Mathematiques - Filles-Garcons Education Nationale

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Égalité filles-garçons en mathématiques

Document réalisé par un groupe de travail conduit par l’inspection générale avec une équipe d’IA-IPR

janvier 2023
Égalité filles-garçons en mathématiques

Table des matières


1. Introduction ................................................................................................................................................ 2
2. Identifier les leviers d’amélioration les conditions de la réussite. .............................................................. 5
2.1. Connaitre quelques résultats sur l’engagement des élèves, la motivation et l’image de soi en
mathématiques ............................................................................................................................................... 5
2.1.1. Identifier l’importance de l’efficacité perçue en mathématiques ............................................... 5
2.1.2. Identifier le problème de l’anxiété vis-à-vis des mathématiques ............................................... 7
2.1.3. Favoriser en réponse des pratiques pédagogiques engageantes et valorisantes pour tous....... 7
2.2. S’appuyer sur les pratiques collaboratives .......................................................................................... 9
2.2.1. Connaitre les résultats de la recherche sur la résolution collaborative de problèmes ............... 9
2.2.2. Privilégier des pratiques pédagogiques plus inclusives ............................................................... 9
2.3. Lutter contre les stéréotypes ............................................................................................................ 12
2.3.1. Connaitre la notion de « menace du stéréotype » .................................................................... 12
2.3.2. Mettre en œuvre des pistes pour réduire l’effet du stéréotype ............................................... 12
2.4. Interroger ce qui se passe dans la classe ........................................................................................... 13
2.4.1. Comprendre le rôle des appréciations scolaires et en faire un levier de confiance en soi ....... 13
2.4.2. Interroger les interactions dans la classe .................................................................................. 14
2.4.3. Etre attentif aux énoncés d’exercices ....................................................................................... 15
3. S’inscrire dans des actions menées dans l’établissement ......................................................................... 19
3.1. Ouvrir le champ des possibles ........................................................................................................... 19
3.2. Quelques ressources ......................................................................................................................... 21

1
Ce document est le fruit d’un travail de plusieurs années, initié par Robert cabane, inspecteur général et doyen
du groupe des mathématiques en 2017, poursuivi par son collègue Olivier Sidokpohou et mené avec des
professeurs, des chercheurs et des associations, dont le document actuel porte également la marque des
réflexions et des contributions1.
Le document a été rédigé par un groupe de travail piloté par Xavier Gauchard pour l’inspection générale avec
une équipe d’IA-IPR de mathématiques : Mahdia Aït Khelifa, académie d’Amiens ; Claire Berlioz, académie de
Paris ; Catherine Huet, académie de Versailles ; Pascal Letard, académie de Toulouse ; Christophe Mazuyer,
académie d’Aix-Marseille.

1. Introduction
Ce document, destiné avant tout aux professeurs de mathématiques, mais qui intéressera aussi chefs
d’établissement, CPE, formateurs et parents, répond à une situation paradoxale. Alors que les filles
ont des résultats très proches de ceux des garçons aux évaluations de mathématiques du CP jusqu’au
DNB2, alors qu’à l’école primaire elles placent cette discipline comme leur préférée avec le français,
une différenciation s’opère progressivement qui les amène d’abord, au niveau du lycée général, à
moins se diriger vers des couplages de spécialité alliant mathématiques et physique, ou
mathématiques et sciences de l’ingénieur, et surtout, dans leurs orientations post-bac, à se détourner
largement des cursus où les mathématiques occupent une part prépondérante, puis des métiers qui
en découlent. La part de filles admises dans les licences ou les classes préparatoires mathématiques
ou informatique, reste par exemple stable, à des niveaux faibles.
Les raisons sont nombreuses, multifactorielles,
et font l’objet de travaux de recherche actuels. Admis phase principale Parcoursup
On pourrait d’ailleurs considérer que cette % de filles
30% 25,70%
25,30% 24,70%
orientation est choisie, et qu’elle traduit après
tout la plus grande variété de goûts et de choix 24,80%
23% 23,40%
d’orientation des filles, variété qui leur est 20%
14,50%
13,10%
permise par des résultats scolaires meilleurs et 11,90%
plus équilibrés que ceux des garçons. Ce point 10% 13,40%
10,70%
est à considérer, mais en n’oubliant pas que ces
goûts et ces choix se construisent aussi par des
représentations, positives ou négatives, par 0%

une confiance, ou au contraire un manque de 2020 2021 2022


Licence mathématiques/informatique
confiance vis-à-vis de ses capacités à réussir. Licence informatique
Figure 1: source IGESR d'après données Parcoursup

1
Citons entre autres Véronique Chauveau, Annick et Laurence Broze, de l’association femmes et mathématiques, la
chercheuse Natalie Sayac, Frank Salles (DEPP), Pierre Labarbe au titre de la DGESCO, Delphine Bord , Nicolas Chacon,
Myriam Boge et Milena Faure, professeurs de mathématiques au collège.
2
Une légère différence de performance apparaît entre le CP et le CE1 qui s’estompe tout au long de la scolarité. C’est ce
qui est observé notamment pour l’évaluation TIMSS, entre la 4e année (CM1) et la 4e année (5e) :
https://datastudio.google.com/reporting/b91b1c68-ca09-4581-981f-cd5fe68c5638/page/KtsmB
2
Or il se trouve que sur cette question du manque de confiance et de l’anxiété qu’elle engendre, nous
disposons de résultats nombreux et très solides permettant d’affirmer que ce problème concerne en
mathématiques beaucoup plus les filles que les garçons :
Lorsqu’on interroge les élèves français de 15 ans en 2012 dans le cadre de l’évaluation PISA, 50% des
filles (contre 30% des garçons) déclarent se sentir dépassées lorsqu’elles doivent résoudre un
problème de mathématiques, score le plus élevé de toute l’OCDE.
Ce résultat saisissant est corroboré par le résultat identique concernant l’anxiété des filles à l’idée de
faire des mathématiques.

Figure 2 : source OCDE, base de données PISA 2012

Ces deux résultats, essentiels, justifient l’objectif choisi par ce document, qui est de lutter, en
particulier au collège, contre ce manque de confiance en soi et cette anxiété qui touche trop de filles,
mais aussi trop de garçons3, en étant convaincu que chaque progrès dans ce domaine augmentera la
liberté de s’orienter, et profitera in fine aux orientations en mathématiques après le baccalauréat.
Il en découle plusieurs partis pris qui guident l’organisation de ce document :
- Identifier les axes où la recherche montre qu’une action efficace est possible pour favoriser
une meilleure confiance des filles et au final une meilleure réussite de tous les élèves.
- Proposer pour chaque axe des pistes le plus concrètes possibles, dans le quotidien de la classe,
- Proposer pour chaque axe des actions qui permettent de faire des mathématiques vivantes,
et de favoriser la confiance des filles et des garçons.

