Petit Manuel de Bonne Redaction - Maths

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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI

PETIT MANUEL DE BONNE RÉDACTION

« Bien rédiger » peut signifier deux choses :


— exposer sa pensée clairement, c’est-à-dire avec ordre et rigueur, et si possible avec style.
Un raisonnement faux peut être bien rédigé, auquel cas il est généralement facile de trouver l’erreur commise.
Au contraire, un raisonnement « correct » mal rédigé est souvent le signe d’une arnaque, volontaire ou non.
— se conformer aux conventions de notation pratiquées par la communauté des personnes auxquelles on s’adresse.
Par exemple, puisque tout le monde note R l’ensemble des réels, il faudrait avoir l’esprit tordu pour le noter
autrement. On peut toujours insister sur son caractère arbitraire, il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire
de fixer une notation si l’on veut pouvoir communiquer.

Dans tout ce texte, les exemples de rédactions correctes sont précédées des symboles    et les exemples de rédaction
incorrectes des symboles $$$ .

Bien que les conventions de la bonne rédaction ne soient pas gravées dans le marbre dans les moindres détails, j’emploierai
ci-dessous un ton impératif et sûr de lui. Chaque mathématicien a ses petites manies, mais les miennes sont partagées par
bon nombre de mes collègues.

1 LES GRANDS PRINCIPES DE LA RÉDACTION MATHÉMATIQUE

Les enseignements de cette partie sont à bien des égards les plus importants de toute votre année de MPSI.

1.1 INTRODUIRE TOUT CE DONT ON PARLE

La première règle de rédaction en mathématiques, c’est que TOUTE NOTATION QUELLE QU’ELLE SOIT DOIT ÊTRE INTRO -
DUITE . En français, si vous dites « Ils ont travaillé toute la soirée » sans avoir précisé qui sont ces « ils » travailleurs, vous
risquez de n’être pas compris. En maths, c’est pareil, mais comment introduit-on concrètement un objet mathématique ? Cela
dépend du statut logique de l’objet à introduire, qui est soit un objet quelconque, une variable décrivant un certain ensemble,
soit un objet précis déjà défini auquel on veut seulement donner un nom par souci de concision.

1.1 INTRODUIRE UNE VARIABLE

Quand on veut introduire une variable décrivant tout un ensemble, autrement dit un élément x quelconque d’un ensemble
E, on peut procéder de deux manières :

   Soit x ∈ E.

   Pour tout x ∈ E : ...

Oublier ces petites phrases d’introduction est une faute de rédaction, mais surtout faute logique. Imaginez par exemple
 π  sin x + cos x
qu’on vous demande d’établir la proposition : ∀x ∈ R, sin x + = p . Première réponse :
4 2

$$$
 
π π π sin x + cos x
sin x + = sin x cos + cos x sin = p .
4 4 4 2
Rédaction incorrecte car vous n’introduisez pas votre x. Voici deux réponses correctes :
 
π π π sin x + cos x
   Soit x ∈ R. Alors : sin x + = sin x cos + cos x sin = p .
4 4 4 2
 
π π π sin x + cos x
   Pour tout x ∈ R : sin x + = sin x cos + cos x sin = p .
4 4 4 2

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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI

Bon, mais tout ceci n’est-il pas un peu de la maniaquerie ? Sur un exemple aussi simple, sans doute. Mais un nombre
considérable d’erreurs mathématiques, côté étudiants, provient d’une indifférence totale aux objets manipulés et à leur
introduction. Quand on néglige ces « détails », de nombreux raisonnements ne sont ni corrects ni incorrects et n’ont tout
simplement aucun sens. Dans la vie courante, on qualifie de fous les gens dont les phrases qui n’ont pas de sens ! Plus un
problème mathématique est subtil, plus il exige de rigueur et de maîtrise de soi.
En matière de rigueur, les matheux professionnels savent quand ils peuvent se permettre un certain relâchement sur
la forme sans commettre d’erreur. Vous aussi, quand vous maîtriserez parfaitement la langue mathématique, vous pourrez
lâcher du lest — mais pas avant !

