BOUGEROL Thierry P03

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Sciences Humaines et Sociales

Connaissance et langage

Chapitre 3 :
Le cerveau et les émotions
Professeur Thierry BOUGEROL

Médecine P1 Multimédia - Année 2006/2007


Faculté de Médecine de Grenoble - Tous droits réservés.
Le Cerveau et les Émotions
• Définition (B. Rimé, 1999) :
– Constellation de réponses de forte intensité qui comportent
des manifestations expressives, physiologiques et
subjectives typiques
– Elles s’accompagnent généralement de tendances d’action
caractéristiques et s’inscrivent en rupture de continuité par
rapport aux processus qui étaient en cours chez le sujet au
moment de leur apparition
• Comme la plupart des phénomènes psychiques, les
émotions peuvent être abordées selon 3 aspects :
– Physiologique
– Comportemental
– Cognitif
Aspects physiologiques des émotions
• Traduisent l’excitation émotionnelle
• Préparent le sujet au combat ou à la fuite (fight or fly)
• Le corps se prépare pour l’action :
– Glycogénolyse hépatique
– Accélération de la fréquence respiratoire
– Diminution du travail de digestion
– Augmentation du diamètre pupillaire
– Augmentation de la sudation
– Hypercoagulabilité sanguine
– Mise en jeu du système nerveux sympathique :
• Sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline
• Accélération cardiaque et élévation tensionnelle
Excitation émotionnelle
L’excitation émotionnelle est adaptative
• Une excitation trop faible comme une excitation trop forte est
préjudiciable
• La performance optimale est obtenue pour un niveau
d’excitation modéré qui varie suivant la tâche
Nature des émotions
• On reconnaît l’existence de ≈10 émotions de base (Izard, 1977)
– Joie – intérêt/excitation – surprise – tristesse – colère – dégoût –
dédain – peur – honte – culpabilité
• Les autres émotions sont des combinaisons de ces émotions
fondamentales
– Ex : amour = joie + intérêt/excitation
• Il n’y a pas de différence majeure entre les réactions
physiologiques liées à ces différentes émotions
– Augmentation légèrement plus importante de la FC lors de la peur ou
de la colère que lors de la joie
– Il est très difficile de différencier sur la base de leurs seules réactions
physiologiques les spectateurs de films tristes ou drôles
Nature des émotions #2
• Les individus en proie à des émotions différentes se
conduisent différemment = aspect comportemental
– Comportement général et communication non verbale
• Permet la reconnaissance par autrui des émotions exprimées
Expression faciale des émotions
– La signification des gestes varie avec la culture
– Les différences siègent dans la façon et l’intensité
avec laquelle les expressions faciales expriment
l’émotion
• Dans les cultures qui privilégient l’individualisme, les
démonstrations émotionnelles sont prolongées et intenses
• Dans celles qui mettent l’accent sur l’interdépendance et la
cohésion du groupe, certaines émotions (sympathie, respect,
honte) sont amplifiées, d’autres (émotions négatives ou
d’auto satisfaction) sont réprimées
Universalité de l’expression des émotions

• Étude chez des indigènes


de Nouvelle-Guinée
– « Un de vos amis vient
d’arriver et vous êtes
heureux »
– « Un de vos enfants vient de
mourir »
– « Vous êtes en colère et
prêt à vous battre »
– « Vous venez de voir un
cochon mort depuis
longtemps »
L’expression des émotions
• Les expressions émotionnelles de base (joie, tristesse,
peur) sont universelles
• On peut les observer chez le bébé
L’expression des émotions

• L’expression des émotions met en jeu des muscles


faciaux peu ou pas contrôlés volontairement
• Certains sujets sont plus compétents que d’autres dans
la reconnaissance des émotions chez autrui
• Les expressions communiquent l’émotion
et
les amplifient ou les régulent (loi de rétroaction faciale)
Théories des émotions
• William JAMES (1890) : « Nous nous sentons tristes parce que nous
pleurons, en colère parce que nous frappons quelqu’un et effrayés
parce que nous tremblons. »
• Théorie de JAMES-LANGE : l’émotion traduit la réponse aux
modifications physiologiques intervenant dans le corps
– Les modifications physiologiques « sont » l’émotion
– En faveur de cette théorie : modifications des émotions chez les
traumatisés de la moëlle épinière (Hohmann, 1966)
• Si la lésion est basse : pas de modification des émotions
• Si la lésion est haute (anesthésie à partir du cou) : réduction
importante des émotions (émotions « mentales »)
Théories des émotions #2
• Critiques de la théorie de JAMES-LANGE
– Il n’y a pas de différence physiologique permettant de
rendre compte des différentes émotions
– Le temps de réaction physiologique est trop long pour
rendre compte des émotions soudaines
• Théorie de CANNON-BARD (1927) : excitation
physiologique et expérience émotionnelle sont
simultanées
– Cette théorie laisse une plus grande place à la cognition
Émotions et cognition
• Les émotions sont ressenties différemment = aspect cognitif
• Quel lien existe-t-il entre ce que nous pensons et ce que nous ressentons ?
• Théorie bifactorielle des émotions de SCHACHTER
– Les émotions sont formées de 2 éléments :
• Excitation physique
• Étiquette cognitive
– L’expérience émotionnelle nécessite une interprétation consciente de
l’excitation physique
• Expérience de SCHACHTER et SINGER (1962)
– Conséquences du caractère indifférencié de l’excitation émotionnelle
• L’excitation peut amplifier n’importe quelle émotion
• L’excitation peut se répandre d’une émotion à une autre
• Toutefois, l’émotion ne requiert pas toujours une pensée consciente (ZAJONC,
1980 ; LAZARUS, 1984)
Le cas Phineas GAGE
• Contremaître sur le chantier d’une voie ferrée dans le Vermont, victime d’un
accident le 13 septembre 1848 à l’âge de 25 ans
• Article initial du Dr HARLOW, 1848 : « Passage d’une barre de fer à travers la
tête »
• 1868 : « Récupération après la projection d’une barre de fer à travers la tête »
– « Avant l’accident, Gage était considéré comme le contremaître le plus efficace et le
plus capable … Il était équilibré et ceux qui le connaissaient le considéraient comme
un homme avisé et intelligent dans son travail et très persévérant »
– Après l’accident, changement complet et définitif de personnalité : « Il est d’humeur
changeante et insolent, se laissant parfois aller à la plus grande grossièreté, manifeste
peu de considération pour ses camarades, ne supporte pas les contraintes et les
conseils quand ils sont en conflit avec ses propres désirs, parfois particulièrement
obstiné, pourtant hésitant et capricieux, élaborant des plans pour des opérations à
venir, puis les abandonnant aussitôt pour d’autres qui lui semblent meilleurs. »
L’intelligence n’est pratiquement pas affectée.
• Décédé 12 ans après l’accident
Le cas Phineas GAGE #2

