CA Paris Pole 5 Ch. 4 25 Oct. 2023 N 21-11927
CA Paris Pole 5 Ch. 4 25 Oct. 2023 N 21-11927
CA Paris Pole 5 Ch. 4 25 Oct. 2023 N 21-11927
Chronologie de l’affaire
TCOM Paris TCOM Paris CA Paris
11 mai 2021 > 11 mai 2021 > Confirmation
25 octobre 2023
Sur la décision
Numéro(s) : 21/11927
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Texte intégral
Représentée par Me Gilbert PARLEANI, avocat au barreau Les enquêteurs ont analysé les conventions annuelles
de PARIS, toque : L0036 conclues en 2013, 2014 et 2015 entre le Galec et un
échantillon de 22 fournisseurs et ont relevé que les
COMPOSITION DE LA COUR : produits référencés par le Galec étaient affectés d’une
réduction de prix additionnelle lorsqu’ils étaient
L’affaire a été débattue le 13 Septembre 2023, en audience également référencés par Lidl et que cette réduction était
publique, devant la Cour composée de : présentée comme inconditionnelle.
Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 Estimant que cette pratique de réduction de prix n’était
assortie d’aucune contrepartie en contravention avec les
Madame Sophie Depelley, conseillère
dispositions de l’article L.442-6 I 1° du code de commerce
dans ses versions en vigueur entre le 6 août 2008 et le
Monsieur Julien Richaud, conseiller
19 mars 2014 puis entre le 19 mars 2014 et le 8 août 2015, le
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté
par Madame Sophie Depelley dans les conditions prévues industrielle et numérique (ci-après dénommé « le
par l’article 804 du code de procédure civile. Ministre ») a par acte du 28 février 2018, assigné le Galec
devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement
des dispositions précitées pour obtenir que soit constatée Et, en conséquence, Statuer à nouveau et :
la nullité de ces obligations dans les conventions conclues
entre 2013 et 2015, qu’il soit enjoint au Galec la cessation — Dire et juger que la pratique du GALEC, consistant à
de cette pratique et que celui-ci soit condamné au obtenir de ses fournisseurs une réduction de prix sur les
paiement de la somme de 83.035.774,91 euros au titre de produits référencés également chez son concurrent LIDL
sommes perçues indûment outre une amende civile de sans contrepartie, contrevient aux dispositions de l’article
25.000.000 euros. L.442-6-I 1° du code de commerce dans sa version
applicable à l’époque des faits ;
Par jugement du 11 mai 2021 le tribunal de commerce de
Paris a : — Débouter le GALEC de l’ensemble de ses demandes plus
amples ou contraires, et notamment de ses demandes
— dit l’action de M. Le ministre de l’économie et des d’irrecevabilité des demandes du ministre et de renvoi de
finances recevable ; deux questions préjudicielles à la Cour de justice de
l’Union européenne ;
— débouté M. Le ministre de l’économie et des finances de
toutes ses demandes ; En conséquence, en vertu de l’article L.442-6-III du code
de commerce dans sa version applicable à l’époque des
— condamné M. Le ministre de l’économie et des finances faits :
à verser à la SA société coopérative groupements d’achats
des centres [W] la somme de 20.000 euros au titre de — Constater la nullité de ces obligations dans les accords
l’article 700 du CPC ; du GALEC conclus en 2013, 2014 et 2015 avec les
fournisseurs suivants : Bel Fromagerie, Danone, Elvir,
— condamné M. Le ministre de l’économie et des finances Fleury Michon Charcuterie, Fleury Michon Traiteur,
aux dépens. Fromagerie Bel, Heineken, Intersnack, Jacobs Douwe
Egberts, Lactalis Beurres et Crèmes, Lactalis Fromage,
Pour débouter le Ministre de son action fondée sur les Lactalis Nestlé Ultra Frais, Lactel, Mars Chocolat France,
dispositions de l’article L.442-6, I, 1° du code de commerce, Mars Petcare Food France, MC Cormick, Nestlé Waters,
les premiers juges ont considéré que cet article n’engage la Saint Hubert, Société des caves et des productions de
responsabilité d’un opérateur économique qu’au regard roquefort, Soprat, Unilever (corps gras), Unilever (crème
d’un service commercial prévu par les parties, ce qui glacée), Unilever (Knorr), Unilever (Lipton/Elephant),
n’était pas le cas en l’espèce, l’analyse des conventions Unilever (Maille/Amora), United Biscuits et Yoplait ;
faisant ressortir que les remises litigieuses ne faisaient
référence à aucun service commercial convenu entre les — Enjoindre au GALEC de cesser les pratiques susvisées ;
parties.