En tout cas, si les « Soit x ∈ E » sont une garantie de rigueur, ils sont bien plus que cela. Il arrive souvent qu’on ne sache
pas résoudre un problème d’un coup d’un seul. Quelle attitude adopter pour éviter la page blanche ? Dans de nombreuses
situations, il suffit de partir du bon pied et d’introduire les objets en jeu avec méthode pour s’en sortir. Imaginez par exemple
qu’on vous demande de démontrer le théorème suivant :
« Toute fonction réelle croissante définie sur R possède une limite en +∞. »
Par où commencer ? Il faut d’abord traduire mentalement l’énoncé dans un langage plus mathématique :
« Pour toute fonction f : R −→ R, f est croissante =⇒ f possède une limite en +∞. »
On sait alors tout de suite par quoi la preuve doit COMMENCER :

   Soit f : R −→ R une fonction. On suppose f croissante. Montrons que f possède une limite en
+∞.
Libre à vous de ne pas savoir poursuivre la démonstration, vous n’avez en tout cas pas le droit de ne pas savoir la
commencer ainsi. Tant que vous ne vous donnez pas une fonction f croissante fixée, vous n’êtes pas en mesure de montrer
que toute fonction croissante possède une limite en +∞. Maintenant que vous en avez une entre les mains, vous pouvez
entamer une réflexion à son sujet. La suite de la preuve vous échappera peut-être, mais au moins vous êtes bien partis.
En résumé, quand on vous demande de démontrer un résultat de la forme « Pour tout x ∈ E, . . . », commencez par « Soit
x ∈ E. Montrons que . . . » Et si le résultat est de la forme « Pour tout x ∈ E, si x a la propriété P , alors. . . », commencez par
« Soit x ∈ E. On suppose que x vérifie la propriété P . Montrons que . . . »

1.1 DONNER UN NOM À UN OBJET

Il arrive souvent en maths qu’on veuille donner un nom simple à une quantité compliquée parce qu’on sait qu’on va
devoir souvent l’écrire. Par exemple, si vous devez employer plusieurs fois dans un raisonnement l’expression ln en0 + 1
dans laquelle n0 est un entier déjà connu de votre lecteur, vous pouvez
 choisir de noter K cette quantité et profiter de ce nom
pour rendre votre raisonnement plus lisible. Plutôt que ln en0 + 1 , vous écrirez partout K. Deux verbes nous permettent
d’introduire proprement la notation K, les verbes « poser » et « noter ».

   On note K le réel ln en0 + 1 .

   On pose K = ln en0 + 1 .
Ces deux rédactions correctes, tout à fait équivalentes, appellent quelques commentaires :
— Il est impératif dans les deux cas que la lettre K n’ait pas déjà été utilisée ailleurs dans le raisonnement que vous êtes
en train de faire, sans quoi elle aurait une double signification.
— Il est impératif dans les deux cas quela lettre n0 ait été introduite en amont, sinon votre lecteur ne comprendra jamais
ce que vous entendez par ln en0 + 1 .

— Dans la deuxième rédaction, la nouvelle lettre K est à gauche du symbole d’égalité et la quantité connue ln en0 + 1
à droite.
— Il est interdit d’employer les verbes « poser » et « noter » l’un à la place de l’autre dans ces expressions. Les confondre
n’est pas une erreur de maths, mais de français. On ne dit pas par exemple « On pose K le réel ln en0 + 1 . »

Attention, l’exemple suivant est incorrect. Sous l’hypothèse que vous avez déjà introduit le réel positif y en amont, vous
n’avez pas le droit d’introduire l’objet x en écrivant :

$$$ On pose y = x 2 .

