteur : il est plus dicile
de faire changer de trajectoire une clé de 12 qu’un boulon. Lancer un objet
est d’ailleurs une façon comme une autre de le faire changer de trajectoire.
On dit alors que la clé est plus lourde que le boulon, pas au sens du poids,
puisqu’on est en apesanteur, mais au sens de l’inertie : plus un objet est
massif, plus en fait il a tendance à continuer sa route malgré les eorts
qu’on lui oppose pour qu’il change sa trajectoire.
Tout objet qui bouge a ce qu’on appelle une certaine quantité de mou-
vement. Quand on agit sur lui, on change cette quantité de mouvement
grâce à l’action, la force, qu’on exerce. Pour arrêter un objet, il faut réduire
sa quantité de mouvement à zéro. Il est plus dicile d’arrêter un objet
lancé à 100 km/h que lorsqu’il va à 50 km/h parce qu’il a une quantité de
mouvement deux fois supérieure. Il faut pour cela une force deux fois plus
26 2. M

importante, ou la laisser agir deux fois plus longtemps. Très logiquement


aussi, la quantité de mouvement d’un objet est d’autant plus grande qu’il a
une masse importante. Il est deux fois plus dicile d’arrêter un objet deux
fois plus lourd : il faut là aussi une force deux fois supérieure ou le freiner
deux fois plus longtemps.

F 2.1 – Un objet a tendance à continuer tout droit (c’est ce qu’on appelle
l’inertie) comme en (a) sauf si on agit sur lui par une force qui modie sa
trajectoire comme en (b). En (c) on voit qu’avec la même force, on change
plus nettement la trajectoire si l’objet a une plus petite masse.

Un objet laissé à lui-même a tendance à conserver sa quantité de


mouvement et sa direction tant qu’une force extérieure à lui ne modie
pas l’une ou l’autre. Revenons à bord d’une station spatiale et imaginez
que vous ayez réussi à vous arrêter pile poil au centre d’un compartiment
de la station (un camarade facétieux vous a placé là quand vous dormiez).
Comme vous n’avez aucun moyen évident de vous accrocher à quelque
chose ou de vous pousser sur quelque chose, vous risquez de rester là un
bon moment : vous débattre et crier ne servira à rien du tout. Pour modier
votre quantité de mouvement et la rendre non nulle, il vous faut une force
extérieure...
Vous pouvez par exemple prendre un objet sur vous et vous "appuyer
dessus" – mais il faut le lâcher ! L’objet va partir dans une direction parce
que vous exercez une force sur lui, et comme vous vous appuyez dessus,
vous partirez dans l’autre sens. Doucement, bien entendu, parce que vous
avez une masse plus grande. En fait, lorsqu’on exerce une force sur un
objet, cet objet exerce nécessairement la même force sur vous. Vous le savez
parfaitement : lorsque vous appuyez votre doigt sur une table, celui-ci
I,      27

s’écrase. La pression que vous exercez, il la ressent donc lui-même. Lorsque


vous voulez vous déplacer, vous exercez une force sur les objets qui vous
entourent. Pour sauter, vous appuyez sur le sol, qui exerce alors une force
égale sur vous et c’est ce qui vous permet de décoller. C’est donc le sol qui
vous pousse 1 ! C’est ce qu’on appelle le principe des actions réciproques.
Toute action (toute force que vous exercez) s’accompagne d’une réaction
(la force que vous subissez).
Pour se propulser, il faut donc s’appuyer sur quelque chose. Et le plus
simple, quand il n’y a rien sur quoi s’appuyer c’est de se séparer d’une
partie de la matière qu’on emporte et de l’envoyer le plus fort possible
dans une direction : vous partirez dans l’autre. Plus la matière (une balle
par exemple) que vous lancez part vite, plus la force que vous avez exercée
était grande. Donc plus celle qui s’est exercée sur vous était grande aussi.
Donc plus vous partirez vite dans l’autre sens.

F 2.2 – L’astronaute, ottant pile au milieu de la cabine, n’a pas le


choix. Il doit prendre un objet qu’il porte sur lui et s’appuyer dessus. S’il
appuie dessus, l’astronaute ressent aussi une force, qui le propulse. L’objet et
l’astronaute s’écartent donc l’un de l’autre. Comme l’objet est plus léger que
l’astronaute, il aura une plus grande vitesse que lui par rapport à la cabine
(c’est la signication des èches).

C’est exactement le principe des avions à “réaction”, ou des fusées.


Dans un réacteur, il se produit une “explosion continue”. On transforme,
en faisant une réaction chimique, des liquides (kérosène, oxygène et hy-
drogène liquide) ou même des solides (dans les fusées) en gaz très chauds.
1. Vous allez me dire que c’est vous qui faites l’eort - et c’est vrai. Vous dépensez
de l’énergie pour pousser sur le sol. Mais c’est le sol qui fournit la force : sans rien pour
s’appuyer, on ne peut pas transformer de l’énergie, même si on en a, en mouvement !
28 2. M

Ceux-ci sortent alors à très grande vitesse du réacteur, et pour cela, s’ap-
puient desssus. Le réacteur ressent alors une force qui le propulse dans
l’autre direction 1 .
Dans l’espace, où par dénition il n’y a rien sur quoi s’appuyer, le
seul moyen d’avancer est donc de se séparer d’un peu de matière. Si vous
propulsez un tout petit peu de matière à très grande vitesse, cela peut
être très ecace ! C’est le principe des derniers “moteurs” spatiaux, les
moteurs ioniques. Ils propulsent des ions, c’est à dire des atomes de gaz,
tout petits et très légers, à de très grandes vitesses... Ça évite d’avoir
beaucoup de matière à emporter ( parce que plus il y a de matière, plus il
faut de carburant pour la faire avancer, donc plus il faut de carburant, plus
il faut de carburant 2 , eh !).


Frottements

Sur terre, nous avons toujours moyen de nous accrocher à quelque


chose et nous sommes toujours soumis à l’attraction de la terre qui exerce
une force, même à distance (sinon on ne retomberait pas quand on saute,
hein). Les considérations sur le besoin de se séparer d’un peu de matière
pour modier sa quantité de mouvement nous sont donc assez étrangères.
Quand vous sautez, vous appuyez sur le sol verticalement et cette force
que vous exercez est accompagnée d’une force que le sol exerce sur vous,
exactement opposée. Si vous avez appuyé assez fort, vous décollez. Quand
vous faites un pas, c’est un peu diérent. Pour avancer, il faut un peu plus
que pour sauter. Appuyer verticalement ne sut pas. Il faut appuyer un
peu vers l’arrière aussi. Si vos pieds accrochent susamment, il n’y a pas
de problème - vous pouvez exercer une poussée importante vers l’arrière,
qui s’accompagne d’une force en réaction qui vous pousse vers l’avant.

1. C’est aussi la force que ressent le pommeau de douche quand on se met en position
“jet” et qu’on met le débit au maximum. Et c’est plus facile à se procurer qu’un réacteur.
2. Et réciproquement.
F 29

F 2.3 – Avec votre pied, vous appuyez sur le sol, un peu vers l’arrière.
En retour et parce que votre pied ne dérape pas grâce aux frottements, le
sol pousse votre pied vers l’avant et donc, il vous propulse. Ce sont bien les
frottements qui vous font avancer : sans eux, vous auriez l’impression d’être
sur une patinoire...

Mais c’est bien parce que le sol "colle" à vos chaussures et s’oppose à
ce qu’elles dérapent. C’est donc le sol qui vous fait avancer ! La glace, par
exemple, accroche beaucoup moins bien aux chaussures et quand vous
vous trouvez au milieu d’une patinoire, vous êtes presque aussi démuni
que l’astronaute au milieu de sa cabine.
Ce qui peut paraître paradoxal, c’est qu’on considère généralement
les frottements comme des forces qui s’opposent au mouvement. Prenons
deux exemples.
— Lors d’un saut en parachute, vous tombez à cause de votre poids.
Mais vous êtes aussi soumis au frottement de l’air qui vous freine.
C’est ce qui fait que votre vitesse n’augmentera pas indéniment :
plus vous allez vite, plus le frottement augmente et vous empêche
d’accélérer encore. On atteint assez vite une "vitesse limite", la vi-
tesse maximale de chute dans l’atmosphère pour un homme qui est
de l’ordre de 200 kilomètres par heure (ça dépend beaucoup de la
position qu’il prend). C’est l’exemple d’un frottement uide - qui
intervient lorsque l’on traverse un uide comme l’eau ou l’air.
— Lorsque vous faites glisser une chope sur un bar, vous savez bien
que sa vitesse diminue rapidement et c’est d’ailleurs pour cela que
vous la lancez fort. Les frottements qui arrêtent votre bière sont
plutôt là de l’ordre du frottement "solide" - qui intervient lorsque
deux solides sont en contact.
Dans ces deux cas, on peut dire que le frottement fait disparaître de la
quantité de mouvement, et de l’énergie cinétique par la même occasion. Il
s’oppose donc nettement au mouvement.
30 2. M

La force qui fait que votre pied s’accroche au sol et l’empêche de glisser,
c’est une autre sorte de frottement solide. Ce type de frottement intervient
quand les solides en question ne bougent pas l’un par rapport à l’autre -
donc frottement est un très mauvais terme. Ils ne sont pas frottés l’un contre
l’autre, ils sont accrochés. On devrait sans doute l’appeler l’accrochement,
mais on l’appelle plutôt le frottement solide statique. Évidemment, le
frottement d’une chope sur un bar est un frottement solide dynamique
car les deux solides bougent l’un par rapport à l’autre. Comme on l’a vu
ci-dessus, le frottement statique ne s’oppose pas toujours au mouvement :
c’est lui qui vous permet de vous accrocher, donc il peut aussi bien vous
propulser que vous freiner.
Cette diérence entre frottement statique et dynamique va nous per-
mettre d’établir que la roue est au traineau ce que la jambe est à l’es-
cargot. En eet, l’escargot se déplace lentement et cela lui demande
de l’énergie car son ventre frotte sur le sol et que le frottement dyna-
mique dissipe forcément l’énergie. Ça freine, quoi. Par rapport à un es-
cargot, vous allez vraiment vite (même si on en imagine un de votre
taille 1). C’est parce que vos jambes vous permettent de vous aranchir
du frottement solide dynamique. À tout instant, même quand vous cou-
rez, un pied en contact avec le sol a une vitesse nulle par rapport à
celui-ci. Le pied accroche au sol, mais il ne frotte pas au sens propre.
Vous ne perdez donc pas d’énergie à cause du frottement solide dyna-
mique, mais vous avancez grâce au frottement statique 2 .
Jadis les hommes ne savaient que trainer les objets lourds, ils construi-
saient des traineaux pour transporter des blessés ou des objets qu’ils ne
pouvaient pas porter. Et c’est beaucoup plus fatigant que de porter car le
frottement dissipe l’énergie. Puis est arrivée la roue. Le point de la roue
qui est en contact avec le sol est, comme votre pied, toujours immobile par
rapport au sol. La roue ne frotte donc pas contre le sol (sinon on dit que ça
dérape). Il y a donc besoin de peu d’énergie pour déplacer un objet monté
sur roues et c’est pour ça que c’est une super invention ! Il reste toujours
quelques frottements : le frottement de l’essieu ou la déformation du pneu
qui dissipe aussi de l’énergie. N’empêche que ces frottements sont bien
moins importants que ceux d’un traineau.

1. Belle bête !
2. C’est pour ça qu’il ne pas faut traîner des pieds. Paradoxalement, ça dépense plus
d’énergie que de les lever juste ce qu’il faut. Les vrais emmards ne traînent pas des pieds.
F 31

F 2.4 – Voici la trajectoire d’un point de la roue lorsqu’elle ne dérape


pas. On voit qu’à chaque fois que ce point touche le sol, il rebrousse chemin. Sa
vitesse, lorsqu’il touche le sol, est donc nulle. Ce n’est cependant pas nécessaire :
même quand la roue dérape, le frottement est susamment ecace pour
faire avancer la voiture.

On peut se demander qui est le plus fort : le frottement statique ou


le frottement dynamique ? La réponse est simple : vos pieds tiennent
beaucoup moins au sol quand ils dérapent, c’est-à-dire quand le frottement
est dynamique que quand ils restent immobiles par rapport au sol. Le
frottement statique est toujours plus fort que le frottement dynamique. Quand
vous devez traîner un objet, vous savez intuitivement qu’il faut donner un
coup pour qu’il commence à bouger (pour vaincre le frottement statique)
et qu’ensuite vous pourrez le traîner sans tirer (ou pousser) aussi fort parce
que vous n’aurez que le frottement dynamique à vaincre.
Lorsque vous voulez freiner fort en voiture, en général vos roues se
bloquent et se mettent à déraper. Alors que la force qui vous tenait au
sol était due au frottement statique tant que les roues tournaient, c’est
le frottement dynamique qui vous retient si les roues dérapent. Or le
frottement dynamique est plus faible ! La distance nécessaire pour vous
arrêter est plus grande si vous dérapez que si vos roues gardent l’adhérence
tout en ralentissant au maximum.
C’est pour cela qu’on a inventé l’ABS : ce système détecte quand les
roues se bloquent (si elles ne tournent plus c’est qu’on dérape forcément)
et relâche automatiquement les freins puis les resserre dès que la roue
tourne 1 . Il permet d’être sûr de ne pas déraper et d’avoir ainsi la distance
1. D’où les traces de freinage en pointillé qu’on trouve parfois sur les routes...
32 2. M

de freinage la plus courte possible ! Paradoxalement, c’est en relâchant les


freins un petit peu qu’on freine plus ecacement...


Le poids, la gravitation

Le poids est la force attractive qui explique que la Terre vous attire,
vous et les cailloux. Cette force est proportionnelle à votre masse : plus
un objet est dicile à arrêter, plus il a d’inertie, et plus, en fait, il est
attiré par la Terre. Cela peut même paraître bizarre, non, que ces deux
propriétés soient ainsi liées ? Ça a paru bizarre à un certain Einstein, et
cette constatation est à la base de la relativité générale.
La conséquence majeure c’est que si on prend une plume et une bille
de plomb et qu’on les laisse tomber dans le vide, elles tombent à la même
vitesse et arrivent en même temps au sol. Le poids est proportionnel à la
masse : la bille de plomb a beau avoir un poids plus grand et être attirée
plus fort par la Terre, elle a une masse plus grande donc elle est plus dicile
à mettre en mouvement. La plume est plus facile à mettre en mouvement,
mais du coup son poids est moindre. Bilan : les deux tombent à la même
vitesse. Au quotidien, les plumes tombent eectivement moins vite que
les billes de plomb - mais c’est dû au frottement de l’air, qui agit bien plus
fortement sur une plume, légère et avec une grande surface, que sur une
bille de plomb, ronde et lourde.
Ce que Newton avait compris, c’est que la même force qui fait tomber
une pomme par terre est celle qui fait tourner la Lune autour de la Terre.
Si vous prenez la pomme et que vous la lancez horizontalement, elle va
décrire une parabole et tomber sur le sol un peu plus loin. Si vous la
lancez plus fort, elle tombera plus loin. Mais la Terre est ronde, donc au
bout d’un moment, si on lance très très fort la pomme elle va aller si loin
que l’attraction ne la fera pas retomber sur Terre, ou plus exactement
la pomme va “rater” la Terre et se mettre à tourner autour. Vous l’avez
satellisée. En fait, les satellites tombent sur la Terre en permanence, mais
ils la ratent - c’est ce qu’on appelle être en orbite. La Terre, elle, rate le
Soleil en permanence et c’est heureux.
Imaginez maintenant que vous soyez dans une sorte de boîte metallique
en chute libre, sans qu’elle soit freinée par le frottement de l’air. Vous tom-
bez exactement à la même vitesse que la boîte. Par rapport à la boîte, vous
êtes donc en apesanteur ! Comme une station spatiale est une grosse boîte
métallique qui rate la Terre en permanence, voilà pourquoi les astronautes
L ,   33

sont en apesanteur dans la station. Même si l’attraction terrestre diminue


avec la distance 1 , la station spatiale est en réalité toujours soumise au poids
et les astronautes à l’intérieur aussi. Mais comme tout le monde tombe à
la même vitesse dans le vide, on a l’impression qu’il n’y a plus de poids
et qu’on est en apesanteur ! On peut aussi prendre une boîte métallique
dotée de réacteurs 2 et lui faire suivre une trajectoire parabolique : c’est la
trajectoire d’un objet qui tombe quand il n’y a pas de frottement de l’air.
Dans ce cas, les passagers situés à l’intérieur tombent en suivant la même
trajectoire, donc ils ont l’impression pendant quelques instants d’être en
apesanteur. C’est ce qu’on appelle le vol parabolique et ça évite d’avoir à
aller dans l’espace pour se retrouver en apesanteur.

F 2.5 – La trajectoire d’un satellite en orbite autour de la Terre peut être
circulaire, mais ce n’est en général pas le cas. Elle est en général elliptique.
Un satellite en orbite circulaire à une altitude de 36000 km dans le plan de
l’équateur a une orbite “géostationnaire” : il parcourt son orbite en 24 heures
exactement, donc il reste toujours à la verticale du même point sur Terre !
Même si en fait, il tombe dessus et la rate en permanence...

En allant sur la Lune, on s’apercevrait un peu plus de cette diérence


entre la diculté à changer de trajectoire et le poids. Bref, de la diérence
entre le poids et la masse. Imaginez vous en train de courir dans un couloir
dans une future base lunaire. Le couloir tourne à angle droit. Vous voulez
tourner, et au moins, ralentir. Il est pour vous toujours aussi dicile de

1. Pour être précis, si on double la distance entre deux objets, l’attraction gravitation-
nelle entre eux est divisée par quatre.
2. Un avion par exemple.
34 2. M

changer de vitesse ou de trajectoire que sur Terre parce que vous avez
toujours la même masse. Par contre, votre poids est diérent, il est environ
6 fois moindre ! Donc vous accrochez moins au sol : les frottements de vos
pieds sur le sol aussi six fois moindres. Il vous sera donc plus dicile de
vous arrêter ou de tourner. Vous risquez de voir le mur de très très près !
Sachez de plus que si la Terre vous attire, vous attirez aussi la Terre avec
la même force. Quand vous sautez, par exemple, vous vous appuyez sur la
Terre. Vous et la Terre partez alors dans des directions opposées. Pour vous,
cela se voit. La Terre, par contre, on ne voit pas bien qu’elle bouge parce
qu’elle est quand même un peu plus lourde, hein. Une fois que vous êtes en
l’air, la Terre vous attire. Mais dans ce cas, cela signie que vous attirez la
Terre avec exactement la même force ! Donc non seulement vous revenez
vers elle, mais elle revient aussi un peu vers vous. Un peu. D’accord, je
doute que ça puisse arriver à se mesurer même en y mettant des moyens.
Mais dans l’absolu, c’est bien ce qui se passe. Il y a quelques temps, pour
faire une blague, un allemand a monté un site web où il racontait qu’en
sautant tous ensemble en même temps un jour donné, nous pouvions faire
changer la trajectoire de la Terre. Il proposait de s’inscrire... Au moment
où nous aurions sauté, la Terre aurait peut-être bougé ! Mais aussitôt après,
elle serait revenue à sa position initiale et nous aussi...
D’ailleurs, vous attirez tout le monde 1 , et tous les objets qui vous
entourent. C’est juste un peu trop léger pour faire concurrence à l’attraction
terrestre, mais cette force existe bel et bien.


Il en a fait un pendule

La grande légende de la physique dit que la physique a vraiment com-


mencé quand Galilée a observé une lampe qui se balançait, attachée au
plafond d’une église. Nul ne sait si c’est vrai, mais une chose l’a frappé :
les oscillations de la lampe étaient parfaitement périodiques et mieux,
cette période ne dépend que de la longueur du l et pas de l’amplitude
des oscillations. On aurait pu penser que plus la lampe se balançait fort,
plus les oscillations allaient être lentes - puisque cela veut dire qu’il y a
plus de chemin à parcourir. Mais en réalité, plus on écarte la lampe de
sa position d’origine, plus elle va prendre de vitesse. Les deux eets se
compensent (si on n’a pas non plus trop écarté la lampe de sa position).
Enn Galilée s’est aperçu que si on quadruplait la longueur du l, on
1. C’est fou de se dire qu’on est très attirant, non ?
I      35

multipliait exactement par deux le temps mis par la lampe pour faire un
aller-retour, ce qu’on appelle sa période. En inventant ce qu’on appelle le
pendule, Galilée a inventé la mesure précise du temps. On peut dire que
c’est le premier physicien, parce que cette relation mathématique entre la
longueur du l et la période du pendule lui a suggéré l’idée que “la nature
est un livre écrit dans le langage des mathématiques”. Et la physique, c’est
exactement ça : utiliser les mathématiques pour décrire le monde, pour
mieux le comprendre et tenter de le prédire.

Grâce au pendule, on a pu construire des horloges, qui ne sont rien


d’autre que des pendules dont les oscillations sont entretenues. C’est l’idée
de la balançoire : fournir un peu d’énergie à chaque période pour que les
oscillations ne s’arrêtent jamais. Les horloges ont permis aux navigateurs
de l’époque de savoir enn exactement où ils étaient sur la Terre. Quand on
est sur la Terre mais qu’on sait pas où, seul le soleil et les étoiles permettent
de se repérer. En les regardant, on comprend qu’il n’est pas très dicile
de savoir si on est plus près du pôle ou de l’équateur. Grâce aux étoiles
on peut savoir dans quel hémisphère on se situe. Mais une fois perdu au
milieu de l’Atlantique, comment savoir si on est plus proche de l’Europe
ou de l’Amérique puisque la terre tourne ? La seule solution, c’est d’avoir
une horloge. Il faut qu’elle soit synchronisée avec votre point de départ,
pour que vous sachiez quelle heure il est à ce point de départ au moment
où il est midi au soleil (c’est quand il est au plus haut) là où vous êtes. C’est
la seule et unique façon de déterminer, en gros, le fuseau horaire sur lequel
vous êtes, donc l’endroit où vous êtes exactement.

Quelque part, si on résume abruptement, Galilée a juste étudié la


balançoire. Mais une véritable balançoire a quelque chose d’intéressant
en plus par rapport au pendule : on est dessus. Et il faut, pour que ça soit
drôle, qu’elle ait de l’amplitude. Tout est alors une question de rythme.
Les premières fois qu’un très jeune enfant se met sur une balançoire, on
voit bien que si on ne la sollicite pas au bon rythme, rien ne se passe. Mais
quand on trouve la bonne fréquence des mouvements, la balançoire se met
à osciller de plus en plus fort. C’est qu’elle stocke l’énergie, petit à petit,
de tous les mouvements que vous faites – parce que vous les faites au bon
rythme.
36 2. M

F 2.6 – Une balançoire est un exemple de pendule. Périodiquement, au


rythme imposé par la balançoire (la longueur du l surtout), il faut tendre
ou rentrer les jambes. Chaque mouvement, s’il est fait au bon moment, va
fournir une petite quantité d’énergie à la balançoire qu’elle va garder et
emmagasiner. Plus il y a d’énergie plus c’est fun !

Lors du mouvement, cette énergie va changer de forme : quand la


balançoire est au plus bas, elle va vite, et a beaucoup d’énergie cinétique.
Quand la balançoire est au plus haut, elle a plus d’énergie potentielle,
même si, comme elle s’arrête, elle n’a plus d’énergie cinétique. Et plus il
y a d’énergie totale, plus on va vite et haut, plus c’est drôle. Ceci sans se
fatiguer, puisqu’on fournit juste un petit peu d’énergie à chaque fois, que
la balançoire stocke. En physique, c’est ce qu’on appelle une résonance.
Parfois les résonances sont bienvenues (un intrument de musique ne fonc-
tionne que parce qu’il résonne, et une résonance électrique peut permettre
de sélectionner une fréquence radio), parfois il faut les éviter à tout prix
(il n’est pas bon qu’un pont se comporte comme une balançoire quand il y
a du vent).


Le centre de gravité : ça va vous faire marée

Le poids agit sur un objet exactement comme si on avait attaché un l


à un point particulier et qu’on tirait dessus. Ce point particulier est appelé
"centre de gravité" assez naturellement, ou centre d’inertie.
L    :      37

Vous ne tenez debout que parce que votre centre de gravité est situé
à la verticale de votre polygone de sustentation : c’est une zone qui fait le
“tour” de vos pieds (voir la gure 2.7). Tant que votre centre de gravité
est situé au-dessus de cette zone, votre poids pointe vers cette zone. La
force que le sol exerce sur vous, il l’exerce depuis cette zone sur laquelle
vous vous appuyez. Donc il est capable de contrer le poids, et vous tenez
debout. Si jamais le centre de gravité sort de au-dessus de ce polygone, la
réaction du sol n’est plus capable de compenser complètement le poids, qui
vous attire maintenant en dehors du polygone. Ça s’appelle aussi “tomber”.
Une façon de faire est alors de faire un pas : vous agrandissez ainsi votre
polygone de sustentation, pour rester debout ! On en a même fait un sport.
Il y a des gens qui passent pas mal de temps à essayer de pousser le centre
de gravité des autres hors de leur polygone de sustentation. Ils appellent
ça du judo.

F 2.7 – En (a), voici représentée la surface du sol en contact avec vos
pieds (entourée en noir). Le polygone de sustentation est représenté en gris.
Tant que votre centre de gravité est situé au-dessus ce polygone, vous pouvez
tenir debout. Si jamais par exemple il est situé au-dessus de votre pied gauche,
vous pouvez même lever le pied droit. Mais le polygone est alors beaucoup
plus petit : c’est plus dicile ! En (b), justement en haut on voit le polygone de
sustentation si vous êtes sur un pied, au milieu si vous avez écarté les pieds
et en bas, quand vous faites l’étoile de mer et qu’il est le plus grand possible
(pas tout à fait à l’échelle cependant).

Et à propos de centre de gravité, il faut que vous sachiez que la Lune


ne tourne pas autour de la Terre. Eh non ! La Terre et la Lune tournent en
réalité en 28 jours autour d’un point qui est le centre de gravité du système
38 2. M

Terre-Lune. Comme la Terre est bien plus lourde, ce centre d’inertie est en
fait bien plus proche du centre de la Terre que de celui de la Lune. Ce point
est même situé à l’intérieur de la Terre. Toujours est-il que la Terre et la
Lune tournent autour de ce point. Elles mettent 28 jours environ à en faire
le tour. On dit pour simplier que la Lune met 28 jours à faire le tour de la
Terre, mais vous comprenez que c’est un tout petit peu plus compliqué -
et ça a des conséquences !

F 2.8 – Le centre de la Terre, celui de la Lune et le centre d’inertie sont


toujours alignés. Le centre de la Terre décrit un petit cercle autour de ce point,
et celui de la Lune un bien plus grand, évidemment.

En une journée, la Terre fait en gros un tour sur elle-même. Pendant


ce temps-là, les centres de la Lune et de la Terre n’ont pratiquement pas
bougé. Vous êtes à la surface de la Terre. Donc au cours de la journée,
vous passez une fois au plus près et une fois au plus loin de la Lune. Nous
venons de voir que l’attraction de la Lune décroît avec la distance. Lorsque
vous passez au plus près de la Lune (elle est dans ce cas au-dessus de vous),
vous ressentez plus son attraction : cette force vous tire un peu plus vers
le haut.
La Terre tourne autour du centre d’inertie Terre-Lune. Quand on tourne
autour d’un point, on ressent une force centrifuge. Cette force centrifuge
est d’autant plus grande que vous êtes loin du centre de rotation. Autrement
dit, si vous êtes à la surface de la Terre, vous ressentez davantage cette
force centrifuge quand vous êtes loin du centre d’inertie, c’est-à-dire loin
de la Lune. Cette force vous projette à l’opposé de la Lune. Bref, quand
vous êtes au plus loin de la Lune (ce qui arrive une fois par jour) vous vous
sentez projeté vers le haut.
Ces forces sont ce qu’on appelle les forces de marée. Quand vous êtes
L    :      39

F 2.9 – En passant au plus près de la Lune, à cause de son attraction,


vous êtes tiré vers le haut. Quand vous passez au plus loin, cette attraction
est faible alors que la force centrifuge est plus forte. Elle vous pousse vers
l’extérieur de la Terre (on appelle ça le haut, aussi). Deux fois par jour, avec
la même intensité, vous êtes donc tiré vers le haut par les forces de marée.

au plus près, mais aussi au plus loin de la Lune, vous êtes un peu tiré vers
le haut. Et pas seulement vous, mais toute la Terre. Si la Terre ne tournait
pas, ces forces auraient tendance à lui donner une forme un peu allongée
en direction de la Lune. Ce n’est pas le cas, mais du coup, tout endroit de
la Terre ressent deux fois par jour des forces de marée qui le tirent vers le
haut. La Terre elle-même se déforme en permanence à cause de ces forces.
Nous nous soulevons et nous abaissons deux fois par jour d’une trentaine
de centimètres parfois, même sur la terre ferme. Évidemment, comme l’eau
est beaucoup plus déformable que les roches, les forces de marée ont plus
d’inuence sur elle. C’est ainsi qu’il y a en gros deux marées hautes par
jour 1 .
Les marées sont donc dues à la rotation de la Terre sur elle-même et
à la présence de la Lune 2. Or vous savez que si vous agitez l’eau dans
un verre d’eau, les mouvements nissent par disparaître parce que l’eau
“frotte” contre le verre, et les molécules d’eau frottent les unes contre les
autres. Les marées sont des mouvements d’eau, elles n’échappent pas à la
règle : ils perdent de l’énergie cinétique, les mouvements ont naturellement
tendance à cesser. Comme c’est la rotation de la Terre qui est responsable
1. À cause des forces “deux marées”.
2. Pour être complet, le Soleil crée aussi des forces de marées sur Terre. Il est plus loin,
mais il est beaucoup plus gros. Son inuence est environ la moitié de celle de la Lune.
40 2. M

des mouvements de l’eau, c’est au nal l’énergie cinétique de rotation de la


Terre que les marées dissipent. Bref : les marées ralentissent le mouvement
de rotation de la Terre sur elle-même. Il y a 300 millions d’années, le jour
durait plutôt 22 heures.
Vous savez sans doute que la Lune nous montre toujours la même
face. Ne vous êtes vous jamais demandé par quel hasard hallucinant ce
pouvait être le cas ? Bien entendu une telle coïncidence n’en est pas une.
Jadis, lorsqu’elle s’est formée, la Lune tournait sur elle même. Elle ne nous
montrait pas toujours la même face. Mais l’attraction de la Terre est forte
et la Lune est très éloignée du centre d’inertie Terre-Lune. Donc la force
centrifuge qu’elle subit est forte elle aussi. Donc les forces de marée sont
très importantes sur la Lune (alors qu’il n’y a absolument pas d’eau mise
en jeu !). Tant que la Lune tournait sur elle-même, les forces de marée
la déformaient : il y avait des marées de Lune. La Lune se déformait en
permanence et ça l’a freinée : elle a perdu sa rotation initiale. C’est donc
à cause des marées que la Terre a créées sur la Lune que la Lune a arrêté
de tourner et qu’elle nous montre maintenant toujours exactement la même
face !


La rotation

Nous avons vu qu’un corps en mouvement avait naturellement ten-


dance à continuer sa route. C’est ce qu’on appelle l’inertie. On conçoit tout
à fait que lorsqu’un objet tourne autour d’un axe, il a lui aussi une certaine
forme d’inertie : il ne s’arrête pas spontanément de tourner, il a donc une
inertie liée à sa rotation. En apesanteur, dans le vide, un objet qui tourne
sur lui-même continue de le faire indéniment. On peut dire qu’il a une
quantité de rotation et qu’il la conserve. Cette "quantité de rotation", on
l’appelle aussi moment cinétique. Quelque part, c’est aussi de la quantité
de mouvement, mais pas du mouvement de tout l’objet dans une seule
direction.
Quand on dit d’un objet qu’il a une certaine vitesse, on n’a pas tout dit.
Il faut dire dans quelle direction il part. De la même manière, quand on
a dit qu’un objet tourne sur lui-même, il faut donner l’axe autour duquel
il tourne. Cet axe est un peu sa direction de rotation. Et plus un objet
a de quantité de rotation, plus il est dicile de l’en faire changer, c’est
de la quantité de mouvement après tout. Ainsi, les objets en rotation ont
tendance à garder toujours le même axe de rotation, surtout s’ils tournent
L  41

très rapidement. C’est une propriété très importante : l’axe de rotation


d’un objet qui tourne sur lui-même très vite garde la même orientation.
Un objet peut être plus ou moins dicile à mettre en rotation - tout
dépend de sa forme. Plus un objet est ramassé autour de l’axe, plus on
peut le faire tourner facilement. Si au contraire une bonne partie de sa
masse est loin de l’axe, il va être plus dicile de le mettre en rotation. Cette
“diculté à mettre un objet en rotation” est appelée moment d’inertie. De
la même manière qu’on parle de masse et de quantité de mouvement, on
peut parler de moment d’inertie et de moment cinétique (ou quantité de
rotation).

F 2.10 – Un bâton demande moins d’eorts à faire tourner sur son
axe (à gauche) parce que quand il tourne sur lui-même, comme il est n, ça
représente moins de quantité de mouvement à donner. Le bâton a un petit
moment d’inertie dans ce cas. Cela demande plus d’eorts de le faire tourner
sur l’axe représenté à droite, parce que quand il tourne ses extrêmités vont
vraiment vite, ce qui représente plus de quantité de mouvement, et donc
de rotation au nal. Dans ce cas, le bâton a un grand moment d’inertie.
La dénition du moment d’inertie dépend donc de l’axe de rotation qu’on
considère, sauf pour une boule.

Il est très dicile de faire tenir un objet sur un seul point d’appui. C’est
un équilibre (très) instable. La moindre perturbation va faire tomber votre
objet. Sauf... s’il tourne très vite ! Une toupie, par exemple, est capable de
tenir debout avec un seul point d’appui. C’est que pour faire tomber la
toupie, il faudrait modier son axe de rotation. Or, si elle tourne vite, c’est
très dicile. Elle a plutôt tendance à le conserver, et à ne pas tomber du
tout.
42 2. M

Au lieu de la faire tomber, son poids a même plutôt des eets inattendus :
lorsque l’axe de rotation de la toupie n’est pas parfaitement vertical, le
poids “tire” la toupie plus fortement vers le bas. Au lieu de tomber, son
axe de rotation tourne. Il tourne autour d’un axe vertical. C’est ce qu’on
appelle un mouvement de précession.

F 2.11 – La toupie se tient sur un seul point d’appui. Si elle ne tournait
pas, elle tomberait immédiatement. Le poids d’une toupie qui tourne ne sut
pas à faire changer notablement l’axe de rotation de la toupie. Elle ne tombe
donc pas. L’eet du poids est seulement de faire tourner l’axe de rotation
lui-même autour de la verticale.

Si vous vous asseyez sur un fauteuil qui tourne sur lui-même (et qui
est vraiment bien huilé), vous allez vous apercevoir que vous ne pouvez
pas vous mettre à tourner sans vous appuyer sur le sol. Vous pouvez
vous démener, c’est un peu comme si vous étiez immobile au milieu de
la station spatiale. En eet, tant que vous restez sans contact avec le sol,
votre quantité de rotation reste constante, et nulle en l’occurence : vous
ne tournez pas. C’est un peu le même principe que pour la quantité de
mouvement : si vous voulez de la rotation, il faut vous pousser sur quelque
chose. Imaginez que vous teniez à la main une petite roue qui tourne
autour d’un axe et que vous mainteniez cet axe vertical. Faire tourner la
roue avec votre main, c’est un peu comme vous appuyer sur la roue : vous
allez vous mettre à tourner dans l’autre sens ! Si vous arrêtez la roue, vous
vous arrêtez aussitôt. En fait, lorsque vous tournez tous les deux dans des
sens opposés, vos quantités de rotation s’annulent. La quantité de rotation
totale, nulle au départ ici, reste en fait toujours nulle !
Si vous prenez une toupie et que vous la faites tourner très vite sur un
dispositif qui lui permet de se placer comme elle veut dans l’espace, on
L  43

F 2.12 – Vous êtes sur un siège tournant avec une roue dans les mains.
Lorsque vous lancez la roue dans un sens, vous vous mettez à tourner dans
l’autre sens parce que vous vous êtes appuyé sur la roue. La quantité de
rotation totale reste toujours nulle, cenpendant.

obtient ce qu’on appelle un gyroscope : un dispositif qui, une fois lancé,


conserve son axe de rotation quoi qu’il arrive. C’est très pratique pour
repérer son orientation dans l’espace. Dans certains avions, des gyroscopes
sont mis en mouvement de rotation très rapide, et on les met dans des
dispositifs qui leur permettent de bouger par rapport à l’avion. Ainsi, ils
gardent le même axe de rotation même si l’avion bouge, tourne ou se met
sur le dos. C’est de cette façon que fonctionnent les cadrans qui indiquent
en permanence au pilote comment l’avion est situé par rapport à l’horizon.
C’est aussi grâce à cette propriété que vous pouvez jouer au frisbee sur
la plage ! Si vous essayez de lancer un frisbee sans le faire tourner sur lui-
même, il ne reste pas horizontal, il bascule et tombe. S’il tourne rapidement,
il aura une grande quantité de rotation (le moment cinétique) qu’il sera
dicile de faire changer ! Au nal, le frisbee conserve l’axe de rotation et
donc l’inclinaison que vous lui avez donnés au départ. En général, on le
lance très légèrement incliné de manière à ce qu’il se comporte exactement
comme une aile d’avion : cela lui donne une grande “portance”. Il s’appuie
ainsi très ecacement sur l’air et peut parcourir une grande distance ! La
rotation est ce qui garantit la stabilité du frisbee, l’empêche de basculer et
fait qu’il se comporte comme une aile d’avion en s’appuyant sur l’air de
façon très ecace.
44 2. M

La conservation du moment cinétique a d’autres conséquences inté-


ressantes - chez les patineuses notamment. Elles prennent appui sur la
glace pour se mettre à tourner et une fois mises en mouvement, comme
elles ne sont en contact avec la glace quasiment que par un seul point,
leur quantité de rotation initiale est conservée : elles ne peuvent plus la
modier. Par contre, elles peuvent encore modier leur vitesse de rotation
en changeant leur moment d’inertie. Elles commencent leur rotation avec
les bras écartés, pour avoir un moment d’inertie maximum. Puis elles
vont réduire ce moment d’inertie en rapprochant leurs bras de leur corps.
Réduire ce moment d’inertie revient à augmenter la facilité avec laquelle
leur corps peut tourner sur lui-même. Comme la quantité de rotation ne
change pas, mais que leur corps tourne plus facilement, il se met à tourner
plus vite.
Çe serait encore plus net si les patineuses avaient des haltères dans
les mains. Un haltère loin de l’axe de rotation, et qui tourne lentement
représente autant de "quantité de rotation" que s’il tournait plus vite près
de l’axe. Donc pour augmenter sa vitesse de rotation, la patineuse n’a
qu’à rapprocher l’haltère de son corps 1 . Bon, ça marche aussi sans les
haltères, ce qui fait qu’en plus d’être intéressant au niveau de la physique,
on en arrive à dire que le patinage c’est joli. C’est aussi ce que font les
gymnastes pour tourner plus vite lors des saltos, ils regroupent leur corps,
et ils s’ouvrent lorsqu’ils veulent arrêter de tourner.
Si vous êtes nul en patinage, vous pouvez chercher un tourniquet
comme ceux qu’on trouve sur les espaces de jeu pour enfants. Lors de la
phase de lancement, demandez à tous les bambins de rester penchés le
plus possible en dehors du tourniquet - mais bien accrochés. Une fois que
vous avez lancé le tourniquet, dites leur de se redresser et de se rapprocher
du centre : la vitesse de rotation va encore augmenter. Eet garanti 2 !
Revenons à notre système Terre-Lune. La quantité de rotation de ce
système se conserve, parce qu’il n’y a rien sur quoi s’appuyer pour tourner
un peu plus ou un peu moins dans l’espace. Mais nous avons vu que la Terre
ralentissait à cause des forces de marées. Pour que le moment cinétique
1. Ce qui demande un gros eort pour contrer la force centrifuge, et c’est cet eort
qui nalement augmente l’énergie cinétique de la patineuse, tandis que la quantité de
rotation reste constante.
2. Mais pas forcément apprécié à sa juste valeur par les enfants qui ont une nette
tendance à crier beaucoup plus fort. Pourtant c’est juste de la physique ! Vous pouvez
essayer aussi juste sur une chaise de bureau, c’est pas un tourniquet, mais ça marche.
Prenez des bouteilles d’eau pour vous servir d’haltères et faire un peu d’haltérophilie
artistique...
L  45

reste constant, la Lune pourrait se remettre à tourner, mais les forces de


marées l’ayant arrêtée, on comprendrait mal qu’elles lui permettent de
redémarrer. La Lune joue un peu le rôle des haltères pour la patineuse :
comme la rotation de la Terre ralentit, alors la Lune s’éloigne ! Quand, il
y a presque un milliard d’années, le jour durait 18 heures, la Lune était
beaucoup plus proche ! Elle s’est éloignée avec le temps.
Il est donc tout à fait juste de conclure ce chapitre en disant que les usines
marémotrices, qui utilisent l’énergie des marées et donc l’énergie cinétique
de rotation de la Terre pour produire de l’électricité font s’éloigner la Lune et
augmenter la durée du jour 1 .

1. Et il est encore plus juste d’ajouter que leur inuence est en fait négligeable par
rapport à la dissipation naturelle de l’énergie des marées !
C 3

M  

O   les gaz et les liquides sous le nom de uides parce qu’ils
sont inniment déformables : la moindre contrainte sut à les dé-
former, on dit qu’ils s’écoulent, bref qu’ils sont uides. C’est parce que les
molécules qui les composent ne sont pas attachées à leurs voisines : elles
peuvent bouger plus ou moins librement les unes par rapport aux autres.

La diérence entre un gaz et un liquide c’est que, dans un gaz, les


molécules sont éloignées les unes des autres. Elles ne se “voient” donc
pratiquement pas, sauf quand elles se cognent (de temps en temps). Un
gaz est facilement compressible : si on appuie dessus, on rapproche les
molécules les unes des autres. C’est possible parce qu’il y a beaucoup de
place entre les molécules.

Un liquide ressemble plus à une foule de gens dans un stade : les


molécules sont pressées les unes contre les autres et elles s’attirent mu-
tuellement. Les liquides sont donc beaucoup plus denses que les gaz et ils
sont à peu près incompressibles : les molécules sont tellement proches les
unes des autres qu’il n’est pas tellement possible de les rapprocher encore.

Bien qu’il y ait de façon évidente une diérence entre le comporte-


ment des gaz et celui des liquides, en réalité les deux réagissent de façon
quasiment identique dans la plupart des situations parce qu’ils sont in-
niment déformables. Et comme nous baignons dans les uides (l’air qui
nous entoure, l’eau) et que nous en sommes nous-mêmes constitués, com-
prendre les uides c’est mieux comprendre le monde qui nous entoure très
directement.
48 3. M  


La pression

Les molécules des uides bougent très rapidement, en permanence :


c’est ce qu’on appelle l’agitation thermique. Dans un gaz comme l’air, les
molécules se déplacent à peu près à la vitesse du son, soit 330 mètres
chaque seconde ! Mais elles n’ont pas la place de faire beaucoup de chemin
avant de se cogner aux autres. La température donne une mesure de cette
agitation : plus un objet est chaud, plus ses constituants sont agités, tout
simplement. Les molécules d’un uide se heurtent donc aux parois du
récipient qui les contient, ou plus généralement à tout ce qui est en contact
avec ce uide.
Le résultat c’est que le uide exerce une force sur tout ce qui est en
contact avec lui. Bien entendu, plus la surface de contact entre le uide
et un objet est grande, plus la force exercée sur cet objet est grande. La
pression du gaz est la force qu’il exercerait sur un mètre carré. En plus,
le gaz exerce cette force sur lui-même : si vous décidez de diviser le gaz
contenu dans une boîte en deux, la partie gauche exerce une pression sur
la partie droite, et vice versa. On parle donc de la pression qui règne dans
un gaz. Et plus la pression à l’intérieur d’un gaz est forte, plus il appuie
sur le récipient qui le contient.
Nous sommes soumis en permanence à une très grande pression de
l’air qui nous entoure. La preuve ? Les ventouses : quand vous collez une
ventouse sur une surface, vous chassez l’air de l’espace qui se trouve entre
la surface et le côté intérieur de la ventouse. La pression dans cet espace est
faible car il y a peu de molécules pour cogner sur l’intérieur de la ventouse.
Par contre, la pression de l’atmosphère est toujours la même et elle appuie
toujours fortement sur l’extérieur. C’est ce qui permet à la ventouse de
coller. Il vous faudra une grande force pour arriver à la décoller. Il sut par
contre de faire pénétrer de l’air sous la ventouse pour que soudainement
la force qui fait qu’elle colle disparaisse.
C’est un phénomène du même type qui explique pourquoi votre congé-
lateur est dicile à ouvrir deux fois de suite (l’été surtout). La première
fois que vous l’ouvrez, de l’air chaud rentre. Vous l’enfermez ensuite dans
le frigo et il se refroidit c’est-à-dire que les particules qui le composent
sont ralenties. Elles frappent moins fort les parois du frigo : la pression
à l’intérieur devient plus faible. Donc l’air appuie plus à l’extérieur qu’à
l’intérieur et cela peut rendre le frigo assez dicile à ouvrir. La porte se
comporte un peu comme une ventouse. C’est pour cette raison aussi que
L  ’A 49

les pots de contures sont si diciles à ouvrir : ils ont été fermés alors
qu’ils etaient très chauds. L’air chaud qu’on a enfermé s’est refroidi, et la
pression est devenue très faible. Il faut souvent arriver à faire pénétrer un
peu d’air pour rendre l’ouverture bien plus facile.

F 3.1 – Quand vous avez chassé l’air sous la ventouse, les quelques
molécules qui restent à l’intérieur ne tapent plus beaucoup sur la ventouse.
Par contre, les molécules extérieures sont très nombreuses à appuyer sur la
ventouse. Il devient très dicile de la décoller : c’est comme si vous aviez un
kilogramme posé sur chaque centimètre carré de votre ventouse !


