2 MEM PSYCHOMOT 2016 ALBERGE Deborah
2 MEM PSYCHOMOT 2016 ALBERGE Deborah
2 MEM PSYCHOMOT 2016 ALBERGE Deborah
« Etre » en souffrance
Les angoisses chez l’enfant : Une souffrance psychique aux multiples
expressions psychocorporelles
Référent de mémoire :
Merci à l’IFP qui nous forme tout d’abord à un merveilleux métier mais qui nous offre aussi le plus
beau des voyages, à la découverte de nous même.
Je remercie Christine BOULEY, ma maitre de stage, qui m’a permis d’affiner mon regard clinique tout
au long de cette année. Merci pour la confiance que tu m’as accordée.
Tout simplement merci Mathéo. Sans ta rencontre, ce mémoire n’aurait probablement pas vu le jour
sous cette forme. Je tiens également à remercier tous les patients que j’ai pu croiser au cours de mes
différents stages.
Merci aussi à mes amis de l’IFP. J’ai pu grandir et évoluer à vos côtés.
Merci à ma famille et plus particulièrement à mes parents qui m’ont soutenu mais qui ont surtout
supporté mes rires, mes pleurs et mes angoisses tout au long de cette année en étant pourtant à
distance. Ne vous inquiétez pas, je retrouverai ma joie de vivre très prochainement !
Je tiens également à remercier Corine, ma tante, sans qui ce fabuleux métier me serait encore
inconnu. Tu m’as soutenue quand j’en avais le plus besoin et tu as su faire naître en moi une curiosité
que je n’attendais plus. Alors un grand merci.
A vous, Mme Poupon, je ne saurais jamais comment vous remercier pour ces trois années
magnifiques passées dans cette belle ville qu’est Paris.
Sommaire
Introduction ...............................................................................................................................................5
Conclusion ............................................................................................................................................. 69
Bibliographie .......................................................................................................................................... 70
Introduction
Il y a quatre ans, j’ignorai tout du métier de psychomotricien. Alors pourquoi m’être orientée vers
ce métier ? Comme toute formation impliquant la personne, nous ne la suivons pas par hasard. Elle
fait appel à notre propre histoire. Alors pourquoi ? Pour soigner ? Peut-être. Aider à surmonter une
souffrance ? Certainement. Sensible à la souffrance des personnes qui m’entourent (peut-être trop
d’ailleurs), cette formation m’a permis de pouvoir me mettre à distance, de trouver une juste distance
relationnelle dans la thérapie psychomotrice.
Mais qu’est ce qu’une souffrance et plus particulièrement une souffrance psychique ? Souffrir,
c’est endurer, éprouver, supporter quelque chose de désagréable. Elle altère le rapport à autrui, et
renvoie l’individu à lui-même. Le sujet se retrouve seul face à sa souffrance. Il ne peut souvent que
peu ou pas l’exprimer et la décrire avec des mots. Dans certains cas, cette difficulté de communication
de la souffrance à son environnement, rend ce même environnement hostile et possiblement
menaçant. Le sujet peut alors considérer cette souffrance comme l’idée d’un destin de souffrance
auquel il se résigne.
Avant le début de mon stage de troisième année, j’avais une vague idée de ce qu’allait être mon
mémoire. Tout d’abord orienté sur la douleur physique et ses impacts sur le développement
psychomoteur, c’est la rencontre avec un jeune garçon, Mathéo, qui a fait évoluer mon idée de départ.
Il m’a interpellée par la souffrance qui émanait de lui. Mathéo m’a permis d’approcher la complexité et
la multiplicité des troubles et expressions que pouvait avoir une souffrance. La question du corps reste
tout de même très présente. Selon POTEL C., « le corps est le lieu de l’histoire et de la préhistoire de
1
chacun » . Le corps se trouve donc être le lieu d’expression de nos mouvements psychiques internes.
Je me suis alors demandée quelles pouvaient être les expressions psychocorporelles engendrées par
une souffrance psychique chez l’enfant. Et, en m’appuyant sur l’étude clinique de Mathéo, je
considère, comme souffrance psychique, les angoisses qu’il peut présenter au cours des séances de
psychomotricité mais également dans sa vie quotidienne.
Dans ce mémoire, j’aborderai tout d’abord une partie clinique en deux temps, où je présenterai
mon lieu de stage ainsi que l’étude de cas concernant Mathéo. Après avoir rappelé les principales
notions théoriques relatives à la problématique de ce jeune garçon, je pourrais amorcer ma réflexion
sur les expressions psychocorporelles du sujet face à ses angoisses si prégnantes et les moyens dont
nous disposons en thérapie psychomotrice pour contenir l’angoisse.
1
POTEL, 2009, p. 19
5
Première partie : Etude de cas
6
« Où l’on s’émerveille
qui triomphent de
2
CYRULNIK, 2002, p.7
7
I. Présentation de la structure
a. Généralités
Mon lieu de stage est un Centre Médico-Psychologique (CMP) accueillant des enfants de 0 à 16
ans. Il fait partie de l’intersecteur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Centre Hospitalier de
M.. Cet intersecteur est dirigé par un médecin pédopsychiatre. Il comprend :
- sept centres de consultations médico-psychologiques (CMP) dont deux spécialisés pour les
tout petits de 0 à 3 ans et un autre spécialisé pour les adolescents de 12 à 20 ans,
- trois Centres d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP),
- une maison des adolescents,
- une unité d’évaluation des Troubles envahissant du développement (TED) et de l’Autisme,
- trois hôpitaux de jour,
- une « équipe mobile adolescents »,
- ainsi qu’un accueil familial thérapeutique.
b. Les intervenants
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c. Le fonctionnement
La demande de premier entretien au sein du centre doit être faite par la famille. Un rendez-vous
leur est alors proposé avec l’un des consultants. Les consultants sont la pédopsychiatre et les deux
psychologues. De cet entretien d’accueil découle un suivi éventuel au sein de la structure.
Une réunion de synthèse a lieu tous les jeudi matin. Elle réunit l’ensemble des professionnels
intervenant au CMP. Cette réunion permet de faire le lien entre les différents professionnels qui
prennent en charge un même enfant, et de croiser les regards, pour proposer une prise en charge
cohérente. C’est aussi le lieu de réflexion au sujet de situations qui posent question, des difficultés
rencontrées par les différents professionnels. Lors de ces réunions se décident le début ou la fin de
certaines prises en charge.
d. La psychomotricité
La psychomotricité est présente au sein du CMP depuis de nombreuses années et sa place est
donc bien installée. Christine, la psychomotricienne, reçoit des enfants âgés de 4 à 15 ans. Elle
réalise des bilans psychomoteurs à la demande des consultants et décide par la suite d’un éventuel
suivi.
La salle de psychomotricité est le lieu des prises en charge psychomotrices mais aussi des
différents groupes mis en place au CMP. La disposition et la mauvaise insonorisation des locaux,
oblige à mettre en permanence de la musique dans la salle d’attente pour respecter la confidentialité.
Les prises en charge sont individuelles ou groupales. J’ai pu participer à ces deux modes de prises en
charge. En individuel, les enfants viennent le plus souvent une fois par semaine pour des séances de
45 minutes. Le groupe « argile » mené par la psychomotricienne, un stagiaire psychologue et moi-
même, reçoit quatre enfants de 4 à 8 ans pendant une heure.
9
II. Cas clinique : Mathéo
Les informations suivantes sont tirées du dossier de Mathéo et de discussions avec les différents
intervenants de sa prise en charge
Mathéo et ses parents sont orientés vers le CMP sur les conseils de l’école maternelle en juin
2010, il a alors 3 ans et demi. A l’école, il se montre agressif avec les autres enfants, les tape ; et ces
derniers ne veulent pas jouer avec lui du fait de son comportement. Il a eu une petite sœur il y a un
peu plus d’un an. Il vient donc en consultation au CMP pour des troubles du comportement et une
hétéroagressivité.
b. Anamnèse
Mathéo est un jeune garçon de 9 ans, en classe de CM1. Il a une petite sœur de deux ans sa
cadette. Mathéo vit avec ses deux parents, qui, tous deux, travaillent. Madame est infirmière dans un
service de psychiatrie adulte et Monsieur est vendeur de marchandises en sous-douane. Le père de
Mathéo est originaire du Mali et est l’avant dernier d’une fratrie de 10 enfants. Il est arrivé en France à
l’âge de 6 ans et a été élevé par une de ses sœurs, les autres membres de sa famille étant restés au
Mali. La mère de Monsieur ne comprend pas le mode de vie occidental de son fils même si elle ne
s’est pas opposée à l’union de ce dernier. La mère de Mathéo, elle, est d’origine française. Ses
parents se sont séparés lorsqu’elle avait 6 mois et elle a une demi-sœur de deux ans sa cadette.
Mathéo est né 15 jours avant-terme (38 SA) par voie basse, sous péridurale avec un poids de
2,650 kg et une taille de 51cm. La grossesse est décrite comme « idyllique » par Madame. A ses dires,
l’accouchement s’est bien passé. Il est allaité pendant quatre mois, il tête en petite quantité mais très
fréquemment. Il n’est observé aucun problème alimentaire et digestif par la suite. Cependant,
Madame décrit Mathéo comme pleurant beaucoup dès qu’elle s’éloignait pendant les premiers mois. Il
intègre une crèche à l’âge de 5 mois. Ses premières nuits se font vers 4/5 mois. Les parents notent de
nombreux cauchemars qui débutent vers l’âge de 2 ans, Mathéo finissant ses nuits dans le lit de ses
parents. Actuellement les cauchemars sont toujours présents, Mathéo exprime une peur de s’endormir.
Madame retrouve la chambre allumée tard dans la nuit malgré la présence d’une veilleuse. La marche
est acquise à 12 mois sans passer par l’étape du quatre pattes. Le développement du langage s’est
faire normalement semble-t-il. Mathéo a acquis la propreté diurne et nocturne à l’entrée en maternelle.
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c. Conclusion de l’entretien d’accueil au CMP
Le consultant qui reçoit Mathéo et ses parents lors de ce premier entretien est une psychologue
du CMP. Elle effectue une anamnèse de Mathéo et sa famille. Les parents présentent alors les
troubles de comportement de Mathéo à l’école. Mais ils abordent aussi les difficultés de ce dernier à
quitter sa mère lors du début de la classe. Apres observation de Mathéo, la consultante du CMP émet
l’idée d’une grande angoisse de séparation présente chez ce petit garçon.
Par la suite, un diagnostic de trouble névrotique sans précision est posé en avril 2011, Mathéo a 4 ans
et demi. Je n’ai pas pu obtenir plus d’informations quant à la pose de ce diagnostic qui me pose tout
de même question, sachant qu’il n’a pas été posé par un membre de l’équipe du CMP.
Suite à l’entretien d’accueil, commence une prise en charge tout d’abord psychologique puis une
psychomotrice, marquées par de nombreuses ruptures. Une prise en charge psychologique est mise
en place en septembre 2011 (Mathéo a 4 ans et demi et est en grande section de maternelle) à raison
de deux fois par semaine pour des troubles du comportement à l’école (refus de faire le travail
demandé, opposition marquée) et à la maison mais également pour une symptomatologie
d’encoprésie avec des périodes de 4-5 jours de rétention des selles qui disparaitra à la fin de l’année
scolaire. A la demande de la psychologue du CMP, un bilan suivi d’une prise en charge psychomotrice
débute en novembre 2011, Mathéo a alors 5 ans. Je n’ai pas de renseignements concernant le motif
de cette indication. Le départ de la psychologue et l’arrivée de sa remplaçante en avril 2013 entraine
une rupture des soins. Mathéo a 6 ans et demi. La nouvelle psychologue du CMP rencontre alors
Mathéo et ses parents pour la reprise du suivi. Mathéo fait état de son souhait de continuer la
psychothérapie lors de ce rendez-vous. Elle lui propose alors des entretiens préliminaires tous les 15
jours dans un premier temps. Depuis lors, Mathéo est suivi une fois par semaine en psychothérapie.
Les premiers entretiens avec la psychologue sont le lieu de difficultés de séparation d’avec sa mère,
Mathéo ne voulant pas entrer dans le bureau. Une deuxième rupture a lieu quelques mois après la
première, Mathéo a 7 ans. La psychomotricienne, en remplacement d’un congé maternité quitte le
CMP à son tour. Christine reprend la suite de la prise en charge en continuant de voir Mathéo une fois
par semaine. Mathéo est donc pris en charge au CMP, le mercredi, tout d’abord en psychothérapie
puis par la suite en psychomotricité.
Malgré les différentes prises en charge au CMP, les difficultés relationnelles à l’école persistent et
des difficultés d’apprentissage sont mises en évidence. Il ne respecte pas toujours les règles, se
montre violent et est fréquemment impliqué dans les bagarres. Les relations avec ses pairs sont
généralement conflictuelles. Des difficultés relationnelles avec sa sœur sont aussi présentes, Mathéo
exprimant beaucoup de jalousie. La maîtresse observe par ailleurs des problèmes de concentration,
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une attention très labile, un manque d’autonomie et un besoin constant des sollicitations de l’adulte. Il
semble y avoir un pauvre investissement scolaire. L’apprentissage de la lecture se fait tout de même
au CP sans difficultés particulières. Mais de faibles résultats en mathématiques sont observés.
Mathéo montre peu de confiance en lui-même et met en place des stratégies d’évitements. La
psychologue scolaire transmet au CMP que Mathéo est un enfant qui montre des angoisses majeures,
se grattant la peau parfois jusqu’au sang et grattant également sa chaise et sa table qui se retrouvent
alors très abîmées.
Lors de sa scolarité Mathéo tombera aussi sur un maître qui le malmènera durant une année scolaire,
allant jusqu’à le filmer en pleine classe pour montrer « la folie » de Mathéo à ses parents.
En avril 2014 (Mathéo a 7 ans et demi), à la demande de la psychologue scolaire, les parents de
Mathéo vont consulter un psychomotricien en libéral pour des difficultés graphiques et une éventualité
de dyspraxie. Un bilan est alors réalisé et est suivi d’une prise en charge hebdomadaire. Le CMP ne
l’apprendra que 8 mois après par l’intermédiaire des propos de Mathéo. Les parents semblent alors
gênés par cet évènement. La prise en charge psychomotrice en cabinet libéral prend fin, marquant à
nouveau une rupture pour Mathéo. Ces nombreuses ruptures de soins qui ont jalonnées les prises en
charge de Mathéo ont peut-être majoré ses angoisses déjà présentes.
Au regard de la psychologue du CMP, depuis environ un an, Mathéo est moins agité et s’est
beaucoup autonomisé notamment à la maison où cela se passe désormais mieux sur le plan du
comportement. A l’école, Mathéo reste très angoissé et les troubles du comportement persistent alors.
Mathéo amène quotidiennement un objet de chez lui à l’école pouvant être un signe apparent d’une
angoisse de séparation. Il présente aussi des angoisses désorganisantes entrainant des difficultés de
concentration. Le milieu scolaire reste anxiogène pour Mathéo et l’intégration au groupe est encore
parfois difficile. Il manque de confiance en lui et se dévalorise.
Un dossier MDPH est réalisé pour une demande d’AVS et l’intégration d’un SESSAD. Il est en attente
de ces deux aménagements depuis un an et demi.
e. Bilan psychomoteur
Il est orienté vers la psychomotricienne du CMP pour un bilan en décembre 2011 ayant pour
conclusion l’observation d’une agitation, de la présence de difficultés à se repérer dans le temps et
dans l’espace. Elle met aussi en évidence d’importants troubles de la coordination ainsi que la
présence d’un regard fuyant par moment, comme pour se couper de la relation. Ce bilan découlera
sur une prise en charge en psychomotricité une fois par semaine. Christine a donc pris le relai des
prises en charge en 2013. Je vous retranscrirai ici un bilan réalisé en avril 2014 (à 7 ans et 4 mois) par
le psychomotricien en libéral dont je vous ai évoqué le contexte précédemment. Je n’ai pas effectué
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un nouveau bilan pour Mathéo, le trouvant très en difficulté lors des séances et ne voulant pas l’en
priver.
« Durant le bilan, Mathéo s’engage plus facilement dans les activités motrices que dans le travail sur
table. Lorsqu’il rencontre certaines difficultés à effectuer la tâche demandée, il ne semble pas écouter
les conseils mais les prend en compte peu de temps après.
Motricité :
Mathéo présente une coordination dynamique générale correcte avec dissociation des ceintures
scapulaire et pelvienne, un axe corporel assurant de bonnes liaisons entre le haut et le bas du corps.
Les jeux d’équilibration sont efficaces. Les coordinations oculo-pédestre et oculo-manuelle sont de
bonne qualité. On peut tout de même noter que Mathéo peut présenter une motricité s’organisant
dans le registre pulsionnel, de manière agressive.
Lors du test d’imitation de gestes de Bergès, la géométrie corporelle est de bonne qualité avec des
compétences de réversibilité mises en place.
Le schéma corporel :
Le tonus :
Lors de l’examen du tonus, Mathéo présente une grande capacité de relâchement volontaire des
membres supérieurs en mobilisations passives.
