Vih Tunisie 2008-111981
Vih Tunisie 2008-111981
Vih Tunisie 2008-111981
COMITE DE LECTURE
L’auteur tient à remercier, pour les efforts de lecture critique et attentive ainsi que
les conseils précieux lors de la révision de ce manuel, les membres du comité
de lecture :
- Pr. Taoufik BEN CHAABANE : Chef de service des Maladies Infectieuses.
EPS La Rabta – Tunis.
- Pr. Amine SLIM : Chef d’unité de virologie - Laboratoire de Microbiologie.
EPS Charles Nicolle - Tunis.
- Pr. Mounir BEN JEMAA : Chef de service des Maladies Infectieuses.
EPS Hédi Chaker – Sfax.
- Pr. Amel LETAIEF : Chef de service des Maladies Infectieuses.
EPS Farhat Hached -Sousse.
COMITE DE COORDINATION
- Pr. Nabiha GUEDDANA: Présidente du Comité de Coordination - Présidente
Directrice Générale de l’ONFP.
- Dr Sihem BELLALOUNA : Sous directrice Centre de Formation Internationale
et de Recherche - ONFP.
- Dr Rym ESSAGHAIRI : Coordinatrice nationale du programme fonds mondial.
PRÉFACE 8
S O M M A I R E
INTRODUCTION 9
L’INFECTION À VIH 10
1 - L’agent pathogène 10
2 - Epidémiologie 12
3 - Pathogénie 13
4 - Diagnostic biologique 14
5 - Aspects cliniques 17
THÉRAPIE ANTIRÉTROVIRALE 22
1 - Antirétroviraux 22
2 - Principes généraux 28
3 - Indications et stratégie thérapeutique de l’infection chronique 28
4 - Surveillance du traitement 34
5 - Situations particulières 38
CONCLUSION 63
BIBLIOGRAPHIE 64
L’infection à VIH est une infection chronique qui évolue sur plusieurs années avant
la phase symptomatique. Au cours de la phase asymptomatique, le diagnostic repose
essentiellement sur le dépistage sérologique chez les sujets ayant des comportements
à risque. Dans le domaine de l’infection à VIH, le dépistage représente une étape
essentielle et comporte plusieurs avantages. Il permet d’améliorer l’accès aux soins et
de proposer un suivi précoce et une initiation à temps du traitement antirétroviral.
Lorsqu’il est entouré de conseils et messages préventifs, il permet également de
freiner la transmission de l’infection dans la communauté et surtout de prévenir la
transmission mère-enfant.
Le diagnostic de l’infection à VIH est plus facile à la phase symptomatique devant
des manifestations évocatrices qu’ils s’agissent de symptômes cutanéo-muqueux
mineurs, de symptômes constitutionnels ou de manifestations évocatrices d’infections
opportunistes.
Si les progrès thérapeutiques ont amélioré de façon très significative le pronostic de
l’infection à VIH et la qualité de vie des patients infectés, le praticien se trouve
confronté, actuellement, à d’autres problèmes liés au traitement antirétroviral (choix
des molécules, toxicité, risque de résistance, adhésion et suivi). Le développement de
résistance aux antirétroviraux rend les situations d’échec de plus en plus fréquentes
ce qui complique davantage la prise en charge des patients infectés par le VIH.
Ce manuel est réalisé à la demande de l’office national de la famille et de la
population (ONFP) dans le cadre du programme d’appui au partenariat et au
renforcement de la riposte à la menace d’extension du VIH/SIDA en Tunisie. Il est
destiné aux professionnels de la santé prenant en charge des personnes infectées par
le VIH et exerçant aussi bien dans les structures sanitaires publiques que privées. Il a
pour objectif d’apporter des informations actualisées sur les données
épidémiologiques, les aspects cliniques, le traitement antirétroviral et des infections
opportunistes pouvant aider le praticien dans la prise en charge des patients vivant
avec le VIH/SIDA.
Ce manuel comporte six principaux chapitres qui traitent successivement :
- Les informations de base sur l’épidémiologie, les aspects cliniques et le diagnostic
biologique de l’infection à VIH.
- Les différents aspects de la thérapeutique antirétrovirale.