La poussée d’Archimède

Si vous considérez une colonne d’eau, les molécules du dessus s’ap-


puient en fait sur celles du dessous. Bien sûr il faut imaginer qu’elles
bougent tout le temps, mais comme elles ne tombent pas toutes en bas,
c’est bien qu’elles s’appuient les unes sur les autres, hein. Un peu comme
une sorte de pyramide, au cirque. Bien entendu, au cirque, ceux qui sont en
bas sourent plus parce qu’ils ont à supporter le poids de leurs camarades.
C’est la même chose dans l’eau : les molécules qui sont en bas de la colonne
d’eau ont à supporter le poids de celles qui sont au dessus. Elles sont donc
soumises à une pression plus importante. La pression augmente quand la
profondeur augmente, à cause du poids des molécules qui sont au-dessus.
Cela dit, la pression s’exerce dans toutes les directions, y compris
horizontalement. Ça n’est pas parce que la source de cette pression est le
poids du uide (qui s’exerce verticalement) que la pression est plus forte
dans une direction donnée. Comme les molécules qui les composent ne
sont pas liées, les uides répartissent la pression dans toutes les directions.
Ça se voit bien si vous prenez un ballon de baudruche goné et que vous
50 3. M  

essayez de l’aplatir sur le sol, les molécules vont transmettre votre force
vers le côté, et pousser les parois horizontalement.
Tout cela est valable dans n’importe quel uide soumis à la pesanteur, y
compris dans l’air : lorsque vous allez en montagne, les acons en plastique
souples arrivent gonés (quand ce n’est pas ouverts dans la trousse de
toilette). C’est bien le signe que la pression en bas (qui est celle dans le
acon) est plus forte que celle en altitude 1 .
Dans l’eau par exemple, la pression augmente d’une atmosphère tous
les 10 mètres. C’est beaucoup ! Si vous prenez un gaz dans un sac, à pression
athmosphérique, cela signie que son volume sera diminué par deux à 10
mètres sous l’eau. Il y a toujours autant de gaz dans le sac, mais il sera
comprimé par l’eau !
Si maintenant vous imaginez un objet plongé dans l’eau, la pression de
l’eau à sa base est forcément un peu plus grande qu’à son sommet. L’eau
appuie un peu plus sur le bas de l’objet que sur le haut. L’eau exerce sur cet
objet une force dirigée vers le haut qu’on appelle la poussée d’Archimède.
Et c’est normal : si à la place de l’objet on mettait de l’eau, l’eau resterait
immobile, en subissant la même force. Cela signie que le poids de cette
eau est exactement compensé par la poussée d’Archimède à laquelle ce
volume d’eau est soumis.

F 3.2 – Imaginez un objet dans l’eau (une enclume par exemple). Si
vous remplaciez cet objet par de l’eau, cette eau ne bougerait pas : son poids
serait exactement compensé par la force exercée par le reste de l’eau (à droite).
Cette force est due à la pression de l’eau : c’est la poussée d’Archimède. Elle
s’exerce aussi bien sur l’eau que sur l’enclume elle-même - mais pour une
enclume, cette force ne sut pas à compenser le poids. L’enclume coule.

1. Il vous surait de chasser l’air du acon avant de partir pour diminuer la pression
à l’intérieur et ne plus avoir de problème, et c’est pareil pour les voyages en avion.
L  ’A 51

C’est ce raisonnement qui permet de connaître l’intensité de la poussée


d’Archimède. On peut donc en déduire que tout bidule plongé dans un
uide subit une force dirigée vers le haut et égale au poids du volume de
uide qu’on pourrait mettre à la place de l’objet !

Si vous considérez un caillou, son poids est plus grand que son volume
rempli d’eau. On dit qu’il est plus dense que l’eau. Une fois le caillou plongé
dans l’eau, la poussée d’Archimède (égale au poids de l’eau qu’on peut
mettre dans le volume du caillou) est plus petite que le poids du caillou : il
coule. Pour un morceau de bois, c’est le contraire : il est moins dense que
l’eau. Si vous le mettez sous l’eau, la poussée d’Archimède le fait monter
vers la surface.

Une fois à la surface, une partie du bâton va émerger, tandis qu’une


autre partie va rester sous l’eau : c’est sur cette partie immergée que s’exerce
la poussée d’Archimède. Elle est égale d’ailleurs au poids de l’eau qu’on
pourrait mettre à la place de la partie immergée, et parfaitement égale au
poids du bâton : s’il otte sans monter ni descendre, c’est que la poussée
d’Archimède compense exactement son poids.

Comme la glace est un peu moins dense que l’eau, elle otte. Seul un
dixième de tout glaçon dépasse de la surface, cependant. C’est déjà assez
extraordinaire qu’un solide soit moins dense que le liquide qui correspond.
Un jour, ça a même semblé surprendre un très gros bateau dans l’Atlantique
nord : les icebergs ottent aussi.

C’est la poussée d’Archimède qui explique bien entendu que les bateaux
ottent, même s’ils sont constitués de métal. Un bateau s’enfonce, comme
un glaçon, jusqu’à ce que la poussée d’Archimède compense son poids.
Et en réalité un bateau contient surtout beaucoup beaucoup d’air grâce
à sa forme. Sa densité, en moyenne, est donc bien inférieure à celle de
l’eau. C’est bien pour cette raison qu’il peut otter. Si on remplace l’air par
de l’eau, par contre, on sait ce qui se passe : le bateau devient plus dense
que l’eau. C’est pour ça qu’il ne faut pas faire de trou dans la coque d’un
bateau.
52 3. M  

F 3.3 – Quand vous essayez de faire otter une barque, elle s’enfonce.
Plus la barque s’enfonce, plus elle prend la place de l’eau, plus la poussée
d’Archimède est forte. Elle compense exactement le poids de la barque et de
ce qu’elle contient. Si vous montez dedans, la barque va s’enfoncer pour que
la poussée d’Archimède augmente, jusqu’à un nouvel équilibre.

Pour jouer avec la poussée d’Archimède, vous pouvez par exemple


vous mettre sur le dos à la piscine. Tant que vous avez une grande quantité
d’air dans vos poumons, tout va bien. Mais essayez donc de souer jusqu’à
ce que vous n’ayez presque plus d’air : là vous allez commencer à couler
tout doucement. C’est d’ailleurs le seul moyen d’arriver à s’assoir au fond
de la piscine. Votre densité moyenne a changé parce que vous avez expulsé
l’air. Pensez à remonter rapidement, à ce propos.
La poussée d’Archimède permet aussi aux ballons de voler (montgol-
ères et autres dirigeables ainsi que ballons de foire). Puisque la pression
diminue avec l’altitude, la poussée d’Archimède existe aussi dans l’air. Mais
pour qu’un système vole grâce à ce principe il faut qu’il soit, en moyenne,
plus léger que l’air ! La première solution est de chauer l’air : à pression
égale, l’air chaud est plus léger que l’air froid. En eet, plus l’air est chaud
plus ses molécules vont vite et plus elles se cognent à une éventuelle paroi
ou entre elles. L’eet de ces collisions est que les molécules s’écartent de
plus en plus les unes des autres. L’air chaud est ainsi moins dense parce que
ses molécules se cognent entre elles plus fortement et aussi plus souvent.
Ainsi, un ballon goné avec susamment d’air chaud peut s’envoler. C’est
le principe de la mongolère.
L’autre solution, celle adoptée dans le cas des dirigeables, c’est de
prendre un gaz plus léger que l’air : c’est-à-dire dont les molécules sont
   ’ 53

plus légères, comme l’hélium 1 . L’hydrogène est encore plus léger, mais il
est inammable 2 ...


Quelques propriétés de l’eau

Il est dicile de parler des uides sans parler un peu plus de l’eau -
d’un point de vue microscopique. Si les atomes et les électrons ne vous
sont pas familiers, allez voir le chapitre 7 d’abord !
La molécule d’eau est une molécule constituée d’un atome d’oxygène
lié à deux atomes d’hydrogène. L’oxygène attire toujours beaucoup les
électrons, et là c’est le cas aussi : les électrons des atomes d’hydrogène (ils
n’en ont qu’un chacun) sont très proches du noyau de l’oxygène et assez
peu des noyaux d’hydrogène (en général un proton seul).
Bilan : c’est comme si l’oxygène portait une charge négative, et si du
côté de chaque hydrogène il y avait une charge positive. Ainsi, quand
une molécule d’eau croise une autre molécule d’eau elles ont tendance
à se coller parce que les atomes d’hydrogène de l’une sont très attirés
par l’atome d’oxygène de l’autre. Elles se comportent un peu comme des
aimants avec un pôle sud et un pôle nord. C’est ainsi que les molécules
d’eau collent entre elles : un atome d’hydrogène se retrouve collé à un
atome d’oxygène d’une autre molécule d’eau. On appelle ça une liaison
hydrogène. Cette liaison explique plein plein plein de propriétés de l’eau.

1. En fait, ça n’est pas si évident que ça. Si vous prenez de l’eau et de l’huile, les
molécules d’eau sont individuellement plus légères que les molécules d’huile. Mais les
molécules d’eau s’attirent fortement, elles sont donc plus tassées. Au nal, l’eau est plus
dense que l’huile alors que ses molécules prises individuellement sont plus légères. Pour
les gaz c’est diérent : comme leurs constituants sont très éloignés les uns des autres,
leurs propriétés ne dépendent pas tellement des molécules qui les composent. Il y a donc
à peu près autant de molécules dans un volume d’air et un même volume d’hélium à
la même température et à la même pression. Comme les molécules d’hélium sont plus
légères, le volume d’hélium est plus léger !
2. Et suite à l’accident du dirigeable géant Hindenburg qui a brulé en 34 secondes en
1936, on a dénitivement arrêté d’utiliser l’hydrogène !
54 3. M  

F 3.4 – Voici deux molécules d’eau. Les atomes d’oxygène sont nettement
plus gros et ils ont tendance à se coller aux atomes d’hydrogène des autres
molécules d’eau, exactement comme un aimant.

D’abord, l’eau est un des très rares composés dont le solide est plus léger
que le liquide. Vous le savez : la glace otte. Cela signie qu’à l’intérieur
les molécules sont plus éloignées les unes des autres que dans le liquide !
Si la glace est solide, c’est que les molécules à l’intérieur ne sont plus
capables de bouger. Elles sont toutes collées les unes aux autres par des
liaisons hydrogène et c’est ce qui fait la solidité (relative) de la glace. Pour
établir un maximum de liaisons hydrogène, les molécules sont obligées de
se placer de façon très précise, et cela les oblige à n’avoir que 4 voisines 1 .
C’est ça qui leur impose d’être plus éloignées les unes des autres que dans
le liquide où il y a beaucoup moins de liaisons hydrogène. C’est pour cela
que la glace est plus légère pour un même volume et qu’elle otte.
D’ailleurs, connaissez vous le problème du verre plein d’eau dans lequel
otte un glaçon ? Si le glaçon fond, est-ce que le verre va déborder ?
Lorsque le glaçon otte, sa partie immergée représente 90% de son
volume. Elle occupe un volume sous l’eau tel que la poussée d’Archimède
compense exactement le poids total du glaçon. Autrement dit, si de l’eau
se trouvait à la place de cette partie immergée, elle aurait exactement le
poids du glaçon. Donc si le glaçon fond et se transforme en eau, il aura
exactement ce volume. Le verre ne débordera donc pas. C’est pour cette
raison que si la banquise fond, le niveau des eaux ne montera pas. C’est
1. Dans l’eau liquide, toutes les liaisons hydrogène entre les molécules ne sont pas
établies, mais il y en a un certain nombre. Dans l’eau liquide, ces liaisons se font et se
défont très rapidement, ce qui fait que deux molécules ne restent pas côte à côte, même
s’il y a des liaisons. Ce n’est que quand toutes les liaisons possibles sont établies que les
molécules sont immobilisées.
C    55

si les glaciers de l’antarctique ou du Groenland fondent que le niveau


montera. Car eux sont sur un socle de roche, pas dans l’eau.
Revenons à l’eau liquide et aux liaisons hydrogène. Dans l’eau liquide,
les liaisons hydrogène se font et se défont en permanence, mais leur nombre
total reste à peu près constant, à une température donnée. Au-dessus de
4˚C, plus l’eau est chaude, plus ses molécules sont agitées, et donc plus
les liaisons hydrogène cassent facilement. Au nal les molécules sont
plus éloignées les unes des autres, mais cette fois parce qu’elles s’agitent
plus ! L’eau plus chaude est donc en général moins dense : il y a moins de
molécules dans un volume donné. De l’eau chaude au milieu d’eau froide
est donc soumise à une poussée d’Archimède supérieure à son poids et elle
va monter vers la surface. Les eaux chaudes se trouvent donc en surface.
Mais en dessous de 4˚C, il a de plus en plus de liaisons hydrogène et
l’eau commence à ressembler de plus en plus à de la glace - même si elle
est encore uide. Pour établir de plus en plus de liaisons hydrogène, il faut
que les molécules d’eau s’éloignent de plus en plus des autres. C’est très
léger, mais c’est inévitable. L’eau à 2˚C est donc plus légère que l’eau à 4˚C
parce que les liaisons hydrogène, très nombreuses, écartent les molécules
unes des autres. Comme l’eau la plus froide est la plus légère, les lacs ou
les océans commencent toujours par geler en surface, et la température au
fond est alors en gros de 4˚C quoi qu’il se passe en surface. C’est comme
ça que les grenouilles passent l’hiver sans trop risquer de geler ! Elles
comptent sur les liaisons hydrogène...


Capillarité et tension supercielle 4

Vous savez que les molécules d’eau s’attirent entre elles et se lient avec
leurs voisines. Chaque molécule va donc spontanément s’entourer du plus
grand nombre possible de voisines. Seulement, une molécule qui se trouve
à la surface du liquide a forcément moins de voisines qu’une molécule qui
se trouve au milieu du liquide. Pour qu’il y ait un maximum de molécules
avec un maximum de voisines il faut donc qu’il y ait un minimum de
molécules qui se trouve en surface. Un liquide comme l’eau s’organise
donc spontanément de manière à minimiser sa surface extérieure. Tout
se passe comme si la surface était “tendue” - un peu comme un ballon
de baudruche. On parle alors de tension supercielle (parce qu’elle se
manifeste en surface seulement).
1. Le titre de la section n’a rien à voir avec l’ambiance chez mon coieur.
56 3. M  

Quand vous faites couler un robinet très doucement, le let d’eau


s’amincit en descendant. Plus le let d’eau s’amincit, plus les molécules
qui sont présentes en surface sont nombreuses. Au bout d’un moment, ce
n’est plus tenable : les molécules d’eau s’organisent en gouttelettes à peu
près sphériques plutôt qu’en une mince colonne d’eau. Elles conservent
ainsi plus de voisines !

F 3.5 – Le let d’eau s’amincit parce que la vitesse de l’eau augmente au
fur et à mesure qu’elle tombe. Seulement, si on considère une section du let
d’eau, son débit (le nombre de molécules qui passent par seconde) doit être le
même partout. Si les molécules vont plus vite, pour qu’il en passe toujours
autant, c’est que la section diminue. Si le let d’eau s’amincissait indéniment,
on nirait par avoir un let d’eau d’une seule molécule - donc les molécules
n’auraient plus de voisines. Comme elles s’attirent, elles préfèrent se grouper
en goutelettes.

Lorsqu’on met de l’eau en contact avec un solide elle s’y accroche plus
ou moins. L’eau accroche relativement bien au verre, par exemple. On
dit qu’elle “mouille” le verre. La surface de l’eau n’est pas parfaitement
horizontale sur les bords du verre. Elle remonte un peu : c’est le ménisque.
C’est le signe que l’eau a une certaine anité pour le verre, elle s’y colle
volontiers.
Pour vous en convaincre, vous pouvez prendre un verre, le remplir
à ras bord et mettre un carton par dessus - puis retourner le tout. Si le
carton est assez léger, rien ne devrait tomber. C’est bien le signe que l’eau
s’accroche au verre.
Si on met l’eau en présence d’un tube très n, elle va alors naturellement
monter dans le tube par anité avec le verre. Elle montera d’autant plus
C    57

haut que le tube sera n. C’est un phénomène qui explique en partie
comment la sève des arbres peut monter jusqu’aux feuilles en empruntant
des capillaires - des tubes aussi ns que des cheveux 1 .
Sur certaines surfaces comme le téon des poêles anti-adhésives, l’eau
n’accroche pas. Les gouttes d’eau ne s’étalent pas comme sur une table,
c’est comme si elles fuyaient le contact avec le téon. Elles sont le plus
sphérique possible. Si vous prenez une matière comme ça et que vous en
faites un vêtement tissé, vous aurez un tissu imperméable à l’eau. Il laisse
en général la vapeur d’eau s’échapper, mais pas l’eau liquide entrer. Ce qui
peut se révéler très pratique !

F 3.6 – (a) Sur une surface que l’eau peut mouiller, les gouttes d’eau
sont écrasées. (b) Sur une surface non mouillante comme du téon, les gouttes
ont une forme qui laisse à penser que l’eau fait tout pour éviter le contact !
C’est aussi la forme d’une goutte de mercure sur du verre, par exemple.

Pour plonger une partie de son corps dans l’eau, il faut vaincre la
tension supercielle pour “crever” la surface. En général on n’y pense pas
trop quand on rentre dans son bain mais c’est une question d’échelle : pour
un insecte, crever la surface de l’eau est quelque chose de très dicile.
Au point qu’à condition d’avoir des pattes hydrophobes (un peu comme
si elles étaient recouvertes de téon), un insecte peut même marcher sur
l’eau. C’est le cas du Gerris, un petit insecte qui se balade à la surface
des mares - et c’est la tension supercielle qui l’empêche de couler, pas
la poussée d’Archimède. Cela dit, pour un insecte, crever la surface est
en général catastrophique : une fois mouillé il aura énormément de mal à
échapper à l’eau.

1. Et l’eau qui s’évapore dans les feuilles crée essentiellement l’aspiration qui fait
monter la sève.
58 3. M  


La convection, les bougies, le vent

Les liquides et les gaz sont en général moins denses lorsqu’ils sont plus
chauds (l’eau en dessous de 4˚C est vraiment un cas à part). Si une partie
d’un uide est plus chaude, la poussée d’Archimède la pousse donc vers le
haut. Lorsqu’on chaue un uide par le bas, le uide chaué va monter
pour être remplacé par du uide plus froid. Le uide va donc se mettre en
mouvement : c’est la convection.

F 3.7 – La convection est responsable de l’apparition de “rouleaux” dans


les uides. C’est un exemple d’instabilité : comme le uide chaud ne peut pas
décemment remonter partout à la fois, il y a des endroits où le chaud se met
à monter et d’autres où le froid se met à descendre.

De façon générale, le soleil chaue surtout la surface de la Terre mais


pas l’atmosphère car l’air est transparent, il n’arrête pas la lumière donc il
ne chaue pas. La surface de la Terre ainsi chauée, elle réchaue l’air juste
au-dessus qui se retrouve plus chaud que l’atmosphère plus en hauteur.
Des mouvements de convection prennent donc naissance. C’est le vent.
À la plage par exemple, au soleil, le sable devient vite plus chaud que
la surface de l’eau. L’air au-dessus du sable est donc plus chaud, il monte
pour être remplacé par celui de la mer. L’air chaud se refroidit en altitude
et nit par redescendre au-dessus de la mer pour alimenter le cycle. C’est
un petit mouvement de convection très localisé : une petite brise.
C’est aussi valable à beaucoup plus grande échelle. En général, l’équa-
teur reçoit plus de soleil que les autres régions du globe parce que le soleil
est plus à la verticale. L’air à l’équateur est donc plus chaud, il monte dans
l’atmosphère et est remplacé par de l’air qui vient du nord dans l’hémi-
sphère nord par exemple. L’air chaud se déplace en altitude pour aller
L ,  ,   59

remplacer l’air plus au nord. Il se refroidit et redescend. La conséquence


la plus sensible est qu’à l’équateur il existe une zone, celle où l’air monte,
dans laquelle il n’y a pas de vent. On l’appelle le “pot-au-noir” 1 . Dans la
zone où l’air circule au-dessus de la mer (un peu au nord et un peu au
sud du pot-au-noir) il y a des vents assez constants et réguliers que l’on
appelle les alizés.

F 3.8 – Au-dessus de l’équateur, l’air chaud monte. À la surface de


l’océan, il n’y a pas de vent à cet endroit, mais au-dessus, il y a des turbulences
redoutées par les aviateurs. De part et d’autre de l’équateur, par contre, il y
a du vent : ce sont les alizés. À cause de la rotation de la terre, ils ne vont
pas directement vers l’équateur mais plutôt d’est en ouest. Les cellules de
convection représentées ne sont cependant pas très réalistes : la circulation est
en fait beaucoup plus compliquée. Mais ça donne une idée des phénomènes
en jeu.

La convection existe aussi dans le manteau terrestre, là où les roches


sont “uides”. Le centre de la terre est plus chaud que la surface, notre
bonne vieille croûte terrestre. Donc il se crée des mouvements de convec-
tion. Et comme les continents ottent sur ces mouvements, eh bien les
continents bougent ! C’est la tectonique des plaques. Au milieu des océans
existe ainsi une dorsale océanique : c’est un endroit où le manteau chaud
remonte, et donc les continents situés de part et d’autre de cette dorsale
s’éloignent. Le fond des océans est créé par la dorsale.
1. Les navigateurs parlent beaucoup de cette zone quand ils passent l’équateur ou
pas loin et qu’on leur demande si ça va bien. Ils disent "Bah, c’est le pot-au-noir", mais
personne ne prend hélas le soin d’expliquer qu’il n’y a pas de "poteau noir" au milieu de
l’Atlantique.
60 3. M  

F 3.9 – La convection forme pour les continents comme un tapis roulant.
Ce phénomène est responsable de la formation d’océans au niveau des dorsales,
et de montagnes quand les plaques entrent en collision. En prenant une carte
du monde indiquant les reliefs (et les fosses sous-marines) on arrive assez
bien à délimiter les plaques...

La convection est un moyen très ecace pour transporter la chaleur.


Les chauages sont dessinés pour faire circuler l’air dans la pièce par
convection - ils sont notamment situés au ras du sol et pas au plafond. Il
sut de mettre sa main au-dessus d’un radiateur en fonctionnement pour
sentir l’air qui monte 1.

Enn, la convection est nécessaire au fonctionnement des bougies.


Lorsque la cire de la bougie brûle au bout de la mèche, les gaz chauds qui
s’échappent montent en émettant de la lumière (c’est la amme). Et ils
sont remplacés par de l’air frais qui vient d’en dessous et qui apporte de
l’oxygène à la réaction chimique. Sans oxygène, pas de réaction, pas de
amme. Si on avait emporté dans une station spatiale des bougies pour
s’éclairer en cas de panne, ça n’aurait pas fonctionné. En apesanteur, la
bougie brûle avec une amme ronde centrée sur la mèche : c’est le signe
qu’il n’y a pas de convection, rien qui fasse monter les gaz chauds. Après
avoir brûlé l’oxygène se trouvant à proximité, la amme s’éteint. Bref : les
bougies ne fonctionnent pas en apesanteur 2 !

1. C’est pour cela qu’on les appelle parfois “convecteurs” quand ils sont électriques.
2. C’est ce qui s’appelle manquer de convection...
V   61


Vitesse et pression

Prenez deux feuilles de papier, placez les verticalement l’une à côté de


l’autre et souez entre les deux. Vous verrez que les deux feuilles vont se
rapprocher l’une de l’autre. On aurait pu s’attendre à ce qu’elles s’écartent
au passage de l’air, mais c’est le contraire qui se produit. C’est le signe
que lorsque l’air circule, il exerce une moindre pression sur les obstacles
le long desquels il passe. Quand la vitesse est plus grande, la pression est
plus faible !

F 3.10 – Quand on soue entre deux feuilles de papier, elles se rap-
prochent ! C’est le signe que la pression est plus faible entre les feuilles, là où
l’air se déplace rapidement, qu’à l’extérieur des feuilles, où l’air est immobile.
L’air appuie plus à l’extérieur, donc les feuilles se rapprochent.

En Formule 1, le règlement est très attentif aux ailerons avant et à la


hauteur de la voiture par rapport au sol. Si la voiture est construite telle que
beaucoup d’air passe en-dessous dans un faible espace, alors, de la même
manière que les deux feuilles se rapprochent, elle sera bien mieux collée au
sol et son adhérence sera renforcée. C’est l’eet de sol. C’est la recherche
de cet eet qui explique pourquoi les voitures actuelles ne ressemblent
pas du tout à leurs ancêtres, et ont un fond plat au lieu d’avoir une forme
de cigare. Mais c’est tellement ecace que les voitures peuvent alors aller
62 3. M  

encore plus vite dans les virages et ça rend le tout encore plus dangereux.
C’est donc limité par le règlement.
C’est aussi pour ça que les courants d’air sont si ecaces pour faire
claquer les portes. Il ne sert à rien de les laisser ouvertes en espérant
qu’elles ne claqueront pas, parce que l’air qui passe rapidement devant
la porte l’aspire ! Même si elle est grande ouverte, elle va commencer à
se fermer. L’air passe alors encore plus rapidement puisqu’il reste encore
moins d’espace, ce qui aspire la porte encore plus fort. Jusqu’à ce qu’elle
claque un grand coup !
Considérons maintenant une balle de tennis à qui on a donné de l’eet :
elle tourne sur elle-même en avançant. Mettons qu’elle ait été “coupée”,
c’est-à-dire que le haut de la balle revienne en arrière. Si vous prenez un
point de vue lié à la balle, l’air arrive sur la balle avec une certaine vitesse.
Comme la balle tourne, elle modie l’écoulement de l’air autour d’elle. Et
comme le haut de la balle tourne vers l’arrière, l’écoulement de l’air est
facilité : il est plus rapide au-dessus de la balle que si elle ne tournait pas.
Inversement, sous la balle l’écoulement de l’air est contrarié et il se fait
moins vite que sans rotation et surtout qu’au-dessus de la balle. La pression
étant plus faible là où l’écoulement est plus rapide, la balle est poussée
par en dessous et aspirée par au-dessus. Elle est comme portée par l’air.
Suivant la façon dont on fait tourner une balle sur elle-même, elle peut
ainsi monter un peu plus (elle est coupée) ou descendre plus rapidement
(liftée) on peut lui faire faire des virages. Les joueurs de football utilisent
aussi cet eet, surtout lors des coups francs pour contourner les obstacles.

F 3.11 – Voici une balle coupée. L’écoulement de l’air est facilité au-
dessus, il est plus rapide. La pression en haut de la balle et qui la pousse vers
le bas est diminuée. L’écoulement est contrarié en dessous (donc plus lent) et
la pression est donc plus grande en dessous. La balle a acquis une portance,
l’air la pousse vers le haut. On appelle ça l’eet Magnus en mécanique des
uides.
V   63

Un avion s’appuie sur l’air pour voler un peu de la même manière


que la balle - mais sans avoir à tourner. Ses ailes lui servent en fait autant
à s’appuyer sur l’air qu’à s’y accrocher ! D’abord l’aile est en général
légèrement inclinée par rapport à l’horizontale, et le dessous de l’aile
freine donc l’air qui passe. S’il le freine, il y a alors une surpression sous
l’aile par rapport à l’air ambiant et c’est ce qui explique une partie de la
portance, la force qui maintient l’avion en l’air. Ça, c’est la partie facile.
Mieux, l’air qui passe au-dessus est accéléré, c’est-à-dire que la pression
au-dessus de l’aile est plus basse que celle de l’air ambiant. L’avion est
donc aspiré vers le haut. C’est l’autre moitié de la portance. Plus la vitesse
de l’avion est grande, plus cette portance est importante à angle xé. Il
est donc d’autant plus facile de voler que l’on va vite - et il faut donc une
certaine vitesse pour décoller. Ce qui permet aussi d’être sûr que la poussée
d’Archimède n’a rien à faire dans le fait qu’un avion vole.

F 3.12 – Voici schématisé le fonctionnement d’une aile d’avion. On voit


que l’air circule moins vite en dessous qu’au-dessus de l’aile, ce qui conduit
à une supression en dessous et à une dépression au-dessus. L’avion est donc
aspiré vers le haut : c’est la portance.

Quand on augmente trop l’angle d’incidence, ou qu’on diminue trop la


vitesse, l’air au-dessus de l’aile cesse de circuler de façon bien lisse (on dit
“laminaire”). Au contraire, des tourbillons se forment, un peu comme ce
qui se passe derrière un obstacle quand le vent soue. Même si l’avion
continue à s’appuyer sur l’air, la dépression située en temps normal au-
dessus de l’aile a disparu. L’avion perd alors une très grosse partie de sa
portance, on dit qu’il décroche. C’est rarement une bonne chose.
Si l’avion s’appuie sur l’air et s’accroche à l’air, comme l’air est uide,
il est forcément poussé vers le bas. C’est le principe de mécanique du
chapitre précédent, à chaque action, une réaction. En dénitive, une aile
64 3. M  

d’avion est un outil très ecace pour envoyer beaucoup, beaucoup d’air
vers le bas - non seulement celui qui passe sous les ailes, mais aussi celui
qui passe au-dessus. S’il en envoie susamment vers le bas, c’est un peu
comme si un réacteur le poussait vers le haut.
Pour nir, une voile de bateau se comporte exactement comme une aile
d’avion, mais à la verticale 1. Quand la voile se gone, c’est le signe qu’il se
crée une surpression d’un côté et une dépression de l’autre. Évidemment,
on n’a plus une portance, mais une force qui tire le bateau dans une
direction perpendiculaire à la voile, en gros. C’est beaucoup plus ecace
que de se laisser pousser par le vent comme les bateaux de l’antiquité.
Grâce à ce type de voile, on peut aller plus vite que le vent et même aller
presque contre - ce qui n’est pas envisageable quand on se laisse pousser
par les vents!

F 3.13 – Quand une voile se gone, c’est rarement parce que le vent
soue directement dedans. Avec un angle du vent presque rasant, comme
pour une aile d’avion, on obtient une force perpendiculaire à la voile. Vu sa
forme, le bateau est poussé vers l’avant, dans une direction presque opposée
au vent.


Turbulence et météo

Tous les comportements que nous venons d’évoquer (sauf le décro-


chage) ont lieu quand les écoulements sont laminaires, c’est-à-dire sans
tourbillon. Des écoulements sages, où tout le uide va en gros dans le
1. C’est ainsi que l’Alcyone, le bateau de Jacques Cousteau, possédait carrément des
sortes d’ailes verticales à la place des voiles : les turbovoiles. Et ça marche drôlement
bien.
T   65

même sens. Si on prend un point donné et qu’on regarde le uide qui passe
par là, il a toujours plus ou moins la même vitesse. Elle peut changer, mais
de façon raisonnable.
Par opposition, quand l’écoulement est imprévisible, plein de tour-
billons comme dans un torrent, on dit qu’il est turbulent. En un point
donné, le uide a une vitesse qui n’arrête pas de changer.
Dans les uides, la turbulence est la règle bien plus que les écoulements
laminaires. Dans la turbulence de l’air ou de l’eau qui nous environnent,
il y a des tourbillons. Et ceux-ci ont tous le même comportement, quelle
que soit leur taille : ils se divisent en tourbillons plus petits. Quand les
tourbillons sont vraiment très petits, ils commencent à ressentir la viscosité
du uide. L’air ne nous paraît pas visqueux parce que nous sommes grands.
Pour les tout petits tourbillons, l’air est comme de la peinture : très visqueux.
C’est ce qui fait disparaître les tourbillons nalement. Parce que dans un
pot de peinture, vous pouvez toujours essayer de faire un tourbillon. La
viscosité, ça freine.
Mais tant qu’ils sont assez grands, un tourbillon de 10 cm dans de l’eau
se comporte en gros de la même façon qu’un tourbillon de 5cm. Il se divise
en tourbillons plus petits, et ainsi de suite. C’est la cascade turbulente. Cela
donne une propriété rigolote aux photos de turbulence. Si vous prenez
en photo la surface d’une eau turbulente et que vous faites deux images,
l’une dont le côté fait 3 mètres et l’autre dont le côté fait 50cm vous ne
pourrez pas dire laquelle est la plus grande parce que les tourbillons sur
les deux images auront l’air d’avoir le même comportement ! On dit que
la turbulence est auto-similaire : un morceau d’une photo de turbulence
ressemble à la photo tout entière. Un peu comme une fractale !
La cascade turbulente donne des propriétés intéressantes à la turbu-
lence. D’abord, elle freine les euves. L’eau n’est en eet pas très visqueuse.
Si elle avait un écoulement laminaire dans les euves, elle coulerait à plus
d’une centaine de kilomètres à l’heure au niveau des embouchures parce
que rien ne la freinerait vraiment. Mais des tourbillons se créent dans un
euve et se divisent en plus petits, qui sont nalement dissipés. Et l’énergie
cinétique des gros tourbillons initiaux se retrouve dissipée sous forme de
chaleur. Bref, ça freine : la turbulence diminue la vitesse des euves parce
qu’elle dissippe très ecacement leur énergie cinétique. Tout se passe un
peu comme si les euves étaient plus visqueux que de l’eau parce qu’ils
contiennent plein de tourbillons !
La turbulence permet aussi de mélanger très ecacement : quand vous
ajoutez de l’eau chaude dans votre bain, vous faites des gros tourbillons.
66 3. M  

Ceux-ci vont se diviser en plus petits, etc. Chacun de ces petits tourbillons
va lui-même mélanger le chaud et le froid à son échelle. C’est ainsi que le
chaud et le froid vont se retrouver très bien mélangés et que vous n’avez
pas seulement un patchwork de zones chaudes et froides !

F 3.14 – Simulation d’un mélange turbulent. Y’a rien de vrai là dedans,
c’est juste un calcul sur ordinateur qui reproduit l’eet de la turbulence sur
des zones de températures diérentes. Mais au moins, on peut visualiser le
phénomène et c’est joli.

Pour nir, maintenant que nous avons vu tout ça, essayons de com-
prendre pourquoi le travail du météorologue est dicile et ingrat. Il y a
deux raisons.
Tout d’abord la turbulence, comme beaucoup de choses en mécanique
des uides, est un phénomène chaotique, c’est-à-dire par essence imprévi-
sible. Un phénomène chaotique est un phénomène dont le déroulement
dépend très fortement de son état initial. Un météorologue observe le ciel
avec des satellites puis il rentre les données dans un ordinateur qui essaie
de prévoir la suite des choses - ce qui donne un premier résultat. Mais ces
données initiales ne sont pas très précises : il y a une part d’incertitude sur
ce qui se passe vraiment. Alors le météorologue fait d’autres simulations,
avec des données initiales légèrements diérentes. Et les simulations lui
donnent alors des résultats complètement diérents ! On appelle ça le
chaos.
T   67

En fait, toutes les simulations sont en général d’accord sur les quelques
heures qui suivent. Mais quand il s’agit de prédire le futur à quelques jours,
tout se complique, et les simulations donnent parfois des résultats très
diérents. C’est en partie ce qui fait l’indice de conance de la météo :
plus les simulations sont d’accord entre elles, plus l’indice de conance
est élevé. Sinon, l’indice est bas.
L’autre gros problème pour prédire le temps qu’il va faire, c’est que
lorsqu’un tourbillon est vraiment gros dans l’atmosphère terrestre, il ne se
divise plus en petits tourbillons. C’est la rotation de la Terre qui stabilise
les gros tourbillons, et fait qu’ils se regroupent pour en faire des plus gros !
Pour améliorer ses prévisions, le météorologue devrait donc surveiller des
tourbillons plus petits que ceux qu’il voit avec des satellites, et arriver
à simuler le futur de tous ces tourbillons. Nos ordinateurs actuels n’y
susent pas...

Bref soyez indulgents avec la météo : c’est vraiment très dicile. Certains
disent même qu’un battement d’aile de papillon est capable de créer une
tempête quelques semaines plus tard. Si c’était vrai, il faudrait iquer tous
les papillons pour faire une prévision météo correcte 1 ...

1. L’idée est rigolote, mais en fait, les tourbillons créés par les papillons ont tendance
à se diviser puis à disparaître. Ils ne sont quand même pas assez gros. Ouf pour les
météorologues et pour les papillons !
C 4

É

L ’  est l’une des interactions fonda-


mentales. C’est même l’interaction qui nous concerne le plus, puisque
c’est elle qui explique la stabilité des atomes, celle des molécules et com-
ment les molécules peuvent interagir sans établir de liaison chimique à
proprement parler. Bref, ça explique tout ce qui se passe entre l’échelle du
noyau atomique et celle de la planète ! Comment on tient debout, quoi.
Et puis, l’électromagnétisme permet de comprendre comment on pro-
duit de l’électricité, comment on peut l’utiliser et même pourquoi on a du
courant alernatif ! Je vais vous mettre au jus...


Charges et champ électrique

Pour évoquer la force électrique, revenons tout d’abord à l’attraction


gravitationnelle. Vous savez que plus la masse d’un objet est grande, plus
son poids est grand, sur Terre. Cela signie qu’il est plus sensible à la force
de gravitation. Mais plus sa masse est grande, plus lui aussi il attire les
autres objets par gravité. C’est ainsi que la Terre nous attire très nettement,
parce que sa masse est immense.
Imaginons un objet de 1 kg. On pourrait l’utiliser pour savoir comment
la Terre attire les objets. Il sut de le placer en un endroit, de dessiner à cet
endroit la force comme une èche qui pointe vers la Terre. Si on dessine
ainsi cette force en tout point de l’espace, on obtient ce qu’on appelle le
champ gravitationnel de la Terre. Et on peut imaginer ce champ même
si il n’y a pas d’objet pour ressentir l’attraction. L’avantage d’avoir pris
une masse de 1 kg pour dessiner le champ, c’est que si on veut connaître
la force pour une masse de 2 kilos, on multiplie simplement le champ
70 4. É

par deux. C’est un saut important, parce qu’on va maintenant pouvoir


imaginer un champ dans tout l’espace, dont les propriétés ne dépendent
que de la Terre, pas de si vous avez choisi 1 ou 2 kilos.
Du coup, vous aussi, vous avez votre propre champ gravitationnel. Je
sais. Impressionnant, n’est-ce pas ? Ça fait un peu super-héros, mais c’est
comme ça. Vous attirez les objets autour de vous - bien sûr de façon très
légère - grâce à ce champ gravitationnel. Et ce champ est d’autant plus
fort que votre masse est grande. Surveiller son alimentation est donc une
façon de ne pas développer un trop grand champ gravitationnel.

F 4.1 – On représente en général le champ gravitationnel par des èches,


qui indiquent la direction (et la force) avec laquelle un objet placé à cet endroit
serait attiré. On associe une telle èche à chaque point de l’espace, puisqu’à
priori le champ est diérent partout. Ici, plus on s’éloigne de la terre, plus le
champ diminue.

Pour la force électrique, c’est pareil : il existe un analogue de la masse


qu’on appelle la charge. Plus un objet a une charge importante, plus (a) il
crée autour de lui un champ électrique important et (b) il est sensible aux
champs électriques extérieurs. Mais il existe une diérence importante
entre la gravité et la force électrique. La gravité attire toujours les objets
entre eux alors que la force électrique peut les faire se repousser. Pour
représenter ça, on considère qu’il y a des charges positives et des charges
négatives 1 . Les charges de même signe se repoussent, les charges de signes
1. A priori par contre, il n’y a que des masses positives. Certains disent bien que si
les cailloux tombent, c’est parce que ceux qui avaient une masse négative montaient et
sont forcément partis depuis longtemps, mais bon.
C    71

diérents s’attirent. Une charge négative génère donc un champ électrique


qui a un eet opposé à celui engendré par une charge positive.

F 4.2 – On représente le champ électrique avec des èches aussi. Elles
indiquent la direction dans laquelle une charge positive serait poussée. Une
charge négative irait dans le sens contraire des èches. Une charge positive
génère donc un champ avec des èches qui s’éloignent d’elle puisqu’elle
repousse les charges positives. C’est le contraire pour une charge négative.

Revenons maintenant à la matière qui nous constitue. Nous sommes


constitués, en gros, de protons qui ont une charge positive, de neutrons
qui ont une charge nulle et d’électrons qui ont une charge négative et qui
sont très légers. Les neutrons ayant une charge nulle, cela signie qu’ils
ne sont pas sensibles au champ électrique. Les électrons et les protons ont
une propriété remarquable : ils ont des charges exactement opposées. Le
proton a la charge e et l’électron −e. La charge de n’importe quel objet est
donc toujours un multiple de la charge élémentaire e.
Les atomes sont des édices où des électrons sont retenus par le champ
électrique autour d’un noyau constitué de protons et de neutrons. Ce sont
d’autres forces (nucléaires) qui font tenir protons et neutrons ensemble.
Mais c’est bien la force électrique qui fait que les électrons restent à proxi-
mité du noyau. Imaginez un noyau seul. Il est constitué d’un certain nombre
de protons et de neutrons. Sa charge totale est la somme des charges de
ses protons.
Il a une charge importante, ce qui fait qu’il va capter facilement les
électrons qui passeront. Quand il capte un électron, le champ de l’électron
se superpose à celui du noyau et comme ils sont opposés, le champ total
créé par l’édice diminue. Les atomes ont autant d’électrons que de protons.
72 4. É

Comme électrons et protons ont des charges exactement opposées, chaque


proton crée un champ opposé à chaque électron. Si on additionne tout ça,
au nal, le champ créé par l’atome est à peu près nul, et comme sa charge
totale est nulle, on dit que l’atome est neutre. Il est alors assez peu sensible
aux champs électriques et n’en génère pratiquement pas lui-même. Par
contre, quand un noyau possède plus ou moins d’électrons qu’il n’a de
protons, il n’est pas neutre, et crée un champ électrique important : c’est
un ion 1 .

F 4.3 – Voici une représentation possible d’un atome : un noyau constitué
de protons (avec écrit “+” dessus) et de neutrons (avec rien d’écrit dessus) et
exactement autant d’électrons qui tournent autour du noyau que de protons
dans le noyau. Là il y a 3 protons, 3 neutrons et 3 électrons, mais c’est juste
un exemple.

En général, la matière est neutre : les objets contiennent autant de


charges positives que de charges négatives. Ils ne créent donc pas de
champ électrique très très grand. Quand ce n’est pas le cas, on dit qu’ils sont
chargés 2. C’est parce que les planètes sont neutres qu’elles ne s’attirent
que par la force gravitationnelle. Si elle étaient chargées, la force électrique
pourrait être bien plus forte que la force gravitationnelle.
Cela dit, même si la matière reste neutre, cela n’empêche pas les charges
de s’y déplacer : c’est le courant électrique.

1. Et ça fait pas toujours du bien de se prendre un ion.


2. Et quand on est vraiment trop chargé, il faut d’ailleurs éviter de prendre la voiture.
L   73


Le courant électrique

Le courant électrique est un déplacement de particules chargées, par


exemple un déplacement d’électrons (qui sont chargés négativement et
qui sont très légers comparés aux neutrons, protons et autres ions). Ces
porteurs de charge comme on les appelle sont forcément sensibles au
champ électrique puisqu’ils sont chargés. Quand un champ électrique est
présent, c’est ce champ qui les fait avancer.
Les milieux dans lesquels les électrons (ou les porteurs de charge) ne
sont pas attachés à un emplacement sont ce qu’on appelle des milieux
conducteurs de l’électricité. Les meilleurs conducteurs sont les métaux : ils
sont bourrés d’électrons “libres”, c’est-à-dire libres de bouger à l’intérieur
du métal (mais pas de le quitter). Dans l’eau, les électrons ne sont pas libres
de bouger. Ils sont en général attachés à des atomes ou des molécules qui
ne bougent pas facilement et il est dicile de les en déloger. Mais dans
l’eau il y a toujours des ions 1 . Et un ion, comme il est par dénition chargé,
est un porteur de charge. Il a plus de mal à bouger qu’un électron, parce
qu’il est beaucoup, beaucoup plus lourd. Mais c’est susant pour que l’eau
soit considérée comme conductrice.
Pour faire circuler du courant électrique, autant utiliser les métaux
les plus conducteurs. Le cuivre est presque le meilleur (pas aussi bon que
l’argent). On utilise donc des ls de cuivre pour faire passer le courant
électrique, et c’est très pratique, l’électricité ! D’ailleurs pour mieux com-
prendre comment ça fonctionne, l’électricité dans des ls de cuivre, on
peut faire une excellente analogie avec l’eau qui circule dans des tuyaux.
L’eau circule dans des tuyaux, et ce qui est important pour savoir si
elle va sortir ou pas au bout, c’est la pression. Si il y a de la pression, quand
on ouvre le robinet, l’eau sort avec une grande vitesse. Quand il n’y a plus
de pression, l’eau ne sort pas. L’autre quantité importante, c’est le débit,
c’est-à-dire la quantité d’eau qui sort par seconde. Quand un tuyau est
fermé, il y a de la pression à l’intérieur, mais il n’y a pas de débit. Avec la
pression et le débit, on peut décrire complètement l’écoulement de l’eau
dans les tuyaux.

1. Surtout dans l’eau salée, c’est-à-dire bourrée d’ions chlore, qui ont un électron de
plus que l’atome (neutre) de chlore, et d’ions sodium, qui ont un électron de moins que
l’atome de sodium. L’eau minérale contient aussi plus d’ions (ce sont les minéraux, utiles
au fonctionnement de notre corps) que de l’eau sortant du robinet.
74 4. É

L’électricité circule dans des ls parce qu’elle est soumise à une certaine
pression qu’on appelle la tension, qui pousse les électrons et qu’on mesure
en volts. Le débit d’électricité qui circule à travers un l est appelé l’intensité
(on dit aussi souvent le courant), et on la mesure en ampères. Avec la
tension et l’intensité, on peut décrire tout ce qui se passe dans un circuit
électrique.
Lorsqu’un interrupeur est ouvert, le circuit est interrompu. Même si il
y a une tension dans le l qui arrive, qui pousse les électrons, le courant
ne peut pas passer : l’intensité est nulle. C’est comme un robinet fermé.

F 4.4 – Le courant électrique dans un l métallique, c’est le déplacement


d’électrons. Plus les électrons passent vite, plus le courant est intense. Ce qui
les pousse, c’est un champ électrique, créé par une centrale, une dynamo ou
une pile (nous verrons plus loin comment). Quand il y a un champ électrique,
on parle aussi de tension. C’est l’analogue de la pression dans un tuyau !

Quand vous ouvrez un robinet, l’eau sort à cause de la pression imposée


par un château d’eau (ou une pompe, mais c’est pareil : c’est une pompe qui
alimente en fait le château d’eau). Quand vous ouvrez le robinet vous vous
doutez bien que l’eau qui sort à ce moment là est passée il y a longtemps
par le chateau d’eau. Elle est seulement poussée par celle qui se trouve dans
le château d’eau. La pression se propage à la vitesse du son dans l’eau 1 ,
c’est-à-dire bien plus vite que l’eau ne passe dans les tuyaux !
Pour l’électricité, c’est pareil. Les électrons qui passent dans votre
ampoule lorsque vous allumez la lumière ne viennent pas aussitôt de la
1. Le son dans l’eau se propage à 1500 mètres par seconde, soit plus de 5000 kilomètres
par heure.
P ’ ’  75

centrale électrique. Ce sont ceux qui étaient dans le l juste avant, mais ils
sont poussés par leurs camarades. La tension s’établit dans le l presque à
la vitesse de la lumière (300 000 km par seconde). C’est pour cette raison
que l’établissement de l’électricité paraît instantané quand on allume une
lampe. En réalité la vitesse moyenne des électrons dans les ls est très
petite : leur vitesse est de l’ordre du mètre par heure !
Dans les installations électriques telles que nous les connaissons, il y a
même l’analogue du tuyau d’arrivée d’eau et du tuyau d’évacuation ! Le l
d’arrivée s’appelle la phase, et il correspond en général à un l rouge ou
noir, alors que le tuyau d’évacuation 1 s’appelle le neutre et est souvent
bleu.


