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La Arka Du Jninar: Un Épisode de La Grande Guerre Dans Le Sud-Ouest Marocain (Mars-Mai 1917)

Ce document décrit un épisode de la Première Guerre mondiale dans le sud-ouest du Maroc en 1917. Les Allemands tentent de débarquer des armes pour soutenir les rebelles locaux, mais sont repoussés par les Français. Les Français lancent ensuite une importante campagne militaire pour réaffirmer leur contrôle sur la région et répondre aux menaces allemandes et rebelles.

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La Arka Du Jninar: Un Épisode de La Grande Guerre Dans Le Sud-Ouest Marocain (Mars-Mai 1917)

Ce document décrit un épisode de la Première Guerre mondiale dans le sud-ouest du Maroc en 1917. Les Allemands tentent de débarquer des armes pour soutenir les rebelles locaux, mais sont repoussés par les Français. Les Français lancent ensuite une importante campagne militaire pour réaffirmer leur contrôle sur la région et répondre aux menaces allemandes et rebelles.

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Hespéris-Tamuda LIII (1) (2018): 159-175

La ḥarka du Jninar:
Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain
(mars-mai 1917)

Rachid Agrour
IRCAM, Rabat

Le contexte de guerre européenne est particulièrement tendu pour les


Français au Maroc. En effet, si Lyautey a refusé de suivre les directives
de Paris1 qui lui demandaient d’évacuer tous les postes intérieurs pour se
replier sur la côte atlantique, il fournit à la métropole tous les soldats qui
lui sont demandés en maintenant en même temps tout le dispositif militaire
préexistant à la mobilisation générale du 2 août 1914. Il a “vidé la langouste
mais [a] gardé la carapace.”2
Pour ménager au maximum les forces françaises qui lui restent, tout en
maintenant sa mainmise sur le pays, Lyautey s’appuie sur la mobilisation
des territoriaux3 et des colons mais surtout sur les “grands féodaux” pour la
Région de Marrakech où “cette politique d’économie des forces françaises
par l’utilisation des forces indigènes qu’on appelle ici la politique des grands
Caïds.”4 Ce dispositif lui permet de tenir la plupart des lignes dans un état
de “front passif,” notamment pour le Sous où un officier du service de
renseignement, le capitaine Justinard, a été envoyé en octobre 1916 suite à
l’information, communiquée par l’ambassade française à Madrid, d’un projet
allemand de débarquement sur les côtes du sud marocain.5

1. “Après deux ans de guerre d’un Protectorat construit à marche forcée, Lyautey doit répondre au
tocsin de la République qui lui demande l’essentiel de ses effectifs. Par un télégramme daté du 27 juillet
1914, le gouvernement explique au résident général qu’il va lui falloir se résoudre à une évacuation
de l’intérieur du royaume: “Le sort du Maroc se réglera en Lorraine. L’occupation du Maroc devra
se réduire à celle des principaux ports de la côte, si possible à la ligne des communications Kenitra-
Meknès-Fez-Oujda. Tous postes et marchés avancés devront être momentanément abandonnés. Votre
premier soin devra être de ramener aux ports de la côte étrangers et Français de l’intérieur pour assurer
leur sécurité.” Telles sont les fermes instructions des Affaires étrangères,” dans: Vincent Courcelle-
Labrousse et Nicolas Marmié, La guerre du Rif. Maroc (1921-1926) (Paris: Tallandier, 2009), 36.
2. Yves de Boisboissel, Dans l’ombre de Lyautey (Paris: André Bonne, 1954), 70.
3. Les troupes territoriales se composent alors de l’ensemble des troupes mobilisables des classes les
plus anciennes. Il s’agit pour l’essentiel de quadragénaires à l’aspect peu guerrier.
4. Léopold Justinard, “Notre action dans le Sous,” Afrique française (1926): 546.
5. Léopold Justinard, Un grand chef berbère. Le Caïd Goundafi (Casablanca: Atlantides, 1951), 129.

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160 Rachid Agrour

La menace allemande et ses effets


Cet épisode est précédé par deux autres qui, par capillarité, provoquent la
décision de former une puissante colonne militaire pour rétablir le prestige des
forces françaises. Le premier d’entre eux est l’expédition Probster (novembre-
décembre 1916) –Il s’agit d’un audacieux coup des services allemands
qui marque dans la région la première tentative d’une aide extérieure à
l’agellid6 de Kerdous. L’Empire Germanique, mettant en avant son alliance
avec l’Empire Ottoman, se donnait l’image de soutenir tous les peuples
musulmans opprimés par les ennemis de l’Islam. Les Allemands n’étaient
pas des inconnus dans le Sous. Au début du siècle, de grands personnages
comme Ḥaïda Ou Mouaïs, Sidi Moḥamed Outzeroualt ou encore le pacha de
Taroudant de l’époque (Kabba) et celui d’Agadir Ighir (Aguiloul) figuraient
tous sur la liste des protégés des Allemands.
De plus, le sultan du jihād, el Hiba,7 comprenait bien que dès son
installation à Marrakech, il serait obligé de recourir à l’appui d’une puissance
européenne. Cela aurait été tout naturellement vers l’Allemagne qu’il se
serait tourné. El Hiba refusa tout de même l’offre des Mannesmann,8 alors à
Taroudant (juillet 1912), de la protection allemande qu’il jugea prématurée
et qui ne seyait pas à son image de Moqqadem el Moujāhidīn. Mais il offrit
son aide aux frères Mannesmann en leur procurant des chevaux et un sauf
conduit pour rejoindre Agadir Ighir puis Mogador. Le fait que la France fût
désormais en guerre ouverte avec l’Empire Germanique ne fit que renforcer
une alliance qui, comme nous l’avons vu, paraissait presque naturelle aux
yeux d’el Hiba.

6. Agellid (pl. igeldan), le sultan, le roi en berbère. Kerdous est un petit village de l’Anti-Atlas central
où Moulay Ḥmed el Hiba est réfugié depuis février 1915. C’est là qu’il sera enterré plus tard, victime
d’une épidémie de grippe qui frappa la région en 1919. Agellid n Kerdus, (en tachelhit: “le sultan de
Kerdous”), c’est la formule par laquelle lui et ensuite son frère qui lui succède sont alors désignés par
les habitants de la région.
7. Moulay Ḥmed el Hiba, de son nom complet, fut un de ces nombreux sultans du Jihad qui s’élevèrent
ici et là au Maroc pour s’opposer à l’avancée des troupes militaires françaises au lendemain de la
signature du traité de Fès établissant la mainmise française sur l’Empire fortuné. Ce personnage réussit
la prouesse de soulever tout le Sud marocain pour se faire proclamer sultan à Tiznit avant de prendre
Marrakech. Mais, après quelques semaines à peine d’occupation, il fut chassé de Marrakech et rejeté
au-delà des montagnes du Haut-Atlas par les troupes françaises.
8. Les frères Otto et Robert Mannesmann étaient à la tête d’une puissante société commerciale,
industrielle et minière allemande, liée aux grands intérêts politiques et économiques de leur pays et
établie dans différentes régions du Maroc. Ils s’intéressèrent à la région de Taroudant dès 1911 où
ils firent de nombreuses prospections minières, s’accaparant dans ce but nombre de lots de terrain et
établirent dans la cité un comptoir où ils s’occupaient d’importation et d’exportation de produits de
consommation courante (bougies, sucre, thé, amandes, etc.).
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 161