La latéralité :
Mathéo présente une latéralité à droite pour les membres supérieurs et inférieurs. Le test d’orientation
droite/gauche de Piaget-Head indique que Mathéo est capable d’une reconnaissance sur soi, sur
autrui, avec croisement de l’axe et changements de référentiels.
Le test graphoperceptif de Bender donne un score situé légèrement au dessus de -1DS des 7 ans. La
figure complexe de Rey obtient un meilleur score en mémoire qu’en copie. Le test des trajets simples
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d’Agostini qui consiste en la reproduction dans la salle de parcours présentés sur plans parvient à la
réussite de 3 items sur 10. Il obtient un score se situant en dessous de -2DS.
Lors de la passation du test de copie de texte BHK, Mathéo présente des crispations importantes
réduisant la vitesse de production ainsi qu’une tenue du crayon avec chevauchement du pouce
perpendiculaire à l’index et au majeur, un poigné bloqué en hyperextension, peu de mobilité des
doigts et une hypersudation. Il obtient un score légèrement en dessus de -1DS. Le bilan clinique de
Soubiran montre que certains prérequis et notamment les boucles à l’envers ne sont pas automatisés.
Conclusion :
Mathéo présente un bon niveau d’expression verbale mais a des difficultés de structuration spatiale
avec un manque de planification court-circuité par son impulsivité et entravant ainsi la qualité de ses
productions. Il a un besoin important d’être stimulé par l’adulte ainsi qu’être réassuré en ses
capacités. »
A la lecture du bilan, Mathéo montre toujours des signes d’opposition. Il est noté une activité
motrice s’organisant sur le registre pulsionnel et exprimant beaucoup de violence. La passation d’un
test évaluant l’impulsivité de Mathéo comme le test d’appariement d’images de MARQUET-DOLEAC
J., ALBARET J-M. et BENESTEAU J. aurait été intéressant pour approfondir cette problématique,
seulement abordée de manière partielle dans ce bilan. Les troubles de la coordination observés en
2011 ne sont plus présents à ce jour, Mathéo montrant une aisance corporelle. L’abord du domaine
attentionnel fait également défaut dans ce bilan. Mathéo montre cependant des difficultés de
concentration à l’école, du fait d’une attention qui apparaît comme labile dans la description de la
maitresse. La question d’un trouble attentionnel peut alors se poser. Enfin, le passage à l’écrit semble
angoisser Mathéo et il peut ainsi manifester une tonicité élevée et une hypersudation. Un bilan plus
poussé nous aurait peut être permis de statuer quant à un possible trouble des apprentissages, mais il
est important de mettre en avant les angoisses de Mathéo qui semblent être prégnantes chez lui.
Quand je rencontre Mathéo pour la première fois, il est suivi en psychomotricité depuis 4 ans. Il a
8 ans 11 mois mais je le trouve très grand (en taille) pour son âge. Il se présente à moi comme un
garçon qui n’a peur de rien, « c’est le plus fort ». Il se tient très droit et paraît très sérieux. Christine
me dit par la suite que c’est le « caïd » de son école. Il instaure une certaine distance durant les
premières minutes. C’est peut être sa manière à lui de marquer ma présence car il ne verbalise pas
son questionnement de me voir dans la salle par le langage oral comme l’on fait d’autres enfants par
exemple. Mais surtout, c’est probablement un moyen de protection. Créer une nouvelle relation
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représente peut être le risque d’une nouvelle séparation. Ensemble nous regardons alors son dossier
comme un retour sur ses années de prises en charge au CMP. Christine ressort l’ensemble de ses
réalisations (dessins, peintures, labyrinthes, etc.). Il ne se souvient pas de tout ce qu’il a pu produire et
a même l’air étonné et curieux face à certaines de ses productions. Mathéo a ainsi pu rester un
moment assis au bureau en début de séance. Il décide ensuite de faire un jeu de balle, testant les
propriétés de différentes balles. Mathéo repère alors le ballon physio représentant pour lui « le soleil »
(d’après ses termes). Il fait alors des bruits mimant des explosions, nous dit que ce sont des planètes
qui explosent. Serait-il l’une de ces planètes qu’il décrit ? Seul et perdu dans l’espace ? L’espace
représentant peut être le vide interne que ressent Mathéo. Un certain vide s’installe. Et il choisit, sans
transition, de faire une partie de hockey, dégageant beaucoup d’énergie dans nos échanges. Il passe
de nombreuses fois au sol comme dans un effondrement corporel et psychique, pour enfin y rester.
On observe alors un nouveau moment de vide où il est difficile de capter son attention et d’entrer en
contact avec lui. C’est la fin de la séance et Mathéo a du mal à « reprendre vie ». Il y parvient tout de
même et sort de la salle d’un pas nonchalant, reprenant son attitude de départ avec une impression
que rien ne peut atteindre ce jeune garçon.
Mathéo est un garçon qui peut tout à fait donner le change dans une conversation avec un niveau
d’expression orale développé pour son âge. Mais après seulement une séance avec lui, je peux
distinguer deux facettes de Mathéo. Une première où il lutte contre lui-même pour apparaître au reste
du monde comme fort. Et une seconde où Mathéo vient déposer, dans ses séances de
psychomotricité, toute sa fragilité, cherchant la régression, incohérent parfois dans ses propos et
envahi par de nombreuses angoisses. Il se laisse aller dans un endroit et un cadre qui, pour lui, paraît
rassurant de par peut être notre capacité en tant que thérapeute à accueillir et faire avec la partie de
lui-même qu’il n’accepte pas et qu’il cherche à mettre à distance. La salle de psychomotricité et le
CMP en général semble être un lieu où il peut déposer ses angoisses.
g. Projet thérapeutique
Un axe thérapeutique prédominant émerge face aux difficultés de Mathéo. Les angoisses ainsi
que les manifestations de celles-ci qui l’envahissent et parasitent ses interactions avec le monde
extérieur me semblent être au centre de sa prise en charge mais en être surtout le point de départ. La
mise en place d’un cadre sécure, dans lequel il a confiance, me semble être le premier travail pour
qu’il puisse exprimer, verbaliser et mettre en jeu ses angoisses. Il a probablement besoin de sentir
que l’on contient ses angoisses et ses émotions mais aussi que l’on en fasse quelque chose, que l’on
15
y apporte peut être de l’écoute, des réponses (même de l’ordre corporel). Un travail sur la contenance
et les enveloppes à la fois physique et psychique lui permettra alors d’intérioriser un bon objet solide à
l’intérieur de lui et également de vivre son corps comme un repère stable sur lequel il peut s’appuyer.
Il faudra alors s’attacher plus particulièrement à la revalorisation de Mathéo pour qu’il ait une meilleure
estime de lui-même. Ce dernier montre un grand manque de confiance en ses capacités et se
dévalorise à de nombreuses reprises.
Enfin, un autre axe se tournera vers la trace, le graphisme, la possibilité du passage à l’écrit qui
permettrait de le réinscrire dans sa scolarité et donc dans une sphère sociale. Cependant, ce travail
ne sera possible seulement lorsque Mathéo se sera saisi du premier axe thérapeutique.
Mathéo est suivi en psychomotricité une fois par semaine pour des séances de 45 minutes. Cette
séance suit celle de sa psychothérapie ce qui me questionne quant à sa capacité à intégrer toutes ces
informations.
Chaque semaine, nous retrouvons Mathéo après sa séance de psychothérapie. Il attend dans la
salle d’attente, seul. Il me paraît : le visage lisse, fermé et triste. Son regard est vide. Au cours de ces
trois premiers mois de prise en charge en ma présence, je n’apercevrai son père qu’une seule fois
lorsqu’il vient chercher son fils mais ne verrai pas sa mère. Ils arrivent souvent en retard pour venir le
récupérer au CMP. Mathéo a tendance à entrer dans la salle de psychomotricité très las, restant figé
dans l’état qu’il avait en salle d’attente et n’exprimant pas souvent d’émotions. Il ne commence à dire
un mot que lorsqu’il est installé au bureau.
Au cours de cette période, j’ai pu repérer que les séances s’articulent en quatre temps. Tout
d’abord Mathéo se présente à nous mou et abattu. Cet aspect de lui est-il le reflet de son état interne ?
Est-il dû à l’enchainement de sa psychothérapie et de sa séance en psychomotricité ? Il choisit par la
suite un jeu moteur pendant lequel il dégage beaucoup d’énergie et recrute une tonicité très
importante comme dans un besoin de décharge tonique et émotionnelle. Une certaine agressivité
émane alors de lui. Arrive ensuite un moment que j’appellerai moment de régression où Mathéo
s’effondre tant physiquement que psychiquement. C’est le temps de la séance où il laisse
transparaître de manière flagrante toute sa fragilité et ses angoisses. Et le dernier temps est celui du
départ qui reste très difficile pour lui à chaque fin de séance. Mathéo reste de longues minutes, le
visage figé, le corps allongé et plaqué au sol, se faisant tout mou lorsque nous le soutenons. Il aura
durant toute cette période beaucoup de mal à « reprendre vie » avant sa sortie de la salle.
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J’illustrerai ces premiers mois de prise en charge, en ma présence, par le récit de deux séances
qui me paraissent être les plus représentatives des différents temps exposés précédemment ainsi que
de la détresse dans laquelle se trouve Mathéo.
Mathéo entre dans la salle avec une lassitude qui se peint sur son visage. Il ne parle pas et ne
répond pas à nos « bonjour ». Nous regardons alors ce que nous avons fait la semaine précédente.
Christine lui propose le jeu du labyrinthe qu’il refuse mais nous lui proposons alors de n’ouvrir que la
boîte pour voir les éléments qui la composent. Mathéo décide tout d’abord de monter le plateau pour
voir la formation du labyrinthe (ce qu’il affectionne particulièrement). Puis de fil en aiguille, nous
commençons une partie. Mathéo s’en sort très bien, comprend vite les règles du jeu. J’ai l’impression,
par moment, qu’il ne regarde pas le jeu, qu’il n’est plus concentré mais il me surprend en donnant une
solution pour aider Christine. Mathéo exprime vers la fin du jeu qu’il s’ennuie en attendant son tour
mais reste tout de même assis sans s’agiter. Nous rangeons ensuite le jeu et vient alors un petit
moment de flottement où Mathéo monte à l’espalier. Il veut que nous mettions le matelas en-dessous
pour qu’il puisse sauter. Il saute d’une manière peu anodine, se laissant « s’écraser » sur le tapis qu’il
décrit comme « blanc » et qui lui fait penser à du « carrelage ». Nous installons ensuite des tapis sur
le sol pour recouvrir une partie de la pièce (environ 3x3m). Mathéo fait des roulades avant qu’il réussit
et des roulades arrière qui le désorganisent sur le plan corporel. Ses bras et ses jambes partent alors
dans tous les sens. Il met un appui très prononcé sur sa nuque. J’observe alors un rapport à son
corps très particulier. Mathéo ne fait pas attention à lui et risque de se faire mal à plusieurs reprises. Il
est en recherche d’un contact appuyé, dur.
Par la suite, Christine lui passe le ballon physio sur l’ensemble du corps, lorsqu’il arrive enfin à se
poser sur le matelas. Je n’observe tout de même pas de détente. Il verbalise que son corps craque.
Pense-t-il que des parties de son corps pourraient se décrocher de son buste ? Mathéo effectue
beaucoup de bruitages sans discontinuité. Ce sont des bruits très aigus. Il met aussi ses poings sur
ses yeux et dit « mes yeux sont arrachés » « ils sont sur mes poings ». Mathéo fermant les yeux très
fortement et nous les montrant alors.
La fin de la séance arrive et il a beaucoup de mal à quitter la salle. Il s’écroule sur le sol se
laissant presque traîner au sol. Il ne veut pas remettre ses chaussures seul mais accepte que nous
l’aidions. J’observe un grand besoin d’étayage, de contenance et même de maternage, ce qui
n’apparaissait pas en début de séance.
Au cours de cette séance, nous pouvons déjà observer les différents temps que je vous ai évoqué.
Cependant, ce qui me marque le plus, est le rapport qu’a Mathéo avec son corps et face à son
environnement. Ses représentations sont de l’ordre d’un corps démantibulé, qui ne tient pas. Il peut
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tout de même l’exprimer, sous forme d’une mise en scène. J’ai l’impression, lors de cette séance, que
Mathéo a été envahi par ses angoisses dans un moment de transition marqué par la fin du jeu du
labyrinthe. Il est aussi capable de montrer son besoin d’être contenu, porté (comme dans une
recherche du holding maternel de WINNICOTT D.W.) dans les moments qui sont, pour lui, difficile tel
que celui de la fin de séance, de la séparation.
Mathéo arrive avec le sourire aujourd’hui. Cependant ce n’est pas un sourire franc, j’ai plutôt
l’impression qu’il est de façade. Il ne rentre pas par une voie directe dans la salle, fait un demi-tour,
remet une chaise dans la salle d’attente. Quand il entre enfin, il enlève son manteau, et va l’accrocher
au porte manteau.
Il se dirige vers la toupie et se met à l’intérieur. Mathéo commence alors à tourner de manière très
désarticulée. Il se laisse aller, cherche des positions infaisables. Puis nous lui proposons de se mettre
en tailleur, pour le regrouper. Nous l’aidons en rassemblant ses bras et ses jambes vers son centre.
Cette action me fait penser à la position que les nourrissons prennent pour se rassurer. Il tourne de
manière plus harmonieuse mais cherche tout de même à donner une forte impulsion en arrière,
balançant sa tête par à coup. Nous stabilisons la toupie et lui proposons de se faire une cabane en
s’installant à l’intérieur. Il essai tout d’abord de se mettre entièrement dedans et de mettre un drap par-
dessus mais il est trop grand pour entrer. Je lui propose alors de ne mettre que le haut de son corps et
le bas sur un tapis. Il accepte, et me demande les coussins et les couvertures. Il veut enlever ses
chaussures mais dit ne pas y arriver. Nous l’aidons donc. Il exprime un besoin d’être materné
aujourd’hui. Il nous laisse l’installer comme s’il était un petit bébé et parle également d’une petite voix.
Nous lui proposons de la musique. Il demande à ce que nous lui passions le gros ballon physio sur les
jambes en appuis fort mais plus doucement sur les pieds « car ils se tordent ». Il verbalise que son
cocon est comme s’il était dans « le paradis ». Mathéo parle beaucoup de la luminosité et recherche
l’obscurité orange. Il me fait penser à un bébé dans le ventre de sa mère. Il reste un moment comme
cela, il s’apaise. Il s’attache beaucoup à la sensorialité aujourd’hui. Puis il veut sortir la tête dans le
« froid » comme il dit pour se relever petit à petit à travers un échange de gros ballon physio entre
nous, il se re-tonifie petit à petit. Nous effectuons des échanges avec les mains tout d’abord puis avec
les pieds et la tête, en position assise puis il se redresse et se relève. Il veut continuer l’échange de
ballon mais veut installer des tapis pour pouvoir se laisser tomber sur le sol s’il le souhaite. Je trouve
intéressant, ici, qu’il ait conscience de son besoin d’effondrement et qu’il puisse trouver des stratégies
adaptatrices.
Dans un autre temps, Mathéo veut essayer de marquer des paniers de basket. Il se dévalorise en
disant qu’il n’y arrive pas lors de ses entrainements. « Ici c’est facile » dit-il. « Le panier n’est pas
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haut ». Il essai en position assise et y arrive une fois. C’est alors le moment pour lui de partir. C’est
toujours très difficile pour Mathéo de quitter la salle. Son corps part dans tous les sens comme s’il était
désarticulé. Il se laisse tomber sur le sol. Et nous devons le soutenir psychiquement mais aussi
physiquement dans un portage pour l’aider « à reprendre vie ».
Nous retrouvons ici la tendance de Mathéo à rechercher une figuration d’un corps désarticulé qui
revient à de nombreuses reprises au cours de sa prise en charge. Cette séance signe également le
début d’une recherche d’un contenant représenté ici par le cocon constitué autour de lui mais aussi
par le rassemblement corporel qui semble le rassurer. Ce contenant, figuré physiquement, sera
beaucoup utilisé et apprécié par Mathéo au cours de la deuxième partie de prise en charge. Il peut
également se montrer assez ambivalent dans ses comportements. De par ses derniers, Mathéo
exprime un grand besoin de maternage. Mais l’instant d’après, c’est comme s’il se « reprenait ». On
observe alors un recrutement tonique, comme un retour à la réalité où Mathéo doit se montrer fort,
grand. Je ressens cette reprise comme une mise à distance. Les séparations sont difficiles et nous
devons porter Mathéo jusqu’à le remettre sur pied, lui étant mou et se laissant peser de tout son poids.
