Module - Les Marches Du Carbone v2023
Module - Les Marches Du Carbone v2023
Module - Les Marches Du Carbone v2023
Guilhem Pouillevet
Introduction ................................................................................................................... 2
SÉQUENCE 1 : Les caractéristiques des marchés du carbone des années 2000
à 2021 ............................................................................................................................. 3
A. L’évolution de la finance carbone depuis sa création .......................................... 3
B. Principes fondamentaux et standards de certification ......................................... 4
C. Cycle de projet de délivrance de crédits carbone ................................................. 4
SÉQUENCE 2 : Étude de cas de trois projets financés grâce à la vente de crédits
carbone .......................................................................................................................... 6
A. Le projet de reforestation d’Ibi Batéké en République Démocratique du Congo
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B. Le projet de valorisation du méthane à la décharge de Yaoundé au Cameroun
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C. Projets de foyers améliorés, exemple d’un projet en Haïti .................................. 8
SÉQUENCE 3 : Opportunités de financement de projets par les crédits carbone
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A. Les projets forestiers .............................................................................................. 10
B. Les projets de production d’énergie renouvelable ............................................. 10
C. La mobilité sobre en carbone ................................................................................ 11
D. La filtration d’eau et la cuisson efficace ............................................................... 11
Conclusion ................................................................................................................... 13
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Ressources documentaires. Métiers de l’environnement / Module Foresterie et sylviculture –
Les marchés du carbone
Introduction
Bonjour
Dans le cadre des formations en ligne de l’IFDD sur les métiers et technologies qui prennent
en compte la gestion de l’environnement, je souhaite vous présenter un module sur les
marchés du carbone décliné en trois séquences.
J’aborderai tout d’abord les caractéristiques des marchés du carbone des années 2000 à
2021. Dans un deuxième temps, je vous présenterai trois projets financés grâce à la vente de
crédits carbone. Enfin, je terminerai par vous donner des idées de projets que vous pourriez
mettre en œuvre en bénéficiant des financements carbone.
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Les marchés du carbone
Afin de faciliter la collaboration entre les États dans leur lutte contre le réchauffement
climatique, plusieurs mécanismes ont été mis en place par l’ONU dont le Mécanisme de
Développement Propre ou MDP. L'objectif du MDP était de permettre aux pays en
développement de mettre en œuvre des projets de réduction des émissions de gaz à effet de
serre sur leur territoire grâce à l'appui financier et technique des pays industrialisés. C’est ce
que l’on appelle généralement la finance carbone.
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Les marchés du carbone
Afin de garantir l’intégrité du système, plusieurs critères devaient être réunis pour obtenir des
crédits carbone. Ces critères sont appliqués par l’ensemble des standards décrits par la suite.
• Les actions mises en œuvre doivent être additionnelles, c’est-à-dire que le projet doit
démontrer qu’il ne pourrait pas voir le jour sans l’apport financier de la revente des
crédits carbone. Autrement, le projet aurait de toute manière été développé et il n’y
aurait donc pas d’effort de réduction supplémentaire des émissions.
• Les actions doivent être réelles et observables.
• Les actions doivent être mesurables et vérifiables avec des méthodes de calcul
scientifiques reconnues par la communauté internationale.
• La réduction des émissions doit être permanente et non pas seulement temporaire.
• L’action de réduction des émissions ne peut être reconnue qu’une seule fois (des
numéros de série ont été attribués à chaque tonne de CO 2 équivalente).
Si ce sont les États, via le protocole de Kyoto, qui ont permis l’émergence de la finance
carbone, ils ne sont plus les seuls à s’intéresser au sujet. De plus en plus d’organismes privés
et publics veulent également lutter contre le réchauffement climatique en contribuant
volontairement au financement de projets réduisant les émissions de CO 2.
Pour répondre à cette demande, des standards de certification privés ont été créés. Ils
respectent tous les critères décrits ci-avant, mais ils couvrent un plus grand nombre
d’activités.
Les principaux standards sont le Verified Carbon Standard (ou VCS), qui couvre plus de 65%
du marché volontaire, et le Gold Standard, qui représente 15%. D’autres standards couvrent
des géographies et des secteurs plus spécifiques et sont moins considérés.
Afin de délivrer des crédits carbone, chaque standard suit un cycle de projet assez similaire.
Le plus utilisé (VCS) comporte les 7 étapes suivantes
1. La note conceptuelle qui permet de définir les grandes lignes du projet (étape
optionnelle mais recommandée).
2. Le document de conception de projet qui va définir dans le détail toutes les
modalités du projet, les réductions d’émissions de CO 2 attendues, les calculs, le
contexte réglementaire, etc…
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Les marchés du carbone
3. La publication du document sur le site du standard qui est retenu pour que le projet
rentre dans les bases de données. Le porteur de projet ouvre alors un compte dans
les registres du standard choisi.