Cette formulation sous-entend que c’est y (à gauche) qui est introduit et que x (à droite) est déjà connu alors que pvous
2
vouliez
p exprimer le contraire. Plus profondément, la relation y = x ne définit pas UN SEUL réel mais DEUX , à savoir y et
− y. Quel sens cela a-t-il de dire « On pose. . . » si on ne sait même pas quel réel précis on est en train d’introduire ? Voici
finalement deux façons correctes d’introduire un réel x de carré y.

2
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p
   On pose x = y.
p
   On pose x = − y.

Comme nous venons de le voir, les verbes « poser » et « noter » servent à donner de petits noms simples à des expressions
compliquées, mais on les utilise aussi et surtout pour justifier l’EXISTENCE d’un objet. Imaginez qu’on vous demande de
montrer l’existence de deux réels x et y dont la somme est un entier mais qui ne sont pas eux-mêmes des entiers — autrement
dit, avec des quantificateurs : ∃ x, y ∈ R \ Z, x + y ∈ Z. Démontrer un résultat d’existence revient dans la mesure du
possible à EXHIBER UN EXEMPLE. Ici, vous devez sortir de votre chapeau deux réels x et un y qui satisfont les propriétés
demandées. Après un instant de réflexion :
1 1
   On pose x = et y = − . Les réels x et y ne sont pas entiers, mais leur somme x + y = 0 en est un.
2 2
On n’a bien sûr pas trouvé là le seul exemple de réels x et y possible, mais un seul exemple suffit à prouver leur existence.
Retenez bien de tout ceci que les verbes « poser » et « noter » sont liés au quantificateur existentiel ∃ alors que l’expression
« Soit. . . » était lié au quantificateur universel ∀.

1.2 METTRE EN ÉVIDENCE LES ARTICULATIONS LOGIQUES

Quand on rédige un raisonnement, il est très important de distinguer clairement les hypothèses des conclusions par
exemple et d’indiquer les rapports d’implication entre propositions. Le français est riche en mots de liaison, profitez-en :

donc or par conséquent en outre


ainsi alors puisque dès lors
aussitôt ensuite de plus mais
cependant toutefois enfin car. . .

Truffez vos raisonnements de ces petits mots qui guideront votre lecteur et ouvrez-vous
p à la variété autant que possible.
Par exemple, imaginez qu’on vous demande de montrer la proposition : ∀x ∈ [0, 1], 1 − x 2 ∈ [0, 1].

$$$ 0¶ x ¶1
0 ¶ x2 ¶ 1 car t 7−→ t 2 est croissante sur R+
2
0¶1− x ¶1
p p
0 ¶ 1 − x2 ¶ 1 car t 7−→ t est croissante sur R+

$$$ 0¶ x ¶1 =⇒ 0 ¶ x2 ¶ 1 =⇒ 0 ¶ 1 − x2 ¶ 1 =⇒ 0¶
p
1 − x 2 ¶ 1.

   Soit x ∈ [0, 1]. Par croissance de la fonction carréepsur R+ : 0 ¶ x 2 ¶ 1, ou encore 2


p 0 ¶ 1− x ¶ 1.
2
Or la fonction racine carrée est aussi croissante, donc 0 ¶ 1 − x ¶ 1. Comme voulu : 2
1 − x ∈ [0, 1].

À propos de la deuxième rédaction incorrecte, l’affirmation qui suit vous surprendra, mais elle est vraiment essentielle.

La flèche d’implication « =⇒ » NE signifie PAS « donc » et on l’utilise RAREMENT.

