Ch3 TEMPS FONCTIONNEL

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TROISIÈME PARTIE

RÉPARATION DU SYSTÈME
TYMPANO-OSSICULAIRE
LE TEMPS FONCTIONNEL
C’est le temps essentiel dans une intervention à visée fonctionnelle. La qualité de la
membrane tympanique constitue un élément primordial pour obtenir un bon résultat audi-
tif. Mais, quelle que soit la qualité de la chaîne ossiculaire, d’origine ou reconstruite, le
résultat dépend aussi de la qualité de la muqueuse tympanique.
Un bon résultat fonctionnel ne peut perdurer que si la cavité tympanique est en bon
état. Aussi la myringoplastie doit être la première préoccupation dans une réparation tym-
pano-ossiculaire lorsque la membrane est altérée.
La chaîne joue bien sûr un rôle important. Sa fonction peut être entravée par un blocage
ossiculaire, avant tout stapédo-vestibulaire, imposant alors une stapédectomie. L’anky-
lose siège parfois dans l’attique, notamment au niveau de la tête du marteau, nécessitant
souvent d’interrompre la chaîne avant de la reconstruire, pour éviter une labyrinthisation
que risquerait de provoquer un fraisage d’emblée du blocage. Elle peut être interrompue,
imposant alors un montage ossiculaire ou ossiculoplastie.

Myringoplastie et tympanoplastie ne sont pas synonymes.


Le terme tympanoplastie signifie « reconstruction du tympanum ou caisse du tym-
pan », essentiellement de son contenu tympano-ossiculaire. La myringoplastie est la
reconstruction de la membrane du tympan. C’est donc une des modalités de tympano-
plastie. Il en est de même d’une ossiculoplastie.
Les tympanoplasties dites en technique fermée ont pour but la reconstruction tym-
pano-ossiculaire avec conservation du conduit osseux. Elle sous-entend qu’une masto-
atticotomie a été associée, souvent avec tympanotomie postérieure
Une reconstruction tympano-ossiculaire peut compléter une cavité d’évidement. Cette
intervention est aussi appelée tympanoplastie en technique ouverte.
En 1952, H.L. Wullstein proposait de distinguer cinq types de tympanoplasties, les types de I à III
concernant la réparation du système tympano-ossiculaire, et les types IV et V concernant la séparation des
fenêtres. Depuis, d’autres auteurs ont proposé des modifications et compléments qui n’ont pas toujours
clarifié la compréhension, seul le type I restant indiscutable pour désigner la myringoplastie. Aussi, pour
les ossiculoplasties, paraît-il plus simple de préciser le type de montage. Le type IV correspond à une
« petite caisse » de cavité d’évidement (voir p. 64), pour protéger la fenêtre ronde.
84 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 41. — Coupe horizontale d’une membrane tympanique 1. et de la partie adjacente du


conduit 2. Il faut s’attacher à replacer l’anneau fibreux 3. dans le sillon tympanique 4. et à
conserver intact l’angle tympano-méatal antérieur 5.

12. MYRINGOPLASTIE

La myringoplastie se donne pour but de refaire une membrane tympanique vibrante, de


qualité physiologique la plus proche possible d’une membrane normale, en ayant à la fois
la résistance, le caractère élastique, la forme et la topographie de cette membrane.Elle ne
se limite donc pas à la mise en place d’une greffe mais elle comporte aussi la préparation
du reliquat de membrane, avec la résection des tissus pathologiques et des lésions irré-
versibles qui entravent la cicatrisation et la physiologie tympanique.
Pour rétablir la forme et la topographie d’une membrane tympanique normale, il faut
s’attacher en particulier à conserver l’angle tympano-méatal antérieur(membrane-
conduit) et à placer l’anneau fibreux au niveau du sillon tympanique. (fig. 41)
Une myringoplastie n’est pas la simple application d’une rustine sur une perforation
tympanique. Elle soulève en fait de nombreuses questions, à commencer par les deux pre-
mières interrogations qu’il faut toujours se poser :
— Quel intérêt a-t-on à fermer une perforation ?
— Quels inconvénients à court et long terme doit-on craindre à fermer cette perfora-
tion ?

Avantages escomptés :
— Fermer l’oreille moyenne pour éviter les projections d’eau dans la caisse et les
épisodes de surinfection.
Myringoplastie 85

— Améliorer l’audition (avec ou sans ossiculoplastie associée).


C’est donc avant tout une intervention de confort et non de nécessité. Mais l’obturation
d’une perforation marginale peut aussi éviter une migration épithéliale dans l’oreille
moyenne donnant ainsi à l’intervention un rôle préventif de pathologie infectieuse.

Inconvénients à redouter :
— Aggraver l’audition
— Entraîner une myringite chronique par cicatrisation défectueuse
— Provoquer une otite séreuse ou une poche de rétraction elle-même génératrice de
cholestéatome.

INDICATIONS

ESSENTIELLEMENT LES PERFORATIONS TYMPANIQUES


Mais toute perforation n’est pas une indication opératoire, tant s’en faut.
Une perforation récente peut cicatriser spontanément. Il faut attendre plusieurs mois
avant de poser une éventuelle indication opératoire. La mise en place d’un fragment de
Steri-Strip sur une perforation séche récente peut hater la cicatrisation. De même, il faut
toujours revoir peu de temps avant l’intervention une perforation constatée longtemps
avant car elle a pu se fermer spontanément.
Pour avoir une idée du gain auditif éventuel en cas de myringoplastie, on peut, là aussi,
placer un fragment de Steri-Strip pour obturer momentanément la perforation. Le Steri-
Strip migrera spontanément vers le conduit et le méat en quelques semaines.
Lorsqu’une perforation s’accompagne d’une surdité de plus de 35 db, il y a tout lieu de
penser qu’elle ne doit pas être seule en cause pour expliquer la surdité.

AUTRE INDICATION DE MYRINGOPLASTIE : LE RENFORCEMENT DE CER-


TAINES MEMBRANES ATROPHIQUES (voir p. 146)

MODALITÉS OPÉRATOIRES

De nombreuses techniques ont été proposées qui ont toutes des avantages et des
inconvénients. Ces variantes concernent avant tout le matériau, la topographie de la greffe
par rapport au reliquat tympanique et la voie d’abord.

MATÉRIAU
Le tissu conjonctif a fait la preuve de son efficacité : aponévrose temporale, fascia tem-
poral superficiel, périoste ou périchondre.
L’écrasement facilite parfois la mise en place de la greffe. S’il ne semble pas compro-
mettre la prise de la greffe, il fragilise les tissus, ce qui explique probablement certains
échecs secondaires, atrophie ou perforation.

SITUATION DE LA GREFFE PAR RAPPORT À LA COUCHE FIBREUSE DE LA MEM-


BRANE TYMPANIQUE :
86 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

— soit latérale
— soit médiale
(il est préférable d’éviter le terme extra-fibreux car, son opposé, intra-fibreux, signifie-
rait à l’intérieur de la membrane fibreuse).

Situation latérale
Elle nécessite le clivage de la couche épidermique en laissant en place la couche
fibreuse (lamina propria).

Avantages
Elle donne une excellente assise pour maintenir la greffe en bonne position

Inconvénients
— le clivage n’est pas toujours facile,
— la fibreuse est parfois quasi-inexistante,
— le risque d’enclaves épidermiques semble important
— l’angle antérieur risque d’être émoussé dans les perforations antérieures.

Indication idéale
Petite perforation postérieure avec conservation d’une fibreuse de bonne qualité.

Situation médiale
C’est la technique de choix car elle permet d’être appliquée à presque tous les cas. A la
partie supérieure de la membrane, elle peut être située sous le manche ou sur le manche.

SITUATION DE LA GREFFE PAR RAPPORT AU MANCHE DU MARTEAU

Pour les perforations inférieures ou centrales, la greffe est placée sous le manche,
s’appuyant en arrière sur le cadre osseux, et en avant, elle est amarrée par une ou deux
boutonnières crées entre le sillon tympanique et l’anneau fibreux.
Pour les perforations supérieures, la greffe s’appuie sur le manche. Mais on peut asso-
cier une deuxième greffe sous le manche, réalisant alors une myringoplastie en double
épaisseur.

DÉPLACEMENTS SECONDAIRES DE LA GREFFE.

Il peut s’agir :
— soit de la chute de la greffe dans la caisse ou médialisation, facteur notamment de
synéchie, à craindre surtout si la greffe à été placée sous le manche sans être bien
amarrée à ses extrémités
— soit d’une néo-membrane insérée dans le conduit et non plus dans le sillon tym-
panique, ou latéralisation, qu’il faut craindre surtout si l’anneau fibreux a été tota-
lement libéré. Elle s’accompagne alors d’un angle antérieur tympano-méatal
émoussé qui altère l’audition.
Myringoplastie 87

Pour éviter la médialisation


On peut recourir :
. à la mise en place dans la caisse, d’éponges résorbables pour soutenir la greffe,
. à l’appui de la greffe sur le conduit de part et d’autre de la perforation,
. à l’appui sur le manche pour les greffes situées dans la partie supérieure de la mem-
brane,
. à l’amarrage de la greffe à travers des boutonnières réalisées soit à travers la mem-
brane, à la périphérie de la perforation, soit entre l’anneau fibreux et le sillon tym-
panique. A travers chaque boutonnière peut être amarrée une des extrémités de la
greffe à l’aide d’un crochet ou de pinces.

Pour éviter la latéralisation


On peut s’aider avant tout de la conservation d’au moins une partie de l’insertion de
l’anneau fibreux dans le sillon tympanique. La région la plus vulnérable pour la latérali-
sation étant celle de l’angle antéro-inférieur, il est donc important de s’attacher à garder
intacte la plus grande partie de cette région. De même, on a intérêt à conserver une partie
de l’insertion du reliquat sur le manche, près de l’ombilic.

VOIE D’ABORD ET DÉCOLLEMENT DU CONDUIT CUTANÉ

Dès que la perforation atteint la moitié antérieure de la membrane, il importe de voir


parfaitement toute la région tympanique antérieure et notamment l’anneau fibreux. Il peut
être nécessaire d’aléser le conduit osseux. Dans ce cas, il faut recourir à une voie élargie
(postérieure ou endaurale).
Sinon, en cas de conduit de grand diamètre, sans relief osseux, on peut utiliser une voie
du conduit, dite du spéculum.
L’importance du décollement doit être adapté en fonction de :
— l’alésage éventuel du conduit osseux, parfois très important pour bien voir la
membrane
— l’accès à l’anneau fibreux selon le siège de la perforation.
S’il n’y a aucun inconvénient à décoller tout le conduit cutané, il faut s’évertuer à
conserver intacte la plus grande partie de l’anneau fibreux en avant et en bas pour préser-
ver l’angle tympanoméatal antérieur.

CONDUITE À TENIR DEVANT LA MARGELLE DE LA PERFORATION.

Il faut intervenir sur la margelle avant de libérer la membrane, alors qu’elle est encore
bien tendue.
La parfaite harmonisation entre cette margelle et la greffe sous-jacente est un des impé-
ratifs pour assurer une cicatrisation aboutissant à une membrane de bonne qualité.
Contrairement à la migration épithéliale de la membrane tympanique qui s’effectue du
centre vers la périphérie, l’épidermisation de la greffe conjonctive se fait à partir de la
berge de la perforation comme pour toute plaie cutanée.
Entravent cette harmonisation :
— une margelle scléreuse avec un bourrelet cicatriciel car la couche cutanée tardera
à recouvrir la greffe,
88 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 42. — Lors du décollement de la membrane


tympanique, il faut s’efforcer de respecter le
plus possible l’angle tympano-méatal antérieur
1. La conservation de l’attache à l’ombilic 2.
évite, dans une certaine mesure, une latéralisa-
tion secondaire.

— une margelle très épaisse car elle laisse un dénivelé, facteur de rétention de pro-
duits de désquamation.

En pratique
— une margelle fine, constituée uniquement ou essentiellement de couche épider-
mique, doit être respectée,
— une margelle scléreuse doit être réséquée,
— une margelle épaisse doit être amincie, notamment par ablation d’une plaque cal-
caire. Si cette ablation paraît difficile, on peut la laisser et mettre, pour atténuer le
relief cicatriciel, une fine bandelette d’aponévrose roulée sur elle-même, tout le
long de la berge épaisse.

DÉCOLLEMENT DU MANCHE DU MARTEAU ET DU SILLON TYMPANIQUE

Dans presque tous les cas, excepté pour les petites perforations inférieures, on a intérêt
à désinsérer la partie postéro-supérieure de la membrane. A cet endroit, l’anneau fibreux
est ténu et peu enchâssé, et la membrane se trouve pratiquement dans le même plan que
celui du revêtement du conduit.
La désinsertion permet d’examiner la région incudo-stapédienne. Elle se poursuit vers
le bas, selon le besoin, en fonction du siège de la perforation.
Pour les perforations de la moitié supérieure de la membrane, l’application de la greffe
sur le manche évite sa médialisation. De plus, en conservant intacte la partie profonde du
manche, on garde la possibilité de réaliser dans les meilleures conditions un éventuel
montage manche-étrier.
Pour effectuer cette mise en place de la greffe sur le manche, encore faut-il le dénuder.
De plus, il est utile d’appuyer la greffe sur la berge osseuse antérieure.
Aussi peut-on proposer la séquence suivante :
— commencer par désinsérer la partie postéro-supérieure, puis la partie antéro-supé-
rieure de l’anneau fibreux, juste en avant de la courte apophyse, en procédant
d’arrière en avant,
— puis « décalotter » la courte apophyse à l’aide d’un bistouri lancéolé,
Myringoplastie 89

— enfin, cliver la membrane du manche, de haut en bas, en s’arrêtant nettement au-


dessus de l’ombilic.