Au cours de ces premiers mois, j’observe chez Mathéo une très forte angoisse de séparation en
fin de chaque séance qu’il peut exprimer par un retrait émotionnel avec un visage figé, les yeux fixés
sur un point ; mais aussi corporellement par son hypotonie volontaire. C’est peut être une forme
d’opposition, sa manière à lui de nous expliquer la difficulté de ce qu’il est en train de vivre. Cela me
fait penser aux premiers états toniques du nourrisson, où les variations toniques ont valeur de
communication de ses états internes à l’environnement extérieur. Il manifeste aussi un besoin de
régression et de contenant. Cependant cette difficulté à nous quitter est aussi associée à une grande
difficulté à entrer en relation au début des séances. Mathéo se protégerait-il en quelque sorte, de peur
d’une nouvelle rupture, d’une nouvelle séparation ? Je me demande alors si ces deux aspects de
Mathéo ne sont pas le reflet de son angoisse de séparation. Mes premières questions se tournent
vers ces débuts et fins de séances compliqués. Ce qui m’interpelle également durant cette première
période est la mise en jeu corporelle de Mathéo. Je la décris à de nombreuses reprises comme
désarticulée. J’émets alors l’hypothèse qu’elle signe l’expression d’angoisses liées à une sécurité
interne fragile, de l’ordre de quelque chose qui ne tient pas à l’intérieur de lui.
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De janvier à fin mars 2016 :
Cette deuxième partie de prise en charge est marquée par l’arrivée très attendue de l’AVS de
Mathéo à l’école et par son besoin d’amener un objet de chez lui à chaque séance. Cet objet
signerait-il le lien entre lui et la maison dont il doit se séparer chaque jour ? Ses difficultés à entrer et
sortir de la salle sont toujours présentes. Nous mettrons en place à de nombreuses reprises au cours
de cette période l’installation d’une cabane assez grande pour que nous puissions tous y entrer. Elle
semble avoir une fonction de contenance des angoisses de Mathéo, comme une seconde enveloppe.
Il reste cohérant à l’intérieur de celle-ci et peut mettre en jeu ses angoisses sous différentes formes.
Par exemple, il utilise des duplos avec lesquels il figure des scénarii à thème de voleurs et de
« méchants » qui gagnent à chaque fois, les « gentils » finissant morts et désintégrés. Il reste
également en relation pendant la totalité de sa présence à l’intérieur de la cabane.
Dans la suite de mon écrit, je vous retranscrirai quelques séances au cours de cette période ainsi
qu’un entretien avec la mère de Mathéo (ma première rencontre avec elle après cinq mois de prise en
charge).
Je mène cette séance, Christine interviendra en début et fin, le départ étant encore plus difficile que
les fois précédentes.
Mathéo arrive assez mollement. Je me pose même la question d’un aspect dépressif. Il a apporté
une voiture et un camion (pouvant transporter des gravas, de la terre, etc.). Christine ouvre son
dossier – comme à chaque séance. Mathéo fait rouler son camion sur le dossier ouvert et fait
semblant de déverser de la terre et des cailloux sur les feuilles. Christine mime le fait d’enlever la terre
avec ses mains et referme le dossier. Il déverse alors de la terre sur son nom et son prénom. Christine
balaye à nouveau la terre mais il verse du ciment en disant « on ne pourra plus l’enlever ». Il dit que
l’on ne pourra plus ouvrir le dossier.
Je prends alors le relai et il décide de faire un jeu de football. Nous mettons un but de chaque côté
de la pièce et commençons à jouer. Il ne veut pas marquer de points. Tout en jouant, il imite un rire de
sorcière lorsqu’il marque un but. Je lui envoie le ballon et il émet le désir de le renvoyer avec
différentes parties du corps (tête, torse, épaule, cuisse). Mais au fur et à mesure du temps, Mathéo
s’appuie puis se laisse couler le long du matelas (formant sa cage), se retrouvant sur le sol. Je lui dis
alors que je le trouve un peu fatigué et que s’il le souhaite, nous pouvons faire une cabane pour qu’il
puisse s’y installer. Il accepte la proposition, mais cette construction se trouve être rectangulaire.
Mathéo s’y allonge et l’associe très rapidement à un cercueil. Il imagine être à l’intérieur d’un cercueil
et dit être un fantôme puis un vampire. Corporellement, il est comme bloqué dans son corps tendu,
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mimant des bruits très aigus. Son visage est crispé, sa mâchoire contractée, ses yeux écarquillés. Il
ne bouge plus ou seulement très peu par mouvements saccadés. J’essaie alors de le rassurer en lui
disant qu’il est bien là, présent dans la salle avec moi. Qu’il me parle. Je lui touche la main et lui
demande s’il me sent et il me répond que oui. Je lui dis alors que j’arrive à le toucher, que je le sens,
ce qui signifie qu’il est bien là, présent. Mathéo souhaite qu’il fasse d’avantage noir dans sa cabane, je
rajoute alors des couvertures (orange) sur le drap blanc. Il a l’air d’être satisfait de la « lumière
orange » comme il l’appelle. Il reste un petit moment seul mais fait rapidement un petit bruit avec sa
bouche et dit finalement avoir peur du noir. Il remarque des petits trous sous les matelas, y passe ses
doigts et je les touche en lui montrant et lui verbalisant que je suis toujours présente près de lui, même
si je suis à l’extérieur de la cabane.
Il dit ensuite vouloir aller se promener et sort alors de sa cabane. Mathéo se saisit du ballon
physio, joue un peu avec, s’assoit dessus et se laisse couler au sol. Il s’y rassoit ensuite et envoie un
autre ballon dans le panier de basket. Laissant le ballon physio de côté, il s’installe au sol, en position
assise et essaie de marquer des paniers. Je me rapproche alors de lui pour m’inscrire dans son jeu
mais il s’en détourne et va chercher un autre ballon. Mathéo peut avoir tendance par moment à
s’enfermer seul dans un jeu en nous mettant à distance. Lors de ces temps, le jeu est assez vide de
sens. Nous avons alors chacun un ballon et essayons de marquer un panier en lançant les deux
ballons en même temps, ensemble. Nous comptons jusqu’à trois et lançons. A chaque fois que
Mathéo marque un panier, il ne peut pas s’en attribuer le mérite mais dit que c’est mon ballon qui
aurait poussé le sien et ainsi le faisant entrer dans le panier.
Lorsque j’annonce la fin de la séance, Mathéo veut retourner dans sa cabane un petit temps. La
fin de séance est très difficile, Christine étant obligée d’intervenir. Mathéo est allongé au sol et ne veut
ni se relever, ni remettre ses chaussures.
Nous pouvons toujours observer ici l’effondrement corporo-psychique de Mathéo. Je ressens, lors
de ces instants, un vide interne chez ce jeune garçon. Cette séance marque également la première
véritable construction de cabane. J’ai rapidement pris conscience de la difficulté de Mathéo à être seul.
Il est rapidement envahi par un vide interne et ses angoisses refont surface. Je pense que c’est dans
la relation à l’autre que l’objet interne de Mathéo reprend vie. Cette séance marque, pour moi, une
étape. J’ai pu me sentir démunie et moi-même très seule au cours de cette séance face à la
souffrance et à la notion de vide que pouvait exprimer Mathéo. C’est à ce moment que ma réflexion
s’est orientée plus particulièrement vers les moyens dont je disposais pour contenir les angoisses de
Mathéo qui surgissent lors des temps de transition, mais aussi son angoisse de séparation présente
en début et fin de séance.
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Séance 13 : 3 février 2016 : Entretien avec Madame en présence de Mathéo
Mathéo et sa maman entre dans la salle et Madame vient s’assoir au bureau tandis que Mathéo
reste debout et sort les voitures qu’il a apportées avec lui. Il les pose sur le bureau pour nous les
montrer et nous remarquons, en présence de sa mère, qu’il a souvent tendance à prendre avec lui
des objets de la maison. Elle nous confirme cela et rajoute qu’il le fait aussi pour aller à l’école. Sa
maman ne note pas de difficultés particulières à la maison et même un mieux à l’école du fait de
l’arrivée de l’AVS. Elle est contente de voir des choses écrites dans les cahiers d’école de Mathéo qui
étaient jusqu’ici quasiment vide. Ce dernier ne veut pas venir s’assoir avec nous. Il fait rouler les
voitures sur le bureau et, leur faisant prendre de l’élan, les jette sur le sol. Il fait beaucoup de bruit, sa
mère le lui fait remarquer et lui dit de plutôt les faire rouler sur le sol. Il veut prendre le tapis des
voitures. Il le sort alors et l’installe sur le sol. Il joue un peu avec puis met rapidement ses voitures sur
le tapis et le roule, comme pour le ranger. En le redressant, les voitures tombent et il fait des bruits
d’explosions. Mathéo range le tapis et récupère ses voitures.
Il nous fait remarquer que nous lui avions dit que nous ferions une cabane aujourd’hui s’il le
souhaitait. Nous lui avions proposé cela en raison de sa difficulté à accepter qu’il n’aurait pas de
séance aujourd’hui, celle-ci étant remplacée par l’entretien. C’est surement sa manière à lui de
demander d’en construire une. Je me lève alors pour l’aider en lui faisant remarquer que la semaine
précédente il ne nous avait pas beaucoup aidé dans la construction. Il dit alors lui-même qu’il était
resté assis et qu’il nous regardait. La construction de la cabane se fait plus rapidement avec l’aide de
Mathéo qui reste néanmoins minime. Il est content d’y entrer. Le dialogue avec Mathéo qui semblait
difficile se fait de manière plus simple. Sa maman fait allusion au fait qu’il est souvent fatigué et elle
précise qu’il a du mal à s’endormir le soir. Elle retrouve souvent la lumière allumée en pleine nuit.
Christine demande alors à Mathéo pourquoi il a besoin de la grande lumière sachant qu’il a déjà une
veilleuse qui ne lui suffit apparemment pas. Il peut nous dire que c’est parce qu’il a peur de s’endormir,
par peur de faire des cauchemars. Sa mère a l’air étonné mais est intéressée par ce que raconte son
fils. Elle lui dit alors qu’elle lui avait demandé la semaine précédente s’il faisait encore des
cauchemars mais qu’il lui avait répondu par la négative. Il lui dit que cela a repris récemment. Nous lui
demandons alors s’il en a fait un cette nuit, il nous répond que oui. Nous le questionnons sur son
contenu et s’il peut nous le raconter. Il nous répond tout d’abord qu’il ne s’en souvient pas. Puis il
raconte qu’il y avait un monstre et que Mathéo se battait avec lui. Il lui a coupé les membres
supérieurs puis inférieurs et a fini par le tuer. Nous lui demandons si son cauchemar s’arrête ici. Il
nous répond que non et poursuit son récit. Il était au cinéma avec son père pour voir un film sur les
félins. Puis, les félins sont sortis de l’écran. Il raconte qu’ils ont eu peur et qu’ils ont décidé de courir.
Ils se sont alors retrouvés à leur tour de l’autre côté de l’écran, dans une jungle. Sa maman lui
demande ce qu’il s’est passé après. Il dit qu’ils ont continué à courir parce qu’il y avait des félins de ce
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côté ci aussi. Christine demande s’il était possible pour eux de rentrer à la maison. Il répond que non,
qu’elle était beaucoup trop loin. Le cauchemar se termine ainsi. Sa maman lui dit qu’il peut venir leur
en parler à son père et à elle. Mais Mathéo demande alors ce qu’ils pourraient bien faire. Sa mère lui
répond qu’ils pourraient le rassurer et lui faire un câlin. Christine demande à la maman si Mathéo fait
beaucoup de câlins à ses parents, à sa petite sœur. Sa mère nous répond que non, que c’est toujours
à eux d’être en demande, que Mathéo fait le grand et met facilement une distance. Elle se tourne vers
lui et lui dit que même les grands peuvent continuer à faire des câlins.
L’entretien touche à sa fin. Il faut ranger la cabane. Mathéo s’effondre alors sur le sol et ne bouge
plus, ne parle plus. Il montre une opposition passive. Sa mère lui dit qu’il va revenir la semaine d’après.
Il a l’air d’être contrarié par le fait de ne pas avoir pu avoir sa séance. Sa mère, en difficulté au vu du
comportement de Mathéo, le prend et le soulève par les bras. Il se laisse porter comme un poids mort,
comme à son habitude en fin de séance. Je trouve intéressant qu’il se soit permis de montrer cette
fragilité à sa mère.
Cet entretien était ma première rencontre avec la mère de Mathéo. Mathéo a pu, au cours de cet
entretien, exposer ses craintes et ses peurs face à sa mère qui n’avait pas conscience de l’intensité
des angoisses de son fils. Les situations qu’il met en jeu comme l’exemple du cauchemar que je
décris précédemment se tournent généralement vers un grand danger qui peut engendrer la mort. J’ai
aussi l’impression que Mathéo retient ses angoisses à l’extérieur du CMP. Il a investi ce lieu comme
lieu de dépôt, de décharge de ses angoisses et de son vide interne, ce qui expliquerait alors l’intensité
des manifestations qu’il peut nous faire part au sein des séances, qui ne transparaît plus du tout à la
maison et dans une expression bien moindre à l’école.
Mathéo est assis dans la salle d’attente quand nous allons le chercher. Christine lui dit qu’il peut
venir, il reste avec un visage lisse, aucune émotion ne transparaît hormis peut-être de l’abattement, de
la tristesse ? Il entre dans la salle mais ne dit pas un mot durant quelques instants. Il vient s’installer
au bureau et répond enfin aux questions de Christine. Aujourd’hui, il ne souhaite pas faire de cabane
mais jouer au ballon. Il décide de faire un foot à trois. Nous installons alors trois cages dans la salle.
Mathéo prend toujours la même place contre le tapis posé au mur. Nous faisons des passes puis
décidons de marquer des buts. Mathéo dégage alors une force importante. Le ballon vole dans tous
les sens, il frappe fort. Christine lui fait remarquer, il s’apaise un peu mais cela repart de plus belle.
Après de nombreux buts, Mathéo se laisse peu à peu glisser dans sa cage jusqu’au sol. Il est assis et
souhaite tout de même continuer à jouer. Nous nous asseyons alors aussi pour être au même niveau
que lui. Mathéo dit que nous n’avons pas le droit de toucher le ballon avec les mains mais seulement
avec les pieds. D’autres buts sont marqués. Il commence à faire de petits bruits, son corps se retrouve
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envahi par une tension telle, que ses yeux se « révulsent ». Ils partent vers le haut, par une action
volontaire. Il force pour les révulser. La situation devient incontrôlable pour lui. Il dit qu’il brûle de tout
son corps et notamment sa tête, qui va jusqu’à exploser. Je mime le fait de lui faire du vent pour
éteindre le feu mais il me dit que ça le rallume. C’est à ce moment-là que sa tête « explose ». Je vais
alors chercher des couvertures pour éteindre le feu et les pose sur lui. Christine propose de lui faire un
abri au-dessus de son haut du corps. Il se calme peu à peu. Mais Mathéo souhaite que la lumière ne
passe plus, cette dernière le brûlant et provoquant une grande tension et des bruitages de sa part.
Nous installons alors des couvertures pour ne pas laisser passer la lumière, il souhaite même éteindre
la lumière de la salle. Il se calme un peu. Il teste en passant des doigts de l’autre côté de son abri.
Mathéo devient un peu plus cohérant dans ses propos, nous le récupérons peu à peu. Et un échange
est à nouveau possible.
Mais c’est déjà l’heure de la fin de la séance. Mathéo a du mal à partir à nouveau. Il dit qu’il
voudrait rester là tout l’après-midi. Nous l’entendons mais lui disons que ce n’est pas possible.
Christine enchaine alors pour savoir ce qu’il va faire ensuite, après la séance. Cela a l’air de le
contenir un peu. Même s’il a encore eu du mal à se relever du sol aujourd’hui encore, la fin de séance
s’est légèrement mieux passée que les séances précédentes.
Mathéo a un grand besoin d’étayage relationnel. La relation lui permet de rester ancrer dans le
présent, le réel. Un instant de transition et ses angoisses refont surface. Je peux remarquer qu’il
installe une tension musculaire importante lors de ces temps. Ce comportement me fait associer à la
« seconde peau musculaire » qu’a abordé BICK E.. Cette seconde peau musculaire, serait-t-elle un
moyen qu’a trouvé Mathéo pour contenir son espace interne ? Cette seconde peau, comme une
nouvelle enveloppe ? La fragilité de sa sécurité interne engendre, à mon sens, de nombreuses
angoisses et notamment son angoisse de séparation. Cette dernière serait-t-elle responsable de ces
manifestations psychocorporelles ?
Mathéo entre dans la salle mais ne répond pas à mon bonjour, il ne nous regarde pas. Il enlève
son manteau et son tour de cou et va les accrocher au porte manteau. Il vient s’installer au bureau
avec nous. Christine relit son dossier pour se remémorer ce que nous avions fait la semaine
précédente. Mathéo se rappelle la cabane mais il lui faut un temps pour se souvenir ce que nous
avions fait à l’intérieur. Le souvenir revient et nous le valorisons en lui disant qu’il avait fini toutes les
cartes du niveau vert au jeu des embouteillages. Il peut nous dire qu’il avait réussi des cartes très
facilement, ce qui est vrai.