Pourquoi l’électricité c’est dangereux

Quand un électron circule dans un conducteur métallique, il se heurte


en permanence aux atomes du métal. Le choc lui fait perdre de sa vitesse,
et agite par contre les atomes du métal. Cette agitation, c’est de la cha-
leur, de l’agitation thermique. En général, le passage du courant dans un
conducteur dégage de la chaleur - si les électrons se cognent beaucoup,
c’est-à-dire qu’ils ont du mal à avancer. On appelle cet échauement l’eet
Joule et on dit que le conducteur oppose une résistance au passage du
courant.
On appelle un morceau de conducteur destiné à résister ainsi au courant
électrique une résistance. Le chauage électrique n’est rien d’autre que
le passage d’électrons dans une résistance que ce soit pour chauer l’air
(convecteur) ou l’eau, ou encore des saucisses pour le barbecue électrique.
Dans une ampoule à incandescence, le lament est une résistance qui
chaue très fort et qui émet de la lumière une fois chaude. La résistance
d’une résistance (vous suivez toujours ?) se mesure en ohm.
Il faut plutôt nous classer dans les conducteurs, même si nous opposons
une assez grande résistance au courant électrique. Nous sommes constitués
en gros de 70% d’eau salée 2 . Et l’eau salée est conductrice, donc nous
sommes conducteurs.
1. Qu’on peut même toucher à main nue théoriquement, si on est bien sûr que
l’électricien n’était pas daltonien...
2. En fait, il faut admettre que la plupart des êtres vivants supérieurs (des animaux,
quoi) ressemblent surtout à des sacs d’eau (minérale) sur pattes si on regarde leur compo-
sition chimique...
76 4. É

Or l’électricité qui traverse un organisme peut déclencher la contrac-


tion des muscles ou perturber le rythme du coeur (voire l’arrêter) parce
que les nerfs qui les contrôlent utilisent des courants électriques pour cela.
L’électricité peut également provoquer des brûlures par eet Joule. Bref,
c’est très dangereux, mais seulement à partir d’une certaine intensité : si le
nombre d’électrons qui passent est modeste, il n’y aura pas d’échauement
ou de grosse pertubation du fonctionnement de l’organisme. Eventuelle-
ment des picotements désagréables, mais c’est tout. Donc ce qui importe
ce n’est pas la tension, mais l’intensité pour savoir si c’est dangereux ou
pas.
La tension a une certaine importance, parce que c’est elle qui dit si la
pression pour que l’électricité vous traverse est forte. En fait, en dessous
de 25 volts, la tension est tellement faible qu’elle n’est pas capable de faire
passer une importante quantité de courant, donc une grande intensité.
C’est pour cela que les ls alimentés en 12 volts sont souvent visibles,
ou qu’on alimente les lampes sous l’eau avec cette tension. Ça n’est pas
dangereux. Au-dessus de 25 volts, il est possible qu’une quantité importante
d’électricité vous traverse, il faut donc se méer.
Prenons le cas des ls à vache, au bord des champs. Ces ls sont à
des tensions énormes, de l’ordre de plusieurs milliers de volts ! Ça, c’est
pour être sûr que l’électricité soit capable de traverser même une vache
(et vous, c’est sûr). Mais ces ls sont alimentés par des générateurs qui ne
sont capables de délivrer que de faibles intensités : c’est très désagréable,
mais ça n’est pas dangereux.
Ce qui est dangereux, c’est donc qu’une grande quantité d’électricité
vous traverse. La phase, dans une maison, est à 220 volts. C’est très large-
ment assez pour tuer un être humain, et les courants qui circulent peuvent
avoir une grande intensité : ce n’est pas un l à vache. Le courant élec-
trique, poussé par la tension, cherche à rejoindre le neutre ou la terre. S’il
a l’occasion de le faire en passant par vous, c’est pas bon.
Donc jamais, mais alors jamais, on ne se met entre la phase et le neutre,
car rien ne pourra alors empêcher le courant de vous traverser.
Si vous vous mettez entre la phase et la terre, c’est-à-dire si vous
touchez la phase et que vous êtes en contact avec le sol, il y a des dispositifs
qui peuvent vous protéger : des disjoncteurs diérentiels très sensibles
qui coupent l’électricité si le courant qui arrive par la phase ne ressort
pas par le neutre. C’est le signe qu’il y a quelque chose d’anormal. Si la
diérence (d’où le “diérentiel”) de courant dépasse un seuil considéré
comme dangereux (30 milliampères), le courant est coupé. On en met
P ’ ’  77

maintenant systématiquement pour protéger les salles de bain 1 et les


cuisines.
Des fois, dans les appareils électriques, la phase touche la carcasse
métallique de l’appareil. Ça serait très dangereux si vous touchiez alors
l’appareil, puisque ça serait comme toucher la phase directement. Pour
éviter ça, on relie la carcasse de l’appareil à la terre. L’électricité part alors
dans la terre - et cette fois c’est le gros disjoncteur diérentiel qui saute.
Il détecte les grosses diérences de courant entre la phase et le neutre. Il
n’est pas là pour vous protéger vous spécialement mais pour détecter les
fuites à la terre 2 .

F 4.5 – Voici un circuit électrique typique d’un logement. L’électricité


arrive au disjoncteur diérentiel, puis le courant se divise pour passer dans les
diérents appareils du logement. Sur chaque l alimentant chaque appareil
on place un disjoncteur simple (ou un fusible), qui coupe le courant s’il est
tellement élevé qu’il risque de faire fondre quelque chose. Puis les courants
se réunissent pour revenir au disjoncteur diérentiel. Celui-ci compare alors
ce qui entre et ce qui sort. Si les deux sont identiques, ça va. Si la souris a
grignoté un l et que l’électricité sort par la souris, le disjoncteur diérentiel
le détecte et saute !

Pour éviter d’être traversé par le courant, vous pouvez aussi sauter en
l’air avant de toucher un l électrique (mais toujours un seul à la fois). Bien
1. Claude François si tu nous écoutes...
2. Ce disjoncteur saute aussi si vous tirez plus de courant que ce que vous permet
votre abonnement. S’il saute, il faut éteindre quelques appareils très consommateurs, et
tenter de remettre le courant. Si le disjoncteur re-saute aussitôt, c’est qu’il y a un vrai
problème.
78 4. É

entendu, ça n’est pas très pratique pour bricoler 1 . Quand vous rencontrerez
un l à vache, dites vous bien que tant que vous êtes en l’air, vous pouvez le
toucher sans prendre de décharge. C’est bien pour cela que les oiseaux ne
s’électrocutent pas quand ils se posent sur les ls : ils ne peuvent pas servir
de circuit puisqu’ils ne touchent pas la terre ou un autre l. Enn, il faut
que je modère mon propos : les cigognes sont assez grandes pour toucher
deux ls à la fois. Et c’est pour cela que les cigognes s’électrocutent, alors
que les moineaux, jamais.


Le courant alternatif

En réalité, le courant qui circule dans nos ls électriques change de


sens 50 fois par seconde. Il va dans un sens, puis dans l’autre et ainsi de
suite. C’est parce que la tension le pousse dans un sens puis dans l’autre
car elle change de “sens” elle aussi 50 fois par seconde 2 . On comprend bien
que pour chauer le lament d’une ampoule, le sens du courant importe
peu : qu’ils aillent dans un sens ou dans l’autre les électrons se cognent
quand même aux atomes. Mais pourquoi avoir choisi le courant alternatif
plutôt que du courant continu, qui irait toujours dans le même sens et avec
la même tension ? Juste pour empêcher les électrons de l’interrupteur de
jamais arriver jusqu’à la lampe du plafond ?
Le problème vient du transport de l’électricité. La distance entre une
centrale et un utilisateur est en général assez grande. Il faut donc faire
passer le courant dans de longs ls électriques. Or, en passant, ces ls
s’échauent et ils dissipent une partie de l’énergie que transporte le courant.
Pour qu’ils dissipent le moins possible, il faut que l’intensité qui les traverse
soit la plus petite possible, c’est-à-dire que le moins d’électrons possible
passe dans les ls. Moins d’électrons, c’est en eet moins de chocs, donc
1. Vous pouvez aussi mettre des chaussures de sécurité : une grosse semelle iso-
lante empêche l’électricité de rejoindre le sol, donc de vous traverser. Mais c’est moins
acrobatique.
2. Elle pousse puis aspire les électrons alternativement. Heureusement pour nous,
c’est ici que l’analogie avec l’eau s’arrête. Il n’y a pas de douche alternative.
É   79

moins d’énergie dissipée. Or un électron poussé par 110V transporte autant


d’énergie que deux poussés à 50 V. Autrement dit, plus on met une grande
tension, plus les électrons transportent individuellement d’énergie. C’est
pour cela que les lignes de transport sont des lignes à haute tension. Cela
permet de faire passer une relativement petite intensité (peu d’électrons)
dans les ls et donc de limiter les pertes en énergie.
Au tout début de l’électricité, il y avait des réseaux en courant alternatif
et des réseaux en courant continu. Les réseaux en courant continu ont
disparu parce qu’on ne savait pas abaisser ou augmenter la tension. Alors
qu’on avait un truc super pour y arriver en alternatif : le transformateur.
Grâce à lui, nous sommes alimentés en 220 volts dans notre maison, mais
l’électricité est transportée sur des lignes à 400 000 volts, et pour nos
besoins personnels, des petits transformateurs nous permettent d’obtenir
du 5 volts.


Éclairs et étincelles

L’air est un isolant électrique, parce qu’il n’y a pas de porteurs de charge
libres de bouger dans l’air. Tous les électrons sont solidement accrochés
aux molécules de l’air. Pas moyen pour le courant électrique de passer.
Enn, presque... Un champ électrique a tendance à faire aller les charges
positives dans une direction (celle dans laquelle il pointe) et les charges
négatives dans la direction opposée. Quand le champ électrique est assez
fort, il est alors capable d’arracher les électrons des molécules de l’air, qui
se retrouvent libres de bouger. Le courant électrique peut alors passer :
l’air est devenu conducteur.
C’est ce qu’on appelle une étincelle : le courant qui passe chaue
très fortement l’air. La zone chaude devient alors lumineuse (c’est du
rayonnement thermique). L’air se dilate brutalement, ce qui produit un
petit “clac” caractéristique. Quand l’étincelle est vraiment grosse, on appelle
ça un éclair, et le petit bruit caractéristique s’appelle le tonnerre.
Un champ électrique très fort, on peut en obtenir un si on sépare
susamment des charges positives et négatives. C’est ce que fait souvent
le frottement entre des matières diérentes. Quand vous enlevez un pull
ou une polaire, vous arrachez des électrons au vêtement, et vous vous êtes
chargé d’électricité statique, c’est-à-dire de charges électriques. Mettons
que ce soient des électrons 1 . Si vous avez des électrons en excès, ils vont
1. Il est dicile de dire qui va vraiment prendre les électrons, de vous ou du pull. Ça
dépend beaucoup trop de la matière qui constitue le pull.
80 4. É

se répartir sur tout votre corps, jusqu’au bout de vos cheveux. Mais les
électrons se repoussent entre eux ! Donc vos cheveux se repoussent entre
eux, et pour peu qu’ils soient assez légers, ils vont se dresser sur votre tête.
Quand vous approchez ensuite de quelqu’un d’autre, le champ devient très
intense et les électrons vont vous quitter en créeant une petite étincelle
douloureuse.
Quand vous roulez, le frottement peut aussi charger votre voiture, ce
qui fait qu’au moment où vous mettez le pied sur le sol, vous servez de l
entre la voiture (chargée, pressée de se débarasser de ces charges) et le sol.
Vous vous prenez une petite décharge. C’est pareil quand vous choisissez
le chariot maudit, quand vous faites vos courses, celui qui se charge dès
que vous roulez. Sa roue en plastique frotte contre le métal du chariot et le
charge, et comme les roues sont en plastique le courant ne peut pas partir
dans le sol. Le chariot passe son temps à vous envoyer des châtaignes.
L’étincelle apparaît toujours là où le champ est le plus fort, et il est
le plus fort là où la distance est la plus courte et là où il y a des pointes.
Le champ est en général plus fort au sommet des pointes. C’est d’ailleurs
comme cela qu’on attire les éclairs : avec une pointe placée en haut d’un
édice, bref un paratonnerre.
Les orages fonctionnent comme un pull en laine. Un orage se forme
lorsque des masses d’air chaud rencontrent des masses d’air froid. L’air
chaud, plus léger, est soulevé par l’air froid. Il monte très rapidement, et
en se refroidissant, toute la vapeur d’eau qu’il contenait se condense : c’est
un nuage. Ce sont ces violents mouvements qui créent le frottement (un
nuage est plein de poussières, de gouttes d’eau, de cristaux de glace et
tout ça frotte avec les mouvements rapides de l’air). Au nal, le haut du
nuage se retrouve chargé positivement et le bas négativement. Lorsque le
champ est assez fort, c’est l’éclair. La majorité des éclairs se produisent à
l’intérieur du nuage, mais certains se font entre le bas du nuage et la terre !


Le champ magnétique

Nous avons vu le champ gravitationnel de la Terre, et le champ élec-


trique créé par les charges. Nous allons maintenant voir un nouveau type
de champ : le champ magnétique.
On sait que les aimants s’attirent. Mais ça n’est pas une attraction
gravitationnelle, parce qu’elle est beaucoup plus forte. Ce n’est pas non plus
L   81

une attraction électrique, parce que les aimants n’attirent pas les charges
électriques. Les aimants génèrent un champ qu’on appelle magnétique, et
ils sont sensibles au champ magnétique généré par les autres aimants. Un
peu comme les charges électriques génèrent un champ électrique et y sont
sensibles.
La grosse diérence c’est que les aimants sont des dipôles : ils un pôle
nord et un pôle sud. Ils ont tendance à être attirés par les zones où le champ
est le plus fort, et ils s’alignent sur la direction du champ. Si vous tenez
fermement un aimant et que vous en approchez un second, le second va
avoir tendance à présenter son pôle sud au pôle nord de l’aimant, c’est-à-
dire à s’aligner avec le champ magnétique. C’est pour cela qu’on dit que
les pôles opposés s’attirent et que les pôles identiques se repoussent.
Une fois le retournement eectué, il sera attiré par l’aimant que vous
tenez car le champ magnétique augmente lorsqu’on s’approche de l’aimant.

F 4.6 – Le champ magnétique est caractérisé par une direction et une
intensité. On le représente donc aussi avec des èches ! En un endroit de
l’espace, la èche indique comment s’orienterait un aimant si on le mettait
là. La taille de la èche indique si le champ est fort ou pas. Voici comment
s’orienteraient des petits aimants (des boussoles, quoi) pris dans le champ
magnétique d’un gros aimant.

L’origine de l’aimantation permanente (qui ne disparaît pas) des ai-


mants vient des atomes eux-mêmes. Les atomes de fer, de nickel ou de
néodyme notamment se comportent comme de petits aimants. C’est en
partie dû au fait qu’un électron, seul, se comporte lui-même comme un
petit aimant. Dans un atome, chaque électron se comporte comme un petit
aimant, mais ces aimants sont orientés de façon opposée, ce qui fait qu’ils
82 4. É

s’annulent mutuellement en général, sauf pour les atomes que nous avons
évoqués (fer, nickel, néodyme...). Dans un aimant permanent, la plupart de
ces aimants microscopiques sont orientés dans la même direction : plein
d’aimants en font un gros.
Vous savez aussi que les aimants sont capables d’attirer des objets mé-
talliques qui ne sont pas naturellement aimantés. C’est parce ces derniers
contiennent en leur sein des mini-aimants (souvent des atomes de fer) qui
ont la possibilité d’orienter leur moment magnétique librement. Quand
on approche un aimant, tous les atomes de fer s’orientent dans le sens du
champ. L’objet métallique lui-même devient alors un aimant et il est attiré
par celui que vous tenez. Lorsque vous éloignez votre aimant, l’objet mé-
tallique perd son aimantation : les atomes ne sont plus forcés à s’orienter.
Une preuve ? Prenez un aimant avec des trombones. Vous pouvez coller un
premier trombone à l’aimant, c’est normal : lui-même est maintenant un
aimant. Mais vous pouvez aussi coller un deuxième trombone au premier,
et ainsi faire une petite chaine de trombones. Décollez l’aimant du premier
trombone... tous perdent alors leur aimantation, et boum, tout tombe.
Mais il n’y a pas que les aimants qui puissent produire un champ
magnétique. Le courant électrique s’accompagne toujours d’un champ ma-
gnétique. Si vous prenez un cylindre autour duquel on a enroulé un l
électrique (entouré d’une gaine plastique, sinon le courant sautera d’un
l à l’autre et ça ne marchera pas) et que vous faites passer du courant
continu dans le l, votre bobine de l va se comporter comme un aimant,
avec un pôle sud et un pôle nord. En général, on met en plus un barreau de
fer au centre de la bobine : quand la bobine produit un champ magnétique
les atomes de fer s’orientent et en produisent un à leur tour. Le champ
magnétique de la bobine est ainsi amplié : c’est un électro-aimant.
Pour produire des champs magnétiques très importants, on utilise donc
des bobines de l dans lesquelles ont fait passer de très grosses intensités,
donc un grand nombre d’électrons. Si on faisait ça avec du l de cuivre
à température normale, le cuivre chauerait tellement qu’il fondrait vite.
En fait, on utilise des bobines supra-conductrices. On s’est aperçu qu’à
très très basse température 1 certains matériaux avaient une résistance
nulle ! En gros, les électrons se mettent à passer sagement entre les atomes
sans même les toucher. Ainsi, rien ne s’oppose à leur passage, la chaleur
dissipée est faible et le circuit ne fond pas, malgré les courants énormes
qui y circulent.
1. Pas bien loin au-dessus du zéro absolu, la température (−273, 15◦ C) à laquelle les
molécules et les atomes ne s’agitent même plus !
L   83

F 4.7 – Faire un électro-aimant, c’est très simple - et il y a à peine besoin


d’un morceau de fer. Il sut de faire une petite bobine avec un l de cuivre
et de l’alimenter avec une pile. Mais attention, ça consomme et ça chaue.
N’empêche que tant que le courant passe, la bobine (avec son noyau de fer)
se comporte exactement comme un aimant. Elle attire le fer et s’aligne avec
le champ magnétique si on laisse libre de le faire.

Il faut donc bien retenir que les deux origines des champs magné-
tiques sont les particules elles-mêmes, intrinsèquement, et les courants
électriques. Dans un atome, le noyau émet un champ magnétique très
faible, mais chaque électron est aussi un petit aimant pour deux raisons.
La première raison, c’est “parce que”. Chaque électron est un petit aimant,
on dit qu’il a un spin, et voilà. La deuxième c’est qu’un électron qui tourne
autour d’un atome, c’est un peu comme un électro-aimant, puisqu’un élec-
tron qui bouge, c’est du courant. Et si il y a du courant, il y a un champ
magnétique.
Prenons un exemple essentiel, mais beaucoup plus gros. Le centre de la
terre est surtout constitué de fer et de nickel. Ces métaux sont solides au
centre de la Terre, dans ce qu’on appelle la graine, et liquides autour de la
graine. Les mouvements qui agitent cette partie liquide et conductrice de
l’électricité engendrent des courants électriques. Ces courants électriques
sont forcéments accompagnés d’un champ magnétique et c’est ainsi que
la Terre elle-même se comporte globalement comme un gros, gros aimant.
Si on laisse un aimant très léger s’orienter, comme dans une boussole, il
s’oriente suivant le champ magnétique engendré par la Terre. Un des deux
pôles de l’aimant indiquera approximativement le nord, et l’autre le sud.
84 4. É

C’est pour cette raison qu’on a appelé les pôles des aimants “nord” et “sud”.
Cela dit, si on rééchit bien à ce choix, comme les pôles nord des aimants
sont attirés par les pôles sud des autres aimants, le pôle nord géographique
est en fait un pôle sud magnétique. Ce pôle magnétique (l’endroit où les
lignes de champ magnétique sortent verticalement du sol) ne se situe pas
exactement au pôle nord géographique et en plus, il bouge en permanence.
Et de temps en temps (géologiquement parlant, c’est-à-dire pas de mémoire
d’homme) le champ magnétique terrestre s’inverse. Il faudra sans doute
encore attendre quelques milliers d’années pour que cela se produise, mais
des indices laissent penser que nous ne sommes peut-être pas très loin
d’une inversion... alors le pôle nord géographique correspondra enn à
un pôle nord magnétique, mais les pôles nord des boussoles pointeront
alors vers le sud. Comme les inversions sont liées à ce qui se passe dans
les mouvements de Fer liquide loin sous terre, il est très dicile de savoir
quand et pourquoi exactement les inversions se produisent.

F 4.8 – Voici une coupe de la terre où on a représenté les lignes de champ
magnétique : ce sont des lignes tangentes partout au champ magnétique
(représenté par des èches). C’est plus pratique à dessiner que des èches
partout (ça n’indique cependant que la direction du champ, pas sa force).
L’intérieur de la terre contient une partie métallique partiellement liquide.
Ses mouvements créent un champ magnétique grossièrement dipôlaire qu’on
peut utiliser pour orienter sa boussole ! Comme on le voit, puisque les lignes
de champ vont des pôles nord au pôles sud, elles rentrent en fait dans la
Terre au nord et en sortent au sud. Le pôle nord géographique est un pôle sud
magnétique !
D  85


Dipôle électrique

Nous venons de voir les dipôme magnétique, c’est-à-dire les aimants.


Avant de continuer avec le champ magnétique, nous allons revenir vers le
champ électrique pour voir qu’il existe, pour les charges électriques aussi,
l’équivalent des aimants. C’est ce qu’on appelle un dipôle électrique. On
pourrait presque appeler ça un “aimant électrique”, mais ça ne se fait pas.
Prenez un atome. Il est constitué d’un noyau, qu’on continuera à imagi-
ner comme une petite bille chargée positivement et des électrons, dont on
va dire qu’ils forment un nuage électronique sphérique autour du noyau.
Le nuage des électrons est chargé négativement et il engendre un champ
électrique opposé à celui du noyau. Vu de l’extérieur du nuage, c’est un peu
comme si tous les électrons étaient concentrés au centre du nuage. Si le
noyau coincide avec le centre du nuage, les deux champs sont exactement
opposés et ils s’annulent complètement à l’extérieur de l’atome. Vu de
loin, l’atome est ne génère pas de champ électrique bien qu’étant fait de
particules chargées.
Imaginons maintenant qu’on plonge l’atome dans un champ électrique
assez fort. Comme les électrons et le noyau sont de charges opposées, les
électrons seront tirés dans un sens, et le noyau dans l’autre par la force
électrique. Le centre du nuage électronique ne coïncide alors plus avec le
noyau et les champs créés par les électrons et par le noyau ne s’annulent
plus exactement. Un champ électrique engendré par l’atome apparaît.

F 4.9 – À gauche, l’atome est vu comme un nuage électronique sphérique


centré sur le noyau. Le champ électrique créé est nul : un nuage électronique
bien sphérique est exactement équivalent à une charge négative placée au
centre du nuage, qui compense la charge du noyau. Si jamais le centre du
nuage ne coïncide pas avec le noyau, par exemple à cause d’un champ élec-
trique extérieur qui les décale, l’atome génère un champ.
86 4. É

Ce champ électrique est très semblable au champ magnétique engendré


par un aimant. En fait, vu de loin, l’atome a un côté plus et un côté moins,
c’est un dipôle électrique - comme l’aimant est un dipôle magnétique.
Évidemment, ce n’est pas un dipôle électrique permanent : si on arrête le
champ électrique extérieur le nuage se recentre autour du noyau, à cause
de l’attraction que celui-ci exerce sur ses électrons.
L’eau, par contre, est un exemple de molécule qui se comporte comme
un dipôle électrique en permanence, on parle de dipôle permanent. Une
molécule d’eau, c’est un atome d’oxygène collé à deux atomes d’hydrogène.
L’oxygène attire fortement les électrons de l’hydrogène, c’est pour cela que
les molécules établissent des liaisons hydrogène. Du coup, il y a plus de
charges négatives du côté de l’oxygène, et le côté des atomes d’hydrogène
est chargé positivement. Globalement la molécule reste neutre, mais on
comprend qu’elle soit équivalente à un dipôle électrique puisqu’il y a des
charges négatives d’un côté et positives de l’autre.
Alors vous savez qu’un dipôle a tendance à s’aligner dans le sens du
champ et à chercher les zones de champ fort : ce qui est vrai pour le dipôle
magnétique reste vrai pour le dipôle électrique. Prenez un sac plastique et
frottez le sur un pull en laine 1 . Le frottement va arracher des électrons et
charger le sac. Approchez le maintenant tout doucement d’un let d’eau
qui coulerait du robinet. En approchant le sac chargé, vous allez voir le let
d’eau dévier : comme les molécules d’eau sont des dipôles, elles cherchent
les zones de champ fort, c’est-à-dire qu’elles sont attirées par les charges
électriques (que celles-ci soient positives ou négatives) !
Revenons à notre atome : cette propriété de devenir un dipôle lorsqu’un
champ électrique est présent s’appelle la polarisabilité. En général les
atomes ne sont pas seuls. Considérons deux de ces atomes. Parce que leurs
électrons bougent, il se peut, pour un des deux, qu’à un moment le centre
du nuage ne coïncide pas exactement avec le noyau. Du coup, même si
l’atome est neutre, il engendre un champ électrique. Ce champ électrique
est susant pour agir sur l’autre atome, et le polariser également.
Ce champ électrique est capable de polariser l’autre atome. Qui lui-
même devient un dipôle et génère un champ électrique plus fort, ce qui
renforce la polarisation du premier atome. Et les dipôles, cherchant chacun
les zones de champ fort vont donc naturellement se rapprocher l’un de
l’autre. On appelle ces forces attractives, qui sont valables entre tous types
d’atomes et de molécules, des forces de Van der Waals. Même s’ils sont

1. Si votre système pileux le permet, vous pouvez aussi le frotter sur votre bras nu...
C     87

F 4.10 – Voici ce que vous devriez constater lorsque vous approchez
un sac plastique chargé d’un let d’eau : celui-ci est dévié, attiré par le sac
plastique. C’est le signe que la molécule d’eau est fortement polarisée et qu’elle
se comporte comme un petit “aimant électrique” (un dipôle). Elle est attirée
par les zones de champ électrique fort, donc par le sac.

neutres, les atomes créent un champ électrique très faible et se comportent


facilement comme des sortes de petits aimants ! Les molécules qui nous
composent interagissent ainsi, et restent collées les unes aux autres. Elles
peuvent bouger, parce qu’elles ne sont pas liées par des liaisons chimiques.
Ce sont juste des liaisons entre dipôles, c’est beaucoup plus faible. Mais
elles restent collées. Comme ce sont exactement ces forces qui tiennent par
exemple les membranes de nos cellules, on peut dire que c’est grâce à ces
forces que nous ne nous répandons pas sur le sol en une grosse aque d’eau
salée, mais pour cela aussi que nous restons nalement plutôt malléables
et que nous pouvons bouger facilement.


Champ magnétique & particules chargées

Nous avons vu que le champ magnétique n’attire pas les particules


chargées. Pourtant, le champ magnétique a bien une inuence sur les
particules chargées, mais cela ne se constate que quand elles sont en mou-
vement. Ce phénomène est la clef qui permet de comprendre comment on
peut transformer du mouvement en courant (dans une centrale électrique
par exemple) et du courant en mouvement (dans un moteur électrique).
Quand une particule chargée arrive dans une zone où règne un champ
88 4. É

magnétique, c’est simple : elle tourne. Suivant le sens du champ magnétique


et suivant sa charge à elle, elle tourne à droite ou à gauche, sans modier
sa vitesse . Le champ magnétique n’est donc pas capable d’accélérer une
particule, comme ce que fait le champ électrique, mais juste de la faire
tourner.
Le champ magnétique terrestre nous protège ainsi du vent solaire : ce
sont des particules chargées qui sont éjectées du soleil. En arrivant près
de la Terre, elles rencontrent le champ magnétique terrestre, qui les dévie
puisqu’elles sont chargées. Certaines sont cependant piégées : au lieu d’être
déviées et de repartir dans l’espace, elles se mettent à décrire des hélices
au-dessus des pôles, jusqu’à heurter la haute atmosphère en produisant
une très jolie lumière. Quand ces particules sont assez nombreuses, on
appelle ça une aurore polaire 1 (boréale au pôle nord).

F 4.11 – Une particule chargée qui arrive dans un champ magnétique
(qu’on considère ici comme pointant partout vers le haut perpendiculairement
au plan de la feuille) se met à faire un virage. Pour être précis, le sens de ce
virage dépend de la charge de la particule. Avec ce champ magnétique, les
particules positives tournent vers la droite, les négatives vers la gauche. Sur
le schéma, la particule négative est moins déviée par le champ magnétique.
Cela peut être le signe que sa charge est plus faible, ou que sa masse est plus
grande puisqu’une particule plus massive est plus dicilement déviée.

1. La protection du champ magnétique terrestre n’est pas toujours susante. En


1859, une éruption solaire s’est produite dans la direction de la Terre. Environ 17 heures
après un ash observé sur le Soleil, des particules chargées sont arrivées jusqu’à la
Terre. On a vu des aurores boréales pratiquement jusqu’à l’équateur illuminer la nuit. Les
télégraphistes recevaient des décharges électriques. La même chose aujourd’hui conduirait
très probablement à des dégâts monstrueux aux systèmes électriques et électroniques.
P  ’ 89


Produire de l’électricité

Nous allons voir comment l’intervention d’un champ magnétique per-


met de mettre des électrons en mouvement dans un l, c’est-à-dire de
produire de l’électricité. C’est en réalité assez simple : dans un l conduc-
teur sont présents des électrons. Ils sont libres de bouger à l’intérieur du
l, mais pas libres d’en sortir. Si on met le l dans un champ magnétique
et qu’on le fait bouger, il force les électrons qui sont à l’intérieur à avancer
avec lui. Or la présence du champ magnétique courbe la trajectoire des
électrons : ils se mettent donc à circuler à l’intérieur du l lui-même.

F 4.12 – Voici un l avec des électrons représentés comme de jolies


petites billes pour que ça ne soit pas trop réaliste. Imaginons que le l soit
plongé dans un champ magnétique pointant vers le haut. Si on déplace le
l latéralement, les électrons vont avoir tendance à décrire une trajectoire
courbée vers la gauche. Donc ils vont se mettre à circuler dans le l et à
pousser les autres : une tension prend naissance dans le l directement. Notez
bien que si on change le sens de déplacement du l, on change aussi le sens
de déplacement du courant !

On peut par exemple faire tourner des bobinages de l à proximité


(en gros autour) d’un aimant. Comme les ls se déplacent dans le champ
magnétique créé par l’aimant un courant prend naissance à l’intérieur.
En fait, on peut même laisser les ls immobiles et faire tourner l’aimant.
Vous conviendrez que cela ne change pas grand chose que ce soient les
bobines qui tournent autour de l’aimant ou l’aimant qui tourne au milieu
90 4. É

des bobines. Dans les deux cas en eet, un courant prend naissance dans
les ls de cuivre.
C’est de cette façon qu’on produit l’électricité dans les centrales ou les
barrages, et même sur les vélos 1 ou dans certaines lampes de poche : on
fait tourner un aimant à proximité de bobinages, dans lesquels un courant
prend naissance. Dans une centrale, ce type de dispositif est appelé un
alternateur, parce que c’est lui qui crée le courant électrique alternatif 2 .

F 4.13 – Si vous faites tourner un l autour d’un aimant, quand le l


passe près d’un pôle il entre dans une zone de champ magnétique important
(lettres “B”, parce que c’est souvent comme ça qu’on note le champ magné-
tique). Comme le l se déplace, les électrons sont poussés : un courant prend
naissance. C’est comme ça qu’on pousse les électrons dans les ls, donc qu’on
crée une tension !

On sait ce qui se passe quand on déplace un l dans un champ ma-


gnétique : un courant est “induit” dans le l. Quand c’est l’aimant qu’on
déplace, on sait qu’il se passe la même chose et qu’un courant prend nais-
sance. Dans ce dernier cas de gure, le l est immobile mais il est plongé
dans un champ magnétique qui n’arrête pas de changer puisque l’aimant
tourne. On peut en conclure qu’un courant électrique est aussi induit dans
n’importe quel morceau de conducteur immobile qu’on met en présence
d’un champ magnétique variable.
Les plaques à induction fonctionnent sur ce principe : il s’agit juste de
générer un champ magnétique variable, en faisant passer un important
1. Avec ce qu’on appelle des dynamos.
2. Et on peut même remplacer l’aimant par un électro-aimant !
P  ’ 91

courant électrique alternatif, dans des bobines de l. Le champ est évi-
demment variable parce que le courant qui passe dans les ls est variable
(puisqu’alternatif et de fréquence très élevée). Ces bobines sont situées
dans ce qu’on appelle les plaques à induction. Aussitôt, dans tout objet
métallique à proximité, des courants induits prennent naissance. Mais
comme les métaux présentent une certaine résistance, ces courants sont
en partie dissipés par eet Joule : le métal chaue donc. C’est pour cela
que les couverts placés dans un tiroir en dessous de la plaque chauent
aussi. Mais cela chaue surtout les casseroles et autres poêles que l’on peut
mettre sur la plaque - et qui ont un fond spécialement étudié pour que les
courants qui y prennent naissance soient importants et vite dissipés.

F 4.14 – Sous la plaque de cuisson, un courant à très haute fréquence


(c’est-à-dire qui fait beaucoup d’aller-retour par seconde) circule dans une
bobine, ici en spirale. Ce courant crée un champ magnétique variable (symbo-
lisé en gris) qui génère des courants à l’intérieur de la casserole par induction.
C’est un mode de chauage très ecace parce qu’on est à peu près sûr que
toute la chaleur nit dans le fond de la casserole !

Pour nir, une des applications essentielles de l’induction c’est le trans-


formateur. L’idée est simple : on fait passer du courant alternatif dans une
bobine et comme ça crée un champ magnétique forcément variable, ça
induit un courant dans toute autre bobine à proximité. Plus on rapproche
les bobines, mieux ça marche - et en général, on va quasiment jusqu’à
les imbriquer. Si on alimente la première bobine (le primaire) avec une
certaine tension, la tension qui apparaît aux bornes de la deuxième bobine
(qu’on a appelé, pour faire preuve de créativité, le secondaire) dépend du
nombre de spires du secondaire et du primaire. En gros, si le secondaire
a deux fois plus de spires que le primaire, la tension sera deux fois plus
élevée. Évidemment, si on alimente le primaire avec un courant continu,
ça crée un champ magnétique mais il ne varie pas. Aucun courant n’est
92 4. É

alors généré au secondaire : vous comprenez pourquoi le transformateur


ne fonctionne qu’en alternatif !

F 4.15 – Un transformateur, c’est un électro-aimant, le primaire à


gauche qui crée un champ magnétique (en gris) dans le circuit magnétique en
fer (il permet de faire que des deux bobines se “voient mieux” magnétiquement
parlant, parce que le fer guide le champ magnétique d’une bobine à l’autre,
un peu comme un l électrique guide les électrons). Le champ magnétique
créé est variable, et il va donc induire un courant dans la bobine placée en
face, le secondaire. Ici, la tension au secondaire sera moins importante qu’au
primaire : le nombre de spire est plus important au primaire. Pour qu’il n’y
ait pas de courants induits dans le fer, il est en général feuilleté (miam!).

Voilà donc comment on produit et on transforme l’électricité grâce


à l’induction - phénomène qui repose essentiellement sur le fait que les
électrons tournent quand ils se déplacent dans un champ magnétique.


Produire du mouvement avec de l’électricité

Nous allons voir qu’il y a un phénomène jumeau de l’induction qui


permet de faire l’opération inverse : transformer de l’électricté en mouve-
ment. C’est un phénomène jumeau parce qu’il est issu du même principe :
les électrons tournent quand ils avancent dans un champ magnétique.
Considérons un morceau de l. En l’absence de champ magnétique,
les électrons passent tout droit dans le l, poussés par une tension. Si on
instaure un champ magnétique ils vont se mettre à tourner. Si le champ
P     ’ 93

magnétique est orienté vers le haut les électrons vont tourner vers la
gauche et se masser du même côté du l. Seulement ils n’ont pas le droit
d’en sortir, donc ils entraînent le reste du l vers la gauche. Conclusion :
lorsqu’un l métallique dans lequel passe un courant est placé dans un
champ magnétique, il subit une force qui le pousse 1 .

F 4.16 – Voici dessiné un morceau de conducteur dans lequel passent


des électrons (donc un courant électrique). Dans un champ magnétique, les
électrons vont se mettre à tourner et ils se massent d’un même côté du l.
Ils poussent le l, dont il ne peuvent sortir, ce qui peut le mettre en mouve-
ment s’il est libre de bouger. En plus, comme ils ont déserté un côté du l, il
apparaît une tension entre un côté du l et l’autre. C’est l’eet Hall. Plus le
champ magnétique est fort, plus les électrons se massent du même côté, plus
l’eet Hall est fort. On utilise couramment cet eet pour mesurer les champ
magnétiques !

C’est ainsi que fonctionnent tous les moteurs électriques : on peut


imaginer par exemple un bobinage libre de tourner autour d’un aimant. Si
on fait passer un courant dans les ls, le bobinage va se mettre à tourner.
C’est un moteur ! Cela dit, vous aurez peut-être remarqué que c’est exacte-
ment le même dispositif qu’un alternateur : des ls autour d’un aimant.
Eh bien un moteur n’est qu’un générateur qui fonctionne à l’envers. C’est
le même dispositif – mais soit on le force à tourner et il génère du courant,
soit on l’alimente en courant et il se met à tourner ! Dans les deux cas, le
phénomène s’explique parce que les électrons tournent dans un champ
magnétique et que donc le champ magnétique permet de transformer le
1. C’est la force de Laplace.
94 4. É

mouvement en courant et vice-versa.


C’est le même lien de “parenté” qui unit microphones et haut-parleurs.
Un haut parleur, c’est une membrane attachée à une bobine. Cette bobine
est plongée dans un champ magnétique (en général, un aimant permanent
encercle l’arrière du haut-parleur) et laissée relativement libre de ses mou-
vements. Quand on envoie un courant dans la bobine, elle se met à bouger
puisqu’elle est plongée dans un champ magnétique. Elle met la membrane
en mouvement qui met à son tour l’air en mouvement : c’est le son. Le
haut-parleur transforme un courant électrique en son.
Mais on peut faire marcher ce dispositif à l’envers. Si il y a un son, il met
la membrane en mouvement, donc la bobine. Comme celle-ci est plongée
dans un champ magnétique, un courant prend naissance à l’intérieur. Vous
pouvez récupérer ce courant et l’enregistrer : vous avez un microphone.
Un haut-parleur est mal adapté pour enregistrer des sons, parce qu’il est
grand, et qu’il faut donc des sons très forts pour faire bouger sa membrane.
Un véritable microphone est donc un haut-parleur miniaturisé pour que
même des sons faibles puissent être enregistrés 1

F 4.17 – Un haut-parleur est essentiellement une bobine entourée d’un


aimant circulaire. Quand on fait passer un courant dans la bobine qui corres-
pond à un signal (de la musique), la bobine est mise en mouvement par les
forces de Laplace. Elle fait bouger la membrane, qui met l’air en mouvement :
c’est le son.

1. À vrai dire, beaucoup de micros utilisent plutôt des cristaux appelés “piézo-
électriques”, parce qu’ils produisent une tension quand on appuie dessus. Ils peuvent
donc directement transformer un son en tension variable, donc en signal électrique. Et
on peut faire des micros moins sensibles, mais susamment petits pour tenir dans un
téléphone...
C 5

O

I  n’est pas simple de dénir ce que sont les ondes - en réalité, il s’agit
essentiellement de phènomènes ayant tous un comportement com-
mun. Le son, les vagues, les vibrations d’une corde et ondes radio sont
des phénomènes ondulatoires : ils ont, même si ça n’est pas évident, fon-
damentalement le même comportement. Il s’agit de perturbations (de la
pression de l’air, de la hauteur de l’eau, de la hauteur de la corde et du
champ électro-magnétique) qui se déplacent, souvent sans se déformer.
Ces perturbations se déplacent sans transporter de matière et donc très
ecacement : c’est seulement la perturbation qui se déplace, pas la matière
(la pression de l’air, mais pas l’air ; la hauteur de l’eau mais pas l’eau ; la
hauteur de la corde mais pas la corde). Les ondes sont ainsi le moyen idéal
pour transporter de l’information, et c’est pour cela que nos deux sens les
plus évolués sont ceux qui captent les types d’onde les plus courants dans
notre environnement : le son et la lumière. Et d’un point de vue conceptuel,
les ondes sont au coeur de tout le reste de la physique, particulièrement
de la mécanique quantique.


Longueur d’onde et fréquence

Prenons tout d’abord le cas très simple des ondes qui se propagent à la
surface de l’eau : ce sont les vagues. Vous avez déjà jeté un caillou dans
l’eau calme, pour voir des vagues s’éloigner doucement de l’endroit où le
caillou est tombé... Ces vagues constituent un excellent exemple d’onde.
Si vous imaginez des vagues à la surface de l’eau, vous imaginez sans
doute une succession de creux et de bosses qui se déplacent à la même
vitesse sans trop se déformer. Une vague est donc une perturbation de la

95
96 5. O

hauteur de l’eau qui se déplace. Si la vague croise un bouchon de liège,


celui-ci monte et descend lorsque la vague passe, mais il n’avance pas : la
vague ne s’accompagne pas d’un déplacement global de matière. Ce que
vous voyez quand vous regardez la vague, ça n’est que le déplacement d’une
perturbation, pas le déplacement de l’eau elle-même 1 .
Bon. Reprenons notre petite vague modèle, cette sucession de creux et
de bosses qui avancent. On voit bien que la distance qui sépare un creux
du suivant reste toujours la même, parce que la vague se déplace en bloc.
Bref, cette distance entre deux creux (qui est aussi la distance entre deux
bosses bien entendu), s’appelle la longueur d’onde.

F 5.1 – La longueur d’onde est la distance qui sépare deux creux ou
deux bosses dans un système de vagues bien périodique.

Si nous nous plaçons du point de vue du bouchon de liège qui otte,


il sent qu’il monte et qu’il descend parce qu’il voit passer les creux et les
bosses. Il y a toujours le même temps entre deux creux, ou entre deux
bosses. Ce temps s’appelle la période temporelle. Il y a donc toujours le
même nombre de creux (ou de bosses) par seconde. Le nombre de bosses
par seconde est ce qu’on appelle la fréquence : trois bosses par seconde
correspond à une fréquence de 3 hertz. Cela signie qu’il y a trois périodes
par seconde, et que chaque période fait un tiers de seconde.
La raison fondamentale pour laquelle nous avons du mal à croire que
le son et la lumière sont des ondes vient de leur fréquence : la tonalité
d’un téléphone est un “la” à 440 hertz. La lumière visible a une fréquence
de plusieurs milliers de milliards de hertz. Ce sont des fréquences trop
grandes pour nous permettre de percevoir l’arrivée séparée des creux et
des bosses, comme dans le cas des vagues ou des ondes sur une corde. Il

1. Je vous vois venir : quand vous êtes au bord de la mer et que les vagues déferlent
c’est eectivement un déplacement de matière. Mais le comportement (compliqué) des
vagues quand elles déferlent est très diérent de ce qu’elles font quand elles sont loin du
bord, comme ici.
I 97

n’empêche que le son et la lumière se comportent bien comme les vagues


à la surface de l’eau ou les vibrations d’une corde.
Une dernière quantité caractérise les ondes : il s’agit bien entendu de
leur vitesse (on dit aussi célérité). La vitesse est souvent la même quelle que
soit la fréquence 1 . Si elle est bien la même pour toutes les fréquences, alors
quand la longueur d’onde est grande, cela signie que les bosses arriveront
plus espacées dans le temps. La fréquence sera donc basse. Au contraire,
lorsque la longueur d’onde est courte, les bosses et les creux délent rapi-
dement. Cela signie que la fréquence est grande ! De grandes fréquences
correspondent donc à de courtes longueurs d’onde et inversement.
Maintenant que vous savez ce que sont la longueur d’onde et la fré-
quence, je vais pouvoir vous avouer que si vous regardez une mer pas
trop agitée depuis un bateau, vous aurez du mal à identier précisément
la longueur d’onde des vagues. En fait il y en a plein de diérentes qui se
superposent - et qui ne vont pas toutes dans la même direction. Mais (et
c’est une propriété des ondes usuelles) elles se croisent sans se déranger
l’une l’autre. C’est d’ailleurs grâce à cela que vous pouvez mener une
conversation avec des amis autour d’une table. Les sons se croisent sans
se “percuter” : ça n’est pas parce que l’un de vos amis dit “le sel” pendant
que l’autre dit “Merci” que vous entendez “salsi” ou quoi que ce soit
d’autre, mais bien les deux en même temps. Donc les ondes de diérentes
fréquences s’ajoutent et se superposent dans une onde “réelle”.


Interférences

Même si les ondes se croisent sans se perturber entre elles, à l’endroit où


elles se croisent, il peut se passer des choses un peu étranges qu’on appelle
des interférences. Les interférences sont le résultat de l’addition des ondes
qui passent à un endroit, même si elles sont juste en train de se croiser.
Imaginons pour cela qu’on jette deux cailloux parfaitement identiques
dans l’eau, exactement au même moment, et avec exactement la même
vitesse. Chaque caillou va créer un système de vaguelettes circulaires, les
crêtes étant séparées par toujours la même distance : la longueur d’onde.
Chaque crête est séparée de la suivante par un creux.
1. Les milieux dans lesquels les fréquences diérentes ont des vitesses diérentes
s’appellent des milieux dispersifs. En général une onde qui les traverse est déformée.
Inversement, si une onde n’est pas déformée, vous pouvez en déduire que le milieu n’est
pas dispersif.
98 5. O

Il y a des endroits de la surface de l’eau qui vont recevoir des crêtes


en même temps. L’eau est deux fois plus haute à cet endroit que si on
avait jeté un seul caillou. Mais comme les ondes sont de même longueur
d’onde et donc de même fréquence, un peu après, deux creux arriveront
en même temps. Le creux sera donc deux fois plus grand aussi. À cet
endroit, les oscillations subies par un bouchon qui otterait à la surface
sont donc deux fois plus grandes que si on avait jeté un seul caillou. On
parle d’interférences constructives.
Mais il y a aussi des endroits qui recoivent les crêtes du premier système
de vagues créé par un caillou alors qu’ils recoivent les creux de l’autre (le
deuxième système). Or un creux compense une crête. Mais un peu après,
au moment où le creux du premier système de vagues arrive c’est une crête
qui arrive pour le deuxième système. Il y aura donc toujours un creux en
même temps qu’une crête. Si un bouchon est situé à un de ces endroits, il
ne bouge même pas, alors que pourtant il y a bien deux ondes qui sont en
train de passer. Mais lui ne peut pas les sentir parce qu’elles sont toujours
en opposition de phase : il y a toujours un creux en même temps qu’une
bosse et vice versa. Ce sont des interférences destructives.