3
La comparaison sur les attitudes des élèves vis-à-vis des mathématiques de la cohorte évaluée par TIMSS en CM1 en
2015, puis en 4e en 2019, montre une érosion de la motivation et de la confiance en soi entre le primaire et le secondaire.
La France se distingue sur l’indicateur « j’aime beaucoup les mathématiques » avec 50% des élèves de CM1 et 11% en 4e.
La chute de l’indicateur est moins prononcée au niveau international passant de 46% à 20%.
Pour l’indicateur « je suis très confiant en mathématiques », on passe en France de 33% en CM1 à 13% en 4e, ce qui est
peu différent du profil international moyen.
3
Pour lier réflexion et actions au sein de la classe et dans l’établissement, le document met en avant
des gestes professionnels et des pratiques pédagogiques à même de nourrir le sentiment d’efficacité
des élèves et réduire leur anxiété vis-à-vis des mathématiques, comme apprendre avec et par les
autres ou développer une pratique de l’oral efficace pour tous. Le document porte aussi une attention
particulière à des attitudes, à des discours et à des propos qui peuvent renforcer ou au contraire
contrarier le fait pour les élèves de se projeter en confiance dans un avenir où les mathématiques
jouent un rôle important, qu’il s’agisse d’énoncés d’exercices, d’appréciations sur une copie ou d’une
manière de décrire les métiers où les mathématiques interviennent.

4
2. Identifier les leviers d’amélioration les conditions de la réussite.
2.1. Connaitre quelques résultats sur l’engagement des élèves, la motivation et l’image
de soi en mathématiques
Lors des évaluations PISA4, le domaine majeur est étudié plus spécifiquement à partir des
questionnaires de contextes renseignés au moment de la passation. En 2012, pour le domaine majeur
« mathématiques », ces données ont permis de mesurer l’engagement des élèves par rapport à
l’école, leur motivation à réussir et leur perception par rapport à l’apprentissage des mathématiques.
Le volume III des résultats du PISA 20125 met en évidence des différences
« À niveau égal de performance entre filles et garçons dans les attitudes à l’égard des mathématiques. Le
en mathématiques, les élèves chapitre 4, « image de soi en mathématiques et participation à des activités
choisissent généralement des en rapport avec les mathématiques », analyse plusieurs manifestations
cours différents, des parcours concrètes de l’opinion que se font les élèves de leurs compétences en
scolaires différents et, en fin de mathématiques. Le cadre de la théorie sociocognitive est très présent dans
compte, des carrières différentes, cette analyse, avec, en particulier des références aux travaux d’Alberto
en partie sous l’effet de l’image Bandura sur le sentiment d’efficacité personnelle6.
qu’ils se font d’eux-mêmes en En appui sur ce cadre théorique, l’analyse de l’OCDE met avant l’influence de
tant qu’apprenants en ce que pense chaque individu de ses capacités à réaliser des performances
mathématiques »3. particulières sur son engagement et sa réussite dans la résolution de
problèmes, mais aussi sur ses choix d’orientation.
Dans ce rapport, l’analyse de l’opinion que les élèves ont d’eux-mêmes a été analysée aux travers de
cinq indices7. Pour la France, deux de ces indices interpellent par l’écart entre les filles et les garçons :
la perception de son efficacité en mathématiques et l’anxiété vis-à-vis des mathématiques.
2.1.1. Identifier l’importance de l’efficacité perçue en mathématiques
L’efficacité perçue en mathématiques est un indice qui s’appuie sur la perception des élèves de 15
ans à résoudre une série de problèmes de mathématiques. « Les élèves qui s’estiment peu efficaces
en mathématiques risquent fort d’accuser de piètres résultats en mathématiques, et ce, en dépit de
leurs aptitudes »3. Une étude8 s’est intéressée à trois groupes d’élèves de niveaux en mathématiques
différents, avec dans chacun d’eux des élèves s’estimant efficaces en mathématiques et des élèves
ne s’estimant pas efficaces. Pour chacun des groupes, les élèves ayant un sentiment d’efficacité élevé
ont résolu plus de problèmes correctement et ont choisi de retravailler davantage de problèmes qu'ils
avaient manqués.
Par ailleurs, si « les élèves ne se croient pas capables d’accomplir des tâches spécifiques, ils ne
déploieront pas les efforts requis pour les mener à bien, et le manque d’efficacité perçue devient alors
une prédiction auto réalisatrice »3.

4
Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) visant à tester les compétences des élèves de 15 ans en lecture, sciences et mathématiques
5
Résultats de PISA 2012 : Des élèves prêts à apprendre (Volume III) - Engagement, motivation et image de soi
https://doi.org/10.1787/9789264205345-fr Auteur(s) : OCDE
6
Pour un résumé, voir l’analyse bibliographique de Maïlys Rondier, “A. Bandura. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité
personnelle”, L'orientation scolaire et professionnelle, 33/3 | 2004, 475-476. https://doi.org/10.4000/osp.741
7
Les trois autres indices sont la perception de soi en mathématiques, les dispositions en mathématiques et les
comportements en mathématiques
8
Collins, J. L. (1982). Self-efficacy and ability in achievement behavior, congrès American Educational Research Association
5
Différences entre les filles et les garçons dans l’efficacité perçue en mathématiques

Classement par ordre croissant des différences entre les garçons et les filles dans l’indice d’efficacité perçue en mathématiques
Source : OCDE, Base de données PISA 2012

Entre 2003 et 2012, la France est le pays où l’écart entre les garçons et les filles a le plus augmenté.
Pour déterminer cet indice, il a été demandé aux élèves d’indiquer dans s’ils étaient « tout à fait sûr »,
« sûr », « pas très sûr » et « pas du tout sûr » d’arriver à effectuer une tâche mathématique. Si aucune
différence ne s’observe sur des tâches identifiées aux programmes (« résoudre une équation » par
exemple), une différence est plus importante lorsque le problème porte sur « des tâches associées à
des rôles traditionnellement dévolus au sexe masculin, comme calculer la consommation de carburant
d’un véhicule »3. Pour ce calcul, dans les pays de l’OCDE, 67% des garçons ont déclaré se croire
capable d’effectuer un tel calcul, pour seulement 44% de filles.
Une étude plus récente de la DEPP9 vient corroborer les informations sur le sentiment d’efficacité.