- Les manifestations cliniques et la prise en charge des principales infections
opportunistes.
- Les co-infections VIH et VHB/VHC.
- La vaccination au cours de l’infection à VIH.
- La prévention de l’infection à VIH.
Des tableaux, encadrés et algorithmes permettent de faciliter la lecture du document
et l’accès rapide à l’information utile.
Les professionnels de la santé concernés pourront faire de ce manuel un outil de
travail utile dans l’exercice médical au quotidien face à un patient infecté par le VIH.
Notion importante :
Un seul rapport sexuel non protégé avec un partenaire infecté peut être contaminant.
2.1.2- Transmission par le sang et ses dérivés : Elle concerne principalement trois groupes
de populations : les transfusés, les usagers de drogues par voie intraveineuse et plus rarement
les professionnels de santé. Le dépistage sérologique systématique chez les donneurs de sang
a considérablement réduit ce mode de transmission. Toutefois, un risque de transmission
résiduelle très faible lié à la période de séroconversion persiste d’où l’intérêt d’un interrogatoire
complet chez tout donneur de sang à la recherche de facteurs de risque et la destruction de tout
don provenant d’une personne suspecte. En Tunisie, aucune transmission par transfusion de
sang ou de ses dérivés n’a été notée depuis l’instauration du dépistage systématique sur les
dons de sang en 1987 [6]. Les tests de dépistage sont également effectués lors des dons
d’organe et de sperme.
Le partage de seringue contaminée par du sang est responsable de la transmission du virus
chez les usagers de drogues par voie intraveineuse.
Les contaminations chez les professionnels de santé sont secondaires à une exposition à des
produits biologiques contaminés par du sang (projection sur peau lésée ou muqueuse) ou à des
accidents par du matériel médico-chirurgical contaminé (blessure, piqûre). Le risque de
contamination professionnelle est de l’ordre de 0,32% après une exposition percutanée et
0,03% après une projection sur les muqueuses [7].
2.1.3- Transmission mère-enfant : La TME du VIH a lieu surtout en fin de grossesse (un tiers
des cas) et autour de l’accouchement (deux tiers des cas). Le risque de transmission par
allaitement maternel est bien établi. En l’absence de prévention, le taux de TME pour le VIH-1
est de l’ordre de 15 à 20% en l’absence d’allaitement maternel et de 25 à 48% après allaitement
maternel, il est de l’ordre de 1 à 4% pour le VIH-2. La TME est exceptionnelle jusqu’au troisième
trimestre de grossesse ce qui rend impossible le diagnostic prénatal. L’âge, le stade de
l’infection et l’état immuno-virologique de la mère sont les principaux facteurs prédictifs du
risque de TME. Un âge maternel avancé est significativement associé à une augmentation du
taux de transmission. Le risque de TME du VIH est plus élevé chez les femmes au stade de
SIDA avéré, ayant des CD4 inférieurs à 200/mm3 et/ou une CVP élevée. L’administration
3- Pathogénie
L’infection à VIH est une infection chronique avec une production constante de virus. Le virus
échappe au système immunitaire par ses capacités de variation génétique et son intégration au
génome des cellules infectées [4].
Dès la primo-infection, le virus se réplique activement, et apparaissent dans l’organisme des
réservoirs viraux qui échappent à la reconnaissance par le système immunitaire.
Le VIH induit chez l’hôte récepteur des réponses immunes spécifiques qui contrôlent
partiellement l’infection. L’extrême variabilité du virus chez un même individu impose au
système immunitaire une réadaptation constante de la réponse immune, qui diminue avec
l’évolution de l’infection, réduit de façon importante les possibilités d’immuno-intervention et de
vaccination. Les réponses immunitaires sont :
Humorales : avec la production d’anticorps dirigés contre toutes les protéines du VIH. Ces
anticorps sont détectés par les techniques sérologiques ELISA et western-Blot. Ils sont la
preuve de l’infection à VIH.
Cellulaires : médiées par les lymphocytes T CD4 (auxillaires ou helper) et CD8
(cytotoxiques) qui représentent l’un des principaux mécanismes de lutte antivirale.