Au total
On a intérêt à désinsérer très largement la membrane
— d’une part de ses attaches supérieures du manche
— et d’autre part du sillon tympanique dans ses parties antéro-supérieure et posté-
rieure.
mais en respectant dans la mesure du possible les deux points d’attache suivants (fig.
42) :
— l’extrémité inférieure du manche,
— la partie antéro-inférieure du sillon tympanique.
Ces deux points représentent une ligne d’attache qui :
— facilite l’exploration de la face profonde de la membrane et l’ablation éventuelle
de plaques de tympanosclérose ou d’un épaississement lié à une intervention anté-
rieure ou à un processus inflammatoire,
— ne gêne pas la mise en place de la greffe,
— permet d’éviter la latéralisation de la membrane et de conserver, dans les
meilleurs conditions, l’angle tympano-méatal antérieur,
— facilite la remise en place du reliquat tympanique.

EXPLORATION DE LA FACE PROFONDE DE LA MEMBRANE.


Elle s’impose toujours, du moins à proximité de la berge de la perforation.
Il n’est pas exceptionnel de découvrir une épidermose sur cette face profonde.
Elle peut être difficile à cliver. Dans ce cas, on ne doit pas hésiter à réséquer la zone
tympanique correspondant à cette épidermose.

CONDUITE À TENIR DEVANT LE RELIQUAT TYMPANIQUE.


Que faire des plaques de tympanosclérose (myringosclérose) ? (voir p. 138)
Elles ne doivent pas entraver les qualités vibratoires du système tympano-ossiculaire.
On peut laisser :
— des plaques de faible épaisseur ne formant pas un pont entre le manche du marteau
et le sillon tympanique,
— un anneau tympano-scléreux.
Doivent être enlevées, du moins en partie :
— les plaques très épaisses qui entravent les qualités vibrantes de la membrane,
— les plaques qui se poursuivent dans l’attique ou qui bloquent le marteau,
— les plaques qui bordent une perforation, surtout si elles sont épaisses.
Conduite à tenir devant les reliquats tympaniques épais.
L’épaississement peut être lié à une ancienne intervention ou être survenu spontané-
ment à la suite d’une inflammation. Ces épaississements doivent être enlevés par clivage,
en s’efforçant de conserver le maximum de couche cutanée. Mieux vaut laisser seulement
une fine couche épidermique qu’une membrane épaisse.
De même, il est préférable de réséquer d’éventuelles parties tympaniques granuloma-
teuses non épithélialisées.
90 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

L’ablation d’un épaississement qui émousserait l’angle antérieur est impérative, même
si elle impose la résection de la région adjacente de l’anneau fibreux.

QUALITÉS ET DIMENSIONS DE LA GREFFE


Ces paramètres jouent un rôle important dans la qualité du résultat.
Il ne sert à rien d’utiliser une très vaste greffe s’étendant loin sur le conduit osseux. Il
faut eviter que la greffe ne dépasse le lambeau tympano-méatal, car la partie non recou-
verte risque de se nécroser et de provoquer une infection locale longue à disparaître, mais
généralement sans répercussion sur la vitalité de la greffe myringienne.
Un fragment d’aponévrose d’environ 15 mm 20 mm suffit pour une perforation sub-
totale. On peut utiliser plusieurs greffes, pourvu qu’elles se chevauchent sur au moins 2 à
3 mm.
Le tissu conjonctif va participer à la constitution de la néo-membrane. Il sert d’arma-
ture aux tissus qui prolifèrent à partir des reliquats de la membrane. La néo-vascularisa-
tion provient de la berge osseuse et du reliquat fibreux de la membrane. La périphérie des
greffes donc être largement en contact avec le reliquat fibreux et remonter un peu sur la
berge osseuse. Certes, le tissu greffé n’est pas vivant, mais il ne doit pas être nécrosé, sous
peine de ne pas se vasculariser et d’entraîner un échec ; ceci risque de s’observer pour
toute myringoplastie sur oreille infectée. La greffe va permettre la formation d’une nou-
velle couche fibreuse tympanique sur laquelle pourra migrer la couche épidermique. En
cas de réaction bourgeonnante trop importante, cette migration épithéliale ne peut s’effec-
tuer. Lors des soins post-opératoires, il importe de surveiller et guider cette cicatrisation
(voir p. 190).
L’écrasement de la greffe procure une plus grande surface mais lui retire une partie de
sa résistance. Mais il ne faut jamais utiliser de compresses pour assécher la greffe car
elles risqueraient de laisser des particules de textiles à l’origine de granulomes à corps
étranger.
Les reliquats musculaires sont autant de facteurs de nécrose et de synéchie avec le
fond de caisse, et de mauvaise application de la greffe avec le reliquat tympanique. Ils
doivent donc être enlevés minutieusement, au besoin sous microscope. Pour faciliter cette
préparation, on peut fixer la greffe sur un bloc de Silastic, en la tendant entre quatre
épingles.
Toute perforation dans la greffe risque de persister si elle n’est pas recouverte par
une autre greffe ou le reliquat tympanique. Aussi, dès le prélèvement, le tissu à greffer
doit être manipulé avec des pinces à disséquer sans griffes. Si une perforation est décou-
verte, mieux vaut couper la greffe en deux en passant par ce trou.
L’importance du prélèvement doit correspondre seulement aux besoins tout en
sachant que la taille utile du fragment prélevé correspond approximativement aux 2/3 de
la surface de prélèvement. Mais il faut toujours penser qu’une autre intervention sera
peut-être nécessaire ; on ne doit donc pas prélever systématiquement une très grande sur-
face. En cas de prélèvement trop important, le reliquat peut être remis sur le région don-
neuse.
Avant de procéder à la mise en place de la greffe, il est important :
— de procéder à une hémostase et à un nettoyage parfaits de l’ensemble des cavités,
et tout particulièrement de la caisse,
— de déplisser le lambeau tympano-méatal, et notamment la berge du reliquat tym-
panique, et de vérifier son état.
Myringoplastie 91

b
a

c d

f h

FIG. 43. — Mise en place d’une greffe pour une perforation centrale : a. aspect de la perfora-
tion avant l’intervention b. avivement de la margelle c. décollement du lambeau tympano-méa-
tal d. création de deux boutonnières antérieures, entre l’anneau fibreux et le sillon tympanique
e. préparation de la greffe d’aponévrose et d’un fragment de compresse de collagène Pangen,
écrasé et appliqué sur la greffe pour maintenir une bonne rigidité lors de la mise en place ;
après, il peut être aisément retiré ou laissé en place f. mise en place de la greffe sous le manche
du marteau, en la faisant légèrement déborder sur la partie antéro-supérieure du sillon tympa-
nique, g. à l’aide d’une pointe, la greffe est avancée jusqu’au sillon tympanique, h. la greffe est
amarrée en avant au travers des boutonnières, ce qui permet de la tendre en arrière.
92 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 43. — i. j. aspect terminal avec les zones d’amarrage sur le conduit osseux k. la colle bio-
logique n’est pas indispensable mais elle procure une trés bonne adhérence de la greffe au reli-
quat tympanique. Elle doit être utilisée en trés faible quantité, goutte par goutte. L’utilisation
d’une microfourche pour la colle et d’une microcurette fenêtrée pour la thrombine facilite son
emploi.

FIG. 44. — Amarrage d’une greffe à travers la membrane


pour une petite perforation centrale.

FIG. 45. — Mise en place d’une greffe pour une perforation


postérieure en l’appuyant sur le manche du marteau
Myringoplastie 93

FIG. 46. — Un T tube est laissé pendant quelques semaines sous le lambeau tympano-méatal
en cas de caisse inflammatoire.

MISE EN PLACE DE LA GREFFE


Il s’agit en fait d’un temps difficile qui, pourtant, conditionne en grande partie le suc-
cès de l’opération. Il est parfois grandement facilité en plaçant la greffe sur un fragment
écrasé de compresse de collagène type Pangen qui se colle à la greffe si elle est humide
et lui maintient une bonne rigidité.
On peut schématiquement envisager trois types de circonstances :
1. La perforation est subtotale. L’anneau fibreux doit parfois être désinséré dans sa
totalité. Il suffit alors de placer le reliquat tympanique autour du manche du marteau pour
dégager tout le sillon tympanique. On place très facilement la greffe en la faisant reposer
par son bord sur le sillon tympanique et le conduit osseux. L’aide de colle biologique type
Biocol est précieuse pour maintenir l’encastrement de la greffe dans le sillon tympanique.
La remise en place du lambeau tympano-méatal s’effectue aisément. On doit s’appliquer à
placer l’anneau fibreux dans le sillon tympanique à l’aide d’un crochet boutonné.
Dans ce cas de perforation subtotale, si l’épidermisation tarde à se réaliser, il sera pos-
sible de mettre une greffe de peau mince vers la 3ème ou 4ème semaine.
2. La perforation est antérieure ou centrale. On peut placer la greffe sur un fragment
de Pangen écrasé, de la taille de la greffe, ce qui facilite son introduction dans la caisse et
sa mise en place (fig. 43). La migration est poursuivie à l’aide d’une pointe courbe, en
passant à travers la perforation. On amarre la membrane en avant par une ou deux bou-
tonnières entre l’anneau fibreux et le sillon tympanique, évitant ainsi de libérer tout le
sillon tympanique. Une de ces boutonnières est située préférentiellement au niveau du
protympanum. Cette technique peut souvent être appliquée aussi aux très vastes perfora-
tions, voire aux perforations subtotales.
3. La perforation est postérieure. La mise en place de la greffe ne présente pas de dif-
ficulté sous contrôle de la vue. On a intérêt à l’appuyer sur le manche du marteau
(fig. 44). En cas de petite perforation inférieure ou centrale, on peut amarrer éventuelle-
ment la greffe par deux ou trois boutonnières à travers la membrane.
Dans tous les cas, la greffe doit tapisser non seulement très au large la face profonde de
toute la région perforée, mais aussi d’éventuelles zones atrophiques adjacentes qui ris-
queraient de se trouver fragilisées par l’intervention. L’application de colle biologique sur
la margelle de la perforation rend plus intime le contact entre le reliquat et la greffe.
94 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

MYRINGOPLASTIE ET VENTILATION DE LA CAISSE

L’utilisation du protoxyde d’azote provoque une hyperpression dans l’oreille moyenne


lorsque la membrane est obturée. Cette hyperpression soulève la néo-membrane et risque
de déplacer les greffes et de latéraliser la membrane tant que le pansement du conduit
n’est pas terminé.
De même, en fin d’intervention, la rapide diffusion du protoxyde d’azote provoque une
dépression dans la caisse qui peut persister en cas de dysfonctionnement tubaire, et être
préjudiciable pour la greffe ou un éventuel montage ossiculaire. Aussi a-t-on intérêt à évi-
ter un taux de protoxyde d’azote de plus de 50 % au cours de l’intervention, et à arrêter
le gaz quelques minutes avant la mise en place de la greffe. De plus, pour éviter ces
inconvénients, on peut :
— soit réaliser un puits antral, éventuellement réduit à l’ouverture de quelques cel-
lules péri-antrales superficielles si la pneumatisation mastoïdienne est saine et
bien développée,
— soit glisser sous la partie postérieure du lambeau tympano-méatal un petit tube
(type T tube) qui sera retiré après mise en place du pansement du conduit (fig. 46).

VÉRIFICATION DE L’ÉTANCHÉITÉ DE LA CAISSE


Il suffit de placer une éponge humide dans le puits antral ou dans une éventuelle cavité
d’antro-atticotomie et d’effectuer des mouvements de piston qui soulévent la greffe en cas
de bonne étanchéité de la membrane.

MYRINGOPLASTIE ET STAPEDECTOMIE

Deux situations bien différentes doivent être distinguées :


1. Au cours d’une stapédectomie pour otospongiose à tympan normal, il n’est pas
rare de créer une perforation en décollant le lambeau, notamment près de l’anneau
fibreux.
Une telle perforation doit être recherchée systématiquement dès la fin de ce temps de
décollement. Elle impose la mise en place d’un fragment d’aponévrose ou de veine si
celle-ci a été utilisée pour la stapédectomie, débordant assez largement la perforation.
2. Au cours d’une tympanoplastie pour séquelles d’otite chronique avec perfora-
tion tympanique, la découverte d’une ankylose stapédo-vestibulaire soulève la question
d’une éventuelle stapédectomie.
Même si l’oreille est parfaitement sèche depuis longtemps, sans aucun signe inflam-
matoire, il est admis de ne jamais réaliser la stapédectomie dans le même temps que la
myringoplastie.
Il faut :
— Faire dans un premier temps la myringoplastie,
— Attendre plusieurs mois,
— Exposer au patient les risques de la stapédectomie qui sont classiquement plus
importants sur une telle oreille que pour une otospongiose dans sa forme habituelle.
Bien entendu, si un accident opératoire affecte l’étrier qui se trouverait luxé ou frac-
turé, mieux vaut alors réaliser une véritable stapédectomie qu’une remise en place des
fragments, en sachant l’absence habituelle de consolidation de fragments de platine, et le
Myringoplastie 95

risque de fistule et de labyrinthisation (voir p. 128). On a alors intérêt à commencer une


antibiothérapie immédiatement au cours de l’intervention.

