Souvenirs Dun Prêtre Romain Devenu Orthodoxe Guettée Wladimir-2
Souvenirs Dun Prêtre Romain Devenu Orthodoxe Guettée Wladimir-2
Souvenirs Dun Prêtre Romain Devenu Orthodoxe Guettée Wladimir-2
SOUVENIRS
D UN
PRÊTRE ROMAIN
PARIS
FISC H BACHER,. H » 1 T,E u R,
HUE Dli SE1NK,' iïiî
.
1889,
Bruxelles. — împ- V* Monnoin,2tî, rue <H; l'Indusi.rùP..
SOUVENIRS
D'UN
... •
...
,/ D'UN
SOUVENIRS
D'UN
Taris Bruxelles
FISCHBACHER VEUVE MONNOM
éditeur impi imeur-éditeur
RUE Il H SKINIS, 133 RUlï I>K I/INDUSTHIE, 2Q
iS8q
A MES AMIS
« RICHAUDEAU. »
nerre sur moi, et tous mes os en ont été ébranlés par la crainte
et la terreur. »
— i7 —
(1) « Frères! tenez bon et conservez les traditions que vous avez
apprises.
« Je suis étonné que si vite vous ayez passé de l'Evangile, qui vous a
appelé dans la grâce du Christ, à un autre Evangile... Mais alors même
que nous-mêmes ou un ange du ciel vous enseigneraitun autre Evangile,
qu'il soit anatèhme ! »
nomen est sub coelo datum hominibus in quo aporteat nos
salvos fieri (i). (Act., IV. n. 12.)
Enfin, comme le petit papa voulait m'effrayer en me par-
lant du jugement de Dieu, je lui ai rappelé .ces passages de
l'Ecriture ;
« Domine, in via testimoniorum tuorum delectatus sum.
(Ps. 118. 14.)
« Viam veritatis elegi; judiçia tua non sum oblitus.
(Ibid., 20.)
« Et loquebar in testimonis tuis in conspectu regum, et non
confundebar. (Ibid., 46.)
« Superbi inique agebant usquequâque; a lege
autôm tua
non declinavi. Memor fui judiciorum tuorum a soeculo,
Domine, et consolatus sum [2). (Ibid., 5i. 52.)
J'ai lieu de croire que M. Richaudeau aura compris. Le
;
(1) « Jésus-Christest la pierre qui a été rejetée par vous qui bâtissez....
Cependant il n'y a pas de salut en dehors de lui. Et il n'a été donné, sous
le ciel, aux hommes, aucun autre nom qui puisse les sauver. »
(2) « Seigneur, dans la voie de tes témoignages, j'ai éprouvé une
grande joie.
« J'ai choisi la voie de la vérité ; je n'ai pas oublié tes jugements-
« Et je parlais conformément à tes témoignages en présence des puis-
~~ sants, et je n'étais pas confondu.
« Les orgueilleux faisaient le mal de toutes les manières ; mais je n'ai
— pas failli à ta loi. Je me suis souvenu des jugements que tu as prononcés
depuis longtemps, 6 Seigneur, et j'ai élé consolé. ».
. _ lt) —
Armes de l'évêque.
ÉVKCHÉ
de
BLOIS
« DORÉ.
« Vie. Gén. >>
« MONSIEUR LE RÉDACTEUR,
« j'espère, il corrigera. »
« L'abbé GUETTÉE,
« auteur de YHisloire de l'Eglise de France. »
« GUYOT frères. »
l'îVÊCllK
de
BLOIS
« Blois. le 18 septembre 1851.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
ÉVÊCIIÉ
de
BLOIS
« Blois, le ... septembre 1851.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
de celui qui aime valent mieux que les caresses d'une fausse
amitié. Oh! prenez garde à ceux qui ne font que flatter; pre-
nez garde encore plus aux discours de ceux qui voudraient
vous engager dans une voie où ils ne vous soutiendraient pas.
Croyez que votre meilleur conseiller et ami, c'est votre
évêque. Il ne veut point que votre livre soit condamné, mais
que vous le corrigiez et préveniez ainsi toute mesure sévère.
Le fond de ma pensée sur votre livre était le même qu'au-
jourd'hui, longtemps avant mon arrivée à Blois ; et depuis
que je suis ici, plus d'une fois j'ai aimé à montrer devant
divers membres du clergé que si votre ouvrage renferme des
choses blâmables, il renferme aussi bien des choses qui méri-
tent l'approbation et l'encouragement.
« Si, comme je l'espère, vous comprenez mon coeur et
entrez dans mes pensées, je serai prêt à vous faire part de
mes autres observations dans le détail desquelles je ne puis
entrer ici.
« Ne vous rassurez pas à la vue des approbations et des
éloges que vous avez reçus. Vous devez remarquer que
presque tous, mon vénérable prédécesseur en tête, ne parlent
que d'après autrui ou après la lecture de quelques pages.
Leurs éloges ne contredisent pas mes réflexions, puisqu'ils ne
louent pas les choses même que je relève. Il en faut unique-
ment conclure qu'on a lu d'abord votre livre avec une atten-
tion moins grande que celle qu'on lui donnerait aujourd'hui,
que celle que plusieurs lui ont donnée dès le commence-
ment.
« L'Ami de la Religion vient d'annoncer votre histoire
comme approuvée par l'évêque de Blois. Tout dans les lignes
de cette annonce ferait croire que je viens d'approuver les
sept volumes parus de votre ouvrage, et cela produirait un
effet fâcheux. Vous ne pouvez donc pas être étonné, Mon-
sieur, de ce que j'ai cru devoir adresser au journal un mot à
- - 7''
« y L. TH.,
« évoque de Blois. »
« MONSEIGNEUR,
ARCHEVÊCHÉ
de
PARIS
« Paris, le 19 juin 1S52.
«Votre serviteur,
« LEQUEUX, v.-g. »
« MONSEIGNEUR,
(1) Voici des extraits de cette bulle qui confirmeront ce que nous
disons dans notre lettre des règles tracées par Benoit XIV ; ces extraits
ne faisaient pas partie de la lettre :
— 91 —
« MONSIEUR L'ABBÉ,
ments distingués.
« S., archev. de Myre, nonce ap.
« MONSEIGNEUR.
« Par un décret en date du 22 janvier i852, mon ouvrage,
intitulé : Histoire de l'Eglise de France, a été mis à l'index
des livres prohibés. Ce décret ne m'ayant pas été notifié, je
n'en ai eu connaissance que par les journaux, le 17 février
dernier.