Il attrape ensuite le mannequin en bois et lui fait prendre des positions qu’un être humain ne peut
prendre. Cette fois c’est les genoux qui sont dans une position imprenable, les pieds partant vers
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l’extérieur. Je lui fais remarquer. Nous essayons alors de l’amener à faire prendre une position
possible pour l’être humain. Il le fait et nous demande si celle-ci est faisable. Il nous dit qu’il pense qu’il
faut être souple. Nous l’incitons alors à essayer. Il se lève et arrive à la prendre. Le pied en l’air, en
déséquilibre, un grand sourire est sur son visage. Puis il se laisse tomber sur le sol en s’écroulant.
S’en suit alors des mouvements incoordonnés dans la salle où il enchaine des chutes sur le sol et se
relève pour chuter à nouveau en s’écrasant au sol. Christine intervient en lui disant que nous
pourrions installer des tapis parce qu’il pourrait se faire mal à tomber comme cela. Il accepte et une
nouvelle fois il nous dit comme dans un questionnement « vous pouvez les installer, vous n‘avez pas
besoin de moi comme ça je fais autre chose ». Nous les installons, et il finit par nous aider un peu.
Mathéo attrape le ballon physio, se jette dessus, y rebondit. Nous lui disons de faire attention, il
manque de peu de se cogner à l’angle de l’armoire. Christine essaie de le contenir mais il veut faire
seul en le répétant à plusieurs reprises. Il finit par s’en servir comme d’un dossier en ayant sorti à
l’avance tous les ballons. Il rebondit de son dos sur le ballon, sa tête suivant le mouvement. Il dit que
« ça fait bizarre » comme sensation. Son petit bruit aigu refait son apparition. Christine lui demande à
qui est cette voix : à Mathéo ?, à quelqu’un d’autre ? Il ne répond pas. Il marque des paniers avec les
ballons qu’il trouve autour de lui.
Mathéo veut ensuite sortir le tunnel qui devient par la suite un vers, un monstre qui veut le manger.
Il passe à l’intérieur, dit que c’est « dégueulasse », qu’ « il en a partout ». Il veut alors l’écraser, lance
des ballons dessus. Je décide de me mettre avec lui, de son côté pour essayer de combattre ce
monstre. Christine prend le tunnel et le fait bouger pour simuler les mouvements du monstre. Elle lui
demande comment il pourrait se protéger. Mathéo décide de prendre le rouleau en mousse et des
modules de mousse pour faire une barrière entre le monstre et nous. Il dit que le monstre ne peut pas
passer car il y a une protection invisible. Nous lançons alors des ballons sur le monstre. Mathéo se
sentant en confiance décide de le narguer et dit qu’il le nargue en s’avançant très près de la barrière
qu’il a construite. Il ajoute les épées dans le jeu et ose enfin dépasser la barrière pour aller sur le
terrain du monstre. Nous transperçons le monstre avec nos épées mais d’après Mathéo, le monstre
ne meurt pas, il ne peut pas mourir. Nous l’écrasons, le transperçons encore et encore sans aucun
succès. Le monstre finit par aller se cacher sous son rocher et ne plus en sortir. La sacoche du tunnel
est représentée par Mathéo comme la mue du monstre. Et nous décidons de mettre le monstre dans
sa sacoche. Mathéo saute alors avec son épée dans notre territoire et simule le fait qu’il s’est blessé
en tombant, s’étant planté l’épée dans le ventre au cours de sa chute. J’essaie alors de le soigner. Il
se met à trembler, simulant une électrocution, une convulsion. Je lui mets un pansement et essaie de
le contenir physiquement tout d’abord puis en verbalisant pour le rassurer. Je vois bien que cette
action ne fait plus réellement parti du jeu que nous avions mis en place. Il se calme enfin, je lui
soutiens la nuque, il est à moitié allongé dans mes bras.
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Christine annonce alors que la séance est finie et qu’il faut ranger les tapis. Mathéo dit « Oh non
pas déjà » et s’étale, s’effondre sur les tapis. Nous rangeons lentement. Mathéo nous rappelle que
nous devons lui remettre les chaussures comme il l’avait demandé en les enlevant au début de la
séance. Commence alors un jeu entre lui et nous. Monsieur est le pacha, le roi qui se laisse habiller et
qui nous donne des ordres. Il prend un air supérieur, fier de lui. Nous lui mettons ses chaussures. Il
est allongé les bras derrière la tête et sourit. Nous l’aidons à se relever, lui mettons son tour de cou
ainsi que son manteau. Christine ferme son manteau et nous finissons par lui dire au revoir. Mathéo
nous serre la main restant dans son rôle de « roi ». C’est la première fois qu’il nous dit réellement au
revoir depuis le début de mon stage.
Le début de séance a de nouveau été compliqué pour Mathéo. J’émets alors l’hypothèse d’une
esquisse de comportement d’évitement au début des séances qui marque les retrouvailles qu’elles
représentent. Cette séance a également été à nouveau le lieu de l’expression des angoisses de
Mathéo. Cependant j’observe une évolution dans la représentation qu’il peut s’en faire, comme une
mise à distance de ses angoisses. Je suppose qu’il transpose ses propres angoisses internes sur ce
monstre. La transition, marquée par la fin du jeu, marque cependant également la fin de cette mise à
distance. La fin de séance semble être plus facilement acceptable avec l’instauration d’un jeu qui le
laisse dans une relation « active ».
Pendant les mois de janvier et février, j’ai pu me sentir démunie, face aux départs difficiles et à la
souffrance émanant de Mathéo. Cette situation s’est reproduite avec une recrudescence au cours de
cette période. La construction d’une cabane revient à de nombreuses reprises dans cette deuxième
partie d’année. Elle a pu jouer un rôle de contenant des angoisses de Mathéo quand nous pouvions y
entrer tous les trois. Les possibilités de Mathéo étaient alors plus grandes à l’intérieur de cette cabane.
Il était d’autant plus présent, cohérent, pouvant exprimer verbalement et mettre en jeu ses angoisses.
J’assimile ces cabanes à une enveloppe solide dans laquelle Mathéo a confiance. Je me pose alors
des questions quant à son ressenti de la qualité de sa propre peau, comme enveloppe contenant son
monde interne. L’aspect d’un corps désarticulé revient néanmoins à nouveau au cours de cette
deuxième période, me questionnant toujours sur la manière de répondre à ce qu’il nous dépose en
séance.
26
Conclusion :
Si les temps de débuts et fins de séances ont été les premiers à me questionner, je me suis aussi
interrogée sur le vide interne que Mathéo semblait exprimer. Ces deux problématiques ne sont en
aucun cas à dissocier. A contrario, je suppose que l’instauration d’une sécurité interne fragile chez
Mathéo est à l’origine de ses nombreuses angoisses et notamment de ses angoisses de séparation et
d’effondrement. Mes principales réflexions se sont alors tournées vers les expressions
psychocorporelles que pouvait engendrer des angoisses de séparation et d’effondrement chez l’enfant.
Cependant, avec l’observation de ces manifestations, je me suis aussi demandée quels étaient les
moyens à notre disposition pour contenir une telle angoisse.
Dans la partie suivante, je vous proposerai de poser les bases théoriques de mon mémoire pour
pouvoir par la suite envisager de répondre à mes questionnements. Elle se déclinera alors en trois
points. Tout d’abord, je vous présenterai les principaux éléments de la construction d’un état interne
solide et fiable. Je vous décrirai ensuite ce qu’est l’angoisse de séparation dans son aspect
pathologique. Et pour finir, j’aborderai l’angoisse d’effondrement.
27
Seconde partie : Apport théorique
28
« Je te trouve,
Je t’utilise,
Je t’oublie,
Je continue à t’oublier,
Je te perds,
3
WINNICOTT, 1992, p. 145
29
I. Construction d’un état interne solide et
fiable
Mathéo a pu présenter des manifestations corporelles qui m’ont questionnée sur la construction
de son état interne que je suppose fragile. Dans cette partie je reviendrai alors sur des éléments du
développement psychocorporel du tout petit. AINSWORTH M., s’est beaucoup intéressée aux
relations des nourrissons avec leurs mères en s’appuyant sur les travaux de BOWLBY J. sur
l’attachement. De ses observations, elle en a déduit que l’enfant se constituait une sécurité de base à
partir des soins maternels. Et c’est lorsque cette sécurité est intériorisée, que l’enfant peut se
permettre l’exploration de son environnement à la fois social mais aussi psychique, sans anxiété.
Selon WINNICOTT D.W., l’intégration du moi au cours du développement de l’enfant se fait par
trois phénomènes. Tout d’abord ce qu’il nomme l’intégration, qui inclut l’intégration dans le temps mais
aussi dans l’espace. Celle-ci commence dès le début de la vie. Ensuite, a lieu un phénomène de
personnalisation. Il correspond à la liaison entre « la personne du nourrisson », son corps et ses
fonctions corporelles. C’est le lieu de l’intégration des sensations corporelles par la peau qui définit
une limite entre le dedans et le dehors. L’intégration du moi s’appuie alors aussi sur un Moi corporel.
Et enfin, ce que WINNICOTT D.W. nomme la relation d’objet. La mise en place de ce phénomène est
complexe. « Elle ne peut s’établir que si l’environnement offre les objets de telle façon que le petit
4
enfant crée l’objet » . Le nourrisson présente un besoin qu’il ne peut formuler. La mère est dans, ce
qu’appelle WINNICOTT D.W., une « préoccupation maternelle primaire ». Et par un phénomène
appelé « identification primaire », la mère se met à la place du nourrisson et peut ainsi lui offrir l’objet
qui satisfera son besoin.
L’intégration du Moi fait appel a deux séries d’expériences : les soins que procure une mère à son
enfant qui est alors « tenu au chaud, est manié, baigné, bercé et appelé par son nom, et aussi les
expériences instinctuelles aiguës qui, de l’intérieur, rassemblent les éléments de la personnalité et en
5
font un tout » .
WINNICOTT D.W. fait alors correspondre ces trois phénomènes de l’évolution du moi à des soins
bien particuliers que la mère procure à son enfant. L’intégration, qui correspond à la façon de porter et
de maintenir le nourrisson, est mise en parallèle avec le holding. La personnalisation se définissant
4
WINNICOTT, 1970, p. 17
5
WINNICOTT, 1958, p. 63
30
par la façon de soigner est associée au handling. Et enfin, la relation d’objet est quant à elle
apparentée à la présentation des objets (ou objet presenting).
Le holding signifie le maintien. WINNICOTT D.W. le décrit comme la façon dont est porté l’enfant
tant physiquement que psychiquement. Ce sont les soins maternels qui soutiennent le Moi de l’enfant.
Ces soins répondent aux besoins physiologiques du nourrisson. Ils s’adaptent aux changements
d’états de ce dernier mais sont différents d’une personne à une autre selon les sensibilités tactile,
auditive, visuelle, ainsi que la sensibilité à la chute de chacun. Le holding permet alors à l’enfant de
mettre en place un sentiment continu d’exister et de se sentir comme unité différente de celle de sa
mère. Si la mère lui assure une sécurité affective satisfaisante et continue, l’enfant pourra alors aller
explorer son environnement.
Le handling se définit par le maniement de l’enfant. Il correspond à la façon dont la mère traite,
soigne et manipule son enfant.
L’intégration du Moi passe donc par de nombreuses étapes et s’appuie notamment sur les soins
maternels ainsi qu’un Moi corporel.
WINNICOTT D.W. est le premier à parler d’un sentiment continu d’exister « suffisant ». Pour lui, la
structuration du moi repose sur ce dernier. Si le sentiment continu d’exister est bien installé, nous
pouvons supposer que le bébé pourra alors faire face à ce que WINNICOTT D.W. nomme les
6
menaces d’annihilation . La mère, dans son état de préoccupation maternelle primaire, aide à
instaurer ce sentiment et à empêcher ces menaces de faire surface.
Le sentiment de continuité d’existence est acquis par le bébé au cours des premières étapes de
son développement. PIREYRE E. définit cette notion, chez le bébé, comme « la conviction qu’à tout
instant la continuité de la vie sera réelle et se prolongera dans l’instant suivant même en cas de
7
menace » . C’est une capacité de base qui participe à l’instauration d’une sécurité interne permettant
la sensation qu’à l’instant suivant, le sujet sera toujours présent et toujours le même.
WINNICOTT D.W. énonce également un lien entre ce sentiment continu d’exister et la sensibilité
somato-viscérale (ou sensorialité) ; la continuité d’être reposant alors sur le développement du
schéma corporel que cet auteur appelle psyché-soma. D’autres auteurs comme DAMASIO A., HAAG
G. et BULLINGER A. confirment ce lien. HAAG G. inclue le sentiment de continuité d’existence
comme élément d’observation dans sa « grille de repérage clinique des étapes évolutives de l’autisme
infantile traité ». BULLINGER A. émet, quant à lui, l’hypothèse de la recherche, chez certains enfants,
6
Dictionnaire encyclopédique, 2004, p. 72 – Annihiler : réduire à rien, détruire complètement.
7
PIREYRE, 2015, p. 55
31
de sensations qui auraient pour but de maintenir le sentiment de continuité d’existence. « Pour lui, tout
se passe comme si « le sensori-moteur permet(tait) de gérer l’ici et le maintenant. L’ici s’est construit à
travers des sensations et un dialogue avec autrui, alors que la stabilité dans le maintenant dépend
des capacités d’habituation et d’anticipation à très court terme. Ces moyens situent l’enfant entre ce
8
qui vient d’arriver et ce qui va immédiatement se passer » » . Nous pouvons alors observer des
stéréotypies telles que des stimulations sensitives et proprioceptives chez des enfants autistes. Mais
nous pouvons également voir une recherche de sensations douloureuses, jouant avec la limite entre
douleur et plaisir. Cette dernière, par la charge émotionnelle qu’elle procure, crée un sentiment
d’existence qui se dissout. Dans ce cas, la question de la sensibilité est abordée. Cependant, il
apparaît que c’est l’intensité de cette sensation qui est le but de la démarche. Elle permet alors
d’alimenter une représentation défaillante de la continuité d’existence. « Plutôt avoir mal que se sentir
9
inexistant ou en voie d’annihilation » .
Le Moi-peau est un concept élaboré par ANZIEU D.. Il le désigne comme « une figuration dont le
Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-
même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du
10
corps » . Ce Moi-peau serait alors pour lui le lien entre le Moi psychique et le Moi corporel de l’enfant,
une interface entre le dedans et le dehors. D’après un principe général freudien, les activités
psychiques sont rendues possibles et se construisent sur l’appui de fonctions corporelles. Le Moi-
peau prend tout son sens mis en corrélation avec les nombreuses fonctions que peut prendre la peau.
ANZIEU D. décrit neuf fonctions du Moi-peau :
- La fonction de maintenance,
- La fonction de contenance,
- La fonction de pare-excitation,
- La fonction d’individuation,
- La fonction d’intersensorialité,
- La fonction de soutien de l’excitation sexuelle,
- La fonction de recharge libidinale,
- La fonction d’inscription des traces sensorielles,
- Et la fonction d’autodestruction.
8
PIREYRE, 2015, p. 56
9
Ibid.
10
ANZIEU, 1985, p. 39
32
Je ne m’attacherai pas à vous décrire les neuf fonctions du Moi-peau d’ANZIEU D. dans la suite
de mon écrit, même si celles-ci participent toutes à l’élaboration d’une sécurité interne. Je me fixerai
plutôt sur celles qui me paraissent essentielle à la compréhension de Mathéo.
La fonction de maintenance :
La fonction de contenance :
La peau contient les organes et sert de surface, de limite délimitant l’intérieur de l’extérieur du
corps. Le Moi-peau, lui, enveloppe l’appareil psychique. Tout deux ont donc une fonction de
contenance. Mais le Moi-peau n’est contenant que lorsque des pulsions ayant des expressions
corporelles sont présentes et doivent être contenues.
Lors d’une carence de la fonction contenante du Moi-peau, deux formes d’angoisse peuvent alors
émerger. La première correspond à « l’angoisse d’une excitation pulsionnelle diffuse, permanente,
12
éparse, non localisable, non identifiable, non apaisable » . Le sujet cherche une enveloppe qui
pourrait remplacer celle défaillante mais ne s’enveloppe alors que de souffrance. La deuxième forme
d’angoisse se manifeste par une enveloppe existante mais poreuse. ANZIEU D. la nomme « Moi-peau
passoire ». Cette forme se caractérise par une peur d’avoir un intérieur qui se vide et notamment qui
se vide de l’agressivité nécessaire pour une affirmation de soi.
La fonction de pare-excitation :
La peau est constituée de trois feuillets (épiderme, derme et hypoderme). La couche superficielle
de l’épiderme sert de protection à celle inférieure qui contient les terminaisons nerveuses notamment.