Quand on fait un raisonnement du type « p est vraie donc q est vraie », c’est la conclusion « q est vraie » qu’on vise, c’est
elle qu’on affirme haut et fort. La proposition p n’est qu’un moyen au service de cette fin. En d’autres termes, quand on dit
« p est vraie donc q est vraie », ce N’est PAS l’implication : p =⇒ q qu’on affirme, car cette implication ne garantit ni que
p est vraie, ni que q est vraie.
Autre manière de dire les choses, l’implication : p =⇒ q est une proposition alors que la phrase « p est vraie donc q
est vraie » est un RAISONNEMENT, i.e. un enchevêtrement complexe de propositions :
p est vraie ET il est vrai que p =⇒ q, DONC q est vraie.
| {z }
Sous-entendu

En pratique, ce sont des raisonnements qu’on mène le plus souvent, qui requièrent des « donc » ou des mots apparentés
comme « ainsi », « par conséquent », « dès lors ». . . JAMAIS DE FLÈCHES À LA PLACE DE CES MOTS !
La flèche d’implication n’a-t-elle donc aucune utilité en mathématiques ? Bien au contraire ! Généralement sous-entendue
comme on vient de le voir, elle est peu présente physiquement,
€ mais les définitions
Š en sont truffées par exemple. Par définition,
une fonction f est croissante si : ∀x, y ∈ I , x < y =⇒ f (x) ¶ f ( y) . Cette proposition n’est pas un raisonnement
et la flèche y est parfaitement à sa place.

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1.3 ANNONCER CE QUE L’ON FAIT

Rédiger correctement une démonstration, c’est en premier lieu expliquer ce que l’on fait. Rendez votre travail lisible en
annonçant régulièrement ce que vous vous apprêtez à prouver : « Montrons que. . . », « Nous allons maintenant prouver
que. . . », « Il nous reste à montrer que. . . », etc.

1.4 CITER UNE DÉFINITION OU UN THÉORÈME

Citer une définition ou un théorème exige une précision parfaite. Hypothèses, notations et conclusions doivent être
énoncées clairement et sans faute. Un théorème à peu près correct mais pas tout à fait, ou mal rédigé, est un théorème
mal appris et souvent mal compris. Imaginez qu’on vous demande de définir le nombre dérivé d’une fonction en un point.
Première réponse :

$$$ Le nombre dérivé de f en a vaut f ′ (a) = lim


x→a
f (x) − f (a)
x−a
.

Économique, certes, mais insuffisant. Qui sont f et a ? Pourquoi la limite existe-t-elle ? Correction :

   Soient I un intervalle, f : I −→ R une fonction et a ∈ I . On dit que f est dérivable en a si la limite


f (x) − f (a)
lim existe et est finie. Dans ce cas, la limite est appelée le nombre dérivé de f en a et notée f ′ (a).
x→a x−a
Connaître une définition ou un théorème, c’est être capable de les rédiger ainsi dans l’instant.

2 CAS PARTICULIERS DE RÉDACTION PROBLÉMATIQUE

2.1 LE MÉLANGE DES GENRES

É CRIVEZ FRANÇAIS OU MATHÉMATIQUE, MAIS PAS LES DEUX À LA FOIS ! Par exemple, on n’écrit pas :

$$$ ∀m, n ∈ Z, la somme de m et n est un entier.

mais au choix :

   Pour tous m, n ∈ Z : m + n ∈ Z.

   Pour tous m, n ∈ Z, m + n est un entier.

   La somme de deux entiers est un entier.

De même, ne remplacez pas l’expression « il existe » par le symbole ∃ dans une phrase en français.
Le mélange autorisé le plus courant concerne le symbole ∈. Les exemples précédents en témoignent, de même que la
classique expression « Soit x ∈ E ». Il n’est pas nécessaire d’écrire en toutes lettres « Soit x un élément de E ». En revanche,
le verbe « appartenir » ne doit pas être remplacé par le symbole ∈ au cœur d’une phrase en français :

$$$ La fonction cosinus ∈ à l’ensemble des fonctions paires.

2.2 DÉFINIR UNE FONCTION

Commençons par un exemple bien laid :

$$$ La fonction e x sin x est dérivable sur R.

