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I SLAMOLOGIE
BCAI 17 – 2001 73
BCAI 17 (2001) Ruspoli Stéphane : Le livre des théophanies d’Ibn ʿArabī. Introduction philosophique, commentaire et traduction annotée du Kitâb al-tajalliyât, recensé
par Denis Gril
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II. I SLAMOLOGIE
la perfection» n’est pas très heureuse. Pourquoi ne pas On n’en finirait pas, depuis le début de la traduction
traduire simplement irtaba†a par «Il serait lié». ÎallæÏ, jusqu’à la fin, de relever faux sens et contresens. On s’étonne
prenant acte d’une réponse d’Ibn ¢Arabî, confirme: «C’est qu’avec de telles carences dans la connaissance de l’arabe
ainsi qu’il faut le connaître» Il ajoute ce conseil: fa-Úbut on ose entreprendre la traduction d’un texte aussi difficile
«tiens-toi y fermement!», traduit par une simple informa- que les TaÏalliyæt. Les développements fort diserts de l’in-
tion: «Et il approuva». Non seulement, c’est une troduction, des notes de la traduction et les commentaires
inexactitude, mais de plus elle rompt l’enchaînement du qui la suivent dénotent pourtant une culture certaine dans
récit, puisque ce conseil provoque une réplique de la part le domaine de la spiritualité islamique et de ses relations
d’Ibn ¢Arabî. Dans la réponse de ÎallæÏ, l’expression avec la spiritualité universelle. Mais que peut apporter ce
fa’a≈laftu Hærºn, allusion à Coran 7: 142 est rendue ainsi: renfort de connaissances, voire parfois l’élégance de la
«et j’ai pris la relève d’Aaron dans ma communauté», ce plume, si le texte lui-même est mal compris, comme c’est
qui est un contresens évident. Il faut traduire: «et j’ai laissé souvent le cas? Cette œuvre occupe une place éminente
à ma place Aaron», car ÎallæÏ s’identifie ainsi, dans l’enseignement d’Ibn ¢Arabî, par sa profondeur méta-
analogiquement, à Moïse s’isolant de son peuple pour aller physique et par la doctrine de la sainteté qui la sous-tend.
à la rencontre de Dieu. Cette méprise inspire de plus à S.R. Les TaÏalliyæt sont en effet aux saints ce que les FuÒºÒ
une note totalement déplacée (note 3 p. 180) qui ne pourra sont aux prophètes. On ne peut certes exiger d’un traduc-
qu’égarer le lecteur. Curieusement, la réponse finale d’Ibn teur de se faire l’adepte de celui qu’il traduit. On est par
¢Arabî à ÎallæÏ est traduite correctement en note (Nº 3 contre en droit d’attendre de lui qu’il s’en fasse le modeste
p. 181), mais non dans le corps du texte, or le sens n’est interprète. Malheureusement, S.R. n’a été ni l’un ni l’autre.
pas équivoque, contrairement à ce qui est affirmé. Espérons que dorénavant les Éditions du Cerf se montreront
§ 114 p. 190 O.Y. § 356 p. 409. La traduction de ce plus circonspectes.
taÏallî où l’auteur confronte sa conception du tawÌîd avec Denis Gril
celle de •unayd, commence bien. Les choses se gâtent Université de Provence – IREMAM
avec cette phrase: «Le don obtenu est toujours la Divinité»
(ilÌa al-ulºhiyya min hunæka), ce qui signifie en réalité:
«cherche à percevoir la divinité de là» (c’est-à-dire de ce
lieu intermédiaire où le serviteur n’est ni distinct du Sei-
gneur ni identique à Lui). D’une part le traducteur a
confondu l’impératif ilÌa et al-ÌaÂÂ, terme qui ne signifie
pas «le don»; il a omis d’autre part de traduire min hunæka
qui n’avait plus de sens dans la phrase. Il n’a pas compris
non plus le conseil qu’Ibn ¢Arabî donne à •unayd: yæ Abæ
l-Qæsim qayyid tawÌîda-ka wa-læ tu†liq puisqu’il traduit:
«Ô Abû l-Qâsim, borne-toi à ton tawhîd, et ne t’affranchis
pas», alors qu’il faut comprendre: «… conditionne ton
affirmation de l’unité divine et ne l’affirme pas comme
absolue». •unayd prenant acte, demande: kayfa bi-l-talæfî
wa-qad ÌaraÏa ©an-næ mæ ≈araÏa wa-nuqila mæ nuqil, tra-
duit par «Comment s’en affranchir? Alors sortit de nous
ce qui devait sortir et fut transmis ce qui devait être trans-
mis». Or les deux phrases sont logiquement coordonnées:
«Comment rattraper cela, alors que nous avons émis une
telle parole et qu’elle a été transmise?». La suite n’a pas
été mieux comprise: Ibn ¢Arabî rassure ainsi son devan-
cier: læ ta≈af man taraka miÚlî ba©da-hu fa-mæ fuqida (ou:
faqada?) anæ l-næ’ib wa-anta a≈î: «N’aie pas peur! Celui
qui délaisse mes semblables après cela n’est pas perdu.
Je me porte garant et tu es mon frère». L’auteur en réa-
lité affirme ici avec force sa fonction de «substitut» du
Prophète dans l’héritage de la sainteté muhammadienne,
fonction qui fait de lui le frère de tous les saints à l’instar
de la relation du Prophète à tous les prophètes. «N’aie pas
peur, dit-il à son illustre prédécesseur, celui qui a laissé
après lui un homme tel que moi n’est pas perdu; je suis
le Substitut et tu es mon frère».
BCAI 17 – 2001 74
BCAI 17 (2001) Ruspoli Stéphane : Le livre des théophanies d’Ibn ʿArabī. Introduction philosophique, commentaire et traduction annotée du Kitâb al-tajalliyât, recensé
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