F 5.2 – Voici deux systèmes de vagues circulaires de même longueur


d’onde et de même fréquence crées par deux cailloux jetés dans l’eau. Les
traits épais représentent les crêtes des vagues. Aux endroits marqués par un
carré, les crêtes (ou les creux) des deux systèmes arrivent en même temps. Aux
endroits marqués par un cercle, les crêtes de l’un arrivent en même temps que
les creux de l’autre et vice versa! Même quand les vagues avancent, ça sera
toujours le cas ! Si on regarde bien, on peut relier tous les carrés par des lignes,
et tous les ronds également. Sur une ligne qui lie les ronds, c’est comme si il
n’y avait pas de vagues !
C  99

F 5.3 – Voici des schémas plus précis parce que calculés grâce à un
ordinateur. A gauche, le haut des vagues est représenté par des lignes, comme
sur la gure précédente. Au milieu, voici ce que vous verriez si vous preniez
une photo (là, le haut des vagues est en blanc). Là où les interférences sont
destructives, on ne voit pas bien les vagues, on dirait que c’est ou. A droite,
les zones où les interférences sont constructives (en blanc) et celles où elles
sont destructives (en noir).

Les interférences peuvent se produire pour tous les types d’ondes. Par
exemple, dans un casque à réduction de bruit active, le bruit extérieur
est capté par un micro, et un bruit est généré en opposition de phase
dans le casque. Les interférences destructives entre le bruit extérieur et
le bruit généré par le casque, qui se produisent au niveau de vos oreilles,
permettent alors d’atténuer énormément le bruit extérieur. Moins de son
avec plus de son, c’est tout le paradoxe et la magie des interférences !
Ces interférences expliquent aussi pourquoi il y a des endroits où on
ne capte pas, alors qu’en bougeant de quelques mètres la réception est
meilleure. Les ondes émises par les antennes se rééchissent sur des obs-
tacles. Les réexions ainsi créées peuvent croiser l’onde qui va directement
de l’antenne à vous, et toutes ces ondes vont interférer entre elles – et
parfois vous priver de signal 1.


Corde vibrante

Pour observer des interférences, il n’y a parfois pas besoin de grand


chose, surtout de faire se rééchir une onde sur un obstacle. Quand une
1. La 5G, en réussissant à envoyer les ondes surtout dans la direction de votre appareil,
limite ce problème, ce qui lui permet d’avoir un débit plus grand, parce que ce sont les
interférences qui limitent le débit.
100 5. O

onde se rééchit, elle revient sur ses pas et interfère avec elle-même, tout
simplement ! Prenons l’exemple d’une corde qu’on agite par un bout, mais
qui est accrochée au bout opposé. Les ondes qu’on génère en agitant la
corde se propagent et arrivent au côté accroché. Là, elles se rééchissent. Si
on agite la corde périodiquement sans s’arrêter, on va voir des interférences
entre l’onde qui arrive et l’onde qui repart. Du coup, il y a sur la corde des
endroits où elle oscille fortement qu’on appelle des ventres de vibration (les
endroits où les deux ondes interfèrent constructivement) et des endroits
où la corde n’oscille plus du tout (qu’on appelle des noeuds de vibration,
et où les ondes interfèrent destructivement). C’est un exemple simple
d’interférence.

F 5.4 – Quand on agite la corde pour y faire une jolie onde sinusoïdale,
celle-ci se rééchit au bout. Quand elle revient sur elle-même, il y a des
endroits qui reçoivent les bosses de l’onde des deux ondes en même temps : les
ventres. Et il y a des endroits qui reçoivent des bosses de l’une et des creux de
l’autre, ce sont les noeuds.

Mais on peut aller un tout petit peu plus loin encore, pour arriver à
l’une des idées les plus importantes de la physique. Imaginons que la corde
soit accrochée aux deux bouts puis tendue. Si on génère une onde d’une
fréquence particulière sur cette corde, en l’agitant avec le doigt en un
endroit, on peut imaginer qu’elle va devoir faire des aller-retour le long
de la corde, en se rééchissant à chaque extrêmité. A ce moment, il faut
se poser une question extrêmement importante : quand l’onde a fait un
aller-retour, est-elle en phase avec elle-même ? Est-ce que quand une bosse
aura fait un aller-retour elle sera en face d’une bosse, ou d’un creux ?
Si la bosse se retrouve en face d’un creux : interférence destructive !
Et donc, pas d’onde qui puisse se propager sur la corde, puisqu’en faisant
C  101

un aller-retour, elle va revenir s’annuler elle-même. L’onde ne peut pas se


propager. C’est même une condition très stricte : il ne faut pas qu’une bosse
se retrouve en face d’un creux même après un, deux, trois aller-retour ou
plus encore.

F 5.5 – Un doigt envoie une onde sur la corde – un creux. Elle se rééchit
à un bout et un creux devient alors une bosse (et vice-versa) à cause de la
réexion. Puis la bosse se rééchit de nouveau à l’autre bout et redevient un
creux. Si le doigt en prote pour relancer un creux, il va renforcer le premier
creux. Donc si le doigt envoie des creux périodiquement, toute la question
sera de savoir combien de temps les creux mettent à faire l’aller-retour pour
savoir si l’interférence sera constructive ou destructive.

Il n’y a qu’un seul moyen pour que cela n’arrive vraiment, vraiment
jamais. C’est qu’après avoir fait un aller-retour une bosse se retrouve
exactement en face d’une bosse. Dans ce cas, l’onde se renforce elle-même,
il y a interférences constructives et tout va bien. Plus précisément, on
sait que si on avance d’une longueur d’onde sur la corde en partant d’une
bosse, on va trouver une autre bosse. Dire qu’après un aller-retour, une
bosse est en face d’une bosse, c’est dire que la longueur de l’aller-retour est
un nombre entier de longueur d’onde. Au minimum une. Mais peut-être
deux, trois et encore plus...
S’il y a pile une longueur d’onde dans un aller-retour, on obtient ce
qu’on appelle le mode fondamental de la corde. C’est la façon de vibrer
la plus simple de la corde, à une fréquence qu’on appelle fréquence fon-
damentale, bien sûr. Si on a deux longueurs d’onde dans un aller-retour,
102 5. O

cela signie que la longueur d’onde est deux fois plus courte, et puisque
la longueur de la corde n’a pas changé, alors la fréquence est deux fois
plus élevée. C’est une nouvelle façon possible de vibrer pour la corde. On
appelle ça un mode de vibration. Et ainsi de suite : avec trois longueurs
d’ondes dans l’aller-retour, le mode suivant a une fréquence trois fois
supérieure au fondamental. Les fréquences de tous les modes sont des
multiples du fondamental.

F 5.6 – Le fondamental équivaut à une seule longueur d’onde dans un


aller-retour. Une longueur d’onde est donc deux fois plus grande que la corde
(attachée aux petites croix). Pour le mode suivant (n°2) , il y a clairement
une longueur d’onde juste dans la longueur. Il a une fréquence deux fois
supérieure au fondamental, il vibre deux fois plus rapidement – et il a un
noeud juste au milieu de la corde. Imaginer les modes suivants n’est ainsi pas
très compliqué...

Cette idée simple en apparence est elle-même extrêmement fondamen-


tale ! Chaque fois qu’on essaie ainsi de conner une onde à une région
de l’espace apparaissent des modes. Pas un, pas deux, mais une innité.
Cette région de l’espace s’appelle une cavité. Au lieu que n’importe quelle
onde de n’importe quelle fréquence puisse se propager dans notre cavité,
on ne peut avoir que certaines fréquences bien précises. Dans le cas de
la corde vibrante, ces fréquences sont des multiples de la fréquence la
plus basse, du fondamental. Si le fondamental correspond à 440 vibrations
de la corde par seconde, donc 440 hertz, alors le mode suivant avec ses
C  103

deux ventres correspond à 880 fois par secondes. Et le mode d’encore


après, avec ses trois ventres, a une fréquence de 1760 hertz. C’est ce qu’on
appelle la quantication, le fait que les fréquences possibles sont peut-être
innies, mais on peut les compter, on peut les numéroter. On peut dire
que le fondamental correspond au numéro 1, le mode suivant au nombre 2
puisqu’il a deux fois la fréquence du fondamental, etc.
Quand on pince une corde, elle va se mettre à vibrer périodiquement,
et ainsi retrouver périodiquement la forme qu’on lui avait donnée au début.
Et la fréquence de cette oscillation, c’est celle du mode fondamental, la
plus basse fréquence de tous les modes. Mais on peut comprendre cette
vibration en disant qu’en réalité c’est un peu comme si on avait excité tous
les modes de la corde en même temps, au tout début. On dit que la vibration
de la corde est une superposition de tous les modes 1 . Et il se trouve que
nos oreilles entendent eectivement séparément la fréquence produite par
chaque mode. Mieux, nous sommes cablés même avant notre naissance,
pour adorer ça, parce qu’ils correspondent exactement à ce qu’émet la voix
humaine, à ce qu’émettent nos cordes vocales.

F 5.7 – La forme initiale qu’on donne à la corde peut être décomposée
en une somme de tous les modes. Après ça, chacun vit sa vie séparément.
Ils ont tous des fréquences diérentes, mais comme elles sont multiples du
fondamental, tout le monde revient à son point de départ en même temps,
périodiquement. Le son produit par la vibration de la corde (en gros “chtouing”)
comporte toutes ces fréquences de façon indépendante.
1. En fait, c’est un mode de raisonnement. Comme les ondes se croisent sans se voir,
on peut comprendre la vibration compliquée d’une corde comme des ondes plus simples
qui se croisent et qui vivent leur vie indépendamment. Les interférences, c’est plus un
mode de raisonnement qu’un phénomène physique. L’onde existe et fait ce qu’elle veut,
mais nous la comprenons comme une superposition.
104 5. O


Ondes acoustiques

Quand vous entendez un son, c’est que votre oreille a capté une onde
acoustique, une onde sonore. L’onde acoustique est évidemment une sorte
d’onde et la perturbation qui se déplace est dans ce cas une perturbation
de la pression dans l’air. Le son est créé par un objet qui met l’air en
mouvement. Prenons l’exemple d’un haut-parleur : quand sa membrane
avance, elle comprime l’air légèrement puis elle recule et aspire donc
légèrement l’air. Et en faisant cela quelques centaines de fois par secondes,
la membrane va créer dans l’air l’analogue des vagues à la surface de
l’eau : un creux correspond à un endroit où la pression est un peu plus
faible (ainsi que la densité des molécules d’air) que la normale, une bosse
un endroit où elle est un peu plus forte (et où les molécules sont plus
rapprochées). Évidemment, cette onde se déplace sans trop se déformer,
comme les vagues - et c’est ainsi que quand vous dites “bonjour” à votre
voisin il n’entend pas “choucroute”, même si vous êtes très loin.

F 5.8 – Un oiseau qui sie émet une succession de surpressions et de


dépressions très légères. En fait, quand vous cognez les molécules de l’air avec
par exemple vos cordes vocales ou même avec votre main, elles se cognent à
leurs voisines qui se cognent à leur tour aux molécules un peu plus loin ce
qui fait que la vitesse de propagation de cette perturbation est juste un peu
inférieure à la vitesse de déplacement des molécules dans l’air. Elle ne peut
pas lui être supérieure, il faut le temps que les molécules arrivent.

La vitesse des ondes sonores est d’environ 300 mètres par seconde. Elle
est importante, ce qui fait que pour des évènements qui se passent tout
H   105

près de nous, il ne nous est pas possible de saisir le décalage entre ce que
nous voyons et ce que nous entendons. Par contre quand vous regardez
un feu d’artice de loin, vous vous apercevez très nettement que le son
arrive bien après la lumière. C’est aussi le cas lorsque vous voyez un éclair :
le tonnerre, auquel l’éclair donne naissance, n’arrive que bien après la
lumière. Pour savoir à quelle distance en gros (et en kilomètres) l’éclair
a eu lieu, il sut de compter le nombre de secondes qui s’écoulent avant
d’entendre le tonnerre, et de diviser par trois : l’onde parcourt en gros un
kilomètre toutes les trois secondes 1 .


Harmoniques et timbre

Les instruments de musique ou la voix humaine émettent des ondes


acoustiques issues de vibrations périodiques. Pour un piano ou un violon,
c’est une corde qui vibre et qui retrouve sa forme initiale périodiquement.
Un certain nombre de fois par secondes, donc avec une certaine fréquence.
Une ûte ressemble à une corde, mais l’onde concernée ici est une onde
acoustique. Cette onde n’arrive pas à sortir facilement du tube, elle fait
des aller-retours et donc... on a aussi une vibration de l’air à l’intérieur du
tube.
Les sons émis par les instruments de musique sont donc périodiques
aussi. Ils sont caractérisés chacun par une fréquence. Et si on les enregistre,
on voit que la pression en un endroit présente également un motif caracté-
ristique. On peut comprendre le son émis en disant qu’il est constitué de
sons “purs”, parfaitement sinusoïdaux, et de fréquences diérentes. Le plus
lent de ces sons purs est le fondamental, il a exactement la même fréquence
que le son lui-même. C’est en fait le son émis par le mode fondamental de
la corde ou de l’instrument qui l’a produit. On trouve ensuite le premier
harmonique, à une fréquence deux fois supérieure, émis par le mode sui-
vant de vibration de l’instrument. Et on peut continuer comme ça. Tous
les autres harmoniques ont une fréquence qui est le triple, le quadruple, ...
de la fréquence fondamentale.

1. À cause de cette vitesse assez limitée, il est impossible que toutes les personnes
d’un stade chantent la même chose de façon synchronisée. Et même si c’était le cas, un
endroit donné du stade ne pourrait jamais s’en apercevoir : avec les diérentes distances,
les sons arriveraient toujours décalés. C’est le drame des stades.
106 5. O

F 5.9 – En haut, c’est un signal enregistré par un micro, en fonction


du temps. Le micro enregistre en général directement la pression. Une bosse
correspond donc à l’arrivée d’une surpression, un creux correspond à l’arrivée
d’une dépression. Le signal est périodique, c’est-à-dire qu’on peut y voir un
motif répété dans le temps avec une fréquence précise. Une autre façon de le
voir est de dire qu’il est constitué ici de la somme de deux signaux simples (on
dit “harmoniques”). Le premier est le fondamental, le second a une fréquence
exactement deux fois supérieure.

La hauteur d’un son est liée à sa fréquence fondamentale. Plus la fré-


quence d’un son est élevée, plus il nous apparaît aigu. On a même décidé
de donner des noms à certaines fréquences. Un son qui a une fréquence de
440 hertz est un “la”. C’est la tonalité du téléphone.
Mais votre oreille sait distinguer le son émis par deux instruments
diérents même si les sons ont la même fréquence. C’est pareil pour deux
voyelles diérentes comme “a” et “o”. C’est parce que notre oreille fait
exactement la décomposition en harmoniques. Elle n’est pas capable d’en-
registrer le motif d’un son, mais elle sait dire quels harmoniques sont
présents et avec quelle force. C’est ce qu’on appelle le timbre. Tout au
fond de notre oreille interne, des petits cils se mettent en eet à vibrer
seulement si la fréquence exacte qui leur correspond arrive. Là, ils envoient
un signal au cerveau. Et le cerveau apprécie particulièrement de retrouver
un fondamental et des harmoniques, parce qu’il sait que c’est un signal
important qui n’a pas été envoyé par hasard. Il a été créé par une vibra-
tion, par exemple celle de cordes vocales. Il faut donc y faire attention. Et
globalement, nous trouvons cela harmonieux. Joli, quoi.
H   107

Quand vous faites un “a” avec votre bouche, vous entendez directement
le son des cordes vocales, presque “pur”. Il est très riche en harmoniques
(les harmoniques de fréquence élevée ont une grande amplitude dans
la décomposition du son, ils sont très présents). Quand vous faites un
“ou”, votre bouche ltre le son, et ne laisse passer pratiquement que le
fondamental. Selon la forme de votre bouche, des harmoniques diérents
passent ou pas, ce qui permet de faire l’ensemble des voyelles. Ce sont
des timbres diérents. Vous comprenez maintenant que la même corde,
suivant qu’elle soit frottée ou pincée ne va pas avoir le même timbre, parce
qu’elle n’aura pas la même forme, donc les modes seront plus ou moins
excités, donc le fondamental et les harmoniques auront des amplitudes
diérentes. Donc des timbres diérents.
Nous avons vu que, quand notre oreille identie le fondamental et
ses harmoniques ensemble, nous trouvons le résultat agréable. Prenons
maintenant deux cordes ou deux instruments qui jouent chacun une note
diérente. Si ces deux sons ont beaucoup d’harmoniques en commun, nous
trouvons cela forcément très harmonieux. Quand on joue une note à 440
hertz (un “la”), on a des harmoniques à 880 hertz, 1320 hertz, 1760 hertz...
Si on joue en même temps un son à 880 hertz, son premier harmonique
est à 1760 hertz ! Et en fait, tous les harmoniques de ces deux sons ont
exactement la même fréquence. C’est presque comme si on avait joué juste
une note. C’est parfaitement harmonieux. Du coup, on a donné le même
nom à la note à 880 hertz. C’est aussi un “la”.
Un son à 660 hertz est un mi. Entre un la à 440 hertz et ce mi à 660
hertz, il y a un rapport de 1,5. C’est le même rapport qu’entre le premier
harmonique de n’importe quel son (celui avec le numéro 2) et le deuxième
(celui avec le numéro 3). À cause de ce rapport mathématique de 32 , le “la”
et le “mi” ont beaucoup d’harmoniques avec la même fréquence. Pas tous,
mais beaucoup. C’est très joli de les jouer ensemble, aussi. On appelle ce
dernier intervalle une quinte. C’est ainsi qu’on peut construire ce qu’on
appelle la gamme : un ensemble de notes qui sont en général harmonieuses
quand elles sont jouées ensemble 1 .
Un bruit est un son qui n’est en général pas périodique : il n’est pas
produit par une vibration, mais par un frottement ou un choc. Pour notre
oreille, il contient un grand nombre de fréquences, mais sans rapport

1. Histoire vraie : les trois intervalles les plus harmonieux sont les octaves, les quintes
et les quartes. Pendant très longtemps, il a été mal vu de jouer d’autres accords, parce
qu’ils étaient moins harmonieux. La tierce, l’intervalle suivant le plus harmonieux a eu
du mal à s’imposer. Pourtant c’est très joli, une tierce.
108 5. O

particulier entre elles. Il n’est pas possible de distinguer un fondamental ou


des harmoniques. En général, nous ne trouvons pas cela particulièrement
agréable. Faites “ch” pour avoir une idée de ce qu’on appelle un “bruit
blanc” 1

F 5.10 – Pour résumer, cette gure présente, en haut, les signaux de deux
sons de même fréquence donc de même hauteur, mais de timbres diérents :
les motifs sont diérents parce que les harmoniques ne sont pas du tout les
mêmes dans les deux cas. Le deuxième son est plus fort que le premier : son
amplitude est plus grande. Enn un bruit est présenté en bas : il n’est pas
possible d’identier de motif, il n’y a aucune périodicité. C’est du bruit.


Eet Doppler

Il reste une dernière chose à vous expliquer pour que vous compreniez
à peu près tout ce que vous entendez. Imaginez votre grand-mère sur
un chariot, qui vous adresse un “mon petit” à chaque seconde. Vous la
voyez arriver vers vous sur son chariot. Le “mon petit” qu’elle vient de
vous envoyer voyage à travers l’air et arrive jusqu’à vous et vous répondez
“mamie” ! Votre grand mère vous adresse un second “mon petit” mais depuis
le dernier, elle a bougé. La distance qu’il faut au son pour arriver jusqu’à
vous est donc moindre que la fois précédente. Il met moins de temps et
vous le recevez donc moins d’une seconde après le premier. Inversement,

1. Un “s” dière d’un “f” seulement par les très hautes fréquences, celles qui ne passent
pas dans un téléphone ou dans une radio. D’où l’invention d’un alphabet international
Alpha, Bravo Charlie... très utile pour ceux qui utilisent la radio pour communiquer.
E D 109

si votre mamie s’éloigne de vous, plus elle s’éloignera, plus les sons qu’elle
fait auront de chemin à parcourir pour vous arriver. Ils vous arriveront
donc avec une fréquence moins grande qu’un par seconde.

Prenons un son d’une fréquence donnée. C’est une succession de creux


et de bosses. Si la source du son se dirige vers vous, vous allez forcément
voir les bosses arriver à un rythme plus élevé que celui auquel la source
du son les a émis. Parce que les bosses sont exactement comme les “mon
petit” de votre mamie. Autrement dit, vous entendez le son plus aigu qu’il
n’a été émis puisque vous le recevez avec une fréquence plus grande !
Si par contre la source s’éloigne, vous entendrez le son à une fréquence
plus basse, donc plus grave. C’est pour cela que les voitures de course
font un bruit du genre “niiiiiiiiaiaaaaaaaaouum” quand elles vous passent
devant. Ou que le “pin-pon” du camion de pompier qui vous double à
toute vitesse semble changer de hauteur au fur et à mesure. C’est ce qu’on
appelle l’eet Doppler. Et ça marche avec toutes les ondes, même la lumière.
C’est grâce à cet eet notamment qu’on peut savoir à quelle vitesse les
étoiles s’éloignent ou se rapprochent de nous. Certains radars pour voiture
utilisent exactement le même principe.

F 5.11 – Quand votre grand-mère se déplace, elle envoie des signaux
plus “tassés” que si elle était immobile. Un signal ainsi compressé vous arrive
forcément, si vous êtes immobile, avec une fréquence plus élevée ! C’est l’eet
Doppler.
110 5. O


Les ondes électro-magnétiques

Imaginez un morceau de circuit électrique, une bobine de l de cuivre,


par exemple. Elle n’émet aucun champ si aucun courant ne la traverse. Si
on fait circuler tout d’un coup un courant continu à l’intérieur, elle se met
à générer un champ magnétique. Mais ce champ magnétique ne s’instaure
pas instantanément dans tout l’espace. Si vous êtes à quelques mètres de là,
il faudra un certain temps pour qu’il arrive. En fait, toute modication du
champ magnétique se propage avec une vitesse nie : il lui faut du temps
pour arriver. La vitesse à laquelle ce changement du champ magnétique
se propage est énorme : 300 000 kilomètres par seconde, soit une petite
dizaine de fois le tour de la Terre à chaque seconde. C’est en fait la vitesse
de la lumière. Il y a donc, autour de votre bobine de l, une sphère dans
laquelle le champ magnétique est instauré et cette sphère grandit à la
vitesse de la lumière. En dehors de cette sphère, le champ est nul.

F 5.12 – Si soudainement on fait passer du courant dans une bobine,


le champ magnétique créé ne va pas s’instaurer instantanément partout. La
modication du champ introduite par la bobine se propage petit à petit à tout
l’espace. La vitesse de cette modication du champ est celle de la lumière, par
dénition. Ici, le champ n’est établi que dans une sphère autour de la bobine.
Le rayon de cette sphère augmente avec le temps.

Si maintenant vous faites circuler un courant alternatif dans votre


circuit, il va envoyer un champ magnétique qui changera alternativement
de sens. Vers le haut, puis vers le bas par exemple. Exactement comme
les vagues à la surface de l’eau générées par un caillou, ces changements
M 111

périodiques du champ vont se propager en s’écartant de leur source. Et


comme il s’agit d’un champ magnétique variable, il est en permanence
accompagné d’un champ électrique, qui se propage en même temps que lui
et à la même vitesse. C’est ce qu’on appelle une onde électro-magnétique.
La vitesse de propagation de cette onde est la vitesse de propagation d’une
perturbation, c’est donc ici 300 000 kilomètres par seconde.
Les ondes que l’on peut générer avec un circuit électrique ont une
fréquence relativement basse (et donc une longueur d’onde relativement
grande, de quelques mètres) : ce sont des ondes radio. Vous savez que les
électrons sont sensibles au champ électrique et magnétique. Si l’onde radio
arrive sur un l métallique, les électrons à l’intérieur du l vont être mis en
mouvement par le champ électrique alternatif de l’onde. Il va donc se créer
un courant dans ce l. Si vous l’ampliez, vous pourrez en déduire quel
courant circulait dans la bobine initiale : vous venez de recevoir la radio.
La bobine est l’antenne émettrice, et votre morceau de l votre antenne
réceptrice !
De façon générale, il faut donc retenir que quand il y a des charges en
mouvement, elles émettent un champ électrique et magnétique variable et
que ces perturbations du champ électro-magnétique se propagent à grande
vitesse : ce sont des ondes électro-magnétiques.
Mais les ondes électro-magnétiques recouvrent bien plus que les ondes
radio. Il y a des ondes électromagnétiques de toutes les fréquences et donc
de toutes les longueurs d’onde, on l’imagine bien. Il se trouve qu’on leur a
donné des noms diérents parce qu’en changeant de longueur d’onde, ces
ondes électro-magnétiques changent de propriétés (elles n’interagissent
pas de la même façon avec la matière, on ne les génère pas de la même
façon). Elles s’appellent, selon le cas, micro-ondes, infrarouges, lumière
(visible), ultraviolets, rayons X ou rayons gamma !


Micro-ondes

La longueur d’onde des ondes radio va de plusieurs kilomètres 1 à


moins d’un millimètre. Les micro-ondes sont celles qui ont des longueurs
d’onde qui vont de 1 millimètre à un mètre dans le vide - et dans l’air. Ainsi
les micro-ondes sont les ondes radio de fréquence élevée. Pour générer
1. Les grandes ondes ont une longueur d’onde de 1 à 10 kilomètres, les moyennes
(AM) de 100 mètres à 1 kilomètre, la radio FM (modulation de fréquence) correspondant
à des longueurs d’onde de 1 à 10 mètres.
112 5. O

des micro-ondes, il faut juste créer un courant de fréquence susamment


haute.
On utilise les micro-ondes pour deux choses : chauer et communiquer.
Nous avons vu déjà que l’eau se comportait comme un dipôle, et qu’elle
s’alignait sur le champ électrique, comme tous les dipôles électriques.
Quand une molécule d’eau voit passer une micro-onde, elle voit un champ
électrique oscillant, auquel elle est sensible. Pour s’aligner sur le champ
électrique, il faut qu’elle oscille avec lui, donc qu’elle se retourne pério-
diquement. À cause des micro-ondes, les molécules d’eau oscillent et se
cognent à leurs voisines. Elles communiquent donc une certaine agita-
tion microscopique aux molécules du milieu : la température augmente.
C’est ainsi que le passage des micro-ondes réchaue les milieux qu’elles
traversent, essentiellement grâce aux molécules d’eau qui les composent,
parce que ce sont les plus sensibles au champ électrique et qu’elles peuvent
bouger facilement. Quand les micro-ondes arrivent dans un aliment, riche
en eau, elles sont peu à peu absorbées et converties en chaleur. Après 4
cm de profondeur, elles n’ont presque plus d’eet. Quand on fait cuire un
aliment, on craint en général qu’il nisse ou trop cuit ou pas assez. Avec un
micro-onde on peut donc même faire les deux à la fois ! Sauf si la forme de
l’aliment fait qu’aucun endroit n’est à plus de 4 cm de profondeur. Faites
un trou au milieu de votre purée avant de la réchauer !
Comme toutes les ondes électro-magnétiques de basse fréquence, les
micro-ondes sont rééchies par les métaux. Et si on fait des trous dans le
métal qui sont susamment petits, les micro-ondes ne vont pas pouvoir s’y
glisser. C’est pour cela que toutes les portes de four micro-onde contiennent
une grille avec des trous très petits – pour qu’on puisse voir à l’intérieur 1
mais que les micro-ondes ne sortent pas !
Les micro-ondes sont très pratiques pour communiquer, ce sont elles
que nos téléphones portables utilisent. Évidemment, il ne faut pas se
le cacher, les micro-ondes de votre portable ont le même eet sur les
molécules d’eau de votre organisme. Seulement la puissance de votre
portable n’est pas susante pour que vous vous mettiez à bouillir quand
vous téléphonez - et si vous vous mettez à bouillir lors d’un coup de
téléphone, ce n’est jamais la faute des micro-ondes, mais plutôt de votre
interlocuteur !

1. Secouez la tête de gauche à droite rapidement et vous arriverez à beaucoup mieux


voir à travers la grille ! En ayant l’air ridicule certes, mais parfois c’est pratique...
R  113


Rayonnement thermique

Vous savez que lorsqu’un objet est chaud, les particules qui le com-
posent sont agitées. Or les molécules ou les atomes sont en fait constitués
de particules chargées, protons et électrons. Comme tous ces objets sont
chargés, ils génèrent un champ électro-magnétique. S’ils bougent, ce champ
va changer. Or les particules qui nous composent ne s’arrêtent jamais de
bouger - sinon, c’est qu’elles sont au zéro absolu en matière de tempéra-
ture, soit environ -273˚C. Donc en permanence, nous baignons dans ces
uctuations du champ électromagnétique qu’elles engendrent et qui se
propagent. C’est un rayonnement qu’on appelle le rayonnement thermique.
On l’appelle aussi rayonnement du corps noir parce que c’est le rayon-
nement émis par un objet noir (qui absorbe toute la lumière qui arrive)
mais chaud, donc qui en émet forcément 1 . Ce rayonnement contient un
continuum de fréquence : toutes les fréquences possibles ou presque dans
une certaine fenêtre, même si toutes les fréquences ne sont pas également
représentées. Ce rayonnement thermique est en fait une sorte de bruit
électromagnétique permanent.
Plus un corps est chaud, plus ses particules bougent, et plus elles
bougent rapidement donc plus le rayonnement est important, et plus la
fréquence moyenne du rayonnement est grande.
L’univers baigne d’ailleurs en permanence dans un bruit de fond, un
rayonnement thermique émis il y a très très longtemps quand l’univers a
commencé à être transparent. Depuis le temps, parce que l’univers s’est
dilaté, la longueur d’onde de ce rayonnement a augmenté, donc le rayon-
nement s’est “refroidi”. Il correspond maintenant à celui qu’émettrait un
objet à la température de -271˚C : ce sont des ondes radio (des micro-ondes
en fait) de longueur d’onde 3 millimètres. Quand un objet émet plus de
rayonnement thermique qu’il n’en reçoit, il perd de l’énergie, il se refroidit
donc. Dans l’espace, quand aucune étoile n’éclaire un objet, il va perdre
son énergie très rapidement, parce que le rayonnement qu’il reçoit est
celui d’un objet à -271˚C. L’espace est “froid” pour cette raison. Mesurer
ce rayonnement, c’est en fait mesurer la température du fond de l’espace,
et le fond de l’espace est frais. Très frais.
Vous émettez vous aussi un rayonnement thermique important mais il
est lui aussi invisible. Il correspond à une température plus élevée, donc à
1. Et là, les petits malins me feront remarquer que jamais de la vie il est noir puisqu’il
émet de la lumière. Oui, mais bon. Il est noir quand il est froid, c’est tout.
114 5. O

une longueur très courte (un centième de millimètre) : ce sont des infra-
rouges. Une caméra spéciale appelée caméra thermique peut permettre de
capter ce rayonnement. Elle vous verra plus brillant que votre environne-
ment parce que vous serez plus chaud(e). Ceci dit, votre environnement
émet aussi beaucoup d’infrarouges, en permanence : avec une caméra
thermique, la nuit n’existe pas, il y a toujours de la lumière ! C’est très utile
pour les pompiers, les militaires, ou pour détecter les défauts d’isolation
dans les maisons...
Ces infrarouges sont ce que vous sentez quand vous vous chauez
devant une cheminée. Ce n’est pas l’air chaud de la cheminée que vous
sentez : il monte, et donc part justement par la cheminée. Vous sentez en
fait les infrarouges que le feu vous envoie. Comme le feu est plus chaud
que vous, il émet plus d’infrarouges que vous ne lui en envoyez : il vous
réchaue. Et presque toujours, il y a une plaque en fonte au fond des che-
minées : cette plaque capte la chaleur du feu et de l’air qui s’échappe. Cette
chaleur se répartit dans toute la plaque parce que le métal conduit bien
la chaleur. Et ensuite la plaque rayonne de l’infrarouge, que vous sentez !
C’est aussi le principe de ce qu’on appelle des panneaux rayonnants : on
chaue électriquement une plaque, qui au lieu de chauer l’air comme
le ferait un convecteur, émet naturellement des infrarouges qui viennent
vous chauer directement. La cheminée est donc une version rustique des
panneaux rayonnants.
Les infrarouges peuvent aussi transmettre de l’information sur de très
longues distances en passant dans des bres optiques. La plupart des com-
munications à grande distance (téléphone, internet) se font ainsi. Ce sont
des infrarouges que vous ne pouvez pas émettre : ils ont une longueur
d’onde de 1 micron et demi (soit 1 millionième et demi de millimètre).
Plus modestement, votre télécommande utilise des infrarouges pour com-
muniquer avec votre téléviseur. La preuve ? Il se trouve que les capteurs
d’image numérique (sur votre téléphone par exemple) sont sensibles à
ces infrarouges. Si vous regardez la diode de votre télécommande avec un
appareil photo numérique ou votre téléphone et que vous appuyez sur une
touche, vous verrez la diode clignoter !
Revenons à la cheminée. Il y a toujours des braises qui traînent. Elles
sont parfois sombres, mais lorsque vous souez dessus vous apportez de
l’oxygène à la réaction chimique en train de se produire (ce qu’on appelle
la combustion, le feu, quoi). La réaction s’accélère, elle libère de l’énergie,
la braise chaue et elle devient brillante si elle dépasse 1000 degrés celsius :
c’est l’incandescence.
R X   115

Quand un objet est assez chaud, le rayonnement thermique qu’il émet


est donc visible : notre oeil arrive à le détecter. Si le soleil nous éclaire, c’est
parce qu’il émet ce rayonnement thermique, cette onde électro-magnétique
qu’on appelle lumière. Dans le vide, la lumière se propage à la même
vitesse que les autres ondes électromagnétiques. La lumière est un sujet si
vaste et important que c’est le sujet du chapitre suivant !


Rayons X et gamma

Pour des longueurs d’ondes plus courtes que celles de la lumière visible,
les ondes électro-magnétiques commencent même à pouvoir casser les
liens entre les atomes dans les molécules - donc à casser les molécules
elles-mêmes. Ce sont des rayonnements ionisants.
Les photons UV par exemple peuvent casser les molécules. C’est pour
cela qu’ils sont cancérigènes : ils peuvent perturber l’ADN de la peau au
point de provoquer des cancers. Notre peau s’en protège en produisant
une molécule qui absorbe beaucoup les UV : la mélanine. C’est grâce à
cette molécule qu’on bronze ou que certaines personnes ont la peau noire.
Les peaux très blanches contiennent peu de mélanine, elles n’ont donc pas
“d’amortisseurs à UV” et sont donc plus sensibles. C’est aussi la mélanine
qui fait la couleur des cheveux.
En dessous de 10 nanomètres de longueur d’onde, les ondes électro-
magnétiques sont appelées rayons X. À cause de leur longueur d’onde
si petite, les rayons X peuvent traverser notre corps complètement. Une
faible partie s’arrête, et elle s’arrête plus volontiers là où notre corps est le
plus dense, là où il y a le plus de matière - notamment les os. Une radio-
graphie aux rayons X, c’est très simple : on vous éclaire avec des rayons
X et on regarde votre ombre X. Votre ombre X est essentiellement celle
de votre squelette, mais pas seulement. On peut distinguer des détails des
poumons, notamment. Il ne faut cependant pas en abuser, parce que les
rayons X sont dangereux : ils restent ionisants ! Cependant leur intérêt
médical est tel qu’on peut se permettre d’y être exposé de temps en temps.
Enn quand un noyau atomique a trop d’énergie, il émet parfois une
lumière particulière qu’on appelle rayonnement gamma. C’est une sorte
de radioactivité. Ce rayonnement peut tout traverser ou presque, grâce
à sa longueur d’onde minuscule. Il se glisse entre les atomes sans souci,
et les contourne ou passe à travers. Pour se protéger des rayonnements
gamma, il faut plusieurs centimètres de plomb, et encore, une partie du
116 5. O

rayonnement (très faible) continue de passer. Ils sont parfaitement capables


de vous traverser, mais si ils s’arrêtent dans votre organisme, ils peuvent
faire des dégats et casser des molécules sans problème 1.

1. D’après certaines légendes, cela pourrait vous transformer en monstre vert et


musculeux appelé Hulk. Heureusement, ce sont des rayonnements très pudiques, vous
garderez votre short si ça arrive, manifestement. C’est pas comme les rayons X...
C 6

L

L   est ce qui apporte de l’énergie à la Terre. C’est aussi notre


principal vecteur d’information - à la fois parce que nous captons
la lumière grâce à nos yeux, mais aussi parce que nous l’utilisons pour
transmettre des informations au travers des océans dans des bres optiques.
Il y a des siècles que nous avons commencé à domestiquer la lumière, en
utilisant du verre pour tenter de contrôler sa course et nalement, pour
améliorer les performances de nos yeux et mieux voir (les étoiles, les
bactéries ou le livre que vous avez dans les mains). Aujourd’hui, nous
sommes même capables d’utiliser sa nature ondulatoire pour mieux la
contrôler. Sur tous ces sujets, je vais essayer de vous éclairer...


Réfraction

Il faut garder à l’esprit pour le comprendre, que la lumière est une onde.
Nos yeux sont sensibles à une certaine gamme de lumière : celle dont la
longueur d’onde dans le vide ou l’air est comprise entre 400 nanomètres 1
et 750 nanomètres. C’est ce qu’on appelle la lumière visible. Nous sommes
sensibles à cette gamme de longueurs d’onde parce que c’est celle qui est
essentiellement émise par le Soleil.
Il est très pratique de repérer les couleurs de l’arc-en-ciel, les couleurs
pures, en donnant leur longueur d’onde dans le vide – parce qu’on arrive
mieux à se gurer à quelle échelle les interférences risquent de se produire,
par exemple. Mais ça n’est pas une très bonne idée, parce que, comme on

1. Un nanomètre est un milliardième de mètre, ce qui fait que la longueur d’onde de


la lumière est de moins d’un centième de l’épaisseur d’un cheveu.
118 6. L

va le voir, la longueur d’onde dépend du milieu dans laquelle la lumière se


propage.
Pour notre oeil, une fréquence donnée (donc une longueur d’onde donnée,
dans l’air) correspond à une couleur particulière, une de celles qu’on voit
dans les arcs-en-ciel. Les fréquences les plus basses correspondent à du
rouge (longueur d’onde dans l’air autour de 600 à 750 nanomètres ), on
trouve ensuite quand la fréquence augmente (et quand la longueur d’onde
diminue) le jaune, le vert (longueur d’onde d’environ 500 nanomètres),
le bleu (jusqu’à 400 nanomètres). Les fréquences les plus hautes corres-
pondent à du violet. Nous ne voyons pas les fréquences encore plus élevées,
mais elles existent : ce sont les ultra-violets. Et ce que nous appelons lu-
mière “blanche”, c’est en fait l’addition de toutes les couleurs, donc ça ne
correspond pas à une fréquence précise, au contraire. La lumière du Soleil
peut être considérée comme étant de la lumière blanche.
Pour se représenter ce qui arrive à la lumière quand elle passe d’un
milieu à un autre, il va falloir faire des dessins. Comment dessiner la lu-
mière ? C’est une onde, un peu comme les ondes à la surface de l’eau. Si
elle a une fréquence bien dénie, c’est à dire qu’elle correspond à une des
couleurs de l’arc-en-ciel, elle a une longueur d’onde bien dénie. On peut
donc se représenter la lumière dans ce cas comme une série de vagues
régulièrement espacées. On peut, par exemple, faire un trait qui repré-
sente la crête des vagues. Ces traits représentent ce qu’on appelle des
fronts d’onde 1 . Ces fronts d’ondes avancent dans une direction qui leur est
perpendiculaire - exactement comme de vraies vagues. La distance entre
deux fronts d’onde est évidemment la longueur d’onde. On suppose pour
l’instant que cette onde se propage dans l’air (ou le vide, c’est à peu près
pareil pour la lumière).
Évidemment, la notion de trajectoire n’a pas de sens pour une onde,
parce qu’une onde n’a pas de position bien dénie - alors une trajectoire,
n’en parlons pas... Mais on peut dessiner les lignes que suivent les fronts
d’ondes, des lignes qui leur sont forcément perpendiculaires. Ces lignes
sont en fait ce que nous appelons des “rayons lumineux”. Ils donnent ce qui
s’approche le plus de ce qu’on pourrait dénir comme étant la trajectoire
de la lumière.

1. On aurait pu choisir de faire des traits sur les creux, on aurait aussi obtenu des
fronts d’ondes, évidemment.
R 119

F 6.1 – Voici comment on peut se représenter une onde lumineuse, un


peu comme des vagues vues du dessus et dont on aurait seulement représenté
la crête. Les lignes que cela dessine sont appelées des fronts d’ondes. Ces
derniers avancent. En un endroit donné, on peut dire que l’onde avance
perpendiculairement aux fronts d’onde. La direction de propagation indiquée
par la èche est ce qu’on appelle un rayon lumineux.

Quand la lumière se propage dans un milieu comme du verre ou de


l’eau, elle se propage plus lentement que dans le vide (ou l’air) parce qu’elle
interagit davantage avec les molécules du milieu. Ceci ne l’empêche pas de
passer puisque tous les matériaux que je viens de citer sont transparents.
Elle se propage plus lentement que dans le vide mais elle conserve partout
la même fréquence, donc la même couleur. Que vous soyez dans l’air ou
dans l’eau, le rouge reste rouge parce que ce qui compte vraiment, c’est la
fréquence pour déterminer la couleur - et que la fréquence ne change pas
quand on change de milieu.
Quand une onde progresse plus lentement, mais qu’elle garde la même
longueur d’onde, en un endroit donné les vagues arrivent avec une fré-
quence plus basse. Mais si la fréquence ne change pas, alors que la vitesse
des ondes a diminué, alors c’est que la longueur d’onde a changé et qu’elle
est plus courte.
On dénit l’indice d’un milieu en disant que si la lumière se propage
deux fois moins vite dans ce milieu, son indice est de deux. Dans l’eau,
l’indice est de 4/3, parce que la vitesse de la lumière n’est que les 3/4 de
ce qu’elle est dans l’air. Du coup, dans l’eau, à cause de ce changement
de vitesse, la longueur d’onde d’une couleur vaut environ les 3/4 de la
longueur d’onde dans le vide. Mais c’est toujours la même couleur. Le
120 6. L

rouge d’un laser usuel, autour de 640 nm (nanomètres, mais quand on a


la emme on écrit nm) dans le vide, a une longueur d’onde de 480 nm
seulement dans l’eau.
Imaginons maintenant une frontière toute droite entre deux milieux
d’indices diérents, un dioptre. Nous allons essayer de comprendre ce qui
se passe lorsque la lumière passe d’un milieu à un autre. On suppose qu’elle
passe de l’air à l’eau, dans laquelle sa longueur d’onde est plus courte. Il y
a beau y avoir un changement de milieu, il n’y a pas de raison pour qu’une
crête de lumière se transforme en creux en changeant de milieu. Une crête
reste une crête même si l’écart entre les crêtes se rétrécit. Autrement dit,
quoi qu’il arrive, les fronts d’onde (les traits) doivent être continus à la
traversée de l’interface.
Comment dessiner ces fronts d’ondes si on sait qu’ils doivent être
séparés les uns des autres par une certaine distance dans l’air, et par
une distance plus courte dans l’eau? La seule solution est de dessiner
des fronts d’ondes qui ne sont pas des droites, mais des droites brisées
au niveau du de l’interface entre l’air et l’eau. Comme l’onde se propage
perpendiculairement aux fronts d’ondes, dessiner des lignes brisées signie
que l’onde change de direction quand elle change de milieu : c’est la
réfraction.

F 6.2 – Voici ce qui arrive quand une onde lumineuse rencontre un
nouveau milieu : elle y rentre en changeant de longueur d’onde. L’espacement
entre les fronts d’ondes n’est pas le même au-dessus du trait (l’interface entre
les deux milieux) et en dessous. Mais comme les fronts d’ondes sont continus,
il faut changer de direction... C’est ce qu’on résume par le schéma à droite.

La direction prise par la lumière dans le milieu en dessous dépend de


l’indice de celui-ci. Plus l’indice est élevé, plus elle va partir perpendiculai-
rement à la surface. C’est parce que plus l’indice en dessous est élevé, plus
on doit dessiner des fronts d’onde rapprochés. Par contre, si l’indice en
dessous est plus bas que l’indice du dessus, la lumière part de façon plus
R 121

rasante par rapport à l’interface. C’est vraiment l’indice qui détermine la


direction prise par la lumière.
Une chose cependant : dans beaucoup de matériaux, la vitesse de la
lumière dépend de la fréquence donc de la couleur. On ne peut pas donner
un seul indice au matériau. Souvent les couleurs tendant vers le bleu se
propagent plus lentement que le rouge.
Après être passée d’un milieu à un autre, la lumière a donc une direction
qui dépend de sa couleur, puisque la direction dépend de l’indice et que
l’indice dépend de la couleur ! La direction ne dépend pas très nettement
de la couleur, donc on ne s’en aperçoit pas vraiment, en général. Il faut des
géométries un peu particulières pour que cela se voie : un prisme, ou une
boule, ou des choses plus compliquées encore, comme les diamants.

F 6.3 – Dans le verre, deux couleurs diérentes ressentent un indice


diérent. A chaque réfraction, en entrée ou en sortie d’un prisme, les couleurs
diérentes sont envoyées dans des directions légèrement diérentes. La lumière
est séparée en un arc-en-ciel (le spectre lumineux), elle est dispersée.

Quand l’indice d’un matériau dépend de la couleur, on dit qu’il est


dispersif : il disperse la lumière en diérentes couleurs. L’eau est dispersive,
et c’est ce qui explique les arcs-en-ciel. Quand la lumière entre dans une
goutte d’eau, une petite sphère, elle est décomposée en diérentes couleurs
par la réfraction. Quand elle ressort, cet eet est encore amplié parce
qu’elle se réfracte une deuxième fois. Chaque goutte éclairée par le Soleil
renvoie donc de la lumière du côté par lequel elle a été éclairée, en la
dispersant. Vous voyez un arc en ciel si cette lumière arrive jusqu’à vous.
Il faut avoir le dos au soleil. Dans ce cas, si une goutte vous envoie une
couleur, toutes les gouttes que vous voyez sous le même angle renvoient la
même couleur, par exemple le rouge. Vous voyez donc un cercle rouge. Par
contre, vous ne verrez jamais le jaune que ces mêmes gouttes ont renvoyé,
parce qu’elles ne l’ont pas renvoyé vers vous. Mais vous allez recevoir les
rayons jaunes des gouttes situées juste au dessous. Comme les gouttes
122 6. L

envoient des couleurs diérentes dans des directions diérentes, vous,


vous voyez des couleurs diérentes arriver d’endroits diérents.