4. La validation de la documentation par un auditeur pour s’assurer de la conformité aux
prérequis du standard.
5. Le suivi des paramètres du projet qui a été mis en œuvre pour comptabiliser les
crédits carbone.
6. La vérification du suivi des paramètres par un auditeur pour s’assurer de la conformité
de la mise en œuvre du projet.
7. L’enregistrement du projet et la délivrance des crédits carbone dans le compte du
porteur de projet.
Le déroulement des 7 étapes peut prendre entre 2 et 5 ans selon la typologie de projet et les
difficultés rencontrées à chaque étape.
Dans la seconde séquence, nous verrons des exemples de projets qui ont été mis en œuvre
sur le continent africain grâce à l’obtention et la revente de crédits carbone.
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Les marchés du carbone
Si ce module de formation s’insère dans un cours plus large sur les métiers et technologies de
l’environnement liés au domaine de la foresterie, vous allez pouvoir constater que la vente de
crédits carbone va au-delà de ce seul secteur. Les projets ici présentés touchent à divers
domaines, mais tous ont cela de commun qu’ils ont été mis en œuvre grâce à l’obtention et la
revente de crédits carbone.
Situé aux alentours du village de Mbankana à deux heures de route de Kinshasa, la zone
concernée par le projet est composée à 90 % de prairies et de savanes arbustives soumises
annuellement à des brûlis et à 10 % de forêts galeries se dégradant progressivement.
L'agriculture de subsistance (maïs, manioc) et la production de charbon de bois sauvage sont
les premières causes de la déforestation du territoire.
Un projet de production de charbon de bois durable a été mis en œuvre afin d’éviter les coupes
sauvages, de limiter les feux de savanes et de lutter ainsi contre la déforestation. Des arbres
à croissance rapide ont été plantés afin de pouvoir produire du charbon de bois grâce à la
coupe raisonnée de ces arbres tous les 5 ans. Mais les financements bancaires n’étant pas
accessible pour ce type de projet, il a été décidé de suivre la procédure MDP de de la CCNUCC
pour faire mesurer le CO2 séquestré par ces plantations en vue d’obtenir des Certificats de
Réduction d’Émissions (ou crédits carbone). La vente de ces crédits carbone (environ 45 000
à l’heure actuelle) à des acheteurs internationaux comme la Banque Mondiale a permis de
financer le projet, ce qui n’aurait pas été possible avec une approche conventionnelle.
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Il faut savoir que les déchets organiques comme les résidus alimentaires ou agricoles émettent
du méthane en pourrissant. Or le méthane est un gaz 25 fois plus réchauffant que le CO 2.
La décharge contrôlée de Nkolfoulou absorbe chaque jour plus de 1000 tonnes d’ordures
ménagères arrivant de Yaoundé. Afin d’éviter le rejet dans l’atmosphère du méthane formé
par la dégradation de la matière organique, les casiers où sont déversés les déchets ont été
recouverts de bâches géosynthétiques. Un réseau de canalisations et de pompes a été installé
afin de capter le méthane et l’envoyer dans une torchère. Cette torchère, sorte de briquet
géant, permet la combustion du méthane en CO 2, divisant ainsi son pouvoir de réchauffement
par 25.
Mais l’activité de destruction du gaz ne génère pas de revenus financiers et le projet avait donc
peu de chances de voir le jour. La société exploitant la décharge a donc suivi les procédures
de la CCNUCC afin d’obtenir des Certificats de Réduction d’Émissions pour chaque tonne de
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Les marchés du carbone
méthane détruite par torchage et non rejeté dans l’atmosphère. Pour chaque tonne de
méthane détruite, la société reçoit environ 25 crédits carbone. 30 000 crédits carbone environ
sont revendus chaque année à des acheteurs internationaux et cela a permis de rembourser
les travaux et d’opérer la torchère de manière continue.
En Haïti et dans de nombreux pays dans le monde, les populations rurales et souvent urbaines
également utilisent le bois comme source principale d’énergie pour la cuisson, résultant en
une déforestation massive. Les cuisinières posent leurs casseroles sur 3 grosses pierres et
alimentent le foyer avec le bois qu’elles vont couper aux alentours.
Mais le remplacement des fours traditionnels par des foyers améliorés ne permet pas de
générer des revenus suffisants pour que ce type de projet soit viable économiquement. L’ONG
a donc suivi la procédure du Gold Standard pour faire certifier que la baisse de la
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Les marchés du carbone
Ces 3 projets sont des exemples de financements innovants qui ont permis à des projets luttant
contre le réchauffement climatique de voir le jour. Dans la 3 e séquence, nous verrons d’autres
typologies de projets qui peuvent également être financés par la vente de crédits carbone.
