03 Manns
03 Manns
03 Manns
FRÉDÉRIC MANNS
STUDIUM BIBLICUM FRANCISCANUM
JÉRUSALEM
I. INTRODUCTION
1
M. AVI-YONAH, “The Caesarea Inscription of the Twenty-Four Priestly Courses”, in: H.
TRANTHAM-J. VARDAMAN -J. L. GARRETT-J. B. ADAIR, The Teacher's Yoke: Studies in Memory of
Henry Trantham (Waco TX 1964) 46-57.
2
“‘The House of David’ on an Ossuary”: Israel Museum Journal 5 (1986) 37-40.
3
J. SIEGEL-ITZKOVICH,”A series of unexpected find at Hippos-Sussita excavation. But solution
to sinagogue riddle still elues archeologists”: Jerusalem Post (Aug 16, 2005).
4
La terme ‘nazaréen’ vient du latin nazarenus, tandis que le terme ‘nazoréen’ vient du grec
nazoraios. La continuité des Nazoréens des Actes des Apôtres et de ceux d’Epiphane est établie
par la littérature rabbinique qui parle des notzrim et par les textes patristiques. Le terme ’chrétien’
n’a pas eu cours en Judée jusqu’à la guerre de 70.
5
C. P. THIEDE, “Greek Qumran Fragment 7Q5: Possibilities and Impossibilities”: Bib 75
(1994) 394-398. C. P. THIEDE, “Papyrologische Anfragen an 7Q5 im Umfeld antiker Handschrif-
ten”, in: B. MAYER, Christen und Christliches in Qumran? (Eichstätter Studien, Neue Folge 32;
Regensburg 1992) 57-72. C. P. THIEDE, The Dead Sea Scrolls and the Jewish origins of Christia-
nity (Oxford 2000). J. M. VERNET, “Si riafferma il papiro 7Q5 come Mc 6,52-53? ”: RivB 46 (1998)
43-60.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 483
deux spécialistes E. Puech et Munro sur ce texte est très réservé cependant6.
Par ailleurs, l’enracinement du christianisme dans le judaïsme, plus particuliè-
rement dans le monde des Esséniens, est défendue par plusieurs cher-
cheurs7. L’étude du nazoréisme et de ses sources pourrait confirmer partie-
llement ces conclusions8.
Qui connaît le judaïsme pluraliste du premier siècle n’est pas étonné outre
mesure de retrouver ce pluralisme dans les communautés chrétiennes des
origines. En fait ce pluralisme témoigne de l’enracinement du christianisme
dans le judaïsme.
1. Les sources
Les sources principales qui nous donnent accès à l’histoire et à la théolo-
gie des nazoréens sont:
Les premiers écrivains ecclésiastiques avec leurs informations indirectes
sur l'Eglise primitive9. Les écrits d'Eusèbe de Césarée et d'Epiphane, voire de
6
É. PUECH, “Les manuscrits de la Mer Morte et le Nouveau Testament”, in: E.-M. LAPERROU-
SAZ, Qoumrân et les Manuscrits de la mer Morte. Un cinquantentaire (Paris 1997) 253-313. E. A.
MURO, “The Greek Fragments of Enoch from Qumran Cave 7 (7Q4, 7Q8, & 7Q12 = 7QEn gr =
Enoch 103:3-4, 7-8)”: RevQ 18 (1998) 307-312.
7
F. GARCIA MARTINEZ, “Emerging Christianity and second Temple judaism: A ‘Qumaranic
Perpsective’”: RCatT 29 (2004) 266 est convaincu que la racine essénienne du christianisme doit
être approfondie: “But the two entities we have been examining - the Jewish group behind the
Qumran texts, and the Jewish groups behind emerging Christianity - were shaped by the same
heritage (the Hebrew Bible), developped similar startegies and used similar vocabulary in order
to transform this common heritage to express their respective identities”. Le christianisme comme
l’Essénisme se présente comme l’unique voie de salut, comme la révélation eschatologique. A
noter que le terme Nezer est présent dans les Hymnes de Qumran 6,15; 7,19; 8,6; 8,8; 8,10. Is
11,1-5 est commenté dans 4Qpesher Isaia (4Q161) fr 8)10, col III.
8
R. STEINER, According to Matthew (2003) 101 pense que les Esséniens ont conservé des
traditions nazaréennes anciennes.
9
Nous ne mentionnons qu’au passage les sources littéraires juives pour étudier ce problè-
me. L'existence des judéo-chrétiens est reconnue par un auteur juif, D. Jaffé dans ses deux
articles: “Les amei-ha ares durant le II et le III siècle. Etat des sources et des recherches”: REJ
161 (2002) 1-40. “Les synagogues des amei-ha-aretz. Hypothèses par l'histoire et l'archéologie”,
SR 32 (2003) 59-82. Dans ce dernier article l'auteur étudie le texte de Abot 3,10 et de ARN 21
qui évoquent le danger de fréquenter les synagogues des amei-ha-aretz. En Sab 32a R. Ismaël
ben Eleazar accuse les amei-ha-aretz d'appeler l'arche sainte arnah et la synagogue beth 'am.