F 6.4 – Un arc en ciel, c’est de la lumière blanche qui arrive sur une
goutte et qui est rééchie à l’intérieur. Quand elle ressort, elle ressort de la
goutte avec un angle qui dépend de sa couleur (ici, gris clair et noir, on manque
un peu de moyens). Les diérentes couleurs partent donc dans des directions
diérentes. Vous ne pouvez pas percevoir toutes les couleurs qui sortent d’une
goutte donnée. Ce que vous voyez, c’est plutôt une couleur diérente pour
chaque goutte – donc un arc coloré.

Enn, la réfraction est un phénomène qui se produit aussi pour les


vagues, les vraies. Quand la profondeur de l’eau diminue, les vagues se
propagent plus lentement, comme si l’indice devenait de plus en plus
grand. En approchant de la plage, les vagues ralentissent de plus en plus
parce qu’il y a de moins en moins de fond. Elles subissent alors là aussi un
changement de direction, comme une réfraction progressive : leur direction
s’incurve vers la plage, vers les fonds les moins profonds. Dit autrement,
l’onde tourne pour présenter des fronts d’onde de plus en plus parallèles à
la plage. Et c’est pour ça qu’alors qu’en mer vous voyez des vagues aller
dans toutes les directions, quand vous êtes à la plage, toutes les vagues
arrivent perpendiculairement à la plage. Il n’y a pas de vague qui longe la
plage.


Miroir, mon beau miroir

Pour être complet, il faut ajouter que lorsque la lumière arrive ainsi
sur une interface entre deux milieux transparents, un partie de la lumière
est aussi rééchie.
M,    123

Cette réexion se produit toujours un peu c’est ce qu’on appelle les


reets. C’est pour cette raison qu’on peut se voir quand on regarde dans
l’eau. Cette réexion, qu’on appelle spéculaire suit une loi très simple : le
rayon qui arrive et le rayon qui repart sont symétriques par rapport à la
verticale passant par l’endroit où ils se rééchissent.

F 6.5 – À gauche, on voit qu’il y a en général une onde rééchie lorsque
la lumière arrive sur une interface entre deux matériaux. Les èches indiquent
la perpendiculaire aux fronts d’onde, la direction des rayons lumineux. On
résume ces trois èches par le schéma à droite, qui montre ce qui arrive à la
direction de propagation de la lumière. Le rayon qui repart est le symétrique
du rayon qui arrive par rapport à la verticale.

Cette réexion est très forte sur les métaux à cause des électrons libres
qu’ils contiennent. Ceux-ci s’agitent quand l’onde lumineuse arrive, elle les
met en mouvement parce qu’ils y sont très sensibles. Ils empêchent l’onde
de se propager dans le métal et renvoient l’onde lumineuse. C’est pour
cette raison que les métaux sont brillants et qu’on les utilise pour faire des
miroirs. Ce sont les matériaux pour lesquels la réexion spéculaire est la
plus forte.
Quelle taille de miroir choisir pour votre garde-robe ? Eh bien quand
vous vous regardez dans un miroir, le rayon lumineux qui vient de vos
pieds se rééchit en un point qui se situe exactement à mi-distance entre
vos pieds et vos yeux. C’est parce que les rayons doivent être symétriques
par rapport au point où ils se rééchissent. Il faut donc que ce point soit
exactement à la moitié de la distance entre vos pieds et vos yeux. Ceci reste
vrai quelle que soit votre distance au miroir. S’approcher ou s’éloigner
n’y changera rien, c’est toujours en ce point que les rayons qui viennent
de vos pieds passeront. Donc la partie qui est en dessous de ce point est
inutile. Finalement, pour se voir complètement dans un miroir, il n’y a pas
besoin qu’il fasse votre hauteur en entier, la moitié sut !
124 6. L

F 6.6 – La lumière qui vient de vos pieds se rééchit à mi-hauteur entre
vos pieds et vos yeux. Même chose pour voir le haut de votre tête. Un miroir
qui fait la moitié de votre taille, s’il est bien placé, vous permettra de vous
voir en entier ! Et s’approcher ou s’éloigner ne change rien...

Réexion totale

Prenons maintenant une onde (de la lumière) qui tente de passer d’un
milieu où elle va lentement à un milieu où elle va plus vite – c’est-à-dire
d’un indice élevé à un indice plus faible. Elle avait une longueur d’onde
courte dans le premier milieu, et elle passe à une longueur d’onde plus
grande. Le rayon lumineux se propage donc de plus en plus parallèlement
à l’interface. L’angle de la lumière réfractée est plus grand que l’angle
d’incidence par rapport à la perpendiculaire à l’interface. Elle ressort plus
rasante. Et il y a même un moment où cela coince : à partir d’un certain
angle d’incidence, appelé angle limite, il n’est plus possible de dessiner des
fronts d’onde continus et espacés d’une distance plus grande que dans le
milieu initial. C’est simplement impossible. Dans ce cas, il n’y a juste pas
de lumière réfractée, il n’y a que de la lumière rééchie : c’est la réexion
totale. L’interface se comporte comme un miroir parfait : tout la lumière
est rééchie. À la diérence d’un miroir métallique, qui absorbe une toute
petite partie de la lumière, dans le cas de la réexion totale, absolument
tout est rééchi !
R  125

F 6.7 – À gauche, on est exactement à l’angle limite. La distance le


long de l’interface, entre les fronts d’onde du haut, est exactement égale à la
longueur d’onde en bas. Si on augmente encore l’angle d’incidence (à droite),
la distance entre les fronts d’onde devient plus petite, donc encore plus petite
que la longueur d’onde en dessous, et on ne peut plus dessiner les fronts d’onde
dans le milieu du dessous. La lumière ne peut pas s’y propager du tout.

Quand vous êtes dans l’air et que vous regardez vers l’eau, il y a une
réexion, mais elle n’est pas totale parce que vous êtes dans le milieu
d’indice le plus faible, dans lequel la longueur d’onde est la plus grande et
la lumière la plus rapide. Pour voir une réexion totale, il faut absolument
être dans le milieu d’indice élevé. Et c’est là qu’on peut se demander ce
que voient les poissons, exactement. Parce que eux sont dans un milieu
d’indice élevé, l’eau.
On renverse donc la situation : en haut on a de l’air, en bas on a de
l’eau. Les rayons lumineux qui traversent l’interface entre l’air et l’eau
alors qu’ils sont rasants ressortent avec un angle proche de l’angle limite.
C’est la situation précédente, renversée. Cet angle limite, pour l’interface
entre l’eau et l’air est proche de 45 ◦. À cause de cette réfraction, aucun
rayon venu de l’extérieur ne peut entrer dans l’eau puis avoir un angle
(par rapport à la normale) plus grand que l’angle limite. Pour un poisson,
donc, toute la lumière venant de l’air arrive dans un cône dont l’angle au
sommet est de 45 ◦. En pratique, ils ne voient pas ce cône, mais il y a un
cercle en surface par lequel arrive toute la lumière de l’extérieur de l’eau.
Et tous les objets proches de la surface apparaissent donc en bord de ce
cercle, puisque les rayons qu’ils émettent sont rasants.
Quand le Soleil se couche à l’horizon pour nous, pour les poissons il se
couche en bord de cercle, à 45◦ ! Et pour eux, tout ce qui est en dehors de ce
cercle lumineux n’est qu’un miroir qui rééchit le fond. En eet, tous les
rayons lumineux qui arrivent au poisson sans provenir du cercle lumineux
126 6. L

arrivent avec un angle plus grand que l’angle limite. Cela signie que ces
rayons ont subi une réexion totale ! On peut le voir dans les aquariums :
il est dicile de voir le cercle en surface, mais on voit eectivement que la
surface se comporte comme un miroir parfait 1 .

F 6.8 – Les rayons du soleil sont peu déviés par la réfraction. Le poisson
voit la partie de la botte qui est sous l’eau, pas de problème. Mais la partie juste
au-dessus de l’eau, il la voit au bord du cercle par où toute la lumière rentre.
Et avec les vagues, les bords du cercle bougent énormément. Si le poisson
regarde la surface au delà de ce cercle, il va voir le fond - et les bottes du
pêcheur de nouveau. Pour un poisson, le pêcheur est donc en deux morceaux
séparés !

La réexion totale intervient aussi quand le changement d’indice n’est


pas brutal. Ce qui compte pour savoir s’il y a réexion totale, c’est l’indice
de départ, l’angle d’incidence (un peu rasant) et l’indice d’arrivée. Que le
passage soit brusque ou pas n’a pas vraiment d’importance. Or justement,
la lumière se propage plus vite dans l’air chaud que dans l’air froid. Quand
le soleil chaue la route, l’été, l’air au-dessus de la route est chaud, et
il a donc un indice légèrement inférieur à celui de l’air plus en hauteur,
d’où vient la lumière. Si la lumière est susamment rasante, une réexion
totale se produit : c’est ce qu’on appelle un mirage. Au lieu de voir la
route, on voit le ciel qui se rééchit sur l’air chaud. Mais pour que l’angle
1. Et pour les côtés aussi ça fonctionne ! Si vraiment vous voulez voir le cercle par
lequel la lumière arrive, il faut coller votre tête à l’aquarium et regarder sur le bord. Sinon,
à la piscine, plongez, bouchez vous bien le nez et retournez vous ! Vous verrez le cercle
au-dessus de vous...
R  127

soit susamment rasant, il faut regarder loin en général. Et si vous vous


approchez, l’angle augmente, le mirage cesse. Voilà pourquoi on ne peut
pas rattrapper un mirage !

F 6.9 – Quand on regarde assez loin, et que l’air chaud monte d’une
route, les rayons lumineux ne viennent pas de la route, ils viennent du ciel.
On a l’impression de voir une aque d’eau bleue.

La réexion totale est aussi ce qui vous permet d’avoir Internet : une
bre optique est essentiellement un milieu d’indice élevé (du verre) sous
forme de bre. Si la lumière s’y propage de façon susamment rasante, à
chaque fois qu’elle essaie de sortir de la bre elle subit une réexion totale 1 .
C’est parce que la réexion est totale que la lumière peut se propager sur
des dizaines de kilomètres. La plupart des signaux sur Internet se propagent
ainsi sous forme lumineuse dans des bres optiques.

F 6.10 – Quand la lumière entre dans la bre, elle subit une réfraction.
Mais ensuite, son angle de réexion sur les côtés de la bre est très grand : il
y a réexion totale à chaque fois. Avec une réexion parfaite et sans pertes,
le signal lumineux peut se propager très loin.

1. Et comme une bre optique, c’est tout petit (de l’ordre du micron pour le coeur), et
qu’on essaie d’y conner la lumière que se passe-t’il ? Eh bien la nature ondulatoire de
la lumière ne peut pas être négligée et des modes apparaissent : la lumière ne peut se
propager qu’à certaines vitesses bien dénies dans la bre qu’on peut numéroter, il y a
donc quantication...
128 6. L


L’œil

Nous avons vu tout à l’heure que lorsque la lumière passait d’un milieu
où elle allait vite à un milieu où elle allait plus lentement, donc d’indice
plus élevé, la direction de propagation de la lumière changeait. Si jamais
l’interface entre les deux milieux est courbée, des rayons diérents qui
viennent d’un même endroit peuvent être amenés à re-converger en même
point. C’est le principe de la lentille ou du cristallin de votre œil (aidé par
la forme naturelle de la surface de l’œil).

F 6.11 – Le cristallin est une petite lentille transparente qui fait conver-
ger les rayons lumineux venant d’un même point lumineux sur la rétine, tout
au fond. Une image de l’objet apparaît, mais elle est renversée ! Heureusement,
votre cerveau sait très bien que ce qui est en bas sur la rétine est en haut en
réalité. C’est comme ça depuis que vous avez des yeux, il est habitué !

Le cristallin se courbe plus ou moins, écrasé par des petits muscles,


pour faire la mise au point sur une partie ou sur une autre de votre environ-
nement. Plus un objet est près, plus les rayons qui en viennent divergent.
Pour les faire converger et faire une image nette sur votre rétine, le cristal-
lin doit être plus courbé. Au contraire quand un objet est loin, le cristallin
doit être le moins courbé possible. Il n’est donc pas possible de faire en
sorte que tout ce que nous voyons soit net en même temps.
Et c’est vrai ! Seule une toute petite partie de ce que nous voyons est
vraiment nette à un instant donné. Si vous regardez au loin en approchant
votre doigt un peu devant vous (fermez un œil), vous verrez net loin et
ou le doigt. Si maintenant vous regardez le doigt, c’est ce qui est derrière
qui devient ou. Notre œil fait la mise au point extrêmement rapidement
ce qui nous donne l’illusion que le monde est net. Cela dit, si votre doigt
est trop près, l’œil n’arrive pas à faire la mise au point. En général, il faut
qu’un objet soit en gros à plus de 20 cm pour qu’on puisse le voir net. Cette
L’ 129

distance minimale dépend des gens 1. Mais ça reste une illusion.


Une fois arrivée à la rétine, la lumière est absorbée par des capteurs
qui vont ensuite transmettre l’information “j’ai capté quelque chose” au
cerveau. Le cerveau (=vous) rassemble ces informations, et les interprète.
Il y a deux familles de capteurs.
— Les capteurs de couleur, qui sont de trois types diérents : un pour
le rouge, un pour le bleu, un pour le vert en gros. Chaque capteur
va réagir pour une large gamme de rouge, de vert ou de bleu. Et
quand on dit large... le rouge et le vert réagissent aussi à la couleur
jaune qui est pile entre les deux. C’est en interprétant quel capteur
est excité, et avec quelle intensité, que le cerveau reconstitue une
sensation de couleur.
— Et puis des capteurs de luminosité, qui ne sont pas sensibles à la
couleur, eux. Si on n’avait qu’eux, on verrait en noir et blanc. C’est
ce qui se passe la nuit, d’ailleurs parce que les capteurs de couleur ne
marchent bien que quand il y a beaucoup de lumière. “La nuit, tous
les chats sont gris” parce que les capteurs de couleur ne fonctionnent
pas et que nous voyons vraiment en noir et blanc.
Quand votre œil capte de la lumière blanche qui contient toutes les cou-
leurs, tous vos capteurs de couleur sont sollicités. Mais, si vous mélangez
de la lumière rouge, de la lumière verte et de la lumière bleue pures, vous
solicitez tous les capteurs aussi alors qu’il n’y a que trois vraies fréquences
donc trois vraies couleurs en réalité. Votre cerveau en déduit que vous
avez reçu de la lumière blanche - ce qui n’est pas vrai ! La vraie lumière
blanche contient toutes les couleurs, et pas seulement trois. Le blanc que
votre écran d’ordinateur ou de télévision vous montre est un mélange de
rouge, de vert et de bleu. Il reproduit une sensation de blanc, mais c’est un
peu une arnaque 2 .
Pour résumer, le fait qu’en mélangeant trois couleurs 3, on puisse re-
créer presque toutes les autres n’est pas une loi de la physique. C’est juste
dû au fonctionnement de notre œil !

1. Chez un myope, le cristallin est trop courbé, il fait trop vite converger les rayons
lumineux. Le myope voit net même en dessous de 20 cm, mais il ne peut pas voir net de
loin : les rayons convergent avant la rétine et forment plutôt une tache à la place d’un
point sur la rétine. L’image est oue.
2. En plus, les pixels de couleur sont séparés spatialement. Mais ils sont tellement
proches que leurs images se confondent sur notre rétine. Même sur un livre ou une ache,
ce sont des taches de couleur qui ne se recouvrent pas. Mais vu de loin...
3. Vous savez, les trois couleurs primaires...
130 6. L


Instruments d’optique

Si vous prenez une boule de verre (une bille) et que vous la mettez au
soleil, vous verrez que les rayons lumineux qui proviennent du soleil se
concentrent en un seul point, un peu à l’arrière de la bille, qu’on appelle
le foyer. Pour concentrer ainsi les rayons du soleil, il n’y a pas besoin
d’avoir une bille de verre, une lentille plus mince peut sure. Grâce à la
réfraction de la lumière quand elle entre puis sort du verre, les rayons
du soleil sont déviés et nissent pas converger au foyer. C’est donc une
lentille convergente.
D’autre part, comme la lumière peut aller dans un sens ou dans l’autre,
il y a un foyer des deux côtés de la lentille.

F 6.12 – À gauche, les rayons lumineux arrivent d’un objet situé très
loin, tellement loin qu’ils ont tous l’air parallèles. Une lentille a la propriété
de les faire tous converger au même point, le foyer. La lumière reste cependant
une onde. Dire que la lentille a transformé les rayons parallèles en rayons
convergents signie qu’elle a transformé les fronts d’ondes parallèles en arc
de cercle. Pourquoi ? La lumière va plus lentement dans le verre. Plus il est
épais, plus elle met de temps à traverser. Les fronts d’onde sont alors en retard
au centre où la lentille est plus épaisse.

C’est ainsi que fonctionne une lunette astronomique. Les étoiles étant
très loin et absolument immenses, il faut imaginer, même si nous les voyons
comme des points tout petits, que leur lumière baigne tout l’espace (ce sont
des objets immenses qui émettent une quantité de lumière dingue). Les
rayons qui viennent d’une étoile sont parallèles tellement elle est loin. Si on
met une lentille convergente, elle fait converger tous les rayons lumineux
parallèles en un même point. Bref, elle fait l’image de chacune des étoiles.
Il y a un double intérêt à faire ça, comparé à regarder les étoiles à l’œil
I ’ 131

nu. Tout d’abord la lentille est grande, ce qui fait qu’elle capte plus de
lumière, c’est comme si vous aviez de très grandes pupilles 1. Ensuite c’est
un peu comme si vous aviez une énorme rétine 2 et donc une meilleure
résolution parce que l’image est plus grande. Pour résumer, l’ensemble
lentille plus écran fonctionne comme un gros, gros œil et pour que votre
lunette astronomique fonctionne bien, vous avez intérêt à avoir le plus de
distance possible entre la lentille et le foyer.

F 6.13 – Une lunette astronomique fait l’image d’une étoile dans le plan
de l’écran, situé au foyer. C’est ce qu’on appelle le plan focal. Plus le foyer est
loin, plus l’image sera grande. Plus la lentille est grande plus elle capte de
rayons lumineux et plus l’image est lumineuse (et précise). C’est pour cela
qu’on construit des téléscopes de 30 m de diamètre.

Un point lumineux, quel qu’il soit, émet des rayons lumineux dans
toutes les directions. Ce sont des rayons divergents. Ceux qui arrivent sur
la lentille sont d’autant plus divergents que l’objet est proche de la lentille.
Tant que l’objet est situé en avant du foyer, la lentille est assez puissante
pour faire reconverger les rayons de l’autre côté de la lentille. Si on met
un écran là où les rayons convergent, on obtient une image.
Si l’objet est très près du foyer mais toujours avant, l’image obtenue
est très loin et très agrandie. On appelle distance focale la distance entre le
foyer et la lentille. Si l’image apparaît de l’autre côté de la lentille à 10 fois
la distance focale, vous pouvez retenir qu’elle est agrandie 10 fois. Comme
c’est vous qui choisissez cette distance, vous pouvez agrandir autant que
vous voulez. C’est le principe du microscope.
1. Que vous avez de grandes pupilles...
2. Que vous avez une grande rétine...
132 6. L

F 6.14 – L’objet qu’on regarde est situé tout à gauche. Il est situé avant
le foyer. Donc la lentille est capable de refaire converger les rayons issus de
l’escargot qui divergeaient. Plus on approche l’escargot du foyer, plus l’image
est lointaine.

Il faut ajouter, et c’est important, que vous n’avez pas vraiment besoin
d’un écran pour voir cette image. Si vous ne mettez pas d’écran, les rayons
lumineux qui se sont croisés au niveau de l’image continuent leur route.
L’image est alors comme un objet qu’on peut regarder à l’œil nu ! Pour
cela, vous avez besoin d’être susamment loin, puisque l’œil ne peut pas
faire la mise au point sur un objet trop près de lui. Si vous êtes à plus de
20 cm, votre œil sera capable de voir parfaitement cette image renversée
qui otte en l’air.
Revenons à la lentille. Si vous approchez encore votre objet de la lentille,
vous pouvez le placer entre le foyer et la lentille. Les rayons divergent alors
tellement, parce que l’objet est proche, que la lentille n’est plus capable
de refaire converger les rayons. Elle ne peut plus faire d’image projetable
sur un écran. Mais comme il s’agit d’une lentille convergente, les rayons
ressortiront tout de même nettement moins divergents, exactement comme
s’ils venaient d’un objet plus lointain. Tout se passe en fait comme s’ils
venaient d’un objet plus lointain et plus grand. Si vous avez du mal à voir
les objets quand ils sont trop près, la lentille peut vous aider. Si vous ne
voyez pas les objets qui sont à moins de 20 cm, la lentille les rejette pour
vous plus loin et vous pouvez les voir mieux parce qu’ils sont grands : c’est
une loupe !
P-     ? 133

F 6.15 – Pour voir bien un objet petit, il faut s’approcher, mais pas à
moins de 20 cm. Solution : intercaler une lentille. Si l’objet est plus proche de
la lentille que son foyer, alors les rayons ressortent exactement comme si ils
venaient du même objet agrandi mais placé plus loin. C’est une loupe, et ça
sert essentiellement à reculer les objets pour pouvoir s’approcher de plus près
et les voir un peu plus gros.

Nous avons vu comment un microscope fait une image agrandie qui


otte dans l’air et qu’on peut regarder sur un écran ou bien en se plaçant
susamment loin derrière. Mais admettons que vous vouliez la voir mieux
encore. Une solution est de la regarder à la loupe ! C’est pour ça qu’un mi-
croscope est constitué d’un objectif (qui fait l’image agrandie et renversée)
et d’un oculaire (une loupe) et qu’on peut ainsi s’approcher de l’image
pour la voir mieux 1. Et c’est pareil avec la lunette astronomique : elle fait
une image des étoiles, et on la regarde à la loupe !


Peut-on voir sans être vu ?

En fait, non. Il existe un grand principe en optique, c’est qu’étant donné


le comportement des matériaux usuels qui nous entourent, on ne peut
pas voir sans être vu. On est toujours vu autant qu’on voit parce que si
la lumière peut suivre un chemin, elle peut le prendre dans l’autre sens.
Si vous voyez les yeux de quelqu’un, il doit forcément voir les vôtres. Les
miroirs sans tain ne sont pas des systèmes qui échappent à la règle. Ce
1. La prochaine fois que vous avez la chance d’utiliser un microscope, réglez le puis
essayez d’enlever l’oculaire, normalement c’est facile. Vous verrez alors l’image otter
dans le tube du microscope !
134 6. L

sont des miroirs qui laissent passer une partie (relativement faible) de la
lumière. Pour que vous puissiez voir sans être vu, il faut que la pièce que
vous voulez observer soit lumineuse et que celle où vous êtes soit sombre.
Ainsi, votre image sera complètement noyée dans le reet du miroir du
côté lumineux. Alors que vous, au contraire, proterez pleinement de ce
qui se passe dans la pièce éclairée sans être gêné par votre propre reet.
Si jamais on inversait la pièce sombre et la pièce éclairée, on inverserait
ceux qui voient et ceux qui ne voient pas. Pensez-y en regardant votre
prochaine série policière américaine...
De même, l’homme invisible est forcément aveugle. Si ses yeux étaient
capables de voir, alors il capterait une partie de la lumière avec sa rétine,
et sa rétine ne serait donc pas tout à fait transparente, il ne serait donc pas
invisible. Si jamais vous avez une cape d’invisibilité à la Harry Potter, elle
peut vous permettre de vous cacher, mais pas vous permettre de voir 1 !


Polarisation

Les ondes sur une corde ont une propriété très importante que les
vagues n’ont pas. Vous pouvez en eet agiter une corde verticalement,
et les ondes que vous aurez ainsi générées vont rester dans plan vertical.
Vous pouvez aussi agiter la corde horizontalement, et créer des ondes
horizontales - ce qui n’a pas d’équivalent chez les vagues. Les vagues,
ce sont des ondes verticales, des creux et des bosses, et c’est tout. Avec
une corde, vous pouvez même agiter la corde en faisant des cercles avec
votre bras, et donner naissance à une onde en hélice. Cette propriété,
c’est la polarisation. Une vibration dans un plan vertical est une onde
polarisée verticalement. Une onde dans un plan horizontale est dite polarisée
horizontalement. Et si vous faites des cercles, c’est une onde polarisée
circulairement, qu’on dit droite ou gauche selon que vous tournez dans le
sens des aiguilles d’une montre ou non.

1. Sauf si c’est de la magie, bien sûr.


P 135

F 6.16 – Quand on agite une corde en faisant des cercles, on obtient ce
qu’on appelle une onde polarisée circulairement : ça donne une hélice, comme
en (c). Bien sûr, on pourrait aussi agiter la corde horizontalement comme en
(a) ou verticalement comme en (b). Ou n’importe comment.

La lumière est exactement comme une onde sur une corde. Elle peut
être polarisée, mais comme nos yeux n’y sont pas sensibles, nous ne pou-
vons pas nous en apercevoir. De toutes façons ça ne nous serait pas très
utile, parce que la lumière polarisée n’est pas très abondante dans notre
environnement. La lumière qui vient du soleil n’est pas polarisée du tout.
Si vous vouliez faire sur la corde quelque chose qui ressemble à la lumière
du soleil, il faudrait simplement que vous fassiez des mouvements com-
plètement désordonnés - et surtout pas des mouvements verticaux ou
circulaires réguliers.
Il existe ce qu’on appelle des polariseurs. Ce sont des morceaux d’un
plastique a priori plutôt transparent. Un polariseur ne laisse en fait passer
qu’une direction de vibration de la lumière. Pour la corde, l’analogue d’un
polariseur serait un ensemble de deux plaques placées de chaque côté de la
corde, qui la forceraient à ne vibrer que dans une direction donnée. Même
si avant les plaques vous agitez la corde n’importe comment, après les
plaques la vibration sera contenue dans un plan. Bien sûr, cela élimine une
partie des vibrations, et c’est pour cela qu’un polariseur paraît teinté.
136 6. L

F 6.17 – Un polariseur est l’équivalent de deux plaques placées sur une
corde. La direction de vibration que les deux plaques laissent passer dépend
de leur orientation. En bas à gauche, quand une polarisation circulaire arrive
sur un polariseur, elle ressort rectiligne : elle ne fait plus une hélice de l’autre
côté. C’est pareil avec une lumière non polarisée (qui fait n’importe quoi). En
haut à droite, si une polarisation verticale arrive sur un polariseur horizontal,
l’onde est bloquée.

Si vous prenez deux polariseurs, et qu’ils laissent passer la même


direction de vibration de la lumière, tout ce qui passe à travers l’un passe
à travers l’autre. Par contre, si vous croisez les polariseurs, ce qui passe
à travers le premier ne peut pas traverser le second. Bien que vous ayez
deux matériaux en apparence transparents, si vous les superposez en les
croisant, aucune lumière ne passe ! Pour savoir si une lumière est polarisée
ou non, il sut de la regarder avec un polariseur et de le faire tourner :
si jamais on arrive à éteindre complètement une source de lumière c’est
qu’il s’agit de lumière polarisée - et que sa direction est perpendiculaire à
celle que le polariseur laisse passer !
Il se trouve que lorsque la lumière se rééchit sur une surface (de
l’eau, du verre, de la neige), la direction de polarisation paralèlle à la
surface se rééchit beaucoup mieux que l’autre, qui lui est perpendiculaire.
Les reets sont donc polarisés ! À cause de la gravité, la majorité des
surfaces naturelles (mer, neige) sont horizontales. Les reets sur de telles
surfaces sont donc polarisés horizontalement. D’où une idée : celle de
mettre sur les verres de lunettes de soleil un ltre qui ne laisserait passer
que la polarisation verticale. Les lunettes polarisées ont ainsi la propriété
d’éliminer une bonne partie des reets !
P 137

F 6.18 – La vibration représentée ici est en fait une onde lumineuse. Elle
arrive en faisant un peu n’importe quoi (ici, on dirait plutôt une polarisation
circulaire), et après la réexion, elle repart en étant polarisée dans le sens de
la surface, ici horizontalement !

Il se trouve aussi que le bleu du ciel est polarisé. Le ciel est bleu parce
que les molécules de l’air diusent la lumière du Soleil : elles l’empêchent
d’aller tout droit et l’envoient dans d’autres directions. La lumière arrive
sur les molécules de l’air, qui se mettent à vibrer. Elles diusent alors la
lumière perpendiculairement à celle qui arrive. Mais la lumière qu’elles
diusent est polarisée : la molécule ne vibrant que dans une direction, elle
émet une lumière qui n’a qu’une direction de vibration.

F 6.19 – Quand la lumière du soleil arrive sur une molécule, celle-ci se
met à osciller. Elle se comporte alors comme une antenne, et émet alors une
lumière polarisée dans le sens de la vibration, et pas dans toutes les directions.
C’est le bleu du ciel que vous recevez - il est forcément polarisé.
138 6. L

Le processus de diusion est d’autant plus ecace que la longueur


d’onde est courte. Donc le rouge diuse moins que le vert, qui diuse
moins que le bleu. C’est parce que c’est le bleu qui diuse le plus que le
ciel semble bleu 1 .
Il est rigolo de faire tourner un polariseur en regardant le ciel : on
arrive à faire disparaître le bleu du ciel, mais pas la lumière diusée par
les nuages, car celle-ci n’est pas polarisée - le processus de diusion est
diérent. Les abeilles se servent même de la polarisation du bleu du ciel
pour se repérer.

Mais la polarisation de la lumière ne sert pas qu’aux abeilles ! Le fonc-


tionnement des écrans à cristaux liquides est basé sur la polarisation.
Prenons un écran d’ordinateur ou de téléviseur. Il s’agit d’une épaisseur
de cristal liquide placé entre deux polariseurs orientés de la même ma-
nière. On éclaire l’écran depuis l’arrière. La lumière traverse le polariseur
arrière et devient donc polarisée (par exemple : verticalement). Lorsque de
la lumière polarisée traverse un cristal liquide, sa direction de vibration
change au fur et à mesure qu’elle se propage : elle tourne. D’une vibration
verticale, elle devient horizontale. Cette propriété du cristal liquide est due
au fait que les molécules de ce cristal s’organisent naturellement en créant
des hélices. Ce sont ces hélices qui donnent au cristal le pouvoir de faire
tourner la polarisation de la lumière. Au nal, la lumière est bloquée par
le deuxième polariseur, qui ne laisse passer que la direction verticale de
noir 21 .
vibration de la lumière. L’écran paraît alorsrétine

En imposant un petit champ électrique entre les deux polariseurs, on


peut forcer les molécules du cristal à s’aligner complètement et casser les
hélices. Le cristal liquide ne fait plus tourner la polarisation : l’écran est à
présent transparent. Et si l’écran est éclairé par derrière (le rétro-éclairage),
le pixel apparaît lumineux ! On peut ainsi éteindre ou allumer des pixels 234.

1. Et que les couchers de soleil sont rouges. La lumière qui vient directement du soleil
quand il se couche doit traverser beaucoup plus d’atmosphère, il ne reste que celle qui
est le moins diusée : le rouge.
1. C’est vrai surtout si tout est bien agencé et si les matériaux utilisés sont de bonne
2.
qualité. C’est donc en regardant le noir d’un écran allumé qu’on peut juger de la qualité
de l’écran.
2.
34 Pour les écrans de montres ou de calculatrice, le dernier polariseur est orienté per-
pendiculairement au premier. Ainsi, le fonctionnement est inversé : l’écran est transparent
au repos, donc quand l’écran est éteint, et noir en présence du champ électrique.
P 139

F 6.20 – En haut, l’écran ne laisse pas passer la lumière. Elle traverse
le premier polariseur à gauche, sa polarisation tourne lorsqu’elle se propage
dans le cristal liquide et elle est nalement bloquée par le deuxième polariseur,
qui ne laisse passer que les vibrations verticales. En bas, quand un champ
électrique est appliqué entre les deux polariseurs, il empêche le cristal liquide
de former des hélices et celui-ci ne peut plus faire tourner la polarisation de
la lumière. La partie de l’écran ou existe ce champ électrique est transparente.
Le pixel est allumé !

Pour nir, le cinéma en relief utilise souvent de la lumière polarisée.


Pour que vous puissiez saisir le relief, il faut que vos deux yeux voient
des images diérentes en regardant le même endroit. Ce n’est pas facile
à faire. La méthode la plus simple est de projeter sur le même écran 1
deux images polarisées diéremment. Une polarisée verticalement et une
horizontalement par exemple. Forcément, si vous regardez l’écran à l’œil
nu, vous voyez les deux images. Pour voir le relief, il faut une paire de
lunettes avec par exemple un polariseur laissant passer la polarisation
verticale pour l’œil gauche et un polariseur laissant passer la polarisation
horizontale pour l’œil droit. Ainsi, chaque œil ne voit qu’une seule des
deux images - et chaque œil voit bien une image diérente.
Beaucoup de cinémas utilisent ce principe, même si les polarisations
ne sont pas forcément verticales et horizontales. Le problème des polarisa-
tions rectilignes est qu’il faut garder la tête parfaitement droite, ou alors
votre œil gauche va commencer à voir l’image destinée à l’œil droit, et in-
versement. Une solution courante est d’utiliser une polarisation circulaire
1. Seuls les écrans métallisés conservent la polarisation à la réexion. Il faut donc des
écrans avec un revêtement spécial.
140 6. L

droite destinée à un œil et une circulaire gauche pour l’autre. Les lunettes
ont toujours la même allure mais pas les mêmes propriétés. Et cette fois,
vous pouvez parfaitement pencher la tête ou la poser sur l’épaule de votre
voisin, chaque œil continuera de percevoir la bonne image !


Diraction et interférences

L’autre moment où on voit clairement que la lumière est une onde,


c’est quand elle se rééchit ou interagit avec des structures dont la taille
est petite, de l’ordre de quelques longueurs d’onde. On parle dans ce cas de
diraction et ou d’interférences. En réalité, il n’est pas vraiment possible
de distinguer les deux, ou même de dénir ce que c’est, mis à part que la
lumière a un comportement ondulatoire. Et vous avez sans doute tous les
jours sous les yeux la preuve que la lumière est une onde.
Imaginons des vagues qui arrivent sur une ouverture dans un mur.
Derrière l’ouverture, les vagues partent dans toutes les directions. Alors
que les fronts d’ondes étaient droits, après l’ouverture ce sont plutôt des
arcs de cercle. Il se passe la même chose avec la lumière, mais cela se voit
surtout si la fente est ne. Même si, et c’est important, aussi grande soit la
fente, cela se produit toujours. C’est juste moins simple à constater 1 .

F 6.21 – Quand la lumière arrive sur une ouverture, elle ne garde pas
ses jolis fronts d’onde tout droits. Ils s’incurvent : la lumière part dans presque
toutes les directions. L’onde lumineuse ressemble un peu à l’onde que créerait
dans l’eau un caillou...

1. À cause de la diraction, quand on fait l’image d’une étoile, on n’a pas une image
parfaite. À la place, on obtient une tache de diraction. Elle est d’autant plus grande que
la lentille ou le miroir du téléscope est petit. C’est une des raisons pour lesquelles on
essaie de faire des miroirs de 30 mètres pour les téléscopes. Et même un miroir de 30
mètre diracte...
D   141

Si on met deux fentes côte à côte, derrière chacune des deux fentes, on
a une onde avec des fronts d’onde sphériques - donc l’équivalent des deux
caillous qu’on a jetés dans l’eau en même temps, mais avec de la lumière.
On peut alors comprendre ce qui se passe derrière les deux fentes en
pensant qu’il s’agit d’interférences entre les ondes diractées par chacune
des fentes. Comme on ne peut pas voir les vagues de lumière elles-mêmes,
on voit juste de la lumière là où les interférences sont constructives, et pas
de lumière là où elles sont destructives. Sur un écran placé après les fentes,
on a donc une alternance de bandes brillantes et sombres.

F 6.22 – À gauche, les ondes lumineuses passant à travers un écran percé
de deux fentes. Dans certaines directions les ondulations sont très visibles, dans
d’autres pas. Au milieu, les endroits où les interférences sont constructives
apparaissent blancs. Là où les interférences sont destructives c’est noir. Sur
un écran, on trouve le genre de gure montrée à droite : on voit très bien
l’alternance de bandes brillantes et sombres.

Imaginez maintenant la même expérience, avec de plus en plus de


fentes. Il ne peut y avoir interférences constructives en un endroit donné
que si toutes les crêtes émises par toutes les fentes arrivent en même temps
en cet endroit. Comme c’est une condition très stricte, les interférences
sont destructives à peu près partout sauf dans des directions bien précises.
Quand on a un très grand nombre de fentes, on parle de réseau de diraction.
En réalité, les directions dans lesquelles la lumière est envoyée par un
réseau dépendent de la longueur d’onde, donc de la couleur. Et comme
chaque couleur part dans une direction très précise, mais qu’elles partent
toutes dans des directions diérentes, on arrive à séparer les couleurs donc
à voir des arcs-en-ciel partout. C’est ça qui est intéressant avec les réseaux.
142 6. L

F 6.23 – Quand on passe de 2 à 3 puis à 9 fentes éclairées, on voit que


la lumière part dans des directions de plus en plus précises. Mis à part la
direction “tout droit”, qui va tout droit quelle que soit la couleur, les autres
directions dépendent de la longueur d’onde et donc de la couleur. Un réseau
disperse la lumière...

Si vous prenez un morceau de plastique et que vous le gravez nement


et régulièrement, alors il va fonctionner comme un réseau de fentes. Le
meilleur exemple sont les CDs ou les DVDs, parce que ce sont des morceaux
de plastique qu’on a gravés très nement avec des données. Comme les
pistes circulaires sont espacées d’une distance qui est toujours la même, ce
sont de supers réseaux de diraction. On voit d’abord qu’ils se comportent
comme un miroir : ça, c’est la lumière diractée “centrale”, celle pour
laquelle toutes les couleurs partent dans la même direction. Et après, il y a
de magniques irisations. Ces couleurs, qu’on peut appeler interférentielles
sont très intenses, particulièrement jolies et la preuve que la lumière est
bien une onde.
On utilise des réseaux de diraction absolument partout maintenant,
notamment pour décomposer la lumière et faire de la science. Mais on les
trouve aussi sur les papiers cadeaux “holographiques”, certains emballages
et comme signes de sécurité ou d’authenticité, sur les billets de banque,
les passeports et les cartes bleues, et même maintenant sur des chaussures
ou des sacs à dos.
Même un écran de télévision ou de téléphone, à cause des ses pixels,
est un réseau. Vous pouvez éclairer un écran à cristaux liquides brillant
avec la LED de votre téléphone, vous devriez voir une magnique gure
de diraction. Ça devrait ressembler à ce qu’on voit quand on regarde un
point lumineux à travers un voilage n... tout ça c’est de la diraction de
la lumière !
Ce sont aussi des couleurs interférentielles qu’on voit dans les bulles de
savon, ou chez beaucoup d’insectes. La couleur des grosses mouches vertes
D   143

est ainsi due à la structure de leur carapace : elle se comporte comme un


miroir qui ne rééchirait que le vert. L’avantage de ces couleurs est qu’elles
sont éclatantes. On les repère facilement dans la nature parce qu’elles sont
très dépendantes de la position de l’observateur. Si vous voyez des couleurs
qui dependent beaucoup de l’angle sous lequel vous les regardez, elles sont
interférentielles ! Il y en a chez les oiseaux aussi, comme les canards, les
pies ou les paons. Un des exemples les plus connus est celui du morpho
bleu, un superbe papillon bleu. Si vous écrasiez vigoureusement les ailes
de ce papillon, vous verriez qu’elles perdraient leur couleur : il n’y a pas
de pigment dans ces ailes. La structure des écailles de ce papillon utilise
la nature ondulatoire de la lumière pour ne rééchir que du bleu, mais
c’est la même matière que celle qui constitue les carapaces de tous les
insectes ! Les animaux ne nous ont pas attendus pour inventer le réseau
de diraction...
C 7

S  ’

Vous êtes en train de faire la planche dans la baie de Chateaubriand,


une plage du Pacique - paradisiaque s’il en est. Comme le soleil vient de se
coucher sur l’horizon, la lune vous apparaît comme un n croissant lumineux
dans un ciel qui s’assombrit doucement. Elle est accompagnée de l’étoile du
Berger, point scintillant dans un bleu de plus en plus profond. Bientôt les étoiles
apparaîtront, et puis la Voie Lactée ! Pour peu que vous y prêtiez attention,
vous pouvez distinguer la Lune complètement : mis à part le mince croissant
brillant auquel nous sommes habitués, le reste du disque lunaire semble grisé.
Il est légèrement plus lumineux que le fond du ciel qui tend maintenant vers
un noir profond tacheté d’étoiles. Ce spectacle est, au delà de tout doute, de
ceux qu’on ne veut pas oublier ; et vous prenez une profonde inspiration. Ce
qui ne peut qu’être bénéque à votre ottabilité au passage. Un léger frisson
vous parcourt : si l’eau dans laquelle vous baignez est délicieuse, l’air semble
frais. Oubliez la notion de haut et de bas, car vous contemplez l’univers, le
dos collé à votre confortable petite planète tellurique - c’est d’ailleurs quand
l’on se sent ainsi suspendu dans l’espace que l’on prote au mieux de cette
vue magnique. C’est le moment pour penser qu’il est décidément bon d’être
cette concentration de molécules organiques chirales, ce témoin conscient
d’un univers si vaste, et surtout, si élégant 1 .


Des quarks aux atomes

Tout en ottant et en savourant la vue, vous essayez de vous rappeler le


nom bizarre des plus petits constituants de la matière... un nom dicile à

1. L’univers, pas vous. On est rarement élégant en maillot de bain.

145
146 7. S  ’

retenir, on se demande bien où ils sont allés le chercher, celui-là... des couacs ?
Non, ça devait pas être ça...
Toute la matière qui nous entoure est constituée pour l’essentiel de 4
types de particules : les électrons, les quarks haut et bas et les neutrinos 1 .
Expédions tout de suite le cas des neutrinos : ils sont très légers, se
déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière et sont capables de
traverser la terre sans la voir. Ils interagissent en eet très faiblement avec
la matière et même si leur nombre est gigantesque, très peu d’entre eux
sont arrêtés par quelques milliers de kilomètres de roche. Leur rôle dans
ce que nous pouvons percevoir est donc très très limité.
Les quarks sont beaucoup plus importants. Il y a beaucoup de types
de quarks, mais les deux plus légers s’appellent haut et bas et ce sont
ceux que l’on trouve dans la matière usuelle. L’interaction qui les lie est
une des quatre forces fondamentales, avec l’interaction électromagnétique
(l’interaction entre particules chargées) et la gravitation : c’est l’interaction
forte.
L’attraction entre quarks est si forte qu’on ne trouve aucun quark isolé :
ils se combinent pour former les protons (2 quarks haut et un bas) et les
neutrons (2 quarks bas et un haut). La force qui fait s’attirer les quarks
entre eux ne s’arrête pas aux limites du proton ou du neutron : elle déborde.
C’est ce qui fait que les neutrons et les protons s’attirent entre eux très
fortement, et qu’on les trouve regroupés par paquets. Ce sont les noyaux
atomiques, des groupements de protons et de neutrons 2.
Une chose est extrêmement importante : les neutrons sont neutres
d’un point de vue électrique, alors que les protons ont une charge positive,
qu’on appelle la charge élémentaire. Presque toutes les charges positives
de l’univers viennent ainsi des protons. À cause de cette charge positive,
tous les noyaux se repoussent entre eux 3 - mais ils attirent les charges
négatives.

1. Dans les accélérateurs de particules entre autres, on crée bien d’autres particules,
plus exotiques, mais elles ne constituent pas de la matière usuelle, comme celle qui nous
entoure vraiment.
2. Heureusement pour les neutrons d’ailleurs, parce qu’un neutron tout seul nit par
se désintégrer en quelques minutes pour devenir un proton.
3. Oui, les protons au sein d’un même noyau, se repoussent entre eux. Mais cette force
répulsive est très faible comparée à l’interaction forte qui lie les protons entre eux dans
un noyau. Par contre l’interaction forte agit à courte distance seulement. Pour résumer :
les protons susamment éloignés se repoussent à cause de leur charge, alors que des
protons susamment proches s’attirent à cause de l’interaction forte.
D    147

Les charges négatives sont essentiellement portées par une autre par-
ticule : les électrons. La charge portée par un électron est exactement
l’opposée de celle du proton : une charge élémentaire négative. Et mieux,
il y a autant d’électrons dans l’univers que de protons, ce qui fait que la
charge de l’univers est nulle. Les électrons sont très très légers. Ce n’est
cependant pas vis-à-vis de leur poids que cette précision est importante.
À leur échelle, la gravitation ne joue pas tellement : elle est très faible
comparée à l’interaction entre charges, elle-même très faible devant l’inter-
action forte (sinon les protons d’un même noyau ne pourraient pas rester
ensemble puisqu’ils se repoussent). Mais si les électrons sont légers, ils
peuvent facilement être mis en mouvement - leur inertie est faible. Comme
ils sont deux mille fois plus légers qu’un proton ou qu’un neutron, les
électrons sont des particules très mobiles. C’est pour cela que ce sont eux
en général qui constituent le courant électrique : ils sont en général les
premiers à bouger.

F 7.1 – À gauche, une image très pratique où les particules sont des pe-
tites billes sympathiques. Mais nous verrons dans le chapitre sur la mécanique
quantique que ça n’est pas réaliste. C’est pratique pour compter les particules,
et montrer que les électrons ont des orbites à eux. Mais il est plus réaliste
d’imaginer le noyau comme un petit nuage très concentré entouré d’un nuage
électronique très mouvant. Ou à la limite un gros nuage électronique tout
rond avec un noyau presque ponctuel au milieu...