« Prêtre dévoué à
l'Église, j'ai dû être profondément
-95 -
affligé, Monseigneur, en me voyant classé, sans avertissement
préalable, par une congrégation romaine, parmi les écrivains
dont les fidèles doivent au moins suspecter l'orthodoxie. Je
ne sais, Monseigneur, Sur quels motifs la Congrégation de
l'Index a pu appuyer sa censure, car je ne vois rien dans mon
livre qui ne soit susceptible d'un sens parfaitement orthodoxe.
Cependant, je dois croire que ces motifs ont été graves.
« C'est pourquoi, Monseigneur, j'ai l'honneur de vous
écrire cette lettre pour vous prier de me faire adresser le
mémoire du consulteur de l'Index, relatif à mon ouvrage,
y
afin queje puisse profiter des observations qui sont conte-
nues et rendre ainsi mon livre irréprochable.
« L'abbé GUETTÉE. »
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« J'ai reçu la lettre que vous avez bien voulu m'adresser en
date d'hier. Si vous voulez bien vous donner la peine de
passer un instant chez moi demain, entre midi et une heure,
je vous dirai quelque chose sur l'objet dont il s'agit.
« En attendant, je vous renouvelle les assurances de mes
sentiments distingués.
« S. Archev. deMyre, N. S.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
ARCHEVÊCHÉ
de
REIMS
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« MONSIEUR L'ABBÉ,
sens n'avoir aucun titre que mon vif intérêt pour vous), nous
sommes catholiques avant toutes choses, et une erreur d'esprit
ne nous coûte jamais à reconnaître, quels que soient les
motifs des hommes qui ont signalé la chose à l'autorité com-
pétente.
« Oserai-je, je ne sais vraiment à quel titre, vous ouvrir
une idée qui m'est venue, que j'abandonne à votre apprécia-
tion et qui me semble inspirée uniquement par l'amour de la
vérité, et la- part que j'ai prise à votre peine?
« On m'a dit (car je n'ai pas vu le texte du décret) que
l'Histoire de l'Eglise de France était prohibée purement et
simplement, sans affectation de notes théologiques, cette
forme indique donc que cet ouvrage est plutôt inexact que
contenant des erreurs graves. Eh! bien! dans cet état, l'ou-
vrage remis à quelque théologien sérieux ne pourrait-il pas
être corrigé au point de vue doctrinal, et par des cartons, les
volumes édités devenir irréprochables et être comme une
nouvelle édition, mais avec des frais très minimes? car vous
avez voulu être historiographe plutôt que théologien; c'est
' donc une phrase, un mot qu'il faudrait corriger. La physio-
nomie historique resterait.
« Par ce moyen vous prouverez d'abord que vous êtes
catholique sincère, sans partager les exagérations de la nou-
velle école ; vous montrerez que l'esprit a pu se tromper,
.
— 107 —
« A. MEUNIER.
« Curé de Romorantin.
« par feu Mgr des Essarts, vous auriez dû dire que les cinq
« premiers volumes ont été examinés, sur les. épreuves par
« L'abbé GUETTÉE.
« L'abbé GUETTÉE. »
« MONSIEUR LE RÉDACTEUR,
« Vous avez inséré dans votre numéro du. 19, une note
extraite de l'Ami de la Religion, d'après laquelle on pourrait
croire que mon ouvrage intitulé Histoire de l'Église de
France ne serait pas continué. Je vous prie, en conséquence
d'insérer dans votre prochain numéro la présente réclamation,
pour faire connaître à vos lecteurs l'intention où je suis de
poursuivre la publication de mon. ouvrage, quoique le libraire
Guyot ait déclaré ne plus se charger de la. vente.
« Veuillez agréer mes salutations,
« L'abbé GUETTÉE. ».
A cette occasion, je vis l'abbé Migne que je connaissais
depuis longtemps par des prospectus dont le ton charlata-
nesque m'avait frappé. Il était bien en effet charlatan, dans
toute l'acception du mot. Ses allures, son langage, tout en
lui dénotaitl'homme à réclame qui avait l'intention de gagner
des millions. Son établissement d'imprimerie n'était pas
splendide, mais il était vaste et bien agencé. Si les évêques de
France avaient été plus intelligents, ils auraient mieux
secondé cet homme qui a mené à terme d'immenses publi-
cations qu'aucun autre établissement n'aurait osé entre-
prendre. Abandonné à ses seules forces, il ne put donner à
ses publications le soin qu'elles réclamaient. Il employait un
grand nombre de prêtres interdits qui n'étaient pas capables
de travailler à la publication d'ouvrages de grande érudi-
tion, comme ceux qu'il publiait. C'est pourquoi, ces ouvrages
sont criblés de fautes. Un Grec fort instruit vérifia les textes
de plusieurs manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale,
imprimés dans la Patrologie grecque à laquelle travaillait le
fameux Pitra, bénédictin de Solesmes, qui est devenu car-
dinal. Ce Grec s'aperçut que les passages des manuscrits qui
étaient défavorables au latinisme avaientété supprimés. Serait-
ce le doctissiime Pitra qui aurait fait ces suppressions? Dans
tous les cas, il faut espérer qu'un Grec érudit et patient
vérifiera un jour les pièces grecques publiées par M. Pitra
lui-même et s'assurera de leur authenticité.
L'abbé Migne n'eut pour soutien que les curés de campagne
et quelques communautés religieuses. Il leur fournissait les
livres à moitié prix et les chargeait de dire.une certaine
quantité de messes. Ces intentions de messe, étaient données
à prix réduit; et il les achetait lui-même à ceux qui en avaient
trop, à un prix plus réduit encore ; et il le représentait par des
livres qui lui coûtaient beaucoup moins qu'il ne les vendait.
Ce commerce de messes fut très lucratif pour l'abbé Migne,
et il gagna beaucoup d'argent.
II!
« MONSIEUR LE RÉDACTEUR,
«
défendus, ou des autres congrégations. Nous honorons les
« décrets de ces congrégations comme des consultations de
« docteurs graves ; mais nous n'y reconnaissons aucune
« juridiction sur l'Eglise de France. »
121
« LEQUEUX.
« Vicaire général.
ARCHEVÊCHÉ
de
PAK1S
« Paris. 2 juin 1852.
« Votre serviteur,
« LEQUEUX.
