Apprendre en Imitant en Eps
Apprendre en Imitant en Eps
Apprendre en Imitant en Eps
imitant en EPS ?
Raphaël LECA
UFRSTAPS Dijon Ecrit 2 CAPEPS
Mardi 6 novembre 2007
« Brain storming »
La réflexion préalable autour du sujet doit
toujours être conduite autour de deux grands
pôles :
L’imitation ne permet
pas d’apprendre
(au sens devenir compétent)
L’apprentissage nécessite
d’autres mécanismes
Argument 2.1
Apprendre en imitant peut conduire à un montage artificiel
et sclérosant de la technique corporelle, si celle-ci est vue comme
un modèle impératif à reproduire. L’imitation risque en effet de
servir une conception formelle d’une technique qui s’acquiert « à
vide », sur le seule base de l’observation et l’imitation d’un modèle
gestuel externe. L’important dans la technique en effet, ce n’est
pas tant l’imitation que la fonction. Cette conception fonctionnelle
de la technique lui permet de ne pas être « décontextualisée de ses
conditions d’émergence » (N.Gall, 1997). Dans cette perspective,
la technique est moins à imiter qu’à expérimenter : elle est une
production et non un simple produit. Les procédures choisies
mettront l’accent sur les contraintes environnementales censées
faire « émerger » les techniques efficaces dans des situations
ouvertes, et seront préférées à l’observation/imitation d’un modèle
technique « juste ». A cette condition seulement les techniques
permettront de construire des compétences, c-a-d des pouvoirs
utilisables au-delà de leur contexte spécifique d’appropriation.
Argument 2.2
L’imitation est parfois « parasitée » par des représentations
sociales construites en dehors de l’école et alimentées par les images
médiatiques des pratiques et des champions sportifs. Il n’est pas rare
en effet que ces modèles extrascolaires que l’apprenant imite soient
contradictoires avec la logique de la progression. Ici, l’apprentissage
exige d’abord une déconstruction : il s’agit de rompre avec les
représentations préalables qui orientent les imitations de l’apprenant
vers une impasse. Selon A.Giordan, « la conception initiale ne se
transforme que si l’apprenant se trouve confronté à un ensemble
convergent et redondant qui rend cette dernière difficile à gérer » (De
l’usage des conceptions dans les apprentissages, in Enseigner l’EPS.
Clermont-Ferrand, AFRAPS, 1993). Face à cette exigence, l’imitation,
même avec un modèle compatible avec la progression attendue, est
peu opérante : elle ne suffit pas à renverser des représentations déjà
bien installées. Le principe sera plutôt de confronter l’élève à des
situations suffisamment contraignantes (grâce à des obstacles
didactiques) l’invitant, pour réussir, à modifier ses manières habituelles
de faire.
Argument 2.3
Apprendre, en EPS, c’est souvent expérimenter de nouvelles
solutions motrices. Face à cela, l’imitation est peu judicieuse,
puisqu’elle donne la solution « toute cuite », interdisant à l’élève la
possibilité de la trouver lui-même, et neutralisant toute activité
personnelle de recherche. Or depuis C.Rogers, il semble avéré que « le
seul apprentissage qui influence réellement le comportement d'un
individu est celui qu'il découvre lui-même et qu'il s'approprie » (Liberté
pour apprendre. Dunod, Paris, 1971). Par ailleurs, imiter ne semble pas le
meilleur moyen pour développer des compétences générales portant
sur les démarches autonomes d’apprentissage. D’obédience
cognitiviste, les situations de résolution de problème (SRP) sont
certainement plus efficaces : elles autorisent la construction individuelle
des réponses, en sollicitant une activité autonome de recherche
associée à des processus de connaissance des résultats, en vue de
stabiliser les réponses « qui marchent ». Simultanément, les SRP
guident l’élève vers « un engagement de plus en plus réfléchi dans ses
apprentissages » (Programme de la classe de troisième, 1998) en lui
permettant d’être « le propre architecte de son savoir » (E.Cauzinille
Argument 2.4
Le paradigme écologique de l’apprentissage moteur minore le
rôle joué par l’imitation, au profit de celui joué par le milieu et ses
contraintes. Selon cette approche en effet, « l’enseignant privilégie
les aménagements susceptibles de solliciter directement des
adaptations comportementales » (J.J.Temprado, G.Montagne, Les
coordinations perceptivo-motrices, A.Colin, Paris, 2001). Selon la
théorie de la perception directe (Gibson, 1986), apprendre consiste à
développer la capacité à détecter l’affordance adéquate. Grâce au
principe du couplage perception-action, et notamment dans les
activités où l’objectif est de s’adapter aux contraintes de
l’environnement (par opposition aux activités où l’objectif est de
produire une forme), l’aménagement du milieu permet d’optimiser
l’apprentissage moteur en rendant l’information du milieu perceptible
et donc utilisable. Il ne s’agit plus d’imiter un geste démontré, il
s’agit d’interagir avec un milieu qui va permettre de faire émerger
certains des comportements attendus, comportements qui ne
correspondent pas un à un geste idéal, mais à un geste optimal ou
efficient, compte-tenu des propres capacités physiques et des
caractéristiques anthropométriques (poids, taille) des élèves.
Argument 2.5
Toujours dans une perspective écologique, la théorie des
systèmes dynamiques postule que « le comportement d’un
système complexe émerge de l’interaction des contraintes qui
pèsent sur lui » (D.Delignières, Apprentissage moteur, quelques idées
neuves, in Revue EPS n°274, 1998). Là encore, l’imitation est peu
efficace pour aider l’élève à apprendre. Cette théorie lui préfère
largement l’aménagement du milieu, dont les contraintes vont
permettre de « limiter les degrés de liberté du système, c’est à
dire ses possibilités d’action » et de « canaliser la dynamique du
comportement en restreignant l’étendue des possibles » (ibid.).
Les contraintes inhabituelles (par rapport à la motricité ordinaire)
portées par l’aménagement du milieu vont permettre de modifier
le paysage des attracteurs, c-a-d les coordinations spontanées ou
préférentielles, en agissant sur les paramètres de contrôle du
système. Ce sont ces paramètres qui, lorsqu’ils évoluent au-delà
d’une valeur critique, modifient le paysage des attracteurs
(exemple donné par Delignières du paramètre de contrôle vitesse pour
installer la roue comme nouveau attracteur du système).
Partie 3