Le problème dans cet exemple, c’est que e x sin x N’EST PAS UNE FONCTION ! On dit plutôt que c’est une expression.
Une fonction de R dans R, par exemple, est un objet mathématique qui associe à tout réel un autre réel. Définir une telle
fonction f revient donc à définir la façon dont un réel quelconque, disons x, est transformé en un autre réel f (x) dépendant
de x. La fonction, notée f , est l’objet abstrait qui associe les x aux f (x). La quantité f (x) est quant à elle un simple réel
et n’a de sens que si l’on s’est donné un réel x concret. On a coutume de noter également x 7−→ f (x) la fonction f . Cette
notation indique bien en quoi f n’est pas simplement le réel f (x), mais la manière dont on passe de façon générale d’un réel
x à un réel f (x).

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Attention de ne pas confondre les flèches −→ et 7−→ ! La flèche −→ est utilisée typiquement dans le cadre des limites.
Seule la flèche 7−→ convient pour les fonctions.

$$$ lim
x7−→+∞
ln x
x
= 0.

$$$ 2
La fonction x −→ e x est continue sur R.

En pratique, quand on veut faire référence à une fonction précise dans une phrase, soit la fonction a un nom et on peut
p
employer ce nom (par exemple f , ·, exp, ln, sin, cos. . .), soit la fonction n’a pas de nom mais elle est définie par une
expression explicite et on la note alors x 7−→ . . . Dans cette notation, la lettre x peut être remplacée par n’importe quel
symbole.
Et quand on veut définir une fonction, on fait comment ? Imaginez par exemple qu’on veuille introduire proprement et
noter f la fonction qui envoie tout réel positif sur sa racine carrée augmentée de 1. On pourra procéder ainsi :
p
   On note f la fonction x 7−→ x + 1 sur R+ .
§
R+ −→ R
   On note f la fonction
x 7−→
p
x + 1.
p
   On note f la fonction définie pour tout x ∈ R+ par f (x) = x + 1.

Tous ces exemples sont corrects. Dans le deuxième, notez bien que la flèche du haut qui relie l’ensemble de départ R+ à
l’ensemble d’arrivée R s’écrit −→ et non pas 7−→.

2.3 PARLER DES PROPRIÉTÉS D ’UNE FONCTION

Les exemples suivants sont incorrectement rédigés :

$$$ La fonction x 7−→ x 2 est dérivable pour tout x ∈ R.

$$$ La fonction x 7−→ ln x est croissante pour tout x ∈ R∗+ .

Le problème, c’est qu’on ne dit pas qu’une fonction est dérivable/croissante « pour tout x ∈ . . . ». M’accordez-vous que
la fonction x 7−→ x 2 NE dépend PAS de x ? L’expression x 2 dépend de x, oui, mais la fonction x 7−→ x 2 existe à un niveau
d’abstraction supérieur et décrit l’association de TOUT réel x au réel x 2 . Pour cette raison, elle ne dépend pas de x, on aurait
d’ailleurs pu noter t 7−→ t 2 la même fonction.
Voilà donc ce qu’il convient d’écrire :

   La fonction x 7−→ x 2 est dérivable sur R.

   La fonction x 7−→ ln x est croissante sur R∗+ .

2.4 DÉRIVER UNE FONCTION

Dériver n’est pas difficile, mais la rédaction d’un calcul de dérivée pose parfois problème. Imaginez qu’on veuille par
f
exemple dériver sur R la fonction x 7−→ esin(2x) . Voici une réponse :

$$$
€ Š′ ′
Pour tout x ∈ R : f ′ (x) = esin(2x) = sin(2x) esin(2x) = 2 cos(2x) esin(2x) .
′
Ça ne va pas car LA NOTATION f (x) EST INTERDITE ! La meilleure rédaction est ici la plus courte, i.e. celle qui donne
directement le résultat. Un résultat bien présenté se suffit à lui-même dans une situation aussi simple. Quiconque sait dériver
comprendra tout seul ce que vous avez fait si vous écrivez simplement ceci :

   Pour tout x ∈ R : f ′ (x) = 2 cos(2x) esin(2x) .