MYRINGOPLASTIE ET OSSICULOPLASTIE

Les meilleures conditions d’ossiculoplastie sont réalisées lorsque se trouvent réunis :


— un tympan de bonne qualité,
— l’absence de signes inflammatoires,
— une oreille moyenne bien ventilée.

Arguments pour réaliser l’ossiculoplastie dans un temps ultérieur.


Il est souvent difficile de prévoir ce que sera la qualité de la fonction équipressive à
long terme lorsqu’on réalise la myringoplastie, même sur une oreille parfaitement sèche.
Le montage ossiculaire est d’autant plus stable que la membrane tympanique a été peu
décollée et n’est pas soumise à un important processus cicatriciel. Une myringoplastie
pour une importante perforation peut imposer un très large décollement.
De plus, le montage ossiculaire risque de retentir, en cas d’hypercorrection, sur la
situation de la néo-membrane.

Arguments pour réaliser l’ossiculoplastie et la myringoplastie dans le même temps.


Toute intervention doit être considérée comme une agression qu’il faut éviter de répé-
ter sans nécessité absolue.
S’il est possible d’améliorer l’audition d’emblée, le patient ne pourra qu’en être satis-
fait.
En cas d’échec de l’ossiculoplastie, il sera possible de reprendre ultérieurement le
montage.

Propositions
En dehors des cas extrêmes où la discussion ne se pose guère :
— Intervention en un temps en cas de petite perforation postéro-inférieure sur oreille
sèche par exemple,
— Intervention en deux temps en cas d’oreille très inflammatoire et de perforation
subtotale,
Il est possible d’élargir les indications de reconstruction tympano-ossiculaire en
un temps :
— avec l’utilisation de la colle biologique qui donne une meilleure stabilité à la
reconstruction de la membrane tympanique,
— en respectant le plus possible le manche du marteau pour qu’il puisse servir d’appui
au montage ossiculaire grâce à la mise en place de la greffe sur le manche du marteau et
non dessous, du moins dans sa partie supérieure.
— et en cas d’oreille inflammatoire, en assurant une fonction équipressive pendant la
cicatrisation myringienne, par la mise en place d’un tube atrio-méatal sous la partie infé-
rieure du lambeau.
96 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

MYRINGOPLASTIE ET OREILLE INFLAMMATOIRE

L’inflammation peut provenir :


— d’une mauvaise aération de l’oreille moyenne, notamment de l’attique ou des cel-
lules mastoïdiennes,
— d’une infection, notamment à proximité d’un cholestéatome.
En fait, l’inflammation et l’infection sont souvent associées dans une oreille mal aérée.
Ces éléments représentent donc des conditions défavorables pour la prise des greffes qui
souvent se nécrosent ce qui compromet le succès de la myringoplastie.
Plusieurs questions se posent dans ces cas :
— Comment préparer l’oreille ?
— Que faire sur les cavités masto-atticales ?
— Faut-il intervenir en deux temps ?
— Faut-il faire un traitement post-opératoire particulier ?

Comment préparer l’oreille ?


La préparation est très importante dans la perspective d’une intervention sur oreille
infectée.
Cette préparation comprend, théoriquement, une étude de germes, un traitement local
et un traitement par voie générale. En pratique, les prélèvements découvrent habituelle-
ment du Pseudomonas aeruginosa et du Staphylocoque doré.

LE TRAITEMENT LOCAL ASSOCIE :

— d’une part, des antibiotiques (avant tout, aminosides) et antiseptiques, mais en


sachant que ce traitement est toxique pour la cochlée et qu’il ne doit donc pas être
poursuivi plus d’une semaine. Aussi est-il intéressant d’utiliser des pansements en
Merocel, imprégnés de topiques plusieurs fois par jour ; des bains de corticoïdes
locaux sont parfois efficaces,
— et d’autre part, la cautérisation éventuelle de bourgeons par de l’acide trichloracé-
tique au 1/3.

LE TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE GÉNÉRAL


Il peut faire appel à l’antibiogramme, tout en sachant que les germes le plus souvent en
cause sont le Pseudomonas aeruginosa et le staphylocoque doré.
En fait, ce traitement se montre souvent illusoire :
— en cas de cholestéatome qui entretient l’infection,
— en cas de lésions masto-atticales qui entravent l’aération et entretiennent l’inflam-
mation.
Il est donc souvent inutile de poursuivre très longtemps le traitement préparatoire.

Que faire sur les cavités masto-atticales ?


Toute oreille infectée, même si elle se trouve asséchée depuis quelques mois, doit avoir
au minimum un puits antral afin de rechercher des lésions inflammatoires intramastoï-
diennes et de s’assurer d’une bonne perméabilité antro-atriale. En l’absence d’une bonne
Myringoplastie 97

aération, une antro-atticotomie à la demande doit être réalisée pour enlever les lésions
muqueuses qui font obstacle, au besoin en réalisant une tympanotomie postérieure.
Dans ces cas, l’exploration doit se poursuivre dans la mastoïde, pouvant imposer une
mastoïdectomie totale.

Faut-il intervenir en deux temps ? (voir p. 150)


En cas d’oreille très inflammatoire, malgré un traitement pré-opératoire, avec d’abon-
dantes lésions bourgeonnantes visibles sur le fond de caisse, l’intervention en deux temps
est une solution de sagesse, en commençant par une masto-atticotomie et en réalisant la
myringoplastie plusieurs mois après.
En dehors de ces cas, une intervention en un temps peut être tentée, en sachant le carac-
tère incertain du bon résultat de la myringoplastie. L’échec éventuel n’aggrave pas l’état
de l’oreille par rapport à une intervention en deux temps si on prend des précautions par-
ticulières (voir infra).

Faut-il faire un traitement post-opératoire particulier ?


Toute oreille inflammatoire impose un traitement post-opératoire particulier qui com-
mence en fait dès la mise en place de la greffe.
En effet, une oreille dont la muqueuse est inflammatoire constitue un terrain favorable
aux synéchies et à la création de tractus fibreux dans la caisse. Il faut donc :
— mettre un matériau inerte et bio-compatible entre la paroi médiale de la caisse et
la néo-membrane : soit un morceau de silastic, soit un fragment de Gelfilm qui a
l’intérêt de se résorber en quelques semaines.
— aérer la caisse pour lutter contre une éventuelle dépression intra-tympanique, fac-
teur de synéchies et d’inflammation. Pour ce faire, il suffit de placer un tube (type
T tube dont les ailettes ont été coupées) sous la partie postéro-inférieure du lam-
beau tympano-méatal pour assurer une bonne ventilation atrio-méatale.
— prescrire une antibiothérapie à large spectre, visant notamment le Staphylocoque
doré,
— faire le premier pansement dès le 5e ou 6e jour.

MYRINGOPLASTIE CHEZ L’ENFANT

Le jeune âge ne constitue pas en lui-même un obstacle pour envisager une myringo-
plastie. Cependant, à l’exception de rares cas de perforations tympaniques d’origine trau-
matique, notamment par blast (gifle), les perforations représentent une séquelle d’otite
qui, elle-même, traduit habituellement une perturbation de la fonction tubaire. La ferme-
ture prématurée de la perforation risque de provoquer la survenue d’une otite séro-
muqueuse qu’il faudra probablement traiter par la mise en place d’un aérateur alors que
l’oreille paraissait saine avant la myringoplastie.
Le meilleur critère pour avoir une bonne connaissance de l’état tubaire est pro-
bablement l’état du tympan contro-latéral s’il est fermé.
Si l’examen de l’oreille contro-latérale montre :
— soit une otite séro-muqueuse franche,
— soit même seulement un tympan atrophique avec une importante dépression tym-
panométrique (dépassant 150 mm d’H2O), l’abstention paraît logique, même si
l’enfant a plus de 8 à 10 ans.
En revanche, même chez un enfant de 5 à 6 ans, il n’est pas illogique d’envisager une
myringoplastie si l’oreille contro-latérale paraît saine.
Enfin, la docilité de l’enfant lors des examens sous microscope est un autre élément
non négligeable à prendre en considération, pour que les soins post-opératoires puissent
se réaliser dans les meilleures conditions.

REPRISES DE MYRINGOPLASTIE

L’intervention se révèle habituellement plus difficile en cas de reprise.


Il faut s’attacher à rechercher :
— la cause de l’échec, parfois lié à une mauvaise vision par saillie de la paroi anté-
rieure du conduit osseux,
— des séquelles telles que latéralisation ou médialisation, angle antérieur émoussé,
afin de les corriger.
Lors de l’intervention, il faut :
— libérer toutes les synéchies éventuelles et mettre en fin d’intervention un fragment
de Gelfilm pour éviter qu’elles se reproduisent,
— enlever un éventuel épaississement du reliquat tympanique provenant de la greffe
précédente qui a pu notamment être mal placée,
— explorer la région incudo-stapédienne, souvent siège de tractus fibreux.
La prise de la greffe peut parfois être rendue difficile lorsque un ou plusieurs opéra-
teurs ont déjà effectué des prélèvements d’aponévrose temporale.
On peut alors recourir :
— à la prise d’aponévrose par une autre incision située nettement au-dessus du
pavillon,
— au périchondre tragien,
— au fascia temporal superficiel,
— au périoste temporal. (voir p. 27)
Ossiculoplasties 99

13. OSSICULOPLASTIES

La réfection de la chaîne ossiculaire ou ossiculoplastie a pour but de donner les


meilleurs conditions de transmission vers l’oreille interne, de l’énergie sonore captée par
la membrane tympanique. Elle concerne essentiellement les cas où la chaîne interrompue
ou fixée n’assure plus une transmission normale. Les exceptionnelles ossiculoplasties
intervenant dans le cadre de malformations congénitales ne seront pas envisagées car les
très grandes variations anatomiques rencontrées en font autant de cas particuliers diffi-
ciles à systématiser. De même, sont exclus de ce chapitre les cas comportant une ankylose
de la platine de l’étrier car l’intervention stapédienne devient alors le temps opératoire
essentiel.
Les difficultés rencontrées au cours des ossiculoplasties sont très variables, non seule-
ment selon l’état tympano-ossiculaire mais aussi selon l’état de la muqueuse tympanique,
de la fonction tubaire et des conditions anatomiques.

BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES

La chaîne ne peut être reconstruite à l’identique d’une chaîne normale avec ses trois
constituants articulés entre eux. Or, ces articulations ont un rôle non négligeable dans la
fonction d’adaptation d’impédance. On se contente de placer une pièce intermédiaire

FIG. 47. — La situation de l’étrier par rapport


au cadre tympanique et au manche du marteau
est très variable et doit être bien appréciée
avant de choisir le type de montage.
100 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

entre l’étrier et la membrane ou le manche du marteau, à l’image de la columelle de cer-


tains oiseaux
La chaîne n’est qu’une composante du système tympano-ossiculaire.
Pour avoir un rendement optimum, il faut :
— une membrane tympanique de bonne qualité, en situation normale, avec un angle
tympano-méatal aigu, bien dessiné (entre 40 et 60°),
— et un système columellaire dont la masse et la rigidité sont bien adaptées.
En pratique, il faut savoir :
— ne pas utiliser un montage lourd,
— ne pas créer un montage sous tension excessive mais se contenter d’une très légère
hypercorrection.
Les études de la physiologie du système tympano-ossiculaire et l’expérience ont mon-
tré que :
— le meilleur montage est fourni par une columelle placée entre le manche du
marteau et la tête de l’étrier. C’est en effet le marteau qui reçoit le maximum
d’énergie. Mais la superstructure de l’étrier peut être absente ou inutilisable, et les
conditions anatomiques peuvent être défavorables imposant un montage directe-
ment sous la membrane ou sur la platine.
— une transmission directe entre le quadrant postéro-supérieur de la membrane tym-
panique et l’étrier favorise les graves jusqu’au 2 000 mais a un moins bon rende-
ment au-delà.
Enfin, quel que soit le montage, tout pont acoustique entre la chaîne reconstruite et
les parois de la caisse doit être banni sous peine de compromettre le résultat. Il faut
donc faire attention à placer :
— les columelles prenant appui sur le manche du marteau, à distance du processus
cochléariforme et sans soulever le marteau, sous peine de plaquer la tête de celui-
ci contre la paroi médiale de l’attique (fig. 93),
— les columelles prenant appui directement sous la membrane tympanique, très à
distance du cadre osseux.

