VARIETE
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VARIETE
Françoise Gadet
Dans Langage et société 2021/HS1 (Hors série), pages 337 à 340
Éditions Éditions de la Maison des sciences de l'homme
ISSN 0181-4095
ISBN 9782735128273
DOI 10.3917/ls.hs01.0338
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Françoise Gadet
Université Paris Nanterre
[email protected]
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distinguer du québécois – ce qui est bien le cas pour certains traits mais
non pour d’autres, au contraire partagés, soit avec d’autres variétés cana-
diennes, soit plus largement dans la francophonie. La notion de variété
soulève ainsi la question de l’ordre à travers lequel la spécificité est éta-
blie : est-ce seulement sur des considérations linguistiques (une liste de
faits de variation) ? Ou bien est-ce surtout par association à des faits du
monde extra-langagier ? Le terme variété est ainsi à relier à celui de varia-
tion (Gadet, 2018), et conduit à se demander dans quelle mesure une
conception supposée linguistique ne fonctionne pas par effet d’après-
coup, sur une base socio-historico-administrative. Les trois modes de
conception possibles d’une variété n’accordent en effet pas la même
place aux faits de langue :
1. Un premier type est socio-historique : il y a un « français de X » parce
qu’au pays (à la région) X, il est parlé (entre autres, en général) français.
2. Le deuxième est idéologique, quand l’appellation est assumée par
ses usagers (pas toujours par tous) : il y a un français de X parce qu’il y a
des locuteurs pour s’en réclamer.
3. Seul le troisième type serait proprement linguistique : le « français
de X » se distingue d’autres variétés du français par les traits Y ou Z, par
une certaine organisation des traits Y ou Z, ou par des contraintes spéci-
fiques sur les traits Y ou Z.
Toutefois, quand bien même la définition linguistique serait tenable
jusqu’au bout, elle connait deux limites. La première concerne la spéci-
ficité : quand on cherche quels traits ne se rencontreraient que dans une
seule variété, on ne parvient guère à en trouver qu’aux niveaux phoniques
(comme l’affrication des consonnes dentales des Québécois devant
voyelle antérieure ou l’accentuation sur la pénultième chez les Suisses
romans) ou au niveau lexical : maringoin ou cheum pour « moustique »
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nonciation ne le distinguent pas du « français populaire » ; mais on peut
aussi dire oui, du fait qu’un locuteur peut se dire « argotier ».
La notion de variété oblige ainsi les linguistes à réfléchir sur les don-
nées à partir desquelles ils l’établissent – notion dont l’amplitude s’est
trouvée depuis peu élargie par la linguistique de corpus, par l’avancée des
connaissances en linguistique diachronique et par la découverte de nou-
veaux documents historiques. Mais, pour le diatopique, la réflexion se
heurte aux limites de nos connaissances, en particulier pour les Français
hors de France, hormis quelques-uns qui sont bien documentés comme
les Français nord-américains. Ainsi, il n’est pas rare que des traits linguis-
tiques jusque-là réputés localisés soient identifiés ailleurs, sans qu’il y ait
un lien historique avéré, pour autant qu’on les cherche là où ils ont les
meilleures chances d’être produits, en particulier dans des usages oraux
ordinaires et non dans des formes d’écrits standardisés ou édités (Ernst,
2015 pour un inventaire de ces différents lieux).
La fréquence d’usage du terme variété diffère selon les traditions :
rare en linguistique française, d’un sens banal en linguistique améri-
caine, il prend un sens théorique en linguistique variationnelle héritière
de Coseriu (1969), surtout répandue en Allemagne et en Italie. Ainsi,
Gaetano Berruto (2015), tout en distinguant entre une conception « sys-
tem-based » ou « speaker-based », considère que la notion de variété, à un
certain niveau d’abstraction et répondant à un continuum dans l’archi-
tecture de la langue, peut concilier les deux orientations, condition pour
pleinement saisir la langue en société.
Un autre sens de « variété » concerne la diglossie, en opposant
« variété haute » et « variété basse ». Cet emploi peut ou non être en
relation avec le précédent, car les deux variétés présentes en situation de
diglossie ne sont pas toujours typologiquement apparentées : elles le sont
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Références bibliographiques
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