Une expédition de secours fut donc préparée minutieusement en


Allemagne, elle embarqua à Heligoland 9 au début d’octobre 1916. Elle
prévoyait de fournir aux combattants de l’Anti-Atlas près de cinq mille fusils
Lebel, quatre mitrailleuses françaises et une grande quantité de munitions.
Cette nouvelle fut l’une des causes de l’envoi à Tiznit d’un officier français
des renseignements, le capitaine Justinard, grand berbérophile, qui nous a
laissé de nombreux textes sur ces événements. C’était aux alentours du 14
novembre 1916 que débarqua, près de l’embouchure du Dra, la mission
allemande ‒deux Allemands et un Turc‒ chargée de livrer des armes au sultan
bleu. Mais les mauvaises conditions climatiques firent chavirer le canot où
ils se trouvaient, perdant ainsi un grand nombre de bagages au fond de l’eau,
notamment des armes et des munitions. L’arrivée inopportune d’un navire
français empêcha la poursuite du débarquement. Par la suite, plusieurs autres
tentatives de débarquements eurent lieu, mais à chaque fois mises en échec par
la surveillance exercée par la marine française. Une tentative eut lieu devant
Arksis sur le territoire des Isbouya (Aït Ba ʿAmrān), mais la présence de trois
navires de guerre français l’avait empêchée. Une autre tentative se produisit
plus au sud, aux abords d’Assaka qui marquait la limite entre les territoires
des Aït Ba ʿAmrān et les nomades de la grande confédération Tekna, mais là
aussi la présence de deux croiseurs obligea le sous-marin à s’immerger de
nouveau. Finalement, devant l’inanité de leurs efforts, les hommes composant
l’expédition se replièrent sur Tarfaya ‒où se trouvait un poste espagnol (Cabo
Juby) depuis août 1916‒ d’où ils furent exfiltrés sur Las Palmas des Canaries
en décembre 1916.
Cependant, le retentissement qu’avait produit le débarquement des alliés
turc et allemand au sein du camp rebelle, corroborait les incessantes annonces
d’el Hiba sur l’imminence d’une offensive contre le pays makhzen avec l’aide
de puissances étrangères amies.
Mawlāy Mḥamed Iraa annonça dans une lettre que, par le biais de Probster,
l’Allemagne et la Turquie “procureront à Sidna tout ce qui sera nécessaire
en armes, cartouches, canons et argent. Ils assisteront Sidna jusqu’à ce qu’il
soit le maître de tout le Gharb (...) Quant aux renforts, ils attendent pour les
donner la parole de Sidna pour les débarquer du sous-marin.”10
Du côté d’Agadir Ighir, on commence à s’inquiéter de cette effervescence
des tribus hibistes; un informateur, “habituellement très modéré, insiste sur [l’]
importance de l’impression produite par [l’] arrivée [d’] étrangers annoncée
9. Archipel allemand situé dans le sud-est de la Mer du Nord qui abrita une base sous-marine durant
la Grande Guerre.
10. CADN, Lettre de Mhamed Iraa à Sidi Ali Outzeroualt, 29 novembre 1916, RDM 622.
162 Rachid Agrour

par el Hiba et leurs rapports avec lui. Il dit qu’il s’attend à [des] événements
graves et conseille une intervention aussi rapide que possible.”11
De Rabat, on se rendit compte qu’une réaction rapide devait être mise
en place car les tribus fraîchement soumises de la région pouvaient à tout
instant se révolter en reprenant le flambeau du jihād. Ainsi, le commandant
de la Région de Marrakech –dont dépendait tout le Sud marocain– donna
l’ordre au représentant (naïb) du Sultan dans la province du Sous, le Pacha de
Taroudant (Ḥaïda Ou Mouaïs), de former une importante ḥarka composée de
contingents regroupant les principales tribus makhzen du pays.12
Après avoir regroupé ses forces (près de trois mille hommes, disposant de
trois canons de montagne) à Tiznit, ce dernier obtint, dans un premier temps,
la soumission des Aït Sihel le 3 janvier 1917, avant de se diriger sur la tribu
voisine des Aït Brayim, où des rassemblements ennemis importants avaient
été signalés. C’était dans le ravin d’Igalfen, sur le territoire des montagnards
insoumis de cette tribu, que Ḥaïda Ou Mouaïs subit une défaite retentissante
(7 janvier 1917) dans laquelle il perdit la vie, sa tête fut portée en triomphe à
Kerdous et pendant longtemps on chanta au-dessus de la plaine:
Asif n Tiġanimin aġ ibbi lmenšar asatur.
Nġan igḍaḍ lbaz, ur sul kṣuden yat
“C’est dans [la vallée de] Tighanimin que la hache a coupé le tronc
Les moineaux n’ont plus peur de rien, ils ont mis à mort le faucon.”13
Ou encore:
A is n Ḥayda urrid an tawit aytmak
Agayyu n babak iziker aġ ukan llan
“Ô fils de Ḥaïda, revient chercher tes frères
La tête de ton père pend toujours au bout d’une corde.”14
Dans un premier temps, passé les premiers moments de panique, le
commandement de la Région de Marrakech donna l’ordre au capitaine
Justinard d’organiser la défense de Tiznit avec les restes de la ḥarka défaite
de Ḥaïda Ou Mouaïs. Le commandant de Mas Latrie du poste d’Agadir Ighir
le ravitailla en munitions et en argent. De son côté, Taroudant se vit renforcée
par l’envoi de contingents pris dans les commandements des caïds Taïeb

11. SHD, Capitaine Delhomme, Télégramme au Résident général, Agadir le 7 décembre 1916,
3H679.
12. Justinard, Un grand chef, 141.
13. Léopold Justinard, Les Aït Ba Amran (Paris: Honoré Champion, 1930), 96-7.
14. Entretien de l’auteur avec feue Fadna Hemoudda des Id Oubidar à Tlata Lakhsas, le 10 septembre
2002.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 163