L’apparition d’anticorps anti-VIH et une forte réponse des lymphocytes T CD8 permettent de
4- Diagnostic biologique
4.1- Tests sérologiques :
4.1.1- Méthode immunoenzymatique (ELISA) : Elle est utilisée en première intention. Elle
dépiste la présence d’anticorps sériques spécifiques anti-VIH-1 et éventuellement anti-VIH-2.
Le dépistage comporte obligatoirement un double test ELISA par deux méthodes distinctes (2
types d’antigènes différents). Elle a une bonne sensibilité mais peut comporter des faux positifs.
Tout test positif en ELISA doit être confirmé par la méthode de référence, le western-blot sur un
second prélèvement.
Des tests rapides sur membrane de nitrocellulose (assez spécifiques mais encore
insuffisamment sensibles pour détecter des primo-infections) peuvent être utilisés dans
certaines situations particulières telles que le dépistage de l’infection à VIH chez la femme
enceinte avant le début du travail.
Points essentiels :
Le taux des lymphocytes CD4 est un marqueur du niveau d’immunodépression et
du risque de survenue d’infections opportunistes.
Le niveau de la charge virale plasmatique est un élément prédictif important de la
progression clinique.
La charge virale plasmatique est un élément fondamental de la surveillance
thérapeutique.
5- Aspects cliniques
5.1- La primo-infection : Elle se caractérise par une phase de réplication virale intense,
associée à une dissémination virale rapide et à des altérations précoces du système
immunitaire. Elle s’accompagne dans 30 à 50% des cas de symptômes survenant 10 à 15 jours
(5-30 jours) après la contamination et disparaissent spontanément en quelques semaines. La
symptomatologie clinique peu spécifique et variable réalise un syndrome viral aigu ou un
syndrome mononucléosique comportant des symptômes diversement associés : fièvre,
adénopathies, arthro-myalgies, éruption cutanée, dysphagie, ulcérations buccales ou génitales,
plus rarement des manifestations digestives (nausées, vomissements, diarrhée) ou
neurologiques (méningite, encéphalite, paralysie faciale, neuropathie périphérique).
Biologiquement, on observe une leucopénie puis un syndrome mononucléosique avec
présence de grands lymphocytes hyperbasophiles et hyperlymphocytose liée à une
augmentation des lymphocytes CD8 contre une diminution des lymphocytes CD4. Une
thrombopénie est notée dans 75% des cas et une augmentation modérée des transaminases
dans 50% des cas. Les facteurs prédictifs de progression clinique sont liés à la présence de
manifestations neurologiques, la durée des symptômes (> 15 jours) et au statut immuno-
virologique au moment de la primo-infection. Un taux de lymphocytes CD4 inférieur à 500/mm3
est associé à un risque important de progression (77%) [2, 11].
Notion importante :
Chez un sujet récemment exposé à un risque d’infection à VIH, l’association
fièvre + éruption maculo-papuleuse + ulcérations cutanéo-muqueuses est très
évocatrice d’une primo-infection.
5.2- La phase asymptomatique : C’est une phase d’infection chronique « cliniquement latente
» mais « biologiquement active » avec une réplication virale importante. On observe, dans 20
à 50% des cas, un syndrome de « lymphadénopathie généralisée persistante » se présentant
sous forme d’adénopathies en général symétriques, situées le plus fréquemment dans les
régions cervicales, axillaires, sous-maxillaires ou occipitales. Histologiquement, il s’agit d’une
hyperplasie folliculaire bénigne non spécifique. Cette forme clinique n’a pas de valeur
pronostique péjorative.
Catégorie A : un ou plusieurs des critères ci-dessus, s’il n’existe aucun des critères des
catégories B et C : infection à VIH asymptomatique ; lymphadénopathie persistante généralisée
(PGL) ; primo-infection symptomatique.
Catégorie B : manifestations cliniques (liste non limitative) ne faisant pas partie de la catégorie
C: angiomatose bacillaire ; candidose oropharyngée ; candidose vaginale persistante,
fréquente ou répondant mal au traitement ; dysplasie du col (modérée ou grave) ou carcinome
in situ ; syndrome constitutionnel : fièvre > 38,5°C ou diarrhée > 1 mois ; leucoplasie chevelue
de la langue ; zona récurrent ou envahissant plus d’un dermatome ; purupura thrombocytopénique
idiopathique ; salpingite en particulier si compliquée d’abcès tubo-ovariens ; neuropathie
périphérique.
