Cours 3

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3.2.

PARTICULE CHARGÉE DANS UN CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 163

Reference r
Ddm r= iA r

connexion

Fibre
Fm
t

dm
m m+dm
Espace−temps M x,y,z

Figure 3.2.6  Le potentiel électromagnétique A exprime comment la section de référence


r s'écarte du transport parallèle (ou connexion).

donc pas de signication physique. Mais en utilisant cette section de référence, la dérivée
covariante se décompose en deux termes, d'après
8 la gure 3.2.7 :

Dδm s = Dδm (ψr) = ((dψ)δm + iAδm ψ(m)) r


Chacun de ces deux termes dépend du choix de r mais la somme n'en dépend pas.
∂ ∂ ∂ ∂
Ainsi en prenant pour δm tour à tour les quatre vecteurs tangents δm = ∂x , ∂y , ∂z , ∂t ,
d'un référentiel donné, la dérivée covariante s'écrit
 

D∂/∂x s = (dψ)∂/∂x + iA∂/∂x ψ  r


 
| {z }
Dx ψ

avec la dérivée covariante de la fonction d'onde (déjà introduite plus haut) :


 
∂ qAx
Dx ψ = (dψ)∂/∂x + iA∂/∂x ψ = −i ψ
∂x ~
à condition de poser :

qAx qAy qAz qU


A∂/∂x = − , A∂/∂y = − , A∂/∂z = − , A∂/∂t = ,
~ ~ ~ ~
(on fait de même pour Dy , Dz , Dt ).
8. Cette relation s'écrit aussi D (ψr) = (dψ) r + ψ D(r), et s'appelle la règle de Leibnitz. Elle sert de
dénition à la dérivée covariante dans les ouvrages de géométrie.
164 CHAPITRE 3. UNE PARTICULE À 3 DIMENSIONS SANS SPIN

s(m)
Reference ψ .r
ψ Ddm r=ψ iA r
d ψ.r
connexion
Ddm s=(d ψ) dm.r + ψ
D dm
r
Fibre section
Fm
t

dm
m m+dm
Espace−temps M x,y,z

Figure 3.2.7  Décomposition de la dérivée covariante, en utilisant la section de référence


ψm r (ici ψm est une constante).

Le tenseur électromagnétique et la courbure F : Montrons que la courbure F


dénie ci-dessus s'identie avec le tenseur électromagnétique F de l'électromagnétisme.
Considérons l'exemple où l'on choisit les deux vecteurs déplacements selon des axes du
référentiel :δm1 = ∂/∂x et δm2 = ∂/∂y . On calcule :

F(∂/∂x,∂/∂y) = i (∂x Ay − ∂y Ax ) r
iq
= − Fx,y r
~
avec le tenseur électromagnétique Fx,y = (∂x Ay − ∂y Ax ) etc.. pour les autres composantes.

Démonstration. D'après la gure

F(∂/∂x,∂/∂y) = Dx Dy r − Dy Dx r

or d'après la règle de Leibnitz

Dx Dy r = Dx (iAy r) = i (∂x Ay ) r + iAy (Dx r)


= i (∂x Ay ) r + iAy iAx r

donc

F(∂/∂x,∂/∂y) = Dx Dy r − Dy Dx r
= i (∂x Ay − ∂y Ax ) r
3.2. PARTICULE CHARGÉE DANS UN CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 165

Eet d'un changement de Jauge : Si on change de choix de section de référence en


posant

r0 (m) = e−iqχ(m)/~ r(m)

avec m → χ (m) fonction réelle, alors par dénition on doit écrire

s(m) = ψ(m)r(m) = ψ 0 (m)r0 (m) = ψ 0 (m)e−iqχ(m)/~ r(m)

la valeur de ψ 0 (m) est donc changée par une phase :

qχ(m)
ψ 0 (m) = ei ~ ψ (m)
 
comme sur la relation (3.2.7). De même la valeur de A= q ~ U
−A, change selon :
~

~0 = A
A ~ χ,
~ + grad U 0 = U − ∂t χ

comme les formules de transformation de Jauge (3.2.3).

Démonstration. Utilisant la règle de Leibnitz

Dx r0 = Dx e−iqχ/~ r


= ∂x e−iqχ/~ r + e−iqχ/~ Dx r


iq
= − (∂x χ) e−iqχ/~ r + e−iqχ/~ iAx r
~ q 
= i − (∂x χ) + Ax e−iqχ/~ r
~

Par ailleurs

Dx r0 = iA0x r0 = iA0x r0 = iA0x e−iqχ/~ r

Par identication on déduit


q
A0x = Ax − (∂x χ)
~
donnant

A0x = Ax + ∂x χ

etc... pour les autres composantes y, z, t soit

~0 = A
A ~ χ,
~ + grad U 0 = U − ∂t χ
166 CHAPITRE 3. UNE PARTICULE À 3 DIMENSIONS SANS SPIN

Résumé
◦ En théorie de Jauge de l'électromagnétisme, la particule quantique est une section
d'un bré vectoriel sur l'espace-temps.
◦ Le champ électromagnétique est décrit par une connexion de ce bré. La courbure
du bré qui représente l'holonomie innitésimale exprime la présence de champs
électrique et magnétique (c'est le tenseur Fµν ).
◦ L'équation d'évolution de Schrödinger fait intervenir la dérivée covariante qui ex-
prime l'écart que fait la section avec la connexion du bré.
◦ Un choix de Jauge est le choix d'un repère dans chacune des bres, et permet
d'obtenir des expressions en terme de fonction numériques (et champs de tenseur).
Mais ces expressions dépendent de ce choix.

3.2.4.7 Généralisation : Théories de Jauge de Yang-Mills

Il est facile de généraliser la description précédente en considérant d'autres espace -


brés vectoriels de dimension plus grande. Cette simple généralisation permet de décrire les
autres théories de Jauges de la nature que sont la force électro-faible (force électroma-
gnétique et force nucléaire faible) et la force nucléaire forte, aussi appelée théorie de
la Chromo-dynamique. La force électro-faible nécessite la notion de Champs de Higgs,
et la brisure spontanée de symétrie. Pour simplier, nous esquisserons ici seulement la
Chromo-Dynamique.
La théorie de la Chromodynamique permet de décrire les quarks (qui sont les champs
quantiques de matière ; leur fonction d'onde sera la section d'un bré) qui subissent l'eet
d'un champ de Jauge qui est le champ de gluons (ce sera la connexion du bré). Tous
ces objets là se trouvent dans les noyaux nucléaires, les protons et les neutrons et forment
l'essentiel de ceux ci.
Dans la théorie de Jauge Chromo-dynamique chaque bre Fm
est maintenant un espace
3
de dimension complexe 3. Ainsi chaque bre est isomorphe à C , mais il n'y a pas
3
de repère privilégié, et donc une invariance par les rotations dans C qui sont représentées
justement par le groupe SU(3) (matrices 3×3 complexes unitaires de déterminant 1,
voir [Fau10b]).
On peut reprendre la description précédente sans diculté (les formules sont les mêmes)
et voici les modications majeures :
◦ Une section de référence (ou choix de Jauge) r (m) ∈ Fm est maintenant un repère
avec trois vecteurs de base, appelés Rouge-Vert-Bleu (par analogie lointaine avec
la perception de la lumière par les humains possédant trois types de recepteurs).
Chaque bre Fm de dimension 3 est appelée  espace des couleurs.
◦ Une section du bré est une fonction d'onde de quarks. Par rapport à une section
de référence (choix de Jauge) cette section est représentée par 3 fonctions d'ondes
(ψRouge , ψV ert , ψBleu ) appelées les trois couleurs des quarks. (Bien sûr, un autre
choix de Jauge mélange ces couleurs, qui sont donc arbitraires.).
◦ La courbure de la connexion F est une rotation innitésimale dans la bre Fm de
dimension 3 ; par conséquent cette courbure est un générateur du groupe SU(3).
3.2. PARTICULE CHARGÉE DANS UN CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 167

Comme ce groupe est de dimension 8 cela signie que exprimé par rapport à une
section de référence, la courbure F est un champ à 8 composantes. Ce sont les
8 champs de gluons 9
possibles . Attention que ces 8 composantes dépendent du
choix de Jauge.
◦ L'équation de Schrödinger s'écrira de la même manière, en faisant intervenir la
dérivée covariante.

En fait, pour que la théorie de la Chromo-dynamique ait une utilité par rapport aux
expériences, il est nécessaire d'apporter deux améliorations par rapport à la description
donnée ici :

1. Considérer la version relativiste. En eet les quarks sont légers (mq c2 ' 5
MeV) et toujours en régime ultra-relativiste dans le noyaux nucléaire. L'essentielle
de leur énergie E est sous forme d'énergie cinétique Ec . Un proton au repos (ou
un neutron) étant constitué de trois quarks, son énergie est l'énergie totale de ces
2
quarks et d'après E = mp c = 934MeV la masse (virtuelle) du proton provient
essentiellement de l'énergie cinétique des trois quarks (u,u,d) (ou (u,d,d) pour le
neutron) et des gluons. La matière ordinaire de notre monde de tous les jours est
donc virtuelle et faite d'énergie cinétique en quasi-totalité.

2. Les quarks inuencent les gluons, et il est donc important de quantier le champ
de gluons (d'après une remarque de la section suivante. Cela consiste à quantier
la connexion...ce qui n'est pas une chose aisée. De nombreux physiciens et mathé-
maticiens cherchent encore une formulation élégante et géométrique de cela. Lire
l'article de E. Witten 2007 (disponible sur la page web [Faua]). La résolution de ce
problème n'est pas connue et est considérée à ce jour comme un des plus grand dés
pour la physique et les mathématiques. (ref : wikipedia).

9. Exercice de mathématique : Plus généralement, montrer que le groupe de matrice SU (n) agissant
dans Cn est de dimension n2 − 1. Ainsi dim (SU (3)) = 9 − 1 = 8.
Solution :
Si l'on écrit une matrice n × n, M ∈ SU (n) sous la forme M = eiG (on appelle G le générateur), alors
la contrainte M unitaire s'écrit

+
M + = M −1 ⇔ e−iG = e−iG ⇔ G+ = G

et la contrainte que det (M ) =1 s'écrit

det (M ) = eiTr(G) = 1 ⇔ Tr (G) = 0

Par conséquent il sut de compter la dimension des matrices G hermitiques (Gji = Gij ) et de trace nulle
P
( i Gii = 0). Pour une telle matrice il y a n (n − 1) /2 éléménts complexes indépendants Gij hors de la
diagonale i 6= j , soit n (n − 1) variables réelles, et n éléments réels Gii indépendants sur la diagonale moins
la contrainte de trace nulle, soit

dim (SU (n)) = n (n − 1) + n − 1 = n2 − 1


168 CHAPITRE 3. UNE PARTICULE À 3 DIMENSIONS SANS SPIN

3.2.5 Remarque importante sur la nécessité d'une théorie quan-


tique du champ électromagnétique

Le Hamiltonien (3.2.4) décrit la dynamique d'une particule quantique sous l'inuence


d'un champ électromagnétique classique dit extérieur. Il est très important de comprendre
qu'il n'est pas possible de décrire l'action inverse i.e. l'inuence de la particule quantique
sur le champ classique, bien que cette inuence réciproque est bien présente dans la na-
ture. Nous allons montrer que pour le faire il est nécessaire de considérer le champ
électromagnétique comme quantique .
Ceci est très général : on peut parfaitement avoir un modèle physique cohérent décrivant
l'inuence d'un sous système classique sur un sous-système quantique, mais pas l'inverse.
On peut bien sûr avoir un modèle cohérent décrivant l'interaction entre deux systèmes
classiques (par exemple l'électrodynamique classique, qui décrit un champ classique avec
des particules chargées classiques), ou entre deux systèmes quantiques. L'exemple suivant
explique simplement pourquoi.
En électrodynamique classique, un électron accéléré émet une onde électromagnétique
(rayonnement), issue du lieu x où l'électron est présent.
Si maintenant, cet électron est une fonction d'onde quantique localisée en x1 (toujours
accéléré) notée |x1 > on s'attend à ce qu'il émette une onde électromagnétique issue de
x1 notée |em1 >, le résultat serait alors |x1 > ⊗|em1 >. De même si l'électron est en
|x2 >, on obtient |x2 > ⊗|em2 >. Mais la mécanique quantique de l'électron permet un
état superposé comme |ψ >= |x1 > +|x2 >, (où l'onde de l'électron est dé-localisée) et qui
d'après le principe de superposition, devrait donner :

|etat f inal >= |x1 > ⊗|em1 > +|x2 > ⊗|em2 >

c'est à dire une superposition de deux ondes électromagnétique, ce qui ne rentre pas dans
le cadre de l'électromagnétisme classique, mais nécessite bien une description quantique.

Champ
rayonné

|em 1 > |em 2 >

Particule |x 1> |x 2>

Figure 3.2.8  Schéma montrant l'état |etat f inal >= |x1 > ⊗|em1 > +|x2 > ⊗|em2 >.
Cela est relié à une importante problématique qui date depuis les année 1920 et encore
actuelle qui est de rechercher la théorie quantique de la gravitation. C'est la même
situation que précédente, avec le champ de gravitation remplaçant le champ électroma-
gnétique. En eet la théorie d'Einstein de la relativité générale est une théorie classique,
3.3. (*) NIVEAUX DE LANDAU ET SPECTRE FRACTAL DE HOFSTADTER 169

qui décrit la dynamique du champ de gravitation classique (plus précisément le champ mé-
trique de l'espace-temps). Dans cette théorie classique, le champ de gravitation inuence la
matière et inversement la matière inuence le champ de gravitation. Par exemple le Soleil
émet un champ gravitationnel que ressent la Terre et détermine sa trajectoire circulaire au-
tour du Soleil. Mais la théorie quantique apparue dans les mêmes années, décrit la matière
comme quantique. Puisque celle-ci inuence le champ de gravitation, il faut donc selon
cette analyse une théorie quantique de la gravitation. La recherche d'une telle théorie est
toujours d'actualité. Les eorts les plus actifs en ce moments concernent la M-théorie et la
théorie des cordes. Ref : http://www.damtp.cam.ac.uk/user/gr/public/qg_ss.html.
Peut être que ces arguments sont trop naïfs, et que la physique connaitra un plus grand
bouleversement pour résoudre ces questions.

3.3 (*) Niveaux de Landau et spectre fractal de Hof-


stadter
Dans l'exercice suivant, on propose d'étudier des électrons bidimensionnels dans un
champ magnétique constant, avec un potentiel périodique.
◦ Sans potentiel, le spectre est simple : ce sont les niveaux de Landau.
◦ Avec le potentiel périodique, le spectre est fractal et a été étudié dans D. Hofstad-
ter, Energy levels and wave functions of Bloch electrons in rational and irrational
magnetic elds Phys.Rev.B 14 ,2239, (1976). Il est (partiellement) observé expéri-
mentalement dans : Albrecht et al. Evidence of the Hofstadter Fractal energy spec-
trum in the Quantized Hall Conductance  Phys.Rev.Lett. 86 ,147 (2001). Chercher
hofstadter buttery  dans Google.

Exercice 3.3.1. On considère des électrons libres, connés dans un plan (x, y) (entre deux
couches de semi-conducteurs). On impose un fort champ magnétique transverse, constant
et uniforme ~ = B e~z , B = 0.21 T esla.
B On suppose les électrons indépendants.
Bz
y

X x

De plus on suppose que dans ce plan, les électrons subissent un potentiel périodique
V (x, y) de période X = 0, 2µm, (respectivement en x, y ), qui est créé par des grilles élec-
trostatiques articielles.

~ = Ax = − 1 By, Ay = 1 Bx, Az = 0

1. Montrer que A 2 2
est une expression possible
 2
pour le potentiel vecteur. Écrire le Hamiltonien Ĥ = 1 ˆ ~
p~ − eA + V (x̂, ŷ) décri-
2m
170 CHAPITRE 3. UNE PARTICULE À 3 DIMENSIONS SANS SPIN

vant la dynamique d'un électron, à partir des opérateurs (x̂, p̂x , ŷ, p̂y ), (sans déve-
lopper).
 
(a) On propose d'eectuer le changement de variables suivant (x̂, p̂x , ŷ, p̂y ) → Q̂, P̂ , q̂, p̂ :

(
√1 px + eB

1
px − eB

Q= y

2  q = eBX 2
y 
~eB
√1
,
P = ~eB
py − eB
2
x p = − eBX1
py + eB2
x
 
Quelles sont les unités physiques de Q̂, P̂ , q̂, p̂ ? Calculer les commutateurs des
 
opérateurs Q̂, P̂ , q̂, p̂ deux à deux, pour vérier que ce sont bien des variables

canoniques ? On introduira une constante de Planck eective

~
~ef f =
eBX 2
2
Exprimer ~ef f à partir du ux φ = BX de B à travers la surface élémentaire
2
X et du  quantum de ux ou uxon φ0 = h/e ?
(b) En introduisant la fréquence cyclotron
 ω = eB/m  , donner l'expression de Ĥ en

fonction des nouveaux opérateurs Q̂, P̂ , q̂, p̂ , (~ω), X et ~ef f ?


(c) Dans le cas d'un potentiel nul, V = 0, donner l'expression des niveaux d'énergie
En de Ĥ , appelés niveaux de Landau, et donner leur multiplicité. Interpréta-
tion ?

(d) Dans le cas V quelconque, remarquer que H est périodique par rapport aux
variables (q, p). Donner l'expression des opérateurs de translations T̂q , T̂p qui
correspondent à cette périodicité et qui commutent donc avec Ĥ (Attention à
ne pas confondre ~ef f et ~).
h h ii
(e)
 B̂
En utilisant la relation de Glauber (e e = e
[ Â,B̂ ] B̂ Â
e e valable si Â, Â, B̂ =
h h ii h i
B̂, Â, B̂ = 0 ), exprimer T̂q T̂p à partir de T̂p T̂q ? Déduire que l'on a T̂q , T̂p =
0 si et seulement si
1
= N ∈ N : entier (3.3.1)
2π~ef f
2
Traduire cette condition en terme du ux φ = BX de B à travers la surface
2
élémentaire X , par rapport au quantum de ux φ0 = h/e ?
Application numérique : que vaut N pour les valeurs de B = 0, 21T esla et
X = 0, 2 µm, h = 6, 6.10−34 J.s., e = 1, 6.10−19 C ?
(f ) En supposant la condition (3.3.1) remplie, et en analogie avec la théorie de Bloch
pour les cristaux, déduire la nature du spectre de H?
(g) On suppose maintenant V faible mais non nul, et on s'intéresse au premier niveau
de Landau ; on supposera donc que les variables (Q, P ) sont gelées et seuls le
3.4. CONSEILS DE LECTURE 171

degré de liberté(q, p) subsiste. D'après ci-dessus une fonction d'onde stationnaire


ψ(q) est 1-périodique et sa transformée de Fourier ψ̃ (p) est aussi 1-périodique.
Montrer que l'espace de ces fonctions est de dimension N . Que devient donc le
premier niveau de Landau sous l'eet de la perturbation de V ?

(h) Une variation continue de la valeur du ux φ implique une variation continue de
la valeur de 1/(2π~ef f ) (parmi les nombres réels). En utilisant le fait que tout
nombre réel s'approche par un rationnel a/b ∈ Q, montrer comment on peut se
ramener à la condition (3.3.1), étudiée ci-dessus (Aide : il faut considérer une
cellule élémentaire diérente). Discuter alors l'allure fractale du spectre du pre-
mier niveau de Landau, obtenu numériquement sur la gure ci-dessous, appelée
papillon de Hofstadter 10 (pour V (x, y) = Cste (cos(x/X) + cos(y/X))).

E
E

1/5 1/4 1/3 1/2 2/3 3/4 1


1/5 1/4 1/3 2/3 3/4
1/2Flux magnetique −1 1Φ /Φ
−1 0
Flux magnetique Φ0 /Φ

3.4 Conseils de Lecture


◦ Sur l'invariance de Jauge : Cohen-Tannoudji [CBF], complément HIII .
◦ Niveaux de Landau : Cohen-Tannoudji [CBF], complément EV I .
◦ Eet Aharanov-Bohm : Sakuraï [J.J85], chapitre 2.6.
◦ Documents sur la page web du cours (Article de Witten).