Les électrons sont pour la plupart piégés autour des noyaux parce que
les noyaux sont positifs. Les noyaux vont ainsi attirer en général autant
d’électrons qu’il y a de protons dans le noyau et cette attraction va garder
tous ces électrons a proximité. Ainsi l’ensemble de l’édice sera neutre.
148 7. S  ’

C’est ce qu’on appelle un atome. En général il est dicile pour un atome


d’attirer des électrons supplémentaires, parce qu’ils sont repoussés par
ceux qui sont déjà en place.
Comme les électrons entourent le noyau, ce sont eux qui contrôlent
l’interaction de l’atome avec les autres atomes. C’est donc le nombre d’élec-
trons qui va permettre de caractériser le comportement “social” de l’atome.
Comme le nombre d’électrons est déterminé par le nombre de protons,
c’est en dénitive le nombre de protons qui détermine les propriétés de
l’atome 1 .
Quand il a fallu donner des noms aux diérents types d’atomes, on
les a classés en fonction de leur comportement chimique : c’est-à-dire les
anités entre atomes, la facilité à leur ôter ou leur ajouter un électron,
etc. Tous les atomes ayant un même nombre de protons appartiennent au
même élément car ils ont le même nombre d’électrons donc les mêmes
propriétés chimiques. Un noyau avec 6 protons et 6 neutrons est un noyau
de carbone 12 (12 étant le nombre de protons et de neutrons). Un noyau
avec 6 protons et 8 neutrons est un noyau de carbone également, mais de
carbone 14, cette fois.
Dans l’eau, 1 molécule sur 3200 est plus lourde que les autres. On peut
récupérer cette eau “lourde” en centrifugeant de l’eau. Ces molécules d’eau
ont un atome d’hydrogène qui contient un proton et un neutron, alors qu’un
atome d’hydrogène normal n’a qu’un proton. Ces atomes (on appelle ce
type d’hydrogène le deutérium) sont donc deux fois plus lourds que des
atomes normaux. Les molécules d’eau sont parfaitement normales sinon,
juste un peu plus lourdes 2.
Les atomes les plus abondants dans l’univers sont les plus petits. L’hy-
drogène (1 proton) représente les trois quarts de la masse de notre galaxie,
et plus de 92% des atomes qui la composent. Vient ensuite l’hélium (2
protons) qui représente la quasi-totalité du reste. On trouve ensuite, mais
en bien moins grandes proportions, l’oxygène (8 protons, 1% de la masse de
la galaxie) et le carbone (0,5%). Notre planète est une planète tellurique 3 - à
la diérence des planètes gazeuses, sur lesquelles rien n’est aménagé pour
faciliter la randonnée. Sur la Terre, la plupart des éléments légers ont été
éjectés il y a très longtemps. Il reste surtout le coeur rocheux, dont la masse

1. Le nombre de neutrons dans le noyau est important, mais il ne joue pas sur la façon
dont l’atome tout entier interagit avec les autres. Le nombre de neutrons compte juste
pour la masse de l’atome (parce qu’un neutron, c’est lourd) et pour la stabilité du noyau.
2. Et on peut éventuellement s’en servir pour faire des bombes nucléaires.
3. Dit autrement : c’est un caillou.
L      149

est constituée à 90% de fer, d’oxygène, de silicium et de magnésium. Les


atomes plus lourds ont tendance à s’enfoncer sous l’eet de la pesanteur,
alors que les atomes plus légers ont tendance à remonter. En surface, on
trouvera donc davantage de l’hydrogène, de l’hélium et du carbone - tandis
que le coeur de notre planète est constitué de fer.


La liaison chimique et les molécules

La concentration d’atomes que vous êtes - sauf votre respect - en vient


à se demander comment ces atomes sont alors capables de s’organiser pour
faire des structures qui tiennent à peu près debout, comme vous par exemple.
Encore qu’avec le bercement des vagues, la vue sublime, vous n’avez pas
vraiment envie de vous tenir debout, là, maintenant, tout de suite...
Tout se passe dans les atomes comme si les électrons avaient des places
bien dénies autour du noyau. C’est un peu comme une salle de spectacle.
Il y en a qui sont bien au chaud près du noyau. Ils sont très diciles à
déloger parce qu’ils sont fortement attiré par le noyau. Et il y a ceux qui
sont loin du noyau, les électrons extérieurs. Comme au spectacle, ce sont
ceux qui “voient” moins bien le noyau, qui sont moins attirés par lui, et
qui sont donc plus faciles à arracher.
Lorsqu’un autre atome approche, ce sont ces électrons extérieurs qui
vont le plus sentir sa présence. Et parfois, un électron extérieur peut
nalement trouver une nouvelle place qui lui permette d’être proche des
deux noyaux à la fois. Ce qui se passe plus précisément, c’est que les deux
atomes mettent chacun un électron dans cet état proche des deux noyaux
à la fois. C’est une sorte de “pot commun électronique”. Cette place est
plus confortable pour les électrons extérieurs parce que ça leur permet
d’être plus proches des noyaux. Si maintenant vous voulez écarter les deux
noyaux l’un de l’autre, il va falloir éloigner les électrons des noyaux et
donc travailler un peu pour ça, fournir de l’énergie. Cela signie que les
deux atomes sont maintenant collés : si vous n’êtes pas capable de fournir
assez d’énergie, vous ne serez pas capable de séparer les deux atomes à
cause de leur “pot commun électronique”. Comme ce nom n’est pas très
pratique, c’est ce qu’on appelle en général une liaison chimique, ou une
liaison covalente.
150 7. S  ’

F 7.2 – Ceci n’est pas une cacahuète. Les noyaux d’hydrogène ne res-
tent jamais seuls dans la nature. Parce que si deux atomes d’hydrogène se
rencontrent, ils forment aussitôt une molécule à deux atomes. Les noyaux se
repoussent parce qu’ils sont positifs, donc ils ne peuvent pas trop s’approcher.
Mais si les deux noyaux sont assez proches, les électrons peuvent se mettre
autour des deux à la fois, formant une liaison chimique.

Parce que pour établir une liaison, il faut avoir un électron à mettre en
commun avec un autre atome, les atomes ne peuvent pas établir plus de
liaisons qu’ils n’ont d’électrons. Un atome d’hydrogène (un seul proton
dans le noyau, donc un seul électron) ne peut établir qu’une seule liaison,
par exemple. Mais tous les électrons ne sont pas disponibles pour établir
une liaison. Il faut d’abord que l’électron soit susamment éloigné de son
noyau : ce sont les électrons les plus à l’extérieur qui peuvent participer
aux liaisons et encore, il faut qu’ils soient “célibataires” 1 . En pratique, les
atomes n’établissent que de 1 à 4 liaisons 2 . L’oxygène peut en établir deux,
et le carbone ou le silicium peuvent chacun en établir quatre !
Lorsqu’on regarde le nombre de liaisons chimiques qu’un atome est
capable d’établir en fonction du nombre de protons du noyau, on s’aperçoit
que cette propriété est périodique. Le carbone (6 protons) peut établir
quatre liaisons, comme le silicium (14 protons, 8 protons de plus que le
carbone). L’azote (7 protons) peut établir trois liaisons, comme le phosphore
(15 protons, 8 protons de plus que l’azote). L’oxygène (8 protons) peut
établir deux liaisons, tout comme le soufre (16 protons, 8 protons de plus
que l’oxygène). La période, ici, est de 8 : tous les 8 protons supplémentaires,
1. Les électrons ont tendance à former des paires, un peu comme les pies. Une fois
qu’une paire est formée, les électrons n’ont plus vraiment intérêt à participer à des liaisons
chimiques : si un des deux électrons pourrait y trouver un avantage en occupant une
meilleure place, l’autre aurait forcément dans ce cas une place moins bonne, plus éloignée
des deux noyaux, et il n’y aurait plus d’avantage global à coller les deux atomes.
2. Plus, c’est possible pour certains atomes, mais ce n’est pas très commun.
L      151

on retrouve les mêmes propriétés chimiques. En classant les éléments en


périodes, on peut classer les atomes dans une sorte de grand tableau : c’est
la classication périodique des éléments.
Les atomes forment donc des ensembles d’atomes, liés entre eux par
des liaisons covalentes. Un tel ensemble est appelé molécule. On peut se
représenter les molécules comme une sorte de circuit. À chaque intersec-
tion, on trouve un atome. Entre deux atomes on peut trouver des liaisons
simples, ou parfois même doubles, voire triples (dans ce cas, le pot com-
mun contient quatre ou six électrons). L’hydrogène, dans une molécule,
est forcément une impasse, parce qu’il ne peut établir qu’une seule liaison.
L’oxygène est plus intéressant, parce qu’il peut établir deux liaisons. Mais
c’est quand même limité, ça fait des longues chaînes au mieux. Souvent, on
trouve l’oxygène sous forme d’eau (lié à deux atomes d’hydrogène, c’est
donc de l’oxyde de dihydrogène) ou sous forme de dioxygène (deux atomes
d’oxygène liés par une liaison double).
Pour qu’une molécule soit vraiment complexe, il faut qu’elle puisse être
ramiée, et il faut donc que les atomes qui la composent puissent établir
plus de deux liaisons. Trois liaisons, c’est plutôt pas mal, mais quatre c’est
encore mieux. Or il y a deux atomes très communs dans notre environne-
ment qui peuvent établir quatre liaisons : le carbone, le quatrième atome
le plus abondant dans l’univers, et le silicium, troisième plus abondant
sur terre. Mais il se trouve que le silicium est très dicile à détacher de
l’oxygène. Il se lie en général à des atomes d’oxygène, pour donner la silice :
le quartz, le verre, le sable. Le carbone se lie très facilement à l’oxygène
pour donner du dioxyde de carbone, mais il est plus facile à détacher de
l’oxygène.

F 7.3 – Une molécule d’acide escargoïque, inventée pour l’occasion. En


tous les cas, c’est un acide, ça c’est sûr. Comme quoi, avec un squelette de
carbone, on peut faire des molécule compliquées !
152 7. S  ’

Les êtres vivants, notamment, ont petit à petit pompé le dioxyde de


carbone de l’atmosphère pour relâcher l’oxygène et utiliser le carbone
pour créer des molécules organiques. C’est ainsi que le carbone constitue
l’armature, le squelette des molécules qui font la structure des êtres vivants :
les protéines. Le reste est essentiellement de l’eau : nous sommes surtout
de gros sacs d’eau de mer (de l’ordre de 70% de notre poids est de l’eau
salée), et si nous ne nous répandons pas par terre tout simplement, c’est
parce que cette eau est contenue par des molécules avec un squelette de
carbone ! Et pour terminer, nous sommes essentiellement constitués des
atomes les plus banals qui soient. Dans l’univers, ce sont les plus courants :
hydrogène, carbone, oxygène et azote pour l’essentiel. Il y a fort à parier
que les extra-terrestres soient composés des mêmes genres de molécules...


Chiralité

Un sac d’eau, ottant au milieu de l’eau... quelle sensation agréable,


nalement. Qu’il est bon d’être un sac d’eau dans la baie de Chateaubriand !
Rien qu’en bougeant un peu vos mains, vous pouvez vous mettre à avancer, à
tourner. Quand on y pense, c’est drôle, une main. Mais il y a mieux : deux
mains. Elles sont si semblables - et pourtant, il y a une main gauche et une
main droite et on ne peut pas les confondre. Les mêmes... ou presque !
Depuis très longtemps, depuis que vous avez commencé à mettre des
gants, vous savez que votre main droite et votre main gauche ne sont
pas identiques. Avez vous remarqué que quand vous vous regardez dans
la glace, l’image de votre main droite est en fait une main gauche (et
inversement) ? Votre main droite est l’image de votre main gauche dans
un miroir, mais elles sont diérentes. On dit que votre main est chirale 1 .
Une boule ou un cube ne sont pas chiraux, par contre, parce qu’ils sont
symétriques. Si on ne fait pas trop attention aux détails (comme la place
du coeur ou les grains de beauté) on peut penser que nous ne sommes pas
chiraux : votre image dans un miroir, c’est à peu près vous - à condition que
vous soyez symétrique et qu’il ne vous manque pas un bras, par exemple.
Les cochons sont chiraux, à cause de leur queue. L’image d’une hélice
dans un miroir est une hélice qui tourne dans l’autre sens. Il y a en pratique
50% de cochons d’un type et 50% de cochons de l’autre (et ce n’est pas
génétique). Les escargots aussi sont chiraux : en général leur coquille
s’enroule dans le sens des aiguille d’une montre. Ce sont les escargots
1. Prononcer comme “qui râle”.
C 153

dits “droits”. Mais on estime qu’un escargot de Bourgogne sur 20 000 a sa


coquille qui s’enroule dans l’autre sens ! C’est alors un escargot “gauche”,
et c’est encore plus rare qu’un trèe à quatre feuilles 1 .
Les molécules sont très rarement symétriques, elles sont donc en géné-
ral chirales. Chaque molécule existe ainsi en deux versions : une version
qu’on appellera “droite” et une qu’on appellera “gauche” de façon purement
conventionnelle.

F 7.4 – Les deux escargots sont très semblables, mais aussi fondamen-
talement diérents. Celui de droite a sa coquille qui s’enroule dans le sens
des aiguilles d’une montre, celui de gauche a la coquille qui s’enroule dans
l’autre sens. Vous pouvez les retourner comme vous voulez, vous ne pourrez
pas les superposer. C’est pareil avec les molécules de sucre ! Celle de gauche
est du glucose “droit” (je sais...), celle de droite est du glucose “gauche” (c’est
une technique pédagogique).

Les protéines qui nous composent sont des enchaînement d’acides


aminés. Chaque acide aminé est justement une molécule chirale. Elle
existe en deux versions. Mais il se trouve que tous les êtres vivants ont
décidé de n’utiliser qu’une seule des deux versions. C’est cette version
qu’on appelle “droite”. Si vous mangez un acide aminé “gauche”, votre
organisme sera incapable d’en faire quoi que ce soit. Tout est prévu pour
l’autre type. Et c’est pareil pour le sucre : nous ne pouvons digérer que
1. 1 trèe à quatre feuilles pour 10 000 trèes à trois feuilles. Et ce n’est pas qu’un
trèe à quatre feuilles porte chance, c’est surtout qu’il faut de la chance pour trouver un
trèe à quatre feuille...
154 7. S  ’

la version droite 1, pas l’autre. Ceci dit, les plantes ne produisent que du
sucre droit, pas besoin de s’en faire...
Finalement, la personne que vous avez en face de vous tous les matins
dans la glace, elle est très diérente de vous : toutes ses molécules sont
du type gauche, si on y rééchit bien. Ainsi, si comme Alice vous pouviez
passer de l’autre côté du miroir, le monde vous paraîtrait normal, mais rien
n’aurait de goût ou d’odeur habituelle, et vous seriez incapable de digérer
correctement ce que vous mangeriez 2 !


Réactions chimiques

L’eau est un peu plus fraîche, maintenant que vous y faites attention.
Mais c’est encore très supportable, et de toutes façons, une fois hors de l’eau,
vous aurez l’occasion de vous réchauer près d’un feu...
Parfois, quand deux molécules s’approchent, les électrons extérieurs
d’un des atomes de la première molécule commencent à sentir la proximité
d’un atome de l’autre molécule... une nouvelle liaison peut même se créer
entre deux atomes qui viennent de se rencontrer. En général, cela se fait
en brisant une liaison qui existait déjà. À la n de l’opération, on a souvent
deux molécules diérentes de celles qu’on avait au départ. Parfois, c’est
simplement un électron qui passe d’un atome à un autre parce qu’il s’y
trouve mieux. Parfois un noyau d’hydrogène part se balader en laissant
éventuellement un électron sur place. Parfois les molécules se piquent des
atomes ou des paquets d’atomes, se lient tout simplement...
Tous ces types d’évènement sont ce qu’on appelle des réaction chi-
miques. Bien souvent les réactions chimiques libèrent de l’énergie : c’est le
cas du feu devant lequel vous comptez bientôt vous réchauer. Mais des
fois c’est le contraire : une plante utilise l’énergie solaire pour forcer des
réactions à se produire et fabriquer des molécules organiques. C’est la pho-
tosynthèse et ça consomme de l’énergie. À l’intérieur de notre corps, nous
brûlons doucement les molécules organiques que nous avons avalées pour
libérer leur énergie et l’utiliser pour fabriquer des molécules utiles, nous
1. La dextrose ! Qu’on appelle “droite” juste parce que c’est la bonne, celle qu’on digère
eectivement.
2. On trouve des acides aminés absolument partout, y compris dans des météorites.
Il y a donc fort à parier que si des extra-terrestres débarquent un jour, ils seront fait
des mêmes acides aminés... ou presque. Si ça se trouve, les êtres vivants auront choisi la
version “gauche” des acides aminés. Une chance sur deux pour que les extra-terrestres ne
puissent pas nous manger, après tout !
R  155

réchauer ou simplement bouger. La science qui s’occupe des réactions


chimiques est la chimie - et c’est tout un art que d’arriver à fabriquer les
molécules que l’on veut sans jamais les voir vraiment !
Quand un atome de chlore, qui supporterait tout à fait un électron de
plus parce qu’il lui reste une place près du noyau, rencontre un atome de
sodium, qui aimerait bien se débarasser de son unique électron externe
(et donc peu accroché) on a une réaction chimique violente : l’électron du
sodium est arraché par le chlore. Le chlore, avec un électron de trop, est
négatif : c’est un ion chlorure. Le sodium est maintenant positif (il a un
proton de plus qu’il n’a d’électrons). Cette réaction dite d’oxydo-réduction
forme du chlorure de sodium : du sel ! Si on voulait, on pourrait faire
que cet échange d’électron se fasse à travers des ls métalliques plutôt
que directement entre atomes. Il faudrait mettre le sodium et le chlore
dans deux compartiments reliés par un l conducteur. Le sodium pourrait
donner un électron au l pendant qu’à l’autre bout, le chlore arracherait
un électron au l lui-même. Au passage (c’est le cas de le dire) on forcerait
ainsi les électrons du l à circuler : on créerait un courant électrique dans
le l ! C’est exactement le principe de fonctionnement d’une pile électrique
ou d’une batterie : on prend deux substances qui ont tendance à s’échanger
des électrons, et on les force à le faire à travers un l. Sur ce l, on peut
imaginer mettre un petit moteur ou une lampe.
Les atomes d’oxygène adorent se combiner avec l’hydrogène pour
donner de l’eau et avec le carbone pour donner du dioxyde de carbone.
Donc les molécules organiques en général, essentiellement constituées
de carbone et d’hydrogène, réagissent facilement avec l’oxygène de l’air.
Une grande quantité d’énergie est alors libérée : c’est ce qui se passe
quand quelque chose brûle, entre autres. Le feu est le signe visible qu’une
réaction chimique libère beaucoup d’énergie. C’est aussi une réaction
d’oxydo-réduction et cette fois c’est en réalité l’oxygène qui se débrouille
pour piquer des électrons au carbone et à l’hydrogène. Ociellement, ils
ont mis leurs électrons en commun, mais en fait l’oxygène les a presque
tous pris pour lui tout seul. C’est d’ailleurs pour ça que l’eau fait des liaisons
hydrogène et se comporte comme un dipôle électrique.
La combustion ne démarre pas spontanément, elle doit être amorcée :
il ne sut pas que les molécules organiques soient en contact avec l’oxy-
gène, il faut en plus que les molécules se cognent violemment. Il faut donc
une température élevée. Quand vous frottez une allumette, le frottement
chaue très fort le bout de l’allumette et enclenche une réaction de com-
bustion. Cette réaction dégage beaucoup de chaleur, ce qui fait qu’elle peut
156 7. S  ’

déclencher le même type de réaction un peu plus loin : la réaction/le feu


se propage à toute l’allumette de proche en proche.
Il y a en gros deux façons d’arrêter un feu. Soit on le refroidit su-
samment pour que la réaction chimique arrête de se propager - c’est pour
cela que jeter de l’eau sur un feu peut permettre de l’éteindre 1 , parce que
l’eau absorbe très très bien la chaleur et qu’elle ne brûle pas. Soit on prive
tout simplement le feu d’oxygène - beaucoup d’extincteurs contiennent
de la neige carbonique, c’est-à-dire une mousse de dioxyde de carbone.
Le dioxyde de carbone ne peut pas brûler, c’est du carbone déjà brûlé,
quelque part, et il va empêcher l’oxygène d’arriver jusqu’au feu qui nit
par s’éteindre.
Enn, les molécules dont un atome d’hydrogène ne tient pas bien fort
sont appelées des acides. En général ce n’est pas un atome d’hydrogène
complet (un proton et un électron) qui risque de partir, mais seulement le
proton. Un atome d’hydrogène qui part d’une molécule sans son électron,
c’est juste un proton baladeur, très mobile. Un exemple d’acide très connu,
c’est celui constitué d’un atome d’hydrogène et d’un atome de chlore. Le
chlore ne rêve que de se barrer avec l’électron de l’hydrogène et de se
débarrasser du proton. C’est l’acide chlorhydrique, un acide très puissant.
Le proton qui s’en va s’accroche en général à des molécules prêtes à
accepter un proton et qu’on appelle des bases. La soude est une base très
puissante.
Quand on mélange un acide et une base c’est souvent spectaculaire :
vous pouvez mettre du vinaigre sur du bicarbonate de soude, ça fait énor-
mément de mousse. C’est le fameux volcan des projets de science des
écoliers américains...


La matière dans tous ses états

Une plage est un endroit un peu magique où se rejoignent l’océan, la terre


représentée par ces petits cristaux de quartz (oui, du sable) et l’air. En plus,
des fois, on y fait du feu. L’air, la terre, l’eau et le feu réunis, somme toute -
c’est peut-être pour ça qu’on est bien à la plage...

1. À condition que ce qui brûle ne otte pas trop ! L’essence par exemple otte sur
l’eau. Si vous mettez de l’eau sur de l’essence qui brûle, elle va surnager et brûler tout en
restant à la surface de l’eau. C’est raté, c’est même hyper dangereux, il faut essayer une
autre solution.
L      157

Les atomes, les ions 1 et les molécules ont tendance à s’attirer entre
eux, les atomes se lient même parfois par des liaisons chimiques. Lorsque
la température est susamment basse ou la pression susamment forte
ces atomes forment alors des solides : les atomes de fer se lient entre eux
en mettant tous leurs électrons extérieurs en commun, dans une sorte
d’immense liaison chimique, les atomes de carbone se lient entre eux par
des liaisons plus classiques pour donner (parfois) du diamant, les ions
sodium et chlorure s’assemblent parce qu’ils ont des charges opposées
pour donner un cristal de sel, enn les molécules de sucre (ou d’eau) se
collent entre elles pour donner un cristal de sucre (ou de la glace). Un
solide, parce que les atomes ou les molécules qui le composent n’ont pas
la possibilité de changer de place, n’est pas facile à déformer. Bref, il est
solide.
Pour faire fondre un solide, il sut de le chauer susamment. C’est
un peu comme le babyfoot : si le ballon ne rentre pas, c’est qu’on a pas
tapé assez fort. Ben si un solide ne fond pas, c’est qu’on ne l’a pas chaué
assez fort. Quand on chaue un solide, on fait s’agiter ses constituants - et
si on chaue susamment, ils s’agitent susamment pour casser les liens
qui les retiennent à leurs voisins. La glace ou le sucre fondent facilement
car les molécules qui les composent sont juste légèrement collées. Le sel
fond facilement aussi, mais nettement moins en l’absence d’eau (il faut
atteindre 800 ◦C). Enn, il faut atteindre des températures très élevées
pour faire fondre un métal et c’est encore plus élevé pour le diamant.
Dans un liquide comme l’eau, les molécules ne sont pas liées toujours
aux mêmes voisines. C’est parce que les molécules peuvent changer de
voisines facilement qu’un liquide est un uide, mais c’est parce que les
molécules sont quand même collées les unes aux autres qu’on ne peut pas
beaucoup compresser un liquide.
Si on chaue susamment un liquide, on le transforme en gaz. On
casse les dernières liaisons entre molécules qui deviennent complètement
indépendantes les unes des autres : c’est un gaz. Le gaz est un uide égale-
ment - il est déformable sans limite. Il est constitué de molécules éparpillées
et qui n’interagissent que rarement (quand elles se cognent entre elles).
Une conséquence intéressante est que tous les gaz se comportent prati-
quement de la même manière : la nature des molécules importe assez peu,
puisqu’elles sont isolées les unes des autres.

1. Les atomes qui ont égaré un électron ou qui en ont chopé un qui traînait...
158 7. S  ’


La chaleur latente

La température de l’eau est délicieuse en cette saison. Un frisson vous


parcourt cependant au moment où la brise se lève et vient caresser les rares
parties émergées de votre corps - alors que l’air est chaud. Vous êtes une
victime de plus de la chaleur latente d’évaporation de l’eau.
Vous le savez pour avoir lu le chapitre sur les uides : les molécules
d’eau s’attirent fortement entre elles. Pour les faire s’évaporer, il faut leur
fournir de la chaleur. Parce que les molécules s’agitent, de temps en temps
l’une d’entre elles est éjectée hors du liquide. Elle a été éjectée par les autres
molécules parce qu’elles lui ont cogné dedans. Maintenant les molécules
qui restent dans le liquide bougent donc nettement moins : la molécule
qui est partie leur a pris une partie importante de leur énergie, donc de
leur agitation. Autrement dit, quand un liquide s’évapore il prend de la
chaleur partout autour de lui. Songez que pour évaporer 1 gramme d’eau,
il faut prendre un degré à 500 g d’eau.
L’évaporation refroidit donc très ecacement et c’est ainsi que la
sueur refroidit votre organisme. Un ventilateur ne produit pas de froid : en
envoyant de l’air, il évacue les molécules d’eau qui viennent de s’évaporer,
en les empêchant de se redéposer. Il accélère ainsi l’évaporation, donc
il vous rafraîchit indirectement. Inversement, si vous voulez réchauer
de l’eau ecacement 1 , il faut empêcher cette évaporation parce qu’elle
refroidit le liquide qui reste : il faut donc mettre un couvercle sur votre
casserole. L’eau chauera beaucoup, beaucoup plus vite et vous éviterez
une dépense inutile d’énergie.
Évidemment, suer peut vous refroidir à condition que lorsqu’une molé-
cule d’eau est éjectée du liquide, une autre ne vienne pas la remplacer. Si les
molécules d’eau sont en quantité trop importante dans l’air ambiant, l’eau
va moins bien s’évaporer parce qu’elle aura tendance à capturer des molé-
cules d’eau dans l’air. Plus l’atmosphère est humide moins la transpiration
est donc ecace 2 .
Il faut mentionner ici que c’est le principe sur lequel reposent les
pompes à chaleur - comme celle qui fait fonctionner votre réfrigérateur.

1. Papa, c’est quand qu’elles sont prêtes, les pâtes ?


2. On dit communément que l’air est “lourd”, ce qui n’est pas très exact parce qu’une
molécule d’eau est plus légère qu’une molécule de dioxygène ou de diazote. Donc quand
il y a beaucoup d’eau dans l’air, l’air est en fait plus léger à pression identique. Il faudrait
dire “Oulà, ce que l’air est léger, ça va tourner à l’orage” !
L L 159

Une pompe à chaleur crée une diérence de température entre deux en-
droits en utilisant le même principe que la sueur. Un même uide, dit
caloporteur, circule entre l’endroit qu’on veut refroidir et l’endroit qu’on
veut réchauer (parce qu’on ne peut pas faire l’un sans l’autre). À l’endroit
qu’on veut refroidir, on le force à s’évaporer, en diminuant la pression par
exemple. Pour se vaporiser il prend de la chaleur à son environnement.
Il faut ensuite évacuer la chaleur. On transporte le uide à l’arrière du
réfrigérateur, et on le comprime grâce à un compresseur (le truc qui fait du
bruit). En se condensant, en redevenant liquide, le uide libère la chaleur 1
dans le radiateur.
Globalement, ouvrir votre réfrigérateur ne pourra jamais refroidir votre
maison : la chaleur dégagée par le radiateur à l’arrière du frigo est toujours
supérieure à celle pompée à l’intérieur. Un réfrigérateur ouvert se comporte
en fait comme un chauage. Pour pouvoir refroidir votre intérieur il faut
que le radiateur qui évacue la chaleur se trouve à l’extérieur de votre
habitation : c’est le principe des climatiseurs air-air (il prend de la chaleur
à l’air intérieur pour la donner à l’air extérieur).


La Lune

De nouveau, la Lune attire votre regard. Elle n’est ce soir qu’un n crois-
sant suspendu dans le ciel - et la partie de la Lune qui n’est pas éclairée vous
apparaît toujours grisâtre pourtant, ce qui fait que vous arrivez à distinguer
la Lune dans toute sa rondeur !
La Lune est le satellite naturel de la Terre. Elle vient très probablement
de la Terre. Ce n’est pas qu’un jour les cailloux se soient mis à s’envoler
- mais presque. Un jour, la Terre est sans doute entrée en collision avec
une autre planète en formation. La collision a dû être quelque chose de
titanesque - deux planètes qui se rentrent dedans, imaginez! Une partie
de la Terre a été projetée dans l’espace - et tous ces morceaux se sont
alors réunis pour donner la Lune. C’est pour l’instant la seule façon d’ex-
pliquer pourquoi la terre a un satellite si gros pour sa taille, pourquoi le
système terre-lune “tourne” si vite, et pourquoi la Terre et la Lune ont une
composition si semblable.

1. On parle de chaleur latente parce qu’elle attendait d’être libérée, justement. Remar-
quez, moi aussi la chaleur me tente, souvent.
160 7. S  ’

À ses débuts, la Lune était plus proche de la terre et elle tournait sans
doute sur elle même. De nos jours, la lune est plus éloignée de la Terre,
elle en fait le tour en 28 jours et elle nous montre toujours la même face.
Depuis que l’Homme a fait le tour de la Lune, on sait que la face cachée
est criblée de cratères 1.

Quand vous regardez la Lune dans le ciel, vous ne voyez en fait que la
partie éclairée de la face que la Lune nous montre. Lorsque la lune est à
l’opposé du soleil par rapport à la Terre, la face qu’elle nous montre est
forcément toute entière éclairée par le Soleil : c’est la pleine Lune. Comme
la Lune et le Soleil sont à l’opposé l’un de l’autre, vous ne pouvez pas
vraiment voir les deux en même temps : la Lune se lève au moment ou
le Soleil se couche. Dit autrement, vous commencez à voir la Lune quand
vous passez du bon côté de la Terre, celui qui n’est pas éclairé.

Quand, à l’inverse, la Lune est exactement entre la Terre et le Soleil,


c’est la face cachée qui est éclairée. La face visible de la Lune n’est pas du
tout éclairée - et en plus, on ne la verrait que de jour. C’est la “nouvelle
Lune”.

Quand un mince croissant de Lune est visible, c’est que la Lune est
toujours plutôt entre la Terre et le Soleil. Dans ce cas, la Lune est visible
pendant le jour (mais elle n’est pas facile à trouver) et elle se couche (ou se
lève) juste après (ou juste avant) le soleil. Bref, vous ne pouvez la voir qu’en
début ou en n de nuit. Même si vous êtes dans ce cas du côté non éclairé
de la Terre (puisque c’est la nuit), le Soleil continue d’éclairer l’autre partie
de la Terre, celle où il fait jour. La Terre renvoie une partie importante de
la lumière du Soleil - et cette lumière éclaire forcément la Lune, puisque
celle-ci est du côté éclairé de la Terre ! Du coup, la partie de la lune qui
n’est pas éclairée par le soleil est en fait légèrement éclairée par la terre.
C’est pour ça qu’on peut la distinguer et qu’elle apparaît grisâtre : elle est
éclairée par un clair de Terre 2 !

1. C’est parce qu’à une époque, la face que nous voyons était plus souvent en éruption,
ce qui a gommé les impacts. Ceux de l’autre face sont restés.
2. Ne tortillez pas.
L L 161

F 7.5 – La Terre et l’orbite de la Lune, montrant les parties éclairées ou


sombres. Sur l’extérieur, la Lune telle qu’on la voit depuis la Terre si on est
situé au pôle Nord, en gros. Quand la lune est très ne, elle se couche tôt où
se lève tard puisqu’elle est plutôt du côté du Soleil. Mais elle est aussi éclairée
par le clair de Terre...

La prochaine fois que vous regarderez la lune, essayez de vous dire


qu’elle vous indique la direction du soleil et que cela vous donne une idée
de où vous êtes exactement sur la Terre - et dans quel sens. L’orbite de
la Lune autour de la Terre est contenue presque dans le même plan que
l’orbite de la Terre autour du Soleil (l’écliptique). Imaginons que la Lune
soit sur le côté de la Terre – de telle sorte que vous voyez la face visible de la
Lune éclairée à moitié. La limite entre la partie éclairée et la partie sombre
est une ligne toute droite. Si vous regardez la lune depuis le pôle Nord, cette
ligne vous apparaîtra plutôt verticale parce que la verticale est à peu près
alignée avec l’axe de rotation de la Terre. Mais si vous êtes sur l’équateur, la
ligne va vous apparaître horizontale ! Dans l’hémisphère Nord, pour savoir
si la Lune est croissante ou décroissante, on a un moyen mnémotechnique :
si elle ressemble à un “C” elle est Décroissante, si elle ressemble à un “D”
elle est Croissante. Cette règle est inversée dans l’hémisphère Sud et inutile
sur l’équateur !
162 7. S  ’

F 7.6 – Tout le monde ne voit pas la Lune orientée de la même façon !
Pour savoir comment chacun la voit, tournez votre livre de manière à mettre
le trait pointillé qui vous intéresse à la verticale.

De temps en temps, la Lune, la Terre et le Soleil sont presque parfaite-


ment alignés - dans cet ordre. Cela signie que la Lune (elle est forcément
pleine à ce moment là) peut se cacher dans l’ombre de la Terre. Cette ombre
est susamment grande pour la contenir complètement. Pour autant, la
Lune ne disparaît pas complètement : à cause de l’atmosphère, une partie
de la lumière du soleil est déviée vers la Lune. Seulement, cette lumière
est rouge parce que les autres couleurs sont diusées par l’atmosphère.
La Lune apparaît alors rouge sombre, c’est la “Lune rousse” - on peut
même dire que nalement, c’est parce qu’elle est alors éclairée par tous
les couchers de Soleil de la Terre en même temps. Une éclipse de Lune
ne se produit pas à chaque pleine Lune parce que la Lune ne tourne pas
exactement dans le plan de l’écliptique : la plupart du temps, elle passe un
peu en dessous ou un peu au-dessus de l’ombre de la Terre. Mais tous les
ans, il se produit plusieurs éclipses quand même !
Parfois, la Lune se trouve exactement entre la Terre et le Soleil. Mais la
Lune étant bien plus petite que la Terre, la Terre n’est pas plongée dans
le noir : seule une toute petite partie de la surface de la Terre pourra voir
l’éclipse de Soleil (le Soleil qui disparaît complètement derrière la Lune).
Pour les autres, la Lune passera un peu au-dessus ou un peu en dessous du
Soleil. Non seulement une éclipse de Soleil est un événement spectaculaire,
mais c’est donc aussi un événement plus “rare” : à la diérence d’une
éclipse de Lune, tout le monde ne peut pas en proter !
S 163

F 7.7 – Quand la Lune passe dans le plan de l’écliptique qui contient la
Terre et le Soleil à la pleine Lune on a une éclipse de Lune que tous les gens
pour qui c’est la nuit peuvent voir (à gauche). Quand la Lune passe entre le
Soleil et la Terre, pour les chanceux qui sont dans l’ombre de la Terre, le Soleil
n’est plus visible. C’est l’éclipse de Soleil.


Saisons

Finalement, vous avez de la chance d’être en été dans l’hémisphère Sud.


Vous êtes sûrement né(e) sous une bonne étoile !
La Terre tourne autour du soleil en décrivant un cercle presque parfait,
donc elle est presque toujours à la même distance du Soleil. Cette orbite
quasi circulaire est contenue dans un plan qui passe par le centre du
soleil : c’est le plan de l’écliptique. L’axe de rotation de la Terre n’est pas
exactement perpendiculaire à ce plan. Ainsi, suivant la position de la Terre
sur son orbite, la durée du jour n’est pas la même en tous les endroits de
la Terre : quand les jours sont plus longs que les nuits dans l’hémisphère
Nord, c’est le contraire dans l’hémisphère Sud. C’est ce qui explique les
saisons. Une équinoxe se produit quand le plan qui sépare le jour de la nuit
contient l’axe de rotation de la Terre : autour d’une équinoxe, les jours et
les nuits ont sensiblement la même durée.
164 7. S  ’

F 7.8 – Le trait en pointillés représente la trajectoire journalière de


quelqu’un qui habiterait en France. On voit bien que quand le pôle Nord est
au plus loin du Soleil, sur cette trajectoire il y a beaucoup de nuit, peu de jour.
Mais dans l’hémisphère Sud, c’est l’été. Une équinoxe est représentée, en haut
sur l’orbite de la Terre. Ce jour là, tout le monde sur Terre a autant de jour
que de nuit.

À vrai dire, il n’y a pas que la durée du jour qui compte, même si moins
vous voyez le soleil, moins il vous réchaue. Il y a aussi l’inclinaison du
sol par rapport au Soleil. L’endroit de la Terre qui est au plus près du
Soleil est un endroit qui lui fait exactement face. Tous les rayons arrivent
perpendiculairement à la surface. C’est là qu’un carré d’un mètre de côté
reçoit le maximum de lumière du Soleil. Si on considère le même carré,
mais penché par rapport au Soleil de 45◦ , il reçoit 1,4 fois moins de Soleil
parce qu’il est penché. En hiver, non seulement la durée du jour est plus
courte, mais en plus, on est beaucoup plus penché par rapport au Soleil et
on reçoit moins d’énergie.

F 7.9 – Quand on penche une surface, on perd de la lumière du Soleil.


C’est pour ça qu’il fait plus froid très au nord, même en été.
S 165

La Terre tournant sur elle-même, il faut imaginer qu’elle se comporte


réellement comme une toupie sur le point de tomber. Son axe de rotation
tourne autour d’un axe perpendiculaire au plan de l’écliptique, de la même
manière que l’axe de rotation d’une toupie tourne lentement autour d’un
axe vertical. On dit que la Terre précesse. La conséquence majeure est que
les équinoxes ne se situent pas exactement tous les ans au même endroit
de l’orbite que l’année précédente. Ce phénomène s’appelle la précession
des équinoxes 1.
Il y a 3000 ans, lorsque l’astrologie a été inventée, on a vaguement
divisé en 12 l’année suivant la constellation que le soleil cachait. Le signe
astrologique d’une personne était déterminé par la constellation cachée
par le soleil au moment de sa naissance. La précession des équinoxes fait
que les saisons, sur lesquelles est calqué notre calendrier, se décalent par
rapport aux constellations. Si vous êtes né entre le 24 octobre et le 22
novembre, vous êtes du signe du Scorpion d’après l’astrologie moderne.
En pratique, quand vous êtes né, le soleil cachait presque à coup sûr la
constellation du Sagittaire...
Avec le temps, et à cause de l’inuence sur l’orbite de la Terre des
autres planètes qui tournent autour du Soleil (notamment de Jupiter et de
Saturne), l’orbite de la Terre se modie : elle est un peu moins circulaire,
notamment. En plus, l’axe de rotation de la Terre s’éloigne plus ou moins
de la perpendiculaire au plan de l’écliptique : l’axe de rotation est plus
ou moins penché, quoi. Tous ces changements en apparence minuscules
ont une inuence notable sur le climat. Ils expliquent en partie pourquoi
périodiquement la Terre connaît des glaciations : pendant quelques milliers
d’années, la température moyenne baisse de quelques degrés, et cela sut
pour couvrir de glace une grande partie des terres de l’hémisphère Nord.
Cela renvoie davantage la lumière du Soleil, et empêche la Terre de se
réchauer. Avec toute cette glace qui se forme, le niveau des mers baisse
d’une centaine de mètres environ, et on peut alors passer en Angleterre à
pied.
Il y a 10 000 ans environ, la Terre est sortie d’une glaciation et depuis,
elle connaît un climat relativement chaud et stable. On désigne cette pé-
riode (bénie) sous le nom d’holocène. C’est ce climat si favorable qui a
permis à la population humaine de coloniser tout le globe et de prospérer
au point de devenir aujourd’hui une force qui modèle la nature. La pro-
chaine glaciation a peu de chances de se produire bientôt : l’augmentation
1. Et en plus de faire savant et compliqué, je trouve ça joli, la “précession des equi-
noxes”.
166 7. S  ’

due à l’homme de la concentration de gaz à eets de serre (comme le


dioxyde de carbone) devrait plutôt produire un climat comme on n’en a
pas vu sur Terre depuis un bon paquet de millions d’années.


Le ciel nocturne

Le Soleil s’est couché il n’y a pas si longtemps - et les étoiles apparaissent,


et la Voie Lactée avec elles. C’est le moment de proter pleinement de ce
magnique panorama sur le système solaire, notre galaxie, et même l’univers
plus lointain, à peine visible.
Quand on regarde le ciel, de nuit, il paraît plat : il n’est pas possible de
dire à l’oeil nu quels sont les objets les plus proches et ceux qui sont les
plus lointains. Pourtant quand vous regardez le ciel, vous avez une vue
exceptionnelle sur un gros morceau d’univers. C’est à vous de recréer le
relief, de l’imaginer.
Commençons par la Lune. Comme elle est éclairée par le Soleil, sa
partie lumineuse vous indique dans quelle direction il est ! C’est parfait
pour commencer à imaginer un relief. Vous ne voyez pas le Soleil, mais
grâce à la Lune, vous savez où il est...
Ensuite, peut-être voyez vous aussi des “étoiles” nettement plus brillantes
que les autres. Ce sont à coup sûr des planètes. Sur les huit planètes que
compte le système solaire, seules cinq sont facilement visibles à l’oeil nu.
Ce sont Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne.
Deux de ces planètes sont assez furtives : Mercure et Vénus sont plus
proches du Soleil que la Terre. Donc quand il fait nuit, quand nous ne
sommes pas du côté éclairé de la Terre, nous avons assez peu de chance
de les voir. Elles ne sont visibles que le soir ou le matin, quand le soleil
vient de disparaître derrière l’horizon, ou va apparaître. Si le soleil vient
de disparaître, Vénus et Mercure le suivent forcément puisqu’elles sont
plus proches du soleil que nous. On voit très rarement Mercure (sauf
éventuellement pendant une éclipse de soleil !) mais très souvent Vénus :
c’est elle qu’on appelle l’étoile du Berger parce que justement, elle n’est
pas visible en pleine nuit...
Les autres planètes sont facilement visibles, surtout pour Jupiter et
Mars - à condition qu’elles soient du bon côté du soleil par rapport à nous
bien sûr ! Globalement, la Lune et toutes les planètes ont des orbites qu’on
peut confondre avec le plan de l’écliptique, celui qui contient l’orbite de
la Terre. En première approximation, tout ce petit monde se balade donc
L   167

dans le même plan. La partie éclairée de la Lune vous permet d’imaginer


où est le Soleil, et donc vous donne une idée de l’orientation du plan de
l’écliptique. Si vous imaginez ce plan (que vous voyez forcément de prol)
en partant de la Lune, vous savez à peu près où vous devez chercher les
planètes ! Il faut juste noter que parmi ce que vous croyez être des étoiles
se trouvent encore les deux dernières planètes du système solaire, mais si
lointaines qu’on ne les voit pas à l’oeil nu ou presque : Uranus et Neptune.

F 7.10 – Même si le Soleil est caché parce que c’est la nuit, en regardant
la face éclairée de la Lune, on devine dans quelle direction il est ! Les planètes
sont aussi éclairées par le Soleil. Vénus est sur une orbite intérieure, Mars est
souvent un peu rouge ou orange, ça permet de la reconnaître. Jupiter est plus
loin du Soleil. Mais toutes ces planètes tournent dans le même plan, donc elles
sont pratiquement alignées quand on regarde le ciel.

Maintenant, vous pouvez focaliser votre attention sur les étoiles, les
vraies. Comme le Soleil, ce sont des boules de gaz (essentiellement de
l’hydrogène) en fusion. Toutes celles que vous voyez sont bien plus loin
que les planètes : la plus proche des étoiles, Proxima du Centaure est située
à quatre années lumière – c’est-à-dire qu’il faudrait voyager quatre ans
à 300 000 kilomètres par seconde pour l’atteindre. Cela signie aussi que
nous voyons l’étoile telle qu’elle était il y a quatre ans.
En réalité, toutes les étoiles que nous voyons distinctement sont en fait
nos voisines de ce coin de l’Univers et appartient à notre galaxie. Elles ont
en général des planètes qui leur tournent autour - souvent des planètes
gazeuses, mais aussi des planètes telluriques.
Notre Soleil appartient à une galaxie spirale. C’est un groupe de plu-
sieurs centaines de milliards d’étoiles, une bonne grosse galaxie. Une
168 7. S  ’

galaxie est relativement aplatie, la majorité des étoiles se situent proches


du plan galactique. Quand c’est l’été dans l’hémisphère nord, on voit ainsi
très nettement une bande blanchâtre qui traverse le ciel : ce sont des mil-
liards d’étoiles, mais beaucoup plus éloignées que nos voisines si visibles.
Notre oeil ne perçoit donc qu’une luminosité diuse : c’est la Voie Lactée,
notre galaxie que nous ne voyons que par la tranche. Quand c’est l’hiver
dans l’hémisphère nord et qu’on regarde le ciel de nuit, on ne voit pas
aussi nettement cette bande blanchâtre parce qu’on ne regarde plus vers le
centre galactique mais vers l’extérieur de la galaxie. C’est signe que nous
sommes plutôt sur le bord de la galaxie. Notre Soleil est une petite étoile de
banlieue, nalement, qui met un peu plus de 200 millions d’années à faire
le tour de la galaxie - car de la même manière que les planètes tournent
autour du Soleil, toutes les étoiles de la Voie Lactée tournent autour du
centre galactique... Notre Soleil a 23 années galactiques. Il a fait 23 fois le
tour de la Galaxie.
La Voie Lactée n’est cependant pas la seule galaxie visible. Notre galaxie
appartient à un groupe de quelques galaxies, dont deux grandes : la Voie
Lactée et la galaxie d’Andromède. Évidemment, comme cette dernière
est plus lointaine (plusieurs millions d’années lumière), elle est beaucoup
moins visible - et on ne la voit d’ailleurs que depuis l’hémisphère nord. On
ne peut la voir à l’oeil nu que par des nuits sans Lune et on voit surtout son
centre, une sorte de nuage un peu lumineux... Cela dit, quand on utilise
un téléscope pour mieux la voir, on s’aperçoit que la galaxie d’Andromède
apparaît 6 fois plus grande que la Lune !