Ces réponses ont été données par les élèves lors des enquêtes de contexte réalisées à l’issue de la
passation des évaluations nationales. L’écart de sentiment de réussite entre filles et garçons est très
largement supérieur à l’écart du taux de maîtrise des compétences.
Les élèves ont été interrogés sur leur sentiment de confiance sur l’année scolaire à venir. Si, en
sixième, il y a peu d’écart entre filles et garçons (- 5,3 points), c’est en seconde générale et
technologique que l’écart entre filles et garçons est le plus élevé (- 12,1 points).

9
Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance - Note d'Information n° 22.17, juin 2022
6
2.1.2. Identifier le problème de l’anxiété vis-à-vis des mathématiques
Dans le rapport PISA, l’anxiété vis-à-vis des mathématiques est mesurée par un indice qui s’appuie
sur les réponses des élèves de 15 ans à des questions sur leur état
« En moyenne, dans l’OCDE, le fait d’esprit quand ils se préparent à aborder des tâches de
d’éprouver une plus grande anxiété mathématiques, quand ils pensent à leurs résultats en
vis-à-vis des mathématiques mathématiques et quand ils tentent de résoudre des problèmes
entraîne une diminution de 34 points mathématiques.
du score en mathématiques, soit En France, les élèves font état d’un degré d’anxiété plus élevé que la
l’équivalent de près d’une année de moyenne de l’OCDE et l’anxiété est plus marquée chez les filles que
scolarité »3. chez les garçons, comme le montre le graphique cité en introduction
du document. Cette anxiété montre en particulier la forte inquiétude
des élèves sur leur compréhension et sur l’évaluation.

L’anxiété vis-à-vis des


mathématiques peut entraîner chez
les individus qui en souffrent « une
réaction physique qui s’apparente à
la douleur. En conséquence, les
élèves anxieux vis-à-vis des
mathématiques tendent à éviter les
mathématiques, les cours de
mathématiques et les filières
professionnelles qui nécessitent la
maîtrise de savoirs et savoir-faire
mathématiques »3.

2.1.3. Favoriser en réponse des pratiques pédagogiques engageantes et valorisantes pour


tous
Le chapitre 5 du volume 3 du rapport PISA 201210 porte sur le rôle des enseignants et des
établissements dans le développement de l'engagement des élèves, de leur motivation et de leur
image de soi. Dans l’enquête de contexte, les élèves devaient lire une suite d’affirmations liées à des
situations pédagogiques. Le pourcentage d’élèves ayant indiqué être d’accord ou tout à fait d’accord
avec ces affirmations permettant ensuite de définir un indice (un nombre en 0 et 1) permettant de
comparer et d’évaluer la fréquence de différentes pratiques pédagogiques à l’intérieur d’un même
pays et entre pays différents indices sur les pratiques pédagogiques. Trois indices se sont révélés
particulièrement intéressants, dans le sens où ils sont liés positivement à l’engagement et à la
persévérance des élèves. Il s’agit des indices d’utilisation de stratégie cognitive, d’instruction dirigée
et d’évaluation formative

10
Voir https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/resultats-de-pisa-2012-comment-l-engagement-des-eleves-leur-
motivation-et-leur-assurance-peuvent-les-aider-a-apprendre-volume-iii_9789264205345-fr
7
L’indice d’instruction dirigée par les enseignants a été par exemple créé sur la base des réponses des
élèves à la question de savoir à quelle fréquence les situations suivantes se présentaient durant leurs
cours de mathématiques :
- « Le professeur nous explique clairement les objectifs de la leçon » ;
- « Le professeur demande à l’un de nous d’expliquer sa réflexion ou son raisonnement en
détail » ;
- « Le professeur nous pose des questions pour s’assurer que nous avons compris le contenu
enseigné » ;
- « Le professeur nous dit ce que nous devons étudier »
Pour répondre à ces questions, les élèves avaient le choix entre les options suivantes : « Toujours ou
presque toujours », « Souvent », « Parfois », et « Jamais ou rarement ». Les réponses des élèves ont
été utilisées pour créer l’indice d’utilisation de stratégies d’activation cognitive par les enseignants,
qui a été normalisé de sorte que sa moyenne est égale à 0 et son écart-type, à 1, dans les pays de
l’OCDE.

L’analyse montre que les élèves Il s’agit bien de favoriser un environnement rassurant et engageant
ayant indiqué que leur où chaque élève comprend les objectifs d’apprentissage et sait qu’il
professeur utilisait des stratégies peut les atteindre en s’engageant dans le travail demandé. Cela
d’activation cognitive, pratiquait contribue à nourrir le sentiment d’efficacité et à amenuiser l’anxiété
l’instruction dirigée et utilisait vis-à-vis de la discipline. Les élèves gagnent bien évidemment à être
l’évaluation formative sont impliqués dans chacun de ces actes pédagogiques.
nettement plus nombreux à se dire Ces stratégies sont à développer de la même façon pour les filles et
persévérants et plus ouverts à la les garçons. C’est un point de vigilance, car l’observation des
résolution de problèmes. Ils sont interactions dans la classe (cf. partie 2.4.3.) montre que les
aussi plus susceptibles de préférer enseignants adressent encore aujourd’hui davantage de retours (tant
les mathématiques à d’autres négatifs que positifs) aux garçons qu’aux filles.
matières, ou de considérer que les
mathématiques sont plus De manière générale, il est important d’interroger les gestes
importantes que d’autres matières professionnels et les situations pédagogiques dont les études
pour leur future carrière et, dans montrent qu’ils peuvent être préjudiciables à un trop grand nombre
une moindre mesure cependant, à d’élèves, les filles mais aussi les élèves dont l’environnement social ne
se distinguer par une meilleure permet pas l’accompagnement lorsque l’élève perd confiance ou se
image de soi en mathématiques3 considère incompétent. À ce titre, on peut noter que nombre
d’éléments qui apparaissent comme indices propices à la réussite se
retrouvent dans le référentiel d’éducation prioritaire11.