CONDITIONS ANATOMIQUES

Elles varient notablement d’un cas à l’autre (fig. 47). Aussi faut-il toujours parfaite-
ment les analyser avant de décider du type de montage. En effet, il est important d’avoir :
— un montage très stable, sans aucun artifice. Les meilleures conditions sont obte-
nues lorsque l’étrier se trouve juste au-dessous du manche du marteau.
— un montage libre de tout contact avec les éléments environnants. Tout point de
fixation entre la chaîne et une des parois de la caisse risque de compromettre le
résultat fonctionnel. Le risque est variable selon les dispositions anatomiques et
selon le matériau utilisé, en sachant que le Téflon est certainement le matériau qui
expose le moins aux adhérences.

Ossiculoplastie et cadre d’insertion tympanique


EN ARRIERE
Dans environ 1 cas sur 10, la fenêtre ovale est totalement surplombée par le cadre
Ossiculoplasties 101

osseux. Dans près de la moitié des cas, le sillon tympanique surplombe en partie la région
de l’étrier. Pour éloigner la pièce ossiculaire de ce rebord osseux, il importe donc de réa-
liser une résection osseuse. Cette résection doit toujours être calculée très largement car
la néo-membrane tympanique peut s’atrophier et permettre la bascule de la pièce ossicu-
laire vers le rebord osseux.

EN HAUT
Le bord inférieur du mur de la logette se trouve parfois à proximité du manche du mar-
teau. Un montage étrier-manche du marteau risque de mettre en contact le marteau et le
rebord osseux. Il importe donc, dans ces cas, :
— soit de réséquer largement la partie inférieure du mur de la logette,
— soit de sectionner le col du marteau.
Ces deux attitudes sont critiquables car :
— la première risque de favoriser une poche de rétraction,
— la deuxième entraîne une déstabilisation du marteau.
Aussi, lorsque les conditions anatomiques se prêtent mal à un montage étrier-manche
du marteau, mieux vaut réaliser un montage directement sous la membrane tympanique.

Ossiculoplastie et saillie du VII


En dehors de toute malformation, le trajet de la portion tympanique du canal facial
varie selon les sujets :
— allant d’un canal haut situé permettant une excellente vision sur tout l’étrier,
— à la procidence d’un nerf facial dénudé masquant totalement la vue sur la platine.
Lorsque le VII est saillant, il risque de constituer une zone de fixation avec une pièce
ossiculaire. Aussi a-t-on alors souvent intérêt, notamment en cas d’absence de super-
structure, à utiliser un matériau tel que le Téflon.

Ossiculoplastie et fosse ovale


La forme de la fosse ovale varie beaucoup d’un sujet à l’autre. Lorsque la fosse est pro-
fonde et étroite, le risque de fixation avec une des berges devient important. Ce risque
peut être prévenu en plaçant une pièce ossiculaire très fine et bien verticale, et en utilisant
éventuellement une petite plaque de Gelfilm autour du montage pour éviter une fibrose
cicatricielle.
De même, en cas de superstructure revêtue de muqueuse inflammatoire, a-t-on intérêt
à placer de part et d’autre de l’étrier un fragment de Gelfilm.

Déplacement latéral du manche du marteau


Ce risque est lié à un montage étrier-manche trop long. Il risque de compromettre un
bon résultat fonctionnel en créant une zone de fixation entre la tête du marteau et la paroi
médiale de l’attique.
Pour la prévention de ce risque, il faut :
— calculer minutieusement la distance étrier-manche et faire toujours un essai,
— vérifier la position de la tête du marteau dans l’attique,
— au besoin, sectionner le col et supprimer la tête du marteau.
102 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 48. — L’enclume et la tête du marteau sont sculptées selon les besoins. Si la columelle est
prévue pour être placée sous le manche du marteau, son extrémité supérieure doit être taillée
en fourche large et profonde pour permettre un montage stable avec le manche.

Déplacement antérieur du manche du marteau


Ce risque est lié à la situation postérieure de l’étrier par rapport à la projection du
manche
Pour la prévention de ce risque, on doit recourir à un montage directement sous la
membrane tympanique dès que l’inclinaison du manche est importante. Mieux vaut un
bon montage directement sous la membrane qu’un montage manche-étrier déportant le
marteau vers l’avant, risquant ainsi de le fixer aux parois de la caisse.
Ossiculoplasties 103

FIG. 49. — A l’aide d’une fraise dia-


mantée, une cupule est taillée à
l’extrémité inférieure de la columelle.
Elle doit être suffisamment profonde
et large pour bien s’adapter à la tête de
l’étrier

Il est certes possible de sculpter une enclume de telle façon qu’une de ses extrémité
encastre le manche du marteau et que l’autre extrémité s’articule avec l’étrier. Mais un tel
montage comporte des risques pour l’oreille interne s’il s’ossifie, en cas de reprise éven-
tuelle du montage.

Désolidarisation du manche et de la membrane tympanique


Ce risque est lié à la conjonction d’un clivage manche-membrane tympanique lors du
temps myringien, et d’une reconstruction ossiculaire avec un montage trop haut ou un
montage dont l’extrémité supérieure s’interpose entre le manche et la membrane.
Aussi, lorsqu’on est amené à désunir le manche du marteau et la membrane pour réali-
ser la myringoplastie, est-il important de mettre une greffe d’aponévrose sous le manche
en cas d’ossiculoplastie s’appuyant directement sous la membrane. Une simple bandelette
tendue entre les parties antérieure et postérieure du sillon tympanique suffit pour prévenir
ce risque. L’utilisation de la colle est alors intéressante.

INTERFACES DU MONTAGE

De la qualité des interfaces entre la columelle et le reste du système tympano-ossicu-


laire, dépend en grande partie la qualité du résultat fonctionnel
Elle mérite donc d’être étudiée à tous les niveaux.

Au niveau de la membrane tympanique :


Que la columelle soit placée sous le manche ou directement sous la membrane, il
faut éviter qu’un bord vif ne vienne au contact de la membrane, quelle que soit la
tolérance habituelle du matériau. Sinon, une perforation risque d’apparaître, provoquant
un bourgeonnement, des croûtelles et une perforation imposant, souvent, une réinterven-
tion.
Il faut donc :
104 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 50. — Différentes situations possibles de la columelle par rapport au manche du marteau.

— vérifier le caractère mousse des bords de la partie supérieure de la columelle,


— éviter que l’extrémité fourchue d’une columelle placée sous le manche saille sous
la membrane,
— s’abstenir de mettre directement en contact avec la membrane un matériau inerte
qui ne soit réellement biocompatible pour éviter son extrusion.
Au moindre doute sur la vulnérabilité de la membrane et la biocompatibilité, il est pru-
dent de placer sur la columelle un fragment de périchondre ou même une lamelle de car-
tilage avant de rabattre la membrane tympanique sur le montage. Pour les TORP (total
ossicular replacement prothesis), on a intérêt à privilégier les prothèses en Téflon dont
une extrémité permet l’emboitement d’un fragment de cartilage

Au niveau du manche
Pour être bien stable, la columelle doit avoir une gorge parfaitement adaptée à recevoir
le manche du marteau (fig. 48). Si une myringoplastie est réalisée dans le même temps
que l’ossiculoplastie, la greffe ne doit pas s’interposer entre la columelle et le manche
sous peine de rendre instable le montage.
L’ancrage du montage de la columelle sur le manche doit se situer à distance de la
courte apophyse, vers l’ombilic, sous peine d’avoir un mauvais rendement acoustique.
L’extrémité de la columelle peut être placée :
— sous le manche,
— contre le manche,
— ou sur le manche en fonction des données anatomiques (fig. 50).
Mais dans tous les cas, le calage sur le manche donne une bonne stabilité au montage
et diminue ainsi les risques d’adhérences secondaires aux parois.
Ossiculoplasties 105

FIG. 51. — Protection de la platine par


un fragment d’aponévrose.

En l’absence de manche
On peut notamment inclure dans la néo-membrane tympanique un très large fragment
de cartilage tragien solidaire d’un fragment plus étendu de périchondre qui servira à
l’amarrer au sillon tympanique ou à la néo-membrane.

Au niveau de la tête de l’étrier


L’apophyse lenticulaire, lorsqu’elle persiste, doit être enlevée avant un montage sur la
superstructure afin d’assurer une meilleure stabilité. Son ablation n’est pas facile. Elle
doit se faire très minutieusement avec un instrument type crochet ou pointe, manié dans
l’axe du muscle de l’étrier, d’arrière en avant (voir fig. 3), en bloquant en avant la tête de
l’étrier avec un autre instrument ou l’aspirateur.

Au niveau de la platine de l’étrier


Il est dangereux d’appuyer directement une columelle sur la platine. On a tout intérêt à
interposer :
— soit un fragment d’éponge résorbable,

FIG. 52. — Columelle cartilagineuse


fabriquée avec un fragment de carti-
lage tragien et son périchondre laissé
adhérent.
106 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 53. — Une columelle trop haute, placée sous le manche, risque de mettre en contact la
tête du marteau avec la paroi médiale de l’attique.

— soit un fragment d’aponévrose (éventuellement en double épaisseur) ou probable-


ment mieux de périchondre (fig. 51).
Ce coussinet conjonctif a l’avantage :
— de diminuer la rigidité d’un système directement interposé entre le manche et la
platine,
— et de protèger la platine dans l’immédiat lors de la mise en place de la columelle
et, à long terme, il prévient une éventuelle perforation platinaire par usure méca-
nique.

FIG. 54. — On prendrait un risque important


à placer une columelle sur la tête d’un étrier
"couché" sur le promontoire. Il faut alors lui
préférer un appui direct sur la platine bien
que le montage soit moins efficace.
Ossiculoplasties 107

MATÉRIAUX

Osselets
AUTOGREFFES
Le corps de l’enclume garde la faveur de beaucoup lorsque le corps n’est pas lysé. Son
utilisation peut être discutable en cas de cholestéatome. Il est toujours possible de le
mettre en nourrice si une intervention en deux temps est programmée. La tête du marteau
est intéressante car elle est recouverte de muqueuse et sa surface ne présente pas d’aspé-
rité. Mais son ablation rend généralement très instable le manche si on projette une inter-
position manche-étrier.

HOMOGREFFES OSSICULAIRES
Elles sont intéressantes.
Mais les risques de transmission virale en limitent beaucoup l’intérêt actuellement,
bien que la conservation dans le formol semble donner toute garantie.
L’enclume, le marteau et l’étrier peuvent trouver leur utilisation.

Cartilage autologue
Il trouve surtout son indication comme rehaussement de l’étrier (fig. 52). Il est particu-
lièrement intéressant dans les tympanoplasties en technique ouverte et dans les tympano-
plasties en deux temps. Son ablation éventuelle s’effectue très facilement au cours d’un
deuxième temps.
On peut utiliser :
— soit du cartilage de conque prélevé sur sa face postérieure,
— soit du cartilage tragien.
Pour l’utiliser, on a intérêt à procéder de la façon suivante :
— Prélever une partie du tragus avec son périchondre,
— Découper à l’aide d’un spéculum de 3 ou 3, 5 mm une rondelle de cartilage et se
débarrasser du cartilage environnant.
— Tailler éventuellement une cupule à l’aide d’un spéculum plus petit ou à la fraise.
— Placer la columelle sur l’étrier, et le périchondre sur le sillon tympanique.

Os cortical
On peut découper à la fraise un fragment de corticale mastoïdienne pour sculpter une
columelle comme un osselet.

Plastiques poreux
Le grand taux d’échecs tardifs par extrusion. les a fait pratiquement abandonner
Le Proplast paraît très mal toléré et a pu donner des réactions à corps étrangers.
Le Plastipore et le Polycel sont mieux tolérés. De toutes façons, ils ne doivent jamais
être en contact direct avec la membrane tympanique mais avoir une interposition de car-
tilage.
108 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 55. — Une des causes d’échec des ossiculoplasties est la mauvaise évaluation de la hau-
teur de la columelle

Céramiques
Il en existe un très grand nombre de variétés Parmi elles, celles appartenant au groupe
des calcium-phosphates paraissent avoir une bonne biocomptabilité. (voir p. 73)

RÉALISATION PRATIQUE DES OSSICULOPLASTIES

Quel que soit le procédé envisagé, il faut sculpter avec une fraise diamantée (fig. 49) la
columelle aux dimensions exactes pour obtenir :
— une parfaite congruence,
— une très légère hypercorrection. Une importante hypercorrection donne un moins
bon résultat auditif ; elle risque de traumatiser le labyrinthe et de déséquilibrer le
montage.
Plusieurs essais peuvent s’imposer.
En cas de myringoplastie associée, on a intérêt :
— pour une vaste perforation ou une perforation antérieure, à terminer le temps
myringien avant de faire le montage,
— pour une perforation postéro-supérieure, à commencer par le montage ossiculaire.
La mise en place de la columelle sur l’étrier impose une vigilance constante sur
celui-ci. L’adaptation doit se faire sans difficulté, sans forcer notamment pour placer la
columelle sous le manche (fig. 54).
Après avoir mis l’extrémité correspondante de la columelle soit sur l’étrier, soit sur le
manche, on soulève celui-ci avec un grand crochet pour adapter l’autre extrémité de la
columelle. S’il faut soulever le manche nettement au-dessus du plan du sillon tympa-
nique, c’est que la columelle est trop longue et doit être retaillée (fig 53).
Lorsque le montage est réalisé, quelques boulettes d’éponge résorbable sont mises dans
l’angle tympano-méatal pour stabiliser le manche du marteau. On vérifie alors une der-
nière fois que le montage est toujours en bonne place.
Si une tympanotomie postérieure a été réalisée, on pourra utiliser cette fenêtre pour
s’assurer de la qualité du montage après la mise en place de l’ensemble du pansement du
conduit.