Pour approfondir :
◦ L'aspect géométrique de l'électromagnétisme et des théorie de Jauge :
 Nakahara [Nak03].
 Notes de cours de M2. [Fau10a]

10. Ce spectre a été étudié dans D. Hofstadter, Energy levels and wave functions of Bloch electrons in
rational and irrational magnetic elds Phys.Rev.B 14 ,2239, (1976). Il est (partiellement) observé expé-
rimentalement dans : Albrecht et al. Evidence of the Hofstadter Fractal energy spectrum in the Quantized
Hall Conductance  Phys.Rev.Lett. 86 ,147 (2001). Chercher hofstadter buttery  dans Google.
172 CHAPITRE 3. UNE PARTICULE À 3 DIMENSIONS SANS SPIN
Chapitre 4
Particule de spin 1/2

Dans ce chapitre nous montrons comment décrire les degrés de liberté interne d'une
particule formés par son spin (moment angulaire intrinsèque).

Jusqu'à présent, l'état quantique d'une particule est décrite par sa fonction d'onde |ψ >.
2 3
Celle ci est vue comme un vecteur de l'espace de Hilbert H = L (R ) (qui est de dimension
innie).

Pour certaines particules (électron, neutron, protons,. . .voir plus loin) l'expérience montre
qu'elles possèdent un moment cinétique intrinsèque ~
s, appelé spin, et qu'il y a seule-
ment deux états de spin distincts. to spin signie tourner sur soi-même. Nous verrons
que c'est l'image que l'on peut se faire d'un électron. La direction du spin est la direction
de l'axe rotation.

Dans l'expérience de Stern-Gerlach un faisceau de particules neutres (comme le neu-


tron) toutes dans le même état initial, traverse un champ magnétique non homogène.
Le champ magnétique interagit avec le moment cinétique ~s de chaque particule, et par
conséquent la trajectoire de chaque particule est dééchie selon la valeur de son moment
cinétique intrinsèque ~s. On observe deux trajectoires distinctes à la sortie du dispositif,
correspondant à deux états de spin orientés parallèlement (ou anti-parallèlement) à l'axe
z , que l'on notera respectivement |+z >, |−z >.
Le détail sur l'interaction du spin avec le champ magnétique sera présenté dans la
section 4.9.

4.1 L'espace des états de spin

173
174 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

|+ z >
Faisceau

|− z >

Figure 4.0.1  Dispositif de Stern-Gerlach séparant les états de spin |+z > ou |−z > de
la particule.

Dénition 4.1.1. on part de deux principes à priori :


1. Tout d'abord le principe suggéré par l'expérience (et le formalisme quantique,
autorisant les superpositions d'états) que l'état de spin |s > de la particule est
décrit par un vecteur dans un espace vectoriel complexe noté Hspin qui est de
dimension deux , engendré par les deux états orthogonaux |+z i,|−z i. Ces deux
états correspondent à des spins hauts et bas parallèles à l'axe z . Autrement dit un
état de spin général est de la forme :

|si = a|+z i + b|−z i ∈ Hspin , a, b ∈ C (4.1.1)

2. Le deuxième principe est qu'il n'y a pas de direction privilégiée (dans l'uni-
vers).

Remarques :
◦ Pour relier cet état de spin |si = a|+z i + b|−z i à la mesure du spin selon l'axe z
dans l'appareil de Stern-Gerlach, gure 4.0.1, rappelons que le principe de la mesure
stipule que la probabilité d'observer la particule dans le faisceau supérieur sera alors
2 2 2 2
P+ = |h+hs|si
z |si|
= |a|2|a|+|b|2 et la probabilité P− = |h−hs|si
z |si|
= |a|2|b|+|b|2 de l'observer dans
le faisceau du bas. Après une détection, si la particule a été détectée dans le faisceau
du haut (par exemple), l'état de spin sera |si = |+z i.
◦ Le problème dans l'écriture (4.1.1) de l'état |s > ci-dessus, est que l'axe z semble
jouer un rôle privilégié, en contradiction avec le deuxième principe énoncé. Il nous
faudra trouver une description d'un état de spin sans faire référence à une direction
privilégiée.
◦ (*) Mathématiquement, la question précédente correspond à chercher une repré-
2
sentation projective du groupe de rotation SO(3) dans l'espace C . La théorie des
4.1. L'ESPACE DES ÉTATS DE SPIN 175

représentation montre qu'elle existe et est unique. Ce sera D1/2 .


◦ Une autre question qui se pose est que les états |+z >,|−z > correspondent à une
direction du moment cinétique particulière dans l'espace (haut et bas). Est-ce qu'il
en est de même pour l'état général |s >, (4.1.1) ? A quelle direction ~s correspond
t-il ? On répondra à cette question dans la section 4.4.
◦ La description quantique du spin est plus simple que la description de la fonction
d'onde car l'espace de Hilbert est ici de dimension 2 seulement. Par contre, l'inter-
prétation géométrique de cet espace est assez délicate, nous allons donc le faire de
façon progressive.
◦ Remarque très importante : lorsqu'il s'agit du spin 1/2 il est question de deux
espaces qui entrent en jeu et qu'il ne faut pas confondre : l'espace quantique du
spin Hspin dénit plus haut qui est un espace vectoriel complexe de dimension deux,
3
et l'espace ordinaire R qui est un espace réel de dimension 3 avec les variables de
position (x, y, z).
La première observation est que dans l'espace ordinaire, la représentation des états
|+z >, |−z > forme un angle de 180o entre eux, alors que dans l'espace de spin Hspin ,
o
ils sont orthogonaux, et forment donc un angle de 90 . Imaginons un état de spin
|sθ > intermédiaire, qui dans l'espace ordinaire, est l'état |+z > tourné de l'angle θ
autour de l'axe y. Ainsi |sθ=0 >= |+z > et |sθ=π >= |−z >. Par conséquent dans
l'espace de spin :    
θ θ
|sθ >= cos |+z > + sin |−z > (4.1.2)
2 2
décrit un état de spin quelconque dans le plan (x, z). Cela est clair sur la gure
4.1.1.
◦ L'état |sθ > que nous venons de construire s'obtient par l'action d'une rotation
d'un angle θ autour de l'axe y . On note R̂y (θ) l'opérateur unitaire qui eectue cette
opération et donc :
   
θ θ
|sθ >= R̂y (θ)|+z i = cos |+z i + sin |−z i
2 2

La rotation de l'état initial |−z i est de même (il est orthogonal au précédent) :
   
θ θ
R̂y (θ)|−z i = − sin |+z i + cos |−z i
2 2

En multipliant les équations précédentes par h±z | on obtient les éléments de matrice
h±z |R̂y (θ)|±z i de l'opérateur de rotation R̂y (θ) dans la base |±z i :

cos 2θ  − sin 2θ


   
R̂y (θ) ≡(base |±z >) (4.1.3)
sin 2θ cos 2θ

◦ Comme les rotations autour de l'axe y xé, vérient la relation de groupe R̂y (θ2 ) R̂y (θ1 ) =
R̂y (θ1 + θ2 ) (comme la fonction exponentielle) il est naturel de poser R̂y (θ) =
176 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

 
exp − ~i θŜy où Ŝy est une matrice 2×2 appelée générateur des rotations du

spin autour de l'axe


  y (ou opérateur de spin). On le calcule facilement d'après
d

dθ y
(θ) = − ~i Ŝy . Cela donne
θ=0
   
d ~ 0 −i
Ŝy = i~ R̂y (θ) = σy , σy :=
dθ θ=0 2 i 0

|+ z> θ/2
|+ z>
θ |s θ> |s θ>
y
x |− z>

|− z>

Espace ordinaire: R 3 Espace de Spin : C 2

Figure 4.1.1  Pour un spin dans le plan (x, z), l'espace ordinaire et l'espace de spin sont
directement reliés.

4.2 Rotation de 2π et 4π d'un spin


On observe sur la gure (4.1.1), que une rotation de (2π) change le signe du vecteur
dans l'espace de spin :
R̂y (2π)|+z >= −|+z >
Seulement une rotation de (4π) ramène l'état de spin à son état initial :

R̂y (4π)|+z >= |+z >

Plus généralement, d'après (4.1.3) on a

ˆ,
R̂y (2π) = −Id ˆ.
R̂y (4π) = Id

Ce signe (−) est assez surprenant. On peut penser au premier abord qu'il est non
détectable car une mesure détecte des probabilités, le module des amplitudes, et non pas
les phases. Mais on peut imaginer de séparer le faisceau en deux et de détecter les phases par
un phénomène d'interférences, comme sur la gure (4.2.1). Une interprétation géométrique
est de dire que l'espace de spin est un double recouvrement de l'espace des directions
de l'espace ordinaire. Ainsi une rotation de 2π ne sut pas à obtenir l'état initial, il faut
4π . Voir gure (4.2.2). Voir plus loin une discussion plus précise.
4.3. GÉNÉRATEURS DES ROTATIONS ET MATRICES DE ROTATION 177

Spin Flipper

− |+ z >

|+ z >
|+ z >

Amplitude nulle détectée

Figure 4.2.1  Le spin-ipper eectue une rotation de 2π ≡ 360o à la direction du spin.


Par conséquent à la sortie l'état est −|+z >, et au lieu d'interférence, l'amplitude est
|+z > −|+z >= 0.

Figure 4.2.2  Schéma du double recouvrement.

4.3 Générateurs des rotations et matrices de rotation


Les opérateurs de rotation R̂y (θ) autour de l'axe y forment un groupe à un paramètre
θ d'après les 3 critères (4.3.1) :

R̂y (θ1 )R̂y (θ2 ) = R̂y (θ1 + θ2 ) : loi de composition (4.3.1)

R̂y (0) = Id : élément neutre (4.3.2)


 −1
R̂y (θ) = R̂y (−θ) : inverse (4.3.3)

On notera de même R̂x (θ), R̂z (θ) les opérateurs de rotation autour des autres axes de
base x, z respectivement.

On peut considérer les générateurs correspondant à ces rotations comme pour eq(??) :
178 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

Dénition 4.3.1. L'opérateur de spin selon y noté respectivement Ŝy est le générateur

de l'opérateur de rotation R̂y (θ) c'est à dire :

 
−i
∀θ, R̂y (θ) = exp θŜy (4.3.4)
~

De même pour les autres axes :

   
−i −i
∀θ, R̂x (θ) = exp θŜx , R̂z (θ) = exp θŜz
~ ~

Remarque : de façon équivalente, on peut écrire l'équivalent de l'équation de Schrödin-


ger :

!
d|sθ > −iŜy
= |sθ >, avec |sθ >= R̂y (θ)|+z >
dθ ~

et de même avec les axes x, z .


4.3. GÉNÉRATEURS DES ROTATIONS ET MATRICES DE ROTATION 179

Proposition 4.3.2. Dans la base |±z i,


Les opérateurs Ŝx ,Ŝy ,Ŝz sont représenté par les matrices :

~
Ŝx,y,z ≡(base |±z >) σx,y,z ,
2
avec les matrices de Pauli :
     
0 1 0 −i 1 0
σx = , σy = , σz = (4.3.5)
1 0 i 0 0 −1

Les deux valeurs propres de chacun de ces opérateurs sont (±~/2). C'est
à dire que l'on a
 
~ ~
Ŝx |+x i = + |+x i, Ŝx |−x i = − |−x i, etc pour y, z
2 2

avec les vecteurs propres de Ŝx donnés par :

1 1
|+x i = √ (|+z i + |−z i) , |−x i = √ (|+z i − |−z i)
2 2

et ceux de Ŝy :

1 1
|+y i = √ (|+z i + i|−z i) , |−y i = √ (|+z i − i|−z i)
2 2

Remarques :
◦ Les vecteurs propres respectifs des opérateurs Ŝx , Ŝy , Ŝz correspondent à des états de
spins respect. parallèles aux axes x, y, z car ils qui sont invariants par ces rotations.
On note l'ensemble de ces trois opérateurs par un opérateur vectoriel :

~ˆ := Ŝx , Ŝy , Ŝz


 
S

◦ Les opérateurs autoadjoints Ŝx , Ŝy , Ŝz sont interprétés ici comme des générateurs
des opérateurs unitaires de rotation R̂x (θ), R̂y (θ), R̂z (θ). Mais comme remarqué page
(90), une autre interprétation est que ce sont des observables lors d'une opération
de mesure. Par exemple dans l'expérience de Stern-Gerlach ci-dessus, à cause de
l'orientation particulière du dispositif, la mesure est associée à l'observable Ŝz . Il y
a donc deux résultats possibles de la mesure que sont les états |+z > ou |−z >. Voir
TD.
180 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

Démonstration. (*)Commençons par le calcul de la matrice de Ŝy : dans la base |±z >, d'après
(4.3.4) et (4.1.2),
!
− 12 sin 2θ − 12 cos θ
     
dR̂y (θ) 2
~ 0 −i ~
Ŝy = i~ = i~ 1 θ = = σy
dθ 2 cos 2 − 21 sin θ
2 θ=0
2 i 0 2
θ=0
Ensuite il sut de diagonaliser cette matrice. Voir Section A.2.2 page 363. Les valeurs propres
sont les racines du polynôme caractéristique P (λ) = det(Ŝy − λI) = λ2 − (~/2)2 , donc λ = ±~/2.
On recherche maintenant le générateur Ŝz des rotations autour de l'axe z . Comme pour
Ŝy , ses valeurs propres sont (±~/2) (car il n'y a pas de direction privilégiée), et les vecteurs
propres sont |±z > car ils sont situés sur l'axe de rotation qui est xe. Donc la matrice de
Ŝz est diagonale dans cette base.
Cherchons nalement Ŝx . L'axe x est obtenu en faisant tourner l'axe y de (−π/2) autour de
l'axe z, donc

z
Rx(θ) Ry(θ)

|s > y
θ

Rz(−π/2)

x
Figure 4.3.1  Cette gure montre que |sθ >= R̂x (θ)|+z >= R̂z (− π2 )R̂y (θ)|+z >. (Mais
attention R̂x (θ) 6= R̂z (− π2 )R̂y (θ), à vérier sur l'état |+y >).
π π
Ŝx = R̂z (− )Ŝy R̂z (+ )
2 2
Or ! 
eiπ/4

π −iŜz (−π/2) 0
R̂z (− ) = exp =
2 ~ 0 e−iπ/4
Ainsi on obtient
   iπ/4    −iπ/4    
~ e 0 0 −i e 0 ~ 0 1
Ŝx = =
2 0 e−iπ/4 i 0 0 e+iπ/4 2 1 0

Exercice 4.3.3. Expression d'un état de spin |sθ,ϕ > général


Un état de spin |sθ,ϕ > associé à la direction (θ, ϕ) en coordonnées sphériques est obtenu
par :
|sθ,ϕ >= R̂z (ϕ) R̂y (θ) |+z >
Montrer que :
|sθ,ϕ >= e−iϕ/2 cos (θ/2) |+z > +eiϕ/2 sin (θ/2) |−z >
4.4. (*) REPRÉSENTATION DE L'ÉTAT DE SPIN SUR LA SPHÈRE DE BLOCH 181

Solution : D'après (4.1.2) on a


   
θ θ
R̂y (θ) |+z >= cos |+z i + sin |−z i
2 2
Et d'après !
Ŝz  ϕ
R̂z (ϕ) |±z i = exp −iϕ |±z i = exp − (±i) |±z i
~ 2
on a
R̂z (ϕ) R̂y (θ) |+z >= e−iϕ/2 cos (θ/2) |+z > +eiϕ/2 sin (θ/2) |−z >
Exercice 4.3.4. l'opérateur ~ 2
S
On considère l'opérateur
~ 2 = Ŝx2 + Ŝy2 + Ŝz2
S
Montrer que dans l'espace Hspin cet opérateur est multiple de l'identité :

~ 2 = ~2 3 Iˆ
S
4
2 2
(Aide : observer queσx = σy = σz2 = I ). Ce résultat sera obtenu en plus grande généralité
en section (6.3.6) page 255.

Solution : calculer avec les matrices ~ 2 = Ŝ 2 + Ŝ 2 + Ŝ 2 =


2×2, dans la base |±z >. Alors S x y z
~2
4
(3) Id.
Remarque (*) : On peut obtenir le résultat ~ 2 ∝ Id
S par des arguments de symétrie
(c'est le lemme de Schur, voir plus loin) : (1) ~ 2 est invariant par rotation, et
l'opérateur S
donc si S ~ 2 |ψ >= λ|ψ > est vecteur propre et |ψ 0 >= R̂|ψ >, alors S ~ 2 |ψ 0 >= S
~ 2 R̂|ψ >=
~ 2 |ψ >= λ|ψ 0 >. Or tout vecteur de Hspin s'obtient de cette façon.
R̂S

4.4 (*) Représentation de l'état de spin sur la sphère de


Bloch
La gure (4.1.1) montre la relation entre l'espace ordinaire R3 et l'espace de spin Hspin
lorsque le spin est dans le plan (x, z). Il y a une relation générale, pour n'importe qu'elle
direction du spin que voici.
Supposons donné un état de spin quelconque :

|s >= a|+z > +b|−z >∈ Hspin , a, b ∈ C

On dénit alors le vecteur ~s ∈ R3 par les valeurs moyennes de l'observable ~ˆ dans l'état
S
|s > :


D E
~s = S (4.4.1)
182 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

c'est à dire d'après (1.6.6) page 68 :


<s|Ŝx |s>
 sx =

 <s|s>
<s|Ŝy |s>
~s = sy = <s|s>


 s = <s|Ŝz |s>
z <s|s>

Propriété : ~s caractérise l'état quantique |si à une constante près (phase près
Le vecteur
si |si est normalisé). Plus précisement, le vecteur ~ s de l'espace ordinaire, en coordonnées
sphériques ~s = (θ, ϕ, k~sk), est relié aux composantes (a, b) de l'état |si dans l'espace de
Spin par :

~
k~sk = : norme xée
  2
a θ −iϕ
z= = cotg e ∈C: si b 6= 0 (4.4.2)
b 2

L'interprétation graphique de cette relation est que z = a/b est la projection stéréo-
graphique du vecteur ~
s, voir gure (4.4.1).
Il y a donc une relation bijective entre la direction du vecteur ~s, et l'état quantique
normalisé |s > (à une phase près).

sz
Sphère de la direction du spin
(rayon 1/2)
θ s
sy

ϕ
sx

Im(z)
z

Re(z)
Plan complexe z=a/b

Figure 4.4.1  Projection stéréographique relie le vecteur ~s = ~ˆ ∈ R3


D E
S et les compo-
2
santes (a, b) de l'état quantique |s >= a|+z > +b|−z >∈ Hspin ≡ C .

Remarques : La norme k~sk = ~2 n'est pas surprenante. La direction (θ, ϕ) du vecteur


~s, ne dépend que du quotient z = a/b ∈ C. Cela est attendu, car en général, le résultat
des valeurs moyenne ne change pas si on multiplie le vecteur par une constante complexe,
0
donc |s >= (a/b)|+z > +|−z >∈ Hspin donne le même résultat |si.
4.4. (*) REPRÉSENTATION DE L'ÉTAT DE SPIN SUR LA SPHÈRE DE BLOCH 183

~ˆ , mais ce n'est pas


D E
preuve : (TD) On pourrait calculer brutalement les valeurs moyennes S
nécessaire : on vérie d'abord dans le cas ϕ = 0, lorsque ~s est dans le plan (x, z). Cela correspond
à la gure (4.1.1). On obtient alors z = cotg(θ/2) sans calcul, en se référant à la gure (4.4.2).

s
θ/2 θ
|+ z > x
θ/2 θ/2
|s>

|− z> 1 z 1/2 z/2 z

Espace de spin Espace réel

Figure 4.4.2  Figure montrant que z = cotg(θ/2) pour la projection stéréographique.


Ensuite on obtient le cas général, en eectuant une rotation autour de l'axe z grâce à l'opéra-
teur R̂z (ϕ).

Exercice 4.4.1. Représentation d'un état de spin sur la sphère de Riemann


Cette représentation a pour but de montrer la relation entre l'état de spin 1/2 dans
2
l'espace quantique (C de dimension deux complexe), et sa représentation dans l'espace
3
ordinaire (x, y, z) ∈ R (de dimension 3 réel).