Installer des principes pédagogiques reconnus et rassurants :


- Expliciter les objectifs d’apprentissage et les conditions de la réussite
- Considérer l’erreur comme une étape de l’apprentissage et un appui pour valoriser les
acquis et préciser les axes de progrès
- Développer l’oral pour vérifier la compréhension de tous les élèves, interroger les
démarches et élaborer des stratégies propres

11
https://eduscol.education.fr/document/14248/download?attachment
8
2.2. S’appuyer sur les pratiques collaboratives
2.2.1. Connaitre les résultats de la recherche sur la résolution collaborative de problèmes
Les différences de performance entre les sexes se reflètent dans les attitudes envers la collaboration.
En 2017, PISA publie un rapport sur la toute première évaluation internationale de résolution
collaborative de problèmes12. Les résultats montrent notamment que les filles devancent les garçons
de façon significative en résolution collaborative de problèmes dans tous les pays et économies ayant
participé à l’évaluation.

Ce rapport précise que « les garçons et les filles étant élevés différemment et confrontés à des attentes
sociétales différentes, ils sont, à l’âge de 15 ans, susceptibles d’avoir développé des compétences de
collaboration différentes ». Les filles font état d'attitudes plus positives à l'égard des relations, ce qui
signifie qu'elles ont tendance à s'intéresser aux opinions des autres et à vouloir que les autres
réussissent. Les garçons, en revanche, sont plus susceptibles de voir les avantages instrumentaux du
travail en équipe et la manière dont la collaboration peut les aider à travailler de manière plus efficace
et efficiente.
2.2.2. Privilégier des pratiques pédagogiques plus inclusives
L’étude montre une meilleure performance des élèves dans un environnement propice à
l’apprentissage dans leur établissement, « lorsqu’un plus grand nombre de leurs pairs déclarent que
d’autres élèves semblent les apprécier, qu’ils ne se sentent pas seuls à l’école, et qu’ils n’ont jamais ou
presque jamais été menacés ou agressés par d’autres élèves, ni insultés par un enseignant ». Le
développement des pratiques collaboratives a un impact sur le climat scolaire et les relations à l’école.
Il est important de donner sa place aux activités collaboratives, où l'enjeu est d'apprendre et
progresser par les autres, tout en ciblant ces moments et en veillant à maintenir les conditions
d’organisation rigoureuse du travail en groupe avec des apprentissages identifiés par les élèves en
amont et en aval, des modalités pour une interaction fructueuse, un engagement actif de chacun13…

12
https://www.oecd-ilibrary.org/education/resolution-collaborative-de-problemes_867aae44-fr
13
On pourra se référer aux nombreux travaux de recherche, notamment ceux de Sylvain Connac ou de Céline Buchs.
9
Une étude14 a observé l’impact de la composition des groupes, mettant en avant une anxiété plus
forte et une participation orale moindre des filles lorsqu’elles se retrouvaient seules avec trois
garçons.

Pour cette étude, les groupes étaient de 4, avec 3 filles (female majority), 2 filles (female parity) ou
une fille (female minority). Le diagramme de gauche montre l’effet de la composition par sexe du
groupe et du stade de la vie universitaire sur le rapport entre l’anxiété (>1) et l’émulation (<1). Le
diagramme de droite montre l’effet de la composition du groupe par sexe sur la participation verbale
des filles pendant le travail de groupe, évaluée par la proposition de solutions aux problèmes, la
confiance dans ces solutions, l'intérêt pour la tâche…
La recherche met en avant deux buts d’accomplissement
- Le but de maîtrise correspond au désir dans l’apprentissage, le but de maîtrise et le but de
d’apprendre, de comprendre le problème, performance.
d’acquérir de nouvelles connaissances. Il
Ces buts peuvent relever de dispositions personnelles ou
est lié à des contraintes de temps
de facteurs situationnels, la recherche montre cependant
raisonnables et privilégie la qualité à la
que, lors de conflit dans un travail en groupes, le but de
quantité d’exercices traités.
performance nuit à l’apprentissage, surtout lorsqu’il est
- Le but de performance repose sur le besoin associé à des échecs. Pour une ambiance de travail plus
de situer ses compétences en rapport avec sereine et pour associer tous les élèves, notamment ceux
celles des autres et correspond donc au qui doutent de leurs capacités, il est important de mettre
désir de se montrer meilleur que les autres. en avant les buts de maîtrise.
Il est souvent lié à une contrainte de temps
En appui sur quatre études, un article de la revue française
forte et à la capacité de tout traiter en un
de pédagogie15 met en avant que le but de maîtrise crée un
temps court.
contexte dans lequel le conflit peut être régulé de manière
épistémique et peut s’avérer bénéfique à l’apprentissage.
Le but de performance en revanche comporte le risque de créer un contexte dans lequel le conflit
menace les compétences propres, est régulé de manière relationnelle et devient néfaste à
l’apprentissage. Il ne convient évidemment pas d’écarter ce but, qui doit être également travaillé par
les élèves, mais de privilégier le but de maîtrise afin de développer l’assurance nécessaire pour
affronter des situations où la performance est visée.

14
Female peers in small work groups enhance women’s motivation, verbal participation, and career aspirations in
engineering – N. Dasguptaa, M. McManus Scircleb, M. Hunsingerc (2015)
15
Buts de performance et de maîtrise et interactions sociales entre étudiants : la situation particulière du désaccord avec
autrui. C. Darnon, C. Buchs, F. Butera - Revue française de pédagogie, n° 155, avril-mai-juin 2006
10
Cette question est sensible pour l’évaluation. Combinant les enquêtes PISA et TALIS, le document
« L'enseignement à la loupe#39 »16 propose différentes pistes pour combler l’écart de performance
en compréhension de l’écrit entre les garçons et les filles dont l’instauration d’une culture de
l’évaluation tant pour les élèves que pour les enseignants. Cependant « si les garçons ont tout à
gagner à être évalués plus fréquemment », cela peut générer une « anxiété accrue des filles face aux
évaluations fréquentes et au climat de concurrence qui en découle ».
Est-il possible d'utiliser l'évaluation à l'école d'une manière qui ne nuise ni aux filles ni aux garçons ?
Une étude17 a comparé les résultats entre une évaluation orientée vers la performance (« ce test
permettra de comparer vos capacités à celles des autres élèves de la classe », une évaluation orientée
vers la maîtrise (« Ce test vous aidera à bien mémoriser et comprendre la leçon. Vous verrez que,
même pendant le test, vous continuerez à apprendre ») et une situation sans évaluation (« vous
devrez répondre à quelques questions, mais vous ne serez pas évalué sur cette leçon »).