′ d 
Par bonheur, la notation f (x) est interdite, mais vous pouvez la remplacer par la notation f (x) . Dans cette
dx
notation, le « dx » indique qu’on dérive par rapport à la variable x. Quand un problème contient plusieurs variables, la
précision est bienvenue.
d € sin(2x) Š d 
   Pour tout x ∈ R : f ′ (x) = e = sin(2x) × esin(2x) = 2 cos(2x) esin(2x) .
dx dx

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2.5 LA NAÏVETÉ DES NOTATIONS CLASSIQUES

Pour que leurs élèves retiennent bien les formules et sachent les utiliser d’une année à l’autre, les profs de maths utilisent
souvent tous les mêmes notations. Quand on présente la résolution des équations du second degré par exemple, la tradition
veut qu’on note x 7−→ a x 2 + bx + c la fonction polynomiale de degré 2 étudiée et ∆ son discriminant. Vous avez tous appris
la définition du discriminant sous la même forme ∆ = b2 − 4ac.
Imaginez qu’on vous demande de résoudre l’équation du second degré x 2 +3x −2 = 0 d’inconnue x ∈ R. Premier exemple
de rédaction :
p p
$$$ 2
∆ = b − 4ac = 17 > 0, donc x 1 =
−3 + 17
2
et x 2 =
−3 − 17
2
.

Cette rédaction est une pure abomination. Où les quantités ∆, a, b, c, x 1 et x 2 ont-elles été introduites dans cet exemple ?
Nulle part. Et si vous devez résoudre ensuite une autre équation du second degré, vous noterez aussi ∆ le deuxième discrimi-
nant ? La lettre ∆ aura donc plusieurs valeurs différentes tout en n’ayant jamais été introduite proprement ? Voici maintenant
un exemple de rédaction correcte :

   L’équation x 2 + 3x − 2 = 0 s’écrit aussi a x 2 + bx + c = 0 si on pose : a = 1, b = 3 et c = −2.


Son discriminant ∆ vaut ∆ = b2 − 4ac = 17 et est strictement positif, p donc l’équation étudiéeppossède deux
−3 + 17 −3 − 17
solutions distinctes x 1 et x 2 , par exemple dans cet ordre : x 1 = et x 2 = .
2 2
Voilà qui est correct, mais qu’est-ce que c’est lourd et pervers ! Au fond, l’emploi des lettres ∆, a, b et c est-il bien nécessaire
pour de telles bêtises ? Que nenni. La rédaction la plus limpide est aussi la plus économique :

   L’équation x 2 + 3x −p2 = 0 d’inconnue


p x ∈ R a pour discriminant 17 strictement positif, donc possède
−3 + 17 −3 − 17
deux solutions, à savoir et .
2 2
Élégance et clarté ! Libérez-vous des fausses idoles. Mais peut-être ne voyez-vous pas bien pourquoi il est maladroit
d’écrire ∆ = b2 − 4ac quand ∆, a, b et c n’ont pas été introduits. Ok, ce n’est pas nickel côté rédaction, mais après tout, tout
le monde comprend.
Pour vous convaincre, je m’appuierai sur le ou la géologue qui sommeille en vous. Vous savez tous ce que sont une
stalagtite et une stalagmite ? Alors vous connaissez sans doute aussi le moyen mnémotechnique qu’on utilise pour retenir la
différence entre ces deux notions : stalac T ite/T ombe, stalagM ite/Monte. Que penserait-on d’un géologue professionnel
qui, devant ses pairs dans des conférences internationales, dirait chaque fois « stalagtite/tombe » au lieu de « stalagtite » et
« stalagmite/monte » au lieu de « stalagmite » pour se rassurer et éviter toute confusion ? On rirait de lui, ses collègues le
jugeraient ridicule. La situation est la même en maths avec ∆ = b2 − 4ac. Que vous ayez un moyen mnémotechnique pour
retenir une formule, pourquoi pas, mais n’en faites pas profiter tout le monde et évitez de paraître immature.

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