CONCLUSION

Les causes d’échecs primaires des ossiculoplasties proviennent :


— soit d’une mauvaise qualité de la membrane tympanique ou de l’interface chaîne-
membrane,
— soit d’une mauvaise continuité dans le montage de la chaîne reconstruite (fig. 55).
— soit du fait d’une zone d’adhérence avec une des parois osseuses de la caisse.
Une baisse secondaire d’audition après ossiculoplastie correspond à différentes
causes parfois associées, notamment :
— le déplacement de la columelle vers une des parois osseuses de la caisse ou le
sillon tympanique, créant un pont acoustique ou une ankylose,
— le déplacement latéral de la columelle, notamment lors de la cicatrisation de la
membrane tympanique, qui risque de faire perdre le contact avec l’étrier,
— la mauvaise fonction tubaire qui peut se révéler secondairement, après la ferme-
ture tympanique,
— mais aussi parfois l’évolution d’un cholestéatome.
A l’inverse, un cholestéatome antro-attical, parfois gigantesque, peut évoluer pendant
longtemps sans entraver le bon résultat d’une ossiculoplastie.
Toutes ces notions doivent être présentes à l’esprit lors de la surveillance à long terme
d’une ossiculoplastie.
110 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

14. CHIRURGIE DE LA PLA-


TINE
DE L’ÉTRIER

Elle ouvre l’oreille interne et expose donc avant tout au risque de complications
cochléo-vestibulaires :
— labyrinthisation et même cophose,
— acouphènes parfois invalidants,
— vertiges pouvant aussi être invalidants et persister pendant des années.

CIRCONSTANCES OPÉRATOIRES

La chirurgie stapédienne intervient essentiellement dans l’otospongiose et les autres


causes d’ankylose stapédo-vestibulaire. C’est donc la chirurgie de l’ankylose qui sera étu-
diée ici. Mais il ne faut pas oublier les autres circonstances, notamment en cas de :
— fracture platinaire des traumatismes crâniens,
— et de traumatisme iatrogénique de la platine de l’étrier au cours de la chirurgie de
l’oreille moyenne.
La parfaite maîtrise de la technique de stapédectomie totale pour l’otospongiose doit
permettre de faire face à ces autres situations.

TECHNIQUES OPÉRATOIRES

Schématiquement, dans la chirurgie de l’ankylose stapédo-vestibulaire, deux stratégies


s’opposent :
1 — Soit enlever toute la platine de l’étrier réalisant une platinectomie totale
— couvrir la fenêtre par un fragment de tissu (aponévrose ou veine)
— et rétablir la continuité par une prothèse type piston en téflon (technique dite du
piston-interposition).
2 — Soit faire un trou exactement adapté au diamètre d’un piston (technique dite du
trou calibré) qui plonge directement dans le liquide labyrinthique, ou platinotomie.
Entre ces deux extrêmes se situent :
— la platinectomie partielle avec interposition,
— le trou calibré avec interposition,
Tout otologiste doit maîtriser parfaitement chacune de ces techniques que peuvent
imposer les circonstances opératoires, notamment :
Chirurgie de la platine de l’étrier 111

FIG. 56. — La région doit être


parfaitement dégagée avant
d’entreprendre le moindre
geste sur l’osselet.

— la fracture platinaire irradiée au cours d’une technique de trou calibré,


— une platine très épaisse interdisant l’ablation de toute la platine.
L’otologiste débutant doit se méfier des publications de chirurgiens très expérimentés,
vantant les mérites d’une technique particulière qui permet de gagner quelques décibels
sur telle fréquence ou quelques minutes sur le temps de l’intervention. Il ne doit être pri-
sonnier d’aucune technique et apprendre à faire face aux diverses situations.
La technique de stapédectomie doit être parfaitement maîtrisée avant de se lancer seul
dans l’aventure de la chirurgie stapédienne. C’est donc elle qui est décrite en premier.

Stapédectomie
VOIE D’ABORD
— Soit voie du spéculum avec un porte-spéculum pour se libérer les deux mains. Cette
voie est excellente si le conduit admet un spéculum de 5, 5 mm de diamètre au moins. Au-
dessous, l’étroitesse gêne les mouvements. Toutefois, un otologiste expérimenté peut
intervenir à travers un spéculum de 5 ou même 4,5mm de diamètre.
La voie du spéculum offre l’avantage d’une très minime incision cicatrisant très rapi-
dement, et d’un champ parfaitement net et véritablement aseptique Le spéculum, surtout
s’il est malléable, complète l’hémostase du conduit.
— Soit voie endaurale minimale. Elle est utilisée à titre systématique par certains.
Elle s’impose dans tous les cas de :
. conduit étroit
. ostéome associé
Dans ces cas, un alésage du conduit est souvent nécessaire avant le temps stapédien. Il
ne faut pas entreprendre le temps stapédien tant que le marteau n’est pas parfaitement
visible.
Une fois l’alésage effectué, la mise en place d’un spéculum de grand diamètre fixé au
porte-spéculum n’est pas dénuée d’intérêt.

ANESTHÉSIE GÉNÉRALE OU ANESTHÉSIE LOCALE ?


L’anesthésie locale ne se conçoit qu’avec l’aide d’un anesthésiste et « potentialisée »
en fonction de la demande. Il est souvent plus facile d’obtenir une anesthésie générale
qu’une potentialisation bien adaptée si on ne peut pas toujours obtenir la collaboration du
même anesthésiste.
112 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

INFILTRATION DU CONDUIT
Elle s’impose dans tous les cas. Une solution fortement adrénalinée (mélange de 0,5 ml
d’une solution d’1 % de Xylocaïne ou de sérum physiologique). Une très faible quantité,
O,5 à 1, 5 ml de cette solution, suffit pour rendre exsangue l’incision du conduit si l’infil-
tration est faite dans la portion de peau du conduit fibro-cartilagineux situé juste en dehors
du conduit osseux. L’infiltration doit être faite dans la paroi cutanée et non pas sous la
paroi cutanée, et blanchir la peau du conduit (fig. 18).

INCISION
L’incision doit être réalisée uniquement dans le conduit osseux et encadrer les 3/4
postéro-supérieurs du tympan, allant de la région située au-dessus de la courte apophyse
pour s’approcher de la partie postéro-inférieure du sillon tympanique, formant un arc d’au
moins 120°. Cette incision peut être tracée soit en forme d’angle aigu, soit sous forme
d’arc. A partir de cette incision, on peut éventuellement brancher une incision de voie
endaurale en cas de besoin, si la voie du conduit se révèle trop étroite (voir fig. 20).
Le décollement de l’anneau fibreux se fait de haut en bas, en le désenclavant. La
moindre perforation doit être identifiée. Un fragment d’aponévrose sera placé au-dessous
de cette région en fin d’intervention.
Le décollement est jugé suffisant si on aperçoit correctement :
. en haut, le manche du marteau
. en bas, la fenêtre ronde
L’hémostase doit être parfaite avant d’entreprendre le temps suivant.

DÉCOUVERTE DE LA RÉGION STAPÉDIENNE.


La corde du tympan est repérée au bord inférieur du mur de la logette et abaissée à
l’aide d’une pointe courbe.
Une résection de la partie postérieure du mur de la logette s’impose habituellement
(fig. 56). La curette paraît l’instrument le mieux adapté. La gouge expose :
— à la luxation de l’enclume si on détache un gros fragment osseux,
— à la bascule d’un fragment derrière la partie restante du mur, s’intercalant entre lui
et l’enclume.
La curette a l’avantage de « fuir le danger », à l’inverse de la gouge.
La résection doit être suffisante pour permettre non seulement une très bonne vision sur
la région de l’étrier et la moitié inférieure de la longue apophyse de l’enclume mais aussi
le passage des instruments. En pratique, le champ est correct lorsqu’on a découvert toute
la pyramide et la partie inférieure du canal facial, au-dessus de l’étrier.
Cette résection n’expose pratiquement pas au danger de poche de rétraction car la
trompe, dans ce cas particulier de stapédectomie pour otospongiose, a une fonction nor-
male. Mais si la membrane tympanique est atrophique dans cette région postéro-supé-
rieure, on a intérêt à reconstruire le mur avec du cartilage et à renforcer la membrane avec
du périchondre ou de l’aponévrose pour éviter l’apparition d’une poche. Celle-ci, en effet,
ne serait peut-être pas sans conséquence sur la trophicité de l’enclume à laquelle elle
adhérerait.
La corde du tympan est respectée a priori, mais sa section ne constitue qu’un incident
regrettable.
Chirurgie de la platine de l’étrier 113

a b

FIG. 57. — a. l’hémostase, en avant de la fenêtre, peut se faire au bistouri électrique avec une
pointe protégée b. la section du mucopérioste sur toute la périphérie de la fosse ovale est une
excellente précaution pour prévenir un saignement parfois très gênant s’il survient lorsque la
labyrinthe est ouvert. Elle se fait à la pointe, en s’aidant parfois d’un crochet sous le canal
facial.

HÉMOSTASE DU CONDUIT ET EXPLORATION DE LA CAISSE


Avant de poursuivre, il faut s’assurer d’une parfaite hémostase du conduit et de
l’absence de copeaux osseux collant notamment au lambeau cutané. Les plus gros frag-
ments sont retirés à l’aide d’une micropince, et les débris restants avec un morceau de
Pangen trempé dans du sérum.
Le temps d’exploration se borne :
— à s’assurer que l’étrier est fixé (voir p. 35)
— à vérifier que le marteau n’est pas fixé, en soulevant légèrement son manche à
l’aide d’un crochet. En fait, l’ankylose platinaire rend parfois difficile l’étude de
la mobilité du marteau avant la désarticulation de l’enclume.
Une pyramide saillante, gênant la vue, peut être réséquée avec une fine curette maniée
tangentiellement au nerf facial par très petites touches.
En revanche, il n’y a guère d’espoir de gagner du champ de vision en cas de canal
facial procident.

FIG. 58. — L’évaluation aussi exacte


que possible de la bonne hauteur du
piston est indispensable pour préve-
nir les échecs liés à un piston trop
court et les vertiges importants liés à
un piston trop long. Quelle que soit
la méthode de mesure, rien ne vaut
l’essai sur place de la prothèse.
114 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 59. — Quel que soit le


mode de réalisation de l’ori-
fice platinaire, on ne doit pas
exercer de pression impor-
tante mais surtout « user »
l’os.

Une très mauvaise vision de la platine doit être analysée pour en rechercher la cause.
Elle peut être liée :
— à l’étroitesse de la fosse ovale ou à sa profondeur. La superstructure de l’étrier
masque la vision de la platine. Il faudra alors prendre le risque d’enlever la super-
structure avant de réaliser un trou de sécurité et de s’exposer ainsi à une éventuelle
platine flottante, ce qui nécessite une bonne expérience,
— à la saillie anormale du canal facial ou à la déhiscence du canal osseux qui laisse
le nerf facial faire hernie. Si lors de la mise en place d’un piston entre le VII et la
superstructure, on ne peut voir l’extrémité inférieure de ce piston, il faut alors
savoir ne pas poursuivre l’intervention,
— à une voie d’abord insuffisante. Il ne faut pas hésiter à s’agrandir et à transformer
une voie du conduit en voie endaurale.

HÉMOSTASE PRÉVENTIVE DU MUCOPÉRIOSTE


L’ouverture platinaire doit se réaliser dans un champ exsangue qui est indispensable
pour avoir une bonne visibilité. La meilleure solution pour prévenir le saignement est
d’interrompre tout flux sanguin à la périphérie de la fosse ovale en découpant le mucopé-
rioste tout autour de la fenêtre ovale (fig. 57).
L’électrocoagulation à la pointe de la région antérieure (fissula ante fenestram), à très

FIG. 60. — Abrasion à la


fraise diamantée d’une berge
inférieure saillante, masquant
la vue de la platine.
Chirurgie de la platine de l’étrier 115

FIG. 61. — Réalisation de la platinectomie à partir du trou de sécurité. Elle peut être totale ou
partielle ; dans ce cas, mieux vaut laisser la partie antérieure de la platine qui se trouve plus
près du labyrinthe membraneux. Lors de cette platinectomie, il faut éviter de fragmenter la
platine.

faible intensité (il faut toujours tester l’intensité avant sur une région moins vulnérable,
telle que le conduit osseux) suffit souvent, notamment en cas de mucopérioste atrophique.
Cette hémostase peut être laborieuse en arrière, entre l’étrier, le VII et le ponticulus.
En cas de périoste congestif, on peut électrocoaguler les berges inférieure et posté-
rieure. Au niveau du canal facial, la muqueuse est incisée avec un crochet.
Si le saignement persiste après cette incision, l’hémostase est facilitée par la mise en
place d’un fragment d’éponge résorbable imbibée d’adrénaline au 1/1000ème.
Avec une pointe courbe ou un crochet, on s’assure que le mucopérioste est incisé sur
tout le pourtour de la fosse ovale.
A partir de ce temps, l’aspiration ne doit être utilisée que très parcimonieusement, seu-
lement à l’aide d’une microaiguille et toujours à distance de l’orifice de platinotomie.

