910 Economie Et Commerce International Quelques Fausses Verites Pascal Lamy
910 Economie Et Commerce International Quelques Fausses Verites Pascal Lamy
910 Economie Et Commerce International Quelques Fausses Verites Pascal Lamy
DU COMMERCE
12 avril 2010
Pascal Lamy
Directeur général
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C'est un grand plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui. Il n'y a pas de
meilleur endroit que l'École d'économie de Paris pour aborder mon sujet
retirer les dividendes tout en gérant les coûts. Les nombreuses théories que
assez clairs, leur mise en œuvre politique est beaucoup plus complexes. La
société des tensions entre les groupes dont les intérêts sont en concurrence. En
raison des pressions exercées par ces groupes sur la société, les gouvernements
doivent trouver des compromis entre ces intérêts, y compris les leurs, selon des
contestent toujours l'idée qu'un commerce ouvert profite à la société dans son
offre un terrain propice à l'utilisation d'idées reçues, de vérités aussi fausses que
répandues.
être nourri par une analyse économique solide. Tentons donc de remettre l'église
fonctionne plus
croissants, à savoir que les coûts moyens d'une entreprise baissent à mesure
réduit les coûts moyens et que les consommateurs ont accès à de nouvelles
partaient du principe que la variété des produits restait inchangée, même après
l'ouverture du commerce.
commerce par le passé, ce n'est plus le cas au XXIe siècle, dans un monde où,
Selon Ricardo, les différences entre les productivités relatives des pays
pouvaient réduire les gains tirés du commerce par un pays développé comme les
États-Unis. Cet article a parfois été interprété comme un revirement radical par
rapport à l'idée qu'un commerce ouvert fondé sur l'avantage comparatif était
Chine et les États-Unis s'ouvrent au commerce et retirent les gains habituels sur
dans son secteur des exportations, les deux pays en bénéficient. La Chine tire
productivité dans son secteur des importations, l'écart de productivité entre les
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Ce que Samuelson nous a donc montré, ce n'est pas que les échanges
gains pour les pays. Ce qu'il nous a montré, en fait, c'est que parfois un gain de
gains que les deux pays peuvent tirer du commerce. La réduction de l'avantage
ne vient pas du fait qu'il y a trop de commerce, mais du fait que ce commerce
"ce qu'une démocratie essaie de faire pour se défendre peut souvent revenir à se
profitable, demeurent valables au XXIe siècle, même s'il n'est plus le seul à
l'oeuvre.
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Illusion n° 2: Il n'est pas bon que le commerce augmente de plus en plus vite
que la production
l'économie mondiale.
composants qui constituent un produit final sont fabriqués dans divers pays,
capital du pays partenaire, qui sont en concurrence avec les travailleurs et les
Prenons l'exemple d'un iPod assemblé en Chine par Apple. D'après une
étude récente, sa valeur à l'exportation est de 150 dollars par unité dans les
assemblée en Chine étant le fait des États-Unis, du Japon et d'autres pays d'Asie.
Je sais bien que nous avons tendance à utiliser les statisticiens comme
que ces chiffres sont très éclairants. La mesure dans laquelle un volume
aussi longtemps que l'on observe les flux bruts et pas les valeurs ajoutées. En
Ainsi, il est donc fort probable que les statistiques sur les échanges
s'avère que la Chine contribue pour moins de 3% (4 dollars sur les 150) à la
valeur du produit, laquelle est produite pour l'essentiel par des travailleurs et
que nous obtenons des déséquilibres commerciaux entre les pays est donc
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faussée. Ce qui compte, ce ne sont pas les déséquilibres mesurés par les valeurs
de 77% dans le cas du Japon, de 56% pour la Corée et de 42% pour la Malaisie
chiffre atteindrait plus de 50% lorsque l'activité des zones franches industrielles
termes de valeur ajoutée plutôt qu'en valeur brute comme nous le faisons
aujourd'hui! Pas de bonne théorie sans bonne mesure… et pas de bonne mesure
constater qu'il s'agit d'un phénomène économique naturel très répandu. Si nous
pensons pas que cela soit un problème et nous n'y accordons guère
déséquilibres entre pays: les pays sont régis par un ensemble différent
surtout dans le secteur financier, peuvent différer, même entre des pays voisins.
