Cours Du Droit Pénal Général 2022-2023
Cours Du Droit Pénal Général 2022-2023
Cours Du Droit Pénal Général 2022-2023
Le droit pénal ou droit criminel (les deux expressions sont synonymes) au sens étroit, peut être
défini comme « l’ensemble des règles juridiques pourvues d’une peine ». Mais au sens plus large, il
s’agit de « l’ensemble des lois qui régissent l’exercice de la répression par l’Etat ». Le droit pénal,
c’est le droit de l’infraction et celui de la réaction sociale qu’elle suscite. Il est l’expression de la
politique pénale qu’un Etat exprime pour lutter contre le phénomène criminel.
Le droit pénal incrimine et sanctionne les comportements qui portent atteinte à l’organisation de
la vie sociale et aux valeurs essentielles de la société. La société édicte ces infractions pour
protéger l’ordre social, sanctionner ceux qui y portent atteinte et dissuader ceux qui seraient
tentés de le faire. C’est toute la représentativité du contrat social de Jean-Jacques ROUSSEAU. A
titre de rappel, le contrat social est un traité de philosophie politique présentant comment
l'homme, passé de l'état de nature à l'état de société, peut instituer un ordre social au service de
l'intérêt général.
Cette approche de la réponse du corps social est loin d’être qualifié de mimétisme. Il est
important de rappeler que dans l’histoire de nos différentes sociétés, la prohibition de certains
comportements a toujours été mise en avant. Pour exemple, la charte de Kurukanfuga1 dans son
article 5 stipule que : « chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En
conséquence, tout acte attentatoire à la vie d’autrui est puni de mort ». A la lecture de cette
disposition, on s’aperçoit que la société malienne dans son origine faisait recours à des mesures
de nature pénale pour organiser la société2. C’est la raison pour laquelle, nous pouvons affirmer
que l’esprit du contrat social a existé dans les sociétés africaines bien avant la métaphysique mise
en exergue par ROUSSEAU ou LOCK.
Le droit pénal peut être divisé en trois branches :
- le droit pénal spécial : il établit un catalogue des infractions ;
- la procédure pénale : elle est destinée à mettre en œuvre le droit pénal en définissant les règles
applicables à l’organisation et la compétence des juridictions et au déroulement du procès ;
- le droit pénal général : il concerne l’étude des grandes catégories d’infraction, des agents
concernés et des sanctions applicables.
Notre étude ne portera que sur cette dernière branche : le droit pénal général.
1
La charte de Kouroukan-Fouga ou charte du Mandén est un ensemble de règles juridiques proclamée en 1236 par
l'empereur du Mandén (Sondjada kèta, 1190-1255) à Kouroukan-Fouga (plaine située à Kâaba à la frontière entre le
Mali et la Guinée-Conakry).
2
Dans le même sens, l’article 44 stipule que : « tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun
est chargé de veiller à leur application ».
Bibliographie
- Jean-Claude SOYER, Droit pénal et procédure pénale, LGDJ, 20ème éd., 2008.
- Bernard BOULOC, Droit pénal général, Dalloz-Sirey, 19ème éd., 2005.
L’infraction a pu être définie comme « tout fait contraire à l’ordre social, qui expose celui qui l’a
commis à une peine et ou à une mesure de sûreté (assistance, surveillance, traitement, cure de
désintoxication, travail d’intérêt général, suivi socio-judiciaire) » G. Stéfani, G. Levasseur, B.
Bouloc, Droit pénal général, Dalloz, 17e éd., 2000, n°93.
Elle a pu être aussi définie comme « une action ou une omission définie et punie par la loi pénale,
imputable à son auteur et ne se justifiant pas par l’exercice d’un droit » G. Levasseur ; A.
Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc, Droit pénal général et procédure pénale, 13 e éd., Sirey, 1999.
Après avoir vu la classification des infractions (chapitre 1), nous verrons les différents éléments
constitutifs de l’infraction :
- L’élément légal : la loi pénale incrimine-t-elle le comportement envisagé ? (chapitre 2) ;
- l’élément matériel : l’action ou l’omission est-elle punie par la loi ? (chapitre 3) ;
- l’élément moral : le comportement est-il imputable à son auteur ? (chapitre 4).
Chapitre premier : LA CLASSIFICATION DES INFRACTIONS
On peut distinguer les infractions selon leur gravité (section I) et selon leur nature (section II).
Section I : Les infractions classées selon leur gravité
L’art. 1 du Code pénal dispose : « Les peines applicables en matière de justice au Mali se divisent
en peines criminelles, peines appliquées aux délits et peines de simple police ». Les infractions
pénales sont ainsi classées selon leur gravité, en crimes, délits et contraventions. Le code pénal
détermine les crimes et délits en fixant les peines applicables à leurs auteurs. Le règlement
détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les
peines applicables aux contraventions. Comme le prévoit l’art. 1 du Code pénal, les infractions
sont classées, suivant leur gravité, en contraventions (P1), délits (P2) et crimes (P3). Les peines
indiquées dans les textes sont des plafonds maximum. Le juge peut prononcer une peine
inférieure mais il ne peut jamais dépasser le maximum indiqué par la loi.