— Condamner le GALEC à verser au Trésor Public les
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 25 juin 2021, sommes indûment perçues à hauteur de
le Ministre a interjeté appel de ce jugement. 83.035.774,88 euros, à charge pour celui-ci de les restituer
aux fournisseurs selon la répartition suivante :
Aux termes de ses dernières conclusions n°3, déposées au
greffe le 28 avril 2023 et notifiées au Galec le 27 avril 2023, Fournisseur
le Ministre demande à la Cour de :
Montant de l’indu au 28 février 2018
Vu l’article L 442-6 du code de commerce dans sa version
applicable à l’époque des faits, [Adresse 3]
Lactel
— Condamner le GALEC à publier à ses frais, sous huit
jours à compter de la signification du jugement à
87.213,72 euros
intervenir, le dispositif dudit jugement dans les trois
LNUF quotidiens nationaux et les deux revues suivants : Le
Monde, Le Figaro, Les Echos ; LSA ; Linéaires ;
3.238.298,77 euros
— Condamner le GALEC à verser au Trésor Public la
Mars chocolat somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ;
6.139.298,79 euros
— Condamner le GALEC aux entiers dépens.
Mars PF
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées par
208.088,42 euros RPVA le 9 juin 2023 et signifiées au Ministre le
12 juin 2023, le Galec demande à la Cour de :
McCormick
Vu notamment l’article L. 442-6 du Code de commerce
477.381,76 euros dans sa rédaction applicable aux faits, et, notamment, ses
points I.1°, et III,
Nestlé Waters
Vu notamment les articles 73 et 74, et 122 du Code de
11.704.840.56 euros procédure civile,
Dire que le principe selon lequel la preuve appartient au Dire et juger qu’en tant qu’Autorité d’un État membre, le
demandeur, et qu’elle doit être apportée à suffisance de Ministre doit respecter l’effet direct du règlement 1/2003,
droit, sauf à violer les principes du contradictoire du
respect des droits de la défense, et de l’égalité des armes, Dire et juger que, par l’action « autonome » qu’il a exercée
impose que le Ministre permette au juge de vérifier ses en l’espèce à l’encontre du GALEC, le Ministre de
allégations relatives à la concomitance des mêmes l’Économie a violé les dispositions de l’article 3 § 2 du
références dans les deux enseignes, règlement 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, telles
qu’explicitées par son neuvième considérant,
En conséquence, débouter le Ministre en l’état de toutes
les demandes qu’il présente devant la Cour. Débouter le Ministre de sa demande tendant à le voir
déclarer recevable,
II. Subsidiairement, recevant le Galec en son appel
incident, déclarer le ministre irrecevable, et infirmer de ce En conséquence, dire le Ministre irrecevable en son
chef le jugement du 11 mai 2021 action,
Constater que le Tribunal de commerce de Paris, en pages Infirmer de ce chef le jugement du 11 mai 2021,
9 à 11 de son jugement du 11 mai 2021 a déclaré le Ministre
de l’économie recevable en son action, Si mieux plaît à la Cour,
Constater néanmoins que les reproches formulés au nom Renvoyer à la Cour de Justice de l’Union européenne, en
du Ministre de l’Économie visent incontestablement des application de l’article 267 du Traité sur le
« accords entre entreprises » au sens de l’article 101 du fonctionnement de l’Union européenne, en interprétation
TFUE, préjudicielle de l’article 3 § 2 du règlement précité 1/2003,
Constater que les fournisseurs ont pour le moins Le GALEC suggérant respectueusement à la Cour la
« acquiescé » aux « remises » litigieuses, et que le Ministre rédaction suivante pour deux « questions préjudicielles » :
n’invoque aucune « soumission » de leur part au point
que leur consentement aurait été véritablement 1ère question : "Le règlement 1/2003 du Conseil du
inexistant, 16 décembre 2012, relatif à la mise en oeuvre des règles de
concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, et
Dire et juger que, de toute manière, la soumission, au sens notamment ses articles 3 §3 et 3 §3 tels qu’explicités par le
où ce mot est utilisé en droit français des pratiques dites 9ème considérant, doit-il être interprété en ce sens qu’il
restrictives, n’est pas un critère pertinent en droit de s’oppose à une action telle que celle engagée par le
l’Union pour exclure l’application de l’article 101 du traité
FUE, et du règlement 1/2003,
Ministre français de l’Économie sur le fondement de Débouter au fond le Ministre de l’Économie de toutes ses
l’article L.442-6 du Code de commerce (repris aux articles demandes, fins, et conclusions, en constatant l’absence de
L.442-1-I-1° et L.442-4),, fondement sérieux aux arguments avancés par le Ministre
pour justifier les prétendues sommes « indues », ou pour
1°) lorsque cette action vise à la nullité de contrats en justifier le prononcé d’une amende civile.