Catérogie C : correspondant à la définition du SIDA : candidose bronchique, trachéale ou
pulmonaire ; candidose de l’œsophage ; cancer invasif du col ; coccidioïdomycose disséminée
ou extrapulmonaire ; cryptococcose extrapulmonaire ; cryptosporidiose intestinale > 1 mois ;
Stade clinique I
1- Asymptomatique.
2- Lymphadénopathie généralisée.
Stade clinique II
3- Diarrhée chronique d’une durée > 30 jours en l’absence d’étiologie connue.
4- Episodes de candidose récurrents ou persistants en dehors de la période néonatale.
5- Perte de poids ou incapacité à guérir en l’absence d’étiologie connue.
6- Fièvre persistante d’une durée > 30 jours en l’absence d’étiologie connue.
7- Infections bactériennes graves récurrentes autres que la septicémie ou la méningite
(ex.: ostéomyélite, pneumonie bactérienne, abcès).
Stade clinique III
8- Infections opportunistes définissant le SIDA.
9- Grave incapacité à se développer (« émaciation ») en l’absence d’une étiologie
connue (*).
10- Encéphalopathie progressive.
11- Malignité.
12- Septicémie ou méningite récurrente.
(*) Perte de poids persistante supérieure à 10 % du poids de base ou inférieure au 5ème centile du poids en fonction
du tableau des tailles constatées à la suite de 2 séries de mesures consécutives, avec plus d’un mois d’écart, en
l’absence d’une autre étiologie ou d’une maladie intercurrente.
1.3- Résistance : Les antirétroviraux, actuellement, disponibles en Tunisie ont comme cible la
transcriptase inverse et la protéase. La résistance est liée à l’apparition de mutations dans les
gènes viraux codant pour ces deux enzymes qui, ainsi modifiées, deviennent insensibles aux
antirétroviraux concernés.
La dynamique de la réplication virale fait que des erreurs d’appariement des nucléotides
effectués par la transcriptase inverse peuvent se produire entraînant des variants
2- Principes généraux
L’objectif principal du traitement antirétroviral est de diminuer la morbidité et la mortalité de
l’infection à VIH et d’améliorer la qualité de vie des patients. Cet objectif ne peut être atteint que
par une association puissante d’au moins 3 molécules ou trithérapie antirétrovirale permettant
d’atteindre et de maintenir une CVP indétectable (< 25 à 50 copies/ml) et un taux de
lymphocytes CD4 supérieur à 500/mm3.
La persistance d’une réplication virale sous traitement expose au risque d’accumulation de
mutations de résistance, ce qui diminue les chances d’efficacité du traitement ultérieur et a un
impact négatif sur les lymphocytes CD4.
L’observance est un élément fondamental de la thérapie antirétrovirale : Il est préférable de
différer l’initiation d’un traitement antirétroviral chez les sujets non motivés pour le débuter afin
de ne pas compromettre les options thérapeutiques ultérieures.
L’information explicite du patient est essentielle : Il faut bien expliquer au patient les modalités
du traitement et l’avertir que tout arrêt thérapeutique conduit à la reprise de la réplication virale
et comporte un risque de résistance.
Actuellement, les facteurs prédictifs d’une réponse virologique durable après l’instauration
d’un premier traitement antirétroviral sont :
- le niveau de la CVP et du taux de lymphocytes CD4 à l’initiation de traitement,
- l’observance du traitement,
- et la vitesse de réduction de la CVP après l’instauration du traitement, d’où l’intérêt de
débuter le traitement par une trithérapie la plus puissante possible.
Points essentiels :
Il faut toujours annoncer la séropositivité dans des conditions optimales en
assurant un soutien psychologique adapté.
Le respect de la confidentialité est fondamental.
La qualité de l’annonce de la séropositivité influence le suivi ultérieur.
Devant un sujet infecté par le VIH, le bilan initial doit être toujours clinique et biologique.
Les objectifs de ce bilan sont multiples :
Ecouter le patient et évaluer ses connaissances sur l’infection à VIH. Il est toujours utile et
important de motiver le patient à s’éloigner des comportements à risque et lui exposer les
moyens d’éviter une nouvelle réexposition au virus.