Outgountaft et Thami Aglaou (environ un millier d’hommes). Et, enfin, la


surveillance des rivages atlantiques de l’Anti-Atlas et du Sous fut renforcée.
Tout le Sous était alors à deux doigts de se soulever pour basculer à
nouveau dans la siba (l’anarchie). Rabat se rangeant à l’avis de ceux que l’on
nommait alors les grands caïds (Aglaou, Outgountaft et Abdelmalek Atigui)
et, vu la situation de danger extrême dans laquelle se trouvaient les frontières
sud de l’Empire chérifien, décida que la formation d’une autre ḥarka sous
commandement “indigène” ne serait pas suffisante pour calmer les tribus.
Pour la première fois, le général Lyautey décida l’intervention directe des
forces militaires françaises par l’envoi d’une forte colonne expéditionnaire
dans le Sous.15
Ainsi, ce fut le général de Lamothe, commandant la région de Marrakech,
qui fut désigné pour diriger ce que l’on appela plus tard dans la littérature
coloniale, la Colonne du Sous, et, que les habitants du Sous, appelèrent lḥerkt
n Jninar, la ḥarka du Jninar (composé de près de 5000 hommes de troupes),16
apportant avec lui –selon le témoignage d’un vieil homme, témoin disparu
aujourd’hui de cette époque de guerres et de sang– la dévastation, yiwid
tiferġiwaḍu.17
Pendant ce temps, el Hiba ne fit pas un geste pour exploiter la victoire du
7 janvier 1917. Son action se borna alors à une campagne de lettres appelant
au Jihad. Il faut signaler que les tribus de l’Anti-Atlas ne reconnaissaient
qu’une autorité nominale du sultan de Kerdous. El Hiba n’était qu’un porte-
drapeau de la résistance des tribus qui ne reconnaissaient en lui qu’une simple
autorité spirituelle, le commandement réel restant aux mains des différents
chefs des tribus. Ainsi, il fut incapable de mettre un terme à un conflit que
se livraient différentes tribus (Lakhsas, Imejjad, Ifran, Aït Brahim et Aït
Erkha) pour le contrôle des oasis de Timoulay –Timoulay Izder et Timoulay
Oufella18–, durant tout le mois de février 1917, c’est-à-dire exactement dans
l’intervalle des deux expéditions successives vers le Sous: celle d’Ḥaïda Ou
Mouaïs, puis celle conduite par le Général de Lamothe.

15. SHD, Anonyme, Résultats politiques obtenus dans le Souss et dans l’Anti-Atlas de 1918 à 1933,
Rabat, 8 décembre 1933, 3H449.
16. “Colonne française comprenait 4128 hommes, 110 officiers: 4238 - A la harka H.Thami (600),
Goundafi (480), Mtougga (500), Haha (300), Pacha Taroudant (2120): 3900 - A Taroudant 1250
(Glaoua et Goundafa)” dans SHD, Lettre du Général de brigade de Lamothe, commandant la Région
de Marrakech à Général de division Lyautey, commissaire résident général, Commandant en Chef,
Marrakech le 14 juin 1917, 3H589.
17. Entretien avec feu Hajj Salm, Id Boufous (Lakhsas), septembre 2002: “(…) iffuġd urumi-yan
netta, yiwid tiferġiwaḍu,” “(…) c’est alors que cet aroumi surgit, apportant avec lui la dévastation.”
18. SHD, Capitaine Justinard, Rapport du 20 janvier au 20 février 1917, Tiznit le 21 février 1917,
3H439.
164 Rachid Agrour

Remarquons que pour le monde tribal, qui était la norme à cette époque
pour une écrasante majorité des populations du Maroc, l’état de conflits
armés plus ou moins larvés entre les différents groupements tribaux était
une situation normale dirons-nous, y compris durant toute la période dite
de pacification (1912-34). Ainsi, entre deux escarmouches avec les troupes
coloniales, les tribus réglaient entre elles leurs querelles.19
L’expédition militaire du général de Lamothe (février 1917-avril
1917)
Quittant Marrakech le 14 février 1917, la colonne du Sous, quant à elle,
franchit le Haut-Atlas par le Tizi Oumachou, col contrôlé par les Intougga
(Mtougga), pour arriver à Tiznit le 16 mars 1917.20
L’objectif était clair, montrer la “force française” sans trop s’engager à
l’intérieur du territoire contrôlé par les “dissidents.” Des portiers de l’Atlas,
seuls Thami Aglaou et Tayeb Outgountaft participaient à cette expédition,
Abdelmalek Atigui y était représenté par son khalifa (Bouslam), une prophétie
l’ayant mis en garde contre toute action dans le Sous.21
Le premier accrochage important eut lieu le 24 mars 1917, au pied de
la montagne, à Ouijjan.22 Sa position,23 réputée inexpugnable –ayant tenu
en échec maintes tentatives de la part du pouvoir central (notamment avec
Aguiloul en 1899 et Ḥaïda Ou Mouaïs septembre 1915)– contrôlait les
débouchés des montagnes et les routes qui menaient au cœur de l’Anti-Atlas
central. Ouijjan était aussi le refuge d’un des frères de l’agellid de Kerdous,
Cheikh Naama. Elle était occupée par les Ida Oubaaqil qui furent renforcés
par des contingents fournis par la tribu voisine des Imjjad. Ces derniers,
positionnés à l’origine dans un groupement villageois du massif voisin
d’Ighir Melloulen (Tiguemmi Oufella), accoururent au secours d’Ouijjan dès
que tonnèrent les premiers coups de l’artillerie ennemie.

19. Capitaine de Mas Latrie, A propos du Maroc et de la frontière algéro-marocaine (Carcassonne:


André Gabelle, 1909), 43.
20. Justinard, Un grand chef, 145.
21. Justinard, Un grand chef, 146.
22. Ouijjan, au pied de l’Anti-Atlas et à un peu plus d’une vingtaine de kilomètres de Tiznit, regroupe
une dizaine de villages répartis en demi-cercle. Les principaux villages sont: Imgharen, Imchourk, Id
Ali Ou Bella, Id Lmqeddem, Tikiout, Aït Ouzarif, Id Abdelqader, Agadir n Ouijjan (dit autrefois Agadir
Oufella), Id Abella Ou Ali, Imzoughern et Tamalout. Ils se répartissent entre les fractions Aït Amer et
Aït Telt de la grande tribu des Ida Oubaaqil qui s’étend des environs immédiats de Tiznit aux sommets
de l’Anti-Atlas central.
23. “Nous autres, gens d’Ouijjan, dit l’un d’eux, un âdel (notaire) d’Ouijjan, nous sommes comme
des pierres, dans un passage étroit, au milieu de la boue - Nous aidons les gens à passer, mais nous, nous
restons dans la boue,” dans Justinard, Un grand chef, 148-49.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 165