« Vicaire général. »
« L'abbée GUETTÉE. »
ARCHEVÊCHÉ
de
PARIS
« Paris, le 18 mai 1852.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« Votre serviteur,
« LEQUEUX, V. g. »
« MONSEIGNEUR,
« LEQUEUX,
«Vicaire-général. »
— 128 —
ARCHEVÊCHÉ
de
PARIS
« Paris, le 2 octobre 1S53.
« MONSIEUR,
« Votre serviteur,
« LEQUEUX, V. »
« MONSEIGNEUR,
On m'écrit à l'instant que le huitième volume de mon
«
« L'abbé GUETTÉE.
0 Paris, g août 1853. »
ARCHEVÊCHÉ
de
BORDEAUX
A M. l'Abbé Guettée.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« MONSEIGNEUR,
vif désir, et c'est bien contre mon gré que j'ai été une occasion
de trouble. Quelques explications de ma part dissiperaient
bien des nuages, et je suis tout disposé à les donner, J'accep-
terai, Monseigneur, les juges que vous voudrez me désigner ;
j'accepte d'avance, sans les connaître, les personnes qui ont
fait au concile de La Rochelle un rapport contre mon
ouvrage; s'ils veulent bien me communiquer leurs griefs, je
leur exposerai mes défenses avec simplicité, et les corrections
convenues seront soumises à Votre Eminence et aux autres
Pères du concile de La Rochelle, ou à tous autres que vous
désignerez.
« La sainte Congrégation de l'Index m'a renvoyé par-devant
les hommes doctes et de saine doctrine qui sont en France;
vous n'irez donc point contre ses intentions, Monseigneur,
en acceptant l'arbitrage que j'ai l'honneur de proposer à Votre
Eminence en tout esprit de simplicité et de paix.
« Une fois que les corrections
jugées nécessaires seront
arrêtées et approuvées, je prends l'engagement de publier
immédiatement une édition corrigée, et dans laquelle toutes
les taches auront disparu. D'après les observations qui m'ont
été adressées,y compris même celles que je ne trouve'pas
fondées, la correction serait facile.
« J'espère, Monseigneur, que Votre
Eminence voudra bien
accueilli- cette lettre avec bienveillance, apprécier ma bonne
volonté et croire au respect profond avec lequel j'ai l'honneur
d'être
« L'abbé GUETTÉE. »
— '44 —
ARCHEVÊCHÉ
de
BORDEAUX
« Bordeaux, le 14 octobre 1853.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« L'abbé GUETTÉE. »
ÉVÊCHÉ
D'ANGOULEME
« Angoulême, 31 décembre 1853.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« RAPPORT
des Théologiens chargés d'examiner le huitième volume de l'Histoire
de l'Église de France, par M. l'abbé Guettée.
p. 182;
« 20 Sorte de complaisance à relever, sans aucun respect,
les fautes des supérieurs ecclésiastiques... V. Coup d'oeil
général, p. i3, alinéa 1e1', pp. 22, 28;
« 3° Injustice à l'égard des défenseurs de l'Eglise. V. Coup
d'oeil général, p. 3i;
« 4° Partialité en faveur des hérétiques. V. Coup d'oeil
général, p. 33 et pp. i6-3o, 323, etc. ;
« 5° Confiance trop grande dans les écrivains protestants.
Voir les IIe et IIIe livres, passim. »
Voyons les preuves à l'appui de ces assertions.
Ier REPROCHE : Zèle amer. Le passage indiqué est celui
cité ci-dessus, où il est parlé de la décadence des moines et
de l'abus de la prière vocale. Comment trouver de l'amer-
tume et du \èle dans des paroles aussi simples et aussi modé-
rées?
Que dirait donc M. le rapporteur des passages que je
pourrais lui citer de saint Jérôme, de saint Sulpice-Sevère,
de saint Gildas, de saint Pierre-Damien, de saint Bernard,
de Pierre-le-Vénérable, de saint Vincent-Fer.rier et de tant
d'autres saints personnages, sur les vices, les débauches hon-
teuses, l'avarice, l'orgueil qui faisaient comme l'apanage des
institutions monastiques dégénérées? Mes quelques mots sont
bien pâles auprès des tableaux peints par les saints avec des
couleurs si vives. Je pourrais les citer ; mais tous les hommes
instruits ne les connaissent-ils pas ? n'ont-ils pas lu les
innombrables canons des conciles, où les mauvais moines
sont flagellés avec tant d'énergie?
En rapprochant l'accusation de M. le rapporteur du pas-
sage qu'il cite à l'appui, tout homme équitable en tirera cette
conséquence : que j'aurais pu en dire bien davantage, et ne
pas m'attendre au reproche qu'il m'adresse.
2e REPROCHE : Sorte de complaisance à relever, sans
aucun respect, les fautes des supérieurs ecclésiastiques.
ire preuve : Coup d'oeil général, p. XIII, alinéa ier. Je dis
en cet endroit qu'après le concordat les évêchés furent don-
nés à des abbés de cour qui ne devaient leur dignité qu'à la
faveur; puis j'ajoute ces paroles, qui ont sans doute motivé le
reproche :
— 173 —
« Je.ne trouve pas mauvais que l'on ait bien traité à Rome
M. Bouillet et son Dictionnaire; mais je demande pourquoi
on y a moins de considération pour un prêtre que pour un
laïque; pourquoi on y garde plus de ménagements pour un
Dictionnaire d'Histoire et de Géographie, très répréhensible
aux yeux de l'Univers, que pour un ouvrage religieux dans
lequel des adversaires passionnés ne peuvent trouver à
reprendre que de rares passages, qu'ils sont obligés d'inter-
préter avec mauvaise foi pour les trouver répréhensibles?
« Lorsque je fis mes premières démarchesauprès de la Con-
grégation de l'Index, on me répondit que cette Congrégation
ne communiquait jamais ses griefs aux auteurs. Cependant,
on les a communiqués à M. Bouillet. La Congrégation a donc
cru devoir déroger à ses usages en faveur d'un laïque, et elle
ne daigne' même pas répondre à un prêtre qui lui soumet
humblement des corrections !
« Une telle conduite me dégage des promesses que j'avais
faites, et, puisque l'on m'a traité ainsi à Rome, on ne sera
point étonné d'y recevoir par d'autres que moi les 11e et
12e volumes de mon ouvrage. »
Quel homme sérieux aurait pu blâmer une telle détermina-
tion ?
On va voir que les hommes sérieux étaient pour moi, et que
je n'avais contre moi que quelques fanatiques ultramontains.
VI
« F. GUETTÉE.
« Prêtre du Diocèse de Blois.