Préciser le mode de vie et les antécédents : activité professionnelle, comportements à risque,
IST, allergies ou intolérances médicamenteuses, diabète ou autres maladies métaboliques,
maladie coronarienne, consommation d’alcool et tabac, contraception chez la femme.
Rechercher à l’interrogatoire des manifestations chroniques mineures (manifestations
cutanéo-muqueuses récidivantes) et des signes d’évolutivité de l’infection (asthénie, perte de
l’appétit, amaigrissement, fièvre, diarrhée, etc.).
Rechercher à l’examen physique, qui doit intéresser tous les systèmes, des signes en faveur
d’une manifestation mineure de l’infection à VIH, d’infection opportuniste ou de néoplasie.
Demander un bilan initial permettant de préciser certaines constantes biologiques, rechercher
des marqueurs d’IST ou de co-infections (tableau 7).
Donner des conseils hygiéno-diététiques permettant de préserver la santé et la qualité de vie
du patient :
- Expliquer clairement au patient l’importance d’une bonne hygiène corporelle et d’un régime
alimentaire sain et équilibré.
- Encourager le patient à arrêter le tabac, l’alcool, l’usage des drogues et à exercer une activité
sportive adaptée et régulière.
- Informer le patient des inconvénients de prendre des médicaments inutiles sans avis médical
préalable.
Une relation de confiance avec le patient doit être établie dès cette première consultation, elle
est primordiale pour le suivi ultérieur et l’adhésion au traitement.
Tableau 7 : bilan initial recommandé chez un sujet infecté par le VIH.
3.3- Traitement initial : Les associations à utiliser de préférence sont les suivantes : 2 INTI +
1 IP ou 2 INTI + 1 INNTI [14, 19, 21, 22].
L’association de 3 INTI n’est pas recommandée en première intention en raison d’une plus
faible puissance immuno-virologique.
En terme de puissance immuno-virologique, les essais thérapeutiques ont montré qu’une
trithérapie incluant un INNTI est aussi efficace qu’une trithérapie incluant un IP non potentialisé
par le ritonavir [23, 24]. Actuellement, il est recommandé d’utiliser en première intention un IP
potentialisé en raison d’un index thérapeutique plus favorable et d’une réponse immuno-
virologique meilleure et rapide [14, 16, 21]. En effet, le taux de décroissance de la CVP au cours
des premières semaines qui suivent l’initiation de la trithérapie est prédictif de la réponse
virologique à long terme [25].
3.3.1- Choix des INTI : L’association zidovudine + lamivudine est la plus prescrite. Elle a
démontré son efficacité et sa tolérance au sein de multiples trithérapies. Elle est disponible en
Tunisie sous la forme des deux médicaments séparés ou d’une combinaison fixe (Combivir®)
à la dose d’un comprimé, 2 fois/jour. Les effets indésirables les plus fréquents sont ceux de la
zidovudine (intolérance digestive, anémie et cytotoxicité mitochondriale).
L’efficacité de l’association abacavir + lamivudine est confirmée dans plusieurs essais. Cette
association a l’avantage de la simplicité de prise et de la tolérance mais expose au risque
immédiat d’hypersensibilité (de l’ordre de 5%) liée à l’abacavir qui impose l’arrêt du traitement
et contre indique sa réintroduction.
Les associations stavudine + lamivudine ou zidovudine + didanosine sont moins bien
tolérées, notamment en terme de cytotoxicité mitochondriale
L’association didanosine + stavudine est moins bien tolérée, expose à un risque d’échec plus
important que l’association zidovudine + lamivudine, que ce soit en association avec un IP ou
avec un INNTI.
La stavudine est l’INTI qui a le profil de toxicité le plus défavorable avec un risque important
de toxicité (lipoatrophie, neuropathie, etc.), elle est à éviter en première intention.
3.3.2- Choix de l’INNTI : L’efavirenz et la névirapine semblent avoir la même efficacité
virologique [26, 27]. La survenue d’éruptions cutanées est significativement plus fréquente
sous névirapine que sous efavirenz chez les femmes ayant plus de 200 lymphocytes CD4/mm3
[27]. En Tunisie, l’efavirenz est l’INNTI le plus prescrit, la névirapine est indiquée dans certaines
situations particulières dans le cadre de la prévention de la TME du VIH.