Mais elle protège également l’organisme dans son entièreté et plus particulièrement l’effraction du
psychisme des agressions extérieures multiples ou encore d’un excès de stimulations. FREUD S.
décrivait déjà cette fonction où la mère servait de pare-excitation subsidiaire au bébé. Cependant
ANZIEU D. ajoute dans sa continuité, que la mère tient cette fonction « jusqu’à ce que le Moi en
croissance de celui-ci (le bébé) trouve sur sa propre peau un étayage suffisant pour assumer cette
13
fonction » . Pour ANZIEU D., le Moi-peau est présent dès la naissance comme une « structure
11
ANZIEU, 1985, p. 97
12
Ibid., p. 101
13
Ibid.
33
virtuelle » mais il est aussi en perpétuel remaniement au cours des relations entre le bébé et son
environnement, notamment ses parents.
Cette pare-excitation peut être retrouvée chez des sujets en excès ou en déficit. Deux modèles
d’image du corps appartenant à l’autisme ont alors été décrit par TUSTIN F.. Tout d’abord le Moi-
poulpe lorsqu’aucune des fonctions du Moi-peau n’est acquise. Et le Moi-crustacé qui se caractérise
par une carapace rigide prenant la place d’une fonction de contenance inexistante. Dans ce cas de
figure, les autres fonctions du Moi-peau ne peuvent pas s’exprimer.
Lors d’un défaut de la couche préférentielle, l’épiderme, la fonction de pare-excitation peut alors être
cherchée sur le deuxième feuillet qu’est le derme. C’est ce que BICK E. appellera la seconde peau
musculaire.
J’émets l’hypothèse, dans mon étude de cas de Mathéo, de son inscription dans la notion de
seconde peau musculaire que décrit BICK E.. J’identifie l’instauration de cette seconde peau lors des
moments de transition et de séparation. Elle se manifeste alors par un changement brusque de la
tonicité de Mathéo.
La fonction d’intersensorialité :
La peau est une surface contenant différents éléments et notamment les organes d’autres sens
que ceux concernant le toucher. Le Moi-peau est donc définit par ANZIEU D. dans sa fonction
d’intersensorialité comme « une surface psychique qui relie entre elles les sensations de diverses
natures et qui les fait ressortir comme figures sur ce fond originaire qu’est l’enveloppe tactile […] qui
aboutit à la constitution d’un sens commun […] dont la référence de base se fait toujours au
14
toucher » .
Une carence de cette cinquième fonction du Moi-peau peut engendrer une angoisse de morcellement
du corps et notamment une angoisse de démantèlement déterminée par « un fonctionnement
15
indépendant, anarchique, des divers organes des sens » .
Même si Mathéo ne donne pas un fonctionnement propre et indépendant à ses organes des sens,
cette fonction me paraît importante, dans le sens où il présente tout de même une angoisse de
morcellement de sa structure psychique. Celle-ci peut s’exprimer par la tendance de Mathéo à mettre
en jeu un corps qui craque, qui se désarticule.
14
ANZIEU, 1985, p. 103
15
Ibid.
34
La fonction d’autodestruction :
Cette dernière fonction du Moi-peau décrite par ANZIEU D. se détache des huit précédentes. Elle
est présentée comme négative, ayant pour but l’autodestruction de la peau et du Moi. Au niveau
biologique, nous pouvons observer, lors de greffe de peau par exemple, des rejets. Ces rejets sont
expliqués par la présence de marqueurs moléculaires différents d’une personne à une autre, excepté
chez les vrais jumeaux. ANZIEU D. met donc en parallèle cette caractéristique auto-immune de la
peau avec la capacité de « retournement sur soi de la pulsion, la réaction thérapeutique négative,
ainsi que les attaques contre les liens en général, et contre les contenants psychiques en
16
particulier » .
Les comportements de Mathéo s’inscrivent totalement dans cette fonction. Il peut ainsi se gratter
la peau jusqu’au sang à l’école. Mais en séance de psychomotricité, il présente également des
comportements d’attaques envers son propre corps et plus particulièrement de sa première
enveloppe : la peau, qui représente un contenant, une limite de son monde interne avec
l’environnement.
De nombreux auteurs ont réfléchis sur les rapports entre motricité et espace mental du bébé. Il
apparaît néanmoins que « la motricité est un agent d’intégration des données corporelles et cognitives.
17
L’élément physiologique qui permet ces intégrations est le tonus musculaire » .
Le mot tonus vient du grec tonos qui signifie tension. Le tonus musculaire est définit en 1874 par
VULPIAN A. comme « l’état de tension active, permanente, involontaire et variable dans son intensité
18
en fonction des diverses actions syncinétiques ou réflexes qui l’augmentent ou l’inhibent » . Le tonus
est à la base de l’organisation émotionnelle de l’enfant et est donc en lien avec son développement
psychoaffectif.
16
ANZIEU, 1985, p. 105
17
ROBERT-OUVRAY, 2007, p. 37
18
ROBERT-OUVRAY et SERVANT-LAVAL, 2011, p. 145
35
Je m’attacherai ici au premier stade qu’est le stade du corps vécu de la naissance aux 3 ans de
l’enfant. La raison de cette sélection s’explique par le fait que je m’attache plus particulièrement à la
constitution d’une sécurité interne et donc aux prémices du développement de l’enfant.
ème
Le tonus musculaire apparaît lors du 7 mois de la vie intra-utérine. A la naissance, le bébé
présente un dos mou et des membres inférieurs et supérieurs contractés et repliés vers le centre.
L’enfant se retrouve alors dans une position d’enroulement sur lui-même vers l’avant. L’immaturité du
cerveau empêche un contrôle musculaire des membres. « La maturité se traduira par la capacité de
19
réduire et de transformer les tensions corporelles et/ou psychiques » . On observe alors chez le
nouveau-né une dualité tonique qui se traduit par une hypertonie des membres inférieurs et
supérieurs et une hypotonie du rachis. Plus globalement, chez l’enfant, la tonicité s’organise sous
deux modalités. L’hypertonicité fera état d’un besoin. Tandis que l’hypotonicité sera la preuve d’une
satisfaction des besoins de l’enfant. A ce stade de développement, le contrôle tonique est assuré par
les soins maternels. Mais l’enfant développe tout de même des réponses motrices face aux
stimulations de son environnement. Le tonus des muscles s’équilibre peu à peu grâce à la maturation
du système nerveux central au cours de la première année de vie de l’enfant. Et sur le plan affectif,
l’enfant regroupe, dans une seule enveloppe psychique, ses tensions et sentiments. Enfin,
l’ajustement tonique se développera en parallèle à l’évolution des fonctions de perception.
La tonicité primaire est caractérisée par une hypertonie périphérique et une hypotonie axiale.
L’hypertonie primaire se manifeste dans les membres supérieurs et inférieurs du jeune enfant, on
parle d’hypertonie périphérique. Lors d’un stimulus extérieur stressant, cette hypertonicité entraine
l’enfant dans un mouvement d’enroulement qui, ainsi, protège et conserve son centre moteur mais
aussi psychique. Elle possède également une fonction garantissant la sécurité des processus
d’identification entre la mère et son enfant ; celle-ci repérant sans difficulté des mouvements
« anormaux » tels que des mouvements en extension par exemple. En réponse aux stimulations
internes ou externes, une élévation de la tension de l’enveloppe tonique de l’enfant est observée. Plus
particulièrement, lors de stimulations internes telles que des maux de ventre par exemple, l’enveloppe
tonique devient le lieu d’une projection des tensions internes vers l’extérieur. ROBERT-OUVRAY S.
parlera alors de rôle de pare-excitation interne de l’hypertonicité.
S’il y a eu la mise en place d’une relation satisfaisante, le bébé utilisera sa tonicité comme moyen
de communication avec son entourage, notamment pour tenter d’expliquer ce qu’il est en train de vivre
19
ROBERT-OUVRAY, 2007, p. 39
36
intérieurement. Une mère absente signera une élévation de l’enveloppe tonique de l’enfant gage
d’une marque de manque. Tandis que le retour de la mère provoquera une détente. Son enveloppe
tonique sera aussi la surface de recueil d’informations sur son environnement extérieur.
Enfin, l’hypertonicité prépare aussi l’enfant à sa capacité à s’opposer, s’affronter. C’est une
première forme de « non ».
L’hypotonicité primaire se localise au niveau du rachis, ce qui fait de lui la première zone
d’intégration des informations.
« Par toutes les fonctions qu’elle assure et du fait de l’étayage psychocorporel, l’enveloppe
tonique du nourrisson peut être considérée comme un contenant du corps et comme un contenant du
20
psychisme » . L’enveloppe tonique, de par les variations de sa tonicité, permettra l’émergence d’une
enveloppe psychocorporelle déterminant les limites entre le soi et le non-soi. L’enfant acquerra
ensuite une représentation unifiée de lui-même.
e. La fonction de contenance
La notion de contenance est abordée par de nombreux auteurs. Nous devons l’une de ses
premières conception à WINNICOTT D.W.. En amenant l’idée de soins maternels intégrant le holding,
le handling, il amorce la fonction de contenance. L’enfant a besoin d’un appui solide que représente
son environnement pour se développer.
20
ROBERT-OUVRAY, 2007, p. 167
37
- celle de lier, d’unifier et de tenir ensemble du jusque-là informe, du projeté, du débordant ;
- celle de protéger un moi immature des conséquences de brèches et d’effractions qu’il va
immanquablement connaître dans son développement ;
- celle de calmer et réguler le flux d’excitations par un pare-excitation efficace ;
- et enfin, celle de transformer et de symboliser de l’archaïque en représentations, du non-sens
21
en signification… » .
La fonction de contenance prend une place importante dans le bon fonctionnement de l’appareil
psychique avec l’arrivée de la théorie de BION W.R.. Ce psychiatre et psychanalyste anglais postule
que le fonctionnement psychique de la mère et notamment ce qu’il nomme « sa capacité de rêverie »
participe et est même décisive dans la qualité de la vie psychique de son enfant. « La rêverie décrit
l’état d’esprit réceptif à toutes les projections de l’objet aimé, et capable d’accueillir ses identifications
22
projectives, bonnes ou mauvaises » . BION W.R. introduit la notion de « fonction alpha ». Cette
dernière est particulièrement mise à l’œuvre par les parents lors de crises de pleurs du nourrisson.
Les parents vont alors chercher un sens à la détresse de leur enfant. BION W.R. parle de « capacité
de rêverie maternelle » qui correspond à cette tentative de transformation des pleurs pour donner du
sens. Cette capacité que possèdent les parents est présente de manière à la fois consciente et
inconsciente. Cette situation se reproduit à de nombreuses reprises au cours d’une journée. Et c’est
cette répétition qui va permettre au bébé d’intégrer à son tour l’origine de son mal être et de peut être
ainsi le contenir en mentalisant ses propres sensations.
BION W.R. décrit des « éléments bêta ». Ceux-ci correspondent aux éléments procurant une
souffrance à l’enfant, qu’il exprime alors par des pleurs. Cet auteur parle également de « fonction
alpha ». Elle s’apparente à la transformation de ces « éléments bêta » incompréhensibles pour
l’enfant, en éléments qui ont du sens. Ces éléments seront alors pensables et assimilables par le
bébé. La fonction contenante est donc principalement une fonction transformatrice.
21
CONSTANTINO, 2011, p. 10-16
22
GATECEL, MASSOUTRE-DENIS, GIROMINI, MOYANO, SCIALOM, CORRAZE, 2011, p. 290
38
Vers l’âge de 6 mois, le bébé manifeste un désir d’exploration de son environnement. Il s’éloigne
alors de sa figure d’attachement que sont ses parents et plus particulièrement la mère. C’est lui qui
gère alors la distance de cet éloignement. Le jeune enfant pourra alors explorer son environnement
s’il se sent en sécurité et se rapprocher de sa figure d’attachement s’il se sent trop éloigné. C’est la
« base de sécurité ». Le concept de sécurité de base a été élaboré par AINSWORTH M.. Il « ne
renvoie pas à quelque chose d’objectif, mais à l’accord adaptatif tel qu’il existe entre un sujet (au
fonctionnement déterminé par ses processus inconscients) et son milieu (lui-même défini
23
subjectivement et singulièrement) » .
Cependant, que se passe-t-il lors d’une défaillance de cette sécurité de base et notamment de
l’intériorisation de cette dernière ? Dans la suite de mon travail, je vous présenterai alors l’angoisse de
séparation et l’angoisse d’effondrement qui me paraissent omniprésentes chez Mathéo mais surtout
être la conséquence d’un état interne fragile.
23
DRU, 2006, p. 151
39
« Une séparation est l’avant-coureur de l’abandon,
24
DE BALZAC, 1839
40
II. L’angoisse de séparation
Mathéo est un enfant avec une problématique complexe. Il est envahi par de nombreuses
angoisses qui le rendent parfois inaccessible à la relation. Il m’a paru important de définir l’angoisse
de séparation dite pathologique pour mettre en avant un des troubles qui m’a le plus interpellée au
cours de sa prise en charge psychomotrice.
a. Définitions
Il existe deux types d’angoisses de séparation. La première est dite développementale, elle fait
partie intégrante du développement normal de l’enfant. Elle apparaît généralement entre 6 et 24 mois
mais on observe tout de même deux pics de fréquence d’apparition à 8 et 11 mois. L’angoisse de
séparation développementale est décrite comme une réaction de détresse lors du départ de la figure
principale d’attachement. Une seconde angoisse de séparation est dite pathologique. Cette dernière
est le trouble anxieux le plus répandu chez l’enfant pré-pubère. Elle se définit comme une « anxiété
excessive et inadaptée au stade du développement concernant la séparation d’avec la maison ou les
personnes auxquelles le sujet est attaché ». C’est à cette dernière que je vais m’attacher dans mon
mémoire et essayer de vous la décrire.
Le terme de trouble d’angoisse de séparation est utilisé pour la première fois en 1956 dans
l’American Journal of Psychotherapy. ESTHES et coll. le décrivent comme « un état émotionnel
pathologique dans lequel enfant et parents, habituellement la mère, sont impliqués au travers d’une
relation de dépendance hostile caractérisée primitivement par un intense besoin de la part à la fois de
26
l’enfant et de la mère de se maintenir ensemble dans une étroite proximité physique. » .
Très vite est donc apparu le problème de la différenciation entre ce qui est de l’ordre de la normalité et
de celui du pathologique.
25
SILLAMY, 2010, p.24
26
BAILY, 2004, p.VII
41
b. Critères de diagnostic selon les différentes classifications
Au cours des années et des différentes classifications, les critères de diagnostic du trouble
angoisse de séparation ont subi de nombreuses modifications. Ces dernières portent notamment sur
l’âge de survenue du trouble et la durée de la perturbation.
1) DSM-IV
- Détresse excessive et récurrente dans les situations de séparation d’avec la maison ou les
principales figures d’attachement, ou en anticipation de telles situations,
- Crainte excessive et persistante concernant la disparition des principales figures
d’attachement ou un malheur pouvant leur arriver,
- Crainte excessive et persistante qu’un événement malheureux ne vienne séparer l’enfant de
ses principales figures d’attachement (par exemple : se retrouver perdu ou être kidnappé),
- Réticence persistante ou refus d’aller à l’école, ou ailleurs, en raison de la peur de la
séparation,
- Appréhension ou réticence excessive et persistante à rester à la maison seul ou sans l’une
des principales figures d’attachement, ou bien dans d’autres environnements sans des
adultes de confiance,
- Réticence persistante ou refus d’aller dormir sans être à proximité de l’une des principales
figures d’attachement, ou bien d’aller dormir en dehors de la maison,
- Cauchemars répétés à thèmes de séparation,
- Plaintes somatiques répétées (telles maux de tête, douleurs abdominales, nausées,
vomissements) lors des séparations d’avec les principales figures d’attachement, ou en
27
anticipation de telles situations. »
Le trouble doit avoir une durée d’au moins quatre semaines. Il doit débuter avant l’âge de 18 ans et a
des répercussions dans le domaine social et scolaire. Elle précise également que le trouble ne doit
pas survenir seulement dans un contexte de trouble envahissant du développement, d’une
schizophrénie ou d’un trouble psychotique. Le DSM-IV ajoute la spécificité d’un début précoce, si le
trouble survient avant l’âge de 6 ans.
27
AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, 1996
42
2) La CIM-10
c. Sémiologie
28
FRANCIS, LAST, STRAUSS, 1987, p. 82-89
43
- Les ruminations et préoccupations morbides : Elles sont constantes. Des pensées obsédantes
portant atteinte à la famille mais aussi à la propre intégrité de l’enfant sont retrouvées. Chez
les enfants de 5 à 8 ans, on observe fréquemment des cauchemars à thème de séparation et
de préoccupations concernant la mort.
- La nostalgie du chez soi : Elle se caractérise par un sentiment de manque de la maison et des
membres de la famille.
d. Co-morbidité
Je propose ici de vous présenter les différents troubles qui peuvent être retrouvés associés à
l’angoisse de séparation. Cette démarche se justifie par une tentative d’explication des différents
troubles que l’on peut observer chez Mathéo : un aspect dépressif par moment où je le trouve
« éteint », les troubles du comportements qui persistent à l’école avec une grande agressivité qui se
caractérise par ses nombreuses implications dans des bagarres et enfin ses autres angoisses qui sont
multiples (angoisse de morcèlement interne, angoisse d’effondrement, d’annihilation, angoisse
dépressive de perte du bon objet interne).