n’étant engagée que contre un seul contractant,
Dire et juger qu’en raison du principe de la libre
2°) lorsque cette action est engagée sans remettre en cause négociation du prix, le contrôle judiciaire du prix
le consentement des autres parties, alors que, au demeure exceptionnel en matière de pratiques restrictives
minimum, leur acquiescement est certain, de concurrence, et que ce contrôle ne s’effectue pas en
dehors d’un déséquilibre significatif, lorsque le prix n’a
3°) lorsque les contrats en cause ont pour objet et pour pas fait l’objet d’une libre négociation, ainsi que l’a rappelé
effet de diminuer les prix de détail et d’aviver de ce fait la le Conseil constitutionnel à la suite de l’arrêt de la Cour de
concurrence entre réseaux de distribution, et, cassation du 25 janvier 2017, et que, dès lors, les
dispositions de l’article L.442-6-I-1° précité ne s’appliquent
4°) lorsqu’aucune sanction n’est prononcée par une
pas à la réduction de prix obtenue d’une partenaire
autorité de concurrence". commercial,
3°) lorsque cette action est diligentée aux fins d’obtenir des Réduire les demandes financières (indû et amende civile)
condamnations pécuniaires, pour « dommage à formulées par le Ministre de l’Économie, pour tenir
l’économie » [']". compte du caractère très limité des pratiques querellées, de
l’accord donné par les fournisseurs, et des incertitudes
En ce cas, surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour de juridiques et économiques relatives à la partie du principe
Justice de l’Union européenne ait statué en interprétation de libre négociation des prix en France, et dire qu’il n’y a
préjudicielle, eu ni dissimulation, ni réitération,
III. Toujours subsidiairement, confirmation au fond du Dire et juger qu’il n’y a lieu à ordonner la publication du
jugement du 11 mai 2021 dispositif de l’arrêt aux frais du GALEC, et rejeter cette
demande,
Constater que les premiers juges ont jugé que c’était à tort
que le Ministre de l’économie soutenait devant lui que Dire et juger encore que la demande de publication du
l’article L.442-6-I-1° du Code de commerce était applicable même dispositif sur le blog personnel de Monsieur [O] [W]
aux faits, et qu’il en résulte un débouté du Ministre, « dequoijememel » est injustifiée et injustifiable, et dire
irrecevable cette demande, et la rejeter en tant que de
Confirmer le jugement de ce chef, besoin,
— l’ensemble des concurrents du Galec a subi l’impact de Subsidiairement, le Galec fait valoir que s’il y a lieu de
cette remise, laquelle permet à l’enseigne [W] de considérer un « avantage quelconque » au sens des
bénéficier, de manière illicite, de conditions financières dispositions précitées, il doit en être de même de la
artificiel-lement favorables sur un grand nombre de contrepartie qui peut alors être « quelconque ». Il soutient
produits clés ; il est rappelé que sur la pé-riode de mise en qu’il ressort de l’analyse des déclarations de la plupart des
place de cette pénalité litigieuse, l’enseigne E. [W] a gagné fournisseurs (17 sur 22) qu’il existait bien une contrepartie
près de 5 points de part de marché au détriment de ses économique à la remise fruit de la négociation
concurrents ; commerciale, à savoir le maintien dans l’assortiment et la
commercialisation par l’enseigne [W] d’une gamme
— le chiffre d’affaires des centres E. [W] en 2016 s’élevait à
beaucoup plus étendue que celle distribuée par Lidl et
36,6 milliards d’euros pour le marché français et le d’augmenter par là-même le chiffre d’affaires, étant
montant de l’indu est de 83 033 774,88 euros, il est solli-
observé que chacun des acteurs est en droit de choisir ses
cité 10% du triple de ce montant,
partenaires commerciaux. Le Galec ajoute que
l’incrimination de l’article L.442-6, I, 1° doit être
Le Galec fait préalablement remarquer que l’enseigne Lidl
d’interprétation stricte et que la notion d’absence de
est la première d’Europe (le groupe [W] ne détenant que la
contrepartie doit être cantonnée à de véritables situations
9ème place) et a bénéficié d’une forte progression pour
d’abus économique, ce que le Ministre ne démontre pas en
atteindre 7,2 % de parts de marché français en 2021, que les
l’espèce sauf à formuler des reproches d’ordre général l’opération de vente des produits ou des prestations de
insuffisants à caractériser une infraction à l’égard de services telles qu’elles résultent de la négociation
chacun des fournisseurs. commerciale dans le respect de l’article L.441-6, « y
compris les réductions de prix ». Il a également été ajouté
Le Galec en conclut que les demandes du Ministre sont que « La rémunération des obligations relevant des 2° et 3°
sans fondement et procèdent de l’incantation sans base ainsi que, le cas échéant, la réduction de prix globale
sérieuse. afférente aux obligations relevant du 3° ne doivent pas
être manifes-tement disproportionnées par rapport à la
Réponse de la Cour, valeur de ces obligations ».