3.3.3- Choix de l’IP : La prescription d’IP non potentialisé par le ritonavir n’est plus
recommandée en première intention en raison :
– des effets indésirables pour le ritonavir et l’indinavir,
– d’une puissance insuffisante pour le saquinavir.
Les IP potentialisés par une faible dose de ritonavir (100 mg 2 fois/jour) ont une meilleure
efficacité en raison de l’amélioration de certains paramètres pharmacocinétiques (concentration
maximale, demi-vie d’élimination, concentrations résiduelles) mais parfois sans avantage pour
la toxicité.
En Tunisie, la trithérapie antirétrovirale a été introduite dans la prise en charge des patients
infectés par le VIH en 1999. L’étude multicentrique Tunisienne réalisée en 2004 a montré que
l’association de 2 INTI + 1 IP non potentialisé par le ritonavir (indinavir, saquinavir) était
prescrite dans 85,4%, l’association de 2 INTI + 1 INNTI dans 12,5% et l’association de 3 INTI
dans environ 2% des cas [29]. L’introduction de l’efavirenz en 2003 et d’un IP/r
(lopinavir/ritonavir) en 2004 a entraîné une modification des prescriptions avec une tendance
4- Surveillance du traitement
Le patient doit être revu dans un délai de 2 à 4 semaines après l’initiation du traitement dans
le but de vérifier la tolérance clinique, de s’assurer de son observance et de sa compréhension
du traitement.
Le principal objectif d’une trithérapie initiale est de réduire la CVP au niveau de
l’indétectabilité (< 25 à 50 copies ARN VIH/ml) en 6 mois et entraîner une augmentation notable
du nombre des lymphocytes CD4.
Pour contrôler l’efficacité du traitement initial, il est nécessaire de pratiquer des mesures de
la CVP :
– à 1 mois, date à laquelle la CVP doit avoir baissé d’au moins 1 log ARN VIH/ml ;
– à 3 mois, date à laquelle la CVP doit avoir baissé d’au moins 2 log ARN VIH/ml et/ou être
inférieure à 400 copies/ml.
Lorsque ces objectifs intermédiaires ne sont pas atteints, il faut évoquer :
- en premier lieu, une mauvaise observance,
- parfois des interactions médicamenteuses, ou un sous dosage.
Dans ces cas, le praticien doit reprendre les explications quant au traitement, identifier les
difficultés éventuelles du patient et détecter l’apparition d’effets secondaires qui peuvent
expliquer la mauvaise observance. Cette étape est essentielle pour prévenir l’apparition de
résistance.
4.1- Observance : L’observance est l’aptitude du patient à suivre avec assiduité et régularité le
traitement antirétroviral prescrit. La motivation du patient pour vivre au quotidien avec un
traitement, parfois contraignant, est un élément essentiel de l’observance.
Une étude Française a montré que l’observance est instable dans le temps et diminue avec
la durée du traitement. En effet, après 20 mois de suivi, 31% des patients restent très
observants contre 52% ayant une observance élevée par moments et 17% n’ayant à aucun
moment une observance élevée [30]. Les facteurs qui diminuent l’observance sont nombreux :
la poursuite de la toxicomanie, la consommation d’alcool, la dépression, l’instabilité familiale, les
conditions socio-économiques précaires, la perception d’une toxicité des antirétroviraux [31]. En
Tunisie, l’étude multicentrique a montré une observance considérée comme élevée dans 46,7%
et mauvaise dans 53,3% [29]. Une mauvaise observance était significativement plus fréquente
Points essentiels :
L’observance est un élément fondamental pour le succès thérapeutique.
Le soutien à l’observance doit être systématique à chaque consultation.
mg/mois).
1.1.2 - Toxoplasmose : Elle était la seconde infection opportuniste majeure. Sa fréquence a
considérablement diminué depuis l’introduction de la trithérapie antirétrovirale. En Tunisie, sa
fréquence est passée de 7,8% avant l’ère de la trithérapie à 1,6% [29]. La principale localisation
concerne le système nerveux central, où elle réalise une encéphalite abcédée secondaire à une
réactivation des kystes latents de Toxoplasma gondii.