Les régimes de change peuvent également varier. Ces différences peuvent créer
des "distorsions", ce qui peut constituer une raison légitime d'accorder une plus
grande attention aux déséquilibres entre pays. Une autre raison de prêter
attention aux déséquilibres est que leurs montants sont considérables, en termes
absolus et relatifs, et que l'on peut craindre qu'ils n'aient des retombées
l'épargne des résidents nationaux, le revenu national excédant alors les dépenses
totales.
en partie à une plus grande intégration des marchés financiers et des marchés de
capitaux. Il est ainsi plus facile de vivre avec des différences notables entre les
épargner parce que les ressortissants d'autres pays épargnent davantage. Les
flux de capitaux n'étant plus soumis à restrictions, cette épargne extérieure peut
Les déséquilibres sont un signe qui indique que l'épargne d'un pays est
abondent dans un pays, mais que les résidents ne sont pas en mesure de générer
rendement est plus élevé que ce qu'il peut obtenir dans son propre pays.
Il s'en suit que les déficits et excédents en compte courant résultent des
manière permanente les déficits car elles ne modifient pas les conditions
pourraient aggraver les choses. Premièrement, elles peuvent inciter les pays qui
pays qui les applique. Comme nous le savons depuis longtemps grâce à
Étant donné que les différences dans le comportement d'épargne entre les
chroniques, quand bien même il pourrait y avoir une certaine amélioration des
déficits ou excédents.
d'un relèvement ou d'un abaissement du taux de change sur le prix de vente sur
l'existence de cette répercussion partielle des variations des taux de change sur
peut-être pourquoi les études empiriques de l'incidence des variations des taux
de change sur les déséquilibres montrent souvent que ces variations ont
Mon argumentation part de l'idée qu'il s'agit de laisser les taux de change
s'ajuster librement jusqu'à atteindre leurs niveaux d'équilibre tels que ceux-ci
sont déterminés, par exemple, par les différentiels d'inflation à long terme
comme d'après la théorie dite de la parité des pouvoirs d'achat, ou par des
certains pays a été mentionnée comme un problème dans le débat sur les
déséquilibres mondiaux. Tout ce que je peux dire à ce sujet, c'est qu'il est
difficile de parler d'un système de change optimal pour un pays – qu'il s'agisse
d'une flexibilité totale ou de taux fixes – sans traiter la question beaucoup plus
C'est un sujet sur lequel un directeur général de l'OMC doit céder la parole à un
est qu'il voit uniquement la menace que font peser les importations sur l'emploi
créer des emplois dans le secteur des exportations. Il ne tient pas non plus
nouveaux emplois.
plein emploi, de sorte que l'augmentation des échanges suivant ces modèles ne
douloureux. Cela signifie que les travailleurs quittent des secteurs où leur
produit marginal est faible pour rejoindre des secteurs où il est supérieur, ce qui
production.
Une plus grande ouverture des échanges peut aussi accélérer la croissance
la qualité des institutions. Un pays qui ouvre ses échanges peut devenir plus
étrangers. Étant donné que la technologie est souvent intégrée dans les
monde, plus encore que ne l'est le revenu mondial. Par exemple, les pays du
impact positif sur la qualité des institutions d'un pays, par exemple son système
économie qui croît plus vite pourra absorber plus de travailleurs qu'une
démographique.