Un détail à souligner ici est le fait que la majorité des troupes françaises
de cette “expédition punitive” était constituée de troupes revenant du théâtre
européen où se déroulaient encore les dernières phases macabres de la Grande
Guerre. Ayant de plus, pour la plupart d’entre eux, participé aux toutes
premières années de la “pacification” du Maroc, beaucoup parmi eux furent
très surpris de trouver dans l’action au combat des défenseurs ainsi que dans
l’organisation des ouvrages de protection d’Ouijjan une matière si rigoureuse,
si pensée, si européenne:
“J’entendais autour de moi des officiers, vétérans au Maroc, qui
rentraient de France et avaient vu Lorette ou tels autres endroit terribles
du front français, s’étonner de ces progrès accomplis par les dissidents:
“Ce n’est plus la guerre du Maroc comme autrefois, disait un vieux
bledard dont c’était le trentième combat en Afrique; sauf le matériel,
cela ressemble pas mal aux choses que font les Boches.”24
Ouijjan était entouré d’un mur en pisé (élevé de 1m50 à 3 m. selon le
lieu) parsemé de meurtrières étagées, surmonté de créneaux ou de buissons
de jujubiers épineux (ifergan, sing. ifrig) et qui s’étendait en un demi-arc de
cercle sur près de six kilomètres jusqu’au pied de la montagne qui dominait
la place où, s’ajoutant à ce dispositif, s’étageait toute une série de tranchées
fortifiées (aderras ou ashbbar). Mais c’est surtout dans le mouvement des
guerriers d’Ouijjan que la stupeur apparaît dans le regard des observateurs
français. À leurs yeux, leur étonnante “discipline de feu,” leur “repli calculé”
ou leur retraite “en bon ordre et par lignes successives,” bref toute cette
discipline et cette stratégie ne pouvaient être que le résultat de la présence en
leur sein de conseillers militaires allemands!
Et pourtant, les organisations défensives (tranchées protégées de
murets, créneaux et meurtrières) faisaient parti du dispositif habituel de
protection dans les groupements sédentaires du Maroc, de même que les
stratégies employées pour l’assaut ou le repli étaient coutumières de ces
sociétés tribales où l’état de vendetta, entrecoupé par les travaux agricoles,
était presque constant.
La raison de ce véritable déni des réalités du terrain venait peut-être des
pertes subies devant la résistance opiniâtre que ces “Chleuh” offrirent face à

24. Henry Dugard, La colonne du Sous (janvier-juin 1917) (Paris: Perrin et Cie Libraires-Éditeurs,
1918), 123.
166 Rachid Agrour

des troupes aguerries dans les combats de France qui n’hésitèrent pas à faire
usage de l’artillerie moderne contre ces villageois.25
Surpris par la ténacité des défenseurs d’Ouijjan, sans doute aussi marqués
par la similitude des mouvements de ces rudes guerriers avec ceux observés
des “Boches” dans les combats de tranchées de France, les observateurs
hexagonaux ne pouvaient se résoudre à accepter que des hommes appartenant
à une société “primitive” puissent concevoir et exécuter des dispositifs
militaires similaires aux grandes puissances européennes du moment. On
en arrive ainsi à lire dans les rapports militaires des déclarations étonnantes,
entachées de flagrantes contradictions, de ce genre:
“La façon dont le terrain avait été utilisé et dont les flanquements
étaient réalisés, semblent sortir des façons habituelles d’opérer au Maroc
et bien que le travail ait été manifestement fait par les gens du pays et
par leurs méthodes, il paraît probable que des indications ont été données
pour ce tracé par un européen.”26
Quoi qu’il en soit, au terme d’une journée de combat, la colonne ne put
investir la place et se replia à quelques kilomètres de là, au village d’Idegh,
pour permettre aux soldats de panser leurs blessures et de se reposer avant de
reprendre le combat prévu pour le lendemain. Dans ce dispositif de retraite,
le général de Lamothe confia au caïd Outgountaft de rester en observation
défensive devant Ouijjan, dans le village voisin de Taddart. Durant cette nuit,
le caïd apprit, de la bouche d’un notable du village (Ali Ou Abella n Ḥerbaz)
que les défenseurs d’Ouijjan, qui subirent de considérables pertes, évacuaient
en masse la place, et que des dissensions étaient apparues dans leur sein dont
il fallait profiter sans plus attendre. Et au petit matin du 25 mars, le caïd
occupa tranquillement la place. De cette prise d’Ouijjan, nous est parvenu cet
extrait amer d’un poète du pays:
Nserġa i tbuqqalt azal ar tiwutš.
Ur nsamḥ i Ḥerbaz, iffit fellanġ

25. Voici comment un célèbre érudit de la région nous rapporte l’un des épisodes de ce raid contre
Ouijjan: “Un des participants à cette bataille, mon frère Sidi Mohamed, me conta ainsi son arrivée à
Ouijjan aux côtés des Imjjad: “À notre arrivée, j’aperçus un village situé au pied d’une colline réduit
en ruines par le feu des canons. Moi et mes compagnons, nous postant à l’abri de rochers, nous nous
mîmes à tirer sur les serveurs des canons car, nous ayant aperçu, ils les dirigeaient vers nous dans le but
de nous réduire à néant. Toute la journée la bataille fit rage. Ce jour-là, les Imjjad perdirent énormément
d’hommes. D’après certains, les pertes des Imjjad s’élevèrent à près de quatre-vingt hommes; de même,
les contingents des autres tribus y compris les Ida Oubaaqil perdirent énormément d’hommes ce jour-
là,” dans El Mekhtar Soussi, Le caïd Najem. Traduction, présentation et annotations de Rachid Agrour
et Mbark Wanaïm (Rabat: Publications de l’IRCAM, 2013), 184-85.
26. SHD, Chef de Bataillon Puissant, Rapport sur la position d’Ouijjan, non daté, 3H589.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 167

“Nous avions chauffé le cruchon, de jour, jusqu’au soleil couché.


Point de pardon pour Ḥerbaz, lui qui sur nous l’a renversé.”27
Le lendemain, le reste de la colonne se porta à son tour sur Ouijjan où
elle stationna durant quelques jours. Peu à peu la place se repeupla, ceux qui
avaient fui rentraient les uns après les autres, mis à part les irréductibles comme
le Cheikh Naama qui trouva refuge auprès de son frère à Kerdous. Ordre fut
donné de raser le mur d’enceinte qui avait donné tant de mal aux hommes
du Général. Suite aux pourparlers entamés avec le parti des montagnards qui
étaient fatigués des combats et qui accusaient el Hiba d’être le responsable
de la venue dans leurs pays de cette colonne meurtrière, deux caïds (Ḥmed
Gouamazzer et Tahar Abellagh) furent nommés pour les Ida Oubaaqil de la
montagne qui reçurent comme mission principale de chasser, de tuer ou de
leur livrer l’agellid de Kerdous. Le calme étant revenu du côté Est, la colonne
se replia sur Tiznit le 31 mars afin de s’organiser pour aborder le second
groupement hibiste situé au sud.
La prise d’Ouijjan et les pertes élevées que subirent ses défenseurs amena
à un premier mouvement de découragement général dans le camp hibiste. Les
contingents du groupement méridional (Aït Ba ʿAmrān, Lakhsas, Aït Erkha
et Imjjad) se désagrégèrent rapidement pour ne laisser que quelques groupes
de vigies plus ou moins importants pour surveiller les principaux débouchés
des montagnes sur la plaine.
À la demande du caïd de Lakhsas, el Madani Akhsassi, qui avait été
choisi pour représenter les tribus du Sud, des pourparlers furent entamés
par le biais des caïds makhzen qui accompagnaient la colonne (Outgountaft,
Aglaou et Bouslam Atigui principalement) du 1er au 6 avril. Une rencontre eut
lieu le 5 avril au pied de la montagne, dans le vallon de Mirght (Anammer n
Aït Yalaten) avec d’un côté les principaux chefs hibistes du pays et de l’autre
les caïds makhzen.
Mais face à l’intransigeance des négociateurs hibistes qui “émirent
des prétentions inadmissibles,” le caïd Taïeb Outgountaft, réputé pour son
caractère, eut un geste d’humeur et déclara ne plus rien vouloir entendre des
“singes.” Par cette attitude, il faillit mettre un terme définitif aux pourparlers,
mais ceux-ci furent repris par un Thami Aglaou et d’autres plus diplomates
cependant sans résultat probant.
Par la suite, dans des entretiens particuliers, les notables hibistes,
expliquèrent leur attitude inflexible par la nécessité impérieuse de ménager