Paragraphe 1 : Les contraventions
C’est le pouvoir réglementaire qui est seul compétent en matière contraventionnelle. Les
contraventions sont les infractions punies d’une peine contraventionnelle, c’est-à-dire une peine
d’amende n’excédant pas 18.000 F. Il existe 2 classes de contraventions dont un minimum et un
maximum. La peine pour la contravention minimum est fixé 300F et pour la contravention
maximale, la peine est de 18.000 F notamment en cas de récidive.
Depuis la révision du CP, les contraventions ne sont jamais punies de peine d’emprisonnement,
même en cas de récidive. Pourtant, le CP prévoit des peines d’emprisonnement d’un à dix jours
(art. 325).
Le principe de non-cumul des peines ne joue que pour les crimes et délits. Il ne joue pas pour les
contraventions : les peines contraventionnelles se cumulent. Les contraventions sont jugées par le
tribunal de police. L’action publique est prescrite au bout d’un an. La prescription de la peine,
c’est-à-dire, le délai au-delà duquel on ne peut plus faire subir au condamné la peine prononcée
contre lui, est de deux ans.
Paragraphe 2 : Les délits
Seuls le législateur est compétent en matière de délit. Les délits sont les infractions punies d’une
peine correctionnelle, c’est-à-dire une peine d’emprisonnement de 5 ans au plus et/ou une
amende au moins égale à 25.000 F (art. 134, 319). Mais les peines correctionnelles peuvent aussi
être plus variées. L’art. 7 précise que les peines correctionnelles encourues par les personnes
physiques sont l’emprisonnement ; l’amende ; le travail d’intérêt général.
Les peines d’emprisonnement vont de « cinq ans au plus » à « onze jours au moins ». (Art. 7).
Comme dans l’ancien Code, le législateur n’a pas organisé un système spécifique de peines
applicables en matière de délits politiques.
Les délits sont jugés par le tribunal correctionnel. L’instruction est facultative en matière de délits
et, sauf voie de recours exercée devant la Chambre de l’instruction, elle n’a lieu que devant le juge
II. L’exception
L’exception concerne les lois pénales plus douces. Les lois qui suppriment une infraction ou
diminuent le montant de la peine s’applique non seulement aux faits commis avant leur entrée en
vigueur et non encore jugées mais également aux faits déjà jugés mais dont la décision peut
encore faire l’objet d’un recours en appel ou même en cassation.
Ce principe de la rétroactivité in mitius ne figure pas dans le CP malien mais consacré par l’art.
112-1 al. 3 du CPF a aussi une valeur constitutionnelle. Cet article dispose «Toutefois les
dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et
n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont
moins sévères que les dispositions anciennes ».
Le principe est rappelé par l’art. 112-2 du CPF qui prévoit que les dispositions nouvelles «
s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à
une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les
dispositions anciennes ».
Cependant, il faut signaler que cette règle ne concerne que les règles de fond. Les règles de forme
relatives à la constatation, à la poursuite de l’infraction, à la compétence et à la procédure
s’appliquent immédiatement, même au jugement de faits commis avant leur entrée en vigueur.
Paragraphe 2 : L’application de la loi pénale dans l’espace
Là encore, il y a un principe (I) et des extensions à ce principe (II).
I. Le principe
L’art. 95 du CPM dispose que la loi pénale malienne est applicable aux infractions commises sur
le territoire de la République malienne. C’est le principe de la territorialité de la loi pénale. Peu
importe la nationalité de l’auteur ou de la victime de l’infraction. Néanmoins, la coutume
internationale et la Convention de Vienne assurent l’immunité aux diplomates dûment accrédités,
ainsi qu’aux membres de leurs familles.
II. Les extensions du principe
Le juge malien est compétent pour juger une infraction, dont une partie seulement a été commise
au Mali. L’infraction est réputée commise sur le territoire national dès lors qu’un de ses faits
constitutifs a eu lieu sur ce territoire. Il est également compétent pour juger l’auteur d’un acte de
complicité accompli au Mali d’un crime ou délit commis à l’étranger.
Le juge malien est compétent (art. 95) si l’infraction, bien que commise à l’étranger, menace les
intérêts du Mali (fabrication de fausse monnaie, espionnage, etc…).
Depuis l’entrée en vigueur en 1961 le Code pénal malien, une seule catégorie d’agent pénal est
poursuivie : les personnes physiques (chapitre 1). Le législateur n’incrimine pas les personnes
morales plutôt les personnes physiques qui agissent à leur compte (chapitre 2) 3.
La personne physique peut être l’auteur matériel de l’infraction (section 1), le coauteur (section 2),
ou le complice (section 3).