économique et, partant, à la création d'emplois dont nous avons tant besoin.
sociales
gouvernements des pays riches à tirer leurs normes sociales et leurs normes du
ces pays. Le problème avec cet argument, c'est qu'il est loin d'être fondé sur un
pays qui ont abaissé leurs normes sociales ou leurs normes du travail en
crise économique. Selon Todd, la concurrence des pays à bas salaires aurait
contraint les pays industrialisés à baisser les salaires, ce qui aurait entraîné une
étroite entre les salaires et la productivité dans les différents pays. Certaines
estimations indiquent que 90% des écarts de salaires entre les pays s'expliquent
par les différences de productivité. Ainsi, s'il est vrai que les salaires dans de
occidentaux.
Un problème, plus fondamental encore avec l'analyse que fait Todd des
causes de la crise économique, c'est qu'il présume que le commerce est un jeu à
somme nulle, où le gain d'un pays est la perte d'un autre. La théorie
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avantageux et que les pays qui participent au commerce peuvent en tirer un gain
global. L'échange devrait, de ce fait, permettre d'accroître les revenus des pays
l'économie mondiale. Ce qui devrait étonner dans la thèse de Todd, c'est que
cette intégration s'est produite au moment même où les taux de chômage dans
les pays de l'OCDE et de la zone euro baissaient. Entre 1998 et 2008, par
l'écart croissant observé entre les salaires des travailleurs qualifiés et non
qualifiés dans les pays industrialisés. La vérité économique est que cet écart
qui ont accru la demande de travailleurs qualifiés par rapport aux travailleurs
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les écarts de salaires entre travailleurs qualifiés et non qualifiés. Alors que les
pays industrialisés ont connu une plus grande ouverture du commerce pendant
cette période, le commerce n'a pas joué un grand rôle dans l'aggravation des
inégalités salariales. Selon des études empiriques qui ont tenté de mesurer à
quel point le commerce avait contribué à ces inégalités, le chiffre varierait entre
5% et 15% seulement.
chose, la régulation en est une autre. L'une des distinctions entre les deux
notions, c'est que l'ouverture du commerce signifie une réduction des obstacles
même que sont prises des mesures d'ouverture des échanges. La production ou
l'abus d'une position dominante. Il peut y avoir un risque moral, c'est-à-dire une
l'existence d'une assurance dépôts. Dans tous ces cas, les réglementations
peuvent faire partie de la réponse des pouvoirs publics aux carences inhérentes
marchés, afin, par exemple, d'améliorer l'accès des plus défavorisés aux services
publics ou d'assurer un accès équitable à ces services dans toutes les régions
gouvernance financière. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles,
qui étaient plus strictement réglementées, les prêts hypothécaires à risque ont
22% aux États-Unis. Les banques canadiennes ont à peine été touchées par la
bon niveau de liquidité et avaient en moyenne un ratio de fonds propres "tier 1"
*
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Les questions que j'ai abordées aujourd'hui sont cruciales pour bien
consommateurs ou travailleurs.
Mais, pour conclure, je ne voudrais pas non plus que nous nous
sorte de potion magique. Il ne suffit pas de dissiper les illusions. Il nous faut
aussi garder à l'esprit que le commerce n'est qu'un élément parmi d'autres, dont
adéquates. C'est pour cette raison que je tente depuis quelques années
l'ouverture des échanges peut – et j'insiste sur le mot PEUT - sur des aspects
solide et non d'une attitude qui considère la politique commerciale comme une
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globaux.
l'ouverture ont peu d'intérêt et sont peut-être même inopportunes si les signaux
donnés par les prix n'atteignent pas leur destination car cela est impossible faute
tant insisté sur l'initiative Aide pour le commerce, qui est fermement ancrée
sens le plus large fait partie de l'effort global pour le développement. Mais
disons aussi que reconnaître que des conditions préalables doivent être réunies
pour que l'ouverture du commerce apporte les avantages escomptés n'est pas un
d'autres groupes de la société, elle perd alors sa légitimité politique. Il n'est pas
l'évolution des prix relatifs, mais il se pose aussi dans un sens plus fondamental
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