27. Justinard, Un grand chef, 150.


168 Rachid Agrour

l’opinion surexcitée du petit peuple (iɛamin). Tout cela étant dû à un regain


de la propagande d’el Hiba qui faisait suite à la défaite d’Ouijjan, et où il
promettait toujours un prochain débarquement salvateur des armes promises
par les Allemands. Ce qui était dans l’ordre du possible, car l’on sait par
ailleurs que la dernière tentative avait eu lieu le 23 janvier mais avait été
mise en échec par la vigilance des forces navales françaises qui patrouillaient
inlassablement entre Agadir et l’embouchure de l’assif n Dra.
Constatant que les négociations aboutissaient à une impasse, la décision
d’employer l’action militaire fut décidée.
Le Général établit comme objectif la Tamgert n Tizi (Aït Brayyim),
passage qui contrôlait une importante voie d’accès de l’Anti-Atlas conduisant
au pays des Aït Ba ʿAmrān; et plus communément désigné sur les cartes de
l’État-major par le nom de “Tizi.” Devant ce mouvement, les ḥarka hibistes
se positionnèrent sur le plateau qui domine le vallon de Mirght au pied de la
Tasdermt qui mène au plateau de Lakhsas.
La colonne campe à Bou Naaman, village où se trouvait une des principales
medersa du Sous. Après de violents combats nocturnes (nuit du 10 au 11 avril
1917) pour la prise des hauteurs dominant le “Tizi,”28 la colonne se dirige
sur Isseg,29 village et lieu habituel d’un important almouggar (moussem)30
autour du mausolée de Sidi Bou Brahim (Aït Ba ʿAmrān). Au terme d’un dur
combat, les hommes de troupes y campèrent durant huit jours.
Durant ce séjour (du 12 au 16 avril), la colonne récupéra les canons
perdus par Ḥaïda Ou Mouaïs qui avaient été jetés au fonds d’un puits près
d’Isseg, entama des pourparlers de soumissions avec quelques fractions des
Aït Ba ʿAmrān et établit une piste d’atterrissage pour les deux avions détachés
de l’escadrille de Marrakech. Ces fractions acceptèrent de se soumettre à la
condition que soit rétablie une garnison dans l’ancienne kasbah makhzen dite
des Aït Boubker établie par Mawlāy Ḥassan (m. 1894) afin de les prévenir des
attaques que ne manqueraient pas de faire contre eux les autres tribus hibistes
non soumises. Cette demande ne put être honorée du fait que ces fractions se
trouvaient dans la “zone d’influence espagnole,” ‒c’est-à-dire la futur zone
d’Ifni‒ et que la création d’un nouveau poste pour le maintien de l’ordre dans

28. Dugard, La Colonne du Sous, 132.


29. Dans la plaine de Tagragra, les bois d’Isseg (tagant n Isgg) qui ombragent le tombeau de Sidi Bou
Brahim (un des sanctuaires les plus vénérés des Aït Ba ʿAmrān) est le lieu habituel où se tiennent les
grandes réunions des de la confédération; ce fut aussi le lieu de concentration du contingent des Aït Ba
ʿAmrān qui participa à la victoire d’Igalfen où Ḥaïda Ou Mouaïs perdit la vie.
30. Almouggar (pluriel: ilmouggaren) terme berbère équivalent au terme arabe “moussem” et qui
désigne les grandes foires périodiques dans les campagnes.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 169

la région était impossible vu le manque d’effectif des forces régulières durant


cette période de conflit mondial.31
Devant cette situation, trois options s’offraient au Général de Lamothe.
La première étant celle d’un raid sur l’Oued Noun et Agoulmim, mais le
risque d’allonger dangereusement sa ligne de communication avec l’arrière
lui fit éliminer cette possibilité. La seconde était plus audacieuse. Il s’agissait
de mener une expédition avec pour objectif le fief d’el Hiba, Kerdous situé
au cœur de l’Anti-Atlas central, ce qui aurait mené la colonne au travers des
territoires de Lakhsas, Aït Erkha et Imjjad. Mais le manque de ressource en
eau sur ce trajet, sa longueur (près de 150 km) et la difficulté du terrain lui
firent abandonner cette option. Enfin, la troisième consistait à entamer un
retour sur la position initiale de Bou Naʿamān mais par un autre itinéraire afin
d’attirer sous le feu des canons des contingents qui n’avaient pas participé
aux précédents combats pour les anéantir ou tout au moins leur infliger une
“salutaire leçon.”32
C’est cette dernière option qui fut appliquée et la colonne rejoignit
le 17 avril son campement de Bou Naʿamān après avoir eu à combattre
principalement à Bougafer et Taghoult n temzgida,33 où grâce à ses
mitrailleuses, son artillerie et aux bombardements effectués par voie
aérienne, elle infligea de terribles pertes aux assaillants,34 tout en n’ayant à
en déplorer que très peu de son côté.

31. SHD, Télégramme du Résident Général [Lyautey] au commandant colonne Marrakech [Lamothe],
Rabat le 17 avril 1917, 3H589.
32. CADN, Général de Lamothe, Lettre au Résident général Lyautey, Marrakech le 14 juin 1917,
RDM 629.
33. Justinard, Un grand chef, 236.
34. “Le lendemain [17 avril], à l’aube, nous entendîmes les timatarin, deux coups de fusil qui nous
signalaient que l’armée venait de se mettre en marche. Nous bondîmes pour atteindre une colline
voisine afin d’observer les mouvements de l’ennemi. Nous aperçûmes de nombreuses lignes noires,
plusieurs rangées de soldats d’où partait une véritable pluie de plomb qui frappait les arbres tout autour
de nous. Peu en réchappèrent. Il y eut énormément de morts et de blessés dans notre camp. Parmi eux,
il y eut l’afqir Boujemaa Aksim qui fut gravement touché à l’œil. Tombé au milieu des morts, un soldat
ennemi s’approcha de lui, le prenant pour mort, il trancha sa ceinture et le dépouilla de tout ce qu’il
portait de valeur. L’afqir ne se leva qu’une fois les soldats partis. Il était de ceux qui s’étaient réfugiés
à la zaouïa de Dougadir Ilegh. Quand le jour se leva, nos cavaliers attaquèrent l’armée en mouvement
mais devant l’intense feu de l’ennemi, nous dument nous replier une première fois pour les réattaquer
de nouveau. Nous formâmes une seconde charge à partir d’une petite colline. C’est à ce moment que
les canons nous prirent pour cible. Je ralentis alors la course de mon cheval pour viser au mieux les
servants des pièces d’artillerie ennemie. (…). Tout autour de moi, les balles pleuvaient, à tel point que
je me demande comment j’ai pu m’en tirer indemne. Je me repliais alors prudemment derrière une
colline” dans Soussi, Le caïd Najem, 186-87.
170 Rachid Agrour