Section 1 : La personne physique auteur de l’infraction
Le CP retient comme auteur d’une infraction, toute personne qui commet les faits incriminés (art.
3). L’auteur est donc celui qui a matériellement accompli les faits incriminés. Ainsi, une personne
est responsable que de son propre fait. La responsabilité pénale collective n’est pas concevable.
Dans notre système juridique se référant à la tradition civiliste du droit, le principe de
l’individualité est retenu en matière pénale. Une personne est responsable que de son propre acte.
Aussi, un auteur ayant commis plusieurs actes, un seul chef d’acquisition sera retenu contre avec
néanmoins des sanctions dissuasives. C’est le principe de l’unicité de la peine contrairement en
matière civile.
Section 2 : Le coauteur d’une infraction
Le coauteur est d’abord un auteur et est puni en tant que tel. Mais la pluralité d’auteurs est parfois
un élément constitutif de l’infraction. Certaines infractions supposent en effet un groupement :
par ex. les groupements en vue de préparer des crimes contre l’humanité (art. 29 CP), les attentats
contre les institutions ou l’intégrité nationale (art. 24 CP).
Elle est parfois purement fortuite : plusieurs personnes commettent ensemble une infraction qui
aurait pu l’être seul. Chacun est auteur s’il remplit, par son activité personnelle, les conditions de
l’infraction. Parfois, la jurisprudence traite certains complices comme des auteurs à part entière.
Ainsi, pour retenir la circonstance aggravante de réunion (vol commis à deux ou plusieurs), le CP
considère que celui qui fait le guet est un coauteur. De même, pour retenir la qualification de
parricide, la jurisprudence a retenu la qualification de coauteur à l’égard de celui qui n’était en
réalité que complice.
Le coauteur est un auteur à part entière. Sa responsabilité pénale est personnelle et ne dépend pas
de celles des autres coauteurs. Il peut être poursuivi seul.
Le droit pénal malien n’incrimine pas les personnes morales. A ce jour aucune disposition n’est
encore prévue par le droit positif malien pour sanctionner pénalement les personnes morales.
Celles-ci peuvent seulement engager leur responsabilité civile ou fiscale.
Le CP retient toujours l’irresponsabilité pénale des personnes morales. Pourtant, c’est la même
solution retenue par le droit communautaire OHADA où les personnes morales sont exemptes
de poursuite pénale. Le principe de l’irresponsabilité des personnes morales a néanmoins obligé le
législateur à faire plus de flexibilité pour se pencher sur la théorie de la réalité qui met en exergue
le rôle des organes sociaux des personnes morales. Celles-ci sont responsables civilement, ne
peuvent pas l’être pénalement aux motifs principaux que la peine ne peut pas remplir ses
fonctions et que la personne morale est dépourvue de volonté propre, l’infraction supposant
toujours l’intervention d’une personne physique.
De ce fait, le CP révisé en 2001 admet la responsabilité pénale des mandataires des personnes
morales. En effet, les mandataires sont supposés représenter la personne morale et par
conséquent ils répondront des infractions commises au cours de leur mission. Ces infractions
sont visées par les textes (section 1) qui déterminent le régime de responsabilité (section 2).
Section I : Les infractions visées
Les personnes morales sont représentées par des mandataires qui sont investis des pouvoirs pour
assurer leur fonctionnement. Dans le cadre de leur exercice ils doivent agir conformément aux
pouvoirs qui leur ont été conférés et respecter les dispositions légales et statutaires. Cependant, il
arrive que les mandataires dérogent à ces obligations. C’est pourquoi, la loi a prévu des
infractions auxquelles ils peuvent être soumis. Cela signifie que les mandataires des personnes
morales peuvent être poursuivis pénalement. Il ressort de l’étude du CP que de nombreux textes
prévoient la responsabilité des mandataires des personnes morales.
Au regard du CP, toute personne dépositaire de l’autorité publique, investie d’un mandat électif
au compte d’une personne morale peut engager sa responsabilité pénale. Il en est de même pour
une personne exerçant des fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat ou d’une
collectivité publique, d’une personne morale de droit privé peut engager sa responsabilité pénale
pour délit de favoritisme (art. 112). Conformément à l’art. 291, les mandataires peuvent être punis
d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une de 100.000 FCFA à 5.000.000 FCFA lorsqu’ils
ont consenti à autrui un prêt usuraire (art. 289).
Par ailleurs, en application des dispositions pénales du droit OHADA, les dirigeants des
entreprises sont exposés à des séries d’infractions. Il en est ainsi de l’abus de biens sociaux, de la
banqueroute, du délit d’initié, de la fraude fiscale et autres infractions d’affaires.
Section II : Le régime de responsabilité applicable
Ce régime varie en fonction de l’infraction. Les personnes physiques agissant au compte des
personnes morales de droit public sont en général soumises au droit commun notamment le CP.