Le trouble angoisse de séparation est rarement un trouble isolé. Il est fréquemment associé à
d’autres manifestations. Je les classerai en trois catégories :
Tout d’abord, le trouble hyperanxiété de l’enfant, compris dans le DSM-IV au sein de la catégorie
diagnostique Anxiété généralisée, se caractérise par une anxiété ou une crainte excessive et irréaliste
survenant durant une période d’au moins six mois. C’est le trouble le plus souvent associé au trouble
angoisse de séparation.
On observe également des troubles phobiques. La phobie est une crainte irrationnelle et
angoissante dont le patient a conscience et qu’il qualifie d’excessive et absurde. Elle est déclenchée
par un stimulus ne présentant pas de caractère objectivement dangereux. On distingue trois types de
troubles phobiques.
- L’agoraphobie qui est « une crainte pathologique des espaces découverts, des lieux
29
publics » .
29
LAROUSSE, 2004, p.30
44
- Les phobies sociales qui se caractérisent par la peur d’être jugé, humilié, embarrassé dans
des situations où le sujet est exposé à la possible observation d’autrui.
- Les phobies simples qui sont caractérisées par la peur persistante d’un stimulus déterminé.
Les plus fréquentes associées au trouble angoisse de séparation concernent la peur du noir,
des fantômes, des monstres.
La phobie scolaire semble être intimement liée au trouble angoisse de séparation, celui-ci étant le
mécanisme le plus fréquemment rencontré dans la phobie scolaire. Elle s’observe chez « des enfants
qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions d’anxiété
30
très vives ou de panique quand on essaie de les y forcer » .
Ensuite le trouble panique se caractérise par la survenue récurrente d’attaques de panique, chez
un même sujet.
Enfin, le trouble obsessionnel compulsif fait aussi parti des autres formes d’anxiété pouvant être
associées au trouble angoisse de séparation. Il est l’objet d’obsessions, de compulsions, ou des deux.
La dépression :
- Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité définit par une tendance excessive à la
distraction et des difficultés de concentration accompagnées d’une hyperactivité (désignant
l’excès de mouvement, une activité globale non constructive, désordonnée).
30
AJURIAGUERRA, 1974
31
LAROUSSE, 2004, p. 455
45
- Le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) décrit dans le DSM comme un ensemble
récurrent de comportements négativistes, hostiles ou provocateurs envers des figures
autoritaires, allant au-delà d’un comportement infantile habituel.
Dans cette partie, je vous présenterai les apports de différents auteurs issus de la psychanalyse
dans la compréhension de l’angoisse de séparation.
Je commencerai par aborder les théories de FREUD S. à ce propos. Dans les œuvres de cet
auteur, différentes théories explicatives se sont succédées. Dans sa première théorie de l’angoisse, il
expose le lien à une certaine quantité de libido qui serait inutilisée à cause de la non-satisfaction de la
pulsion. L’angoisse serait donc une conséquence du refoulement mettant à distance la représentation
pulsionnelle intolérable et laissant de ce fait, une quantité de libido non-utilisée. Il énonce aussi l’idée,
que chez l’enfant, l’angoisse serait liée « à un sentiment d’absence de la personne aimée ». Pour le
nourrisson, la seule possibilité de décharge libidinale concerne la mère qui est l’unique objet de son
investissement libidinal. Son absence transformerait alors directement cet investissement en angoisse.
FREUD S. modifie ensuite ce modèle pour introduire l’idée du traumatisme que représente la
naissance en se rapprochant des travaux de RANK O. sur ce même thème. La naissance représente,
pour lui, la situation de séparation typique. L’angoisse serait alors créée à partir de situations
récurrentes qui réactiveraient cette première expérience traumatique de séparation. Le nourrisson ne
craint pas la séparation ou la perte de sa mère mais l’état de détresse et de tension auquel il devra
faire face en son absence.
Dans sa deuxième théorie de l’angoisse, FREUD S. émet l’idée que l’angoisse n’est plus en lien
avec la répétition d’une expérience traumatique mais qu’elle se manifeste comme signal d’alarme face
à la reconnaissance d’une situation de danger telle que la séparation ou la perte d’objet. Il énonce :
« C’est l’angoisse qui fait le refoulement, et non pas, comme je l’ai estimé jadis, le refoulement qui fait
32
l’angoisse » . Le refoulement n’est donc plus la cause de la survenue de l’angoisse mais devient sa
conséquence.
Chaque phase du développement de l’enfant possède une situation précise étant capable de
déclencher une réaction d’angoisse. Généralement, l’intensité réactionnelle face à cette situation
diminue avec le développement du moi.
32
FREUD, 1983, p. 24
46
Face à ces deux théories qu’élabore FREUD S., KLEIN M. émet l’existence d’un Moi immature,
présent dès la naissance, qui est le lieu d’un conflit entre la pulsion de vie et la pulsion de mort, un
combat entre l’amour et la haine. La pulsion de vie engendre chez l’enfant « la capacité d’amour et
33
que tout bien être est ressenti comme provenant de forces bienfaisantes » . Tandis que la pulsion de
mort provoque une agressivité caractérisée par des pulsions destructrices. Ces pulsions sont dirigées
vers autrui et elles peuvent alors donner l’illusion d’un autre hostile. KLEIN M. défend l’idée d’un moi
existant alors dès la naissance qui doit se défendre contre l’angoisse. L’angoisse provient du danger
d’anéantissement lié à « l’action de l’instinct de mort ».
34
- Le clivage consiste au maintien de la séparation des « bons » et « mauvais » objets .
L’enfant, en reconnaissant sa mère comme bon et mauvais objet, maintient sa capacité à
aimer.
- L’introjection permet au nourrisson d’intérioriser les situations vécues et les objets rencontrés.
Ces expériences deviennent alors internes et faisant parties de la vie intérieure du sujet.
L’introjection est préférentiellement réalisée pour les « bons » objets et les « bons »
comportements et adaptations maternelles.
- La projection est un mécanisme permettant d’attribuer à autrui ses propres pulsions et
sentiments. Le nourrisson projette généralement ses pulsions agressives en les décernant au
« mauvais » objet que représente le sein de la mère dans un premier temps.
Dans le cas de l’angoisse, de l’action du clivage et de la projection, la menace est identifiée comme
provenant de l’extérieur, comme un mauvais objet persécuteur. Ce dernier qui est externe devient
alors interne par le mécanisme d’introjection. Deux sources de l’angoisse sont alors distinguées, la
première étant interne et se traduisant par la pulsion agressive ; et la seconde, externe, désigne un
danger telle que la situation de séparation. Cette séparation d’avec la mère est vécue comme un
danger pour subvenir aux besoins de l’enfant mais aussi comme une perte de la défense essentielle
luttant contre la destruction interne. « Selon J. Manzano (1989), chaque séparation va donc provoquer,
33
BOULEY, 1997, p. 18
34
LAPLANCHE et PONTALIS, 2007, p. 290 « La notion d’objet est envisagée en psychanalyse sous trois aspects principaux :
A) En tant que corrélatif de la pulsion : il est ce en quoi et par quoi celle-ci cherche à atteindre son but, à savoir un
certain type de satisfaction. Il peut s’agir d’une personne ou d’un objet partiel, d’un objet réel ou d’un objet
fantasmatique.
B) En tant que corrélatif de l’amour (ou de la haine) : la relation en cause est alors celle de la personne totale, ou de
l’instance du moi, et d’un objet visé lui-même comme totalité (personne, entité, idéal, etc.) ; (l’adjectif correspondant
serait « objectal »).
C) Dans le sens traditionnel de la philosophie et de la psychologie de la connaissance, en tant que corrélatif du sujet
percevant et connaissant : il est ce qui s’offre avec des caractères fixes et permanents, reconnaissables en droit par
l’universalité des sujets, indépendamment des désirs et des opinions des individus (l’adjectif correspondant serait
« objectif »). »
47
soit des angoisses paranoïdes (angoisse d’anéantissement et d’annihilation), soit des angoisses
35
dépressives (peur de la destruction du bon objet interne) » .
2) La théorie de l’attachement
Les bases de la théorie de l’attachement sont posées par BOWLBY J. en 1950. Il définit
l’attachement comme « un équilibre entre les comportements d’attachement envers les figures
36
parentales et les comportements d’exploration du milieu » . Il s’est intéressé aux expériences de
séparations et de pertes de la figure d’attachement. BOWLBY J. observe alors les conséquences de
telles expériences sur le comportement de l’enfant. Il en tire une séquence de réactions en trois
temps :
35
BAILLY, 2004, p. 72
36
BOWLBY, 2002, p. 245-285
48
Pour cet auteur, les différentes expériences de séparation de la figure d’attachement qui peuvent aller
d’une séparation physique temporaire, de la menace d’abandon à la perte définitive, engendre un
stress qui serait alors responsable, dans certaines conditions, d’influencer le développement du sujet
soit vers la santé mentale, soit vers la psychopathologie. Le lien entre le trouble angoisse de
séparation et théorie de l’attachement, pourrait alors être expliqué par la réapparition d’un
attachement anxieux.
Dans cette perspective d’explication, je souhaite vous présenter les différents troubles de
l’attachement qui peuvent être observés. Je m’appuierai ici sur les travaux de ZEANAH, BORIS et
LIEBERMAN ainsi que les essais de classification de ces troubles de MORALES-HUET M.. Deux
catégories sont distinguées :
Ce trouble concerne les enfants placés très tôt en institution et ayant fait l’objet de négligence et de
nombreuses carences. Cette catégorie contient deux sous-groupes. On observera l’absence
d’attachement sans réserve ou réticence normale à cet âge. L’enfant présentera un comportement
très familier avec des personnes étrangères. Et certains d’entre eux pourront se mettre dans des
situations de risque ou en danger. L’absence d’attachement avec retrait émotionnel fait également
partie de cette catégorie. Elle se manifeste par des enfants qui ne s’attachent et ne semblent être
intéressés par personne.
L’enfant a alors développé un attachement mais qui comporte des perturbations. Trois types de
troubles de la base de sécurité sont décrits par ZEANAH, MAMMEN et LIEBERMAN.
Tout d’abord le trouble de l’attachement avec mise en danger est caractérisé par une mise en danger
survenant au cours de la deuxième année de vie avec l’apparition de la marche et allant dans le sens
contraire de la sécurité et de la survie. L’enfant effectue des activités reconnues dangereuses et
provocantes. Ce comportement fait généralement appel à une recherche d’attention du parent ainsi
qu’à la protection de ce dernier qui fait souvent défaut.
Ensuite sont aussi décrits les troubles de l’attachement avec vigilance et obéissance excessive.
L’enfant se montre très docile envers ses parents, répondant à toutes leurs demandes et se montrant
très attentif à leur égard. Il semble être dans une crainte de comportement plus ou moins violent. Et il
est vrai que ce type d’attachement est fréquemment associé à un comportement parental intrusif et/ou
violent.
49
Et enfin les troubles de l’attachement avec inversion des rôles font aussi partie des troubles de la base
de sécurité. L’enfant est dans une recherche de protection d’une figure d’attachement dite « fragile ».
Il se montre très attentif et pourvue d’une grande sensibilité quant à l’état psychique et au bien être
d’autrui. Une séparation d’avec la figure d’attachement dans ce contexte peut représenter une
situation à risque.
3) Approches neurobiologiques
Dans cette partie, je propose de vous présenter l’angoisse de séparation sous une vision
différente de celle que l’on rencontre habituellement. C’est pourquoi je vous décris alors une approche
neurobiologique. Il est vrai que ces éléments n’ont pas été abordé dans la situation de Mathéo.
Cependant elle me paraît importante pour une compréhension plus globale de l’angoisse de
séparation.
Des facteurs génétiques semblent être impliqués dans l’apparition du trouble angoisse de
séparation. MOUREN-SIMEONI M.C., VILA G. et VERA L., en 1993 dans Troubles anxieux de l’enfant
et de l’adolescent font état de l’existence d’un lien entre le trouble anxieux survenant chez l’enfant et
la présence d’un trouble affectif chez les parents. Cependant cette étude ne nous renseigne pas sur le
mode de transmission génétique ou sur la question environnementale. Aucun marqueur génétique
spécifique n’est identifié à ce jour concernant le trouble angoisse de séparation. Mais selon LEBOYER
M. et LEPINE J.P., dans leur écrit L’anxiété est-elle héréditaire ?, l’existence de facteurs de
vulnérabilité génétiques alliés à des facteurs environnementaux tels que le comportement parental ou
les évènements de vie par exemple, sont déterminant dans l’expression de la symptomatologie et le
devenir des troubles anxieux chez l’enfant.
50
Je vais m’intéresser ici à la description du fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-
surrénalien ou plus communément appelé l’axe du stress. En réponse à un stimulus de stress,
l’hippocampe et l’amygdale sont activés et envoient des informations nerveuses vers l’hypothalamus
qui synthétise la CRH. La CRH va agir sur l’hypophyse permettant ainsi la mise en action des cellules
endocrines sécrétant l’ACTH (adrenocorticotropin hormone). Cette dernière est libérée dans le sang
pour atteindre la surrénale, une glande endocrine. Sa partie corticale synthétise les corticoïdes,
comme le cortisol, celui-ci étant à l’origine de la libération de la noradrénaline et de l‘adrénaline dans
le sang.
On retrouve chez les nourrissons une augmentation de la quantité de cortisol dans la circulation
sanguine en réaction à une séparation. Cette variable est d’autant plus majorée lors d’un attachement
dit « désorganisé ».
51
« Il y a un mystère dans les voies qu’empruntent nos enfants pour se
séparer de nous. Elles passent souvent par un moment d’effondrement
individuel, un peu comme s’il fallait mourir pour vivre »37.
37
RENAUD, 1988
52
III. L’angoisse d’effondrement
L’angoisse d’effondrement est une angoisse corporelle archaïque. Les angoisses archaïques sont
présentes chez le bébé avant l’apparition du langage. Elles font parties du développement normal de
l’enfant. Elles restent apparentes plus ou moins consciemment à l’âge adulte. Et c’est l’intensité du
retentissement de ce type d’angoisse qui établie le pathologique ou non.
L’angoisse corporelle archaïque prégnante chez Mathéo est l’angoisse d’effondrement. Elle est
abordée par WINNICOTT D.W. qui la nomme crainte de l’effondrement. Il la définit comme le fait de
tomber à jamais qu’il décrit comme une angoisse disséquante primitive. Il soutient que cette crainte
est à l’origine une crainte d’un évènement qui a déjà été vécu dans le passé et dont il faut éviter la
répétition.
Elle apparait dès la naissance avec, peut être, la différence de pesanteur entre le milieu utérin et
le monde extérieur. PIREYRE E. émet le fait que les manifestations de l’angoisse d’effondrement
s’observent dans les premiers temps chez les jeunes enfants sous forme d’agrippement lors de
moments anxiogènes. Il donne ainsi l’exemple de la sortie du bain mais aussi celui des moments de
« décrochage relationnel ». Dans les premiers temps, cette angoisse est rassurée par le holding
maternel. Le bébé est alors dans un état de dépendance.
38
PIREYRE, 2015, p. 181
53
Conclusion :
Nous avons pu voir au cours de cette partie théorique que chaque étape de l’intégration du moi
qu’il soit psychique ou corporel, détermine le devenir futur du sujet. L’installation d’une sécurité interne
fragile au cours du développement peut donc avoir des répercussions de l’ordre psychocorporel.
54
Troisième partie : Discussion
55
I. Expressions psychocorporelles des
angoisses de séparation et d’effondrement
39
« Toutes les émotions utilisent le corps comme leur théâtre » (DAMASIO A.).
Du fait de la fragilité de son état interne, Mathéo présente, au cours des séances de
psychomotricité, des angoisses de séparation et d’effondrement. Dans cette partie, je vais tenter
d’exposer les expressions psychocorporelles que peuvent avoir de telles angoisses.
a. La tonicité
Dans son livre Clinique de l’image du corps – Du vécu au concept (2015), PIREYRE E. aborde la
notion des compétences communicationnelles du corps et plus particulièrement des canaux de
communication corporelle. Il cite alors six canaux, dont les modifications toniques, les réactions de
prestance, les attitudes corporelles, les mimiques, l’activité motrice ou gestualité, et le regard. Chaque
personne n’utilise cependant pas l’intégralité des canaux présentés ; et ils ne sont pas forcément les
mêmes d’une personne à une autre. Ceci s’explique par l’adaptation du nourrisson à ses parents pour
exprimer et faire comprendre ses besoins. Il utilise alors les canaux communicationnels lisibles par
ses propres parents.
Je commencerai alors par vous évoquer la question du tonus chez Mathéo qui m’est apparue
comme l’expression majeure de ses angoisses. J’ai pu observer au cours de sa prise en charge deux
polarités toniques qui, pour lui, ont valeur de communication de son état interne et de ses angoisses.