Pourparlers pour la paix et les échanges


Après une journée de repos et avant de rentrer à Tiznit, la colonne
s’établit, le 19 avril, à Talaïnt (Aït Jerrar) pour quelques temps. Le jour même,
Si Bouslam Atigui, prend contact avec El Madani Akhsassi, représentant
désigné des tribus de l’Anti-Atlas occidental, lui faisant dire qu’il souhaite
être l’intermédiaire entre le Makhzen et lui pour conclure la paix.
Devant l’absence de réponse et pour forcer la main des tribus hésitantes,
le Général ordonna plusieurs manœuvres d’intimidation à l’encontre d’El
Madani Akhsassi. Le 20 avril, de Lamothe ordonna le bombardement aérien
des sources des deux principales rivières intermittentes de Lakhsas (Adoudou
et Tiguinit), qui se trouvaient en fractions Aït Yalaten (près du village de
Toufgnit) et Id Chaoud (près du site de l’ancien marché dit de Tlata Oufella).35
Il envoya aussi le 21 avril un groupe de cavaliers, commandé par Si Bouslam,
incendier les villages de la fraction Mirght de Lakhsas.
Ce fut un succès total. El Madani demanda une réunion extraordinaire
pour une démarche de soumission définitive. Cette entrevue eut lieu le 23
avril sous les auspices du tombeau d’un saint: Sidi Mhend Ou Yuns (Lakhsas).
Y prirent part des représentants des Imjjad, de Lakhsas, des Aït Erkha, Aït
Ba ʿAmrān, Tekna et d’Ifran. Les tribus désignèrent de nouveau comme leur
mandataire el Madani Akhsassi et déclarèrent que ce personnage avait qualité
pour s’engager au nom de toutes les tribus de la plaine et de la montagne
depuis “la Saguia El Hamra jusqu’aux Ait Ouadrim.”36
Le même jour, pour maintenir la pression, eut lieu le bombardement
aérien de Kerdous, la résidence d’el Hiba.37 Plusieurs obus auraient touché
la maison d’Addi Ou Ḥmed mais l’agellid ne fut pas blessé, seules quelques
bêtes de somme des personnages venus le visiter, furent tuées.38
Le 24 avril, une délégation de huit notables déclarant parler au nom
de Lakhsas, des Imjjad, Aït Erkha, Aït Ba ʿAmrān et Tekna se présenta au
campement de la colonne (Talaïnt des Aït Jerrar). Ils déclarèrent que toutes
les tribus groupées autour d’el Madani demandent l’aman du Makhzen. Les
conditions suivantes furent acceptées: reconnaissance de Mawlāy Yūsūf et
du protectorat français, dissolution immédiate de tous les rassemblements,
destruction des murets barrant les défilés, libre circulation dans le pays
hibiste et fréquentation des marchés makhzen. Le Général déclara accepter la

35. CADN, Anonyme, Télégramme chiffré du 22 avril 1917, RDM 629.


36. CADN, Général de Lamothe, Lettre au Résident général Lyautey.
37. CADN, Anonyme, Télégramme chiffré du 23 avril 1917, RDM 629.
38. SHD, Commandant Delhomme, Renseignement du 25 avril 1917, 3H439.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 171

démarche mais demanda que la soumission fût confirmée par des délégués de
toutes les assemblées tribales du pays.
Le 25 avril, el Madani envoya une lettre au Général de Lamothe,
confirmant les déclarations de la délégation venue le jour précédent et
déclarant que lui et ses tribus étaient désormais makhzen.39 Le 28 avril, eut
lieu une nouvelle entrevue entre caïds hibistes et caïds makhzen qui régla
toutes les questions concernant la “pacification” de la région. Si Bouslam se
vit confier une lettre d’el Madani destinée au Général de Lamothe. El Madani
y confirma de nouveau la soumission définitive des tribus:
“Tous ceux qui viendront dans notre pays jusqu’à la Saguia El Hamra
seront sous la protection de Dieu. Nous sommes sous la protection de
Dieu et du Makhzen. Nous sommes aux ordres de la Daoula.”40
Le témoignage de Mawlāy Mḥamed Iraa, qui avait participé à ces
pourparlers, confirma la surprise des tribus qui, de guerre lasse, avaient
accepté finalement de se soumettre:
“La colonne quitta le pays le jour même où nous allions nous mettre
en route avec nos taureaux de Targuiba. Chacun reprit alors sa liberté et
on ne parla plus de soumission. A ce moment nous étions très découragés
et surtout nous manquions totalement de cartouches. Nous étions bien
décidés à nous soumettre définitivement.”41
Mission accomplie pour la colonne, elle avait permis de montrer la force
de la puissance coloniale sans pour autant s’engager dans une lutte longue et
coûteuse. La situation en Europe était en partie la cause de ce retrait, mais
en partie seulement, le manque d’information sur ces territoires montagneux
l’était tout autant. Ce reflux soudain surprit beaucoup les tribus, qui croyaient
que l’objectif de la colonne était la soumission définitive du pays, et il fut
interprété comme une victoire que les aèdes chantèrent longtemps:
“Il est cassé le Général, battu par les fusils à pierre, et, par Sidi Bou
Abdelli, il va camper à Bou Nâman. C’est alors qu’elles ont chanté, celle
des Aït Baamran: les canons ont déménagé. Notre salut est revenu. Par
les Aït Baamran, le général est battu.”42
Le retrait des troupes françaises était justifié de la façon suivante par
l’un des acteurs de l’époque, le capitaine Justinard: “La colonne du Sous