Des galaxies au Big Bang

Quand on est tout occupé par ces magniques points scintillants que sont
les étoiles, on en oublierait presque la beauté tout aussi surprenante de ce
noir si profond, un peu comme un écrin dans lequel toutes ces étoiles seraient
enchâssées...
Au-delà des étoiles de la Voie Lactée, on peut donc distinguer des
galaxies. Celles-ci s’organisent en groupes, puis en amas, en super amas de
plusieurs milliers de galaxies. Mais une chose est sûre : en moyenne, toutes
ces galaxies s’éloignent les unes des autres. On dit que l’univers est en
expansion. Les galaxies de notre groupe local ne s’éloignent pas de nous
- elles sont au contraire attirées par la Voie Lactée. Mais cette attraction
n’est pas susante pour retenir des galaxies plus lointaines.
D   B B 169

Un eet majeur de l’expansion de l’univers est que la lumière, lors-


qu’elle voyage, subit elle-même une distorsion : comme l’univers s’étend,
la longueur d’onde de la lumière augmente elle aussi. Les galaxies les
plus éloignées que nous puissions voir ont émis le rayonnement que nous
recevons il y a plusieurs milliards d’années (une bonne dizaine). Elles ont
l’air normales, sauf qu’elles sont beaucoup plus rouges que les galaxies
les plus proches. Pour les galaxies les plus proches, cet eet ressemble
beaucoup à de l’eet Doppler : un objet qui s’éloigne émet une lumière
de fréquence plus basse, donc de longueur d’onde plus grande, donc plus
rouge.
Mais si les galaxies s’éloignent les unes des autres, cela signie qu’il y
a très longtemps, elles étaient beaucoup plus proches les unes des autres.
L’univers a donc dû être beaucoup plus petit que maintenant, et beaucoup
plus dense, avec de la matière absolument partout. Les premiers temps de
l’univers ont donc dû ressembler à une sorte de fournaise absolue - que les
lois de la physique que nous connaissons sont partiellement capables de
décrire. L’univers a été extrêmement ramassé, chaud et dense, il y a 13,7
milliards d’années environ. À cette époque, il était en expansion violente :
l’univers de cette époque ressemblait un peu à une immense explosion. Par
ironie, un chercheur a appelé cette époque le “Big Bang” et l’expression
est restée...
Nous avons des preuves de ce passé. La plus évidente est sans doute
que le ciel est sombre entre les étoiles. Si des étoiles avaient existé de tout
temps et que l’univers n’était pas en expansion, nous devrions recevoir
leur lumière, aussi vieille soit-elle, provenant de toutes les directions. Mais
entre les étoiles que nous distinguons, le ciel est noir. C’est nalement le
signe que les étoiles n’ont pas toujours été là, ou bien que leur lumière
n’est plus visible.
Il y a surtout une preuve très convaincante de ce passé très chaud.
À l’époque l’univers n’était pas transparent : il était si dense que toute
lumière émise (et beaucoup de lumière était émise, parce que l’univers était
si chaud !) était absorbée un peu plus loin. Puis l’univers s’étendant, la ma-
tière est devenue moins dense et moins chaude, et la lumière a commencé à
se propager sans être arrêtée - environ 400 000 ans après le Big Bang. Cette
fameuse lumière des débuts de l’univers, due à la température qui régnait
alors, à une époque où il n’y avait pas encore d’étoiles, a été émise dans
toutes les directions par toutes les particules présentes à l’époque. C’est la
plus ancienne lumière qu’on puisse voir, parce qu’avant son émission, l’uni-
vers n’était pas transparent. Comme elle a été émise depuis partout, elle
170 7. S  ’

baigne encore complètement l’univers. Mais depuis le temps, sa longueur


d’onde a bien changé, et elle est passée de lumière visible à infra-rouge
puis à micro-onde. On l’appelle le rayonnement fossile ou le fond dius
cosmologique. Et si on regarde bien, il n’est pas parfaitement homogène : il
possède quelques grumeaux, pas très nets, mais ils sont là. Cela signie
qu’au moment où l’univers est devenu transparent, des amas de matière
commençaient déjà à se former. Ils ont donné ensuite les étoiles, qui se
sont réunies en galaxies très vite après ces débuts tonitruants.


Nucléosynthèse

Décidément, face à un tel spectacle, on se sent à la fois tout petit, mais aussi
très grand – ou peut-être juste à sa place, malgré les soucis de ottabilité...
Au commencement (disons peu après), l’univers a dû ressembler à
une soupe de particules élémentaires : des quarks notamment. Il y avait
probablement beaucoup de matière et aussi beaucoup d’anti-matière. Pour
chaque particule élémentaire, il existe une anti-particule avec la même
masse mais une charge opposée. Lorsque qu’une particule et son anti-
particule se rencontrent elles s’annihilent : elles disparaissent en émettant
beaucoup de lumière. On ne sait pas encore bien dire pourquoi, mais
il y avait un peu plus de matière que d’anti-matière et tout ne s’est pas
annihilé (ouf). L’univers a commencé à se refroidir et les quarks, qui étaient
tellement chauds (et donc agités) qu’ils ne pouvaient pas tenir en place,
ont commencé à se grouper pour former des protons et des neutrons,
qui se sont regroupés pour former les premiers noyaux. Les protons sont
beaucoup restés seuls, en formant donc des noyaux d’hydrogène. Une plus
petite proportion s’est groupée en noyaux d’hélium (deux protons, deux
neutrons), qui représentent quand même un gros quart de la masse des
noyaux au début. Et c’est presque tout.
Les premiers nuages de gaz se sont alors contractés et, sous la pres-
sion, les atomes d’hydrogène et d’hélium ont commencé à fusionner : les
noyaux atomiques se repoussent parce qu’ils sont chargés positivement,
mais si on les approche susamment l’interaction forte entre protons
et neutrons devient assez puissante pour que les noyaux fusionnent. Ils
donnent alors un noyau atomique plus lourd. Les noyaux d’hydrogène
fusionnent pour donner de l’hélium, les noyaux d’hélium fusionnent pour
donner du Béryllium, puis du carbone et de l’oxygène et ainsi de suite.
C’est la nucléosynthèse, la fabrication des noyaux atomiques. L’étoile pro-
R 171

cède méthodiquement, en fusionnant les éléments les uns après les autres
parce qu’il faut pour cela des températures de plus en plus élevées. C’est
un processus qui ne peut pas durer éternellement : chaque étape fournit de
moins en moins d’énergie, et une fois que l’étoile en arrive à former du fer,
sa vie est terminée. Le fer est un poison pour les étoiles parce qu’elles ne
peuvent pas le faire fusionner et en tirer de l’énergie. Même la formation
du fer va refroidir le coeur de l’étoile et accélérer sa n en une explosion
énorme : une supernova 1.
Lorsqu’une supernova se produit, c’est vraiment violent. Elle peut
être plus brillante, pendant quelques jours ou mois, qu’une galaxie toute
entière - au point qu’elle peut être visible en plein jour. Il se produit
quelques supernovas par siècles et on a trouvé dans le passé mention
de tels phénomènes. Ce qui est intéressant c’est que, dans la violence
du phénomène, les noyaux atomiques sont projetés les uns contre les
autres pour donner tous les éléments plus lourds que le fer (enn de
numéro atomique plus grand que 26 celui du fer, justement) qu’on trouve
aujourd’hui sur Terre - comme l’or, le plomb, mais aussi l’uranium ou le
thorium.
Ainsi, les atomes qui nous composent sont soit aussi vieux que l’univers
ou presque, comme les atomes d’hydrogène ou d’hélium, soit ont été forgés
au coeur des étoiles 2, comme le carbone et l’oxygène ou encore le fer, si
précieux pour transporter l’oxygène dans tout notre corps.


Radioactivité

Tous les noyaux atomiques ne sont pas aussi stables : tous ne peuvent
pas rester éternellement les mêmes, même si on les laisse tranquilles (si
on ne les met pas au coeur d’une étoile). Après un temps qui peut aller de
quelques instants à plusieurs milliards d’années, certains noyaux se brisent
en plusieurs morceaux spontanément, ou certains protons du noyau se
transforment en neutrons. Bref, le noyau atomique change de nombre de
protons, il ne s’agit plus du même élément. On dit qu’il y a eu désintégration.
1. Toutes les étoiles ne terminent pas en feu d’artice comme ça, beaucoup ne sont
pas assez grosses pour pouvoir fusionner l’oxygène et le carbone, par exemple. Elles
explosent bien un jour, mais moins fortement.
2. Il faut admettre que les atomes créés par fusion provoquée sur Terre sont une
exception. Une bombe H (qui fusionne le deutérium et le tritium, des atomes d’hydrogène
avec 1 ou 2 neutrons en plus du proton) est un des très rares phénomènes qui peuvent
fusionner des noyaux en dehors des étoiles.
172 7. S  ’

Comme cette désintégration s’accompagne d’une émission d’énergie sous


forme de particules, c’est une désintégration radioactive. Lors d’une telle
désintégration, le noyau relâche de l’énergie qui lui vient nalement de la
supernova qui l’a créé. C’est l’eet à retardement de la supernova.
Si vous observez des noyaux radioactifs, de temps en temps l’un d’entre
eux se désintègre - c’est une dynamique purement interne, ça ne peut pas
se contrôler vraiment. Chaque noyau atomique, caractérisé par un nombre
de protons et de neutrons bien précis, se désintègre à son rythme. Le
tritium (un proton, deux neutrons) se désintègre en une dizaine de jour :
si vous prenez un noyau donné, il a une chance sur deux de se désintégrer
dans les dix prochains jours. Si vous considérez un ensemble de noyaux,
dix jours plus tard il n’en reste donc que la moitié.
Trois noyaux sont relativement abondants et ont un temps de vie
particulièrement long : l’Uranium 238 (92 protons et 146 neutrons), le
Thorium 232 (90 protons et 142 neutrons) et le Potassium 40 (21 protons
et 19 neutrons). Ce sont les seuls issus de la supernova qui les a créés, à ne
pas s’être encore désintégrés. Les autres noyaux radioactifs initialement
présents ont presque tous disparu. Ce sont donc eux qui sont responsables
de presque toute la radioactivité naturelle actuelle. Ils sont notre réserve
d’énergie de supernova, qui nous sert à maintenir chaud l’intérieur de la
Terre et à maintenir le champ magnétique qui nous protège.
Mais quand ces trois types de noyaux se désintègrent, il créent d’autres
noyaux radioactifs, qui se désintègrent en en créant d’autres, etc. Ces
désintégrations créent notamment du radon 1 .
L’Uranium naturel est soit de l’Uranium 238 (majoritaire, contenant 92
protons et 146 neutrons) soit de l’Uranium 235 (moins de 1% de l’Uranium
et ne contenant que 143 neutrons). Quand l’Uranium 235 se désintègre, il
émet des neutrons qui peuvent eux-mêmes provoquer la désintégration
d’un autre noyau d’Uranium 235, qui eux mêmes, etc. C’est ce qu’on
appelle une réaction en chaîne : elle peut, si elle s’emballe, provoquer la
désintégration de l’Uranium 235 en une fraction de seconde et libérer une
énergie qui aurait été libérée en plusieurs centaines de millions d’années
sinon.

1. Le Radon est un gaz radioactif dangereux pour la santé. Il est lourd et se concentre
donc dans les caves qui ne sont pas aérées, particulièrement quand la cave est creusée
dans la roche (granitique ou volcanique) parce que, contrairement au calcaire, cette roche
contient des éléments radioactifs. Il faut absolument aérer sa cave ou son sous-sol dans
ces cas là.
C 14 173

C’est une explosion nucléaire du type de celle que produisent les


bombes A 1. Pour qu’elle puisse se produire, il faut que l’Uranium 235
soit très concentré, an que les neutrons produits lors d’une désintégra-
tion aient de grandes chances d’aller trouver un autre noyau du même
type 2 .
Si on prend de l’Uranium moins concentré, on peut contrôler la vitesse
de la réaction en chaîne. C’est exactement ce qu’on fait dans une centrale
nucléaire. On récupère plus doucement que dans une bombe l’énergie issue
de la désintégration de l’uranium. Elle est juste libérée plus rapidement que
dans la nature. Finalement, une centrale nucléaire accélère la libération de
l’énergie de la supernova qui a créé ces atomes. Les centrales nucléaires
fonctionnent donc à l’énergie de supernova !


Carbone 14

Le carbone 14 est du carbone radioactif. Il représente une toute petite


partie du carbone ambiant, mais lui n’est pas un “descendant” de l’uranium,
du thorium ou du potassium par désintégration. Il est créé dans la haute
atmosphère par les rayons cosmiques (des particules très énergétiques qui
viennent des étoiles ou des phénomènes les plus violents de l’univers). Et
c’est un carbone que les plantes respirent et incorporent à leur structure,
puis que nous mangeons et utilisons en partie pour notre structure à nous !
Comme les noyaux radioactifs donnent des noyaux qui ont les mêmes
propriétés chimiques que les noyaux stables, notre corps ne fait pas de
diérence 3 .
1. Les bombes H sont des bombes qui tirent leur énergie de la fusion nucléaire de
l’hydrogène. Pour les allumer, il faut une bombe A. C’est la seule façon d’obtenir une
pression et une température susantes pour que l’hydrogène, comme au coeur d’une
étoile, puisse fusionner.
2. Tout est donc une aaire de concentration. Et la seule façon de séparer l’uranium
235 de l’uranium 238, comme ils ont les mêmes propriétés chimiques, c’est de les séparer
grâce à des centrifugeuses : comme l’uranium 238 est le plus lourd, c’est lui qu’on trouve
à l’extérieur des centrifugeuses. C’est pour cette raison qu’on surveille étroitement en
général le nombre de centrifugeuses qu’un pays tente de se procurer...
3. Un autre exemple célèbre est celui de l’iode. Notre corps est friand d’iode, il en
a besoin. Tout l’iode qu’il absorbe est stocké dans notre thyroïde. En cas d’accident
nucléaire grave, il est courant que de l’iode radioactif soit rejeté. Le risque est dans ce
cas que l’iode soit ingéré et provoque au nal des cancers de la thyroïde, qui même s’ils
se soignent très bien, ne sont jamais les bienvenus. C’est pour ça qu’en cas d’accident
nucléaire, les autorités distribuent des pastilles d’iode : c’est pour saturer notre thyroïde
d’iode stable.
174 7. S  ’

Par contre quand un être vivant arrête de vivre, il arrête d’absorber


du carbone 14 1. Celui-ci se désintègre petit à petit. Plus le temps passe, et
moins il y a de carbone 14 dans l’organisme mort. On peut donc, quand
un organisme est mort depuis un certain temps, connaître la date approxi-
mative de sa mort en mesurant la proportion de carbone 14 qui reste. On
ne peut certainement pas dater des pierres avec, mais ça fonctionne pour
tous les êtres vivants - excepté les plantes situées au bord des routes. Ces
plantes respirent du dioxyde de carbone issu de la combustion de l’essence
dans les moteurs des voitures qui les frôlent. Or l’essence est fossile : elle
est restée des millions d’années sous terre, et a perdu tous ses atomes
de carbone 14. Si on faisait une datation au carbone 14 d’un buisson au
bord d’une route bien fréquentée, l’analyse laisserait penser que le buisson
est mort depuis très longtemps : il possèderait en eet une moins grande
concentration en carbone 14 qu’une plante normale !
Il y a globalement des noyaux radioactifs partout, et la proportion de
ces diérents noyaux (ceux de carbone 14 en sont un exemple) peut donner
énormément de renseignements sur l’âge d’une roche, la température qui
reignait il y a des millions d’années, et bien plus encore.

Nous sommes donc bien un édice atomique complexe, dont les noyaux
proviennent soit directement des origines des temps, soit du coeur des étoiles.
Les molécules qui nous composent, avec leur squelette de carbone, sont très
souvent chirales. Et ça ne nous empêchera jamais de proter du spectacle
que peut orir une nuit étoilée, ce mignon panorama sur notre petit coin
d’univers.

1. “Puissiez vous longtemps encore incorporer du carbone 14 !” est donc une salutation
bienveillante.
C 8

R

N  allons maintenant aborder la relativité, c’est-à-dire l’art du chan-


gement de point de vue. Nous classerons donc tout naturellement
les grandeurs physiques (comme la vitesse, la couleur ou la masse) en
deux catégories : les objets qui dépendent du point de vue (on dit qu’ils
sont relatifs), et ceux qui n’en dépendent pas (on dit qu’ils sont absolus).
Évidemment, quand on entend “relativité”, on pense à un certain Albert
Einstein, même s’il n’est pas le premier sur ce créneau. Le premier a été
Galilée et c’est ce qui lui a permis de penser que la Terre tournait. Puis
Einstein est arrivé et il a montré que plein de choses qu’on pensait absolues
étaient en fait relatives (et inversement). Avec la relativité restreinte, il a
montré que le temps et les distances étaient relatifs alors que la vitesse
de la lumière était absolue. Avec la relativité générale, il a montré que la
gravitation était relative.


Relativité galiléenne

Imaginez maintenant un tapis roulant très long, comme ceux que l’on
trouve dans les stations de métro où il faut marcher beaucoup, à Paris.
Nous supposerons que ce tapis avance à 1 mètre par seconde. Pour les
besoins de notre exposé, il nous faut des observateurs, nous allons prendre
des observatrices : Sophie et Delphine. Sophie est sur le tapis, et elle ne
marche pas. Delphine est à côté du tapis, elle ne marche pas non plus. Vous
êtes sur le tapis, et vous marchez dessus à un mètre par seconde aussi.

175
176 8. R

F 8.1 – Vous marchez sur un tapis roulant qui vous fait avancer d’un
mètre à chaque seconde, sur lequel vous marchez à la vitesse d’un mètre par
seconde. Sophie est sur le tapis, Delphine est hors du tapis.

Si on demande à Sophie quelle est votre vitesse, elle dira : un mètre


par seconde. Si on demande à Delphine, elle annoncera deux mètres par
seconde. En fait, vous voyez que la vitesse est relative : elle dépend du
point de vue. Il faut toujours donner une mesure de la vitesse en spéciant
par rapport à quoi on la dénit. Votre vitesse est de 1 mètre par seconde par
rapport au tapis, et de 2 mètres par seconde par rapport au sol. Rien n’est
donc immobile, non plus : de votre point de vue, Delphine s’éloigne de vous
à deux mètres par seconde. La notion d’immobilité est donc également
relative.
Il y a une conséquence logique à ce qu’on vient de dire, c’est qu’il
n’est pas possible en faisant une expérience simple, de savoir si on est
en mouvement ou pas, parce que ça n’a pas de sens absolu. Si vous vous
arrêtez de marcher sur le tapis et que vous fermez les yeux, a priori, rien ne
vous dit que le tapis se déplace par rapport au sol. Si vous pouviez le savoir,
cela signierait qu’il existe bien une “immobilité absolue”, or l’immobilité
est forcément relative !
Pour illustrer cette idée, imaginons que vous êtes arrêté sur le tapis
et que vous lâchez une balle. À votre avis, est-ce qu’elle va tomber vers
l’arrière, tout droit ou vers l’avant ? Justement, Delphine et Sophie ont une
idée sur la question...
Delphine soutient que la balle va tomber en arrière de vos pieds. Elle
dit qu’entre le moment où vous aurez lâché la balle et le moment où elle
touchera le sol, vous aurez avancé avec le tapis. Elle dit que la balle doit
tomber tout droit et toucher le sol à la verticale de l’endroit où elle a été
lâchée. Donc, d’après Delphine, la balle tombera en arrière de vos pieds.
Sophie dit aussi que la balle va tomber tout droit. Mais comme Sophie
R  177

est sur le tapis et que pour elle vous êtes immobile, elle en conclut que la
balle devrait tomber à vos pieds.
À votre avis, qui a raison ?

F 8.2 – Vous êtes sur le tapis, vous lâchez la balle. Delphine pense que
la balle va tomber tout droit, mais que comme vous aurez avancé pendant la
durée de la chute, la balle ne tombera pas à vos pieds. Sophie dit aussi que la
balle va tomber tout droit, mais qu’elle tombera alors à vos pieds.

En fait, comme il n’est pas possible pour vous de faire une expérience
simple qui vous dise si c’est vous qui bougez ou le sol autour de vous qui
déle dans l’autre sens, alors tout doit se passer pour vous comme si vous
étiez immobile sur le sol.
C’est Sophie qui avait raison : l’objet doit tomber à vos pieds, et pas du
tout en arrière. Ce que Delphine a supposé et qui n’allait pas, c’était que
l’objet allait tomber tout droit : en fait, pour elle il avait une vitesse initiale,
celle du tapis. Pour Delphine, il ne va pas tomber tout droit, mais décrire
une parabole. C’est seulement pour Sophie qu’il tombera tout droit. Au
nal, je vous rassure, tout le monde sera d’accord sur ce qui s’est passé :
vous avez lâché l’objet, et il est tombé à vos pieds. Mais la trajectoire suivie
n’est pas la même pour tous les points de vue : elle est relative.
Pour résumer ce qu’il faut retenir : il n’est pas possible de savoir si
vous êtes en mouvement 1 ou pas, parce que l’idée de mouvement est une
idée relative !

1. Uniforme, comme celui d’un tapis roulant, pas celui d’une voiture qui tourne. Voyez
la suite...
178 8. R

F 8.3 – Ce que Delphine a vu quand la balle est tombée, c’est qu’elle a
décrit une parabole. Elle n’est pas tombée tout droit parce qu’elle avait une
vitesse initiale par rapport à Delphine.

Bref, c’était ça, l’idée de Galilée. Si la Terre tourne, on ne peut pas


tellement s’en apercevoir, parce que tout tourne à la même vitesse. Si on
lâche un objet il tombera à nos pieds que la Terre tourne ou pas. Après, il
va falloir aner un petit peu le raisonnement...


Point de vue galiléen ou pas

On va dire que le comportement “normal” d’une balle, c’est de tomber


tout droit quand on la lâche immobile. C’est ce qui se passe quand vous
êtes immobile sur le sol, ou “immobile” sur le tapis. Mais si vous faites la
même expérience dans une voiture qui tourne, la balle sera projetée vers
l’extérieur du virage. Vous aussi, vous ressentez comme une force qui vous
projette contre le côté de la voiture. Donc, du point de vue de quelqu’un
qui est dans une voiture, les balles ne se comportent pas “normalement”.
On va donc distinguer deux types de points de vue. Ceux pour lesquels
les choses se passent “normalement”, c’est-à-dire qu’une balle lâchée sans
vitesse tombe tout droit vers le sol, par exemple. On dira qu’on est dans un
point de vue (ou référentiel) galiléen. Et puis il y a les autres référentiels (ou
points de vue) pour lesquels les objets ne se comportent pas exactement
comme prévu, parce qu’on dirait qu’il y a des forces qui apparaissent de
façon presque inexpliquée (comme celle qui vous projette vers l’extérieur
du virage en voiture) : ces forces sont appelées forces d’inertie.
Reprenons l’exemple de la voiture. Admettons que la voiture freine.
Vous avez immédiatement l’impression qu’une force vous projette vers
l’avant. Et si vous veniez de lâcher une balle, la balle semble elle aussi pro-
P      179

jetée vers l’avant. Vous n’êtes clairement pas dans un référentiel galiléen,
parce que dans les référentiels galiléens, il n’y a pas de force qui apparaisse
soudainement, par dénition.
Quelqu’un qui est resté sur le bord de la route pendant le freinage ne
voit pas exactement les choses de la même manière que vous. Il voit la voi-
ture qui ralentit, et vous qui avez tendance à continuer vers l’avant, à cause
de votre inertie, votre tendance naturelle à conserver votre mouvement.
Les deux points de vue donnent le même résultat : tout le monde est
d’accord pour dire que vous vous êtes rapproché de l’avant de la voiture.
Dans un référentiel galiléen, cela s’explique à cause de votre inertie. Dans
un référentiel non galiléen comme celui de la voiture, cela s’explique par
une force d’inertie. Il ne s’agit pas vraiment d’une force parce qu’elle
disparaît quand on change de point de vue : elle est relative.
Imaginez vous maintenant dans un de ces manèges constitués d’un
gros disque qui tourne vite. Vous, sur le disque, vous vous sentez plaqué
contre les bords par une force, la force centrifuge. Mais une personne
qui est à l’extérieur du manège ne “voit” pas cette force, parce qu’elle
n’interprète pas les choses de la même manière. De son point de vue, vous
avez tendance à continuer votre trajectoire en ligne droite à cause votre
inertie. Le manège se met en quelque sorte sur votre route. Dans les deux
interprétations, le résultat est le même : vous avez la tête un peu écrasée
contre la paroi. La force centrifuge est aussi une force d’inertie.

F 8.4 – Dans un manège, la vitesse, à tout instant, est tangente au cercle
que chacun décrit. Comme les objets ont tendance à continuer tout droit, on
est écrasé contre l’extérieur du manège parce qu’il se met sur votre route.
C’est la façon de voir d’une personne qui serait extérieure. De votre point de
vue, vous avez l’impression qu’une force surgie de nulle part vous plaque
contre les bords : la force centrifuge (représentée par la double èche).
180 8. R

Donc Galilée n’avait que partiellement raison. Comme la Terre tourne,


on devrait sentir une force centrifuge, une force d’inertie. On la sent
bien, mais elle fait partie de ce qu’on appelle le poids. Le poids est en fait
constitué de l’attraction de la Terre et de la force centrifuge. Cette dernière
nous projette vers l’extérieur, donc un peu vers le haut et elle allège notre
poids.

F 8.5 – Le poids est donc constitué de l’attraction de la Terre, qui pointe
franchement vers le centre la Terre et de la force centrifuge, qui pointe vers
l’extérieur du cercle que vous décrivez tous les jours. La force centrifuge est
maximale à l’équateur et nulle aux pôles. Donc le poids est plus important
aux pôles qu’à l’équateur !


J’ai mal au cœur

Quand on est dans un véhicule, on a parfois ce qu’on appelle le mal des


transports (ce qui se traduit parfois par l’éjection spasmodique de uides
grumeleux ayant une odeur âcre très reconnaissable). Cette sensation de
malaise vient d’un décalage entre ce que vous voyez et ce que votre oreille
interne vous dit qu’elle ressent. Si vous lisez en voiture, vos yeux voient un
livre immobile. Par contre votre oreille interne, qui détecte les accélérations,
vous dit que vous tournez et que votre vitesse change - particulièrement
sur les routes de montagne. Cette inadéquation entre les informations qui
parviennent à votre cerveau provoque un réexe de votre estomac et...
Finalement, ce sont les forces d’inerties liées au fait que la voiture ne
va pas à vitesse constante qui vous donnent mal au cœur. Sur autoroute
où la vitesse ne change pratiquement pas et où les virages sont très larges,
L   C 181

il n’y a pratiquement pas d’accélérations désagréables et il est possible de


lire. En montagne, il vaut mieux regarder le paysage parce que dans ce
cas, ce que vous verrez sera en accord avec ce que vous ressentirez. Et la
prochaine fois que vous aurez mal au cœur, vous pourrez vous dire que
c’est parce que vous n’êtes vraiment pas dans un référentiel galiléen. Ca
ne vous fera pas vous sentir mieux, mais ça fait bien.


La force de Coriolis

Imaginons que vous soyez au centre d’un manège circulaire fermé.


Comme vous êtes au centre, la force centrifuge est nulle. Comment savoir
si le manège tourne ou pas ? Il faut simplement prendre une balle et la
lancer vers l’extérieur. Si elle va tout droit, c’est que le manège ne tourne
pas.
Si le manège tourne, c’est diérent : elle va bien sûr tout droit pour un
observateur extérieur, mais comme vous tournez sur vous même, vous avez
l’impression que la balle dévie. Si vous tournez dans le sens des aiguilles
d’une montre, par exemple, elle dévie pour vous vers la gauche.

F 8.6 – Normalement (dans un référentiel galiléen) une balle qu’on


lance continue tout droit, elle ne se met pas à faire des virages. Du point d’un
observateur extérieur, la balle va tout droit et vous tournez. Pour vous qui
êtes au centre du manège, une force surgie de nulle part semble faire tourner
la balle vers la gauche. Évidemment si le manège tournait dans l’autre sens,
la force de Coriolis agirait aussi dans l’autre sens.
182 8. R

Si la balle ne va pas tout droit, on est obligé de faire comme si une force
d’inertie, qui ne s’applique cette fois qu’aux objets en mouvement, déviait
la balle : c’est la force de Coriolis. Comme on ne peut pas faire strictement
l’expérience de la balle sur Terre on a eu l’idée d’observer un pendule
géant : un poids attaché à une corde, qui oscille pendant très longtemps.
Un pendule dans un référentiel galiléen oscille toujours dans le même plan.
Si il y a une force de Coriolis, le plan d’oscillation du pendule va se mettre
à tourner autour de la verticale. C’est l’expérience du pendule de Foucault,
menée pour la première fois en 1851 au Panthéon, à Paris, et qui prouve
que la Terre tourne 1 .
Imaginez-vous au-dessus du pôle Nord. Vous voyez la Terre tourner
dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. La force de Coriolis agit
en déviant les objets en mouvement vers la droite. Mais c’est une force
très faible : nous ne la sentons absolument pas. Il faut pour sentir ses
eets bouger vite, longtemps et sur de grandes distances. C’est le cas du
vent : l’air va des zones de haute pression vers les zones de basse pression
en subissant une force qui le fait dévier en permanence vers la droite.
Bilan, l’air part d’une zone de haute pression en tournant dans le sens des
aiguilles d’une montre : c’est un anticyclone. Et les cyclones tournent dans
le sens inverse : une fois que l’air a trop dévié vers la droite, la dépression
l’attire en le faisant s’enrouler dans l’autre sens.

F 8.7 – À gauche, la Terre vue depuis au-dessus du pôle Nord. Elle
tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, donc les vents sentent
une force de Coriolis qui les fait tourner vers la droite. La dépression les attire
nalement en les faisant tourner dans l’autre sens, en allant contre la force
de Coriolis. La Terre, vue depuis au-dessus du pôle Sud, tourne dans l’autre
sens. La force de Coriolis fait donc tourner les vents dans l’autre sens.
1. Et que Galilée avait nalement un petit peu tort : on peut sentir que la Terre
tourne...
R  183

Fort logiquement, quand on regarde la Terre depuis le dessus du pôle


Sud, elle tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Du coup, l’air
est dévié vers la gauche quand il part d’une zone de haute pression, et
l’anticyclone tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre ! Ce
qui explique aussi que les cyclones ne traversent jamais l’équateur. N’es-
pérez pas voir cet eet sur un tourbillon dans votre lavabo : c’est loin
d’être assez grand et rapide. Il se forme un tourbillon parce que quand un
écoulement commence à tourner, légèrement, la force centrifuge amplie
ce mouvement. Mais il a autant de chances d’apparaître dans un sens que
dans l’autre.


Relativité restreinte

Dans la mécanique classique, le temps est absolu, et les vitesses relatives.


Or une expérience célèbre a montré que la lumière nous parvient toujours à
la même vitesse, dans le vide, quel que soit notre mouvement dans l’espace.
La vitesse de la lumière semble donc absolue, ce qui est évidemment
contradictoire avec l’idée de Galilée que la vitesse est relative. La relativité
restreinte est basée sur l’idée que la vitesse de la lumière est absolue et
que Galilée n’avait pas complètement raison, donc.
Imaginez votre grand-mère allongée sur le dos dans un wagon, en
mouvement. Elle tient dans sa main un laser, et une cible se trouve dans
le wagon, un mètre au-dessus d’elle. Lorsqu’elle tire, la lumière parcourt
un mètre. Elle met un certain temps pour le faire qu’on appellera le temps
propre 1 .
Si vous êtes sur le sol en dehors du wagon, vous verrez votre grand-
mère tirer et comme en relativité galiléenne, vous serez d’accord avec elle
sur ce qui s’est passé. Elle a tiré, et le laser a atteint la cible. Mais pour
vous, le trajet de l’impulsion laser n’est pas parfaitement vertical parce
que votre grand-mère et le faisceau se déplacent. Quand le faisceau atteint
la cible, celle ci a bougé un peu de votre point de vue. Bref, pour vous le
faisceau a parcouru un peu plus d’un mètre.

1. Plutôt que le temps dégueulasse ou le sale temps, deux temps qu’il fait aussi parfois.
184 8. R

F 8.8 – À gauche, voici ce que votre grand-mère pense qu’il s’est passé.
Elle a tiré une impulsion laser, qui est allée tout droit jusqu’à la cible. Mais
vous n’êtes pas tout à fait d’accord. Oui, elle a tiré une impulsion, qui est allée
au centre de la cible. Bien joué, Mamie ! Mais comme le train et la cible se
sont déplacés, la lumière a parcouru plus de chemin que le mètre qui séparait
initialement votre grand-mère de la cible.

Pour votre grand-mère comme pour vous, la vitesse de la lumière est


la même (elle est absolue, souvenez-vous). Or vous dites qu’elle a parcouru
plus de distance dans votre référentiel que dans celui de votre grand-mère.
Donc pour vous, le temps que la lumière a mis pour faire le trajet jusqu’à la
cible est plus court que pour votre grand-mère. Tout le monde est d’accord
sur la vitesse de la lumière, mais (du coup) pas sur le temps de trajet. Donc
le temps est relatif.
En fait, non seulement pour vous la lumière a mis plus de temps à faire
le trajet, mais pour vous, les événements qui ont lieu dans le wagon se
déroulent globalement plus lentement. Si votre mamie vous fait coucou,
vous la verrez bouger “anormalement” lentement.
Cela dit, votre vitesse par rapport à votre grand-mère est la même que
la vitesse de votre grand-mère par rapport à vous - dans des sens opposés.
Donc quand votre grand-mère vous regarde, elle vous voit, vous aussi,
bouger plus lentement. Rigolo, non ?
En relativité restreinte, la vitesse de la lumière est absolue : tout le
monde voit la lumière aller à la même vitesse quel que soit le référentiel.
C’est aussi une vitesse que rien ne peut dépasser. Si vous allez aux 3/4
de la vitesse de la lumière par rapport à la Terre dans votre super fusée,
mais qu’un modèle plus récent vous dépasse et que vous le voyez passer
aux 3/4 de la vitesse de la lumière par rapport à vous, il ne faut pas en
L “”   185

déduire que par rapport à la Terre le vaisseau qui vous a doublé allait à
une fois et demie la vitesse de la lumière. Les vitesses ne s’additionnent
pas. Par rapport à la Terre, le modèle va à 0,96 fois la vitesse de la lumière
seulement.
Et pour tout objet ayant une masse, c’est-à-dire de l’inertie, il faut
fournir de plus en plus d’énergie pour gagner un tout petit peu plus de
vitesse. On a beau accélérer toujours davantage, on ne gagne pas beaucoup
de vitesse. La lumière se propageant à la vitesse de la lumière, on en déduit
qu’elle n’a pas de masse. Pas besoin de la pousser, donc.
Cela dit, on ne constate ces eets “relativistes” de contraction du temps
ou de non addition des vitesses que si les vitesses qu’on considère sont de
l’ordre d’un dizième de la vitesse de la lumière, soit 30000 km par seconde.
Dans la vie de tous les jours, si vous marchez à 1 mètre par seconde sur
un tapis qui va à 1 mètre par seconde, vous marcherez par rapport au sol à
2 mètres par seconde moins un pouillème non mesurable. À notre échelle,
la précision de la mécanique classique ne peut pas être mise en défaut.
Par contre, dans un accélérateur de particules, ou pour les particules très
rapides qui nous viennent de l’espace, on s’aperçoit que plus une particule
va vite, plus elle met de temps à se désintégrer. On peut observer des
particules pendant plusieurs secondes parce qu’elles sont très très rapides,
alors qu’elles ne mettent en fait dans leur référentiel qu’une minuscule
fraction de seconde pour se désintégrer.


Le “paradoxe” des jumeaux

Imaginez deux jumeaux, Balïn et Dwalïn. Balïn reste sur place, sur Terre,
pendant que Dwalïn eectue un petit voyage à vitesse quasi-luminique,
un petit aller-retour. Et ils n’arrêtent pas de se faire coucou en agitant les
bras toujours au même rythme.
Dans toute la suite, quand je vous parlerai de ce que Balïn voit, je
parlerai de ce qu’il verrait si on oubliait que la lumière met un certain
temps à se propager - ce qu’on fait dans la vie de tous les jours, en fait.
Évidemment, si on ne le faisait pas, ça serait intéressant, mais beaucoup
plus compliqué.
Passons au déroulement du voyage, vu par Balïn, resté sur place. Si
vous êtes à côté de Balïn, vous allez d’abord voir Dwalïn bouger de plus en
plus lentement au fur et à mesure qu’il va de plus en plus vite. On admet
qu’il accélère très vite puis fait son voyage à une vitesse grande mais
186 8. R

constante. Pendant tout ce temps, vous le verrez bouger plus lentement


que la normale, même si lui, dans son référentiel, a l’impression de bouger
toujours au même rythme. Au moment où il fait son demi-tour, il ralentit
et vous avez l’impression qu’il bouge à vitesse normale un court instant.
Puis, de nouveau, comme il revient vite vers vous mais à vitesse constante,
vous le voyez bouger plus lentement. Jusqu’à ce qu’il s’arrête à côté de
vous.
Comme pendant tout le trajet, il a bougé plus lentement et qu’il est
revenu jusqu’à Balïn, pas de doute, il a moins vieilli que Balïn et vous 1 !
Dwalïn est ainsi plus jeune que son jumeau, et ce d’autant plus que le
voyage aura été long et qu’il se sera déroulé à grande vitesse.

F 8.9 – Pour résumer, lorsqu’un objet se déplace à grande vitesse par
rapport à soi, on le voit évoluer plus lentement. Comme le jumeau resté sur
Terre voit l’autre faire son voyage toujours à grande vitesse, il le voit moins
évoluer, donc le voyage semble durer plus longtemps pour le jumeau qui reste
sur place que pour celui qui voyage !

Bon, ben jusque là, pas de paradoxe. C’est vraiment ce qui se passerait.
Non, la question vraiment intéressante, c’est : “Mais alors, qu’est-ce que
Dwalïn a vu ?”. Ca va nous imposer de passer d’un point de vue qui se
contente de la relativité restreinte à un point de vue qui fait intervenir un
soupçon de relativité générale.
Nous allons tenter de reconstituer ce qu’a vu Dwalïn à partir de ce
que nous connaissons. Pendant la première partie du voyage, pendant
laquelle Dwalïn voyageait à vitesse constante il a forcément dû voir bouger
Balïn plus lentement. En eet, si pour Balïn, Dwalïn s’éloignait de lui,
1. En relativité, on peut donc dire que non seulement les voyages forment la jeunesse,
mais aussi qu’ils la préservent - bien mieux que les crèmes anti-rides.
R  187

inversement, pour Dwalïn, Balïn s’éloignait de lui à la même vitesse. Les


points de vues sont symétriques. Chacun a donc dû voir à peu près la
même chose de l’autre.
Même chose au retour, qui se faisait aussi à vitesse constante. Donc,
en dehors du demi-tour et des accélérations, Dwalïn a vu Balïn bouger
lentement ! ! ! Si on oublie le demi-tour, cela peut paraître paradoxal – car
quel que soit le point de vue, tout le monde devrait être d’accord sur ce
qui s’est passé au nal. En fait, Dwalïn a forcément vu Balïn faire plus de
mouvements de bras que lui, si Dwalïn est plus jeune à la n. Seulement,
ça n’a pas pu se produire pendant les phases aller et retour du voyage
puisqu’il a eu l’impression que Balïn en faisait moins pendant ces deux
phases.
C’est donc pendant le demi-tour de Dwalïn que celui-ci a vu Balïn
bouger beaucoup, beaucoup, beaucoup plus vite ! Autrement dit, pendant
que le vaisseau décélérait puis accélérait, Dwalïn a ressenti une accélération
qui l’a plaqué au fond de sa fusée. Lorsqu’il a ressenti cette accélération il
a vu Balïn bouger beaucoup plus vite que lui.
Au nal, plus de paradoxe, mais une nouvelle conséquence extrême-
ment importante : quand on ressent une accélération (et donc qu’on ne
reste pas dans un référentiel galiléen), on “voit” les objets qui ne subissent
pas cette accélération bouger beaucoup plus vite 1 !


Relativité générale

Imaginons que vous soyez dans une boîte fermée. Si vous êtes posé sur
le sol, vous allez sentir une force (le poids) qui vous plaque au fond de la
boîte. C’est aussi ce que vous ressentiriez si en fait vous étiez dans l’espace
et que la boîte était en train d’accélérer : vous seriez plaqué par la force
d’inertie au fond de la boîte. Sans fenêtres, pas moyen de savoir si vous
êtes en train d’accélérer ou si vous êtes juste posé sur une planète !
Imaginons maintenant que votre boîte soit en train de tomber et vous
avec (si vous êtes en orbite autour d’une planète, c’est le cas). Dans ce cas,
bien que vous soyez soumis au poids, vous ne vous en apercevez pas parce
que tous les objets tombent à la même vitesse, ce qui fait que la boîte tombe
à la même vitesse que vous, et donc que le poids ne vous plaque pas contre
un côté de la boîte.
1. Et d’autant plus vite qu’ils sont loin, mais oubliez vite cette remarque, elle complique
beaucoup les choses !
188 8. R

Du coup, rien ne permet de savoir si on est plaqué contre un côté de la


boîte par une force d’inertie ou par le poids, et en plus quand on tombe, le
poids a l’air de disparaître ! Bref, le poids lui-même ressemble beaucoup à
une force d’inertie...
L’idée de la relativité générale c’est de remplacer les référentiels ga-
liléens par les référentiels qui “tombent”. Dans un référentiel qui tombe,
un objet lancé continue en ligne droite à vitesse constante comme s’il n’y
avait pas de poids ni de force d’inertie. L’idée c’est donc de considérer la
gravitation comme une force d’inertie. Il n’est pas possible de distinguer ses
eets de ceux d’une force d’inertie due à une accélération. Nous allons
voir que cette idée simple en apparence a des conséquences assez peu
intuitives.
La première conséquence est que le temps s’écoule moins vite sur terre
que dans l’espace ! Nous sommes en eet soumis à la pesanteur, qui nous
colle au sol. Tout se passe pour nous comme si nous étions en permanence
dans une boîte qui accélère. Or souvenez-vous des jumeaux : lorsqu’on
ressent une accélération, les objets qui ne la subissent pas semblent bouger
plus vite. Donc sur terre, le temps s’écoule plus lentement !
La seconde conséquence est que bien qu’ayant une masse nulle, la
lumière est sensible à la gravitation ! La gravité courbe nécessairement la
trajectoire de la lumière. Imaginez vous dans votre boîte qui accélère (vers
le haut de la boîte). Sur la paroi de gauche est disposé un laser. Il tire une
impulsion laser vers la paroi en face et nous allons décrire la trajectoire
de cette impulsion de deux points de vue diérents. Pour un observateur
extérieur, l’impulsion a eu une trajectoire rectiligne et est allée toucher
la paroi en face. Comme votre boîte accélérait, la paroi en face a bougé
entre le moment du tir et le moment où l’impulsion est arrivée donc la
lumière est arrivée plus bas. Dans le référentiel de la boîte, il y a une force
d’inertie qui vous plaque au fond de la boîte et la trajectoire de la lumière
est courbée, ce qui explique qu’elle arrive plus bas que l’endroit d’où elle
est partie. C’est donc que la force d’inertie a courbé (légèrement, certes) la
trajectoire de la lumière. On peut donc dire que la lumière est sensible aux
forces d’inertie.
Comme il n’est pas possible de diérencier l’eet d’une force d’inertie
de l’eet de la gravitation, si vous tirez sur terre avec un laser, sa trajectoire
sera courbée comme si vous étiez en train d’accélérer – parce que vous êtes
dans un champ de pesanteur. Bref, la présence d’un champ de pesanteur
courbe la trajectoire de la lumière. La lumière, bien qu’ayant une masse
nulle, est sensible à la gravitation.
R  189

F 8.10 – Vu de l’extérieur, le rayon lumineux est allé tout droit. Vu


de l’ascensceur qui accélère, il a été dévié vers le bas par la même force qui
semble vous plaquer au sol. On en déduit que ce champ de force courbe la
trajectoire de la lumière, et que donc, la gravitation doit le faire aussi.

On peut le voir en regardant le ciel avec un téléscope : les galaxies


sont des objets plutôt plats. Mais on voit parfois des galaxies courbées,
très lointaines quand on regarde dans la direction d’un objet massif plus
proche. En fait les galaxies lointaines sont derrière l’objet. Si leur lumière
nous parvient c’est parce qu’elle partait dans une autre direction et que la
présence de l’objet massif a dévié leur lumière vers nous - en déformant
un peu l’image. C’est ce qu’on appelle un eet de lentille gravitationnelle.

F 8.11 – À gauche, voici le trajet de la lumière venue d’une galaxie


lointaine, qui peut passer de part et d’autre d’une autre galaxie massive. Dans
ce cas, dans le téléscope, on peut voir deux images de la galaxie lointaine,
situées de part et d’autre de l’objet massif. C’est ce qui est représenté à droite.

À l’extrême, certains objets sont tellement petits et massifs qu’ils


courbent fortement le trajet de la lumière qui passe près d’eux. Si for-
190 8. R

tement que la lumière peut carrément y tomber et ne pas pouvoir s’en


échapper. Si la lumière ne peut pas le faire, alors rien ne peut en sortir :
on appelle ces objets des trous noirs et il semble bien qu’ils soient assez
courants dans l’univers (au centre des galaxies) ! Cela dit, à cause du fait
que le trajet de la lumière est fortement perturbé autour des trous noirs,
l’allure visuelle d’un trou noir est forcément quelque chose de vraiment
bizarre.
Toutes ces conséquences assez inattendues découlent nalement de
deux idées extrêmement simples et inspirées directement de l’expérience :
la vitesse de la lumière est la même pour tout le monde et tous les objets
tombent de la même manière dans le vide !
C 9

M 

D  la vision classique du monde, les particules sont ponctuelles :


ce sont des petits points qui se baladent. Allez, avec un eort, on
peut éventuellement imaginer des petites billes. La raison principale, c’est
que quand on lance un électron vers un écran, on observe au nal un
point sur cet écran. Les choses sont en réalité beaucoup plus compliquées,
et c’est la mécanique quantique qui fournit une description plus exacte
des particules et de leurs propriétés. Et pour faire simple : la matière a
nalement beaucoup plus à voir avec les ondes qu’avec des petites billes...
Il n’empêche que la mécanique quantique est la théorie physique la
mieux vériée. C’est grâce à elle qu’on peut comprendre le comportement
des lasers et des semi-conducteurs notamment, c’est donc grâce à la mé-
canique quantique qu’on a des ordinateurs et internet. Les ordinateurs
sont la preuve que la mécanique quantique est une théorie redoutablement
ecace !


Fentes d’Young

Prenons une expérience célèbre : celle des fentes d’Young. C’est une
expérience classique d’interférence que l’on fait avec de la lumière. Les
interférences qui apparaissent (une alternance de zones sombres et de
zones claires) sont le signe que la lumière est une onde. On peut refaire
ce type d’expérience avec le son ou les vagues, et on a le même type de
résultat.
Essayons avec des électrons. On lance des électrons un par un vers deux
fentes très rapprochées. Si les électrons étaient des particules classiques
(des points ou des billes) on devrait voir deux taches bien distinctes, une
192 9. M 

pour chaque fente. Dans la réalité, ce n’est pas du tout ce qu’on observe.
Évidemment, à chaque fois qu’un électron heurte l’écran, un point lumi-
neux apparaît. Quand on laisse l’expérience se dérouler pendant un certain
temps, on obtient une répartition comme sur la gure 9.1.