« Saint-Denis, 15 mars 1848. »
— 187 —
« 6 février 55.
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« MONSIEUR L'ABBÉ,
bien jugé les évêques en ne comptant pas sur un acte tant soit
peu énergique de leur part. En publiant leurs lettres, j'aurais
fourni aux ultramontains une belle occasion de chanter sur
tous les tons que l'épiscopat français était avec eux. Je n'ai
pas voulu leur donner cette satisfaction.
Dulac avait des attaques de nerfs dès qu'il entendait pro-
noncer mon nom. Il faut dire que je ne lui laissais pas la
liberté de m'insulter et que je répondais à toutes ses injures
par des articles qui avaient le don de le surexciter au suprême
degré. Il m'avait déclaré dès le début, que l'Univers n'accep-
terait de moi aucune réponse. Il voulait donc m'attaquer et
me refuser tout droit de réponse dans son journal. Je ne lui
laissai pas la consolation de se poser en vainqueur vis-à-vis
de ses lecteurs ; à toutes ses attaques, j'envoyais ma réponse
par ministère d'huissier, conformément à la loi. Il essayait de
répliquer, et aussitôt il recevait une nouvelle réponse par la
même voie. Il devint furieux et se plaignit de mes procédés.
Encore M. l'abbé Guettée et son huissier, s'écriait-il, comme
si ce n'était paslui qui m'obligeait à me servir d'un huissier. Je
ne lui répondais, ajoutait-il, que pour faire de la réclame dans
son journal. Je ne tenais pas plus à la réclame dans l'Univers
que dans les autres journaux, il le savait bien. La grande thèse
de Dulac était celle-ci : que le gallicanisme est condamné par
le pape ; que les évêques de France ont adhéré à l'ultramonta-
nisme dans quelques conciles provinciaux tenus depuis 1848.
C'était pauvre. Avant 1S48, les évêques, ne pouvant se réunir
en concile, demandaient à grands cris la liberté de réunion.
La République de 1848 leur donna cette liberté. Dans quel-
ques provinces ecclésiastiques les évêques se réunirent. Que
firent-ils? Rien. Les actes sont là, pour prouver- qu'ils ne
savaient que faire de cette liberté qui leur était octroyée. Ils
renouvelèrent quelques règlements déjà en vigueur, et ils
firent quelques courbettes devant l'idole de Rome. Voilà tout.
— 202 —
Dulac voyait dans ces courbettes l'abolition du gallica-
nisme. Il en concluait que la Congrégation de l'Index avait,
en France, une autorité souveraine, et que je devais faire acte
de soumission publique, sous peine d'être en révolte contre
le pape et contre l'Eglise. Le conciliabule de La Rochelle
fournit surtout à Dulac une magnifique occasion de m'atta-
quer. Je n'eus pas de peine à répondre à toutes ses théories
qui attestaient chez lui la plus crasse ignorance. Mes réponses
intéressaient vivement des abonnés de l'Univers, qui m'écri-
vaient que mes articles les instruisaient sur des questions qui
n'avaient pas encore été aussi bien traitées, et qui me priaient
de les continuer.
Les collaborateurs de Dulac eux-mêmes comprenaient que
leur défroqué n'avait pas le beau rôle. Un d'entre eux,
M. Jules Gondon allait quelquefois aux soirées de M. Garcin
de Tassy. Cet excellent homme, qui était pour moi un ami
sincère, recevait dans son salon des hommes de toutes les
opinions. M. Jules Gondon y fut bien accueilli. M. Garcin
de Tassy suivait avec le plus grand intérêt ma polémique avec
Dulac. M. Jules Gondon étant allé en soirée chez lui, il le fit
causer sur cette polémique. M. Gondon ne se gêna pas pour
lui dire, qu'elle n'était pas à l'honneur de l'Univers. Dulac,
ajouta-t-il n'est pas de force à lutter contre M. l'abbé Guettée,
un vrai savant. Dulac est battu, archi-battu; nous l'engageons
à en finir avec cette polémique, mais il s'obstine. Il faudra
bien cependant que cela finisse bientôt.- En effet, Dulac ne
répondit pas un seul mot à la dernière réponse que je lui
adressai. Ilm'ôta ainsi le droit d'écrire dans l'Univers. Je n'y
tenais pas, mais je voulais écraser l'impertinent qui m'avait
si souvent-insulté. C'est ce qui eut lieu, et Dulac, en s'éclip-
sant est convenu de sa défaite.
On aurait pu croire que Dulac, ex-membre de la Congré-
gation de Solesmes, aurait au moins soulevé contre moi une
203
« juste satisfaction. »
.
Je puis bien opposer les éloges d'un prêtre, aussi pieux que
savant aux impertinences d'un Dulac.
200
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« E. SUQUET,
« Proesb. Sec. »
— 225 —
MONSEIGNEUR,
.«
MONSIEUR L'ABBÉ,
« L. BAUTAIN,
M Vicaire-général promoteur. »
cette conversation.
Le nom de M. Verger ayant été prononcé dans cette con-
versation, M. Sibour le traita de mauvais prêtre. Je me per-
mis alors de lui dire : « Ce mot est bien dur, Monseigneur ;
« pensez-vous que M. Verger mérite réellement ce titre? Je
vêque était sur son lit.de parade J'en suis persuadé, mon
cher abbé, me répondit M. Buquet; je vous connais assez
pour être persuadé que la mort terrible de l'archevêque vous
a fait de la peine, quoique vous ayez eu à vous plaindre de
lui. — J'en ai été très douloureusement affecté, monsieur le
vicaire-général, vous pouvez en être certain. Devant une
mort aussi épouvantable, je n'ai aucune peine à oublier tous
mes griefs ».
Les hommes infâmes qui voulaient absolument m'attaquer
abusaient du titre de témoin à décharge que l'on m'avait
imposé par l'assignation que j'avais reçue. Ils disaient queje
m'étais porté comme témoin à décharge et donnaient ainsi
une preuve de la plus noire malice. Qui donc se porte soi-
même comme témoin soit a charge soit a décharge dans un
procès quelconque? Un témoin est légalement assigné par la
justice; s'il ne se rend pas au tribunal sur cette assignation
légale, la loi autorise le magistrat à avoir recours à la force
publique contre lui, et le témoin récalcitrant devient passible
d'une condamnation. J'ai été assigné, par la justice elle-
même, à comparaître en qualité de témoin,.je ne me suis
donc pas porté comme tel.