1. Soit un état de spin 1/2 quelconque noté :

|ψi = a|+z i + b|−z i

avec a, b ∈ C. Pourquoi peut-on dire que l'état physique de |ψi est caractérisé
seulement par le nombre complexe z = a/b ?
Sx |ψ> <ψ|Sy |ψ> <ψ|Sz |ψ>
sx = <ψ|hψ|ψi , sy = , sz =
b b b
2. Calculer les valeurs moyennes dans cet
hψ|ψi hψ|ψi
3
état, et les exprimer en fonction de z . On note ~ s = (sx , sy , sz ) ∈ R , et on montrera
que k~sk = 2 , donc que ~s est sur une sphère de rayon ~/2, appelée sphère de Bloch
~
1 2 2
(ou sphère de Riemann, ou P = P (C ) espace projectif de C ).

3. Inversement montrer que z = cotg (θ/2) e−iϕ , où (s, θ, ϕ) sont les coordonnées sphé-
riques du s = (sx , sy , sz ) ∈ R3 .
vecteur ~

4. Montrer que z est la coordonnée stéréographique


1 du point ~s = (sx , sy , sz ) sur la
sphère.

1. Si M est un point sur la sphère, On place le plan complexe C, sous la sphère, tangent au pôle sud.
On considère la droite passant par le pôle nord et M . Elle intersecte C au point z . On dit alors que z ∈ C
est la coordonnée stéréographique du point M . Voir lm1 de [LGA].
184 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

L'espace projectif CP 1 = P (C2 ) (*) L'association d'une sphère (ici sphère des vecteurs
~s) à partir d'un espace vectoriel de dimension deux (ici Hspin ) est générale et ne se limite pas
au cas du spin. Voici la construction générale dans le langage de la mécanique quantique.
Soit H un espace vectoriel (espace de Hilbert quantique) de dimension n. En terme
0
de mesure, il est impossible de distinguer le vecteur |ψ > du vecteur |ψ >= λ|ψ >
pour tout λ ∈ C. Pour cette raison, on appelle rayon quantique l'ensemble des vecteurs
proportionnels entre eux. Ainsi le rayon quantique de |ψ > (supposant ψ 6= 0), noté [ψ],
est :
[ψ] = {|ψ 0 >, tels que ∃λ ∈ C, |ψ 0 >= λ|ψ >} .
L'ensemble des rayons est appelé l'espace projectif de H, et est noté P (H).
Par construction, un rayon est une famille à une dimension complexe (obtenu en faisant
varier λ ∈ C),
et l'ensemble des rayons est donc un espace de dimension complexe n − 1,
(n−1)
donc de dimension réelle 2(n − 1), aussi noté CP .
2
Si H ≡ C est un espace à deux états, (comme le spin), le paragraphe précédent a
1 2 2
montré que l'espace projectif est une sphère. C'est à dire CP = P (C ) = S . Dans un
problème à deux états, il est souvent commode de représenter l'évolution quantique sur
cette sphère, aussi appelée sphère de Riemann ou sphère de Bloch.

4.5 Groupe SU(2) de rotation du spin, et relations de


commutation
4.5.1 Non commutativité du groupe et relations de commutation

Si on considère deux rotations diérentes autour d'axes diérents, par exemple R̂x (α)
et R̂y (β), alors en général le résultat de la combinaison de ces deux rotations dépend de
l'ordre avec lequel on les fait. En général :

R̂x (α) R̂y (β) 6= R̂y (β) R̂x (α)


Cela est évidenth sur l'exemplei de la gure 4.5.1. On dit que les deux opérateurs ne com-

mutent pas car R̂x (α), Ry (β) = R̂x (α)R̂y (β) − R̂y (β) R̂x (α) 6= 0.
−1 −1
Remarquer que Ry (β)Rx (α) 6= Rx (α)Ry (β) ⇔ Ry (β)Rx (α)Ry (β)Rx (α) 6= I . On va
−1 −1
donc calculer Ry Rx Ry Rx . Voir gure 4.5.2.
La relation suivante est importante. Elle montre que la non commutativité de ces rota-
tions est liée à la non commutativité de leur générateurs. Le résultat est général en théorie
des groupe.

Proposition 4.5.1. Pour des angles très petits α, β  1, on a

−1 −1 αβ h i
(Ry (β)) (Rx (α)) Ry (β) Rx (α) = I − 2 Ŝy , Ŝx + o(α2 , β 2 , αβ)
~
4.5. GROUPE SU(2) DE ROTATION DU SPIN, ET RELATIONS DE COMMUTATION185

z z
R1

x
Ry

Rx
y
y
R2
x

Figure 4.5.1  Cet exemple montre que les deux rotations suivantes sont diérentes :
R1 = Rx ( π2 )Ry ( π2 ) 6= R2 = Ry ( π2 )Rx ( π2 )

−1
Rx
−1
Ry
Ry

Résultat
Rx

Figure 4.5.2  Non commutativité : Ry−1 Rx−1 Ry Rx 6= I


186 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

Remarques :
◦ Cette dernière relation importante montre une signication des relations de com-
mutation en mécanique quantique : si les générateurs commutent, alors les éléments
du groupe commutent, et réciproquement. (C'est dans le cadre de l'interprétation
des opérateurs auto-adjoints comme générateurs).

Démonstration. Pour simplier les notations, on pose : A = −iŜx α/~, B = −iŜy β/~. On
a alors   1
R̂x (α) = exp −iŜx α/~ = exp (A) ' 1 + A + A2 + o(α2 )
2
 −1   1
R̂x (α) = exp −iŜx (−α) /~ = exp (−A) ' 1 − A + A2 + o(α2 )
2
et de même pour R̂y (β). Alors
  
1 2 1 2
Ry Rx = 1 + B + B 1+A+ A
2 2
1 2 1 2
= 1 + A + B + BA + A + B + . . .
2 2
1 1
Ry−1 Rx−1 = 1 − A − B + BA + A2 + B 2 + . . .
2 2
donc

Ry−1 Rx−1 Ry Rx = 1 − A + A − B + B − A2 − AB − BA − B 2 + BA + BA + A2 + B 2 + o(α2 , β 2 , αβ)


= 1 + BA − AB + . . . = 1 + [B, A] + . . .
αβ h i
= I − 2 Ŝy , Ŝx + o(α2 , β 2 , αβ)
~

Il est donc important de calculer les commutateurs entre les générateurs. On trouve :

Proposition 4.5.2. On a
h i
Ŝx , Ŝy = Ŝx Ŝy − Ŝy Ŝx = i~Ŝz (4.5.1)

h i
Ŝy , Ŝz = i~Ŝx ,
h i
Ŝz , Ŝx = i~Ŝy
4.5. GROUPE SU(2) DE ROTATION DU SPIN, ET RELATIONS DE COMMUTATION187

Démonstration. le calcul se fait avec les matrices, par exemple :


 2     2   
~ 0 1 0 −i ~ 0 −i 0 1
Ŝx Ŝy − Ŝy Ŝx ≡ −
2 1 0 i 0 2 i 0 1 0
 2  
~ 1 0
= 2i ≡ i~Ŝz
2 0 −1

Comme il n'y a pas d'axe privilégié, le résultat est identique en permutant les axes.

Remarque : Ainsi

αβ
Ry−1 (β)Rx−1 (α)Ry (β)Rx (α) = I + i Ŝz + o(α2 , β 2 , αβ) = Rz (−αβ) + o(α2 , β 2 , αβ)
~
qui s'interprète en disant que au premier ordre, la suite des opérations (innitésimales)
Ry−1 (β)Rx−1 (α)Ry (β)Rx (α) est équivalent à une rotation innitésimale d'un angle (−αβ)
autour de l'axe z .
Noter que nous avons établi ces résultats pour la rotation d'un spin quantique, mais
qu'ils sont valables aussi pour la rotation d'un objet solide en mécanique classique. La
diérence entre le groupe de rotation de spin (groupe SU(2)) et le groupe de rotation dans
R3 (groupe SO(3)) ne se percoit pas au niveau local ou innitésimal (où les deux groupes
sont isomorphes) mais globalement, comme l'a montré la section 4.2 (rotation de 2π ) ; voir
cours de math [Fau10b].

4.5.2 Rotation autour d'un axe ~u quelconque

Nous avons déni au dessus les opérateurs de rotation du spin et les générateurs autour
des axes x, y, z .

Proposition 4.5.3. Soit ~u = (ux , uy , uz ) ∈ R3 un vecteur unitaire (i.e de longueur 1)


correspondant une direction quelconque. On pose :

~ˆ = ux Ŝx + uy Ŝy + uz Ŝz ≡ ~ (~u.~σ )


Ŝ~u = ~u.S (4.5.2)
2
Soit un angle α∈R et !
−iŜ~u α
R̂~u (α) = exp (4.5.3)
~

est l'opérateur de rotation du spin d'un angle α autour de l'axe ~


R̂~u (α) u, et Ŝ~u
est le générateur de cette rotation.
188 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

Remarques :
◦ L'expression de R̂z (θ) ci-dessus est un cas particulier de cette formule avec ~u =
(0, 0, 1)
pointant vers l'axe z ; et de même pour les opérateurs R̂x (θ) et R̂y (θ)).
 +  
◦ L'opérateur Ŝ~
u = Ŝ~u est autoadjoint et de trace nulle : Tr Ŝ~ u = 0 (car
     
Tr Ŝx = Tr Ŝy = Tr Ŝz = 0). Donc R̂~u (α) est un operateur unitaire et de
  
A
déterminant 1 : det R̂~
u (α) = 1 (d'après la formule d'algèbre linéaire :det e =
eTr(A) ) dans un espace complexe de dim 2. On dit que c'est un élément du groupe
SU (2).

4.5.3 (*) Algèbre de Lie des rotations

Pour mieux comprendre ce qui précède, observer


 que les relations de commutation ci-
dessus (4.5.1), montrent que les trois générateurs Ŝx , Ŝy , Ŝz ne commutent pas, mais leur

commutateur est encore un de ces trois opérateurs. Comme déni page 103, cela signie que
ces trois opérateurs forment une base d'une algèbre de Lie de dimension 3, appelée algèbre
de Lie des rotations, notée R, formée par les combinaisons linéaires de la forme :

ˆ~
~ .S ~ = (Ux , Uy , Uz ) ∈ R3
ŜU~ = Ux Ŝx + Uy Ŝy + Uz Ŝz = U ∈ R, U
h i
et (4.5.1) nous assure que
1
ŜU~ , ŜV~ ∈ R pour tous ~ , V~ ∈ R3 .
U
i

Exercice 11. montrer que pour ~ , V~ ∈ R3 ,


U

1 h i
ŜU~ , ŜV~ = ŜU~ ∧V~
i~

4.5.4 (*) Groupe de Lie des rotations

En posant :

~ = α~u,
U ~ ,
α= U ~u unitaire

on peut écrire

   
i i
R̂U~ = exp − ŜU~ = exp − αŜ~u = R̂~u (α)
~ ~

qui est une rotation d'un angle α autour de l'axe ~u.


On a mentionné page 125, un résultat général : en prenant l'exponentielle des éléments
d'une algèbre de Lie d'opérateurs, on obtient un groupe de Lie. Ainsi, ici, les opérateurs de
rotation R̂~u (α) (pour diérentes valeurs de ~u, α) forment un groupe de Lie de dimension
4.5. GROUPE SU(2) DE ROTATION DU SPIN, ET RELATIONS DE COMMUTATION189

3, noté Rspin (ou encore Spin (R3 ) dans la littérature) :

R̂1 R̂2 = R̂3 : loi de composition interne


R̂~u (0) = Id : élément neutre
 −1
R̂~u (α) = R̂~u (−α) : rotation inverse

(la première relation signie la chose non triviale que la composition successive de deux
rotation est à nouveau une certaine rotation).
Pour spécier la rotation R̂~u (α),
il faut trois paramètres : la direction (θ, ϕ) de l'axe
~ = α~u ∈ R3 . Pour cela on dit que c'est un groupe
~u, et l'angle de rotation α, ou encore U
à trois paramètres continus, ou un groupe de Lie de dimension trois.

4.5.5 (*) Représentation des opérateurs de rotation dans une base :


groupe des matrices SU(2)
3
Nous allons montrer que le groupe de rotation du spin 1/2 noté Spin (R ) est identique
à un groupe de matrices appelé groupe SU(2).
Considérons un opérateur de rotation R̂ de spin 1/2, de la forme (4.5.3). Dans la base
(|+z i, |−z i), cet opérateur unitaire est représenté par une matrice unitaire 2×2 :
 
h+|R̂+i h+|R̂−i
M~u (α) =
h−|R̂+i h−|R̂−i
C'est une matrice complexe 2×2 de déterminant un, et unitaire.
Par dénition de telles matrices, forment un groupe appelé le groupe Spécial Unitaire
SU(2) :
SU (2) = M ∈ M at2 (C) / det (M ) = 1, M + = M −1


(on vérie facilement que cet ensemble forme un groupe avec la multiplication de matrices).
Inversement, à une matrice M ∈ SU (2), on associe un opérateur de rotation de spin R̂
par la même relation ci-dessus (voir preuve ci-dessous).
Ainsi le groupe des rotation du spin 1/2 exprimé dans une base orthonormée s'identie
au groupe de matrices SU(2).

Exercice 12. Rotation du spin et groupe SU(2)

1. Montrer qu'un générateur des rotations du spin 1/2 (i.e. élément de l'algèbre de Lie
~ ∈ R3 , s'exprime dans une base o.n. par une matrice hermitienne
Rspin ) ŜU~ , avec U
2 × 2 de trace nulle. Montrer inversement qu'une matrice hermitienne 2 × 2 de trace
nulle détermine un générateur ŜU ~.
2. Montrer que l'ensemble des matrices hermitienne 2 × 2 de trace nulle forme l'algèbre
de Lie su(2) du groupe SU (2) déni ci-dessus. Montrer que les matrices de Pauli
σx , σy , σz forment une base de cette algèbre su(2).
3. Grâce à l'application exponentielle, déduire que le groupe des rotations du spin 1/2,
Rspin , exprimé dans une base o.n., s'identie au groupe SU(2) des matrices.
190 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

4.6 (*) Espace quantique total d'une particule à 3 di-


mensions avec spin 1/2
L'espace de Hilbert de la fonction d'onde, décrivant l'état spatial de la particule est :

Hespace = L2 R3


L'espace de Hilbert du spin, décrivant l'état de spin est lui de dimension 2 :

Hspin ≡ C2
Alors l'espace de Hilbert total est le produit tensoriel :

Htot = Hespace ⊗ Hspin

4.6.1 Remarques

◦ Pourquoi le produit tensoriel ? tout simplement, car il est possible d'envisager que
la particule soit dans un état quantique comme

|ψ >= a|x1 > |+z > +b|x2 > |−z > (4.6.1)

(avec des amplitudes a, b ∈ C), qui traduit un état où la position x est corrélée avec
l'état de spin. C'est exactement le cas à la sortie de l'appareil de Stern-Gerlach,
gure (4.0.1), où |x1 > est un état situé dans le faisceau supérieur avec spin |+z i,
et |x2 > un état situé dans le faisceau inférieur avec spin |−z i.
◦ Comme décrit page 148, le produit tensoriel d'espace de Hilbert permet l'existence
d'état corrélés qui sont surprenants pour le sens commun. C'est le cas de l'état
eq(4.6.1), ou l'état de spin est corrélé avec la position de la particule. Si on observe
la particule en x1 , elle aura le spin |+z >. Si on l'observe en x2 , elle aura le spin
|−z >. (Voir TD).

4.6.2 Une base de Htot et champ spinoriels

Les états |~x >, ~x ∈ R3 , forment la base (continue) de position de l'espace Hspatial .
De même les deux états |±z > forment une base de l'espace de spin Hspin .
D'après la dénition du produit tensoriel, voir (3.1.5), une base de l'espace

Htot = Hespace ⊗ Hspin


est formée par |~x, + >= |~x > ⊗|+z > et |~x, − >= |~x > ⊗|−z > avec le paramètre continu
~x ∈ R3 . Autrement dit un état général de la particule |ψ >∈ Htot est caractérisé par ses
composantes complexes :

ψ+ (~x) =< ~x, +|ψ >


ψ− (~x) =< ~x, −|ψ >
4.7. AUTRES DEGRÉS DE LIBERTÉ INTERNES 191

qui forme donc une fonction d'onde sur l'espace à deux composantes complexes. Cela
2
s'appelle un champ vectoriel à valeur dans C ou plus précisément un champ spinoriel.
C'est l'analogue du champ électrique ~ x)
E(~ qui lui est une fonction à trois composantes
réelles.
Noter que les deux composantes ψ+ (~x), ψ− (~x) dépendent du choix de la base |±z >, et
dépendent donc du choix de l'axe z . Pour éviter de choisir une base particulière, on peut
dire que |ψ > est une fonction
2
d'onde à valeur dans Hspin .

Exercice 13. action d'une rotation


Pour une particule avec spin, décrite par la fonction d'onde à deux composantes ψ± (~x) =<
~x, ±|ψ, ~s >, donner l'expression de la fonction d'onde de la même particule dans un repère
~x0 obtenu par une rotation ~x0 = R~x ?

4.7 Autres degrés de liberté internes


On dit que le spin est un degré de liberté interne de la particule, contrairement au
degrés de libertés externes que sont L'espace de Hilbert qui le décrit est Hspin ,
x, y, z .
2 3
est un espace autre que celui des fonctions d'ondes spatiales Hespace = L (R ). L'espace
total est le produit tensoriel Htot = Hespace ⊗ Hspin .
Cependant ces deux espaces ne sont pas indépendants l'un de l'autre, puisque une
transformation de l'espace comme une rotation, agit aussi sur l'espace du spin, voir (B.4.1).
En physique, il y a des espaces de degrés de libertés internes, autres que le spin, qui
3
eux n'ont pas cet attachement avec l'espace ordinaire R .
◦ Par exemple, pour les champs élémentaires, que sont les quarks, il y a un espace
3
interne dit de couleurs Hcoul ≡ C de dimension trois (rouge-vert-bleu). (Atten-
tion, les quarks ne sont pas des particules, dans le sens où ils n'existent pas à l'état
individuel et libre. On parle plutôt de champs élémentaires, et leur description est
dans le cadre de la théorie des champs, classique ou quantique).
Les trois couleurs des quarks, sont dues au fait que la théorie des champs corres-
pondantes, la Q.C.D. ( la Chromo-Dynamique Quantique qui décrit la force
nucléaire forte), est une théorie de Jauge avec le groupe SU(3) qui signie qu'elle
possède une symétrie (de Jauge) par rapport aux rotations dans l'espace des couleurs
Hcoul ≡ C3 . L'interaction électro-faible (qui décrit à la fois l'électromagnétisme
et la force nucléaire faible), est décrite par la théorie de Jauge SU(2) , faisant donc
2
intervenir un espace de degré liberté interne Hf aible ≡ C , appelé charge faible. Ces
théories de Jauge se manifestent surtout dans les collisions de particules à hautes
énergies.
◦ Autre exemple (mais qui est relié aux quarks), en physique nucléaire, on considère
le neutron et le proton comme une manifestation d'une seule particule, appelée le
nucléon. (Car la force nucléaire ne les distinguent pas, seule la force électromagné-
tique qui est sensible à la charge électrique, les distingue). Ainsi le proton |p > et le
2. La formulation géométrique correcte est de considérer l'espace bré de bre isomorphe à C2 (appelé
bré spinoriel) . ψ est une section de ce bré.
192 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

neutron |n > ne sont que deux états particuliers de l'espace à deux états du nucléon
2
appelé espace d'isospin, noté Hisospin ≡ C , et ayant pour base |p >, |n >. Par
1
exemple un nucléon peut être dans l'état interne d'isospin |N >= √ (|n > +|p >)
2
qui est une superposition. Cependant cette notion d'espace d'isospin est en fait
équivalente au point de vue plus conventionnel qui distingue le proton et le neutron.

4.8 Mesure de spin, application récente : la Cryptogra-


phie quantique
Nous présentons une branche de la mécanique quantique, appelée l'information quan-
tique et plus précisément ici, la cryptographie quantique. Il y a des développements
récents, à la fois du côté théorique et expérimentale.
Références : [NGWH01], dont est inspirée cette section, et une revue récente de Pour
la Science [lS02].
L'idée de la cryptographie quantique est d'utiliser un défaut bien connu de la mécanique
quantique :

Chaque mesure perturbe le système

comme un avantage dans l'échange de messages que l'on veut garder secrets, et d'éviter
ainsi l'espionnage.
En eet la cryptographie quantique se sert de l'énoncé équivalent :

Pas de perturbation =⇒ il n'y a pas eu d'espion

pour être sûr que le message n'a pas été intercepté.