On observe une sous-performance des filles dans la condition d'évaluation axée sur la performance
et une sous-performance des garçons dans la condition sans évaluation. Pour les chercheurs de cette
étude, « tant que l’école devra sélectionner et classer », il est important de mettre en avant le rôle
formateur de l’évaluation pour contrecarrer l’anxiété qu’elle génère.
Les pratiques collaboratives constituent des leviers importants pour proposer des situations où le but
de maitrise est premier. Avec une organisation ciblée et structurée telle que décrites dans les
nombreuses ressources produites par les acteurs engagés dans les apprentissages coopératifs18, ces
pratiques favorisent l’engagement, la motivation et les apprentissages de tous les élèves. Cela
contribue à nourrir le sentiment d’efficacité et à amenuiser l’anxiété vis-à-vis de la discipline.

16
https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/aider-les-garcons-a-combler-leur-retard-en-comprehension-de-l-
ecrit_614cb028-fr
17
Assessing does not mean threatening : The purpose of assessment as a key determinant of girls’ and boys’ performance
in a science class - C.Souchal, M-C.Toczek, C.Darnon, A.Smeding, F.Butera & D.Martinot (2012)
18
Sylvain Connac rappelle qu’il ne s’agit pas de coopérer à tout moment et distingue collaboration et coopération :
« Collaborer c'est travailler ensemble, pour être efficace, on va se répartir le travail en fonction des talents des uns et des
autres, la collaboration est donc tournée vers une réalisation commune. Coopérer c'est agir ensemble, il n'y a pas de
finalisation d'une production, mais les désaccords poussent à étayer davantage ses propres idées. C'est aussi intéressant
quand on est en difficulté, avec le soutien mutuel ». C’est, en ce sens, la coopération, qui est vecteur d’apprentissage.
Etre et Savoir, France Culture : Collaborer et coopérer à l’école : pour quoi faire ? 7/11/2022
11
Pour une meilleure maîtrise sans angoisse, quelques pistes à explorer :
- Favoriser les activités où on privilégie les buts de maitrise aux buts de performance.
- Relâcher les contraintes de temps
- Faire des pratiques collaboratives un cadre privilégié pour les activités mathématiques,
en étant vigilant sur la composition des groupes et l’organisation des interactions

2.3. Lutter contre les stéréotypes


2.3.1. Connaitre la notion de « menace du stéréotype »
La recherche s’est intéressée à la menace du stéréotype19, c’est-à-dire à la pression évaluative qui
s’exerce sur les membres d’un groupe stigmatisé et qui a pour conséquence d’altérer les
performances des membres de ce groupe

Une étude20 est souvent mise en avant sur ce sujet. Il s’agit de la comparaison des performances
d'élèves de 10 à 12 ans (sélectionnés pour leur compétence et leur intérêt en mathématiques) dans
la tâche de reproduction de la figure complexe de Rey-Osterrieth selon qu’elle soit présentée comme
un test de géométrie ou de dessin. Les résultats ont montré que seule la performance des jeunes filles
était inférieure lorsque la tâche était présentée comme un test de géométrie.
2.3.2. Mettre en œuvre des pistes pour réduire l’effet du stéréotype
Lors du Grand Forum des mathématiques vivantes 2021, Isabelle Régner est intervenue sur
« L’influence des stéréotypes de genre sur les performances et les auto-évaluations en
mathématiques chez les enfants »21. En appui sur une publication récente22, Isabelle Régnier, lors de

Pour réduire l’effet de la menace du stéréotype, quelques principes à valoriser :


- mettre en avant une conception malléable de l’intelligence (pas de bosse des maths) ;
- encourager les « buts de maîtrise » en classe ;
- encourager l’auto-affirmation,

19
« Stereotype Threat and the Intellectual Test Performance of African Americans »,
Claude M. Steele et Joshua Aronson, Journal of Personality and Social Psychology, vol. 69, no 5, novembre 1995, p. 797-811
20
Stereotype threat among schoolgirls in quasi-ordinary classroom circumstances. Pascal Huguet, Isabelle Régner.
Journal of Educational Psychology, American Psychological Association, 2007, 99 (3), pp.545-560.
21
https://www.dailymotion.com/video/x805mn3
22
«Effectiveness of stereotype threat interventions: A meta-analytic review » - S. Liu, P. Liu, M. Wang et B. Zhang
12
cette conférence, a évoqué des pistes de travail pour réduire l’effet de la menace du stéréotype, dont
un certain nombre peuvent être utilement mises en œuvre dans la classe.

2.4. Interroger ce qui se passe dans la classe


2.4.1. Comprendre le rôle des appréciations scolaires et en faire un levier de confiance en
soi
Dans un document centré sur le renforcement de la confiance donnée aux élèves, il est indispensable
de consacrer un paragraphe à la manière dont les enseignants parlent du travail des élèves, que ce
soit à l’oral ou à l’écrit, sur les copies ou les bulletins de notes.
Sans remettre nullement en cause le professionnalisme des enseignants et leur volonté de traiter les
élèves sans distinction de sexe, on sait que les attitudes sont également guidées par des stéréotypes
et des préjugés inconscients, véhiculés par la société, et qu’on ne peut évacuer si on n’en a pas
d’abord pris conscience.
Depuis une trentaine d’années, la recherche a mis en avant un biais
qui subsiste, même s’il diminue, dans la manière de qualifier le
Les recherches montrent que de travail des filles et des garçons, indépendamment de leurs résultats
manière générale, valoriser l’effort scolaires23. Pour ce qui est des appréciations positives, les références
et le travail plutôt que le talent ou au travail, à la rigueur, au soin, sont surreprésentées pour les filles,
des qualités mathématiques qui alors que les références au talent, aux possibilités éventuellement
seraient innées et liées à la non exploitées sont surreprésentées pour les garçons.
personne a un effet bénéfique sur la
volonté des filles et des élèves de Des pistes pour travailler les appréciations
milieu modeste à s’engager dans Au sein des équipes éducatives ou en formation, la réflexion peut
l’activité et à poursuivre les porter sur une analyse des appréciations, comme celles-ci-dessous
mathématiques ultérieurement. recensées dans un établissement :

Enseignement Genre Moyenne Appréciations


Maths expertes Garçon 1 16,40 3 appréciations identiques : « Très bons résultats. Élève très
Garçon 2 16 intéressé(e) par la matière et ayant de réelles capacités
Prof 1 Fille 1 17,60 scientifiques »
Maths Fille 1 9,75 Vous faites preuve de bonne volonté et de sérieux
Fille 2 7,00 Vous êtes une élève sérieuse
Complémentaires Fille 3 7,13 Votre bonne volonté est à souligner