Ai-je maintenu, après l'assassinat, l'éloge que j'avais fait
de Verger avant son crime? Ai-je adressé une seule louange
à Verger devant le tribunal? Interrogé sur mes souvenirs, j'ai
rappelé simplement ces souvenirs. On m'a posé une ques-
tion, j'y ai répondu ; à cela se bornait mon rôle de témoin. Je
ne devais pas plus injurier Verger que lui adresser de louanges.
Je n'ai fait ni l'un ni l'autre, parce qu'un témoin qui se res-
pecte doit à la justice la vérité.
Si l'on m'avait demandé ce que je pensais du caractère de
Verger, et si j'avais jugé à propos de répondre, j'aurais dit :
« Verger est fou : c'est dans un accès de folie furieuse qu'il a
commis son crime. Faites-le examiner par des médecins com-
— 248 —
« MONSEIGNEUR,
sera pas étonnée que les préjugés d'un vieux gallican comme
moi se soient parfois révoltés. Mon coeur était avec vous,
mais mon esprit était rebelle. Proh! dolorl O préjugés gal-
licans!
« Votre premier chapitre, Monseigneur, est plein de poésie,
il ravit l'âme. Comme vous prouvez bien que la prière publique
est nécessaire à l'Eglise et au prêtre ! Dans votre enthousiasme
lyrique, vous vous élevez bien au dessus de la sphère gram-
maticale, et l'on sent que pour vous le mot n'est rien; ainsi
vous dites (p. 2) : « Par la prière publique, la religion chré-
« tienne devient vraiment digne de Dieu. » Je croyais la
religion chrétienne digne de Dieu par elle-même, parce qu'elle
vient de Dieu, parce que sa doctrine est l'expression du verbe
éternel du Père incarné et immolé pour rendre perpétuelle-
ment à Dieu un hommage digne de lui; je croyais que la reli-
gion chrétienne n'avait pas besoin de devenir digne de Dieu,
par la raison qu'elle fut digne de lui dès le commencement;
j'avouerai, la rougeur au front, que je ne puis pas encore
comprendre comment le chant du peuple fidèle et le bré-
viaire du prêtre sont cause que la religion elle-même devient
digne de Dieu. Mais, Monseigneur, vous l'avez dit.
« Votre Grandeur nous apprend encore (p. 3) que : « La
liturgie est l'expression des prières de l'Eglise entière ».
« La liturgie ne serait-elle pas plutôt l'ensemble, la collec-
tion des prières ecclésiastiques que Y expression de ces prières?
En elle-même, la prière est l'expression d'un sentiment; mais
la liturgie est-elle l'expression des prières? Est-elle surtout
l'expression des prières de l'Eglise entière? Il suivrait de là,
Monseigneur, qu'une prière aurait besoin d'appartenir à
l'Eglise entière pour faire partie de la liturgie. Or,
j'ai cru jusqu'à présent que Pie V lui-même avait respecté
les liturgies particulières de certaines Eglises, l'Ambroi-
sienne ou la Mozarabique, par exemple, même les liturgies
de Paris, de Lyon et autres qui étaient antérieures de
plus de deux cents ans à la bulle Quod a nobis? Ces litur-
gies particulières, n'étant pas l'expression des prières de
l'Eglise entière, n'étaient pas, selon vous, des liturgies légi-
times; comment se fait-il donc, Monseigneur, que Pie V lui-
même les ait respectées ? Aurait-il eu, par hasard, des ten-
dances gallicanes? Je serais tenté de le croire, et je douterais
de son salut s'il n'avait pas été canonisé dans toutes les règles ;
sa bonne foi lui aura servi d'excuse devant Dieu. En effet, son
ignorance liturgique devait être invincible, puisqu'en son
temps oii ne possédait encore ni votre Instruction pastorale,
ni les iHsrzYztffons de domGuéranger, ni les fines observations
de M. Meslé, ni les profonds articles de M. Dulac, de l'Uni-
vers, ni le dictionnaire de M. Pascal. Ces illustres person-
nages sont les flambeaux lumineux qui nous ont inondés de
science liturgique; or, parmi ces gloires, vous n'êtes pas,
Monseigneur, la moins brillante; votre humilité me pardon-
nera cette petite flatterie, aussi sincère qu'elle est méritée.
« Ce qui fera surtout l'admiration de la postérité, Mon-
seigneur, c'est que la savante école à laquelle vous apparte-
nez a trouvé le moyen de refaire l'histoire entière de la
liturgie; et, ce qui est plus étonnant encore, de la refaire sans
aucun fait. Autrefois, on voulait des faits pour faire une his-
toire quelconque. O préjugés! des faits! mais les faits tuent
comme la lettre, l'esprit seul vivifie; aussi, Monseigneur,
êtes-vous très spirituel dans votre Instructionpastorale ; et si,
par hasard, vous affirmez que vous allez vous appuyer sui-
des faits, vous prouvez bien vite que vous n'attachez pas à
ce mot le sens ordinaire, que vous ne vous abaissez pas jus-
qu'à nous donner cette pâture grossière des faits historiques,
bonne seulement pour les encroûtés du gallicanisme. Les esto-
macs ultramontains veulent quelque chose de plus délicat,,
une substance éthérée, comme l'ambroisie, ou bien encore
— 2D4 —
« L'abbé GUETTÉE,
« Auteur de l'Histoire de l'Eglise de France. »
point janséniste pour soutenir que des hommes ont été ortho-
doxes; on n'est point janséniste pour interpréter tel ou tel
livre d'une manière orthodoxe. L'Église, en interprétant
d'une manière hétérodoxe un livre qu'elle a condamné, n'a
pas obligé tous les fidèles, sous peine d'hérésie, à voir des
hérésies où elle en a vu; on peut admettre d'une manière
générale les constitutions apostoliques en donnant à ces actes
l'interprétation que l'on trouve la plus juste et la plus respec-
tueuse pour les papes, dès que ceux-ci n'ont pas eux-mêmes
fixé d'interprétation particulière.
Toute cette doctrine est conforme aux brefs d'Innocent XII.
Elle n'est, du reste, que la conséquence de ce principe catho-
lique : que, pour être formellement hérétique, il faut soute-
nir opiniâtrement et ouvertement une doctrine opposée à un
dogme révélé et défini. C'est pour cela qu'Innocent XII a si
clairement ordonné de ne donner le titre de janséniste qu'à
ceux qui soutiendraient de vive voix ou par écrit quelqu'une
des cinq propositions condamnées par Innocent X, comme
contenant le jansénisme, c'est-à-dire la doctrine de la grâce
nécessitante.