MESURE DU PISTON
On peut utiliser un mesureur, mais d’emploi pas toujours aisé. Plus simplement, on
peut recourir à une pointe courbe qu’on a marqué initialement d’une rayure à l’aide d’un
bistouri de telle sorte que le trait se projette à mi-hauteur de la longue apophyse dans un
cas correspondant à une longueur de 4,5mm. Il devient alors facile d’évaluer la longueur
116 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

nécessaire pour le piston tout en sachant qu’il faut confirmer cette hauteur en plaçant le
piston en position d’utilisation sur la platine, contre la longue apophyse (fig. 58). La par-
tie inférieure de l’anneau doit se situer à mi-hauteur de la longue apophyse de l’enclume.
Cependant, si la platine est très épaisse, il faudra en tenir compte et ajouter 0,5 mm.

TROU DE SÉCURITÉ
Le temps platinaire ne doit être entrepris que sur un patient parfaitement calme et avec
une excellente hémostase.
On peut effectuer ce trou platinaire avec un trépan, un crochet pointu « anglé » à 45°,
ou une fraise tournant à très faible vitesse. Dans tous les cas, la pression exercée sur la
platine doit être faible et le trou créé par usure (fig. 59).
La réalisation de ce trou a plusieurs intérêts :
— vérifier qu’il n’y a pas de communication anormale du labyrinthe avec les espaces
sous-arachnoïdiens qui provoquerait un geyser de LCR,
— permettre d’éviter, après l’ablation de la superstructure, la création d’une platine
flottante en cas de platine peu fixée et épaisse,
— éviter des modifications pressionnelles intralabyrinthiques en cas de mobilisation
de l’ensemble de l’étrier.
Parfois, la superstructure masque la platine, interdisant alors la réalisation de ce trou de
sécurité (fig. 60). Dans ce cas, après la section des branches, on peut :
— soit créer le trou à la fraise, en minimisant la pression verticale,
— soit créer le trou à la pointe ou avec une microfraise sur la berge inférieure de
l’articulation stapédo-vestibulaire.si celle-ci est d’accès facile
La situation de ce trou dépend des conditions anatomiques qui rendent plus ou moins
accessible la platine, du projet de platinectomie totale ou partielle, ou de trou calibré, tout
en sachant que la platine se trouve le plus près de l’utricule en haut, et du saccule en
avant. Mieux vaut donc réaliser la platinotomie en arrière qu’en avant.
Dans la technique dite du trou calibré, l’orifice peut être fait d’emblée à la taille sou-
haitée.

ABLATION DE LA SUPERSTRUCTURE.
Elle s’effectue après la désarticulation de l’enclume avec un bistouri coudé, et la sec-
tion du muscle de l’étrier aux micro-ciseaux. Les branches sont sectionnées soit aux

FIG. 62. — L’aponévrose doit


en fait être préparée avant
l’ouverture de la platine, pour
pouvoir être placée rapidement
en cas d’incident type geyser de
LCR.
Chirurgie de la platine de l’étrier 117

micro-ciseaux, soit à la fraise, soit en faisant basculer la branche avec un crochet vers le
promontoire.

PLATINECTOMIE
Elle peut être partielle ou totale (fig. 61).
La platinectomie partielle s’effectue habituellement aux dépens du 1/3 postérieure de
la platine Dans tous les cas, il faut tenter de séparer la platine en deux fragments antérieur
et postérieur à partir du trou de sécurité, à l’aide d’un crochet à 45°. Pour enlever les frag-
ments, on a intérêt à utiliser les plus gros crochets possibles pour éviter de fragmenter la
platine.

PLATINECTOMIE TOTALE OU PARTIELLE ?


La platinectomie partielle parfaitement calibrée avec interposition représente probable-
ment la solution intellectuellement la plus satisfaisante.
La platinectomie partielle n’est pas toutefois sans inconvénient. Il est en effet très
important qu’aucun fragment de platine ne bascule vers le labyrinthe, ce qui pourrait

b c

FIG. 63. — a. l’anneau du piston est agrandi à l’aide d’une pointe, sans forcer, juste assez
pour pouvoir être accroché sur la longue apophyse b. l’anneau est saisi avec la pince alors
qu’il est encore sur la pointe, permettant de le prendre avec une trés légère angulation ce qui
donne les meilleures conditions pour le mettre en place. c. la greffe est alors appliquée sur le
promontoire.
118 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 64 —- Cup-piston préféré ici en


cas de VII saillant.

engendrer notamment des vertiges. La platinectomie partielle expose à ce risque si la par-


tie restante de platine est très fragile, mal fixée, ou si l’opérateur ne maîtrise pas parfaite-
ment la technique. Elle exige plus de rigueur dans l’évaluation de la longueur du piston.
Le mucopérioste qui recouvre la platine doit être laissé en place. Il ne saigne pas
lorsque la vascularisation a été interrompue sur tout le pourtour de la fosse ovale. Ce
mucopérioste permet de retenir les éventuels morceaux de platine si celle-ci s’est frag-
mentée.

RECOUVREMENT DE LA FENETRE
Les initiateurs de la technique d’interposition préconisaient l’utilisation de veine préle-
vée sur le dos de la main ou le dessus du pied. Le manchon conjonctif qui entoure la veine
est enlevé à l’aide d’un bistouri puis la veine est alors écrasée.
Mais on peut recourir à l’aponévrose temporale qu’il est facile de prélever dans la par-
tie postérieure de la région temporale, là où elle est très mince. Après l’avoir débarrassée
de toute fibre musculaire sur son versant profond et du facia celluleux sur sa face super-
ficielle, le fragment d’aponévrose est écrasé avec un écrase-greffe.
Sa dessiccation naturelle facilite la taille qui peut être parfaitement définie à l’aide
d’une pince à mors aplanie (fig. 62), dont l’extrémité arrondie des branches a la taille
d’une platine. La partie d’aponévrose laissée autour doit être suffisante pour tapisser la
fosse ovale, mais pas trop importante pour ne pas dépasser cette fosse.
L’aponévrose est placée sur la fenêtre ovale en prenant soin de ne pas introduire avec
elle un fragment de textile provenant du champ opératoire, source de granulome, ou de
débris d’os.
A l’aide d’une pointe, la greffe est façonnée pour bien mouler harmonieusement la
fosse ovale, en l’enfonçant légèrement dans la fenêtre. Toute asymétrie risque d’être
accentuée lors de la mise en place du piston, exposant au risque de fistule périlympha-
tique par défaut de recouvrement d’une partie de la fenêtre.

CHOIX ET MISE EN PLACE DU PISTON


Le piston classique s’adapte parfaitement à la longue apophyse de l’enclume dans la
plupart des cas. On peut aussi utiliser un piston avec fil métallique ou un « cup piston ».
Chirurgie de la platine de l’étrier 119

Le diamètre du piston, de 0,4mm à 0,8mm, ne semble pas avoir de répercussions sur


l’audition.
La mise en place d’un piston à anneau de téflon est facilitée par l’utilisation de pinces
à ouverture latérale et par une préhension de l’anneau légèrement incliné par rapport au
piston (fig. 63). Pour ce faire, il suffit d’enfiler l’anneau sur une pointe, de le dilater pru-
demment pendant quelques instants, et de prendre l’anneau ainsi dilaté autour de la pointe
avec les pinces.Si l’anneau entre légèrement en force autour de la longue apophyse, il
n’est guère besoin de le serrer. Sinon, il faut s’assurer de l’absence de jeu entre l’anneau
et l’enclume, ou refermer l’anneau à l’aide d’une pince.
Le façonnage de la greffe.doit s’attacher à appliquer parfaitement la greffe sur les
berges de la fosse ovale, évitant tout contact avec l’enclume. Toute la périphérie de la
greffe doit être identifiée pour s’assurer qu’elle recouvre parfaitement la fenêtre.Cette
excellente application de la greffe constitue le meilleur garant de prévention :
— de fistule périlymphatique,
— de fibrose secondaire.

Cas atypiques
• projection haute de l’apophyse lenticulaire de l’enclume, et non pas au niveau de la
berge inférieure de la fosse ovale. La mise en place du piston devient difficile,
voire impossible. On a alors intérêt à recourir à une prothèse type « cup-piston ».
Dans ce cas, l’apophyse lenticulaire s’adapte à la cupule située au sommet du pis-
ton.
• saillie importante du canal facial ou hernie du nerf. Elle peut rendre difficile la mise
en place d’un piston classique. On peut alors avoir utilement recours. au « cup pis-
ton » ou à un piston avec amarrage par fil métallique.
• longue apophyse atrophique. Là aussi un « cup piston » (fig. 64) peut constituer une
heureuse solution.

VÉRIFICATION DU MONTAGE ET DE LA MOBILITÉ DE L’ENSEMBLE DE LA


CHAINE

FIG. 65. — Recherche du signe du reflet


sur la fenêtre ronde. En fait, la membrane
de la fenêtre ronde est rarement visible
sans l’abrasion de l’auvent osseux. Aussi
doit-on mettre une ou deux gouttes de
sérum physiologique dans la fosse de la
fenêtre pour obtenir le même effet de
reflexion sur le liquide.
120 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

Avant de remettre la membrane tympanique en place, il faut s’assurer de la bonne


mobilité du montage marteau-piston. La vérification d’un signe du reflet de la fenêtre
ronde (fig. 65) n’est pas indispensable si l’opérateur est certain de la bonne qualité de son
montage. Sinon, cette recherche est intéressante car l’absence de signe de la fenêtre ronde
après interposition témoigne d’une mauvaise application de la greffe et impose de
reprendre le montage, sous peine de risquer une fistule périlymphatique.
Lors de la remise en place du lambeau tympanoméatal, on vérifie l’absence de perfo-
ration de la membrane, particulièrement s’il existe une zone atrophique ou si la désinser-
tion de l’anneau fibreux a été laborieuse. En cas de perforation ou même de simple doute,
mieux vaut mettre un fragment d’aponévrose sous la zone suspecte que d’escompter une
fermeture spontanée.

SOINS POST-OPÉRATOIRES
— Un pansement Merocel est placé dans le conduit, séparé de la zone d’incision par
un fragment écrasé de Pangen
— L’antibiothérapie est très discutable (voir p. 186).
— Il faut conseiller
. d’éviter toute hyperpression dans l’oreille (mouchage forcé, éternuement bouche
fermée, etc.)
. de ne pas se coucher sur l’oreille opérée les premiers jours ;
. de ne pas s’exposer à des bruits moyennement intenses pendant le premier mois et
d’éviter toujours par la suite les bruits intenses ;
. de reprendre contact immédiatement en cas de baisse brutale de l’audition, de surve-
nue de vertiges ou d’infection.

Technique du trou calibré ou platinotomie


Cette technique diffère peu de la précédente. Elle a ses chauds partisans car c’est cer-
tainement la technique la plus facile à réaliser. De plus, elle fait moins courir le risque de
lésions du labyrinthe membraneux par arrachage d’éventuelles adhérences avec la platine.
Les résultats sur l’audition sont très voisins de ceux de l’interposition, très légérement
meilleurs pour les fréquences aiguës, très légérement inférieurs pour les fréquences

FIG. 66. — Encoche sur la berge du promontoire pour soulever une platine flottante.
Chirurgie de la platine de l’étrier 121

graves. Mais la longueur du piston souffre moins d’approximation que pour la stapédec-
tomie totale.
Le trou peut être effectué comme pour la technique du trou de sécurité, avant l’ablation
des branches de l’étrier :
— soit au trépan,
— soit à la pointe, et poursuivi au petit crochet,
— soit à la fraise tournant très lentement.Il ne faut jamais fraiser une platine avec un
tour rapide sous peine de labyrinthisation.
Lorsque le trou n’est pas parfaitement calibré, il faut disposer autour du piston :
— soit une bandelette d’aponévrose,
— soit un fragment de caillot sanguin exprimé
Lors de la section des branches de l’étrier ou de la réalisation de l’orifice platinaire, une
fracture de la platine peut survenir. En l’absence de déplacement des fragments, on peut
se contenter de placer deux ou trois petits caillots sanguins sur la platine. Sinon, on doit
recourir à une platinectomie partielle ou totale qu’il faut donc savoir bien maîtriser avant
d’entreprendre une technique de trou calibré.
Enfin, il est possible de réaliser un trou calibré avec une interposition, par exemple
avec un mince fragment d’aponévrose temporale écrasé, après avoir fait un trou de 0,8mm
ou 0,9mm de diamètre.

Incidents per-opératoires
LUXATION MARTEAU-ENCLUME.
Si la continuité articulaire est conservée, il faut poursuivre l’intervention normalement.
Si la désarticulation est totale, il faut alors envisager la mise en place d’une prothèse
entre la greffe et le manche du marteau (voir p. 87)

FRAGMENT DE PLATINE BASCULÉ DANS LE LABYRINTHE


Si le fragment est resté attaché à la margelle de la fenêtre, il est possible de récupérer
ce fragment en glissant un petit crochet juste sous la charnière et de l’attirer progressive-
ment vers la surface.
Si le fragment est tombé dans le labyrinthe, il ne faut rien faire car de tels incidents ont
pu n’avoir aucune suite fâcheuse alors que des manœuvres intempestives de « repê-
chage » ont de grands risques d’être catastrophiques pour l’audition. Il en est de même si
un fragment de crochet se casse et tombe dans le labyrinthe.