39. CADN, Lettre d’El Madani Akhsassi au Général de Lamothe, 24 avril 1917, RDM 629.
40. CADN, Lettre d’El Madani Akhsassi au Général de Lamothe, 28 avril 1917, RDM 629.
41. SHD, Déclaration de Moulay Ahmed Iraa au sujet de la colonne du Sous de 1917, 25 septembre
1922, 3H2155.
42. Justinard, Un grand chef, 236.
172 Rachid Agrour

ayant rempli sa mission, le moment n’était pas encore venu de l’occupation


du pays, qu’il fallait pourtant tenir sans s’y engager.”43 En effet, ce n’était pas
le moment, puisque, comme nous l’avons déjà remarqué, le Maroc colonial
avait été vidé d’une grande partie de ses troupes transportées sur le front
européen de la Grande Guerre.44
De plus, en mai 1917, en remplacement de Ḥaïda Ou Mouaïs, fut nommé,
en tant que pacha de Tiznit et représentant (naïb) du néo-makhzen pour tout le
Sous, le caïd Tayeb Outgountaft.
Il remplaçait el Haj Abderahman Aguiloul, dit Hediman, pacha de
Tiznit, qui, sans autorité –il n’avait même pas pu s’imposer à la “commune
de Tiznit,” les inflas (les notables)– ni moyens financiers, était totalement
inefficace, et prenait d’autre part la place du fils d’Ḥaïda Ou Mouaïs (el Hajj
Ḥemmouad) qui, trop jeune, devait encore faire ses preuves.45 De son côté, un
temps pressenti pour ce poste, le caïd de Talaïnt des Aït Jerrar –Ayad Ajerrar–
apparut assez rapidement comme un ambitieux mais “impuissant à la guerre”
et “médiocre en diplomatie,” de plus, il avait peu d’autorité réelle et était
combattu dans sa propre famille.46
La mission de ce nouveau naïb du sultan pour le Sous était désormais
de maintenir cette paix fragile qui avait été imposée assez violemment par
la colonne de Jninar et, par le seul canal de la diplomatie, d’attirer à lui puis
d’organiser ces tribus fraîchement soumise mais toujours armées.
S’il est vrai que les mots d’ordre de l’agellid de Kerdous n’étaient très
peu ou pas du tout écoutés dès qu’il tentait de s’immiscer dans le jeu des
rivalités tribales –ses incessants appels à l’unité en sont une preuve– il en
était tout autrement dès lors, qu’en tant que chef religieux, en tant qu’amīr
al-mūminīn, il appelait au jihad contre les chrétiens. Il est indéniable que ses
lettres de propagandes eurent des effets non négligeables dans la motivation
des imjhaden.47 Sur le cadavre de l’un de ses derniers, lors de la retraite de la

43. Justinard, Un grand chef, 146.


44. Du point de vue du néo-makhzen, la France étant alors en pleine guerre sur le théâtre européen,
il n’était pas question de pratiquer une politique de grande envergure. À ce sujet, les ordres étaient
stricts: “les instructions du Résident général insistaient d’une manière particulière pour que ne soient
entreprises que les opérations militaires indispensables de nature à établir dans le Sud une situation
provisoire satisfaisante et pour que leur résultat n’entraîne ni création de nouveaux postes ni l’obligation
d’y laisser de garnison de troupes régulières.” De plus, au Maroc même, la Résidence générale avait
alors beaucoup plus à faire du côté du Rif et du Tadla que dans ce lointain extrême sud. Les deux petits
postes de Tiznit et de Taroudant étaient ainsi presque complètement dépourvus de troupes.
45. SHD, Capitaine Justinard, Renseignements de Tiznit n°38, Situation à la date du 15 juin, Tiznit
le 20 juin 1917, 3H2105.
46. CADN, Général de Lamothe, Lettre au Résident général Lyautey.
47. Forme berbère du terme arabe moujāhidīn qui désigne les combattants pour la foi, ceux qui
combattent pour le jihād.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 173

colonne d’Isseg à Bou Naaman, on trouva notamment une lettre dans laquelle
el Hiba demandait aux tribus un suprême effort “pour sauver l’islam.”
Ses missives n’étaient pas restreintes au Sous mais atteignaient
jusqu’aux tribus du Moyen Atlas où elles étaient régulièrement colportées
dans les marchés hebdomadaires des tribus. Dans ces courriers, il demandait
habituellement la levée de tous les hommes en âge de combattre en promettant
l’envoi rapide, “aux vrais musulmans,” de munitions en quantité suffisante
“pour lutter pendant sept ans.”
Cependant, ce genre de propagande n’eut pas toujours les effets
escomptés. Ainsi les Ida Ou Tanan, tribu du Haut-Atlas située entre Agadir
et Marrakech, restèrent sourds à ces appels. L’agellid de Kerdous leur avait
écrit, pour desserrer l’étau de la colonne du Sous: “Attaquez les chrétiens qui
sont au Nord, moi je me charge de manger la mehalla.” Ils lui répondirent:
“Nous ne sommes que de pauvres gens et comme les débris de la mehalla
mangée par toi passeront forcément chez nous, nous nous contenterons de tes
restes.”48
Bibliographie
Archives
CADN, Anonyme. Télégramme chiffré du 23 avril 1917, RDM 629.
CADN, Anonyme. Télégramme chiffré du 22 avril 1917, RDM 629.
CADN, Général de Lamothe, Lettre au Résident général Lyautey, Marrakech le 14 juin 1917,
RDM 629.
CADN, Lettre d’El Madani Akhsassi au Général de Lamothe, 28 avril 1917, RDM 629.
CADN, Lettre d’El Madani Akhsassi au Général de Lamothe, 24 avril 1917, RDM 629.
CADN, Lettre de Mhamed Iraa à Sidi Ali Outzeroualt, 29 novembre 1916, RDM 622.
Entretien avec feu Hajj Salm, Id Boufous (Lakhsas), septembre 2002.
Entretien de l’auteur avec feue Fadna Hemoudda des Id Oubidar à Tlata Lakhsas, le 10
septembre 2002.
SHD, Anonyme, Résultats politiques obtenus dans le Souss et dans l’Anti-Atlas de 1918 à
1933, Rabat, 8 décembre 1933, 3H449.
SHD, Capitaine Delhomme, Télégramme au Résident général, Agadir le 7 décembre 1916,
3H679.
SHD, Capitaine Justinard, Rapport du 20 janvier au 20 février 1917, Tiznit le 21 février 1917,
3H439.
SHD, Capitaine Justinard, Renseignements de Tiznit n°38, Situation à la date du 15 juin,
Tiznit le 20 juin 1917, 3H2105.
SHD, Chef de Bataillon Puissant, Rapport sur la position d’Ouijjan, non daté, 3H589.
SHD, Commandant Delhomme, Renseignement du 25 avril 1917, 3H439.
SHD, Déclaration de Mawlāy Ahmed Iraa au sujet de la colonne du Sous de 1917, 25
septembre 1922, 3H2155.

48. CADN, Général de Lamothe, Lettre au Résident général Lyautey.


174 Rachid Agrour

SHD, Télégramme du Résident Général [Lyautey] au commandant colonne Marrakech


[Lamothe], Rabat le 17 avril 1917, 3H589.
Études
Boisboissel, Yves (de). Dans l’ombre de Lyautey. Paris: André Bonne, 1954.
Capitaine de Mas Latrie. A propos du Maroc et de la frontière algéro-marocaine. Carcassonne:
André Gabelle, 1909.
Courcelle-Labrousse, Vincent et Nicolas Marmié. La guerre du Rif. Maroc (1921-1926).
Paris: Tallandier, 2009.
Dugard, Henry. La colonne du Sous (Janvier-Juin 1917). Paris: Perrin et Cie Libraires-
Éditeurs, 1918.
Justinard, Léopold. “Notre action dans le Sous.” Afrique française (1926): 545-53.
______. Les Aït Ba Amran. Paris: Honoré Champion, 1930.
______. Un grand chef berbère. Le Caïd Goundafi. Casablanca: Atlantides, 1951.
Soussi, El Mekhtar. Le caïd Najem. Traduction, présentation et annotations de Rachid Agrour
et Mbark Wanaïm. Rabat: Publications de l’IRCAM, 2013.