Selon l’article L.410-2 du code de commerce, sauf dans les La libre négociabilité des prix a cependant pour limite les
cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, pratiques restrictives de concurrence prévues au même
produits et services relevant antérieurement au 1er janvier livre IV de la liberté des prix et de la concurrence.
1987 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 sont
librement déterminés par le jeu de la concurrence. L’article L.442-6, I, 1° du code de commerce dans sa version
en vigueur entre le 29 juillet 2010 et 8 août 2015 dispose
L’article L. 441-6 du code de commerce prévoit, depuis la que :
loi du 2 août 2005, que les condi-tions générales de vente
(CGV) des fournisseurs constituent le « socle de la I. Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à
négociation commerciale ». réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur,
commerçant, industriel ou personne immatriculée au
Dans un objectif de transparence et de contrôle a répertoire des métiers :
posteriori de l’administration, l’article L. 441-7 du code de
commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire
4 août 2008 de modernisation de l’économie (dite loi commercial un avantage quelconque ne cor-respondant à
LME), prévoit que : aucun service commercial effectivement rendu ou
manifestement disproportionné au regard de la valeur du
« Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le service rendu. Un tel avantage peut notamment consister
distributeur ou le prestataire de ser-vices indique les en la parti-cipation, non justifiée par un intérêt commun
obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue et sans contrepartie proportionnée, au finance-ment d’une
de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou
Etablie soit dans un document unique, soit dans un en- d’un investissement, en particulier dans le cadre de la
semble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats rénovation de magasins ou encore du rapprochement
d’application » d’en-seignes ou de centrales de référencement ou d’achat.
Un tel avantage peut également consister en une
Cette convention fixe : globalisation artificielle des chiffres d’affaires, en une
demande d’alignement sur les conditions commerciales
« 1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou
obtenues par d’autres clients ou [Loi du 7 mars 2014] en
des prestations de services telles qu’elles résultent de la
une demande supplémentaire, en cours d’exécution du
négociation commerciale dans le respect de l’article L. 441-
contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses
6;
marges ou sa rentabilité ;
Jusqu’en 2006, la société Lidl se positionnait comme hard Hormis un fournisseur ayant reconnu avoir pu négocier
discounter sur le marché de la grande distribution en le montant de la remise (pièce n°18-1), les autres ont
France et commercialisait exclusivement des produits de clairement expliqué que cette remise, en général de 10%,
marque de distributeur (MDD) au prix le plus bas possible, avait été demandée et obtenue par le Galec et n’avait pas
selon le principe « un besoin égale un produit » (pièce 2-1), d’autre contrepartie que celle de pouvoir maintenir le
alors que l’enseigne E. [W] proposait des ensembles de référencement de leur produit chez Le Galec et de
gammes de produits tout en cherchant à être le moins sécuriser la commercialisation de leurs gammes de
cher sur les produits « phares ». Cherchant à conquérir des produits plus larges dans les magasins [W] tout en
parts de marché en France, l’enseigne allemande a opéré répondant à la stratégie de cette enseigne de rester la
un changement de stratégie commerciale en 2006 en « moins chère » sur les produits phares.
commercialisant des produits de marque nationale à forte
notoriété à hauteur de 10% des produits en rayon, et ce Deux fournisseurs ont indiqué qu’une telle pratique les
comme produits d’appel. L’ensemble des fournisseurs avait obligés à arbitrer leur politique de distribution de
interrogés ont expliqué de manière tout à fait concordante leur marque nationale et de faire le choix entre l’une ou
que pour contrer cette offensive de l’enseigne Lidl et pour l’autre des enseignes (pièces n°11-1, 15) ou pour un autre de
sécuriser la politique commerciale de l’enseigne E. [W], le limiter le nombre de double référencement (pièce n°17-1)
Galec leur a demandé une remise additionnelle, le plus ou pour un autre de limiter son volant d’affaires avec Lidl
souvent de 10% sur facture, sur les tarifs des produits (pièce n°4-1). Pour la majorité des fournisseurs interrogés,
également référencés chez Lidl. cette pratique de remise sur leurs produits référencés chez
Lidl n’a pas eu d’impact significatif sur la poursuite de leur
Ces déclarations unanimes sont corroborées par les relation commerciale avec l’une ou l’autre des enseignes,
concordances établies par le Ministre entre d’une part les ni sur leur chiffre d’affaires global. Nombre d’entre eux
produits mentionnés dans les extraits des conventions ont fait remarquer que l’enseigne Lidl se positionnait sur
uniques conclues avec Lidl et chacun des fournisseurs sur un nombre réduit de produit de marque nationale et ne
la période 2013 à 2015 et d’autre part les remises intitulées souhaitant en général pas d’extension de la marque.