Nous allons voir précisément comment utiliser cela pratiquement. Il y a déjà des dis-
positifs expérimentaux de cryptographie quantique (notée C.Q.). Et la C.Q. pourrait bien
être la première application commerciale de la physique quantique fonctionnant au niveau
de l'état quantique individuel.

4.8.1 Cryptographie classique symétrique à clef secrète

Comme il est d'usage, considérons deux personnages Alice et Bob.


Alice veut envoyer un message à Bob. Pour cela elle écrit son message en base deux
(suite de 0 et 1), et dispose aussi d'une clef qui est une suite de 0 et 1 de même longueur,
et envoie à Bob le message crypté obtenu par l'opération suivante :

message crypté = message ⊕ clef


où le signe ⊕ est l'addition modulo 2 sans retenue :

0 ⊕ 0 = 0, 1 ⊕ 0 = 1, 0 ⊕ 1 = 1, 1 ⊕ 1 = 0.
Exemple : message = 10100110, clef=00110111, alors message crypté=10010001.
4.8. MESURE DE SPIN, APPLICATION RÉCENTE : LA CRYPTOGRAPHIE QUANTIQUE193

Exercice En supposant que Bob possède aussi la clef, quelle formule doit-il utiliser pour
décrypter le message ?
Solution :
message = message cry pté ⊕ clef
Exemple : message crypté =10010001 , clef=00110111, alors message = 10100110.
Remarque : cette méthode de cryptographie est la seule prouvée être sans
faille. Les inconvénients sont que Alice et Bob doivent être les seuls à connaître la clef
secrète, et qu'ils disposent d'une clef secrète aussi longue que le message à se transmettre.
Cette méthode s'appelle one time pad (1926). La diculté est donc que Alice et Bob
partagent une clef secrète. C'est là qu'intervient la cryptographie quantique présentée ci-
dessous.
La méthode la plus utilisée (sur internet par exemple) est cependant un encryptage
asymétrique à clef publique, de type R.S.A. (1978), basé sur la factorisation de grands
nombres premiers. Mais dans ce cas, il n'est pas prouvé qu'il n'existe pas d'algorithme
rapide permettant de décrypter le message.

4.8.2 Le protocole B.B.84 pour partager une clef secrète

Pour appliquer la méthode dite one time pad (1926) présentée plus haut, Alice et Bob
doivent partager une clef (suite de 0 et 1) connue d'eux seuls.
C'est là que la mécanique quantique intervient. Cette méthode a été mise au point
récemment et utilise non pas des spins 1/2, mais les 2 états de polarisation de la lumière :
l'échange d'une clef secrète se fait via l'échange de photons dans une bre optique.
Pour simplier la présentation, nous remplaçons la polarisation de la lumière par le spin
1/2 : nous supposons que Alice et Bob échangent des particules ayant deux états possibles
de spin 1/2.
Alice et Bob ont chacun de leur côté un appareil de type Stern-Gerlach qui permet à
Alice de polariser le spin de la particule dans l'état qu'elle veut, et à Bob de mesurer ce
spin par rapport à une direction choisie. Voir gure 4.8.1.

x y
|+ x > |+ y >?

z z
|−y >?

Alice prepare un état Bob mesure selon l’axe y

Figure 4.8.1  Alice prépare un état de spin, polarisé selon x ou y. Bob ensuite détecte
la polarisation avec un appareil orienté selon x ou y.

On appelle z la direction de propagation. Ils utilisent deux directions possibles pour


leur appareil : x ou y, ce qui correspond à deux bases diérentes du spin, notées pour
194 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

simplier :

Bx : |+x i ≡ 0 , |−x i ≡ 1
By : |+y i ≡ 0 , |−y i ≡ 1

(il est habituel en théorie de l'information quantique de noter une base de deux états
quantiques par |0i, |1i, et de l'appeler quantum bit ou qbit).
Voici la séquence des opérations :

1. Alice envoie des particules individuelles à Bob. Pour chacune d'elle, elle choisit l'état
de spin au hasard parmi les quatre ci-dessus.
Pour Alice, cela correspond à une suite de qbits (0 et 1) associée à une suite de
Bases, exemple :
0 1 1 0 1 0 0
Bx Bx By Bx By By Bx
2. Pour chaque particule reçue, Bob mesure l'état de spin par rapport à une base Bx
ou By qu'il choisit au hasard. Cela lui donne un résultat, une suite de qbits (0 et
1). Exemple :
0 1 0 0 1 1 0
Bx By Bx Bx By Bx Bx
Propriété :
◦ Si Bob a fait le même choix de base que Alice, alors il détecte le même qbit. (En
eet si Alice envoie |+x i, et que Bob détecte dans la direction x, il mesurera à
coup sûr |+x i).
◦ Pour les qbits où Bob a fait un choix diérent de base, il a en moyenne 50%
d'erreurs. (En eet si Alice envoie |+x i, et que Bob détecte dans la direction y ,
1
on décompose |+x i = √ (|+y i + |−y i), ce qui donne une probabilité P|+y i = 1/2
2
et P|−y i = 1/2)
◦ Au total, Bob a donc en moyenne 25% d'erreur sur sa suite de qbit.

3. Bob annonce (publiquement) à Alice la suite de base (suite Bx , By . . .) qu'il a choisit


(et pas les résultats).

4. Parmi cette suite, Alice annonce (publiquement) à Bob quelle sous suite corresponds
au même choix. Exemple ici :
Bx Bx By Bx
5. Alice et Bob ne gardent chacun que cette sous suite de qbit, ce qui correspond en
moyenne à 50% des évènements. Cette suite de 0 et 1 est nalement leur clef
secrète. Exemple ici : (0,0,1,0).

Pour être sûr que cette clef est secrète (i.e. connus d'eux seuls) il faut montrer que une
tierce personne nommée Eve ne puisse intercepter leur échange de qbit sans que Bob et
Alice ne s'en aperçoive (Eve est le nom habituel donné à l'espion en cryptologie, et vient
de l'anglais eavesdropper=qui écoute aux portes ).
Pour cela :
4.9. INTERACTION DU SPIN AVEC LE CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 195

Théorème de non-clonage : Eve ne peut pas faire une copie de qbits sans les perturber
preuve : Supposons la possibilité d'une opération idéale de copie (i.e. sans perturbation) d'un
état quantique |ψi par Eve dans un registre, symbolisée par la transformation :

|ψi ⊗ |Registrei ⊗ |Eve0 i −→ |ψi ⊗ |ψi ⊗ |Eveψ i


Appliqué aux états |+x i, |−x i, cela donne :

|+x i ⊗ |Registrei ⊗ |Eve0 i −→ |+x i ⊗ |+x i ⊗ |Eve+ i

|−x i ⊗ |Registrei ⊗ |Eve0 i −→ |−x i ⊗ |−x i ⊗ |Eve− i


et d'après le principe de superposition, on aurait pour |+y i = √1 (|+x i + |−x i)
2

1
|+y i ⊗ |Registrei ⊗ |Eve0 i −→ √ (|+x i ⊗ |+x i ⊗ |Eve+ i + |−x i ⊗ |−x i ⊗ |Eve− i)
2

qui est diérent du résultat qu'il faudrait : |+y i ⊗ |+y i ⊗ |Eve+ i. .


On peut imaginer comme parade que Eve intercepte et mesure l'état de spin, et renvoie
à Bob le même état pour faire croire qu'il n'y a pas eu interception. Si elle le fait, elle
ne fait pas le même choix de base que Alice dans 50% des cas ; par conséquent Alice et
Bob ont 25% d'erreur sur leur clef nale. En échangeant entre eux (et publiquement) une
fraction seulement de cette clef, ils peuvent se rendre compte de la présence de Eve, et
décider de ne pas conserver la clef.

4.9 Interaction du spin avec le champ électromagné-


tique
4.9.1 Cas de l'électron

(cf Sakuraï [Sak67]p78, Cohen p980)


L'interaction d'un électron de masse m, de charge q = −e, de spin 1/2, avec un champ
électromagnétique extérieur ~ U
A, est décrite dans l'espace de Hilbert

Htot = Hespace ⊗ Hspin

par le Hamiltonien de Pauli :

1  ˆ ~ ~xˆ, t)
2
Ĥ = ~σ . p~ − q A( + qU (~xˆ, t) (4.9.1)
2m
où ~σ = (σx , σy , σz ) sont les matrices de Pauli agissant dans l'espace du spin Hspin .
Cet Hamiltonien s'écrit aussi sous la forme plus commode :

1 ˆ ~ ˆ
2
~ + qU (~xˆ, t)
~ e .B
Ĥ = p~ − q A(~x, t) − M (4.9.2)
2m
196 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

avec
~e= qS
M ~ :moment magnétique de l'électron (4.9.3)
m
Preuve : On utilise la relation (A.2.2), et p~ˆ ∧ A
~ = −i~ rot(A) ~ ∧ p~ˆ (à
~ −A démontrer).

Remarques
◦ La forme (4.9.1), découle directement de l'équation de Dirac dans la limite non
relativiste. L'équation de Dirac est une équation d'onde qui a une écriture assez
naturelle et qui décrit la fonction d'onde d'un électron en théorie relativiste. (Il y
a cependant des problèmes théoriques avec l'équation de Dirac, qui ne sont résolus
que dans le cadre de la théorie quantique des champs).
◦ Le terme (4.9.3) est très semblable à l'expression du moment magnétique d'un dipôle
magnétique en mécanique classique : considérons une particule classique de charge
q sur une orbite circulaire de rayon r. La période de rotation est τ = 2πr
v
. Le courant
correspondant est
q qv
I= =
τ 2πr
et la surface du dipôle magnétique créé est S~ = πr2 .~u (~u est un vecteur normal
unitaire). Par ailleurs le moment orbital
3 est

~ = p~ ∧ ~r = m~v ∧ ~r = mvr~u.
L
Alors le moment magnétique est :

M~ class = I.S~ = qv πr2 .~u = qv r.~u = q L


~
2πr 2 2m
qui est comparable à (4.9.3) mis à part le facteur 1/2. La forme (4.9.1) a donc
l'avantage de donner une origine au manque de ce facteur 1/2, pas évident à priori.

4.9.2 Autres particules de spin 1/2


cf Bransden p.533, [BC89].
Pour une particule quelconque de spin 1/2, de masse m, de charge q, le Hamiltonien
est semblable à (4.9.2) :

1 ˆ 2
~ ~xˆ, t) − M.
~ B~ + qU (~xˆ, t)
Ĥ = p~ − q A(
2m
avec :
~
~ = gµ S
M : moment magnétique
~
|e| ~
µ= : magnéton
2m
g : rapport gyromagnétique
3. On verra au chapitre ?? que le moment angulaire ~
L sont les générateurs des rotations dans R3 et

joue donc un rôle analogue aux opérateurs de spin ~ˆ.


S
4.9. INTERACTION DU SPIN AVEC LE CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 197

Valeurs expérimentales :
Électron Proton Neutron
g 2,002319314 5,5883 -3,8263

Remarques :
◦ Le Hamiltonien de Pauli (4.9.1),(4.9.3), donne ge = 2. La valeur expérimentale un
peu diérente s'explique à cause d'eets d'inuences de l'électron sur le champ élec-
tromagnétique quantique que l'on peut calculer dans le cadre de l'électrodynamique
quantique. Les valeurs de g pour le proton et le neutron sont dues à la structure
interne des ces particules (structure de quarks et de gluons), mais on ne connait pas
à ce jour de calcul précis qui le montre.
◦ Le moment magnétique du neutron est anti-parallèle à son spin. (signe négatif de
gn ).
◦ Pour le neutron ou proton, µN = e~/(2mp ) s'appelle le magnéton nucléaire. Pour
l'électron µB = e~/(2me ) s'appelle le magnéton de Bohr.

4.9.3 Évolution du spin seul, précession de Larmor

Nous discutons ici l'évolution de l'état de spin 1/2 d'une particule, qui pourrait être un
noyau nucléaire de spin 1/2, dans un matériau.
La particule est supposée être au repos, ce qui permet d'oublier l'état quantique spatial
de celle-ci, et de ne traiter que l'état de spin |s(t) >∈ Hspin . (Pour être plus précis, on peut
supposer que le champ ~
B est uniforme, et que l'état spatial de la particule est dans l'état
 2
fondamental de Ĥespace = 1 ˆ − q A(
p
~ ~ ~xˆ, t) + qU (~xˆ, t).
2m
Ainsi, |ψ (t)i = |ψ0,espace i ⊗ |s (t)i, et on ne s'intéresse que à la dynamique de |s(t) >∈
Hspin décrite par :
gµ ~ ~
Ĥspin = −
S.B
~
1 gµ ~
qui a deux valeurs propres E± = ± ~ω , ω = B . L'équation d'évolution de Schrödinger
2 ~
est
d|s(t) >
i~ = Ĥ|s(t) >
dt
Nous cherchons à décrire l'évolution du vecteur spatial de spin déni eq(4.4.1) page 181 :

~ˆ =< s(t)|S|s(t)

D E
~s(t) = S >

Nous rappelons que inversement le vecteur ~ s(t) déni l'état |s(t) > à une phase près.
Comme k~s(t)k = ~2 , cette évolution déni des trajectoires sur la sphère de Bloch.
Propriété
~s(t) évolue d'après les équations de Bloch :

d~s(t) dHspin  gµ 
~ ∧ ~s
= ∧ ~s = − B (4.9.4)
dt d~s ~
198 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

où Hspin = − gµ ~
~s.B est le Hamiltonien (Classique).
~
Les trajectoires sont donc des cercles autour du champ ~,
B à la fréquence

gµ ~
ω= B
~
dans le sens indirect. Voir gure 4.9.1.

s(t)

Figure 4.9.1  Précession de Larmor du spin : rotation du vecteur ~s(t) autour du


champ magnétique ~.
B

Le rapport de fréquence de précession du spin d'un proton et d'un électron est

ωp gp µN
= ' 5000
ωe ge µB
preuve : (TD)
◦ Argument rapide : lors de l'évolution, l'énergie est constante, donc ~ est constant donc
~s.B
l'angle ~
sB
c ~ est constant, ce qui oblige le spin ~s a tourner autour de B~.
~
◦ Autre preuve rapide, en coordonnées : on peut supposer que B = B ~ez . Alors Ĥspin =
− gµB
~ Ŝz . Il est utile de travailler dans la base (|+z >, |−z >) : si

|s(0) >= a(0)|+z > +b(0)|−z >


alors  
|s(t) >= exp −iĤt/~ |s(0) >= a(t)|+z > +b(t)|−z >

avec a(t) = a(0)e−iEt/~ , b(t) = b(0)e+iEt/~ , et E = − gµB


2 . D'après la coordonnées stéréo-
graphique (4.4.2) page 182,

a (t)
z (t) = = z (0) e−2iEt/~ = z (0) eiωt
b (t)
2|E| gµ ~
donc ϕ (t) = −ωt + ϕ (0) et θ (t) = θ (0) = cste, ω = ~ = ~ B .
4.9. INTERACTION DU SPIN AVEC LE CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 199

◦ Autre argument géométrique : le Hamiltonien Ĥspin = −ωSz a justement l'expres-


sion du générateur des rotations Ŝ~u (4.5.2) autour de l'axe ~ ~ . De
u qui est ici l'axe B
cette façon on obtient directement que le mouvement est une rotation, et on obtient
aussi la vitesse angulaire.

Remarques :
◦ L'énergie de la trajectoire classique du spin est Espin = − gµ ~,
~s.B qui est extremum
~
pour ~s et ~
B parallèles. On vérie en particulier que dans ces derniers cas, ce sont
deux points xes de la dynamique de ~s(t), correspondant aux deux états propres
Ĥspin .
◦ On a des coordonnées canoniques (q, p) S 2 est
sur la sphère montrant que la sphère
un espace de phase classique pour la dynamique du vecteur classique ~
s(t) (θ, ϕ sont
les coordonnées sphériques) :

q = cos θ
p = s.ϕ

Alors l'équation de Bloch (4.9.4) s'écrit sous la forme Hamiltonienne standard :

dq ∂Hspin
=
dt ∂p
dp ∂Hspin
=−
dt ∂q

preuve : voir [Fau10a].

@@TD : Décrire la trajectoire du neutron de spin 1/2 dans champ magnétique in-homogène.
Exp. de Stern-Gerlach

4.9.4 Résonance Magnétique Nucléaire (R.M.N.) et Imagerie Ma-


gnétique Résonante (I.R.M.)

L'interaction du spin des particules avec un champ magnétique décrite ci-dessus, est
très utilisée pour faire de l'imagerie dans beaucoup de domaines (physique des matériaux,
biologie, médecine,...). Ces techniques d'imagerie se sont très developpées ces dernières
années et sont en particulier un outil formidable en médecine pour l'étude des tissus vivants,
et a révolutionné le domaine (voir par exemple une carte précise interactive du cerveau
http://www.med.harvard.edu/AANLIB/cases/caseNA/pb9.htm).
200 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

Ces techniques sont basée sur l'interaction d'un champ magnétique appelé sonde avec
les spins des noyaux nucléaires du milieu étudié.

Voici la technique utilisée, décrite de façon très simpliée :

1. L'échantillon est placé dans un champ magnétique constant ~0


B parallèle à l'axe
z . B0 ' 2 → 10T. Les états d'énergie de chaque spin (pour simplier supposé
1
être 1/2, et considéré comme isolé) est donc E± = ± 2 ~ω . A température ambiante,
5
kT /~ω ' 10 , donc d'après la loi de Boltzmann, à l'équilibre, il y a une diérence de
−∆E/kT
population très faible entre les deux états : N+ /N− = e ' 1 − ∆E
kT
= 1 − 10−5 .
C'est cependant ces petites diérence qui fera un signal observable.

2. A un moment donné, et sur une courte durée (pulse de quelques µs.), le champ
magnétique appliqué est de la forme :

~ = B0 e~z + B1 cos (ω1 t) ~ex


B

où B0 est le même, et B1  B0 est faible, mais oscille à une fréquence ω1 bien


choisie. Si la fréquence ω1 est susament proche de la fréquence ω , il est montré en
TD qu'il y a un phénomène de résonance : un spin 1/2 peut basculer vers l'état
−1/2, si la durée du pulse est aussi bien ajustée (et inversement). (voir gure).
4.9. INTERACTION DU SPIN AVEC LE CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE 201

Bz

s(t)

x
Ce pulse a donc pour eet d'inverser les populations N+ , N− . Il faudra ensuite
un certain temps, appelé temps de relaxation T2 (' 1s), pour que les populations
retrouvent leur valeurs d'équilibre selon z. Durant tout ce temps, les spins ( +1/2
ou −1/2) qui sont ainsi rentrés en résonance ont émit un champ magnétique
induit qui est détecté collectivement. Le signal temporel ainsi détecté, appelé Free
Induction Decay (FID), constitue l'information de base sur l'échantillon.

3. Ce signal recueilli dépend de plusieurs paramètres qui caractérisent le


noyau nucléaire, et permettent ainsi de l'identier :

ω1 ' ω . Or ω = gµ
(a) Il y a un signal, si il y a résonance. Il faut
~
B dépend de g ,
B , qui dépendent du noyau. Par exemple g = 2.016pour un spin 1/2 de F e3+
dans le composé M gO . La valeur de B = B0 (1 − s) ressentie par le noyau est
la valeur B0 modiée légèrement par l'environement électronique du noyau (les
−6
électrons créent un champ magnétique induit, appelé diamagnétique). s ' 10 .
Cet eet s'appelle le déplacement chimique.

(b) Il y a une faible interaction entre les spins de noyaux nucléaires voisins, qui
dépend de la conguration de la molécule dans laquelle se trouve le noyau.
Ces interaction, se traduisent par des décalages de fréquences ω , ou des multiplets
dans le cas de noyau indentiques comme dans CH4 .
(c) Le temps de relaxation T2 dépend beaucoup du matériau. C'est essen-
tiellement ce signal qui est utilisé en imagerie.