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• Les projets de conservation de la forêt qui consistent à lutter contre une déforestation
qui pourrait avoir lieu sans la mise en place d’actions préventives. On peut pour cela
par exemple convertir des concessions forestières en sanctuaires environnementaux
ou bien mettre en œuvre des plans d’amélioration de la gestion sylvicole qui réduisent
l’impact de l’exploitation sur la concession.
• Les projets de boisement ou reboisement qui consistent à planter des arbres dans des
zones ayant été déforestées ou bien dans des zones non forestées afin d’augmenter
la quantité de carbone séquestré. Cela est également applicable dans les zones de
mangrove dégradées.
Si l’on peut démontrer que les activités mises en œuvre par le projet vont augmenter la quantité
de carbone séquestré par rapport à un scenario de référence, alors ces activités peuvent dans
certain cas être éligibles à l’obtention de crédits carbone. J’attire cependant votre attention sur
deux points, l’estimation du carbone séquestré par le scénario de référence et le suivi de la
quantité séquestrée peuvent s’avérer coûteux car les méthodes de calcul sont complexes et il
faut s’entourer de spécialistes, encore peu nombreux à l’heure actuelle. De plus, il existe un
risque de non-permanence des réductions d’émission. Si une forêt qui a été plantée brûle, tout
le carbone séquestré dans les arbres va être relâché et tous les efforts auront été vains.
Si les projets forestiers au sens large présentent un potentiel de développement important, les
revenus liés à la génération de crédits carbone sont encore très aléatoires. Contrairement aux
autres typologies de projets décrites ci-après, le succès de ces projets est extrêmement lié au
contexte de la forêt, son historique, sa gestion et par les cadres réglementaires nationaux.
Les projets de production d’énergie renouvelable sont les plus simples à mettre en œuvre mais
les critères d’éligibilité pour obtenir des crédits carbone sont de plus en plus restrictifs. Les
barrages hydrauliques de grande taille par exemple ne peuvent plus donner lieu à des crédits
carbone que dans des cas très précis. De même, il n’est plus possible d’obtenir des crédits
carbone que dans certains pays. Il faut donc bien se renseigner sur la possibilité de générer
des crédits et de les revendre avant de lancer le projet.
Selon les pays, les zemidjians, boda-boda, okadas ou autres moto-taxis peuvent représenter
une source d’émission de gaz à effet de serre non négligeable dans les villes ainsi que des
nuisances sonores et olfactives. Plusieurs projets de moto-taxis électriques ont vu le jour en
Afrique de l’Est et devraient également arriver en Afrique de l’Ouest prochainement. Le
remplacement du carburant des motos-taxis par l’utilisation de batteries rechargées par des
stations alimentées à l’énergie solaire ou dans certains cas par le réseau électrique du pays
(s’il est principalement constitué de centrales de production d’énergie renouvelable) permet
de réduire les émissions de gaz à effet de serre (ainsi que les émissions de particules fines)
et d’obtenir des crédits carbone pour financer le projet.
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Les marchés du carbone
Dans de nombreux pays en développement, l’accès à l’eau potable est un enjeu majeur et les
populations les plus pauvres doivent souvent faire bouillir l’eau pour la rendre potable. Cette
action nécessite l’utilisation de bois, souvent coupé dans les proches forêts. L’utilisation de
filtres statiques évite de devoir faire bouillir l’eau et lutte donc contre la déforestation. Cet
évitement de la déforestation se traduit par une séquestration de CO 2 par les forêts et peut
donner lieu à l’obtention de crédits carbone. La revente de ces crédits permet de financer la
distribution des filtres.
À l’heure actuelle, les projets les plus attractifs pour les acheteurs sur le marché volontaire
sont les projets présentant le plus de co-bénéfices sociaux et environnementaux car ils
permettent de raconter une histoire. Les projets de cuisson efficace, de filtration et les projets
forestiers obtiennent donc de meilleurs prix que les projets de production d’énergie
renouvelable.
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Les marchés du carbone
Conclusion
Comme vous avez pu le découvrir en suivant ces 3 séquences d’introduction aux marchés du
carbone, il existe de nombreuses opportunités de financer des activités ayant un fort impact
de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Que ce soient des projets de protection
de la forêt, de cuisson efficace ou d’accès à l’énergie, les financements carbone sont souvent
les plus adaptés aux problématiques des pays en développement et en particulier aux pays
Africains. Cependant, la finance carbone est complexe et je vous invite à approfondir vos
connaissances sur le sujet avant de vous lancer dans cette aventure afin de maximiser vos
chances de succès.
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