PLATINE FLOTTANTE.
Lorsque la platine n’est fixée au pourtour de la fenêtre ovale que par des fragiles ponts
osseux, elle risque de se mobiliser en masse lors de la création du trou de sécurité. La pla-
tine devient littéralement flottante sur le liquide périlymphatique.
Pour maîtriser cet incident qui s’observe surtout avec des platines relativement
épaisses, il faut faire une encoche sur la berge inférieure de la fenêtre ovale, à l’aide d’un
crochet 45° ou d’une microfraise. Lorsque le trou est suffisamment large, il est alors pos-
sible de soulever la platine avec un petit crochet (fig. 66).
122 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 67. — Utilisation d’une prothèse en


Téflon avec boucle métallique. Elle peut
être utilisée à titre systématique. En
l’absence de longue apophyse de
l’enclume, il est parfois possible d’accro-
cher le fil métallique sur le manche du mar-
teau et de descendre, à l’aide d’une pointe,
le piston de Téflon vers un orifice de plati-
notomie, tout en retenant l’extrémité de la
boucle métallique avec un crochet.

PLATINE ÉPAISSE
La platine peut être très épaisse, ou même réaliser un comblement de la fosse ovale.
Ce n’est pas à proprement parler un incident mais un constat. Si l’opérateur maîtrise
très bien la chirurgie platinaire, il peut poursuivre l’intervention. L’utilisation de la fraise
est très intéressante, voire indispensable, ceci d’autant plus qu’une platine épaisse n’est
pas nécessairement attachée très solidement à la fenêtre ovale. Une importante pression
exercée par un forage manuel comporte plus de risque de mobiliser la platine qu’un frai-
sage. Mais l’opérateur ne doit pas hésiter à renoncer devant d’importantes difficultés.
En cas de fosse ovale comblée, il faut fraiser très largement avec une fraise de 0,8, en
usant l’os sur une large surface pour ne pas créer un puits.

FIG. 68. — Piston-malleus placé entre le


manche du marteau et une greffe d’interposi-
tion, en l’absence d’enclume.
Chirurgie de la platine de l’étrier 123

ABLATION EN MASSE DE L’ÉTRIER


Elle peut être tentée sans danger lorsque le trou de sécurité a été réalisé. Avec une
pointe ou un crochet, on exerce des mouvements de bascule sur l’étrier. Cette ablation en
masse rend très aisée la stapédectomie.
Mais cette ablation en masse risque d’avoir de graves conséquences :
— si l’hémostase préventive n’a pas été correctement effectuée car si un fragment de
platine restait en place, le saignement provenant du mucopérioste risquerait de gêner la
poursuite de l’intervention,
— si un important trou de sécurité n’a pas été réalisé car elle provoquerait une dépres-
sion dommageable pour l’oreille interne.

GEYSER DE LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN


C’est l’issue de LCR par l’orifice platinaire. Il est lié à une malformation de l’oreille
interne qui fait communiquer anormalement l’espace périlymphatique avec les espaces
sous-arachnoïdiens.
Cet accident redoutable expose au double risque de cophose et de méningite post-opé-
ratoire. Il faut le craindre particulièrement dans les surdités congénitales. Aussi doit-on
toujours demander un scanner devant une surdité de transmission ou une surdité mixte
chez un enfant ou un adolescent, ou chez un adulte dont on n’a pas la notion d’évolutivité
de la surdité.
Cette possibilité de geyser de LCR est une des justifications de la réalisation systéma-
tique d’un trou de sécurité lors d’une intervention sur la platine de l’étrier. Si un écoule-
ment abondant survient, le trou est alors provisoirement colmaté par une interposition de
tissu conjonctif maintenu par une éponge résorbable calée sous l’arche stapédienne. Dans
la mesure du possible, il est préférable de colmater secondairement cette brèche par la
mise en place d’un piston avec interposition. Ceci impose de diminuer le plus possible la
pression du LCR pour atténuer le flot. On dispose de plusieurs artifices pour atténuer
l’abondance du flot :
— mise en proclive,
— ponction lombaire pour soustraire du LCR,
— hyperventilation avec forte teneur en oxygène,
— perfusion de Soluté hypertonique.

PRÉSENCE D’UNE ARTERE STAPÉDIENNE


Il faut éviter de la traumatiser car elle risquerait de provoquer un saignement profus
rendant la poursuite de l’intervention impossible.

ABSENCE DE LONGUE APOPHYSE D’ENCLUME


Cette situation se présente parfois au cours de reprise de stapédectomie avec échec
secondaire lié à la lyse de la longue apophyse (voir p. 128). Plusieurs possibilités
s’offrent, notamment :
— amarrer un piston avec boucle métallique sur le manche du marteau en cas de
reprise de trou calibré, (fig. 67),
— interposer un piston sous le manche, (fig. 68)
124 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

Incidents post-opératoires
INFECTION
C’est une complication redoutable car, après une stapédectomie, elle expose à une
labyrinthisation et même à une cophose. Une antibiothérapie systématique n’est proba-
blement pas la meilleure prévention car elle risque de sélectionner certains germes en cas
de surinfection. Il faut surtout veiller à une grande rigueur dans l’aseptie opératoire.
Une des meilleures attitudes paraît être la précocité du pansement vers le 3ème ou
4ème jour pour dépister des signes locaux éventuels d’infection et faire prescrire alors une
antibiothérapie dont le large spectre comprend a priori le Pseudomonas aeruginosa et le
Staphylocoque doré, en attendant le résultat de l’antibiogramme.

PARALYSIE FACIALE
Cette complication a été signalée alors qu’aucune faute opératoire n’a été commise. Il
ne sert à rien de retourner pour « explorer » puisque les gestes vis-à-vis du VII ont été
contrôlés en permanence.
De même, il ne sert à rien d’explorer si on a pris délibérément des risques avec le VII,
notamment en tentant de refouler un nerf nu et procident,ou en réséquant un fragment de
canal facial. Il faut se contenter d’une corticothérapie sous couvert d’antibiothérapie.

VERTIGES
Des vertiges modérés ne sont pas rares les premiers jours, surtout lors des changements
de position.
En revanche, des vertiges importants survenant dés les premiers jours doivent soulever
l’hypothèse d’une fistule périlymphatique.
Schématiquement :
— ou l’opérateur est sûr de l’application de la greffe ; il ne faut pas réintervenir,
— ou l’opérateur n’est pas sûr de son montage et il importe alors d’intervenir très tôt,
surtout si la conduction osseuse a baissé.
Dans tous les cas, l’existence de vertiges importants au-delà de la deuxième semaine,
ou apparaissant dans les semaines suivantes, constituent une complication et imposent
généralement une réintervention.

LABYRINTHISATION
Certaines labyrinthisations sont inexplicables. Il n’est pas rare, au cours des premiers
jours après la stapédectomie, d’avoir une baisse de la conduction osseuse, ceci étant pro-
bablement lié à une minime fuite périlymphatique.
Une labyrinthisation importante, sans vertige, impose le repos. On y adjoint un traite-
ment de surdité brusque sans savoir s’il a d’ailleurs la moindre efficacité.
En cas de labyrinthisation importante, surtout si elle s’accompagne de vertiges, l’atti-
tude vis-à-vis d’une éventuelle réintervention dépend des conditions de réalisation de
l’opération initiale.

DYSGUEUSIE
La section ou même la simple traction de la corde peut provoquer une altération du,
goût. Elle disparaît habituellement en quelques semaines ou mois.
Chirurgie de la platine de l’étrier 125

Indications opératoires
La chirurgie de l’otospongiose est certainement celle qui donne en otologie le plus fort
pourcentage de satisfactions fonctionnelles mais elle n’est pas indemne de risques qu’il
faut toujours clairement exposer au patient.
L’indication de l’intervention s’adresse essentiellement aux sujets atteints d’otospon-
giose qui ont :
• une surdité mal tolérée, c’est-à-dire avec au moins 30 db de perte sur les fréquences
conversationnelles en conduction aérienne,
• une atteinte transmissionnelle indiscutable avec un Rinne d’au moins 20 db sur le
500 et le 1000 et une disparition du réflexe stapédien,
• et une bonne intelligibilité.
Les difficultés rencontrées pour poser l’indication viennent notamment :
— d’une part, de l’incertitude du résultat de l’intervention à très long terme,
— et d’autre part, de la survenue toujours possible de mauvais résultats immédiats,
secondaires ou tardifs atteignant environ 5 % des cas et même d’atteinte neuro-
sensorielle pouvant aller jusqu’à la cophose dans près de 1 % des cas. Ces mau-
vais résultats sont parfois favorisés par des conditions particulières qu’il faut
toujours rechercher.
Lors de la discussion avec le patient concernant l’éventuelle indication opératoire, il ne
faut jamais oublier que les surdités par otospongiose donnant les meilleurs résultats opé-
ratoires sont celles qui donnent les meilleurs résultats prothétiques. Aussi, ne doit-on
jamais exercer la moindre pression psychologique pour faire décider le patient à se faire
opérer.
Un certain nombre de questions se trouvent donc posées lors de la discussion d’une
indication opératoire concernant :
— le contexte pathologique,
— les caractères de la surdité,
— le contexte otologique,
— l’âge,
— le contexte socio-professionnelle,

Contexte pathologique
L’ankylose stapédo-vestibulaire par otospongiose représente l’immense majorité des
indications de cette chirurgie.
Les ankyloses stapédo-vestibulaires entrant dans le cadre d’une malformation expose
au risque de geyser de LCR. A la moindre suspicion de surdité congénitale, il importe de
demander un scanner très précis pour explorer le labyrinthe. Une malformation type
Mondini, même mineure, constitue une contre-indication.
L’ostéogénèse imparfaite (maladie de Lobstein) s’accompagne parfois d’ankylose sta-
pédo-vestibulaire (dans approximativement un 1/3 des cas). Elle peut bénéficier aussi de
cette chirurgie, mais avec un moins bon pronostic que pour l’otospongiose semble-t-il.
La maladie de Paget peut s’accompagner de surdité relevant de différents mécanismes,
dont classiquement l’ankylose stapédo-vestibulaire. Pour Schuknecht, les études ana-
tomo-pathologiques ne montrent pas de zones d’ankylose. Etant donné l’importance des
lésions osseuses et la mauvaise connaissance de l’origine de l’atteinte transmissionnelle,
toute intervention est déconseillée sur l’oreille dans cette maladie.
126 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

Caractères de la surdité

ANKYLOSE STAPÉDO-VESTIBULAIRE UNILATÉRALE


Elle est tout à fait compatible avec une vie sociale normale mais elle peut être gênante
et mal tolérée. L’indication mérite d’être discutée, et ceci d’autant plus que l’autre oreille
est saine. Néanmoins, cette intervention ne peut se concevoir que si l’atteinte de la
conduction osseuse laisse présager un résultat tel qu’il n’y aura pas de différence de plus
de 15 db entre les deux oreilles. Sinon, le résultat fonctionnel serait pratiquement nul.
Cette contre-indication est nuancée cependant par l’existence d’acouphènes mal tolérés
qui peuvent, à eux seuls, justifier une intervention.

ANKYLOSE STAPÉDO-VESTIBULAIRE BILATÉRALE


Par quelle oreille commencer ? Habituellement, par l’oreille dont la conduction
aérienne est la plus basse ou subjectivement la plus mauvaise. Néanmoins, en cas d’acou-
phènes mal tolérés dans l’autre oreille, on peut être amené à discuter de commencer par
celle-ci.
Faut-il opérer la deuxième oreille ? La réponse est du même type que pour la question
concernant l’atteinte unilatérale avec toutefois l’incertitude concernant le résultat à très
long terme de la première intervention. Le résultat est habituellement moins spectaculaire
que pour la première oreille.
Si des difficultés anatomiques importantes ont été rencontrées lors de la première inter-
vention provoquant un médiocre résultat, mieux vaut s’abstenir.

IMPORTANCE DE L’ATTEINTE COCHLÉAIRE


La valeur de la conduction osseuse des surdités mixtes est difficile à apprécier.Il faut
bien sûr avoir recours au test de Rainville. Néanmoins, on risque souvent d’abaisser
artificiellement la conduction osseuse.
Le recours au diapason est indispensable, notamment pour l’étude de la comparaison
conduction cartilagineuse et conduction osseuse(Lewis). Il faut renoncer à une interven-
tion lorsque la conduction cartilagineuse est meilleure que la conduction osseuse. En
revanche, une conduction cartilagineuse franchement plus mauvaise que la conduction
osseuse est un bon élément pour poser l’indication opératoire malgré un Rinne apparem-
ment peu important.