(d) L'intensité du signal est aussi proportionnelle à la concentration des noyaux


identiés.

4. An de faire de l'imagerie, il faut une bonne résolution du signal en espace et en


temps. Cela est possible en utilisant un champ B0 (~x) qui est en fait non homogène,
et légèrement variable en temps (idées de P. Lanterbur's 1971 et P.Manseld 1973,
voir www.beyonddiscovery.org) . Ainsi un signal de résonance détecté, pourra
être associé à une région précise de l'espace. Cela permet des résolution spatiales
1mm × 1mm et temporelles 40ms.
202 CHAPITRE 4. PARTICULE DE SPIN 1/2

4.10 Conseils de Lecture


◦ Cohen-Tannoudji [CBF], chapitre IV.
◦ Feynman [Fey63], chapitres 6,11.
Chapitre 5
Plusieurs particules
Jusqu'à présent nous avons présenté comment décrire la dynamique d'une seule parti-
cule avec spin ou sans spin dans le cadre de la mécanique quantique.
Bien entendu, toute la complexité de la nature et de la physique vient de ce qu'elle est
composée d'un grand nombre de particules qui interagissent entre elles.
Dans ce chapitre nous présentons comment décrire un système quantique constitué de
plusieurs particules. Tout d'abord nous présentons le cas de particules diérentes, dites
discernables, puis le cas de particules identiques (par exemple un gaz d'électrons ou de
photons, d'hydrogène,...).

5.1 Plusieurs particules discernables


Nous allons montrer et commenter le fait mathématique que l'espace quantique total
pour décrire plusieurs plusieurs particules est le produit tensoriel des espaces
quantique de chaque particule considérée individuellement.

5.1.1 Pour deux particules

Prenons l'exemple d'un système comprenant deux particules diérentes, comme par
exemple l'atome d'hydrogène constitué d'un proton et d'un électron.
Ce sont des particules avec spin 1/2, et nous avons déni l'espace de Hilbert individuel
de chacune des particules : Hproton , Helectron qui permet de décrire l'état spatial de leur
fonction d'onde et leur état de spin. Or dans l'atome d'hydrogène, ces deux particules
interagissent, il faut donc considérer et décrire le système total.
Quel peut être un état quantique du système total ? Si |pi >, i = 1, . . . est une base de
Hproton |ej >, j = 1, . . . une base de Helectron , il est tout à fait possible d'imaginer un
et
état total de la forme |pi , ej >. Mais d'après le principe de superposition, il peut aussi y
avoir des combinaisons linéaires de ces états |pi ej >. Or ces états sont orthogonaux entre
eux (car ils décrivent des états physiques diérents, voir chapitre 1), ils forment donc une

203
204 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

base de Htotal . C'est justement la dénition de l'espace produit tensoriel, voir eq.(3.1.5)
page 148. Ainsi :

Htotal = Hproton ⊗ Helectron

et une base de Htotal est |pi ej >= |pi > ⊗|ej >, avec i = 1, . . . , j = 1, . . ..
Cela peut paraître un peu abstrait, et en eet cela dépasse le bon sens parfois : du
fait du produit, cet espace Htotal est gigantesque et contient nous allons le voir des états
quantiques qui déent le bon sens. Le principe de superposition est à l'origine de ce résultat
(qu'il ne faut croire, que si l'expérience le conrme).

En terme de fonction d'onde : Si on oublie le spin des particules, une fonction d'onde
du proton est de la forme ψp (xp , yp , zp ), une fonction d'onde de l'électron est de la forme
ψe (xe , ye , ze ) (ce sont des fonctions à trois variables), alors qu'une fonction d'onde du sys-
tème global est de la forme φ(xp , yp , zp , xe , ye , ze ), c'est une fonction à six variables. Nous
avons déjà discuté, les corrélations qui peuvent apparaître entre ces variables, cf. gure
2 6 2 3 2 3
(3.1.2) page 148. (En tant que fonction à six variables, |φ >∈ L (R ) = L (R ) ⊗ L (R )
comme expliqué page 146).

5.1.2 Opérateurs de Htotal


Les opérateurs positions, impulsion, spin et autres, sont dénis dans les chapitres pré-
cédents pour un état quantique à une particule. Voici comment ils opèrent dans l'espace
Htot .
Par exemple si on note x̂p l'opérateur position x du proton, il agit de la façon suivante
sur la fonction d'onde totale :

(x̂p φ) (xp , yp , zp , xe , ye , ze ) = xp φ (xp , yp , zp , xe , ye , ze )


où en terme de notation vectorielle, l'opérateur associé au proton n'agit que sur les vecteurs
du proton dans les termes factorisés :

x̂p (|p > ⊗|e >) = (x̂p |p >) ⊗ |e > (5.1.1)

et agit comme l'opérateur identité sur l'espace de l'électron. C'est à dire

(x̂p )Htot = (x̂p )Hp ⊗ Iˆe

5.1.3 Pour N particules

La généralisation est simple :

Htot = H1 ⊗ H2 ⊗ . . . ⊗ HN
mais l'espace résultant est énorme ! (sa dimension est le produit des dimensions).
5.2. NON LOCALITÉ DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE, LE PARADOXE E.P.R.205

5.2 Non localité de la mécanique quantique, le paradoxe


E.P.R.
référence : Bransden p673 [BC89], Ballentine [L.E90] p.437.
Pour un texte court, lire : http://www.physique.usherb.ca/attracte/08-1999/epr.
html

5.2.1 États enchevêtrés : états surprenants de l'espace total

Le principe de superposition est à l'origine de la complexité de la mécanique quantique.


Nous avons déjà vu que pour une particule, alors que son état classique est de la forme
(~x, p~),
avec position et vitesse précises, la mécanique quantique permet une superposition
de tels états comme : |~x, p~ > +|~x0 , p~0 >, une fonction d'onde qui serait la somme de deux
paquets d'ondes gaussiens diérents.
Pour deux particules, il peut y avoir des états de la forme

|φ >= |1 > ⊗|2 >

où |i > est une fonction d'onde respectivement de la particule i = 1, 2. Un état |φ >


qui peut s'écrire sous cette forme est dit factorisable ou séparable. Il n'est pas trop
surprenant physiquement.
Mais la mécanique quantique permet à priori des superpositions de tels états. Par
exemple :
|φ >= |1 > ⊗|2 > +|10 > ⊗|20 > (5.2.1)

qui est une superposition de deux états factorisés. C'est un état non factorisable, dit état
enchevêtré (ou entangled state en anglais).
De tels états sont observés expérimentalement. Les manifestations physiques de ces
états déent le bon sens. On décrit ci-dessous une expérience à l'issue de laquelle deux
particules sont dans un état enchevêtré, et l'on discute les conséquences mesurables.

5.2.2 Description quantique orthodoxe

Dans cette expérience, une paire de deux particules de spin 1/2 est crée en un lieu et
instant précis. Nous appelons cet évènement E1 . Nous supposons que l'état quantique qui
décrit le spin des deux particules est :

1
|φ >= √ (|+z >1 ⊗|−z >2 −|−z >1 ⊗|+z >2 ) (5.2.2)
2

l'indice 1 ou 2 se réfère au numéro de la particule. L'état |φ > est un état enchevêtré.


Cet état correspond à un spin total nul, appelé état singlet de spin, voir section 6.5.1. En
 2
~ ~ ~ ~tot |φi = 0.
eet l'observable de spin total est Stot = S1 + S2 , et il est aisé de calculer que S
206 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

http://www.lkb.ens.
Il y a plusieurs façons de créer un tel état, voir par exemple :
fr/recherche/qedcav/french/rydberg/resonant/eprpair.html. Ce peut être par la
désintégration d'un pion π0 qui a un spin nul, en électron et positron :

π0 → e− + e+

Les particules 1 et 2 partent dans des directions opposées, vers des détecteurs symbolisés
par les physiciens P1 et P2 . Voir gure 5.2.1.

z z
P1 P2

1 2
(0)

Figure 5.2.1  Les deux particules 1 et 2 sont dans un état enchevêtré, et partent vers
deux détecteurs P 1 , P2 .

A l'aide d'un appareil du type Stern-Gerlach, le physicien P1 eectue une mesure de


l'observable :  
2
 = Ŝ1,z
~
(composante du spin de la particule 1 selon l'axe z ). C'est l'évènement E2 . Les deux valeurs
propres de cette observable sont ±1. Par conséquent d'après le postulat de la mesure, voir
page 61, à l'issue d'une mesure, le physicien P1 observera le résultat A = +1 ou A = −1,
avec les probabilités respectives

1 1
PA=+1 = |< +1,z |φ >|2 = ,
< φ|φ > 2
1 1
PA=−1 = |< −1,z |φ >|2 = .
< φ|φ > 2

et si il observe A = +1 (respect. A = −1), alors juste après la mesure, l'état quantique


des deux particule est |+z >1 ⊗|−z >2 , (respectivement |−z >1 ⊗|+z >2 ) qui est l'état
φ projeté sur l'espace propre de  associé à la valeur propre A = +1 (respect. A = −1).
On remarque donc que cette mesure du physicien P1 modie l'état quantique du système
total et en particulier celui de la particule 2. C'est l'évènement E3 sur la gure (5.2.2).
Si juste après cette première mesure, le physicien P2 eectue à son tour une mesure de
l'observable  
2
B̂ = Ŝ2,z
~
(composante du spin de la particule 2 selon l'axe z ), appelé évènement E4 , et alors deux
cas se présentent selon la valeur de A précédente :
5.2. NON LOCALITÉ DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE, LE PARADOXE E.P.R.207

1. si A = +1, l'état quantique réduit étant |φ >= |+z >1 ⊗|−z >2 , le physicien P2
mesure B = −1 avec la probabilité PB=−1 = 1 (c'est à dire certitude).

2. si A = −1, l'état quantique réduit étant |φ >= |−z >1 ⊗|+z >2 , le physicien P2
mesure B = +1 avec probabilité 1.

Cette certitude totale traduit une corrélation parfaite entre les états de spin des deux
particules. Remarquez que si le physicien P2 avait eectué sa mesure le premier l'analyse
aurait été analogue.
En résumé, d'après cette analyse de la situation par la mécanique quantique (et postulat
de la mesure), l'état |φ > est enchevêtré jusqu'à la première mesure, et subitement, dès la
première détection, il est réduit instantanément dans un produit factorisé |+z >1 ⊗|−z >2 ,
ou |−z >1 ⊗|+z >2 respectant la corrélation des deux spins opposés (on parle de réduction
ou collapse de l'état quantique).
Cela est en parfait accord avec les expériences, et cette réduction qui est une sorte
d'action à distance instantanée , (est même plus rapide que la vitesse de la
lumière qui est la vitesse limite du transport d'énergie et d'information d'après la théorie
de la relativité), car elle se passe même si les deux mesures sont deux évènements E2 ,E3
sans relation de causalité, c'est à dire espacés par un quadri-vecteur de type espace. Voir
gure 5.2.2.

Rayon lumineux
t
Mesure
E4 B=−1
Mesure E
A=+1
2 E3
(fruit du hasard)
état enchevétré

P1 E1 P2 x

Figure 5.2.2  Schéma dans l'espace temps des évènements. E1 est la création de l'état
enchevêtré |φ > eq.(205) représenté par la ligne grisée. Les particules 1 et 2 se séparent et
restent enchevêtrées, jusqu'à ce que le spin de la particule 1 soit mesuré. C'est l'évènement
E2 . Dans cet exemple le physicien P1 mesure A = +1. Au même instant (dans le référentiel
x, t du laboratoire ?), l'état quantique |φ > est réduit, et la particule 2 se retrouve dans
l'état |−z >. C'est l'évènement E3 . Cet état est ensuite mesuré par le physicien P2 , qui
observe B = −1 (Évènement E4 ). La ligne tiret-point est le cône de lumière qui représente
le trajet le plus rapide (vitesse de la lumière) informant du résultat A = +1. Sur ce schéma
il ne parvient pas à temps pour expliquer le résultat B = −1.
208 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

Remarque : Cette action instantanée à distance plus rapide que la lumière, ne permet
pas de transmettre de l'information, et ne contredit pas les principe de la relativité.
En eet, P1 ne choisit pas si le résultat est A = +1 ou A = −1 ; il ne peut donc pas
transmettre de message à P2 de cette manière.
Cependant il y a une diculté très visible sur la gure 5.2.2 : où se situe précisément
l'évènement de réduction (E3 ) ? Il peut être simultané à E1 , mais la notion de simultanéité
dépend du référentiel en relativité. Quel est le référentiel privilégié ici ? La question se pose,
bien qu'elle n'a pas d'impact sur le résultat observé. On peut tout de même constater que
la théorie quantique et la théorie de la relativité sont inconsistantes entre elles.

Résumé Dans ce paragraphe, nous avons montré que par suite logique du principe de la
superposition, la mécanique quantique entraîne des interactions non locales : le résultat
d'une mesure ici dépend de façon instantanée du résultat d'une mesure qui se passe là-
bas. Or la notion d'évènements instantanés, simultanés n'a pas de sens en théorie de la
relativité.
Hubert Reeves dans Patience dans l'azur écrit : Je reprends l'énoncé avec une com-
paraison pour le lecteur moins familier avec la physique des atomes. A deux messagers, on
a donné la consigne suivante : ils devront répondre à une question par oui ou par non. Si
le premier répond oui, le second devra répondre non, et vice-versa. Les choses se passent
telles que prévues. Il serait raisonnable de supposer qu'ils se sont donné le mot au départ
et qu'à chaque instant du trajet chacun savait ce que l'autre allait répondre. Pourtant on
montre que tel n'est pas le cas. Aucun des deux n'a choisi avant l'arrivée quelle réponse il
allait donner. Comment expliquer que le second connaisse la bonne réponse ?

5.2.3 Objection de Einstein-Podolsky-Rosen (E.P.R.) sur la non


localité (1935)

En 1935, l'objection de ces trois physiciens fut que même si elle ne permet pas de
transmettre de l'information, cette action à distance est inacceptable, car non consistente
avec la théorie de la relativité qui est locale en espace-temps ; ils étaient partisans d'une
théorie physique locale.
Ces physiciens suggérèrent que les mêmes résultats expérimentaux peuvent s'interpréter
autrement, par une théorie qui serait locale : dès le départ l'état de spin des deux
particules serait décidé, c'est à dire que l'une ou l'autre des deux situation est déjà
engagée : |+z >1 ⊗|−z >2 ou |−z >1 ⊗|+z >2 chacune se produisant en moyenne 1
fois sur 2. Le choix de l'une ou l'autre situation est le fruit du hasard, ou résulte d'un
mécanisme microscopique déterministe ou non mais inconnu. Il y aurait donc des variables
dynamiques cachées.

Ces physiciens ont donc ouvert un débat : Quelle interprétation est correcte, la
mécanique quantique avec le postulat de la mesure qui est non local, ou une théorie locale
à variables cachées ?
5.2. NON LOCALITÉ DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE, LE PARADOXE E.P.R.209

Ces deux interprétations seraient t-elles équivalentes (compatibles) ?


Le résultat fondamental que nous allons établir ci-dessous est :
La théorie quantique est une théorie non locale. Cela a été conrmé expéri-
mentalement.

5.2.4 Théories locales à variable cachées et inégalités de Bell (1964)

En 1964, J. Bell montre que les deux interprétations précédentes ne sont pas équivalentes
et que des expériences pourraient trancher le débat [Bel64]. Les inégalités de Bell sont
des relations vériées par toute théorie locale à variable cachée, et dans certains cas non
respectées par le modèle de la mécanique quantique.
A la section suivante, nous présenterons une situation plus simple à expliquer montrant
la non localité de la mécanique quantique, appelé égalité de GHZ, découverte en 1989.
Cependant cette égalité n'a pas été observée expérimentalement.
A cause de l'importance historique de l'inégalité de Bell, et des expériences associées
nous établissons une telle inégalité pour dans ce chapitre.
Pour se mettre dans un cas où l'inégalité de Bell est transgressée par la mécanique
quantique, supposons que les physiciens P1 et P2 mesurent respectivement la composante
du spin de la particule 1 (et 2) selon a (et ~b). Voir gure 5.2.3.
l'axe ~

P1 P2
a b
1 2
(0)

Figure 5.2.3  Mesure de Ê(~a, ~b) = Â(~a) B̂(~b).


2
B̂(~b) = 2
 
On note Â(~a) = ~
Ŝ1,~a et
~
Ŝ2,~b les observables correspondantes.

Le résultat de leur mesure est A(~a) = ±1 et B(~b) = ±1.


Considérons l'observable :
Ê(~a, ~b) = Â(~a) B̂(~b)
La valeur moyenne de cette observable s'obtient expérimentalement en faisant un grand
nombre d'expériences successives.

Théorie locale à variable cachée Supposons que une théorie locale à variables cachées
soit valide. Pour simplier les notations mais sans perte de généralité, on note λ la variable
cachée dont on ne saurait prévoir le comportement, et p(λ) dλ la probabilité pour que lors
d'une expérience, une valeur de l'intervalle [λ, λ + dλ] soit réalisée.
Le résultat de la mesure de P1 est une certaine fonction de λ (inconnue) :

A (λ, ~a) = ±1
210 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

de même pour le résultat de P2 :

B(λ, ~b) = ∓1 = −A(λ, ~b)

Noter que A(λ, ~a) ne dépend pas de ~b d'après l'hypothèse de localité. En eet le choix de
la valeur de ~
b se fait localement juste avant la mesure de B et ne peut pas inuencer le
résultat de A d'après l'hypothèse de localité. (La relation B(λ, ~
b) = −A(λ, ~b) vient de ce
que les deux résultats sont toujours corrélés).
 
D'après ce modèle, la valeur moyenne de l'observable Ê ~a, ~b  est alors :

  Z
Eloc ~a, ~b = dλ p(λ) A(λ, ~a) B(λ, ~b)

Propriété On a l'inégalité de Bell : pour tous ~a, ~b, ~c,


   
Eloc ~a, ~b − Eloc (~a, ~c) < 1 + Eloc ~b, ~c (5.2.3)

Démonstration.
  Z  
Eloc ~a, ~b − Eloc (~a, ~c) = dλ p(λ) A(λ, ~a) B(λ, ~b) − A(λ, ~a) B(λ, ~c)

Z   
=− dλ p(λ) A(λ, ~a) A(λ, ~b) 1 + A(λ, ~b) B(λ, ~c)
   
Eloc ~a, ~b − Eloc (~a, ~c) ≤ dλ p(λ) 1 + A(λ, ~b) B(λ, ~c) = 1+Eloc ~b, ~c , car p (λ) dλ = 1
R R
donc

et A = B = ±1 donc |1 + AB| = (1 + AB).

Remarque : l'inégalité de Bell obtenue dépend du dispositif considéré. En général, on


appelle inégalité de Bell, l'inégalité obtenue à partir de l'hypothèse de localité.

5.2.5 Violation de l'inégalité par la mécanique quantique (1976)

5.2.5.1 Modèle quantique


 
en mécanique quantique la valeur moyenne de l'observable Ê ~a, ~b sur l'état |φ >
eq.(5.2.2) page 205, est :

D E
~ ~
EQ (~a, b) = φ|Ê(~a, b)φ = − cos (θ)

θ = ~a, ~b :angle entre ~aet ~b


c
5.2. NON LOCALITÉ DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE, LE PARADOXE E.P.R.211

Démonstration. On peut choisir les vecteurs ~a, ~b dans le plan (z, x). Montrons que l'état φ
est invariant par rotation : R̂θ |φi = |φi. Posant

   
θ θ
|θi = Rθ |+z i = cos |+z i + sin |−z i
2 2
on a :

1
R̂θ |φi = √ (|θi ⊗ |θ + πi − |θ + πi ⊗ |θi)
2
1
= . . . = √ (|+z i ⊗ |−z i − |−z i ⊗ |+z i) = |φi
2
On peut donc supposer que ~a est selon l'axe z. Alors utilisant h+|Sz |−i = 0,
D E 1  2 2
~
φ|Ê(~a, b)φ = (h+, −|Sz Sb |+, −i + h−, +|Sz Sb |−, +i)
2 ~
 
1 2
= (h−|Sb |−i − h+|Sb |+i)
2 ~

or Sb = ~
2
(|θihθ| − |θ + πihθ + π|) donc

D E 1
φ|Ê(~a, ~b)φ = |h−|θi|2 − |h−|θ + πi|2 − |h+|θi|2 + |h+|θ + πi|2

2        
1 2 θ 2 θ 2 θ 2 θ
= sin − cos − cos + sin = − cos θ
2 2 2 2 2

Remarque : comme attendu pour ~a = ~b, les deux théories sont en accord :

EQ (~a, ~a) = Eloc (~a, ~a) = −1.