Prof 2 Fille 4 12,38 Élève sérieuse mais trop discrète


Garçon 1 12,00 … doit s’impliquer à l’oral. Cela vous permettra de gagner en
aisance et de consolider vous connaissances
Fille 5 19 Votre attitude est exemplaire : vous êtes sérieuse et impliquée

Garçon 2 15 …conserver votre sérieux et votre implication qui sont au service


de votre réussite

23
On pourra consulter à ce propos l’étude récente et extrêmement précise que Marion Monnet a réalisée dans sa thèse
Removing barriers to higher education : the role of information and stereotypes on performance and enrollment
outcomes : https://www.theses.fr/2021EHES0037
13
On peut remarquer les constats mis en avant par la recherche dans les appréciations du deuxième
enseignant. Malgré les moyennes, les appréciations destinées aux filles sont plus positives mais
restent dans la dimension comportementale, même pour celle qui a une moyenne de 19/20. La
réussite est pointée chez le garçon 2 qui a pourtant une moyenne plus faible.

Quelques questions à se poser :


– Le contenu des annotations et des appréciations est-il le même quel que soit
le sexe ?
– Les critères d’évaluation sont-ils identiques entre les garçons et les filles ?
– Les aspects comportementaux et les compétences intellectuelles sont-ils
explicités autant pour les deux sexes dans les appréciations ?
– Quels sont les objectifs visés par l’appréciation ?

Un principe à respecter : privilégier les discours dans lesquels la réussite est liée au
travail et à l’effort, plutôt que ceux où elle est liée au talent.

2.4.2. Interroger les interactions dans la classe


La généralisation de la mixité dans l'éducation en France date des années 1960. On espère alors que
la mixité favorise un enrichissement intellectuel réciproque. Il ne suffit cependant pas de mélanger
filles et garçons dans une même classe pour que cette mixité soit garante de l’égalité. L’occupation
de l’espace, la façon d’être un élève, l’appropriation du temps de parole, le rapport aux sanctions
sont marqués par le sexe des élèves24 25.
En appui sur les recherches en sociologie et en psychologie sociale, un article de Marie Duru-Bellat19
interroge la mixité et la non-mixité, « de manière insidieuse, la norme de féminité contraint les filles
à se montrer soucieuses de leur apparence, à laisser les garçons occuper l’espace et accaparer
l’attention du maître, à renoncer à entrer en compétition avec eux, parfois à les materner… ».

24
Sylvie Ayral, La fabrique des garçons. Sanctions et genre au collège
25
Marie Duru-Bellat, « La mixité à l’école et dans la vie, une thématique aux enjeux scientifiques forts et ouverts », Revue
française de pédagogie DOI : https://doi.org/10.4000/rfp.1861
14
Dans une étude26, les interactions verbales en classe ont été observées
dans 15 séances de cours de différentes disciplines au secondaire à
Quelques observations.
Genève.
« La prise de parole en classe prend
la forme d’une compétition. Les
filles ont un moindre accès à la
parole en classe et n’apprennent
pas à mettre en valeur leurs
compétences. Le fait de ne pas se
lancer dans la compétition leur
permet de prendre le temps
d’apprendre. Pour certains garçons, Les garçons sont plus souvent sollicités dans le secondaire, et ils le sont
le but est d’être celui qui a la parole plus fréquemment pour « faire avancer le cours », quand les filles sont
et non de répondre juste »19. généralement interrogées pour rappeler la leçon précédente. Par
ailleurs, les enseignants peuvent réagir de manière différente quand il
s'agit de garçons ou quand il s'agit de filles, notamment aux comportements d'agitation jugés
naturels. De plus, la posture des enseignants peut être influencée par des stéréotypes de genre : les
façons de noter, d’interroger, de penser les trajectoires scolaires apparaissent souvent dépendantes
du sexe des élèves.

L’observation de la classe est un levier pour une organisation plus favorable à la réussite de tous les
élèves.

Quelques questions à se poser :


– Comment les filles et les garçons prennent-ils la parole ? Certains élèves
coupent-ils la parole des autres ? La prise de parole est-elle conditionnée par
la peur du jugement des autres ?
– Le temps de parole accordé aux garçons et aux filles est-il comparable ? Quels
sont les élèves interrogés pour restituer les notions du cours ? construire un
savoir ?

Quelques principes à respecter : ne pas s’appuyer sur les seuls élèves volontaires,
veiller à avoir les mêmes attentes relativement aux types de tâches, ne pas interroger
les élèves trop rapidement après avoir posé une question, encourager et valoriser les
prises de paroles argumentées, permettre à l’élève de reformuler sa première version…

2.4.3. Etre attentif aux énoncés d’exercices


Les manuels scolaires forment un bel objet de réflexion, tant sur la sous-représentativité des
références féminines que par des énoncés d’exercices intéressant à retravailler.

26
Faire vite et surtout le faire savoir. Les interactions verbales en classe sous l'influence du genre - Isabelle Collet Revue
internationale d'ethnographie, 2015, n° 4, p. 6-22 - https://archive-ouverte.unige.ch/unige:82580
15
Dans une étude27 réalisée sur un corpus de 29 manuels de mathématiques de terminale générale et
professionnelle. Cette étude montre la permanence de représentations inégalitaires et stéréotypées,
qui ne sont pas liées aux programmes mais à leur mise en scène pédagogique, « quand des femmes
scientifiques sont évoquées, c’est surtout par référence aux travaux de leur mari. On note toutefois
quelques efforts pour citer des femmes mathématiciennes comme Sophie Germain, ou pour utiliser,
dans des exercices, des statistiques portant sur la représentation des femmes dans la vie politique,
économique et sociale, de manière à faire réfléchir les élèves sur les inégalités femmes-hommes. »
Tout en gardant l’objectif du travail en mathématiques dans le cadre des programmes en vigueur, le
contexte de l’exercice peut être pensé pour parler du travail de femmes scientifiques, pour susciter
la réflexion chez les élèves et initier des échanges28.
Faire des mathématiques mettant en valeur le travail de femmes scientifiques
Par exemple, au cycle 4, les élèves apprennent à lire et interpréter des données sous forme de
données brutes, de tableau, de diagramme. Cela peut être l’occasion de montrer le travail de Florence
Nightingale, connue comme l’une des premières infirmières à utiliser des représentations graphiques
avec ses diagrammes en crête de coq. Grâce à ses relevés de données et à ses diagrammes, Florence
Nightingale a mis en lumière l’importance des conditions sanitaires. En mars 1855, le gouvernement
britannique envoie une commission sanitaire : les égouts sont nettoyés et la ventilation améliorée.
Cette information se lit sur le graphique.
Ce support permet un travail sur le calcul des aires des différentes zones, sur la proportionnalité, elle
donne du sens à la représentation graphique utilisée pour convaincre de la nécessité d’améliorer les
conditions sanitaires et offre l’opportunité de parler d’une femme scientifique, alors que de
nombreux élèves ne connaissent bien souvent que Marie Curie.