F 9.1 – Voici l’experience des fentes d’Young pour les électrons. Un
canon à électrons bombarde les deux fentes. Bien sûr, un paquet d’électrons
s’écrase sur ce premier écran percé. Mais un certain nombre d’électrons passe
le premier écran et va s’écraser sur le second. Au début, on voit juste quelques
points, on a envie de dire que les électrons sont des petites billes. Mais si
on attend, apparaît une gure d’interférence faite de points - ce qui prouve
surtout que les électrons sont capables de passer par les deux fentes à la fois
et d’interférer avec eux-mêmes. Et donc que les électrons sont des ondes.

On voit donc les points d’impact des électrons se répartir suivant une
gure d’interférence : il y a une alternance d’endroits qui reçoivent beau-
coup d’électrons et d’endroits qui n’en reçoivent presque jamais. Comment
interpréter cette expérience?
Tout d’abord, on est obligé d’admettre que les électrons se comportent
comme des ondes puisqu’on observe des interférences. Comme on a envoyé
les électrons un par un, il faut en conclure qu’un électron est en fait un
paquet d’onde qui va se diviser en deux, passer par les fentes et produire
L     193

des interférences. Un électron n’a donc rien à voir avec une petite bille ou
un point quelconque. Il a une certaine extension spatiale, il est déformable,
il fait des interférences. Cette simple expérience nous conduit donc à
abandonner l’idée de particules ponctuelles. Si on ne le fait pas, beaucoup
de paradoxes surgissent et rendent la compréhension de la mécanique
quantique vraiment très très dicile.
On peut imaginer un électron comme un blob aux contours très ous.
Ça, c’est pour son extension spatiale. Mais c’est aussi une onde : il faut donc
imaginer que certains endroits de ce blob sont des creux, d’autres des bosses.
Autant il est simple d’imaginer des creux et des bosses sur une surface à
deux dimensions (des vagues à la surface de l’eau par exemple), autant se
représenter des creux et des bosses dans un nuage à trois dimensions, ce
n’est pas simple. Mais après tout, est-ce que c’est vraiment plus simple de
se dire que les électrons sont des points inniment petits ? En fait, il vaut
mieux imaginer des petits nuages un peu spéciaux !


La quantication & la superposition

Un électron se comporte donc comme une onde, ou un paquet d’onde,


une sorte de blob avec des creux et des bosses. Imaginons qu’on essaie de
le restreindre à une certaine zone de l’espace. On pourrait faire comme
pour la corde vibrante : l’attacher aux deux bouts. Ça n’est pas très facile
à faire, cependant. Il y a beaucoup plus simple : l’approcher d’un noyau
atomique. Comme le noyau l’attire, l’électron se retrouve incapable de lui
échapper. La force électrique l’oblige donc à rester dans un tout petit coin
de l’espace.
Or quand on oblige une onde à se restreindre à un coin de l’espace, il
se produit toujours la même chose, que ce soit pour une corde vibrante ou
un électron. Sur une corde, on voyait bien que la corde pouvait prendre
toutes les formes, mais qu’il existait en fait des modes de vibration, chacun
ayant une fréquence bien précise (le fondamental et les harmoniques) et
que la forme de la corde pouvait être vue comme la somme de chacun des
modes. De toute façon après, les modes vivent leur vie séparément, ils
vibrent chacun de leur côté. C’est la quantication.
Il se passe la même chose avec l’électron. Autour du noyau, il peut
prendre la forme qu’il veut. Mais on peut trouver des modes de vibration,
chacun ayant une fréquence bien précise. Ces fréquences, on peut les
compter. Pour un atome d’hydrogène, on dénit ce qu’on appelle le nombre
194 9. M 

quantique principal, c’est juste le numéro des modes. On commence à 1,


c’est hyper original pour le fondamental.
Sur une corde, un mode correspond à l’idée que si l’onde a fait un
nombre entier de longueurs d’onde après un aller-retour sur la corde, alors
elle sera en interférence constructive avec elle-même et tout ira bien. Avec
les électrons, c’est à peine diérent. On peut aussi, associer une longueur
d’onde et une fréquence donnée à un électron. Il faut dans ce cas qu’un
tour du noyau corresponde à un nombre entier de longueurs d’onde. Vous
avez alors un mode.
On appelle ces modes des orbitales. Chaque orbitale est caractérisée
par une fréquence, qui représente le nombre d’oscillations de l’électron
par seconde quand il est “sur” cette orbitale, c’est-à-dire qu’il a cette forme
particulière. Cette fréquence est en fait directement proportionnelle à
l’énergie de l’électron. L’électron autour du noyau, même si c’est une onde,
un blob vibrant, est bien en train de tourner, donc il a de l’énergie cinétique.
Il a aussi de l’énergie potentielle, parce qu’il est attiré par le noyau. Plus il
est proche du noyau, moins il a d’énergie (potentielle et cinétique). Comme
l’énergie est proportionnelle à la fréquence, il vibre moins vite. Mais plus
il est une sur orbitale éloignée du noyau, plus il vibre rapidement, parce
qu’il a plus d’énergie.
À cause de la quantication, on a des fréquences bien précises, donc
des énergies bien précises. On appelle l’orbitale de plus basse énergie l’état
fondamental de l’électron. Les autres orbitales sont des états excités.

F 9.2 – Les orbitales de l’atome d’hydrogène, c’est-à-dire la forme de


l’électron pour une énergie donnée. D’abord, en réalité, elles n’ont pas un
contour net, parce qu’un électron ça s’étale. Ensuite, il y a des zones positives
(des bosses) et des zones négatives (des creux), même quand l’orbitale est
ronde. Les orbitales sont classées de l’énergie la plus basse (le fondamental
est le plus petit à gauche) à l’énergie la plus haute.
L     195

La seule diérence avec la corde, c’est que les fréquences des états
excités ne sont pas des multiples de la fréquence du fondamental, donc
l’énergie des états excités n’est pas un multiple du fondamental.
C’est le concept central de toute la mécanique quantique. Considérer
l’électron comme une onde permet d’expliquer pourquoi l’électron ne peut
pas tomber sur le noyau : il a une énergie minimum, celle de son état
fondamental. Il ne peut pas s’approcher plus du noyau, parce que sa nature
ondulatoire l’interdit ! Rien n’empêche une petite bille de tomber vers le
noyau atomique, mais une onde, si ! Et puis, bien sûr, cette vision des choses
explique pourquoi l’électron a des modes, des orbitales de fréquences et
d’énergies bien dénies.

F 9.3 – Pour ne pas trop s’embêter, les physiciens dessinent les niveaux
d’énergie d’un électron autour d’un atome de cette façon. La barre la plus
basse représente le fondamental, celui qui a pour numéro 1. Ensuite, on trouve
celle de numéro 2, un peu plus haut, et puis les autres. On voit bien que les
niveaux ne sont pas répartis régulièrement.

Quand on regarde une corde qui vibre, elle peut prendre un peu n’im-
porte quelle forme. N’empêche qu’à chaque instant, cette forme peut être
vue comme la somme des modes, qui ont une forme bien dénie, en train de
vibrer indépendamment. C’est exactement la même chose pour un électron.
À chaque instant, il peut prendre pratiquement n’importe quelle forme
autour de son noyau. Mais à chaque instant, cette forme peut être vue
comme une somme d’orbitales. On peut même donner le poids de chaque
orbitale dans la décomposition. Par exemple, on peut dire que l’orbitale
fondamentale d’énergie E1 représente 50% de la forme de l’électron, et que
le premier état excité E2 contribue à hauteur de 50% aussi. Bref, de façon
générale on peut dire que l’électron n’est pas dans un état pur, il n’est pas
que sur une seule orbitale, il est un mélange de plusieurs orbitales. On
appelle ça une superposition d’états.
196 9. M 

F 9.4 – De la même manière que la vibration de la corde peut être


comprise comme une somme de modes de vibration, la vibration de l’électron
autour du noyau peut aussi être comprise comme la somme des vibrations
correspondant aux orbitales. Il est dicile de représenter le changement de
forme, la vibration de l’électron, ainsi que les creux et les bosses, mais ils sont
là. L’électron a vraiment beaucoup en commun avec la corde.


La mesure et le chat

Ce qu’on ne comprend toujours pas très bien en mécanique quantique,


c’est ce qui se passe quand on essaie de faire des mesures. Ce qui est parti-
culier, c’est qu’on utilise des appareils forcément macroscopiques, donc de
notre taille ou encore plus grands pour essayer de mesurer la propriété
d’une seule particule absolument microscopique comme son énergie ou
sa position. Et ce passage là, du microscopique au macroscopique, se fait
mal. Plus précisément, nous savons seulement construire des appareils de
mesure qui tentent de répondre à des questions qui n’ont pas beaucoup de
sens, et qui fournissent eectivement une réponse.
Prenons un premier exemple : une plaque uorescente est un appareil
qui répond à la question “Mais où donc est l’électron ?”. Quand on envoie
un électron sur une telle plaque, on voit un point lumineux apparaître sur
l’écran, ce qui est une façon de répondre “Il est là.”. C’est exactement ce
qui se passe à la n de l’expérience des fentes d’Young. Cela nous laisse
supposer que la question avait un sens, puisque l’appareil a donné une
réponse. Mais nous avons aussi vu avec l’expérience des fentes d’Young
que nous sommes sûrs que l’électron passe par les deux fentes, parce qu’il
agit comme une onde. Cela veut dire que la réponse donnée par l’appareil
L     197

de mesure doit être prise avec précaution : ça n’est pas parce qu’on observe
un point sur l’écran que l’électron est réellement ponctuel. L’électron est
à un endroit donné mais seulement quand on cherche à savoir où il est. Le
reste du temps, il est à plusieurs endroits à la fois, si on veut. Mais rien de
paradoxal là dedans, si on pense que l’électron est une onde. Dans ce cas,
c’est surtout que la question “où est l’électron” n’a pas vraiment de sens.
C’est un peu la même chose avec l’énergie. On peut imaginer un ap-
pareil de mesure qui réponde à la question “Mais quelle est l’énergie (ou
la fréquence) de l’électron autour du noyau” ? Cet appareil pose là aussi
une question qui n’a pas beaucoup de sens, puisqu’on sait que l’énergie de
l’électron n’est pas vraiment bien dénie. Plus exactement, il a plusieurs
énergies en même temps, puisque, vu sa forme, il est composé de plusieurs
orbitales. L’appareil de mesure va cependant donner une réponse, et un
peu comme l’électron qui s’écrase sur l’écran en un seul endroit bien loca-
lisé, l’appareil va donner comme résultat une seule valeur de l’énergie. Si
l’électron était à 50% dans l’état fondamental, il y aura 50% de chances pour
que l’appareil de mesure trouve que l’électron est dans l’état fondamental.
Même chose pour l’état excité.
Tout le problème de la mesure c’est donc qu’elle nous fait croire qu’il
n’y a que des états avec une énergie bien dénie, ou alors des états avec
une position précise. En plus, on ne sait pas du tout ce qui choisit l’état
nal, celui que l’appareil nous montre, on connaît juste les probabilités de
mesure avant qu’elle se fasse. On ne sait pas pourquoi l’appareil ne fait
que nous montrer ces états précis. Et que pire, on pense qu’on n’a aucun
moyen de le savoir.
On a même imaginé une expérience de pensée pour illustrer le pro-
blème, c’est le fameux chat de Schrödinger. Imaginons un chat dans une
boîte. À côté du chat, on met un atome qui est à moitié dans l’état fonda-
mental (numérotons le “0”) et à moitié dans l’état excité (numéroté “1”).
On imagine aussi un appareil de mesure parfaitement idéal : si l’atome
était dans un état superposé, à la fois “O” et “1”, l’appareil acherait une
superposition des deux. C’est une mesure idéale, qui ne perturberait pas
l’objet mesuré. Si jamais l’état mesuré est “1”, l’appareil déclenche l’ouver-
ture d’une ole de poison qui tue le chat. Ensuite, on ouvre la boîte, et ce
faisant, on mesure l’état du chat, on regarde s’il est mort ou vivant.
Évidemment, quand on ouvre la boîte, soit le chat est mort, soit il est
vivant. Mais soit on suppose que le chat est capable de faire une mesure
tout seul, et alors il était mort ou vivant avant que nous ouvrions la boîte.
Soit ce qui se passe, c’est que comme l’atome est dans un état superposé,
198 9. M 

si l’appareil fait une mesure parfaite alors il se met aussi dans un état
superposé : le résultat de la mesure est à la fois “0” et “1” à 50% chacun.
Du coup, le chat est tué à 50% par l’appareil. Il est lui aussi mis dans un
état superposé (comme l’atome, l’appareil de mesure et la ole de poison)
à moitié mort, à moitié vivant. Et dans cette vision des choses, c’est quand
on ouvre la boîte qu’on fait une mesure et que l’état du chat se décide.

F 9.5 – Un atome est dans un état superposé entre le fondamental et le


premier état excité. S’il est dans le fondamental, l’appareil de mesure ne fait
rien. La ole de poison reste intacte, et le chat vivant. Si l’atome est dans l’état
excité, l’appareil de mesure casse la ole et le chat meurt. Ici, on a illustré le
cas où le chat est mort et vivant à la fois.

La question est donc : avant qu’on ouvre la boîte est-ce que le chat
était déjà mort ou vivant ou est-ce qu’il était mort et vivant ? Le résultat
étant le même à la n, cela veut dire qu’il est impossible de trancher cette
question. On ne peut pas savoir si le chat tout seul est capable de faire la
mesure quand nous ne sommes pas là, puisque justement, nous n’avons
pas le droit d’être là pour le savoir. Et si nous sommes là, nous perturbons
la mesure faite par le chat 1 .

1. C’est comme se demander si les arbres font du bruit quand ils tombent dans la forêt
si rien ni personne ne les écoute. Si je vous dis qu’ils font exprès de tomber doucement
pour ne pas gêner votre voisin, vous allez rigoler, mais vous ne pourrez pas me prouver le
contraire, ça n’est pas possible. Ce que vous avez fait, c’est utiliser le rasoir d’Ockham qui
vous incite à ne considérer que la solution la plus simple. Et c’est compliqué de penser
que les arbres savent tomber doucement quand ils veulent. Parfois, les gens oublient
d’utiliser le rasoir d’Ockham. Ça s’appelle le complotisme.
C     199

Les physiciens se posent aujourd’hui encore ces questions. Pour vous


donner un exemple, quelqu’un a proposé de se mettre à la place du chat : si
vous, vous étiez à 50% mort et à 50% vivant, comment vous sentiriez vous ?
La partie de vous qui est vivante se sentirait sans doute pas mal. Pourquoi
ne pas imaginer qu’à chaque mesure les diérents résultats ne continuent
pas à co-exister ? Si ça se trouve, notre univers est en fait un ensemble de
mondes possibles qui coexistent : des mondes parallèles. Certains diront
que c’est une façon de botter en touche - de toute façon, on ne peut pas
trancher...


Compter des moitiés de chats

Pour résumer, le vrai monde physique est très compliqué. Un électron


qui “tourne” autour d’un noyau est en fait une onde qui vibre, et qu’on peut
voir comme étant sur plusieurs modes (les orbitales) “à la fois”. Mais la
plupart du temps, on ne considère pas juste un électron, ou juste un atome.
En général, on en considère plein. Imaginons que vous éclairiez un objet
phosphorescent : vous éclairez des milliards d’atomes à la fois. Comme
ils sont très nombreux, c’est la même chose pour vous si tous les atomes
sont dans un état de superposition (dans l’état fondamental et dans l’état
excité à 50/50), ou si la moitié des atomes sont dans l’état fondamental, et
la moitié des atomes sont dans l’état excité.
Bref, c’est un peu comme si vous aviez plein de chats dans des boîtes,
qui sont peut-être bien morts, peut-être bien vivants. Mais si vous voulez
savoir combien il y aura de chats morts à la n, vous allez considérer
que deux chats mort et vivants à la fois, c’est comme un chat mort et un
chat vivant. Comme vous ne pouvez pas savoir si le chat de Schrödinger
est mort et vivant, ou bien mort ou vivant, vous allez décider que c’était
mort ou vivant pour pas vous compliquer la vie, et rééchir comme ça
parce que vous considérez plein de chats à la fois et que vous n’avez pas le
temps de vous encombrer avec cette distinction. C’est un saut conceptuel
très important, mais il va nous permettre de prédire des comportements
quantiques sans avoir à faire trop d’eorts d’imagination.
À partir de maintenant, nous allons donc supposer que les atomes
sont tous, et toujours, dans un état d’énergie bien déni - bref que les
électrons sont sur une et une seule orbitale - parce qu’on a le droit de le
faire quand on considère plein d’atomes. Ce raisonnement permet aussi de
comprendre pourquoi il n’est pas complètement idiot, quand on considère
200 9. M 

plein d’électrons libres dans un métal, de se dire qu’ils sont tous comme
des petites billes. Comme ils sont nombreux, vous avez le droit d’oublier
un peu que chacun d’entre eux est un blob, c’est-à-dire qu’il est à plein
d’endroits “à la fois”’ pour dire que chaque électron est en fait à un endroit
précis. Parce que ça vous arrange de rééchir comme ça. Ce raisonnement
marche tant qu’il n’entre pas en contradiction avec le fait que chaque
électron se comporte comme une onde. Vous pouvez imaginer les électrons
libres dans un métal comme un gaz de petites billes, ça simplie les choses
et c’est en accord avec la mécanique classique. Mais si vous essayez de
rééchir à l’expérience des fentes d’Young, votre raisonnement va vite
trouver ses limites.


Le photon

Nous allons maintenant nous intéresser à la façon dont la lumière


interagit avec les atomes. Prenons un atome d’hydrogène avec un seul
électron, dans son état fondamental. Une onde lumineuse passe par là.
L’électromagnétisme classique nous permet d’imaginer que l’amplitude
de l’onde électro-magnétique peut être quelconque et que donc, elle peut
contenir une quantité arbitraire d’énergie. Autant qu’on veut, et aussi peu
qu’on veut.
En réalité, il va falloir admettre que toutes les amplitudes ne sont pas
possibles pour une onde de fréquence et de longueur d’onde donnée. Un
peu comme si vous ne pouviez pas agiter une corde avec la force que vous
vouliez, mais qu’il fallait respecter des paliers. L’énergie transportée par
l’onde a des sortes de “crans” tous identiques. Chaque cran représente
une certaine quantité d’énergie. L’onde peut transporter un, deux, trois
ou mille fois cette quantité d’énergie élémentaire, mais elle en transporte
toujours un nombre entier. En mécanique quantique, les gens ne parlent
pas de “cran”, ou de PPOLP (Plus Petite Onde Lumineuse Possible) ça fait
pas très sérieux. On parle de quantum, ça claque plus. Un quantum de
lumière est un truc absolument indivisible, une unité de lumière.
En l’occurence, on a même donné un nom au quantum de lumière. On
l’a appelé le photon. Dans une onde lumineuse, il peut donc y avoir un,
deux ou mille photons. C’est sans limite, mais c’est toujours un nombre
entier. On dit aussi que le photon est une particule de lumière. Mais vous
voyez bien que là, même si on parle de particule, on est très très loin de
l’image d’une petite bille. Au contraire, comme un photon est caractérisé
I 201

par une longueur d’onde et une fréquence très précises, un photon c’est
très grand ! En gros, un seul photon a la même taille que toute l’onde
puisque c’est juste un “cran” de l’onde. Évidemment, vous pouvez toujours
mettre des détecteurs pour vous dire “où est le photon”. Et vous aurez une
réponse ! Mais encore une fois, ça n’est pas pour autant qu’il faut imaginer
une petite bille. Parce que vraiment, on ne voit pas bien comment attribuer
une longueur d’onde à une petite bille...

F 9.6 – Une vue d’artiste d’une onde électromagnétique en mécanique


quantique : on voit que l’onde ne peut pas avoir une amplitude quelconque,
mais qu’elle doit respecter des paliers. Chaque palier supplémentaire est ce
qu’on appelle un photon. Donc un photon, si on doit dénir sa taille, on est
obligé de dire qu’il a la même taille que toute l’onde !


Indiscernabilité

Vu la façon dont on a déni la “particule” photon, on sent bien que


ses propriétés vont être un peu spéciales. Par exemple, les photons sont
absolument indiscernables. C’est un peu comme avec la température :
quand vous dites que vous avez perdu deux degrés depuis hier 1 , vous ne
dites pas que le 10ème et le 14ème sont partis. De la même manière, quand
vous avez un troupeau de photons (pardon, une onde lumineuse), vous ne
pouvez pas les numéroter, ça n’aurait aucun sens puisque le nombre de
photons ne fait que mesurer l’énergie contenue dans l’onde.
1. Y’a plus de saison. En même temps, avec le changement climatique...
202 9. M 

Ce qu’il faut ensuite admettre, c’est qu’en mécanique quantique, abso-


lument toutes les particules même les plus “normales” sont indiscernables.
Autrement dit, quand vous pensez à des électrons autour d’un noyau, il
faut un peu plus les penser comme un nuage d’électrons indiscernables, de
la même manière qu’on a une sorte de troupeau de photons indiscernables
dans une onde électromagnétique.
Dans un atome à plusieurs électrons, chaque orbitale ne peut contenir
que deux électrons au maximum. On pourrait se demander si, en réalité
certains électrons ne seraient pas à cheval sur plusieurs orbitales, puisqu’on
sait que pour un électron seul, c’est possible. Mais ça n’a vraiment pas
de sens, puisqu’ils sont indiscernables. Ça serait un peu comme si on se
demandait sur un thermomètre si le 13ème degré ne serait pas un peu à
cheval sur les degrés 25 et 26, le jour où il fait 30 degrés. Ça n’a pas de
sens de se poser cette question. Les électrons sont indiscernables, donc
ils remplissent les orbitales jusqu’à un certain point et puis c’est tout. Il
vaut donc mieux penser les électrons comme un seul nuage, le nuage
électronique.
Ce qui est amusant, c’est de se dire que tous les objets que nous avons
l’habitude de discerner, de compter, comme les moutons, sont faits d’objets
complètement indiscernables, et pas juste parce qu’on sait pas leur écrire
un numéro dessus. Ce sont des objets fondamentalement indiscernables,
que ça n’aurait pas de sens de discerner.


Interaction entre la lumière et les atomes

Prenons un atome dans son état fondamental et une onde électroma-


gnétique de fréquence donnée. La mécanique quantique nous dit que l’onde
ne peut perdre de l’énergie pour la donner à l’atome que paquet par paquet.
Chaque paquet est un photon qui emmène une énergie qui est en réalité
proportionnelle à sa fréquence. Un photon bleu avec une longueur d’onde
de 400 nm et une fréquence de 750 000 milliards de hertz, par exemple, a
deux fois plus d’énergie qu’un photon rouge de longueur d’onde de 800
nm et de fréquence 375 000 milliards de hertz.
L’atome ne peut prendre de l’énergie que si il reçoit la bonne quantité
d’énergie, celle qui lui permet de passer de l’état fondamental à l’état excité
– sinon il ne se passe rien. Si un cran de l’onde lumineuse correspond
exactement à l’énergie qui lui manque, il peut le prendre et passer de l’état
fondamental à l’état excité. Mais ce transfert ne peut se faire que si le
I       203

photon a la bonne énergie, donc une fréquence très précise. Autrement


dit, un atome ne peut absorber que des couleurs très précises du spectre.
Quand on regarde en détail la lumière qui nous vient du soleil, qu’on
regarde précisément son spectre, on trouve eectivement le spectre d’un
objet qui rayonne parce qu’il est chaud, le fameux rayonnement thermique
du corps noir. Mais dans ce spectre, il y a des trous. Certaines couleurs
sont absentes. Elles correspondent aux atomes qui sont présents dans
l’“atmosphère” du soleil, juste à l’extérieur. Ces atomes sont plutôt froids
par rapport au Soleil. Ils sont dans leur état fondamental. Ils n’émettent
pas de lumière, mais ils absorbent celle qui vient du Soleil quand elle a
la bonne longueur d’onde et qu’elle leur permet de passer dans un état
de plus haute énergie, un état excité. Comme chaque type d’atome a des
niveaux d’énergie qui lui sont propres, cela veut dire que chaque type
d’atome absorbe des couleurs particulières. Ces couleurs sont sa signature.
C’est en regardant quelles couleurs sont absentes dans le spectre solaire
qu’on sait quels atomes sont présents dans l’atmosphère du Soleil. C’est
même comme ça qu’on sait de quoi le Soleil est constitué.

F 9.7 – À gauche, avant l’absorption, l’atome est dans son état fon-
damental. L’onde lumineuse comporte un certain nombre de photons. Si la
fréquence du rayonnement est la bonne, l’onde décroît d’un photon et l’atome
passe dans un état excité de plus haute énergie (au milieu). Le schéma sur la
droite résume le phénomène.

Le processus inverse de l’absorption s’appelle l’émission. Un atome ex-


cité est capable d’émettre un photon, c’est-à-dire d’augmenter l’amplitude
de l’onde lumineuse en revenant à son état fondamental. Cette émission
se fait, bien souvent, de façon spontanée. Quand on fait des décharges
électriques dans un gaz d’hydrogène à l’intérieur d’une ampoule, on excite
un certain nombre d’atomes. On les a mis dans des états de plus haute
énergie que le fondamental. Quand ils se désexcitent, ils émettent des
204 9. M 

couleurs très particulières : celles qui correspondent à des transitions entre


les états possibles. Cette fois, la signature de l’hydrogène se retrouve dans
les couleurs émises, pas dans celles absorbées. Le spectre de la lumière
émise par l’hydrogène est un spectre de raies, parce qu’on n’observe que
des couleurs très précises.
Le premier grand succès de la mécanique quantique est bien d’avoir
expliqué pourquoi les atomes émettent des spectres de raies et mieux,
d’avoir réussi à calculer précisément quelles devaient être les raies de
l’hydrogène. C’est la preuve la plus solide que toutes ces histoires de
quantication et de photon étaient justes. On voit par contre que ça n’était
pas facile à deviner à partir des expériences...


Fluorescence et lessive

Les molécules sont de grosses structures et au lieu d’absorber certaines


couleurs, elles peuvent absorber toute une gamme de couleur. Un colorant
bleu est une molécule qui va absorber la partie verte et la partie rouge du
spectre par exemple. Au lieu de ré-émettre l’énergie absorbée, la molécule
la transforme en agitation microscopique, en chaleur. En aucun cas un
colorant n’émet vraiment de lumière - il ne fait que l’absorber.
Et puis il y a les matériaux uorescents. Quand une molécule de ce
matériau reçoit de la lumière, elle commence par l’absorber. Elle se trouve
alors dans un état excité. Elle va se désexciter d’abord par petites touches
et va perdre petit à petit de son énergie en la transformant en chaleur,
en se cognant aux molécules voisines 1. Dans un matériau uorescent,
la molécule nit toujours dans un état particulier, l’état excité le plus
bas. Ce n’est pas l’état fondamental, mais pour se désexciter à partir de
là, il faut se débarasser d’une grosse quantité d’énergie d’un coup. Et la
molécule le fait en émettant de la lumière d’une couleur caractéristique de
la molécule, la couleur qui correspond à la transition entre l’état excité et
l’état fondamental.

1. Dans ce cas, à chaque collision, les molécules repartent avec un peu plus d’énergie
cinétique qu’avant mais elles sont moins excitées. Elles sont plus agitées, ce qui signie
qu’on a augmenté la température et transformé en chaleur l’énergie potentielle de la
molécule.
F   205

F 9.8 – On résume la uorescence par ce schéma sur lequel on voit très
nettement que la lumière absorbée n’a pas la même couleur que la lumière
émise, qui correspond à une transition d’énergie plus faible. Entre le niveau
supérieur et le premier niveau excité, la molécule a perdu de l’énergie mais
sans émettre de lumière.

Quand vous éclairez un colorant orange avec du bleu, le colorant ne


renvoie rien, parce qu’il n’y avait pas d’orange à rééchir dans la lumière
qui lui arrivait. Il paraît donc sombre. Au contraire, un matériau orange
uo éclairé par de la lumière bleue va paraître orange quand même ! La
molécule a absorbé le bleu parce qu’il fournit plus d’énergie qu’il n’en
faut pour l’exciter. Puis elle est retombée petit à petit dans l’état excité le
plus bas. Quand elle se désexcite nalement, elle émet alors du orange qui
n’était pas dans la lumière initiale. Un matériau orange uo paraît éclatant
parce qu’il sait transformer d’autres couleurs en orange, et émet nalement
plus de orange qu’il n’en reçoit !
Par contre si vous éclairez un matériau vert uo avec du rouge il ne se
passera rien : un photon rouge a moins d’énergie qu’un photon vert, donc
il ne peut pas exciter la molécule vert uo ! Constater ce phénomène vous
donne la preuve que la lumière ne peut céder que des photons à la matière.
Une façon d’être sûr de toujours exciter les matériaux uorescents,
c’est de les éclairer avec de la lumière violette, qui a les photons les plus
énergétiques, voire avec de la lumière de longueur d’onde encore plus
courte. Nous ne pouvons pas voir cette lumière, qu’on appelle l’ultra-
violet, ou plus communément lumière noire, mais elle est capable d’exciter
tous les matériaux uorescents. C’est forcément spectaculaire parce qu’on
éclaire des matériaux avec une lumière invisible et qu’ils paraissent alors
éclatants.
206 9. M 

C’est d’ailleurs aussi le cas avec les vêtements blancs : ceux-ci contien-
nent des colorants spéciaux qu’on appelle des azurants optiques. Ils sont
aussi uorescents : ils absorbent les ultraviolets (UV) et ré-émettent une
lumière contenant du bleu et du vert. Évidemment, il est très tentant pour
un fabricant de lessive de mettre des azurants optiques dans ses produits.
Une chemise contenant des azurants optiques va transformer les UV du
soleil en lumière visible blanche légèrement bleutée. Au nal la chemise
est vraiment plus blanche que blanche 1 !
Incontestablement les soirées en boîte de nuit doivent beaucoup à la
mécanique quantique. C’est là d’ailleurs qu’on voit bien que toutes les
peluches de tissus blancs contiennent des azurants optiques...
Dans certains matériaux, l’état excité le plus bas est en fait très stable :
les molécules peuvent rester très longtemps dans un tel état et ré-émettre la
lumière quelques minutes après avoir été excitées. C’est ce qu’on appelle la
phosphorescence. La diérence est essentiellement une question de timing.


Lasers

Il se trouve que, pour expliquer le rayonnement thermique d’un point


de vue quantique, on est obligé d’admettre que plus il y a de photons dans
une onde lumineuse, plus il y a de chances pour qu’un atome excité se
désexcite et ajoute un photon à l’onde lumineuse – si bien sûr elle a la
bonne fréquence. Cette émission ressemble à la désexcitation spontanée,
mais il y a ce petit ingrédient supplémentaire qui fait qu’on peut déclencher
la désexcitation grâce à des photons en grand nombre. C’est l’émission
stimulée et grâce à ça, on peut faire des lasers.
Imaginons donc tout d’abord une cavité pour la lumière : il s’agit de
deux miroirs placés face à face. La lumière peut faire des aller-retours
dans cette cavité et devinez quoi ? Des modes apparaissent, comme sur
une corde, avec des fréquences bien précises. L’un de ces modes nous
intéresse particulièrement, parce qu’il a une fréquence et donc une couleur
qui correspond à la transition d’un atome donné entre l’état fondamental
et l’état excité. On prend plein de ces atomes, et on les place dans la cavité,
entre les deux miroirs. C’est idéal pour que le mode de l’onde lumineuse
puisse interagir avec les atomes.

1. Plus blanche qu’un tissu blanc sans les azurants optiques, et donc d’un blanc
particulièrement éclatant, mais c’est tricher un peu...
L 207

F 9.9 – Un laser est constitué d’atomes qu’on “pompe” avec des ashs
lumineux par l’extérieur. Dans la cavité existent, exactement comme pour
la corde vibrante, des modes de vibration pour la lumière. L’und’entre eux a
exactement la bonne couleur, celle capable de faire passer les atomes de l’état
fondamental à l’état excité. Au départ, il n’y a pas tellement de photons dans
ce mode.

On éclaire alors par le côté les atomes avec des ashs. Certains s’ex-
citent, puis émettent de la lumière. C’est de la désexcitation spontanée.
Cette émission spontanée n’a absolument aucune raison de partir vers les
miroirs, au contraire, elle se fait dans toutes les directions, un peu n’im-
porte quand et n’importe comment. Comme, en plus, les atomes bougent,
et à cause notamment de l’eet Doppler, la couleur émise est étroite, mais
pas tant que ça. Certains atomes vont eectivement ajouter des photons
au mode de la cavité qui nous intéresse. Mais s’il y a beaucoup d’atomes
qui sont encore dans l’état fondamental, parce qu’on n’a pas réussi à les
exciter, ceux là vont ré-absorber les photons de la cavité.
Tout change si on fait des ashs susamment forts et susamment
rapprochés pour que la majorité des atomes soient dans un état excité.
Quand on atteint ce seuil, certains atomes commencent à ajouter des
photons au mode de la cavité. Ces photons ne vont pas être ré-absorbés,
puisque la plupart des atomes sont déjà excités. Au contraire, comme il
commence à y avoir pas mal de photons dans le mode, tous les atomes se
mettent à ajouter eux aussi des photons au mode. C’est l’émission stimulée :
plus il y a de photons, plus cela encourage la désexcitation des atomes,
plus il y a encore de photons, et plus la désexcitation est encouragée. Un
truc de dingue. Les atomes amplient l’onde lumineuse. Ils sont alors ré-
excités par les ashs, et ça continue. La lumière au sein de la cavité devient
extrêmement intense, et d’une seule couleur extrêmement précise, puisque
208 9. M 

tous les photons émis sont les photons du même mode de la cavité, qui a
une fréquence extrêmement précise.
En réalité, un des miroirs laisse passer disons 1% de la lumière, et
rééchit le reste. Il y a donc une lumière qui sort de la cavité, c’est le fais-
ceau LASER 1. Comme le mode de la cavité a une fréquence extrêmement
précise, et une direction extrêmement précise également, la lumière qui
sort possède aussi cette propriété unique. Alors que l’émission spontanée
est un peu large et part dans toutes les directions, le fait de placer ces
atomes entre deux miroirs leur donne à tous la possibilité de contribuer au
mode de vibration de la cavité par émission stimulée, plutôt qu’à émettre
n’importe comment. À la n le mode est tellement rempli de photons que
c’est lui qui l’emporte sur absolument tout autre façon d’émettre de la
lumière.
L’émission stimulée est un phénomène assez universel, et c’est ainsi
qu’on a réussi à faire “laser” des semi-conducteurs, qui ont l’avantage
de ne pas avoir besoin de ash pour l’excitation, un courant électrique
sut ! C’est ainsi qu’on a maintenant des diodes laser qu’on peut mettre
absolument partout. Avec des lasers on fait des imprimantes, on lit des CD
et des DVD, on fait des opérations chirurgicales, on découpe du métal et
même on transmet l’information sur Internet dans des bres optiques. Les
applications du laser semblent presque illimitées.


Eet tunnel, intrication et téléportation

Comme un électron est un petit paquet d’onde, il est dicile de l’arrê-


ter totalement. Quand vous lui opposez une barrière, comme un champ
électrique qui le repousse, il va être repoussé, mais il va aussi se déformer
et une toute petite partie du paquet d’onde peut arriver à passer la barrière
si elle est un peu ne. Pour résumer : pour un paquet d’onde, un mur
parfait, ça n’existe pas.
Là où ça devient rigolo, c’est quand vous prenez un appareil de mesure
pour savoir de quel côté est la particule. En pratique, une grosse partie du
paquet d’onde a été repoussé, et une petite partie est passée. Si vous mettez
un écran de l’autre côté de la barrière, vous allez faire une mesure et vous
allez peut-être voir un point sur l’écran. Vous en déduisez que l’électron
1. Light Amplication by Stimulated Emission of Radiation, ce qui veut dire un truc
du style : Amplication de Lumière par Emission Stimulée de Radiation. On aurait pu
enlever le “R”, en fait. Mais c’est plus joli, parce qu’un “sabre lase” c’est naze.
E ,    209

est bien passé alors que la plus grosse partie a été repoussée ! C’est un peu
grâce à cette mesure que vous avez fait passer l’électron. Bien sûr il faut
avoir un peu de chance. Vous trouverez que la plupart des électrons ont
été repoussés par la barrière. Mais pour ceux qu’on mesure comme étant
passé, c’est un peu magique, comme si ils avaient traversé la barrière par
une sorte de tunnel. C’est pour cette raison qu’on appelle ce phénomène
l’eet tunnel.
L’eet tunnel est sans doute une raison supplémentaire de ne pas se
taper la tête contre les murs. Le mur constitue en eet une barrière pour
vos particules. Bien sûr, les chances pour que vous passiez de l’autre côté du
mur sont très très faibles. Mais si on prend en compte la nature quantique
de vos particules, cette possibilité n’est pas absolument nulle. Cela dit elle
est tellement faible, que si jamais vous arriviez à traverser le mur, vous
n’auriez pratiquement aucune chance de pouvoir vous extraire. Vous seriez
coincé. Pensez-y la prochaine fois !
Pour terminer, la mécanique quantique ouvre beaucoup de perspec-
tives extrêmement futuristes, qui font beaucoup rêver aujourd’hui, dont la
téléportation et l’ordinateur quantique...
Imaginez qu’un atome qui est dans un état excité interagisse avec un
atome dans un état fondamental, les deux atomes étant identiques par
ailleurs. On peut tout à fait imaginer que l’ensemble des deux atomes
passe par un état un peu bizarre, une superposition. Pour 50%, rien n’a
changé (le premier atome est excité et le deuxième est dans un état fon-
damental) et pour 50% l’atome initialement excité s’est désexcité pour
arriver dans l’état fondamental mais le deuxième a été excité. C’est une
sorte d’échange d’énergie, mais inachevé, comme si l’ensemble des deux
atomes était dans une superposition équilibrée entre deux états. Et c’est
parfaitement possible.
Mais dans ce cas, l’état d’un des deux atomes est lié à celui de l’autre.
Si on fait une mesure sur le premier atome, la mesure force à décider si
il est dans l’état fondamental ou dans l’état excité. En faisant cela, on
saura obligatoirement dans quel état est l’autre atome, même si on ne l’a
pas encore mesuré. On sait que si le premier atome est trouvé dans l’état
fondamental, l’autre doit être dans l’état excité, et inversement.
Si vous dites qu’avant la mesure, chacun des deux atomes était à moitié
dans l’état fondamental, à moitié dans l’état excité, la mesure indépendante
de chacun des atomes pourrait tout à fait vous donner que les deux se
retrouvent dans l’état fondamental, ou les deux dans l’état excité. Ici, ce
n’est pas ça : les atomes se retrouveront forcément dans des états inverses
210 9. M 

l’un de l’autre. Il n’est donc pas possible de décrire un atome sans décrire
l’autre.
Ce lien entre les deux atomes, lié au fait qu’ils ont interagi, est appelé
la corrélation et on dit que les deux atomes sont intriqués, comme s’ils
s’étaient mélangés et qu’on ne pouvait plus les séparer. Cette intrication
est très fragile parce que si le deuxième atome interagit maintenant avec
d’autres atomes un peu n’importe comment, il va se corréler avec eux - et
perdre le lien qui le liait au premier atome 1 . Mais cette corrélation n’étant
pas une force, c’est une interaction qui ne se propage pas : elle est instanta-
née. Quand deux particules sont corrélées, c’est un peu comme si elles ne
formaient plus qu’un seul système : aussi loin soit le deuxième atome du
premier, si on touche le premier, le deuxième est modié instantanément.
Imaginons qu’on corrèle deux atomes, puis qu’on les éloigne en conser-
vant l’intrication. On peut envoyer un des deux atomes sur Mars, par
exemple. On peut ensuite modier l’état de l’atome resté sur Terre, puis
faire en sorte que les états de l’atome sur Terre et l’atome sur Mars s’in-
versent. Autrement dit, on a réussi dans ce cas à transporter l’état de
l’atome resté sur Terre sur Mars. Comme les atomes sont fondamentale-
ment indiscernables, c’est comme si vous aviez envoyé votre atome sur
Mars instantanément : vous l’avez téléporté. Il faut de toutes façons que
les atomes fassent le voyage avant, on ne peut donc pas décider de se
téléporter comme on veut à n’importe quel endroit. Et puis on n’arrivera
probablement jamais à téléporter autre chose que l’état d’une seule par-
ticule. Mais en échangeant des particules corrélées ou intriquées comme
des photons, on peut aussi communiquer secrètement. C’est pour cela que
les technologies quantiques soulèvent énormément d’intérêt...
Les ordinateurs quantiques sont aussi une application amusante de la
mécanique quantique. Un ordinateur classique code les “0” et les “1” sur
des transistors (en très très gros : si le courant passe c’est “1”, s’il ne passe
pas c’est “0”). On peut faire un peu la même chose avec des atomes : on
appelle “0” l’état fondamental et “1” le premier état excité. Ensuite, on
peut faire des calculs. La seule chose, c’est qu’on peut mettre les atomes de
l’ordinateur quantique dans une superposition de tous les états, donc tous
les nombres possibles et faire ainsi le même calcul sur tous les nombres à la
fois. La grosse diculté, c’est qu’il faut garder tous les atomes constituant
l’ordinateur quantique corrélés : il faut à tout prix éviter qu’ils ne touchent
la carcasse ou tout ce qui entoure les atomes, sinon la superposition serait

1. Loin des yeux...


E ,    211

détruite et on ne pourrait pas faire de calcul du tout. Il n’est pas sûr qu’un
ordinateur quantique vraiment ecace soit réalisé un jour, mais comme
ils seraient très puissants, beaucoup, beaucoup de gens s’y intéressent.

Vous avez pu le voir, c’est sûr, la mécanique quantique n’est pas intuitive.
Ses prédictions semblent un peu dingues. Mais j’espère vous avoir persuadé
qu’elle peut tout à fait se comprendre, et plus particulièrement si on abandonne
l’idée que les particules sont des points matériels inniments petits. Même un
noyau atomique n’est pas du tout un point : on peut aussi faire l’expérience
des fentes d’Young non pas avec des électrons, mais avec des atomes entiers.
Et on a toujours des interférences...
T  

Avant-propos 3

1 Énergie 5
1.1 L’énergie se conserve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2 Le sens du temps, le désordre et le billard . . . . . . . . . . 10
1.3 Énergie et entropie : le lien . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.4 L’énergie sur Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5 Vous, moi, le monde et l’entropie . . . . . . . . . . . . . . . 22

2 Mécanique 25
2.1 Inertie, forces et blagues en apesanteur . . . . . . . . . . . 25
2.2 Frottements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.3 Le poids, la gravitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.4 Il en a fait un pendule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.5 Le centre de gravité : ça va vous faire marée . . . . . . . . 36
2.6 La rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

3 Mécanique des uides 47


3.1 La pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.2 La poussée d’Archimède . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.3 Quelques propriétés de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.4 Capillarité et tension supercielle . . . . . . . . . . . . . . 55
3.5 La convection, les bougies, le vent . . . . . . . . . . . . . . 58
3.6 Vitesse et pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
3.7 Turbulence et météo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

4 Électromagnétisme 69
4.1 Charges et champ électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
214 TABLE DES MATIÈRES
TABLE MATIÈRES

4.2 Le courant électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73


4.3 Pourquoi l’électricité c’est dangereux . . . . . . . . . . . . 75
4.4 Le courant alternatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
4.5 Éclairs et étincelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
4.6 Le champ magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
4.7 Dipôle électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
4.8 Champ magnétique & particules chargées . . . . . . . . . . 87
4.9 Produire de l’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
4.10 Produire du mouvement avec de l’électricité . . . . . . . . 92

5 Ondes 95
5.1 Longueur d’onde et fréquence . . . . . . . . . . . . . . . . 95
5.2 Interférences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
5.3 Corde vibrante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
5.4 Ondes acoustiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
5.5 Harmoniques et timbre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
5.6 Eet Doppler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
5.7 Les ondes électro-magnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . 110
5.8 Micro-ondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
5.9 Rayonnement thermique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
5.10 Rayons X et gamma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

6 Lumière 117
6.1 Réfraction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
6.2 Miroir, mon beau miroir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
6.3 Réexion totale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
6.4 L’œil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
6.5 Instruments d’optique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
6.6 Peut-on voir sans être vu ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
6.7 Polarisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
6.8 Diraction et interférences . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

7 Structure de l’univers 145


7.1 Des quarks aux atomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
7.2 La liaison chimique et les molécules . . . . . . . . . . . . . 149
7.3 Chiralité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
7.4 Réactions chimiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
7.5 La matière dans tous ses états . . . . . . . . . . . . . . . . 156
7.6 La chaleur latente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
TABLE DES MATIÈRES 215

7.7 La Lune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159


7.8 Saisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
7.9 Le ciel nocturne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
7.10 Des galaxies au Big Bang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
7.11 Nucléosynthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
7.12 Radioactivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
7.13 Carbone 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

8 Relativité 175
8.1 Relativité galiléenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
8.2 Point de vue galiléen ou pas . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
8.3 J’ai mal au cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
8.4 La force de Coriolis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
8.5 Relativité restreinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
8.6 Le “paradoxe” des jumeaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
8.7 Relativité générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

9 Mécanique quantique 191


9.1 Fentes d’Young . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
9.2 La quantication & la superposition . . . . . . . . . . . . . 193
9.3 La mesure et le chat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
9.4 Compter des moitiés de chats . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
9.5 Le photon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
9.6 Indiscernabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
9.7 Interaction entre la lumière et les atomes . . . . . . . . . . 202
9.8 Fluorescence et lessive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
9.9 Lasers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
9.10 Eet tunnel, intrication et téléportation . . . . . . . . . . . 208
TOUTE
LA PHYSIQUE
SANS LES
ÉQUATIONS

Si vous avez déjà eu envie qu’on vous raconte la physique, plutôt que
de vous montrer des équations, ce livre est fait pour vous.

Bien sûr, il y aura de la thermodynamique, de l’électromagnétisme


et toutes les mécaniques possibles puisqu’il s’agit de dresser un panorama
de la physique. Mais vous comprendrez aussi pourquoi les grosses
mouches vertes sont la preuve que la lumière est une onde, que la Loi
de l’Emmerdement Maximum peut être considérée comme un principe
de la thermodynamique et que les extra-terrestres n’ont qu’une chance
sur deux de pouvoir nous digérer correctement. Vous partagerez enn
cette fascination des physiciens pour les chats à moitié morts et verrez
comment on peut téléporter une particule sans la déplacer.

La physique vous paraîtra nettement moins étrange après, promis,


mais vous ne verrez peut-être plus tout à fait le monde comme avant !

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