   
Considérons des directions ~a, ~b, ~c coplanaires telles que ~a, ~b = π
3
, ~b, ~c = π
3
, (~a, ~c) =

. Alors
3

π   
  2π 1 1
EQ ~a, ~b − EQ (~a, ~c) = − cos + cos = − − =1
3 3 2 2
π  1
1 + EQ (~a, ~c) = 1 − cos =
3 2
L(inégalité de Bell (5.2.3) n'est pas vériée. On dit qu'il y a violation de l'inégalité de
Bell par la mécanique quantique.
Conséquence : la mécanique quantique est une théorie non locale.
Exercice :
212 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

   
Fixer ~a, ~b = π
2
, et poser ~b, ~c = α, avec ~a, ~b, ~c coplanaires donc (~a, ~c) = π
2
+ α.
 
Calculer et tracer EQ ~a, ~b − EQ (~a, ~c) et 1 + EQ (~a, ~c) en fonction de α.
Solution :
  π  π 
~
EQ ~a, b − EQ (~a, ~c) = − cos + cos + α = |sin(α)|
2 2
π
et 1 + EQ (~a, ~c) = 1 − cos(α). Voir gure 5.2.4. Pour 0 < α < 2
, on a sin α > 1 − cos α donc
violation de l'inégalité de Bell.

1+E Q(b,c)

Violation Violation

|E Q(a,b)−E Q(a,c)|
j

0 π 2π α

Figure 5.2.4  Violation d'une inégalité de Bell par la mécanique quantique.

5.2.5.2 Non localité de la mécanique quantique, conrmation expérimentale

En 1976, les expériences de Alain Aspect utilisant des photons polarisés, (au lieu de
particules avec spin 1/2) montrent la violation d'inégalités de Bell, et sont donc en faveur de
l'interprétation par une théorie locale
la mécanique quantique [Asp76, ADR82]. Ainsi
à variable cachée n'est pas possible. La non localité de la mécanique quantique
est observée expérimentalement.
Les résultats de l'expérience sont en parfait accord avec la mécanique quantique.
Des expérience plus récentes ont été faites où la distance entre les deux mesures est de
l'ordre de 10 km. Elles sont toujours en parfait accord avec la mécanique quantique.
Une expérience peut être fait en T.P. à l'université, voir [DM02].

5.2.6 Egalité de G.H.Z. (1989)

Nous présentons ici un autre protocle expérimentale qui démontre que la théorie
quantique est non locale.
Références : article de Laloë (sur la page web du cours), page 17, et Greenberger, Horne,
Zeilinger, Am. Jour of Phys. vol 58, p1131, 1990.
5.2. NON LOCALITÉ DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE, LE PARADOXE E.P.R.213

   
1 2 0
Comme auparavant, on note |+i ≡ ∈C et |−i ≡ ∈ C2 les deux états
0 1
de base d'un spin 1/2. On considère 3 particules de spin 1/2. On ne décrit que les états de
spin et non pas leur état spatial. L'espace quantique est donc de dimension 6, c'est :

⊗3
H = C2 = C6

Les trois particules sont séparées spatialement, et chacune est envoyée vers un détecteur
capable d'observer son état de spin.

Figure 5.2.5  . Schéma de l'état ψ = | + ++i − | − −−ià trois particules enchevétré.

Supposons que les 3 particules soient dans l'état enchevétré de spin :

ψ = | + ++i − | − −−i

Rappel sur le processus de la mesure d'après la théorie quantique : si un phy-


(1)
sicien situé près de la particule 1 mesure l'état de son spin σz par exemple,il observera
(1)
σz = ±1 avec des probabilités respectives
2
Pσz(1) =1 (ψ) k| + ++ik2 1  1
(1)
σz(1) = −1 = ,

Proba σz =1 = = = , Proba
kψk2 kψk 2
2 2
(1) (1)
ou Pσz(1) est le projecteur sur l'espace propre σz . Si le résultat est σz = 1 par exemple,
alors l'état total de spin des trois particules juste après la mesure est réduit en:

ψ 0 = Pσz(1) =1 (ψ) = | + ++i

Cela signie une modication instantanée, non locale de l'état de spin des particules 2 et
3. C'est le collapse de l'état quantique.
214 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

La question posée par Einstein-Podolsky-Rosen (EPR 1935) est (à nouveau) de savoir


si cet modication non locale est réelle ou non. Ce résultat pourrait t-il s'expliquer par une
théorie locale non encore découverte ? c'est à dire une théorie qui montrerait par exemple
que l'état des 3 particules | + ++i ou | − −−i est décidé en fait dès leur séparation et que
la corrélation existente n'est qu'un eet de mémoire. Autrement dit que le phénomène de
collapse n'est pas réel mais est seulement dû au formalisme de la mécanique quantique que
l'on utilise.

5.2.6.1 Description avec la théorie quantique

On considère l'observable
Âxyy := σx(1) σy(2) σy(3)
et

B̂ := σx(1) σx(2) σx(3)


(i)
où σy est une matrice de Pauli agissant sur la particule
    i.
0 1 0 −i
Rappel : σx = , σy = ont des valeurs propres ±1. Observer que
1 0 i 0
les matrices avec des indices (i) diérents commuttent entre elles car elles agissent sur des
particules diérentes. Le spectre de Âxyy et de B̂ est donc ±1.
Etablissons d'abord le résultat suivant concernant ces opérateurs :

Lemme 5.2.1. L'état ψ = | + ++i − | − −−i est vecteur propre de l'opérateur Âxyy de
valeur propre +1, c'est à dire :
Âxyy ψ = ψ
et est vecteur propre de l'opérateur B̂ avec la valeur propre (−1), c'est à dire :

B̂ψ = −ψ

Avant de prouver ce Lemme, discutons la signication physique


1 :

1.

Remarque 5.2.2. On peut montrer cependant


 que aucun
 des termes individuels n'a une valeur sûre. Par
(1) (1)
exemple Probaψ σx = 1 = 0.5, Probaψ σx = −1 = 0.5.

Démonstration. On |+x i = √12 (|+z i + |−z i), et |−x i = √1


2
(|+z i − |−z i) donc |+z i = √1
2
(|+x i + |−x i),
|−z i = √1 (|+x i + |−x i). Donc
2

1 1
ψ = √ √ (| +x +z +z i + | −x +z +z i − | +x −z −z i + | −x −z −z i)
2 2
 
1 1 1
=√ |+x i ⊗ √ (| +z +z i − | −z −z i) + |−x i ⊗ √ (| +z +z i + | −z −z i)
2 2 2
5.2. NON LOCALITÉ DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE, LE PARADOXE E.P.R.215

Proposition 5.2.3. Une mesure des l'observables Axyy ou Ayxy ou Ayyx dans l'état ψ
donne avec certitude le résultat

Axyy = 1, Ayxy = 1, Ayyx = 1. (5.2.4)

(car par symétrie le numéro de la particule n'importe pas). De même une mesure de B
dans l'état ψ donne avec certitude
B = −1 (5.2.5)

Pour illustrer ce que signie la proposition précédente, on imagine que un ensemble


de 3 particules est envoyé régulièrement dans l'état ψ comme sur la gure 5.2.5. L'expé-
(1) (2) (3)
rimentateur 1 mesure σx , l'exp.. 2 mesure σy et l'exp.. 2 mesure σy . Ils collectent leur
résultats et obtiennent à la n un tableau de la forme :
(1) (2) (3) (1) (2) (3)
σx σy σy Axyy = σx σy σy
Mesure 1 1 −1 −1 1
Mesure 2 −1 1 −1 1
Mesure 3 −1 −1 1 1
Mesure 4 1 1 1 1
.
.
.
(1) (2) (3) (1) (2) (3)
De même dans une autre série d'expérience ils mesures σy , σx , σy puis σy , σy , σx
(1) (2) (3)
puis σx , σx , σx et déduisent en faisant le produit de leur résultats, Ayxy , Ayyx et B . La
théorie quantique prédit que à chaque mesure les valeurs obtenues sont Axyy = Ayxy =
Ayyx = 1 et B = −1.
Démonstration. du Lemme. On a
         
0 1 1 0 0 1 0 1
σx |+i = = = |−i, σx |−i = = = |+i.
1 0 0 1 1 0 1 0
     
0 −1 1 0 −1 0
σy |+i = i = i|−i, σy |−i = i = −i|+i.
1 0 0 1 0 1
donc
σx(1) ψ = (| − ++i − | + −−i)
σy(2) σx(1) ψ = i| − −+i + i| + +−i


et nalement

donc
  Proj+ (ψ) 1
Probaψ σx(1) = 1 = x
2 =
kψk 2
etc.
216 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

Âxyy ψ = σy(3) σy(2) σx(1) ψ = i2 (| − −−i − | + ++i) = ψ




Pour B̂ψ on a
σx(1) ψ = | − ++i − | + −−i
σx(2) σx(1) ψ = | − −+i − | + +−i


B̂ψ = σx(3) σx(2) σx(1) ψ = | − −−i − | + ++i = −ψ




5.2.6.2 Etude (non quantique) avec une hypothèse de localité

On va maintenant essayer de prédire la valeur du résultat de la mesure de B avec


(i) (i)
l'hypothèse d'une théorie locale. On introduit des variables aléatoires σx , σy , . . .
prenant les valeurs ±1 et représentant des résultats de mesure où i = 1, 2, 3 est numéro des
(1)
particules. L'hypothèse de localité implique que lors d'une mesure, le résultat σx ne
(2)
dépend pas de σ , σ (3) car les particules sont distantes les une des autres (etc pour tous
les indices).
Supposons à priori que l'on a le résultat (5.2.4) c'est à dire :

Axyy = σx(1) σy(2) σy(3) = +1, Ayxy = σy(1) σx(2) σy(3) = +1, Ayyx = σy(1) σy(2) σx(3) = +1,
(i) 2

alors on obtient d'une part que Axyy Ayxy Ayyx = 1 et d'autre part, utilisant σ = +1 ,
∀i, on obtient

Axyy Ayxy Ayyx = σx(1) σy(2) σy(3) σy(1) σx(2) σy(3) σy(1) σy(2) σx(3)
  
(5.2.6)

= σx(1) σx(2) σx(3) = B


Conclusion :
B = 1.
qui est en contradiction claire avec le résultat (5.2.5) prédit par la théorie quantique.
Conclusion : la théorie quantique n'est pas une théorie locale.
Cependant il n'y a pas d'expérience à ce jour qui vérie (5.2.5).

Remarque 5.2.4. Insistons sur l'utilisation de l'hypothèse de localité. Dansl'équation (5.2.6),


(2)
l'hypothèse de localité est introduite en supposant par exemple que le résultat σy est le
même dans la mesure collective de Axyy et de Ayyx . En eet ce qui diére entre ces deux
mesures est l'orientation des appareils de détection des particules (1) et (3), et ce choix
ne peut pas inuencer le résultat de la mesure sur (2), d'après l'hypothèse de localité.
 2
(2)
Cela nous a alors permit de simplier le produit en utilisant σy = 1. Autrement dit,
(2)
dans le cadre de la théorie quantique (non locale), le résultat σy dépend du choix des
orientations des appareils (1) et (3) qui peuvent pourtant être situés très loin de (2) ! Dans
une expérience les physiciens prennent soin de faire ces choix au dernier moment, de façon
8
a être sur qu'aucun signal causal (i.e. avançant à une vitesse inférieure à c = 3.10 m/s)
puisse informer (2) de ces choix. Cela est délicat et rend l'expérience dicile à réaliser.
5.3. PLUSIEURS PARTICULES IDENTIQUES 217

5.3 Plusieurs particules identiques


Dans le cas de plusieurs particules identiques, une diérence importante apparaît par
rapport au cas de plusieurs particules discernables décrit dans la section 5.1.

5.3.1 Deux particules identiques

5.3.1.1 Particules de spins demi-entier, les Fermions

L'électron est une particule élémentaire de spin 1/2. Si deux électrons sont respecti-
vement dans les états |ψ1 > et |ψ2 >, on pourrait penser que l'ensemble est décrit par
le vecteur |ψ1 > ⊗|ψ2 > de H1 ⊗ H2 . Déjà on peut remarquer que expérimentalement, il
serait impossible de distinguer l'état |ψ1 > ⊗|ψ2 > de l'état |ψ2 > ⊗|ψ1 >, ou de toute
combinaison linéaire de ces états, puisque l'échange des deux électrons passerait inaperçue.

Principe : L'expérience montre que dans la nature, chaque paire de particule identique
élémentaire de spin 1/2 (ou demi-entier 3/2, 5/2, 7/2) est dans un état de la forme dite
antisymétrique, notée :

1
|ψ1 > ∧|ψ2 >= √ (|ψ1 > ⊗|ψ2 > −|ψ2 > ⊗|ψ1 >) (5.3.1)
2
ou toute combinaison linéaire (i.e. superposition) de tels états antisymétrique. Les autres
combinaisons sont donc interdites.

Remarques :
◦ Les particules élémentaires de spin 1/2 soumises à ce principe s'appellent des Fer-
mions. Cer sont les quarks, électrons, neutrinos, leptons, et particules analogues
d'antimatière ...)
◦ Ce principe appelé principe spin-statistique se justie en théorie quantique rela-
tiviste. Mais il manque actuellement une explication simple de cette correspondance.
◦ (*) Le symbôle  ∧ s'appelle le produit extérieur. L'espace des états quantique
décrivant deux électrons contient donc les vecteurs de la forme (5.3.1). C'est un
espace vectoriel, qui est le produit extérieur des espaces à un électron (ou l'anti-
symétrisé), et noté

Htotal = He ∧ He = Â (He ⊗ He )

◦ le facteur 1/ 2 est pour la normalisation dans le cas où |ψ1 >, |ψ2 > sont chacun
orthogonaux et normalisés. En eet dans ce cas

1
k|ψ1 > ∧|ψ2 >k2 = (2 < ψ1 |ψ1 >< ψ2 |ψ2 >) = 1
2
218 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

◦ On a
(|ψ1 > ∧|ψ2 >) = − (|ψ2 > ∧|ψ1 >)
◦ Conséquence de l'anti-symétrie : deux électrons ne peuvent être dans le même
état quantique . En eet

1
|ψ > ∧|ψ >= √ (|ψ > ⊗|ψ > −|ψ > ⊗|ψ >) = 0
2
qui est le vecteur nul et ne peut donc pas décrire un état physique. C'est le principe
d'exclusion de Pauli formulé en 1925 pour expliquer la structure des atome.
◦ (*) Cette anti-symétrie se reète au niveau de la fonction d'onde des deux particules.
Si les deux particules ont le même état de spin, disons |+ >∈ Hspin , et dans des
états spatial diérents, |ϕ1 >, |ϕ2 >∈ Hspatial posons :

|ψ1 >= |ϕ1 > ⊗|+ >


|ψ2 >= |ϕ2 > ⊗|+ >

alors
|ψ1 > ∧|ψ2 >= (|ϕ1 > ∧|ϕ2 >) ⊗ (|+ >1 ⊗|+ >2 )
Noter donc que la partie spatiale est antisymétrique, alors que la partie spin est
symétrique.
La fonction d'onde (spinorielle) est déni par :

ψ(~x1 , ~x2 ) = (< x1 |⊗ < x2 |) (|ψ1 > ∧|ψ2 >)


1
= √ (< x1 |ϕ1 > ⊗ < x2 |ϕ2 > − < x1 |ϕ2 > ⊗ < x2 |ϕ1 >) ⊗ (|+ >1 ⊗|+ >2 )
2
1
= √ (ϕ1 (~x1 ) ϕ2 (~x2 ) − ϕ2 (~x1 ) ϕ1 (~x2 )) ⊗ (|+ >1 ⊗|+ >2 )
2
qui vérie donc :
ψ(~x2 , ~x1 ) = −ψ(~x1 , ~x2 )
◦ (*) Si au contraire les deux particules ont des états de spin diérents, elles peuvent
être dans le même état spatial. Prenons l'exemple des deux électrons de l'atome
|S >∈ Hspatial ,
d'hélium, qui sont dans l'orbitale spatiale et ont des états de spins
diérents, disons |+ >, |− >∈ Hspin
Alors |ψ1 >= |S > ⊗|+ >, |ψ2 >= |S > ⊗|− >, et
1
|ψ1 > ∧|ψ2 >= (|S >1 ⊗|S >2 ) ⊗ √ (|+ >1 ⊗|− >2 −|− >1 ⊗|+ >2 )
2
= (|S >1 ⊗|S >2 ) ⊗ (|+ > ∧|− >)

Cette fois ci, la partie spatiale est symétrique, alors que la partie spin est anti-
symétrique.
5.3. PLUSIEURS PARTICULES IDENTIQUES 219

◦ En particulier, deux particules ayant le même état de spin, ne peuvent être au même
endroit ~x, car d'après ci-dessus,

ψ(~x, ~x) = −ψ(~x, ~x) donc ψ (~x, ~x) = 0

Ce principe d'exclusion agit donc comme une répulsion, bien qu'il ne s'agisse pas
d'une force à proprement parler (il n'y a pas de particule qui transmet la force,
comme le photon transmet la force électromagnétique).
◦ Les particules composées d'un nombre impair de fermions sont approximative-
ment des fermions en régime de faible concentration. Par exemple le neutron est
composé de 3 quarks (u, d, d) est approximativement un fermion (de même pour le
proton).
◦ Ce principe d'antisymmétrie des fermions a des conséquences observables très claires
en physique. Elle explique :
 pour les neutrons et protons, la structure des noyaux nucléaires.
 pour les électrons, les règles de remplissage des niveaux d'énergie électronique
des atomes ou molécules.
 le remplissage des états électroniques dans les solides cristallins. Ce remplissage
est à l'origine des propriétés isolantes ou conductrices de ces matériaux, et na-
lement de la solidité et impénétrabilité de la matière solide à notre échelle.
 Elle explique la taille, et les propriétés des étoiles naines blanches, où les élec-
trons sont soumis à ce principe d'exclusion (et de même la taille des étoiles à
neutron).

5.3.1.2 Particules de spins entier, les Bosons

Principe : L'expérience montre que dans la nature, chaque paire de particule identique
élémentaire de spin entier 0, 1, 2, . . . est dans un état de la forme dite symétrique, notée :
1
|ψ1 > ∨|ψ2 >= √ (|ψ1 > ⊗|ψ2 > +|ψ2 > ⊗|ψ1 >) (5.3.2)
2
ou toute combinaison linéaire (i.e. superposition) de tels états symétriques. Les autres
combinaisons sont donc interdites.

Remarques
◦ Les particules soumises à ce principe sont appelées des Bosons. C'est le cas du
photon, des gluons, et autres particules de Jauge Z, W et Boson de Higgs, ...
◦ C'est aussi le cas pour les particules composées de spin entier (contenant un nombre
pair de fermions) mais seulement dans l'approximation des faibles concentration.
Par exemple les mésons K, π = (q, q) (contenant un nombre pair de quarks), les
atomes et molécules de spin entier comme He4 = (p, p, n, n, e, e), contenant un
nombre pair de protons,neutrons et électrons, atome hydrogène H = (p, e), noyau
220 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

deuterium d = (p, n). référence : [MR90, §2.1.6]. Il est curieux que dans [CBF]p.1387
ce problème ne soit pas abordé.
◦ Cette correspondance appelée spin-statistique se justie en théorie quantique re-
lativiste.
◦ L'espace total des combinaisons linéaires d'états symétriques est noté :

Htotal = H ∨ H = Ŝ (H ⊗ H)

◦ Si les deux particules ont le même état de spin, disons |+ >∈ Hspin , la fonction
d'onde des deux particules est symétrique :

ψ(~x2 , ~x1 ) = ψ(~x1 , ~x2 )

Il n'y a pas de propriété d'exclusion comme dans le cas des fermions. Au contraire,
il est favorable que deux particules soient dans le même état, ou au même endroit
~x. Cela amène au phénomène de condensation de Bose à basse température (voir
Cours de physique Statistique à ce sujet, [DGLR89]).
◦ Un faisceau laser contient un grand nombre de photons (n ' 1020 ) qui sont tous
(idéalement) dans le même état quantique, correspondant à un mode d'onde élec-
tromagnétique précis. Cela est possible car le photon est un boson.