Cliniquement, l’encéphalite toxoplasmique associe de façon progressive et variable une fièvre
inconstante, une céphalée récente et tenace, des troubles de la conscience de degré variable,
une désorientation, des crises comitiales, des signes neurologiques focaux variable en fonction
de la localisation de l’infection (hémiplégie ou hémiparésie, déficit sensitif, syndrome
cérébelleux, hémianopsie). À un stade avancé, les signes d’hypertension intracrânienne
peuvent être au premier plan [2, 7, 35, 36].
La tomodensitométrie (TDM) cérébrale montre la présence d’abcès cérébraux, de siège
variable (hémisphères, noyaux gris centraux, jonction des substances grise et blanche,
cervelet, tronc cérébral) et multiples dans 60 à 80 % des cas. L’aspect le plus typique est
l’image en cocarde caractérisée par une prise de contraste annulaire ou nodulaire au sein d’une
hypodensité, souvent importante, témoignant de l’oedème cérébral associé (figure 7).
Points essentiels :
La didanosine et la stavudine sont à éviter en association avec la ribavirine :
risque important de toxicité.
La toxicité hématologique de la zidovudine est majorée en association avec la
ribavirine.
VACCINATION
L’immunogénicité des vaccins est diminuée chez le patient immunodéprimé surtout lorsque le
taux des lymphocytes CD4 est inférieur à 200/mm3 et la CVP est élevée. Il est préférable
d’éviter toute vaccination dans ces conditions. La restauration immunitaire induite par le
traitement antirétroviral pouvant être associée à une meilleure réponse vaccinale, il est
recommandé d’attendre, si possible, pour vacciner que le taux de lymphocytes CD4 soit
supérieur à 200/mm3 et la CVP contrôlée.
La stimulation des lymphocytes T par la vaccination peut induire une augmentation transitoire
de la CVP, qui semble sans conséquence clinique péjorative.
Les vaccins vivants atténués (BCG, polio oral, varicelle) sont contre-indiqués, en particulier
en cas de déficit immunitaire sévère, en raison d’un risque élevé de complications.
Les recommandations actuelles des différentes vaccinations pour les personnes infectées par
le VIH figurent sur le tableau 17.
Point essentiel :
Le test de dépistage est un élément important de la prévention. Il doit être
toujours pratiqué dans le respect de la confidentialité et accompagné d’un
counseling avant et après sa réalisation.
Un traitement prophylactique par des antirétroviraux peut être proposé après une exposition
sexuelle au VIH (rupture de préservatif, rapport sexuel non protégé, viol). Cette prophylaxie est
recommandée lorsque le partenaire est connu infecté par le VIH. Si le statut VIH du partenaire
est inconnu et que celui-ci est d'accord pour être testé, le traitement peut être débuté puis
interrompu si la sérologie est négative. Si le partenaire est perdu de vue ou ne veut pas être
testé, la décision de traiter dépend de son appartenance à un groupe à risque, du type
d'exposition et des facteurs pouvant augmenter la transmission du VIH (infection ou ulcération
génitale, saignement). En cas de viol, une prophylaxie est systématiquement envisagée.
Le délai de mise en route de la prophylaxie ne doit pas excéder 48 heures. Le traitement
proposé comporte une association de deux INTI (en général : AZT + 3TC) et d’une IP (en
général l’indinavir) pendant 4 semaines. Il faut tenir compte d’une éventuelle grossesse en
7- Girard PM, Katlama Ch, Pialoux G : VIH. Paris : Doin 2004 : 635 p.
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Les services médicaux de prise en charge des personnes vivant avec le VIH:
Services des Maladies Infectieuses
- Tunis : Hôpital de la Rabta - Tél.: (216) 71 578 825 / 71 578 823.
- Monastir : Hôpital Fattouma Bourguiba - Tél.: (216) 73 448 303,
Fax : (216) 73 425261.
- Sousse : Hôpital Farhat Hached - Tél: (216) 73 211 183.
- Sfax : Hôpital Hédi Chaker - Tél/Fax : (216) 74 246 906.