« remise inconditionnelle » ou « promotion permanente » Certains d’entre eux ont même précisé que cette remise
stipulées dans les contrats-cadre conclus avec le Galec avait été intégrée dans leur approche commerciale, ou
pour la même année ou année n+1 sur les produits avait été anticipée sur leurs tarifs nets, ou contournée en
identiques ou « facialement équivalents » à ceux proposant des produits à Lidl suivant des formats
référencés chez Lidl. Ces éléments sont suffisants pour différents, sans pour autant invoquer d’impact financier
établir l’existence d’une remise spécifique demandée par le particulier (pièces n° 24-1, 21-1, 20-1).
Galec à ses fournisseurs pour les produits également
référencés chez Lidl, sans qu’il soit nécessaire d’opérer à Si le Ministre qualifie cette remise de 10% de « pénalité
une comparaison par code EAN comme le soutient Le abusive destinée à surtaxer les produits que le fournisseur
Galec. diffuse également à son concurrent » et évoque un coût
financier de cette pénalité excédant le gain escompté à
De l’analyse des contrats-cadre annuels 2013-2015 et leurs travailler avec Lidl, force est de constater que le Ministre
annexes conclus entre chacun des fournisseurs et Le ne procède à aucune démonstration du caractère
Galec, il ressort que cette remise spécifique sur produits manifestement disproportionné de la remise ainsi obtenue
était prévue au titre des conditions de l’opération de vente de chacun des fournisseurs sur les produits litigieux au
des produits (article I-1) et non au titre de la rémunération regard des gains escomptés par ces derniers du
d’un service commercial ou de toute autre obligation au référencement de leur gamme de produits dans les
sens des 2° et 3° de l’article L.441-7 précité. magasins de l’enseigne E. [W].
A cet effet, l’ensemble des fournisseurs ont expliqué que De l’ensemble de ces constatations, il en ressort que dans
cette remise de 10% sur leurs produits également le processus de détermination du prix convenu entre les
référencés chez Lidl était toujours décidée lors de la parties lors des négociations annuelles, la remise litigieuse
négociation annuelle des conventions et pouvait se ne visait clairement pas à rémunérer un service
combiner à d’autres remises ayant des justifications commercial ou « toutes autres obligations » mais faisait
différentes (par exemple la remise « drive »). Hormis un partie intégrante de la négociation liée aux conditions de
seul évoquant des avenants en cours d’année (pièce n°9-1), l’opération de vente pouvant aboutir à des réductions de
les fournisseurs ont précisé que si l’un de leur produit prix sur le tarif des fournisseurs, et dont la contrepartie
était référencé en cours d’année chez Lidl, la demande de
remise du Galec n’intervenait jamais en cours d’année
attendue par ces derniers n’était autre que le maintien du PAR CES MOTIFS
flux d’affaires entre les parties dans un contexte de tension
concurrentielle entre les distributeurs E. [W] et Lidl. La Cour,
Il s’ensuit que la remise litigieuse ne constitue pas un Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises
avantage sans contrepartie au sens des dispositions de à la Cour,
l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce.
Y ajoutant,
Par ces motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce
qu’il a débouté le Ministre de toutes ses demandes. Condamne le Ministre de l’économie et des finances et de
la souveraineté industrielle et numérique aux dépens
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de d’appel ;
procédure civile
Condamne le Ministre de l’économie et des finances et de
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné le la souveraineté industrielle et numérique à payer au
Ministre aux dépens de première instance et à payer au Groupement d’Achat des Centres E. [W] (Galec) la somme
Galec la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de
code de procédure civile. procédure civile ;
Le Ministre, succombant en son appel, sera condamné aux Rejette toute autre demande.
dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
En application de l’article 700 en appel, le Ministre sera
débouté de sa demande et condamné à verser au Galec la
somme de 7 500 euros.