OREILLE UNIQUE
C’est une contre-indication opératoire formelle

Contexte otologique

ACOUPHENES
Ils peuvent être améliorés par la stapédectomie et même disparaître, surtout lorsqu’ils
sont à type de chuintement ou d’acouphènes pulsatiles. A l’inverse, l’intervention peut
parfois déclencher des acouphènes alors que le sujet ne s’en plaignait pas avant l’inter-
vention.
Chirurgie de la platine de l’étrier 127

VERTIGES
Leur existence est une contre-indication à l’intervention, du moins pendant la période
vertigineuse. En effet, il peut s’agir d’un hydrops labyrinthique qui exposerait le laby-
rinthe membraneux lors de l’intervention. Il faut donc attendre qu’il n’y ait pas de ver-
tiges depuis au moins six mois, et encadrer l’intervention par un traitement de sulfate de
magnésie à 15 % — 10 ml intra-veineux par jour, 5 jours avant et 5 jours après l’inter-
vention.

DYSFONCTIONNEMENT TUBAIRE
C’est une contre-indication opératoire formelle. On doit le rechercher systématique-
ment, surtout chez l’enfant.

PERFORATION TYMPANIQUE
Ce n’est pas une contre-indication opératoire mais elle impose de faire dans un premier
temps opératoire la réparation de la membrane tympanique, et de réaliser la stapédecto-
mie que plusieurs mois après, avec une membrane d’excellente qualité.

EXISTENCE D’EXOSTOSES
Il est habituellement possible d’entreprendre la résection de ces exostoses dans le pre-
mier temps de l’intervention stapédienne. Toutefois, si un incident survenait au cours de
l’alésage du conduit, il serait préférable de différer la stapédectomie.

Contexte général
AGE
L’âge n’est pas habituellement une contre-indication opératoire.
Même chez un enfant, il faut savoir poser une indication opératoire si la surdité est très
mal tolérée et retentit sur le travail scolaire et la vie sociale. Il importe alors d’éliminer
une malformation congénitale en s’assurant que cette surdité transmissionnelle est bien
évolutive et d’autre part en faisant réaliser un scanner pour s’assurer de l’absence d’une
malformation évidente de la caisse et surtout du labyrinthe. Il ne faut alors intervenir que
sur une seule oreille. De plus, le scanner peut parfois mettre en évidence l’image en
double contour de la cochlée caractéristique de l’otospongiose.
Chez les personnes âgées l’âge n’est pas non plus une contre-indication si l’intelligibi-
lité est bonne. Dans ce cas, même si la conduction osseuse est basse, l’amélioration post-
opératoire facilitera l’appareillage.

EXERCICE PROFESSIONNEL EN MILIEU BRUYANT


Le bruit intense est mal toléré par une oreille opérée de stapédectomie, surtout pendant
les premiers mois, et risque d’autre part d’accélérer la dégradation cochléaire. Ce risque
doit être clairement exposé. Il est important d’envisager une stratégie socio-profession-
nelle permettant d’éviter les bruits intenses pendant les premières semaines, et une excel-
lente protection lors de l’éventuelle reprise du poste bruyant. Si l’intervention est décidée,
elle ne devra porter dans la majorité des cas que sur une seule oreille pendant la période
d’exposition.
128 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

GROSSESSE
La surdité et les bourdonnements d’otospongiose apparaissent ou s’aggravent classi-
quement lors des grossesses ou dans ses suites rapprochées. Mais l’évolution de cette
maladie se manifeste souvent dans la tranche de vie correspondant à la période des mater-
nités. Il est donc bien difficile de préciser la responsabilité réelle de la grossesse dans
l’évolution de la maladie et dans le résultat chirurgical. En pratique, la grossesse ne doit
pas intervenir plus dans l’indication opératoire d’une otospongiose que pour une autre
intervention programmable. De même, on ne voit guère actuellement d’arguments étayés
pour limiter le nombre des grossesses ou pour interdire la pilule contraceptive, excepté
dans les formes graves d’otospongiose avec très importante labyrinthisation, bourdonne-
ments intolérables ou vertiges associés. En pratique, il faut éviter d’opérer pendant la
grossesse et pendant l’année qui suit.

SPORTS
Ils ne sont pas contre-indiqués après une stapédectomie s’ils n’exposent pas à d’impor-
tantes et brutales modifications barométriques telles que la plongée. Toutefois, en cas de
sports brutaux, mieux vaut n’opérer qu’une oreille.
De même, l’intervention ne contre-indique pas les voyages en avion sauf pendant le
premier mois suivant l’intervention.

REPRISES DE STAPEDECTOMIE

Trois ordres d’indications justifient une reprise chirurgicale :


— une transmission d’au moins 20 db,
— des vertiges,
— une surdité fluctuante ou une labyrinthisation très rapide.

Anomalies à rechercher :
— En cas de surdité de transmission :
. une interruption de chaîne par lyse de la longue apophyse de l’enclume apparue
secondairement,
. une ankylose de la tête du marteau, soit méconnue initialement, soit apparue secon-
dairement,
. une prothèse trop courte ou déplacée, peut-être parce que trop longue ou mal fixée,
. une fermeture de la platine
D’autres causes sont possibles, souvent alors liées à une faute opératoire, notamment :
. copeau osseux bloquant la chaîne
. importante fibrose gênant le jeu de la chaîne
. luxation de l’articulation enclume-marteau.
— En cas de vertiges, rechercher particulièrement :
. une fistule périlymphatique avant tout
. un fragment de platine basculé dans le labyrinthe
. un piston trop long
— En cas de surdité fluctuante ou de labyrinthisation rapide, penser à une fistule péri-
lymphatique liée à un montage défectueux, essentiellement une greffe ne recouvrant pas
toute la fenêtre ovale ou un trou non calibré.

Traitement
La lyse de la longue apophyse de l’enclume. Elle peut souvent être rattrapée par la mise
en place d’un cup-piston.
Si l’enclume est inutilisable, on a recours :
. soit à un TORP directement sous la membrane tympanique après renforcement de la
néoplatine par fragment d’aponévrose, et de la membrane par du cartilage,
. soit à un piston avec fil métallique amarré au manche,
. soit « piston-malleus ». Mais pour être efficace, il doit généralement comporter
l’ablation de la néoplatine.
L’ankylose de la tête du marteau. Elle se traite très facilement par action directe sur la
zone ankylosée après antro-atticotomie trans-mastoïdienne. Il faut défaire au préalable le
montage sur l’enclume pour éviter le traumatisme sonore.

Peut-on reprendre la platinectomie ?


Cette intervention comporte un risque important et imprévisible d’aggravation de la
surdité ou même de cophose, mais c’est parfois la seule solution, notamment si l’échec
semble lié à la persistance d’un fragment de platine en mauvaise situation.

CHIRURGIE STAPEDIENNE ACCIDENTELLE

La chirurgie de l’oreille expose à des incidents opératoires parmi lequels le trauma-


tisme de l’étrier n’est pas des moindres. Il est très important de faire immédiatement le
bilan des dégâts, en protégeant la région de tout saignement pour éviter d’avoir à aspirer.
Si une fracture de la platine est mise en évidence, mieux vaut procéder à une platinec-
tomie totale, recouvrir la fenêtre par un très large fragment d’aponévrose temporale, et
réaliser un montage avec un « piston-malleus » placé sous le manche du marteau. En
l’absence de marteau, par exemple au cours d’un évidement, il peut être préférable de pla-
cer dans la fosse ovale un fragment de graisse et de recouvrir la région pour constituer une
petite caisse (voir p. 82), réalisant ainsi une tympanoplastie type V (petite caisse et fenes-
130 Réparation du système tympano-ossiculaire - Le temps fonctionnel

FIG. 69. — Ankylose du marteau a. vue latérale montrant une ankylose de la tête du marteau et
une ossification dans la région du ligament antérieur. b. vue de haut en bas montrant de plus
une ankylose de la paroi médiale du marteau.

tration). L’intérêt du tissu graisseux serait de ne pas se tranformer en bloc fibreux et de

conserver ses qualités premières.

Si l’intervention n’est pas terminée, on protège la région par des éponges résorbables.

CONCLUSION

Comme toute intervention d’oreille, la chirurgie de la platine de l’étrier comporte des

risques d’échec et de labyrinthisation, c’est-à-dire d’aggravation. Son apprentissage n’est

pas facile. Il impose un long entraînement au laboratoire. Il faut entreprendre les pre-

mières interventions sur la platine chez des patients qui ont une atteinte unilatérale ou qui

ont subi avec succés une intervention sur l’autre oreille ; un échec serait alors moins

catastrophique que pour une premiére oreille d’une atteinte bilatérale, tranformant la

situation en oreille unique.


Ankylose du marteau et de l’enclume 131

15. ANKYLOSE DU MARTEAU


ET DE L’ENCLUME

L’ankylose de la chaîne ossiculaire affecte le plus souvent l’articulation stapédo-vesti-


bulaire, généralement en rapport avec une otospongiose.
Mais la chaîne ossiculaire peut être fixée au niveau :
— soit du marteau,
— soit, plus rarement, de l’enclume.
En fait, il n’est pas exceptionnel d’observer une ankylose bi-focale (par exemple étrier
et marteau).
D’où la règle à ne jamais oublier :
La découverte d’un foyer d’ankylose ossiculaire ne doit jamais dispenser de vérifier
la mobilité du reste de la chaîne.

ANKYLOSE DU MARTEAU

Elle peut être provoquée, notamment :


— par un pont osseux entre la partie antérieure, supérieure ou médiale de la tête et la
paroi adjacente de l’attique,
— par un toit attical anormalement bas qui moule parfois la tête du marteau, (fig. 69)
— par un foyer de tympanosclérose,
— enfin, par l’ossification du ligament antérieur du marteau.

ANKYLOSE DE L’ENCLUME

Beaucoup plus rare, elle peut être liée notamment :


— à une otite ostéomateuse qui fusionne l’osselet à la paroi,
— à un foyer de tympanosclérose,
— à une logette des osselets trop étroite au niveau de la courte apophyse.

Recherche clinique d’une ankylose ossiculaire


Elle doit être systématique devant toute surdité de transmission à tympan fermé voir
p. 35). L’ankylose isolée de la tête du marteau ne semble donner qu’une atteinte trans-
missionnelle modérée, de l’ordre de 20 à 30db.
Elle s’effectue avec un spéculum de Siegle en sachant :
— la difficulté d’apprécier la mobilité de la chaîne. Il faut notamment bien repérer la
mobilité de la courte apophyse et de la spatule, et ne pas se laisser abuser par une
mobilité de la membrane,
— la diminution de la mobilité du marteau en cas d’ankylose stapédo-vestibulaire.
Mais le marteau conserve cependant une légère mobilité qui suffit à éliminer
l’ankylose de cet osselet.

Recherche par le scanner d’une ankylose de la tête du marteau


Elle peut parfois être intéressante à demander.
En fait, sa mise en évidence est difficile. Elle nécessite des coupes millimétriques et
jointives dans les plans coronal et horizontal.
Mais l’absence d’image radiologique d’ankylose ne permet pas d’éliminer formelle-
ment ce diagnostic.

Recherche per-opératoire de l’ankylose ossiculaire


Elle représente le moyen le plus fiable de diagnostic. Elle doit toujours être effectuée
pour toute intervention otologique lorsqu’existe une surdité de transmission.

Recherche systématique au cours d’une stapédectomie


• Le 1er temps de cette intervention, après décollement du lambeau tympano-méatal,
consiste à s’assurer avec une pointe :
. de la fixité de l’étrier
. et de la mobilité de l’enclume
lors des mouvements du marteau (voir p. 35)
• Le dernier temps de l’intervention, avant la repose du lambeau, a pour but de s’assu-
rer d’une bonne transmission au montage des mouvements imprimés au marteau.

Conduite à tenir devant une ankylose bifocale étrier et marteau


On peut conseiller la stratégie suivante :
. désarticuler l’enclume et l’étrier, ce qui donne les meilleures conditions pour vérifier
cette double ankylose ;
. rechercher d’abord une ankylose du ligament antérieur du marteau après avoir réa-
lisé une encoche du bord inférieur du mur de la logette, devant la courte apophyse
voir fig. 21),
. puis, éventuellement, faire une antro-atticotomie pour découvrir la tête du marteau.
La cause de l’ankylose atticale étant découverte, on doit la traiter en conservant la
continuité marteau-enclume par une très large résection de la zone symphysaire pour évi-
ter une récidive et mettre des fragments de Gelfilm dans cette zone.
La stapédectomie n’est effectuée qu’en dernier pour éviter le traumatisme sonore laby-
rinthique par le fraisage.

Ankylose atticale isolée


Tout d’abord, il faut bien s’assurer que l’ankylose atticale est isolée, sans association à
une ankylose stapédienne. Pour ce faire, on a intérêt à commencer par désarticuler
l’enclume et l’étrier, et à rechercher un signe du reflet sur la fenêtre ronde lors de la mobi-
lisation de l’étrier.
Puis on recherche une ankylose par ossification du ligament antérieur du marteau.
Cette exploration se réalise facilement par une atticotomie antérieure a minima. Une
résection du ligament antérieur calcifié permet parfois de recouvrer une bonne mobilité
Si l’ankylose paraît affecter l’enclume, on commence par une atticotomie postérieure a
minima pour dégager la courte apophyse.
Si l’ankylose affecte uniquement la tête du marteau, la technique la plus prudente
consiste :
— à procéder à l’ablation de l’enclume
— puis à réséquer la tête du marteau par atticotomie à minima ou par voie trans mas-
toïdienne,
— et à terminer par une transposition de l’enclume.

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