5.3.2 Plusieurs particules identiques

Nous présentons le formalisme pour décrire l'état quantique de N fermions ou N bosons.


Notons π un opérateur qui permute les N états. Par exemple pour N =3 :

π (|ψ1 > ⊗|ψ2 > ⊗|ψ3 >) = (|ψ2 > ⊗|ψ1 > ⊗|ψ3 >)

|ψ 1> |ψ 2> |ψ 3>

|ψ 2> |ψ 1> |ψ 3>

Figure 5.3.1  Une permutation π de trois états, de signature σ(π) = (−1).

Il y a N! façons de permuter N états. Les opérateurs π correspondants forment le


groupe symétrique SN (voir [Bac]).
La signature d'une permutation notée σ(π), vaut (+1) ou (−1) selon que le nombre
de croisements est pair ou impair dans le diagramme de correspondance (gure 5.3.1).
5.3. PLUSIEURS PARTICULES IDENTIQUES 221

5.3.2.1 Cas des bosons

Un état de N bosons est une combinaison linéaire (i.e. superposition) de toutes les
permutations possibles, de la forme :

!
1 X
|ψ1 > ∨|ψ2 > ∨ . . . |ψN >= √ π (|ψ1 > ⊗|ψ2 > ⊗ . . . ⊗ |ψN >)
N! π∈SN

appelé état totalement symétrique.


Par exemple pour N = 2, on retrouve (5.3.2), et pour N = 3, cela donne :

|ψ1 > ∨|ψ2 > ∨|ψ3 >=


1
√ (|ψ1 ψ2 ψ3 > +|ψ1 ψ3 ψ2 > +|ψ3 ψ2 ψ1 > +|ψ2 ψ1 ψ3 > +|ψ3 ψ1 ψ2 > +|ψ2 ψ3 ψ1 >)
6
On note aussi l'opérateur symétriseur :

1 X
Ŝ := π (5.3.3)
N ! π∈S
N

qui agit sur l'espace H⊗N = H ⊗ . . . ⊗ H. (c'est un projecteur orthogonal, voir proposition
5.3.1 plus bas pour l'explication du facteur 1/N !). Ainsi :

|ψ1 > ∨|ψ2 > ∨ . . . |ψN >= N !Ŝ (|ψ1 > ⊗|ψ2 > ⊗ . . . ⊗ |ψN >) (5.3.4)

5.3.2.2 Cas des fermions

Un état de N fermions est une combinaison linéaire de toutes les permutations pos-
sibles aectée de leur signature, de la forme :

!
1 X
|ψ1 > ∧|ψ2 > ∧ . . . |ψN >= √ σ(π) π (|ψ1 > ⊗|ψ2 > ⊗ . . . ⊗ |ψN >)
N! π∈SN

appelé état totalement antisymétrique.


Par exemple pour N = 2, on retrouve (5.3.1), et pour N = 3, cela donne :

|ψ1 > ∧|ψ2 > ∧|ψ3 >=


1
√ (|ψ1 ψ2 ψ3 > −|ψ1 ψ3 ψ2 > −|ψ3 ψ2 ψ1 > −|ψ2 ψ1 ψ3 > +|ψ3 ψ1 ψ2 > +|ψ2 ψ3 ψ1 >)
6
On note aussi l'opérateur anti-symétriseur :

1 X
 := σ(π) π (5.3.5)
N ! π∈S
N
222 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

qui agit sur l'espace H⊗N = H ⊗ . . . ⊗ H. Ainsi :



|ψ1 > ∧|ψ2 > ∧ . . . |ψN >= N ! (|ψ1 > ⊗|ψ2 > ⊗ . . . ⊗ |ψN >)

Propriété : Si π est un opérateur de permutation, alors pour un état de N bosons :

π (|ψ1 > ∨|ψ2 > ∨ . . . |ψN >) = + (|ψ1 > ∨|ψ2 > ∨ . . . |ψN >)

et pour un état de N fermions :

π (|ψ1 > ∧|ψ2 > ∧ . . . |ψN >) = σ(π) (|ψ1 > ∧|ψ2 > ∧ . . . |ψN >)

par exemple pour une transposition, qui est une permutation échangeant seulement
deux particules, on a σ(π) = −1.
Ainsi les états à N bosons sont des vecteurs propres des opérateurs de transpositions,
avec la valeur propre (+1). Et les états à N fermions, sont des vecteurs propres des opéra-
teurs de transpositions, avec la valeur propre (−1).

Démonstration. ([CBF] Cohen p1379) montrons que π Ŝ = Ŝ et π Â = σ (π) Â :

1 X 1 X
π Ŝ = π π0 = π 00 = Ŝ
N! 0 N!
π ∈SN π 00 =π π 0 ∈SN

où on a eectué le changement de variable π 00 = π π 0 , et utilisé le fait que π(SN ) = SN . De même :


1 X 1 X 1 X
π Â = σ(π 0 ) π π 0 = σ(π −1 π 00 )π 00 = σ(π) σ(π 00 )π 00 = σ (π) Â
N! 0 N ! 00 N ! 00
π ∈SN π ∈SN π ∈SN

où on a utilisé le fait que σ(π −1 π 00 ) = σ(π −1 ) σ(π 00 ) (morphisme de groupes) et donc σ(π −1 ) =
σ(π).

Exercice Considérons un électron (fermion) qui peut être dans M états distincts, |e1 >
, |e2 >, . . . |eM >. L'espace de Hilbert H1 à un électron correspondant est donc de dimension
M.
1. D'abord dans le cas simple M = 3, supposons qu'il y a un deuxième électron .
Donner alors une base de l'espace à deux électrons H2 = H1 ∧ H1 , et déduire sa
dimension.

2. Donner une base de H2 et sa dimension, pour M quelconque.

3. Généraliser, pour N électrons, donner une base de HN et sa dimension, pour N et


M quelconques.
5.3. PLUSIEURS PARTICULES IDENTIQUES 223

4. Même question pour des bosons.

Proposition 5.3.1. Notons H⊗N := |H ⊗ .{z


. . ⊗ H} l'espace à N particules discernables
N
(sans symmétrie). Considérons les opérateurs linéaires de symmétrisation Ŝ : H⊗N →
H⊗N déni en (5.3.3) et  : H⊗N → H⊗N , déni en (5.3.5). Alors

Ŝ 2 = Ŝ, Ŝ + = Ŝ

Â2 = Â, Â+ = Â,


qui signie que Ŝ Â sont des projecteurs orthogonaux sur les sous espaces
et respectivement
⊗N

des états totalement symétriques (ou  espace bosonique) Ŝ H et antisymétriques
⊗N

(ou  espace fermionique) Â H . De plus

si N ≥, 2 alors Ŝ Â = 0,

si N = 2, alors ˆ
Ŝ + Â = Id.

Remarque 5.3.2.

◦ A propos du facteur N ! : si les vecteursψj ∈ H sont normalisés alors Ψ := ψ1 ⊗
⊗N
ψ2 . . . ⊗ ψN ∈ H est normalisé, kΨk = 1. Par contre ŜΨ est symétrique mais pas
normalisé (un projecteur orthogonal ne peut que diminuer la norme du vecteur) :

2
ŜΨ = hŜΨ, ŜΨi = hΨ, Ŝ 2 Ψi
1 X
= hΨ, ŜΨi = hΨ, πΨi
N ! π∈S
N

1 1
= kΨk2 = .
N! N!
On a utilisé que hΨ, πΨi = 0 si π 6= Id. Ainsi

N ŜΨ = 1

et le vecteur symétrique (5.3.4) est normalisé. Noter cependant que Ψ := ψ1 ⊗


ψ2 . . . ⊗ ψN ∈ H⊗N est un vecteur très particulier appelé état produit. En général
il est plus
√ naturel de considérer l'opérateur Ŝ (qui est un projecteur) plutot que
N Ŝ .
◦ L'étude des représentations du groupe de permutation SN et l'utilisation des ta-
bleaux de Young permet de généraliser ces résultats.
224 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

1
P
Démonstration. On a  := N! π∈SN σ(π)π . Donc

1 X
0 0 1 X
Â2 = σ(π)σ(π )π ◦ π = σ(π ◦ π 0 )π ◦ π 0 .
(N !)2 π,π0 ∈SN (N !)2 π,π0 ∈SN

00
car σ : SN → {−1, 1}
est un morphisme de groupe. Posons π = π ◦ π0 et faisons le
0 00 0 −1 00
changement de variable (π, π ) → (π, π ) avec π = π ◦ π . On a
!
1 X 1 X
Â2 = σ(π 00 )π 00 = 1 Â = Â
(N !)2 π,π 00 ∈SN
N! π∈SN


π+ = π Â+ = Â.
P
car il y a N! éléments dans SN donc π∈SN 1 = N !. On a donc De

même on montre que Ŝ 2 = Ŝ et Ŝ + = Ŝ .

5.3.2.3 Fonction d'onde à plusieurs particules, Déterminant de Slater.

@@

5.4 Aperçu sur les particules élémentaires et forces élé-


mentaires (*)
Nous donnons cet aperçu très succinct, mais incontournable, car la mécanique quantique
s'applique avant tout aux particules élémentaires et à ses composés.
La théorie actuelle en accord avec les expériences (le modèle standard) date des année
1970-80.
http://public.web.cern.ch/Public/SCIENCE/TutorialWelcome_fr.html,
Référence :
http://www-pdg.lbl.gov.

5.4.1 Liste des particules élémentaires

5.4.1.1 La matière

6 quarks

charge électrique (en e)


up u charmc Topt +2/3
down d Stranges Beauty or Bottomb −1/3

ces quarks n'existent que par groupes de deux (qq )ou trois (qqq ), où q dénote un quark,
et q dénote un anti-quark. Ce phénomène s'appelle le connement ; c'est un fait expéri-
mental pas entièrement compris au niveau théorique.
5.4. APERÇU SUR LES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES ET FORCES ÉLÉMENTAIRES (*)225

Figure 5.4.1  Trajectoires de particules après une collision au CERN.

6 Leptons On indique la masse en M eV /c2 .

charge électrique (en e)


électron : e (0.5) Muon : µ (105) Tau : τ (1777) +1
Neutrino électronique νe Neutrino Muoniqueνµ Neutrino Tauντ 0

5.4.1.2 L'antimatière

Chaque particule a sa particule  image d'anti-matière. Il y a donc 6 antiquarks, et


6 anti-leptons, de même masse que leur image, de charge électrique opposée, notés
avec une barre. Exemple : e+ = e− est l'anti-électron, aussi appelé le positron.
Remarque : une particule de matière rencontrant une particule d'anti-matière peut
s'annihiler et donner de l'énergie sous forme de rayonnement :

matiere + antimatiere → energie

Ce processus a été très important au début de l'univers. Après une important phase
d'annihilation mutuelle, il est resté de la matière car elle était en excédent de 1%.

5.4.1.3 Les bosons de Jauge

Ce sont des particules qui transmettent les forces élémentaires.


◦ Le photon γ, de masse nulle, transmet la force électromagnétique entre les parti-
cules ayant une charge électrique.
◦ 8 gluons g, de masse nulle, transmettent la force nucléaire forte entre les quarks.
226 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES

2
◦ Les bosons W et Z : W0 , W+ , W− de masse m = 80 GeV/c , et Z0 de masse
2
m = 91 GeV /c , transmettent la force nucléaire faible entre les particules de matière
et d'anti-matière. (quarks et leptons).
2
◦ Le boson de Higgs m = 125 GeV/c .

Remarques :
◦ Les neutrinos ne sont sensibles que à la force nucléaire faible, et n'intéragissent
3
donc que très peu. Ils peuvent traverser la Terre facilement. Il y en a 200 par m ,
provenant d'un reste fossile du Big Bang. Réf : Pour la science, juillet 2010.
◦ L'interaction gravitationnelle est aussi une force élémentaire, mais on ne sait pas si
la théorie quantique s'applique pour elle. Autrement dit, on ne sait pas si il y a une
particule de Jauge associée que l'on appelerait le graviton.

5.4.1.4 Particules élémentaires stables

Il y a donc peu de particules élémentaires. Surtout que la plupart cités ci-dessus sont
instables : elles ont une durée de vie très courte. Elles apparaissent lors de collisions éner-
gétiques, et se désintègrent très rapidement. Les particules élémentaires stables sont

e− , neutrinos , γ

les quarks q et les gluons g n'existent pas à l'état individuel.

5.4.2 Les particules composées

La richesse et la diversité de la nature vient que ces particules élémentaires s'assemblent


pour former des particules composées très variées.

5.4.2.1 Les mésons :

les mésons sont composés de deux quarks qq avec des gluons qui les lient. Par exemple
le méson appelé pion π0  est une superposion quantique :

1 
π0 ≡ √ |dd > −|uu >
2

de masse m = 140 M eV /c2 , de charge 0.

5.4.2.2 Les baryons :

Les baryons sont composés de trois quarks qqq avec des gluons qui les lient. Par exemple :

Proton p :(uud) masse = 939 M eV /c2 , charge + 1


Neutron n : (udd) masse = 940 M eV /c2 , charge 0
5.4. APERÇU SUR LES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES ET FORCES ÉLÉMENTAIRES (*)227

5.4.2.3 Noyau nucléaire

Un noyau nucléaire est composé de protons et neutrons. Par exemple

Helium4 : (ppnn)

Il faut une proportion de neutron et protons adéquate pour former un noyau.

5.4.2.4 Composés plus élaborés : atomes, molécules, matériaux,...

Ensuite, les noyaux s'entourent d'électrons pour former des atomes, les atomes s'as-
semblent pour former des molécules, des matériaux, des uides. . .

5.4.2.5 Particules composées stables

Les particules composées stables sont : le proton p, les noyaux nucléaires légers (He,C ,O,. . .)
les atomes, les matériaux,. . .
Remarque :
◦ le neutron isolé est instable, avec une durée de vie moyenne de 15mn (887 s. préci-
sément).
◦ L'antimatière serait stable sans l'environnement de la matière. On a fabriqué des
− +
atomes d'anti-Hydrogène composés de p et e .
◦ Le LHC au CERN, étudie depuis 2010 des collisions p+p à hautes énergies. On
espère de nouvelles découvertes.
228 CHAPITRE 5. PLUSIEURS PARTICULES
Deuxième partie
Outils et méthodes

229
Chapitre 6
Symétries et règles de conservation
Ce chapitre entame une deuxième partie du cours où l'on présente des méthodes spéci-
ques pour résoudre des problèmes de mécanique quantique. Dans le chapitre 8 méthodes
d'approximation, on présente diérentes techniques standard d'approximation.
Dans le chapitre 6 Symétries, il s'agit d'exploiter les symétries du problème.

6.1 Propriétés et méthodes de base


6.1.1 Spectre commun de deux opérateurs qui commutent

Jusqu'à présent nous avons discuté le spectre d'un seul opérateur à la fois. La propriété
suivante qui concerne deux opérateurs est très utile pour la suite.

Propriété Supposons que deux opérateurs auto-adjoints ayant du spectre discret


 et B̂ , commutent , c'est à dire que
h i
Â, B̂ = ÂB̂ − B̂ Â = 0

Alors il existe une base propre commune des deux opérateurs . C'est à dire
qu'il existe une famille de vecteurs |Vi > formant une base de H, tels que

Â|Vi >= ai |Vi > et B̂|Vi >= bi |Vi >

Géométriquement, les espaces propres de  sont invariants par l'action de


B̂ , et inversement.
Plus généralement on peut énoncer une propriété similaire pour N opérateurs
qui commutent deux à deux .

231
232 CHAPITRE 6. SYMÉTRIES ET RÈGLES DE CONSERVATION

Démonstration. (cf Bransden p205).


 seul, et son spectre. On note a les diérentes valeurs
Considérons tout d'abord un opérateur
propres deÂ. Chaque valeur propre peut avoir une certaine multiplicité da ≥ 1, et l'espace propre
correspondant noté Ha est de dimension da . Ainsi on décompose :
M
H= Ha
a

Considérons l'opérateur B̂ . Soit un vecteur |ψ >∈ Ha . Par dénition, Â|ψ >= a|ψ >. Notons
|ψ 0 >= B̂|ψ >, alors

Â|ψ 0 >= ÂB̂|ψ >= B̂ Â|ψ >= aB̂|ψ >= a|ψ 0 >
donc |ψ 0 >∈ Ha aussi. On dit que l'espace propre Ha de  est globalement invariant par
l'opérateur B̂ . On peut alors chercher le spectre de B̂ dans chaque l'espace Ha . Un tel vecteur
propre |Vi > vériera donc B̂|Vi >= bi |Vi > et Â|Vi >= a|Vi >, car |Vi >∈ Ha .

6.1.2 Application : recherche du spectre de Ĥ


L'application habituelle de cette propriété est la suivante :

h i
Si  est un opérateur dont le spectre est connu, et si l'on a Â, Ĥ = 0, alors la

propriété ci-dessus permet de simplier la recherche du spectre de Ĥ dans un espace


H. Il sut :

1. Chercher les espaces propres Ha de l'opérateur  qui décomposent l'espace


H = ⊕a Ha
2. Chercher le spectre de Ĥ dans chaque espace propre Ha .

On a vu que la dynamique générée par Ĥ est interne à chaque espace Ha .

Exemples simples Voici des exemples (simples ; on verra des exemples plus compliqués
plus loin, montrant l'intérêt de la méthode).
h i
~2
p
1. Pour une particule libre dans (x, y, z), on a Ĥ = 2m
, et donc p~, Ĥ = 0, c'est à

dire Â1 = p̂x , et Â2 = p̂y , et Â3 = p̂z . L'espace propre commun de valeur propre
(px , py , pz ) correspond à une onde plane |px , py , pz >(Il est de dimension 1).Par

conséquent les états propres de Ĥ sont des ondes planes.

2. Pour une particule à une dimension, dans un double puits de potentiel symétrique,
p̂2
cad V (x) = V (−x) , ∀x, le Hamiltonien est Ĥ = + V (x). Considérons l'opéra-
2m
teur de parité P̂ déni par :

P̂ : ψ(x) → ψ(−x)
6.1. PROPRIÉTÉS ET MÉTHODES DE BASE 233

C'est un opérateur unitaire. On a P̂ 2 = I , et donc ses valeurs propres sont ±1.


L'espace propre associé à la valeur propre +1 noté H+ est constitué par toutes
les fonctions paires. L'espace propre associé à la valeur propre −1, noté H− , est
constitué par toutes les fonctions impaires. Ce sont des espaces de dimension innie,
2
et l'on a H = L (R) = H+ ⊕ H− .
1 Ĥ, P̂ = 0, et la propriété ci-dessus, permet de chercher les fonctions d'ondes
h i
On a

stationnaires (spectre de Ĥ ), parmi les fonctions paires puis impaires. cf TD.

6.1.3 Loi de conservation et groupe de symétrie dynamique


h i
Dans un espace de Hilbert H, supposons encore que Ĥ,  = 0, et que  soit un

opérateur auto-adjoint.
Rappelons que l'opérateur auto-adjoint  peut s'interpréter comme étant une obser-
vable physique, ou encore comme le générateur d'un groupe à un paramètre de
transformations unitaires :


i
Ĝ(λ) = exp − Âλ , λ∈R
~

De même pour l'opérateur Ĥ qui génère les opérateurs unitaires d'évolution :


i
Û (t) = exp − Ĥt , t∈R
~
Les quatre relations suivantes sont alors équivalentes :
h i
Ĥ, Â = 0
h i
Û (t), Â = 0 , ∀t
h i
Ĥ, Ĝ (t) = 0 , ∀t
h i
Û (t) , Ĝ (t) = 0 , ∀t
h i h i h   i hP  n i
1
en eet, par exemple si Ĥ, Â = 0, alors Û (t), Â = exp −iĤt/~ , Â = n n! −iĤt/~ , Â =
h i
0 car Ĥ n , Â = 0, ∀n.
Nous allons voir maintenant que chacune de ces quatre relations a une interprétation
ou une conséquence physique
h spécique.
i
Tout d'abord la relation Ĥ, Â = 0 a été exploitée au paragraphe précédent.