M. l'abbé Sisson n'a pas respecté cet ordre. Il établit diffé-
rentes catégories de jansénistes, malgré la défense du même
pape.
M. l'abbé Sisson n'a trouvé notre réponse à ses réflexions
ni assez nette ni assez précise. Il l'a accompagnée des obser-
vations suivantes :
« i° Il (M. l'abbé Guettée) nous
reproche d'avoir compris
dans le terme de jansénisme d'autres doctrines que celle de
la grâce nécessitante. A cela nous répondons que le jansé-
nisme est tout un système d'erreurs dont le développement
a été successif, et dont les unes servent à appuyer les autres.
C'est ainsi que Quesnel a été condamné pour ses doctrines
sur l'Eglise aussi bien que pour celles qui ont rapport à la
3o6
(i) Mais la question des faits dogmatiques était soulevée avant cette
bulle, et Bossuet vivait en )703, époque où elle fut soulevée par le bref
de Clément XI. M. Sisson l'avait sans doute oublié.
— 307 —
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« Archevêché de Paris.
« MONSEIGNEUR,
« MONSIEUR LE MINISTRE,
« brique;
« L'infraction des règles consacrées par les canons reçus
« en France ;
u L'attentat aux libertés, franchises et coutumes de
« l'Eglise gallicane;
« Et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice
en France ;
« Qu'il a commis un attentat contre les libertés, franchises
MÉMOIRE
« Archevêché de Paris.
((
Monsieur l'abbé Guettée est prié de passer demain au
cabinet du promoteur, de midi à deux heures, »
(]) J'ai prouvé dans mon Mémoire à consulter (deuxième partie), que
ces cas étaient les seids où un prêtre pouvait être privé de son droit de
célébrer.
- - 334
(1) -Mon Mémoire à consulter (ire partie) contient les faits qui me
concernent.
— 336 —
RESUME
tête d'une des plus riches paroisses de Paris, afin de lui four-
nir les moyens de payer ses dettes si saintement contractées.
Un de ses prédécesseurs, aussi moral que lui, avait fait une
belle fortune dans cette paroisse; pourquoi n'en ferait-il pas
autant?
Mais les créanciers le harcelèrent tellement qu'il ne put y
tenir plus longtemps. Un matin, on le trouva mort. Le bruit
courut dans le clergé de Paris qu'il s'était empoisonné. On
vendit jusqu'à son dernier rabat, mais l'argent recueilli n'était
rien en comparaison des dettes. C'est ainsi que paya ses dettes
le grossier personnage qui était chargé des hautes oeuvres de
Morlot-Darboy.
Ces deux Dijonnais, nonnette et moutarde, n'en faisaient
vraiment qu'un. Peut-être que la nonnette se serait contentée
de ce qui avait été fait contre moi; mais la moutarde ne
trouva pas que ce fut assez piquant.
Donc, un beau jour je reçus de la préfecture de police un
petit papier qui m'indiquait un rendez-vous dans cette hor-
rible maison où je n'avais jamais mis le pied. L'employé qui
me reçut me dit en rougissa?it : « Monsieur l'abbé, nous avons
reçu de l'archevêché de Paris une note dans laquelle on nous
prie de vous appliquer la loi sur les ouvriers sa?is ouvrage
et de vous expulser de Paris ».
Je dois rendre justice à l'employé de la préfecture de police;
je voyais bien que c'était malgré lui qu'il faisait la honteuse
commission dont il avait été chargé. Je lui répondis : « Ayez
la bonté, Monsieur, d'écrire à messire l'archevêque que je ne
suis pas un ouvrier, que l'ouvrage ne me manque pas, que je ne
lui ai jamais rien demandé, que je ne lui demanderai jamais
rien. Si je le gêne à Paris, il peut lui-même se retirer ;
personne n'y perdra rien. Quant à la préfecture, je lui déclare
que je n'obéirai pas à ses injonctions ». Là-dessus je me
retirai.
— 340 —
Je prévis bien que l'archevêché ne s'arrêterait pas en si beau
chemin. Je pris mes précautions. J'achetai une petite maison
dans les environs de Paris, je m'y installai, et je conservai
quelques obligations de chemins de fer.
A peine avais-je pris ces dispositions, que je reçus un nou-
veau papier de la préfecture. Je me rendis de nouveau dans
l'horrible maison où l'on me dit que l'archevêché insistait et
que je devais quitter Paris dans les vingt-quatre heures. Je
me mis à rire et je répondis : « C'est toujours en vertu de la
loi sur les ouvriers sans ouvrage?— Oui, me répondit-on.
— Vous écrirez, répondis-je, à messire Morlot, que M. l'abbé
Guettée n'est pas un ouvrier, quoique je travaille plus que lui
et les siens ; vous ajouterez que je suis propriétaire, que je suis
logé dans une maison m'appartenant, ce que lui et les siens
ne pourraient pas dire; vous direz encore que je suis rentier,
et que si mes rentes ne sont pas aussi grosses que les pensions
qu'il reçoit sans les gagner, elles sont bien à moi; enfin vous
écrirez à messire Morlot que je suis homme de lettres, titre
qu'il n'a jamais pu obtenir, et que je travaillerai encore à
Paris pour la bonne cause qui m'attire les persécutions des
ignorants et des hypocrites. Quant à la préfecture de police,
je la préviens qu'elle aura à m'expulser par la force de ma
maison. —Pourriez-vous,Monsieur l'abbé, médit l'employé,
me communiquer l'acte de propriété de votre maison? —
Parfaitement, monsieur». Je l'avais apporté avec moi. Après
avoir jeté un coup d'oeil sur cette pièce, il me dit : « Mon-
sieur l'abbé, vous pourrez rester tranquille chez vous. La
préfecture n'a plus à s'occuper des sollicitations de l'archevê-
ché. En effet, la nonnette et la moutarde furent obligés de
subir mon séjour à Paris. La moutarde y reviendra, quand
elle aura coiffé la mitre de la nonnette.
Morlot laissa sans doute à Darboy les relations avec la
préfecture. Il avait bien-autre chose à faire. Chaque jour l'ar-
— 341 —
chevêche était rempli de dames qui gouvernaient le diocèse
de Paris. M. Buquet, premier vicaire général, était humilié
de voir toutes ces crinolines, comme il disait, papillonner
autour de l'archevêque et faire nommer leurs préférés, aux
places les plus importantes.