J’ai pu discerner que ces polarités apparaissaient à des moments précis de la séance. J’ai fortement
insisté au cours de mon mémoire sur les fins de séances qui étaient au combien difficiles pour ce
jeune garçon. Cependant il laissait également apparaitre des difficultés lors des instants de transition,
de changement d’activité dans la séance. Ces deux temps correspondent aux lieux d’expressions des
deux polarités toniques que peut présenter Mathéo :
Je me suis alors questionnée sur la ou les fonction(s) que pouvaient avoir ces deux polarités toniques
pour Mathéo. Mais je me suis également demandée quelle polarité pouvait correspondre à l’angoisse
de séparation et inversement avec l’angoisse d’effondrement. Malgré que ces deux angoisses soient
fortement liées.
39
PIREYRE, 2015, p. 128
56
L’hypertonicité
L’hypertonie de Mathéo est un changement d’état tonique volontaire. C’est lui, qui, lors des
instants de transition, contracte la quasi-totalité de ses muscles. Dans ces moments, il peut même
bloquer sa respiration par une trop forte contraction musculaire, son visage se transforme et devient
alors tout rouge. Il peut également se retrouver dans une attitude corporelle figée, raide et avoir une
activité motrice ralentie. La mise en scène d’un « corps robot » peut aussi apparaître. Il a alors le
regard fixe, son corps est tendu, ses mouvements sont saccadés et lents. Mathéo peut, à ce moment,
faire un son très aigu, comme si cette voix ne lui appartenait pas. Dans ces instants, le vécu corporel
de Mathéo me pose question et me fait penser à celui d’un corps machine que l’on peut observer
dans le cas de psychose. Que signifie alors pour lui ce temps de transition pour avoir une telle
expression ?
C’est dans la relation que Mathéo et plus particulièrement son objet interne reprend vie. Je
suppose alors, que ce temps correspond à une perception de relation coupée, l’espace de quelques
secondes, pour Mathéo. Ce qui signe donc le retour d’une angoisse d’effondrement pour lui.
L’hypertonicité pourrait alors avoir une fonction de construction d’une nouvelle enveloppe que BICK E.
nomme « seconde peau musculaire », l’enveloppe créée par la relation ayant disparue. Le rôle de
cette « seconde peau musculaire » serait sûrement de lutter contre son angoisse d’effondrement et
ainsi de maintenir son psychisme.
Nous pouvons cependant aussi comprendre l’hypertonicité qu’il présente lors des temps de
transition, comme une manière de diminuer les sensations extéro, proprio et intéroceptives, par
l’instauration d’une carapace tonique. ROBERT-OUVRAY S. confirme que l’hypertonicité dans son
état de tétanie assure un rôle anesthésiant. Serait-ce peut être la façon qu’a Mathéo de nous
transmettre le vide interne qu’il peut ressentir, comme dans un effacement de lui-même, par un
effacement de ses propres sensations.
Je ressens l’état rigide que peut présenter Mathéo lors des transitions comme une mise à
distance corporelle mais aussi relationnelle. Mathéo est perdu dans son monde interne, remplit
d’angoisses.
57
L’hypotonicité
Cette autre polarité tonique apparait chez Mathéo lors des instants de séparation ou de
l’anticipation de celle-ci. Lorsque nous évoquons la fin de séance avec lui, nous pouvons observer un
arrêt de l’action en cours et plus globalement de sa motricité. Il tombe alors au sol, le regard fixé dans
le vide comme dans un effondrement corporo-psychique. La survenue de la séparation signe peut être
alors une réactivation de l’angoisse d’effondrement. Le fait de nous quitter signifie un arrêt, même
provisoire, de notre relation. Alors que celle-ci est le pilier de la construction interne de Mathéo. Se
demande-t-il s’il la retrouvera la semaine suivante ?
Nous pouvons également comprendre cette hypotonicité comme une manière d’opposition à la
séparation. Mathéo ne peut peut-être pas verbaliser son besoin des séances de psychomotricité qu’il
a investi comme lieu de dépôt de ses angoisses. Il trouve alors une autre façon de l’exprimer.
Lors de la séparation, nous devons alors le porter comme dans un portage du tout petit. Il exprime
un besoin de régression. Et nous jouons probablement un rôle de holding, dans un transfert des soins
maternels de WINNICOOT D.W..
Je parlais précédemment de l’instauration d’une « seconde peau musculaire » pour lutter contre
l’effondrement corporo-psychique. Cette seconde peau représentait alors probablement une
enveloppe que Mathéo investissait. Mais il peut également mettre en jeu cette question d’enveloppe
sous d’autres formes.
J’ai pu observer une évolution au cours de ces quelques mois. Mathéo mettait tout d’abord en jeu
une enveloppe du tout petit. Il était souvent en recherche de semi-obscurité en se couvrant
entièrement avec des couvertures, très attentif à sa sensorialité. Il s’entourait alors également d’une
enveloppe thermique. Les couvertures étaient très présentes au cours des séances et revenaient
d’une séance à l’autre. Puis à partir du mois de janvier, nous avons pu observer une envie de
construction de cabane. Il a particulièrement apprécié ce type de construction. Cependant il avait
toujours besoin, au cours des séances, d’énormément d’étayage lors de leurs constructions. Il n’y
participait que brièvement concernant principalement la structure de celle-ci. Mais lorsqu’il s’agissait
de choisir les objets et matériels qu’il souhaitait prendre à l’intérieur, un besoin d’abondance faisait
surface et il prenait grand soin à choisir les éléments. A l’intérieur de la cabane, il se montrait présent,
enjoué et pouvait mettre en place des jeux de symbolisation de ses angoisses.
Pour SENN B., les constructions de cabanes « permettent la réunification, par un acte concret, de
ce qui est de l’ordre corporel, du tangible et de ce qui est de l’ordre du psychisme, de l’affectif et du
58
40
rêve » . On pourrait alors rapprocher la cabane de la représentation que se fait le sujet de sa propre
enveloppe psychique, si la construction est à son initiative. Elle serait donc le lieu d’une projection de
l’enveloppe psychique du sujet dans le réel. Lorsque des enfants construisent une cabane dans
laquelle ils vont aller s’y poser, ils recréent une enveloppe protectrice qui les rassemblera alors
psychiquement et corporellement. Or Mathéo ne nous aidait pas vraiment lors de la construction de
chaque cabane. Il restait souvent en observateur de la scène. Il a tout de même pu le reconnaître de
lui-même lors d’un entretien avec sa mère. Alors pourquoi ne participait-il pas ? Que représentait, pour
lui, la construction d’une cabane ?
N’ayant pas de réponse précise de la part de Mathéo à vous donner, je fais l’hypothèse de la
représentation d’un moi-peau d’emprunt qui entoure et solidifie alors le psychisme de Mathéo dans un
espace sécure. Il avait alors peut-être des difficultés à construire sa cabane par peur de la
représentation qu’il pourrait lui donner, comme un reflet de son enveloppe psychique et de son état
interne qui restent fragiles. La cabane était investie comme lieu sécure dans lequel il avait confiance.
Mais comment l’aurait-il perçue s’il l’avait réalisée ? Il nous associait peut être alors à des « bons »
objets qui pouvaient lui construire une enveloppe fiable qui contiendrait ses angoisses. La
construction de la cabane pallie ainsi au manque de sécurité interne de Mathéo, pour un temps. Elle
créée alors une enveloppe qui met à l’écart les éléments qui peuvent être désorganisant pour Mathéo.
Cependant lors de la déconstruction de la cabane, Mathéo était à nouveau en proie avec ses
angoisses. Son enveloppe devenait alors peut-être à nouveau « poreuse », comme un moi peau
passoire décrit par ANZIEU D.. J’ai ressenti ces instants de rangement comme la fin d’un temps, où
Mathéo pouvait s’exprimer et jouer. On peut donc supposer qu’il n’a probablement pas introjecté la
fonction contenante de l’objet qui est représenté ici par la cabane.
c. L’axialité
Mathéo présente, lors des temps de séparation, un effondrement corporel. Il ne laisse alors
tomber au sol dans un état hypotonique, comme je l’ai abordé précédemment. Cet effondrement
tonique a des effets sur son axe, qui s’en retrouve affecté. L’hypotonie axiale est l’état caractéristique
du nouveau-né. Ne serait-ce pas alors le signe d’une régression, dans une recherche du soutien de
son environnement pour faire face à ses angoisses ? Un axe qui ne tient plus, qui s’effondre, tient
peut être alors d’une verticalité difficile à tenir face à cet environnement extérieur peut-être menaçant.
LESAGE B., dans son livre Jalons pour une pratique psychocorporelle, énonce « La référence à
41
l’axe en tant que marqueur d’une intégrité » . L’axialité, comme pilier de la structuration
psychocorporelle du sujet, serait alors le témoin d’une intégrité psychocorporelle.
40
SENN, 2005, p. 34
41
LESAGE, 2012, p. 147
59
Cet axe, accompagné des variations toniques qui l’étayent, n’est-il pas le témoin et le lieu de
l’expression d’une intégrité psychocorporelle fragile. Celle-ci reflétant alors les angoisses de Mathéo.
d. La motricité – gestualité
Lors des temps de transition et de séparation, Mathéo est sujet à ses angoisses. C’est alors aussi
le lieu de l’apparition d’une gestualité désarticulée et déstructurée. Mathéo, en proie à ses angoisses,
erre alors dans la salle, tombe, se relève pour tomber à nouveau. Ses membres partent alors dans
toutes les directions. Je suppose alors que cette motricité « particulière » est le fruit d’une fragilité de
l’intégrité psychocorporelle de Mathéo, elle-même provoquée par ses angoisses.
Conclusion :
J’ai pu observer, au cours de cette prise en charge, l’intensité des manifestations des angoisses
de Mathéo. Elles touchent de nombreux domaines psychomoteurs. Je parle, à plusieurs reprises, de
retour à des comportements antérieurs, du tout petit. Je suppose alors, un besoin de Mathéo de
retourner à des comportements antérieurs à son développement, car c’est la seule réponse en sa
possession pour répondre à ses angoisses. Ces expressions, si envahissantes sur le plan
psychocorporel, ont pu empêcher ou diminuer ses explorations tout au long des séances. Je me suis
alors demandée assez rapidement quels étaient les moyens à ma disposition pour contenir ce type
d’angoisse et ainsi réinscrire Mathéo dans une réalité.
60
II. Comment contenir l’angoisse ?
Comme vu dans la partie précédente, Mathéo est sujet aux nombreuses manifestations de ses
angoisses. Au cours des quelques mois passés avec lui, je me suis énormément questionnée sur les
moyens à ma disposition pour contenir celles-ci et plus globalement, les manifestations corporelles et
verbalisations dont il faisait état. J’ai pu à de nombreuses reprises me trouver désarmée et
désemparée face à ce que j’identifie comme une souffrance. Je vous propose alors ici le fruit de ma
réflexion quant aux moyens dont nous disposons en tant que psychomotricien.
a. Le cadre thérapeutique
La question du cadre m’est donc apparue en premier lieu pour tenter de contenir les angoisses de
Mathéo. Un cadre sécure, régulier pourrait sûrement l’aider à y faire face. Mais alors quelles doivent
être les particularités de ce cadre pour qu’il réponde aux exigences des angoisses. Et quelles sont les
fonctions que le cadre peut prendre dans une prise en charge psychomotrice ?
Du latin quadrum signifiant carré, le cadre est défini par « ce qui borne, limite l’action de quelqu’un,
42
quelque chose […], ce qui entoure un objet, un lieu, une personne » . PELLETIER F., ajoute qu’il
suppose la distinction entre un dedans et un dehors mais aussi qu’il sera tenu comme référence dans
le contexte d’un processus de changements.
Dans le domaine de la santé, nous utilisons la notion de cadre thérapeutique qui semble être la
base de toute thérapie. Il peut se définir par l’ensemble des conditions matérielles, physiques mais
aussi psychiques qui sont mises en place en adéquation avec le patient. Il doit s’adapter aux
différentes problématiques que les patients peuvent présenter. Un cadre thérapeutique ne sera pas
forcément le même d’un patient à un autre. POTEL C. le décrit comme « ce qui contient une action
43
thérapeutique dans un lieu, dans un temps, dans une pensée » . Il fixe donc des critères précis tels
que la fréquence, la durée, le lieu de l’intervention ainsi que ses modalités, mais aussi l’objectif de
cette intervention. Le cadre thérapeutique est également le support à la relation thérapeutique. Il fait
donc fonction de tiers entre le patient et le thérapeute.
Nous pouvons distinguer le cadre physique du cadre psychique. Je m’intéresserai ici au cadre
physique et à ses composantes, le cadre psychique étant abordé ultérieurement. Quelles sont alors
les caractéristiques physiques d’un cadre thérapeutique ?
42
Dictionnaire encyclopédique, 2004, p. 231
43
POTEL, 2010, p. 321
61
1) Les composantes physiques du cadre thérapeutique
Le cadre spatial :
Les séances de psychomotricité se déroulent dans un espace aménagé pour ce type de prise en
charge. « Des conditions d’espace : pour qu’un lieu puisse accueillir les excitations, les plaisirs que
donnent le mouvement, le geste, il faut concevoir l’espace comme un vrai réceptacle contenant les
44
expériences sensorielles et motrices où l’enfant va pouvoir se vivre dans son corps » . Le lieu de la
prise en charge reste le même à chaque séance (sauf en cas de déménagement des locaux) et il
constitue alors un repère stable pour le patient. La salle de psychomotricité est rangée à chaque fin de
séance pour retrouver sa disposition type qui est neutre. Celle-ci permet au patient d’investir l’espace
comme lui appartenant et ne pas avoir l’impression d’entrer dans l’espace d’un autre. Lorsque Mathéo
souhaite prendre les coussins et couvertures pour s’installer confortablement dans une cabane par
exemple, il sait exactement dans quelle armoire se situe ce matériel. Chaque objet a sa propre place
qui est bien repérée par le patient. L’aménagement de la salle fait partie intégrante du cadre spatial.
Cependant j’ai pu observer au cours de mon stage une autre particularité de cette composante
spatiale. Lors de l’entrée des enfants dans la salle de psychomotricité, un rituel s’installe, même s’il
est différent d’un enfant à un autre. Quand Mathéo entre dans la salle, il vient s’assoir au bureau
avant de débuter la séance. La place où il s’assoit a été défini à l’avance et il prend alors celle-ci à
chaque séance. Il en va de même pour Christine et moi-même. La disposition de chacune des
personnes présentes dans la salle est alors aussi repérée comme élément du cadre.
Le cadre temporel :
Au cours des semaines de prise en charge, les séances se déroulent un même jour à une même
heure pour une même durée. « Des conditions de temps : une séance où il va s’agir de jouer,
d’organiser l’espace, de bouger son corps, demande une durée suffisante (entre 45 minutes et 1
heure, selon les indications et le cadre) et une régularité de temps pour qu’elles s’intègrent comme
45
des repères » .
A chaque début de prise en charge, le cadre temporel est posé. Il s’agit de faire comprendre aux
parents, l’importance de la régularité de la présence de leur enfant à chaque séance. Il est également
indiqué au patient que ce temps lui est totalement réservé. L’enfant peut ainsi repérer ce temps
comme appartenant à sa séance de psychomotricité et l’intégrer comme un repère stable.
Nous pouvons donc distinguer différents repères temporaux instaurés au sein de ce cadre. Tout
d’abord, la durée de la séance est fixe pour le patient. Cependant j’ai observé qu’elle varie d’un
44
POTEL, 2010, p. 322
45
Ibid.
62
psychomotricien à un autre, allant de 30 minutes à une heure. Ceci peut s’expliquer par la différence
des besoins propres à chaque psychomotricien mais aussi par des contraintes ou directives
institutionnelles.
Ensuite la séance de psychomotricité suit une véritable rythmicité permise par l’instauration de
rituels. Le patient aura alors davantage de repères et pourra se sentir en sécurité et contenu par le
cadre temporel.
Mathéo attend toujours un peu en salle d’attente avant d’entrer en séance de psychomotricité.
Lorsqu’il entre, il va accrocher son manteau au porte manteau. Puis il vient s’assoir au bureau.
Christine sort alors son dossier où elle note ce qui se déroule en séance, pour que l’on se remémore
ensemble la séance de la semaine précédente. Mathéo s’exprime alors. C’est en général à ce
moment là qu’il sort l’objet qu’il ramène de chez lui. Il le pose sur le bureau et le retrouvera à la fin de
la séance. Nous décidons ensemble ce que nous allons faire pendant celle-ci. La séance se déroule.
Quelques minutes avant la fin, nous signalons à Mathéo que nous allons bientôt mettre fin à la séance.
Nous rangeons alors tout le matériel utilisé et nous disons au revoir.
Le cadre matériel :
Mathéo exprime son besoin des objets physiques pour donner du sens à sa séance (construction
de cabane, jeux moteurs, etc.). Cependant, lors de ses moments de régression, le corps du
psychomotricien, de par sa proximité, sa contenance, son toucher, est le média favorisé par Mathéo. Il
exprime un grand besoin de maternage.