Ensuite :

1. preuve : ConsidéronsP : R → R déni par P (x) = −x. Alors l'opérateur de parité est P̂ψ =ψ ◦ P .
0
Or (ψ ◦ P) = (ψ 0 ◦ P) P 0 = − (ψ 0 ◦ P) donc p̂P̂ = −P̂ p̂. Donc p̂2 P̂ = P̂ p̂2 . On a V (x̂) P̂ = P̂V (x̂) donc
nalement Ĥ P̂ = P̂ Ĥ .
234 CHAPITRE 6. SYMÉTRIES ET RÈGLES DE CONSERVATION

6.1.3.1 Loi de conservation :

h i
De la relation Û (t), Â = 0 on déduit que quelque soit l'état initial |ψ >∈ H, la

valeur moyenne de l'observable  sur l'état |ψ(t) >= Û (t) |ψi est constante au cours
du temps :
D E hψ (t) |Âψ (t)i
 (t) = = constante/t (6.1.1)
hψ (t) |ψ (t)i

Plus précisément, toute la distribution de probabilité de l'observable  sur


l'état ψ (t), voir (1.6.1), est conservée.

preuve : pour la valeur moyenne,


D E 1 1
 (t) = < ψ(t)|Â|ψ(t) >= < ψ(0)|Û + (t)ÂÛ (t)|ψ(0) >
hψ|ψi hψ|ψi
1 D E
= < ψ(0)|Û + (t)Û (t)Â|ψ(0) >= Â (0)
hψ|ψi
, car Û + Û = I . Et plus généralement, si P̂a est le projecteur spectral deh sur la ivaleur propre

Aa , la probabilité à la date t est (on utilise que Û (t) est unitaire, et que P̂a , Û (t) = 0)
2 2
kPa ψ (t)k2 Pa Û (t) ψ (0) Û (t) Pa ψ (0) kPa ψ (0)k2
Pa (t) = = = = = Pa (0)
kψ (t)k2 Û (t) ψ (0)
2
kψ (0)k2 kψ (0)k2

Exemples simples
h i
~2
p
1. Pour une particule libre dans (x, y, z), on a Ĥ = 2m
, et donc p~, Ĥ = 0. Alors

h~pi (t) = cste, c'est à dire que l'impulsion moyenne est conservée au cours du temps.
2. Pour une particule à une dimension, dans un double puits de potentiel symétrique,
p̂2
Ĥ = 2m + V (x), si l'état |ψ(0) > est une fonction paire (respect. impaire) à la date
t = 0, alors elle reste une fonction paire (respect. impaire) à tout instant t.
h i D E
3. On a Ĥ, Ĥ = 0 naturellement. Donc Ĥ (t) = cste : l'énergie moyenne est

conservée. (Attention, on a supposé que l'opérateur Ĥ ne dépend pas du temps).

Remarques :
◦ Sur la brisure spontanée de symétrie, qui fait que certains états observés ne res-
pectent pas la symétrie de H. Ex : le crayon qui tombe, une particule dans un
double puits, ou la vie qui a la chiralité droite (on assimile pas le sucre gauche).
@@
◦ Non conservation de la parité par l'interaction faible. (1956) @@. Toutes les autres
forces connues conservent la parité.
6.1. PROPRIÉTÉS ET MÉTHODES DE BASE 235

6.1.3.2 Groupe de symétrie dynamique

h i
De la relation Û (t), Ĝ(λ) = 0, ∀t, λ, on déduit que la dynamique est invariante

par les opérations de symétrie Ĝ(λ). En eet le diagramme de la gure (6.1.1)(a)


commute. On dit que le groupe d'opérateurs Ĝ(λ) est un groupe de symétrie
dynamique.

|ψ( t )> |ψ(’ t )>


G(λ) E

U(t) U(t) G

G(λ) ψ ψ’
|ψ(0)> |ψ ’(0)>

(a) (b)

Figure 6.1.1  (a) La relation de commutation


h i
Û (t), Ĝ(λ) = 0, ∀t, λ, signie que partant
d'un état |ψ(0) >
h , il est équivalent
i de le transformer et le faire évoluer ensuite, ou l'inverse.
0
(b) La relation Ĥ, Ĝ(λ) = 0 montre que si Ĥ|ψ >= E|ψ >alors |ψ >= Ĝ|ψ >est aussi

vecteur propre de même énergie.

h i
La relation Ĥ, Ĝ(λ) = 0 a pour conséquence que si Ĥ|ψ >= E|ψ >, et si on

transforme |ψ 0 >= Ĝ|ψ >, alors

Ĥ|ψ 0 >= Ĥ Ĝ|ψ >= ĜĤ|ψ >= E Ĝ|ψ >= E|ψ 0 > (6.1.2)

donc |ψ 0 > est aussi vecteur propre de Ĥ , de même valeur propre E. Voir gure
6.1.1(b).
Autrement dit l'espace propre d'énergie E est invariant par l'action du groupe.
0
Si |ψ i n'est pas colinéaire à |ψi, on déduit que la valeur propre E est dégénérée.
0
Mais il se peut que |ψ i soit colinéaire à |ψi. On verra plus loin une règle générale à
ce sujet (selon que le groupe de symétrie est commutatif ou non).
236 CHAPITRE 6. SYMÉTRIES ET RÈGLES DE CONSERVATION

Exemples simples
h i
~2
p
1. Pour une particule libre dans (x, y, z), on a Ĥ = 2m
, et donc p~, Ĥ = 0. Or p~ est

le générateur des translations en espace. Il y a donc invariance de la dynamique


par translation spatiale. En termes plus simples, une particule libre aura la même
évolution indépendamment de son point de départ.
h i
2. On a Ĥ, Ĥ = 0 naturellement. Or Ĥ est le générateur des translations en temps.

Il y a donc invariance de la dynamique par translation temporelle. En termes plus


simples, une particule aura la même évolution indépendamment de sa date de départ.

Exercice (TD) : réexion d'un paquet d'onde sur un mur.

6.1.4 Impulsion totale et conservation

Considérons deux particules en interaction mutuelle, (comme un électron et un pro-


ton dans un atome d'hydrogène). Supposons que cette interaction soit décrite par une
force dérivant de l'énergie potentielle V (~x1 − ~x2 ) qui ne dépend que de la position relative
(~x1 − ~x2 ).
L'espace de Hilbert total est

Htot = H1 ⊗ H2 = L2 R3 ⊗ L2 R3
 

et le Hamiltonien total est l'opérateur :

p~21 p~2
Ĥ = + 2 + V (~x1 − ~x2 )
2m1 2m2
L'énergie ne dépend donc que de la distance mutuelle ~x1 − ~x2 des deux particules.
Le système est donc invariant par translation de l'ensemble des deux parti-
cules, dont l'opérateur (de translation de ~λ) agissant dans Htot est :

   
i ~ i ~
T̂~λ = exp − p~1 .λ exp − p~2 .λ
~ ~
 
i
= exp − p~tot .~λ
~

montrant que le générateur des translation de l'ensemble du système est l'opérateur im-
pulsion totale :
p~tot = p~1 + p~2 : impulsion totale

(rappel : il s'agit en fait de p~tot = p~1 ⊗ Id2 + Id2 ⊗ p~2 , voir eq.5.1.1).
2
2. Plus généralement, ce calcul montre que le générateur Ĝtot d'une transformation dans Htot = H1 ⊗
H2 . . . ⊗ H N est la somme des générateurs Ĝtot = Ĝ1 ⊕ Ĝ2 . . . ⊕ ĜN .
6.1. PROPRIÉTÉS ET MÉTHODES DE BASE 237

L'invariance par translation se traduit par les relations de commutation :


h i
Ĥ, T̂~λ = 0 (6.1.3)
h i
ˆ
Ĥ, p~tot = 0 (6.1.4)

l'impulsion totale est conservée , que le système total


et ont pour conséquence que
est invariant par translation spatiale .
D E
ˆ
p~tot (t) = constante/t

(Par exemple un atome d'hydrogène aura le même comportement quel que soit sa
position globale initiale).
Plus généralement en physique, l'invariance par translation d'un ensemble de particules
isolées est une propriété fondamentale qui est même un principe en physique des particules
élémentaires (mais n'a plus de sens en relativité générale, car l'espace est courbe, et d'admet
pas d'isométrie en général).

Exercice 6.1.1. On considère 2 particules en interaction mutuelle. Le Hamiltonien est

p̂21 p̂2
Ĥ = + 2 + U (~x2 − ~x1 )
2m1 2m2
1. Poser
 M = m1 + m2 . On considère le changement d'opérateurs (~x1 , p~1 , ~x2 , p~2 ) →
~ P~ dénis par
~x, p~, X,
(
~x := ~x2 − ~x1
rel. :
p~ := M1 (m1 p~2 − m2 p~1 )
(
X~ := M1 (m1~x1 + m2~x2 )
G:
P~ := p~1 + p~2

Noter que ~
X est la position du barycentre G, que P~ est l'impulsion totale et ~x la po-
sition relative des 2 particules. Montrer que les nouveaux opérateurs sont canoniques
(i.e. [x, px ] = i~Iˆ, etc..). Déduire que l'espace total s'écrit

Htot = H1 ⊗ H2 = Hrel. ⊗ HG

2. Montrer que

Ĥ = Ĥrel + ĤG
p̂2
Ĥrel = + U (~x)
2m
P̂ 2
ĤG =
2M
238 CHAPITRE 6. SYMÉTRIES ET RÈGLES DE CONSERVATION

m1 m2
avec m= m1 +m2
appelée la masse réduite. Noter que Ĥrel agit dans Hrel seule-

ment, que ĤG décrit le mouvement libre du barycentre et agit dans HG seulement.
On peut de manière analogue ramener un problème à N corps en interaction à la des-
cription du barycentre G libre découplé de (N − 1) corps. Plus généralement, pour
un groupe de symétrie, cette simplication s'appelle la réduction symplectique.

6.2 Groupe de symétrie dynamique commutatif : élec-


tron dans un potentiel périodique cristallin, spectre
en bandes.
ref : Sakurai p265. [J.J85].
Pour modéliser la dynamique des électrons dans un cristal, une approche simplicatrice
(approximative) et de négliger tout d'abord, l'interaction répulsive entre électrons. Cela
permet d'étudier la dynamique d'un électron individuellement.
Cet électron subit les forces électrostatiques exercées par les noyaux du cristal. Les
noyaux sont rangés de façon périodique. On modélise donc ces forces par un potentiel V (~x)
périodique, selon les trois translations élémentaires du cristal (voir gure 6.2.1) :

     
V ~x + ~l1 = V ~x + ~l2 = V ~x + ~l3 = V (~x) , ∀~x ∈ R3 ,

Noter que la position d'un noyau se répète comme ~xa,b,c = al~1 + b~l2 + c~l3 avec a, b, c ∈ Z3
entiers. Cela forme le réseau cristallin.

l3

l2

l1
Figure 6.2.1  Dans un cristal les atomes sont répartis de façon périodique. On note
~l1 , ~l2 , ~l3 les côtés d'une maille élémentaire.
6.2. GROUPE DE SYMÉTRIE DYNAMIQUE COMMUTATIF : ÉLECTRON DANS UN POTENTIEL

La dynamique d'un électron est décrite par le Hamiltonien :

p̂2
Ĥ = + V (~x) (6.2.1)
2m

6.2.1 Explication qualitative de la formation de bandes

Sans calcul, il y a une façon simple de deviner la structure des niveaux d'énergies
électronique dans un potentiel périodique :
Rappel : le potentiel Coulombien créé par un atome de charge +Z est

(eZ)e 1
V (r) = −
4π0 r

Le potentiel créé par la structure régulière d'atomes est la superposition de ces potentiels
individuels, voir gure 6.2.2.

Figure 6.2.2 
Pour un électron dans le potentiel d'un atome pris individuellement, le spectre a basse
énergie est discret (comme l'atome H ). Les états stationnaires (orbitales atomiques) sont
localisées.
Mais à cause de la symétrie par rotation et du spin, les niveaux sont (quasi) dégénérés.
Rappel : pour l'atome H les niveaux d'énergie sont

ε1 Z 2
En = −
n2
avec ε1 = me4 /(2~2 ) = 13, 6 eV. et ensuite les autres nombres quantiques sont 0 ≤
l ≤ n − 1, l ≤ m ≤ l , spin = ±1/2. On appelle états s, p, d, f, .. pour respectivement
l = 0, 1, 2, 3, .. Au total :

orbitales 1s 2s 2p 3s 3p
nombre de niveaux 2 2 6 2 6
240 CHAPITRE 6. SYMÉTRIES ET RÈGLES DE CONSERVATION

On s'intéresse maintenant à un état discret donné pour l'atome seul. cad (n, l, m, spin =
1
± 2 ) xés.
◦ Si 2 atomes identiques voisins : Les orbitales atomiques sont réparties sur les 2
atomes (liante-anti-liante) donnant 2 niveaux sérrés
◦ Si 3 atomes identiques : on a de même 3 niveaux sérrés.chaque fonction est répartie
sur les trois atomes.
◦ Si N atomes identiques (pour une mole, N ≈ 1023 .), il y aura N niveaux sérrés ≈
bande d'énergie et une fonction d'onde stationnaire est répartie sur tout le cristal
appelée onde de Bloch.
Voir gure 6.2.3.
La largeur de la bande dépend du recouvrement des orbitales atomiques. Donc
bandes étroites pour le niveau 1s et bandes plus larges au dessus.

Figure 6.2.3 
Schéma parlant :
Par l'imagination, on ressère les atomes (distance inter-atomes a : ∞ → 0). Les
orbitales se recouvrent de plus en plus, alors les bandes passent de largeur 0 (dégénérés) à
très larges (car recouvrement)
Par ex : Sodium qui a 11 électrons par atome, et un écart entre atomes a = 3.7, voir
gures 6.2.4. Le remplissage des niveaux par les électrons donne la gure 6.2.5.

6.2.2 Ondes de Bloch

Reprenons maintenant le problème qui est de calculer le spectre de l'opérateur 6.2.1,


en utilisant les symétries du problème.
Le but est de montrer que les symétries par translations sont responsables de la structure
en bande du spectre.
Considérons les trois opérateurs unitaires de translations d'une maille élémentaire,
6.2. GROUPE DE SYMÉTRIE DYNAMIQUE COMMUTATIF : ÉLECTRON DANS UN POTENTIEL

Figure 6.2.4 

Figure 6.2.5 
242 CHAPITRE 6. SYMÉTRIES ET RÈGLES DE CONSERVATION

T̂1 , T̂2 , T̂3 :


!
p~ˆ.~l1
T̂1 = exp −i , etc...
~

La périodicité du potentiel se traduit par les relations de commutations :


h i
Ĥ, T̂i = 0, i = 1, 2, 3

On a aussi : h i
T̂i , T̂j = 0, ∀i, j = 1, 2, 3
Montrant que le groupe de symétrie dynamique sont les translations discrètes du
réseau, et que c'est un groupe commutatif.
h i
Démonstration. la relation T̂i , T̂j = 0 découle de [p̂i , p̂j ] = 0 (car les opérations de dérivation
h i
commutent). Pour montrer Ĥ, T̂i = 0, il faut utiliser :
 
ˆ T̂i = T̂i ~x
~x ˆ + ~li (6.2.2)

Cela découle de ˆ|x >= ~x|~x >, et T̂i |~x >= |~x + ~li >, obtenu en eq. (2.1.11). Ainsi pour tout état
~x      
|~x >, on a ~x ˆ T̂i |~x >= ~xˆ|~x +~li >= ~x + ~li |~x +~li >. Et de même T̂i ~x ˆ + ~li |~x >= ~x + ~li T̂i |~x >=
   
~x + ~li |~x + ~li >. Donc ~x ˆ T̂i = T̂i ~xˆ + ~li . On déduit progressivement, que cela est aussi vrai
pour toute fonction V (x), (d'abord sur les monômes, puis polynômes,...) c'est à dire :
   
V ~x ˆ T̂i = T̂i V ~x ˆ + ~li

    h i h i
dans notre cas, ˆ + ~li = V ~x
V ~x ˆ ; par ailleurs T̂i , p~ˆ = 0 donc Ĥ, T̂i = 0.

Ensuite, d'après la propriété de base page 231, an d'étudier le spectre en énergie de
Ĥ ,
on cherche d'abord les vecteurs propres communs de T̂1 , T̂2 , T̂3 .
Ces trois opérateurs sont unitaires, et donc leur valeurs propres sont des nombres com-
−iϕk
plexes de module 1, que l'on peut donc écrire sous la forme e , k = 1, 2, 3.
−1 +
En eet si T̂1 |ψ >= λ|ψ >, alors |ψ >= T̂1 T̂1 |ψ >= T̂1 T̂1 |ψ >= λλ|ψ >, donc |λ| = 1.
On note :

T̂k |ψ >= e−iϕk |ψ >, k = 1, 2, 3

et l'espace de Hilbert des vecteurs propres communs de T̂1 , T̂2 , T̂3 , de valeur propre
−iϕ1 −iϕ3 −iϕ3
respectives (e ,e ,e ) sera noté H (ϕ1 , ϕ2 , ϕ3 ). C'est à dire

|ψi ∈ H (ϕ1 , ϕ2 , ϕ3 ) ⇔ T̂k |ψ >= e−iϕk |ψ >, k = 1, 2, 3


6.2. GROUPE DE SYMÉTRIE DYNAMIQUE COMMUTATIF : ÉLECTRON DANS UN POTENTIEL

Cette dernière équation est équivalente à :

ψ(~x + ~lk ) = eiϕk ψ(~x), k = 1, 2, 3 (6.2.3)

En eet, (voir aussi eq.2.1.9) :

ψ(~x − ~l1 ) = h~x − ~l1 |ψi = hx|T̂1 |ψi = e−iϕ1 < ~x|ψ >
= e−iϕ1 ψ(~x)

Ainsi, à ~ = (ϕ1 , ϕ2 , ϕ3 ) ∈ [0, 2π[3


ϕ xés, la fonction d'onde ψ est déterminée par sa
valeur qu'elle prend dans une cellule du cristal, voir gure (6.2.1).
L'équation (6.2.3) est appelée conditions de Bloch, montrant que la fonction d'onde
|ψ > est périodique à une phase près.
Une telle fonction d'onde est appelée onde de Bloch.

6.2.2.1 Spectre en bandes

Pour ~ = (ϕ1 , ϕ2 , ϕ3 ) ∈ [0, 2π[3


ϕ xés, c'est à dire dans l'espace de Hilbert H (~
ϕ), il sut
ensuite de résoudre l'équation de Schrödinger

Ĥψϕ~ ,n = Eϕ~ ,n ψϕ~ ,n (6.2.4)

La résolution de cette équation, donne pour ϕ


~ xé, un spectre d'énergie discret :

Eϕ~ ,n , n = 0, 1, 2 . . .

et ψϕ~ ,n est une fonction d'onde vériant les conditions de Bloch (6.2.3).
Noter que grâce à la périodicité, au lieu de résoudre l'équation de Schrödinger dans
tout le cristal, on est ramené à la résoudre dans une cellule seulement. Si il n'y a pas de
symétrie supplémentaire, on ne peut rien dire de plus. Le spectre est discret en eet car
une cellule est compacte (comme un puits de potentiel). Voir argument de la gure 1.5.2.
(Les conditions de périodicité peuvent s'interpréter en disant que grâce à la périodicité,
3
l'espace de conguration est devenu un tore T ).
A n xé, et pour diérent ϕ
~, la valeur Eϕ~ ,n parcourt un ensemble d'énergies appelée
bande d'énergie. Chaque bande est indicée par la valeur de n.
La gure 6.2.6, montre l'allure des bandes d'énergie ainsi obtenues.
Un intervalle d'énergie n'appartenant à aucune bande est appelé bande interdite.

Réseau réciproque : les trois vecteurs ~


l1 , ~l2 , ~l3 caractérisent le réseau cristallin et forment
3
une base de R . Le réseau dual (au sens de l'algèbre linéaire, voirs cours de M1 [Fau10b]),
~ ~ ~ 3 ∗ 3
noté k1 , k2 , k3 ∈ (R ) ≡ R est déni par

~ki .~lj = δij

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