Un premier vicaire, fort respectable, et déjà vieux, voyant
une foule de jeunes gens investis de places supérieures à la
sienne, alla un jour trouver M. Buquet pour savoir si l'on
avait quelque chose à lui reprocher, puisqu'on ne lui donnait
aucun avancement. M. Buquet lui répondit : « Mon cher
abbé, on n'a rien à vous reprocher ; vous êtes un prêtre
instruit et respectable. Mais que voulez-vous? Les vicaires
généraux ne dirigent pas le diocèse sous la nouvelle adminis-
tration ». Après un moment de silence, il ajoua : « Connais-
sez-vous une belle crinoline! » Le prêtre répondit : « Je ne
comprends pas ce que vous voulez me dire. — Mon cher
abbé, ajouta M. Buquet, ce sont les femmes qui font le choix
des ecclésiastiques. Si vous connaissez une femme belle et
aimable, priez-la de vous recommander à l'archevêque et vous
réussirez. Par moi, vous n'aurez aucun succès ».
Telle était l'administration de Morlot, qui ne s'occupait
que des belles crinolines et laissait à Darboy les vilaines
besognes.
XI
« WLADIMIR GUETTÉE,
« Docteur en théologie. »
« MONSIEUR LE.PRÉFET,
« Docteur en-théologie. »
« MONSIEUR L'ABBÉ,
« VINOY. »
«. MONSIEUR,
« Le Préfet de la Seine,
« Pour le Préfet et par autorisation : '
« Le Secrétaire général de la préfecture,
« E. TAMBOUR.,»:
— 384 —
(c
MONSIEUR LE GRAND CHANCELIER,
« W. GUETTÉE,
« MONSIEUR LE MINISTRE,
« W. GUETTÉE,
«Docteur en théologie, commandeur de l'Ordre
impérial-royal de Sainte-Anne de Russie. »
« MONSIEUR LE PRÉFET,.
« J'ai reçu votre lettre datée d'hier, 21, et dans laquelle vous
me dites que vous ne pouvez me communiquer officiellement
— 388 —
-
les motifs qui ont déterminé le conseil de l'ordre de la Légion
d'honneur à me refuser l'autorisation de porter les insignes de
la décoration de Sainte-Anne de Russie.
« Votre raison c'est, que, « dans cette circonstance, vous
« Chancellerie. »
« MONSIEUR L'ABBÉ,
cause ;
« Condamne Blazeix et Privât, tous deux es noms, aux
dépens envers l'abbé Guettée ;
« Condamne Privât aux dépens de sa demande en garantie
contre Blazeix. »
J'aurais pu déférer mes calomniateurs au tribunal correc-
tionnel qui les aurait sans doute condamnés à l'amende ou à
la prison. C'est à la demande de mon avocat que je les déférai
seulement au tribunal civil ; il me disait que le procédé était
plus honorable.
Il y avait parmi les pièces lues au tribunal, une lettre éma-
nant de l'archevêché de Paris et qui, sur ma demande, m'avait
été adressée pour la circonstance. Dans cette lettre, on déclare
positivement et formellement que je ne suis pas interdit. Il
parut si clair au tribunal que je n'avais pas encouru cette
flétrissure, et les pièces imprimées qui lui étaient fournies en
contenaient la preuve si évidente, qu'il n'hésita pas à juger
que mes adversaires n'avaient pu me diffamer sans mau-
vaise foi.
Le jugement de la première chambre du tribunal civil de
la Seine, publié par les journaux judiciaires, fut reproduit
par un très grand nombre d'autres journaux. Il est donc
notoire que je n'ai jamais encouru la plus légère condamna-
tion de la part de l'autorité ecclésiastique.
Lès pièces imprimées transmises au tribunal étaient mon
acte d'appel contre Morlot et mon Mémoire à consulter. Il
- - 398
digne d'eux ; ils étaient gallicans sous Mgr Fabre des Essarts ;
ils devinrent tout à coup ultramontains exagérés sous le sieur
Pallu, et condamnèrent, dans YHistoire de l'Eglise de
France ce que Mgr Fabre des Essarts avait approuvé. Leur
mauvaise marchandisefut couverte par le pavillon d'une mitre
épiscopale;
Le sieur Pallu se gonfla ; prit à mon égard un grand air
d'autorité scientifique et m'écrivit une lettre dont on fit
plusieurs copies à l'adresse des chefs de la secte ultramon-
taine;
Cette secte s'organisait alors sous la haute protection de la
(l'é?) curie papale. De pauvres sires comme Thomas Gousset,
archevêque de Reims, et Guéranger, dominaient l'Église de
France; la plupart des évêques subissaient leur joug;
La secte me dénonça à Rome en s'appuyant sur la lettre
ignare du sieur Pallu, et la Congrégation de l'Index mit sut-
la liste des livres prohibés un ouvrage qui m'avait mérité
l'approbation de la plus grande partie des évêques de France.
C'estjjainsi que, dans cette fameuse Eglise romaine, qui a
tant de prétentions si mal justifiées, on a traité un prêtre que
l'on considérait comme savant et honorable.
Malgré mes démarches pour connaître ce que l'on avait à
reprocher à mon livre, je ne pus rien savoir que ce qui était
contenu dans la lettre du sieur Pallu. Que me reprochait-on
dans cette lettre? Des opinions qui avaient été toujours sou-
tenues par cette grande Église de France, que les papes eux-
mêmes étaient obligés de proclamer la plus belle province du
royaume de Jésus-Christ.
Un archevêque de Paris, M. Sibour, prit quelque temps
ma défense contre la coterie ultramontaine. Obsédé par le
sieur Pallu et ses amis, il me trahit, et je restai sans appui
contre un parti qui ne reculait devant aucune injustice, et
qui m'était d'autant plus hostile qu'il ne pouvait répondre
— 4o9 —
11,
naire avec bonheur ............
Mes relations avec le père Fantin, jésuite. — Je quitte le sémi-
— —
Dijon contre M. Rey, premier évêque nommé par Louis-
Philippe. — M. Morlot abandonna ses beaux principes poli-
tiques, mais resta fidèle au beau sexe. — Ses amours ëpisco-
pales à Orléans.
— Il devient archevêque de Tours et
cardinal. — Réunion épiscopale en 1848. — Il est nommé
archevêque de Paris. -—• M. Buquet, premier vicaire-général,
l'engage à réparer l'injustice de M. Sibour à mon égard.