Le psychomotricien s’engage dans l’espace et dans le temps avec son patient. Il va écouter et
essayer de comprendre ce que peut vivre ce dernier, en lisant les mouvements et manifestations du
corps du patient mais également en apprenant de ses propres réactions.
46
POTEL, 2010, p. 322
63
existante mais permet aussi de la développer. Dans cette perspective, nous pouvons émettre
l’hypothèse que la cabane représente pour lui sûrement le témoin de notre relation. Sa difficulté à la
déconstruire s’expliquerait alors ainsi.
Les règles :
Il y a forcément des règles dans une prise en charge psychomotrice, implicites ou explicites. Ce
terme est défini dans le dictionnaire comme « une prescription qui s’impose à quelqu’un dans un cas
47
donné ; principe de conduite » . Les règles sont indispensables à la pratique psychomotrice ou dans
toute autre profession médicale et paramédicale. Elles sont garantes de la sécurité tant physique que
psychique. Elles posent également des limites spatiale, temporelle et sociale. La séance de déroulera
dans la salle de psychomotricité. Elle durera 45 minutes. Et il ne faut faire mal ni à autrui, ni à soi
même. Ces règles font parties intégrantes du cadre et les enfants peuvent parfois les tester.
On peut percevoir le refus de Mathéo quant à quitter la salle de psychomotricité en fin de séance,
comme une manière de tester le cadre, sa solidité ainsi que sa fiabilité. Peut-il avoir confiance en lui ?
Après avoir posé les composantes d’un cadre thérapeutique, je me suis alors attachée aux
fonctions qu’il pouvait avoir. Ces fonctions prennent appuis sur les composantes physiques
présentées précédemment.
La fonction de contenance :
Le cadre, par les différentes composantes physiques qui le constituent, apporte une sécurité et
une stabilité. Ce climat de sécurité instauré, l’enfant peut alors y déposer ses angoisses et ses peurs.
Mais c’est également un espace propice à l’introjection de « bons » éléments. Le cadre instaure un
véritable espace externe rassurant qui va être testé et malmené par l’enfant qui voudra en vérifier sa
solidité. Il permet aussi de signifier une séparation entre un espace externe correspondant ici à la salle
d’attente et son environnement, et un espace interne qui est la salle de psychomotricité. Celle-ci est
alors investie de telle manière que ce qu’il se passe en son sein est le reflet de l’état interne du sujet.
Ainsi en instaurant cette barrière entre extérieur et intérieur, le cadre protège des agressions
extérieures que l’enfant peut subir au quotidien. Le cadre peut néanmoins également protéger des
agressions internes en rappelant les règles inhérentes au cadre thérapeutique. Un climat de confiance
s’établit alors et permet l’expérimentation et la verbalisation. Peu à peu l’enfant acquiert, par le biais
de cette fonction de contenance du cadre, une sécurité qui devient interne.
47
Dictionnaire encyclopédique, 2004, p. 1338
64
Mathéo peut nous dire, un jour en fin de séance, qu’il ne veut pas partir, qu’il voudrait rester avec
nous toute l’après midi. Nous lui disons alors que ce n’est pas possible. Sa séance est terminée et
c’est l’heure d’une séance avec un autre enfant. Il nous répondra alors qu’il ne veut pas que d’autres
enfants viennent dans la salle. Seul lui, a l’autorisation de venir.
La fonction limitante :
Toutes les composantes du cadre participent à sa fonction limitante. Le cadre spatial délimite un
dedans et un dehors. Le cadre temporel met en évidence un avant, un pendant, une fin et un après.
Le cadre matériel, quant à lui participe à la différenciation entre un soi et un non-soi. Et enfin, les
règles permettent de poser des limites pour le bien être de chacun, et préviennent des possibles
passages à l’acte. Le patient va tester les limites physiques et psychiques du cadre thérapeutique
avant de pouvoir trouver ses propres limites. Le psychomotricien est donc garant de cette fonction par
la régularité des règles qu’il maintient.
La fonction de symbolisation :
Selon POTEL C., « Le psychomotricien développe une certaine qualité de présence corporelle […]
pour pouvoir accueillir les expressions corporelles de ses patients et permettre une transformation de
48
ces symbolisations primaires en symbolisations plus secondarisées via les voies du langage » .
Le psychomotricien par sa capacité d’écoute, va mettre des mots sur des manifestations corporelles. Il
permet ainsi la transformation de ses éprouvés en représentations. Le processus de symbolisation
s’engage alors et donne l’accès aux représentations.
« La fonction essentielle du cadre serait d’atteindre la stabilité pour qu’il y ait processus, mouvance et
49
créativité » .
Mathéo symbolise ses angoisses au cours des séances. Cependant lors de l’entretien avec sa
mère, il a pu avoir accès à une symbolisation plus secondarisée comme le dit POTEL C., dans le récit
de son cauchemar, pouvant alors mettre des images et des mots sur ses angoisses.
Dans la conception d’un cadre thérapeutique se généralisant au CMP, je m’interroge ici, dans la
situation de Mathéo, sur l’enchainement de sa séance de psychothérapie avec celle de
psychomotricité. Nous le retrouvons souvent « éteint » en salle d’attente. Que signifie cette
particularité pour lui ? Et quelles en sont les répercussions ? Je n’ai pas de réponse à ce jour, mais
c’est un questionnement qu’il faudrait probablement approfondir. C’est une question d’ordre
institutionnel.
48
POTEL, 2010, p. 329
49
KAES, 1994, p. 95
65
b. Fonctions du psychomotricien
Je vais alors vous présenter ces différentes fonctions du psychomotricien qui me paraissent
primordiale dans l’accueil des angoisses de Mathéo mais qui représentent aussi un des moyens de
contenir celles-ci.
C’est lui, qui pense et met en place les modalités du cadre thérapeutique. Le psychomotricien
maintient ce cadre de par sa présence physique mais aussi psychique. Il se rend disponible à la
relation par sa posture, son écoute, sa capacité à percevoir les différents états émotionnels du patient.
Le cadre impose des règles et des limites dont le psychomotricien en est le garant. Ce dernier se pose
alors comme élément du cadre avec sa propre identité ainsi que ses propres limites. Un sentiment de
sécurité se dégage alors de cette fonction.
La fonction de contenance :
Cette fonction est assurée par le psychomotricien mais aussi par le cadre comme nous avons pu
le voir précédemment.
50
LIOTARD, 2008, p. 56-57
66
La disponibilité du psychomotricien que j’évoquais antérieurement permet la distinction de
manifestations corporelles signifiant les angoisses. Son rôle est alors d’accueillir et de verbaliser ces
dernières pour renvoyer des éléments surmontables par le patient. Il joue alors presque un rôle de
filtre qui symboliserait et transformerait des éléments chaotiques en éléments tolérables tout en leur
donnant une signification. La fonction de contenance du psychomotricien s’approche alors de celle de
la « capacité de rêverie de la mère » et de sa fonction alpha, toutes deux élaborées par BION W.R.
que j’ai décrite dans une autre partie. Cette capacité du psychomotricien permet un étayage au
développement psychocorporel de l’enfant.
« D.W. WINNICOTT met en évidence les similitudes de la mère et du thérapeute dans leur fonction de
miroir et de soutien à la poursuite du même objectif : le passage de la dépendance à l’autonomie,
51
l’accession à la capacité de jouer ensemble, la découverte du soi à travers la création » .
En fin de séance, Mathéo, cloué au sol, est en attente et exprime un besoin de maternage. Dans
un corps à corps, nous le portons très régulièrement pour le remettre sur ses pieds. Tout d’abord en
posant nos mains sous sa nuque puis en le relevant en position assise. Nous le mettons enfin debout
en le soutenant et en gardant un contact sur son dos. Dans ces instants, Mathéo se laisse faire,
totalement hypotonique, se laissant peser de tout son poids. Il ne veut souvent pas remettre ses
chaussures seul et prend également une voix ressemblant à celle d’un tout petit. Il exprime lors de ces
moments un grand besoin de contenance physique. A notre contact, il peut s’apaiser petit à petit.
La fonction de pare-excitation :
En séance, Mathéo est allongé, imitant une électrocution traversant son corps. Il en imite les
bruits. Mathéo est envahi par ces mouvements internes incontrôlables. Je m’approche alors pour
m’inclure dans son jeu qui n’en est plus vraiment un. Je suis alors un docteur qui vient pour le soigner.
Je l’entoure de mes bras, le redresse légèrement pour le mettre en appui sur moi et le contient
physiquement.
Cette fonction représente donc des actions mises en place par le psychomotricien face à une
excitation ou des angoisses majeures trop importantes qui deviennent alors ingérables par le patient
lui-même. Il s’agit alors d’abaisser le seuil d’excitation.
51
GOLSE, 2008, p. 88
67
Le dialogue tonico-émotionnel :
Le dialogue tonico-émotionnel peut être défini par l’ajustement tonique réciproque entre la mère et
son bébé qui leur permet de communiquer. Un état hypertonique signera une alerte, alors qu’un état
hypotonique sera plutôt la preuve d’un bien être du bébé. Le psychomotricien, par le biais de cette
spécificité, peut s’ajuster sur le plan tonique à son patient. Cependant le dialogue tonico-émotionnel
permet également, et c’est là qu’il prend toute son importance, d’identifier les changements d’états
toniques en fonction des émotions par lesquelles ils sont traversés. Nous pouvons alors dire qu’il fait
parti de la communication infra verbale. Les psychomotriciens, dans leur formation, sont énormément
sensibilisés à cette forme de communication.
Mathéo ne parle pas beaucoup de ses angoisses en tant que telles, mais plus globalement, il ne
dit que peu de mots pendant les séances. Cette fonction est d’autant plus importante que Mathéo
exprime très explicitement ses angoisses sur un plan corporel ou sous forme de mise en scène.
Au cours d’une séance, Mathéo attrape le rouleau en mousse (qui mesure environ un mètre de
haut), Christine lui propose de le faire rouler sur son corps et il accepte. Au passage du rouleau, il
simule un écrasement, en rentrant son ventre, se crispant et bloquant même sa respiration. Son
visage devient rouge et ses yeux me donnent l’impression qu’ils vont sortir de leurs orbites.
Conclusion :
L’objectif d’une prise en charge comme celle de Mathéo, correspond à la possibilité du patient de
mettre à distance ses angoisses. Mais pour arriver à cela, les angoisses doivent pouvoir être contenu
par le psychomotricien lors d’instants qui semblent être insurmontables par le patient lui-même. Le
psychomotricien impose alors un cadre thérapeutique qui, par ses fonctions, et les propres fonctions
du psychomotricien, soutiendront le sujet dans la manifestation de telles angoisses. Cependant
l’observation clinique de Mathéo nous informe également que le lien et la relation, sont aussi des
réponses pour lutter contre l’effondrement psychocorporel qu’il présente lors des séparations
notamment.
68
Conclusion
Au fil de ce mémoire, j’ai essayé de rendre compte des difficultés que pouvaient présenter Mathéo
ainsi que leurs expressions psychocorporelles. Ces manifestations psychocorporelles de l’angoisse
me sont apparues comme un signe d’alerte. Il attendait quelque chose de moi, une réponse. J’ai donc
cherché dans un second temps les moyens à notre disposition en tant que psychomotricien pour
contenir l’angoisse. Mes points de réflexion quant à cette deuxième question ne sont pas exhaustifs et
pourraient s’étayer par la pratique propre à chaque psychomotricien. Ce travail d’écriture m’a permis
d’affiner mon regard clinique et ma compréhension des expressions psychocorporelles des angoisses.
Les limites d’une prise en charge telle que celle de Mathéo concernent son évolution. Malgré une
évolution positive au cours de ces quelques mois de prise en charge, Mathéo reste néanmoins envahi
par ses angoisses lors des temps de transition et de séparation. C’est une prise en charge longue, qui
demande un grand investissement et beaucoup d’énergie de la part du psychomotricien. Je me
questionne alors sur le devenir d’une telle prise en charge mais également sur le devenir de Mathéo et
son évolution dans son environnement extérieur.
Je souhaitais tout de même également aborder l’aspect transférentiel qui s’est joué dans la
relation que j’ai pu établir avec Mathéo ; cette relation qui a été mise à l’épreuve et au travail tout au
long de sa prise en charge. Mathéo présentait, lors des séances, une angoisse de séparation, mais
elle apparaissait comme une difficulté à se séparer, de nous, soignants, et non de sa figure
d’attachement. BOWLBY J. décrit la figure d’attachement comme étant la mère ou plus globalement
les parents de l’enfant. Le trouble angoisse de séparation, d’après les différents auteurs, survient lors
d’une séparation d’avec la figure d’attachement ou l’éloignement de la maison. Cependant, Mathéo
présente une grande difficulté à quitter la salle de psychomotricité à chaque fin de séance, qui signe
alors une séparation. Je me suis donc questionnée sur le fait de pouvoir représenter, pour lui, une
figure d’attachement qu’il aurait du mal à quitter. J’émets donc l’hypothèse que Mathéo a investi les
professionnels du CMP sous cette forme. Le psychomotricien, une figure d’attachement ? En me
basant sur cette hypothèse, les nombreuses ruptures dans sa prise en charge tant psychomotrice que
psychologique sont alors peut être à l’origine d’un attachement spécifique déficient, expliquant alors
les troubles en fin de séance. Cependant, j’observe aussi une difficulté à entrer en relation en début
de séance. Comme dit précédemment, est-ce une façon pour lui de se protéger d’une nouvelle
séparation ? Participe-t-elle au maintien de ce type d’attachement ? En fait-elle partie ? Ces nombreux
questionnements pourraient faire à eux seuls l’objet d’un sujet de mémoire, c’est pourquoi je vous le
propose comme une ouverture faisant certainement appel à une suite…
69
Bibliographie
ème
BAILY D. (2004), L’angoisse de séparation chez l’enfant et l’adolescent, 2 édition, Paris,
Masson.
ème
BOWLBY J. (2002), Attachement et perte 1 : L’attachement, Paris, 5 éditions, PUF.
DRU V. (2006), Chapitre 6 L’école française de psychologie clinique de Janet, à Wallon et ses
successeurs in Psychologie clinique, Paris, Hachette supérieur.
FRANCIS G., LAST C.G., STRAUSS C. (1987), Expression of separation anxiety disorder :
the roles of age and gender, Child Psychiatry Hum. Develop..
70
GATECEL A., MASSOUTRE-DENIS B., GIROMINI F., MOYANO O., SCIALOM P. et
CORRAZE J. (2011), Chapitre 9 La relation en psychomotricité in Manuel d’enseignement de
psychomotricité, Bruxelles, De Boeck Solal.
ème
GOLSE B. (2008), Le développement affectif et intellectuel de l’enfant, 4 édition, Paris,
Masson.
KAES R. (1994), La parole et le lien, Associativité et travail psychique dans les groupes, Paris,
Dunod.
ème
LAPLANCHE J., PONTALIS J.-B. (2007), Vocabulaire de la psychanalyse, 5 édition
Quadrige, Paris, PUF.
LESAGE B. (2012), Jalons pour une pratique psychocorporelle, Collection L’ailleurs du corps,
Toulouse, Eres.
ème
PIREYRE E. W. (2015), Clinique de l’image du corps Du vécu au concept, 2 édition, Paris,
Dunod.
POTEL C. (1999), Le corps et l’eau. Une médiation en psychomotricité, Toulouse, Eres, 2009.
71
WINNICOTT D.W. (1958), De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Editions Payot.
72
RESUME
Au cours de son développement, l’enfant se construit une sécurité interne. Elle est notamment
favorisée par les soins maternels que décrit WINNICOTT D.W.. Lors de l’instauration d’une sécurité
interne fragile, il est possible d’observer différentes angoisses.
Ce mémoire fait état de mes questionnements concernant la prise en charge psychomotrice d’un
enfant présentant principalement une angoisse d’effondrement et une angoisse de séparation,
persistant durant l’enfance, devenant alors pathologique. Il est le lieu de la description théorique de
ces dernières. Cet écrit expose également ma réflexion quant aux expressions psychocorporelles
possibles, comme conséquence de telles angoisses, chez l’enfant. Face à cette prise en charge, je
me suis alors demandée quels étaient les moyens dont nous disposions, en tant que psychomotricien,
pour contenir l’angoisse.
Mots clés
SUMMARY
All along his life, a child tries to build up an inner security. In this period, all the maternal cares are
very important as WINNICOTT D.W. described in his work. While the child settles an inner fragile
security, we can observe different sort of anxieties.
Through this thesis, I am asking myself about the child’s psychomotor help who mainly shows us
an anxiety of collapse first and secondly another type of anxiety which deals with separation. This last
anxiety which persists during childhood becomes then a pathology. Through my work, I describe the
theory of these two last points. This work deals as well with the possible body-minded expressions
which are the consequences of these anxieties. Concerning the child having to take in charge this
situation, I have wondered which were the means we could use as a psychomotor therapist in order to
contain the anxiety.
Key words