27
Égalité femmes-hommes dans les manuels de mathématiques, une équation irrésolue ?
Ambre Elfhadad et Amandine Berton-Schmitt, Centre Hubertine Auclert, novembre 2012
28
Une fiche plus détaillée est à retrouver sur la page Eduscol « Le plan mathématiques au collège » ; dans la partie « Des
ressources pour l'équipe éducative : modifier les représentations des élèves sur les mathématiques »
Télécharger le document « Exemples de problèmes pour travailler les mathématiques et susciter la réflexion »
Sur cette même page Eduscol « Le plan mathématiques au collège », une fiche s’intéresse plus spécifiquement aux
modalités d’évaluation. Télécharger le document « L’évaluation et les stéréotypes de genre »
16
On peut aussi faire des mathématiques en plaçant sur un axe des dates importantes de l’évolution du
droit des femmes.

1863 : Première femme bachelière.


1880 : Accès à l’enseignement secondaire pour les filles.
1924 : Les programmes de l’enseignement secondaire ainsi que le baccalauréat
deviennent identiques pour les filles et les garçons.
1944 : Ordonnance accordant le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.
1975 : Obligation de la mixité scolaire.
1995 : Création de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
…..
2014 : Première femme ministre de l'Éducation Nationale.
2021 : Loi instaurant un quota de 40% de femmes aux postes de direction des grandes
entreprises.

Des contextualisations sur les métiers


Les consignes des problèmes peuvent mettre en valeur des modèles professionnels et des situations
familiales variées. Les personnages sont souvent mis en scène dans des situations stéréotypées. Au
travers des problèmes en mathématiques, il est intéressant d’aborder la question de l’égalité en
mettant en avant par exemple un partage des tâches parentales ou un métier où le nombre de

17
femmes, respectivement d’hommes, est encore peu élevé. Cela peut permettre ainsi de valoriser
différents choix professionnels indépendamment des stéréotypes de genre.

En Suisse romande, l’école de l’égalité a pour objectif d’encourager la prise en compte de l’égalité
dans la formation. Réalisées par la Conférence romande des Bureaux de l’égalité, et le Bureau de
l’égalité entre les femmes et les hommes du canton de Vaud, quatre brochures29 s’adressent à
l’ensemble de la scolarité obligatoire. Ces brochures proposent de nombreuses activités en lien avec
le Plan d’études romand et les disciplines scolaires

On trouve différentes activités en ce sens dans les brochures de ce répertoire, comme un exercice
intitulé « Une chauffeuse de taxi ».

L’exercice consiste en la recherche des différentes possibilités de remplissage du coffre avec


contraintes de poids données. Là encore, le travail pourra aboutir à une ouverture du champ des
possibles sur l’orientation.

Quelques principes à respecter dans le choix des énoncés


- Etre attentif dans le choix des situations d’énoncé
- Varier les genres dans les métiers qui constituent des contextes d’énoncés
- Varier les situations (sports, arts, etc.)

29
Répertoire d’activités pour une pédagogie égalitaire entre filles et garçons - L’école de l’égalité – Suisse romande
18
3. S’inscrire dans des actions menées dans l’établissement
La circulaire du 10 mars 2022 (MENE2207942C) sur la labellisation égalité filles-garçons rappelle que
« l'École de la République contribue depuis longtemps à la marche en avant des femmes dans notre
société ».

Le label Égalité filles-garçons pour les Outre les actions au sein de la classe décrites dans la partie
établissements du second degré « vise à précédente, les équipes éducatives autour de référents,
rendre visible l'ensemble des actions développent des actions dans l’établissement pour ouvrir
engagées dans les domaines pédagogique et le champ des possibles dans les parcours scolaires et les
éducatif pour transmettre et faire vivre carrières professionnelles.
l'égalité, qu'il s'agisse des enseignements, de
toutes les situations d'apprentissage, des 3.1. Ouvrir le champ des possibles
activités menées à l'échelle de la classe ou La similarité perçue motive les intérêts des femmes et des
de l'établissement, de la vie scolaire et de la hommes comme l’ont montré certaines études. Un
démocratie scolaire, de la gestion des étude30 a montré que, parmi un échantillon de lycéens
espaces et de relations entre l'établissement, allemands, les étudiants qui percevaient un
son environnement et ses partenaires. Il en chevauchement entre eux-mêmes et un prototype de
permet la coordination et l'étudiant typique qui est bon dans le domaine avaient des
l'approfondissement. Il en assure la lisibilité attitudes plus positives envers ce domaine que ceux qui
auprès de l'ensemble de la communauté percevaient moins de chevauchement. Dans une autre
éducative ». étude31, des entretiens avec des adolescentes sur leurs
attitudes à l'égard de l'informatique ont révélé que le fait
de se sentir différent des informaticiens, même sur des
attributs complètement distincts des compétences ou capacités informatiques (par exemple,
l'attrait), était lié à un intérêt moindre pour l'informatique.

Une piste pour changer les représentations : faire intervenir des rôle modèles
Un « rôle modèle » (traduit de l’anglais « role model ») est une ou un professionnel dont le
parcours, la trajectoire, le métier exercé font d’elle ou de lui un exemple à suivre, un modèle
positif qui permet de se projeter dans un parcours de formation. Le rôle modèle ne doit pas
nécessairement être une personne primée ou célèbre. Il est plus important de présenter des
profils très variés permettant à une grande diversité d’élèves de s’identifier.