— II
engage l'Ami de la Religion à m'attaquer à propos de jansé-
nisme. — Il engage égalementl'abbé Lavigerie à m'attaquer
dans son cours de Sorbonne. — L'abbé Sisson, directeur de ~~
l'Ami de la Religion, avoue que son journal est battu. —
II me demande la paix au nom de l'archevêque. Promesses
—
— :
de Morlot. — Comment il les tient. — L'abbé Lavigerie battu;
— Il est obligé d'abandonner son cours sur le jansénisme.
— Quelques détails sur ce cours. — L'archevêque veut venger
l'Ami de la Religion et.l'abbé Lavigerie. Il entreprend de
—
me faire chasser de Paris par police. —La loi sur les
la
ouvriers sans ouvrage^ — Je me moque de ses intrigues.
—
— 420 —
PAGES
Tout ce que fit Morlot contre moi était dirigé par Darboy. —
Morlot passait son temps avec les Belles crinolines. — Petite
historiette 255
XL — La Sacrée-Congrégation de l'Institut de France. — M. de
Salvandy reconnaît que j'ai mérité le prix Gobert. — Pour-
quoi l'Institut ne peut me l'accorder. — Singulière théorie
historique de M. de Salvandy. — La Sacrée-Congrégationdu
Palais de Justice. — Le testament de mon ami Parent du
Châtelet reconnu légal excepté en ce qui me concerne. —
Pourquoi. — Juges et héritiers me doivent solidairement cinq
mille francs et les intérêts. — Je n'ai aucun mérite en aban-
donnant le tout aux pauvres. — M. le procureur impérial
essaie de me faire peur. — Darboy, archevêque de Paris, ne
veut pas que je prenne le titre d'abbé. •— Je me moque de
l'archevêque et de son procureur.— Je n'ai jamais été interdit.
— Que signifie ce mot. — Les journaux cléricaux me l'infli-
gent à propos d'une brochure qui n'est pas de moi. — Je les
poursuis. — Par extraordinaire le tribunal me rend justice
grâce au premier président Bénoît-Champy, — L'archevêché
lui-même déclare que je n'ai jamais été interdit 343
XII. — Comment je fis la connaissancede M. l'archiprêtre Joseph
Wassilieff. — L'intermédiaire entre nous fut M. Serge
Souchkoff. — Circonvenu par les jésuites, M. S. Souchkoff
s'adresse à M. J. Wassilieff, qui lui communique l'Obser-
vateur catholique. — M. S. Souchkoff me fait visite et
m'engage à voir M. J. Wassilieff. — Je fais visite à M. l'archi-
prêtre. — Notre conversation théologique. — Nos relations
deviennent plus fréquentes. — Fondation de l'Union chré-
tienne. — Mgr Léontius vient à Paris consacrer la nouvelle
église russe orthodoxe. — Mes rapports avec lui. — Je suis
admis à titre de prêtre dans l'Eglise orthodoxe de Russie. •—
Je publie la Papauté schismatique pour prouver qu'en
entrant dans l'Eglise orthodoxe je restais fidèle aux grands
principes catholiques orthodoxes et que je ne quittais que le
schisme papal. — Mon ouvrage est mis à l'index. — Curieuse
coïncidence. — Une lettre approbative du patriarche de
Constantinople m'arrive le jour même où j'apprends que
Rome m'a censuré. — J'entre en lutte contre les ennemis de
l'orthodoxie. — Question de l'autorité spirituelle de l'empe-
reur de Russie. — Lettres à l'évêque de Nantes signées par
M. J. Wassilieff. — La thèse de l'abbé Tilloy.— Il s'éclipse de
lalutte, — Réfutation des pseudo-Russes Gagarin, A. Galitzine.
— Ignobles pamphlets de Nicolas
Galitzine. — Il s'esquive de
Paris dans la crainte que je le fasse arrêter. — La flèche du
Parthe; elle ne m'atteint pas. — Le père Tondini, réfuta-
tion de ses ouvrages.,— Il cherche à faire supprimer l'Union
— 421 —
PAGES
chrétienne. — Mes principes sur l'union des Eglises. — On
oppose à mes principes des persécutions ridicules. — Ils sont
vainqueurs . 353 .
XIII. — Mémoire à l'empereur Napoléon III pour le rétablisse-
ment de l'Eglise gallicane. — h'Exposition de la doctrine de
l'Eglise orthodoxe. — Les politesses des gentilshommes de
l'Union (ci-devant monarchique) à cette occasion. — Leur
gentilhommerie courbe la tête et s'exécute. — Importance de
mon petit ouvrage. — Sa Majesté l'impératrice Maria-Alexan-
drowna en accepte la dédicace.— Il fait son chemin et beau-
coup de bien. — S. M. Alexandre II encourage mes travaux.
— Je reçois la croix de Sainte-Anne de seconde classe^ —
La chancellerie de la Légion d'honneur se transforme en
Sacrée-Congrégation et me refuse le droit de porter les insi-
gnes de la décoration. — Ma correspondance avec le clérical
Vinoy, transformé en révérend père de la Congrégation. —^
Rapport de l'archevêché. — Les trois mensonges de Guibert.
— Le clérical Vinoy meurt et est remplacé par l'honorable
général Faidherbe. — Je sollicite une nouvelle enquête. —
Elle m'est accordée. — On me reconnaît le droit de porter
les insignes de ma décoration et la première enquête est
.annulée. — Je deviens par occasion rédacteur de l'Univers
sans qu'il s'en doute. — M. Dupanloup, mis en cause par le
D1' Lefort, ne répond rien. — Quelques notes sur cet évêque.
— L'Univers répond peu de chose au Dr Lefort — Il s'agis-
sait de l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie. — Le
D1' Lefort en accuse un patriarche orthodoxe. — Je confonds
le Dr Lefort dans les colonnes de l'Univers. — Singuliers
procédés des journaux Le Temps et le XIXe Siècle. —
L'Univers, grâce à moi, a le beau rôle. — Il me fait de jolis
compliments qu'il ne m'aurait pas adressés s'il m'eut connu.
—: Continuation de mes travaux orthodoxes. — L'Histoire de
l'Eglise. — Caractère de ce grand ouvrage dans lequel je
résume les études de toute ma vie. — Parallèl.e_.entre cet
ouvrage et les prétendues histoires soit papistes soit protes-
tantes. — Que Dieu me prête vie pour arriver'à mon but !_._'.\ 373
XIV. — Résumé de mes Souvenirs.
. .
./ --.', \
•:-. 407
Bruxelles. — Imp. V Monnom, rue de l'Industrie, 28.