• Reconstitution des
lésions cérébrales par
DAMASIO (1994) à
partir du crâne de
GAGE et de la barre
de fer, conservés dans
le Musée de la
Harvard Medical
School
Le cerveau émotionnel
• Description du « lobe limbique » par BROCA (1878)
– Ensemble d’aires corticales formant un anneau (limbus) autour du tronc
cérébral
• James PAPEZ (1930) décrit un « système de l’émotion »situé sur la
paroi médiane du cerveau
– Le cortex est impliqué dans l’expérience de l’émotion
– L’hypothalamus contrôle l’expression comportementale des émotions
– Les échanges entre cortex et hypothalamus sont à double sens (cf
théories de James-Lange et Cannon-Bard)
• Définition du « système limbique » par Paul Mc LEAN (1952)
– Forme une des 3 parties fonctionnelles primaires du cerveau (cerveau
paléomammalien)
cerveau reptilien

cerveau néo-mammalien
Le cerveau et les émotions :
exemple de la peur
• Seul dans le noir ou « comment une information sensorielle
particulière induit-elle les réponses comportementales et
physiologiques associées à la peur et à l’anxiété ? »
• Syndrome de KLÜVER et BUCY (1930)
– L’ablation bilatérale des lobes temporaux chez le singe rhésus
provoquent des modifications profondes du comportement
• Cécité psychique : ne reconnaissent plus les objets courants et n’en
comprennent plus la raison d’être
• Tendances orales : exploration des objets en les portant à la bouche
• Hypermétamorphose : besoin irrésistible d’explorer les choses
• Altération du comportement sexuel : exacerbation
• Modifications émotionnelles : disparition de la peur
Rôle de l’amygdale
• Le syndrome de KLÜVER
et BUCY a été décrit chez
l’homme lors des atteintes
temporales bilatérales (par
exemple au cours des
encéphalites)
• Les modifications
émotionnelles sont liées à
la destruction d’un noyau
gris situé dans la partie
profonde du lobe temporal
= l’amygdale
Rôle de l’amygdale #2
– L’amygdalectomie bilatérale entraîne un affaiblissement des
émotions, notamment de la peur, une réduction de l’agressivité
et des troubles de la mémoire
– Chez l’homme, la destruction bilatérale de l’amygdale entraîne
des difficultés à reconnaître les émotions exprimées sur des
visages
• Reconnaissance normale de la joie, de la tristesse ou du dégoût
• Difficultés à reconnaître la colère et surtout la peur

– La stimulation de l’amygdale entraîne un sentiment d’anxiété et


de crainte
Circuit neuronal de la peur apprise
• Expérience de KAPP chez le lapin : conditionnement à
associer un son de tonalité particulière à une sensation
douloureuse modérée
– La présentation du son cible s’accompagne :
• d’une augmentation de la FC (réaction de peur)
• de l’apparition d’une activité conditionnée des neurones du noyau
central de l’amygdale
– Une lésion de l’amygdale fait disparaître les réponses viscérales
acquises
• Description d’un circuit de la peur acquise (LeDOUX) :
– Les signaux auditifs sont transmis à une partie de l’amygdale puis
relayés par le noyau central de l’amygdale d’où les efférences
projettent sur :
• L’hypothalamus (réponses viscérales)
• La substance grise du tronc cérébral (réponse comportementale)
Circuit neuronal de la peur apprise
Rôle de l’amygdale #3

• Les souvenirs associés à la peur se forment


rapidement et durent longtemps
– Rôle dans l’apprentissage
• Par conditionnement opérant (Skinner)
• Par l’observation (apprentissage vicariant)
• L’amygdale serait impliquée dans la composante
émotionnelle des souvenirs
• Le fonctionnement de l’amygdale est
génétiquement déterminé
– Différences individuelles dans l’expérience de la peur
– Existence d’un bagage inné de certaines peurs (serpents,
araignées, falaises, …)
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