Sous-représentées dans de nombreux secteurs scientifiques ou techniques32 33, peu présentes dans
les médias, dans les manuels scolaires, les femmes scientifiques manquent de visibilité sociale. Dans

30
Self-to-prototype matching as a strategy for making academic choices. Why high school students do not like math and
science - Hannover, B., & Kessels, U. (2004). Learning and Instruction, 14, 51–67.
31
I’m not interested in computers’: Gender-based occupational choices of adolescents - Rommes, E., Overbeek, G.,
Scholte, R., Engels, R., & De Kemp, R. (2007). Information, Communication and Society, 10, 299–319.
32
Sous-représentation des femmes en sciences et en informatique - Marion MONNET - Forum PHP 2021
33
Rapport IGESR n° 2022-04 - Analyse des vœux et affectations dans l’enseignement supérieur des bacheliers 2021 après
la réforme du LGT
19
certains cas, notamment historiques, on évoque l’effet Matilda34. D’où le développement par les
milieux associatifs d’actions de rencontre entre élèves et scientifiques féminines.
Des exemples d’actions de rencontre de « rôles modèles »
« Journée Filles, Maths et Informatique : une équation lumineuse », « Sciences de l’ingénieur au
féminin », « Girls Can Code ! », « SNCF Girls’Day, journée de la mixité »… : ces dernières années ont
vu se développer différentes actions destinées aux élèves filles, afin de leur présenter les métiers liés
aux sciences dites « théoriques » comme les mathématiques, la physique ou l’informatique, mais
également de leur faire rencontrer des femmes travaillant dans ces domaines.
Ces rencontres participent à modifier les représentations sociales des élèves, et à lutter contre les
reproductions des schémas professionnels d’une génération à une autre. Certaines actions font le
choix de moments où les filles seules participent, avec une prise de parole plus aisée.
Une étude35 évalue dans 98 lycées généraux et technologiques d’Ile-de-France le programme For Girls
in Science de la Fondation L’Oréal qui s’appuie sur des interventions en classe, d’une durée d’une
heure, par des rôles modèles féminins exerçant un métier lié aux sciences.
Une enquête par questionnaire un à six mois après les interventions a mesuré les effets de ces
interventions en classe sur plusieurs domaines d’intérêt
: goût pour les sciences, confiance en soi en
Si cette étude n’a pas montré d’effet en classe mathématiques, perception positive des carrières
de seconde, elle a montré un impact significatif scientifiques, intérêt pour les métiers scientifiques.
sur l’orientation des filles de terminale S en
CPGE scientifique, surtout pour les élèves plus En appui sur leurs réseaux, les enseignants peuvent
performantes en mathématiques, et en contribuer à l’organisation de rencontres avec des
particulier lorsque les intervenantes étaient figures féminines dans des domaines liés aux
issues du secteur privé. L’étude a montré que mathématiques ou à l’informatique. Les actions citées
ces actions contribuaient à modifier des ci-dessus permettent aussi ces rencontres en appui sur
perceptions et des représentations des associations reconnues.
stéréotypées. L’orientation passe aussi par une meilleure
connaissance des métiers. La brochure Onisep a publiée
en 2021 sur Les métiers des mathématiques, de la statistique et de l’informatique ouvre à une variété
de possibilités.

34
L’effet Matilda a été théorisé par l’historienne des sciences Margaret Rossiter en remarquant que les femmes
scientifiques profitent moins des retombées de leurs recherches, et ce souvent au profit des hommes
35
Do Female Role Models Reduce the Gender Gap in Sciences ? Evidence from french High Schools - Thomas Breda, Julien
Grenet, Marion Monnet et Clémentine Van Effenterre - Evidence from French High Schools. 2021. ⟨halshs-01713068v5⟩
20
3.2. Quelques ressources
DEPP, « filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur »
Différences selon les sexes en matière de parcours et de réussite des jeunes, de choix d’orientation et de poursuite d’études
entre filles et garçons, qui auront des incidences ultérieures sur l'insertion dans l'emploi ainsi que sur les inégalités
professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes.

INSEE, Femmes et hommes, l’égalité en question


Cet ouvrage fait le point sur l’égalité entre les femmes et les hommes aujourd’hui en France. Un dossier s’intéresse
particulièrement aux parcours distincts construits par les filles et les garçons de l’école élémentaire à l’entrée dans
l’enseignement supérieur.

Les femmes et les sciences, au-delà des idées reçues


Associations Femmes & sciences, Femmes & mathématiques et Femmes Ingénieures
Livret destiné aux enseignantes et aux enseignants pour lutter de manière efficace contre les idées reçues sur les
études et l’orientation des filles et des garçons.
L’association Femmes et sciences a organisé un Colloque "Ensemble pour porter l’égalité Femmes-Hommes en
Sciences" les 19 au 20 novembre 2021. Les fichiers video des conférences et les pdf des présentations sont
accessibles via le lien : https://ipcms-cloud.u-strasbg.fr/owncloud/s/NSniUAPz797LICa
La parité en mathématiques et en informatique, une perspective lumineuse
Femmes & mathématiques, Animath
Etat des lieux, stéréotypes de sexe, manque de modèles, méconnaissance des métiers, pourquoi cette
préoccupation de la parité, en quoi cela intéresse-t-il la société ?
Des pistes pour persévérer dans l'égalité
Québec- Gaspésie- Iles de la Madeleine
Guide d’intervention dans le secondaire
Grilles pour l’observation dans la classe
Girls days, Boys days
Fédération Wallonie – Bruxelles
Se déroule en deux temps :
è Module de sensibilisation aux notions de genre et aux préjugés associés à certaines professions.
è Rencontres de professionnels afin de découvrir des métiers atypiques pour les filles et les garçons

Faire de l’égalité filles-garçons une nouvelle étape dans la mise en œuvre du lycée du XXIe siècle
Sophie Béjean, Claude Roiron et Jean-Charles Ringard, avec la participation de Pascal Huguet
Le rapport fait le constat d’un cadre réglementaire engageant et suscitant de nombreuses initiatives et pourtant
des constats contrastés et paradoxaux en matière d’égalité filles-garçons. Il propose aussi une enquête qualitative
sur les processus de choix des lycéennes et lycéens.
Cinq partis-pris et cinq leviers d’action déclinés en mesures et en observations pour une mise en œuvre :
- Un pilotage volontariste en cohérence, du niveau national au niveau de l’établissement
- Une communication claire sur la mixité des parcours, des formations et des métiers
- Une orientation proactive avec des mesures incitatives et pragmatiques
- Une pédagogie inclusive pour les filles et les garçons dans les programmes et dans la classe
- Une formation pour mieux prendre conscience de l’impact des gestes professionnels sur les stéréotypes de
genre et les parcours de formation des élèves

21

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