Phosph Maroc
Phosph Maroc
Phosph Maroc
J.-M. B EL
Les gisements de phosphate du Maroc
Journal de la société statistique de Paris, tome 64 (1923), p. 328-333
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II
LES
GISEMENTS DE PHOSPHATE DU MAROC
(Extrait de la conférence donnée par M. JEAN'MARC BEL à la réunion conjointe de l'Association
pour le développement des Travaux publics et des Centraux, des Travaux publics et du Bâtiment,
le 28 mai 1923, à la maison des Centraux, 8, rue Jean-Goujon, à Paris)
(1) FUCHS et DE L4PNAY? Gîtes miriéraup et métallifères, t.i, p. 3i5 (année 1893)*
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Grâce à l'emploi de plus en plus développé des engrais minéraux en agri-
culture, la consommation mondiale annuelle avait progressé de 85o.ooo
tonnes en 1886, à 2.8i5.ooo tonnes en 1900, à 6.206.000 tonnes en 1910 et
au maximum de 7.530.000 tonnes en 1912. Elle avait baissé à 4.210.000
tonnes en 1915, pendant la guerre, et remonta à 5.736.000 tonnes en
•1920 (1). Il résultait de ces données, en 1912, un manquant évident de
'1.794.000 tonnes, chiffre déjà considérable, sans faire état des besoins nou-
veaux actuels, qui sont bien supérieurs à ceux de 1915, du (fait des dévasta-
tions de la guerre.
Il n'y a donc pas lieu de redouter une surproduction par la mise en
exploitation des nouveaux gisements du Maroc, car, de 1910 à 1912, la
progression de la consommation mondiale avait été de 1.324.000 tonnes,
soit, en chiffres ronds, de 5oo.ooo tonnes p.ar an.
Le Maroc pourra ainsi, à son tour, et sans que l'Algérie et la Tunisie en
soient concurrencées, apporter sa contribution, au moins pour quelques
millions de tonnes de plus, en vue de satisfaire aux besoins actuels et aux
nouveaux, non seulement de la France, mais du marché mondial lui-
même, dont notre pays pourrait ainsi s'assurer le contrôle. Et il devrait
l'avoir, par suite de l'importance dominante des gisements de phosphate
de la France et de ses colonies.
D'ailleurs, au moment de l'ouverture des hostilités, en 19114, on sait
que la consommation des phosphates semblait déjà devoir s'intensifier
encore; de savants agronomes ont pu établir que la France seule devait
absorber plusieurs millions d'e tonnes de superphosphates, alors que notre
pays n'en consommait que 2 millions de tonnes environ.
Il faut, en outre, escompter une augmentation de la demande de l'Es-
pagne et de l'Italie, où sont installées de grandes usines d'acide sultfurique.
Il faut envisager enfin, dans un averiir très prochain, la clientèle d'une
Russie régénérée, de la Tchéco-Slovaquie, de la Hongrie, de la Roumanie
et de divers autres Etats de l'Europe et même du Japon.
Les engrais potassiques alsaciens, dont la France a acquis la propriété,
ne peuvent, en aucun cas, entraver l'accroissement de la consommation des
phosphates.
C'est pourquoi l'Afrique du Nord1, sans le Maroc, ne pourra pas fournir
à l'Europe le tonnage qui lui est indispensable. Heureusement que la for-
mation phosphatique fut découverte sur le territoire marocain vers 1912,
mais on a ainsi perdu une dizaine d'années sans mettre en état de produc-
tion suffisante ces gisements.
(1) Et les études plus récentes que vient d'en faire l'Office Ghérifien des Phosphates, qui
l'a «reconnu dans son prolongement oriental, c'est-à-dire au quartier d'El Kela, ont donné
jusqu'à 73 % (Rapport de l'Office pour l'exercice 1922, publié à VOfficiel du Maroc, en date
du 1" mai IQ23).
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Or, dès que le premier des gisements marocains, celui du Nord, fut suffi-
samment reconnu par des travaux appropriés, le Protectorat le mit en exploi-
tation sous la formule d'une régie d'Etat directe, avec la pensée que son
énorme tonnage pourrait fournir telle ou telle production qu'on voudrait,
jusqu'à trois millions de tonnes par an, et cette exploitation fut ouverte
dans la partie septentrionale du gisement, à Bou Jniba, qui avait accusé à
l'analyse les plus hautes teneurs; puis elle a été reportée non loin à Kourigha.
Mais à ce moment, les deux autres gisements du Centre et du Sud étaient
encore ignorés. Leur reconnaissance, faite postérieurement, constitua alors un
véritable fait nouveau qui mit en évidence une erreur commise, involontaire
et excusable d'ailleurs, due à ce qu'on se figurait qu'on pourrait affecter à
cette exploitation unique du Nord, et d'une façon permanente, toute le
main-d'œuvre disponible du Maroc ou même importée, qui pourrait être
nécessaire à telle production demandée. Certainement, le tonnage du gîte,
sans nous inquiéter de sa figuration numérique, est pratiquement illimité.
Peut-on en dire autant de la main-d'œuvre et de la capacité de tout le
machinisme à créer, des voies ferrées multiples et des quais d'embarque-
ment? Evidemment, non.
S'il faut multiplier le machinisme, il convient de regarder comparative-
ment si les trois gisements marocains existants sont dans les mêmes condi-
tions économiques, régionales ou géographiques.
Or, il n'en est rien. Les trois grands gisements marocains et leurs parties
utilement exploitables sont situés respectivement à des distances de la mer
de 170-90 et 80 kilomètres; peuvent être desservis par les ports de Casa-
blanca et de Fedahla jumelés pour le gisement du Nord, et par ceux de Safi et
Mogador séparément pour les deux autres gisements, celui du Centre et
celui du Sud; ces deux derniers pouvant comporter des aménagements ^our
l'embarquement très sensiblement moins onéreux que le premier.
Il résulte donc des conditions d'ordre géographique et économique que :
pour assurer les besoins mondiaux actuels ou imminents, il convient, après
en avoir complété la préparation et l'aménagement dans le plus bref délai
possible, d'exploiter les trois gisements en question :
Le premier d'entre eux, celui du Nord paraissant être, du moins pour le
moment, le plus riche et pouvant supporter ainsi les conditions géographi-
ques et économiques beaucoup plus onéreuses dans lesquelles il se trouve;
Les deux autres n'ont pas dit, au surplus, leur dernier mot au sujet de leurs
teneurs élevées; les travaux de reconnaissance qui les ont mis en évidence
(1) Prévisions déjà en partie vérifiées par la régie chérifienne. (V. note, p. 33o, supra.)
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