)1917 ‫ماي‬-‫ حلقة من احلرب العظمى يف جنوب غرب املغرب (مارس‬:‫ حرکة اجلنِنَّار‬:‫ملخص‬
‫حتاول هذه الدراسة الکشف عن أحداث تتعلق بفيلق عسکري فرنيس اختذ من تزنيت ‒يف أجواء‬
‫االقتتال القائم إبان احلرب العاملية األوىل يف أوروبا‒ قاعدة لشن سلسلة مزدوجة من الغارات عىل قبائل تنتمي‬
‫ التفافها حول‬، 1912 ‫“ وکانت هذه القبائل قد أعلنت منذ عام‬.‫إىل جبال األطلس والتي وصفت بـ”املتمردة‬
‫ إىل إحدى القرى يف کردوس الواقعة يف قلب‬1915 ‫ موالي أمحد اهليبة الذي جلأ مع بداية عام‬،‫سلطان اجلهاد‬
‫ ومن هنا جاءت تسميته املشهورة بسلطان کردوس باللسان األمازيغي (إگليد‬،‫األطلس الصغري األوسط‬
‫ وسنحاول استعراض بعض التفاصيل املتعلقة بالظروف العامة املحيطة هبذه الواقعة التي وصفتها‬.)‫نکردوس‬
‫ وباجلهود التي بذلتها قبائل األطلس الصغري لتنظيم مقاومتها هلذا‬،“‫األدبيات االستعامرية بـ ”احلملة عىل سوس‬
‫ وللقيام يف‬،‫”العدوان“ الذي استفادت فيه القوات الفرنسية من مساندة ”القواد الکبار“ من األطلس الکبري هلا‬
.‫هناية األمر بتحليل النتائج والعواقب املرتتبة عىل هذه احلملة العسکرية جلميع األطراف املعنية هبا‬
.‫ االحتالل الفرنيس‬،‫ املقاومة‬،‫ القواد الکبار‬،‫ کردوس‬،‫ قبائل سوس‬،‫ أمحد اهليبة‬:‫الکلامت املفتاحية‬

Résumé: La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest


marocain (mars-mai 1917)
Cet évènement que nous allons présenter ici est le déroulement d’une colonne militaire
française qui, utilisant pour base Tiznit, organisa une double série de raids sur les tribus
“rebelles” de l’Anti-Atlas. En effet, ces dernières, depuis 1912, proclamaient alors un sultan
du jihad, Mawlāy Ḥmed Hiba (fils d’un célèbre thaumaturge beydan, Ma el Aïnin) qui,
depuis le début de 1915, est réfugié dans le hameau de Kerdous, au cœur du massif de l’Anti-
Atlas central, d’où l’expression d’agellid n Kerdus par lequel on le désigne dans ces pays de
la tachelhit.
Nous nous pencherons dans un premier temps sur la genèse de la situation particulière de
cette région du Sous et les causes qui ont motivé ce que l’historiographie coloniale a célébré
sous le nom de “la colonne du Sous.” Ensuite, nous nous intéresserons à l’organisation de
la défense des tribus de l’Anti-Atlas face à cette “agression” ainsi qu’au déroulement des
raids organisés par la puissance coloniale avec l’appui des “grands caïds” du Haut-Atlas.
La ḥarka du Jninar: Un épisode de la Grande Guerre dans le Sud-ouest marocain 175

Enfin, nous analyserons les résultats et les conséquences de cette expédition militaires en
soulignant en particulier si les objectifs établis par l’État-major français ont été atteint ou non
et comment, de leurs côtés, les groupements tribaux de la région ont vécu ces évènements.
Mots clés: Ahmed al-Hiba, les tribus de Sous, Kerdous, grands caïds, la résistance,
l'occupation française.

Abstract: The Ḥarka of the Jninar: An Episode of the Great War in the South-
West of Morocco (March-May 1917)
This event that we are going to present here is the unfolding of a French military column
which, using for base Tiznit, organized a double series of raids on the “rebel” tribes of the
Anti-Atlas. Indeed, the latter, since 1912, proclaimed then a sultan of jihād, Mawlāy Hmed
Hiba (son of a famous thaumaturge beydan, Ma el Aïnin) who, since the beginning of 1915,
is a refugee in the hamlet of Kerdous, the heart of the central Anti-Atlas massif, hence the
expression agellid n Kerdus by which it is now designated in these in these areas of tachelhit.
We will first look at the genesis of the particular situation of this region of the Sous and
the causes that motivated what colonial historiography celebrated under the name of “the
column of the Sous.” Then, we will focus on the organization of the defense of the tribes of
the Anti-Atlas face this “aggression” and the course of the raids organized by the colonial
power with the support of the “Great caïds” of the Haut-Atlas. Finally, we will analyze the
results and consequences of this military expedition, highlighting in particular whether the
objectives set by the French General Staff have been achieved or not and how, on their side,
the tribal groups in the region have experienced these events.
Keywords: Ahmed al-Hiba, Souss, Kerdous, Great Kaids, Resistance, French
occupation.

Resumen: El ḥarka de Jninar: Un episodio de la Gran Guerra en el suroeste de


Marruecos (marzo-mayo de 1917)
Este evento que vamos a presentar aquí es el despliegue de una columna militar
francesa que, utilizando para la base Tiznit, organizó una serie doble de redadas contra las
tribus “rebeldes” del Anti-Atlas. De hecho, este último, desde 1912, cuando se proclamó
Sultan una yihād, Mawlāy Hmed Hiba (hijo de un famoso beydan taumaturgo, Ma el Ainin)
que, desde el comienzo de 1915, se ha refugiado en la pedanía de Kerdous de corazón del
macizo central Anti-Atlas, de ahí la expresión agellid n Kerdus por el cual ahora se designa
tachelhit en estas áreas.
Nos centraremos inicialmente en la génesis de la situación particular de la región y Sub
razones que hizo necesario que la historiografía colonial celebrado como el “Sub columna.”
A continuación nos centraremos en la organización de la defensa de las tribus de la operación
Anti-Atlas con esta “agresión” y la realización de incursiones por el poder colonial, con
el apoyo de los “Grandes Kaids” de Nagorno Atlas. Por último, se analizan los resultados
y las consecuencias de esta expedición militar destacando en particular, si los objetivos
establecidos por el Estado Mayor francés se lograron o no, y cómo sus lados, los grupos
tribales de la región han experimentado estos eventos.
Palabras clave: Ahmed al-Hiba, Souss, Kerdous, Grandes Kaids, Resistencia,
ocupación francesa.

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