Or dans la Synagogue de Naveh, en Basanitide, qui présente de nombreuses ressemblances
avec celle du Mont Sion à Jérusalem une inscription mentionne la beth aronah. Pour confirmer
l'hypothèse que les amei-ha-aretz peuvent dans certains cas désigner les judéo-chrétiens, on
484 F. MANNS
peut citer le texte de Jn 7,49 où ochlos traduit am-ha-aretz et 1 Co 1,26. Sur ce problème voir
aussi S. ZEITLIN, “The Am haarez. A Study ing the social and economic Life of the Jews before
and after the destruction of the second Temple”: JQR 23 (1932) 56-58.
10
L. DUCHESNE, Histoire ancienne de l’Eglise I (Paris 1906) VII: “Au temps de la persécution
de Dioclétien, alors que les Eglises étaient détruites, les livres saints brûlés, les chrétiens pros-
crits ou contraints d’apostasier, un d’entre eux travaillait tranquillement, en cachette, à compiler
la première histoire du christianisme… Depuis de longues années il rassemblait des matériaux
en vue du livre qu’il méditait. Il réussit à les sauver du naufrage et à les mettre en oeuvre”. C’est
ainsi qu’Eusèbe de Césarée devint le père de l’histoire ecclésiastique.
11
HE 4,22,8. Hégésippe connaît l’Evangile selon les Hébreux: HE 4,22,8 et les apocryphes:
HE 4,22,9. Une des sources principales d’Eusèbe de Césarée est Hégésippe. Eusèbe pense
(emphainei) qu’il était converti du judaïsme (HE 4,22,8). Hégésippe, qui connaît les Ecritures,
définit les Proverbes de Salomon une sagesse pleine de vertu (4,22,9). Il connaissait bien les
sectes qui ont existé chez les Juifs (4,22,7). Certains apocryphes ont été écrits par les hérétiques
(4,22,9). Hégésippe a vécu sous Hadrien (4,8,1.2) et sous Marc Aurèle (4,21). Il appartient à la
première succession des apôtres (2,23,3). Son témoignage sur l’évêque Narcisse est connu
(5,23). Curieusement l’Eglise de Aelia Capitolina était alors contrôlée par les convertis venus du
paganisme. Cependant les judéo-chrétiens exclus par Hadrien ont pu rentrer sous Antonin le
Pieux à Jérusalem. Etant l’auteur de Mémoires (4,8,1) Hégésippe a conservé les souvenirs de
l’Eglise de Jérusalem. Son témoignage sur les parents du Seigneur est connu (3,19-20,6). Il
confirme l’information selon laquelle Cléophas serait le frère de Joseph (3,11). Il raconte la mort
de Jacques le frère de Jésus (2,23,3-19) et le martyre de Siméon ainsi que le témoignage des
descendants de Jude (3,32,2-6). La succession de Syméon ne fut pas facile. Thébutis qui pen-
sait être élu et ne le fut pas commença à diffuser les hérésies des juifs dans la communauté
chrétienne (4,22). Justus prit la succession de Siméon. “Il y avait alors un très grand nombre de
circoncis qui croyaient au Christ” ajoute Eusèbe, en HE 3,25, citant probablement Hégésippe. Il
n’est pas invraisemblable que la notice indiquant le départ pour Pella à la suite d’une révélation
divine provienne de Hégésippe (3,5,3). Il parle “d’hommes saints” qui abandonnèrent la métropo-
le royale des Juifs et toute la terre de Judée. S’agit-il des hommes du parti de Jacques? Il est
difficile de le dire. Grand voyageur il a voulu visiter l’Eglise de Rome. En route il s’arrêta le long
de son chemin pour visiter les Eglises qu’il traversait. Partout il est attentif à la fidélité à la tradi-
tion. L’Eglise de Corinthe est restée dans la droite doctrine jusqu’à Primus (4,22,2). A Rome il fit
une succession jusqu’à Anicet. Il cite la lettre de Clément de Rome aux Corinthiens, un texte
judéo-chrétien. Partout où il a passé il a trouvé des évêques pour présider aux Eglises qui se
rattachaient aux apôtres par une succession apostolique. Deux idées principales se détachent du
témoignage d’Hégésippe: il est très attentif au groupe des frères de Jésus, et il insiste sur la
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 485
notion de tradition. Voir F. S. JONES, “Hegesippus as a source for the History of Jewish Christia-
nity”, in: Le judéo-christianisme dans tous ses états. Actes du colloque de Jérusalem. 6-10 juillet
1998 (Paris 2001) 201-212.
12
HE 4,22,1.
13
Des deux versions des Actes des Apôtres la version occidentale du codex Bezae est à
préférer. M.E. BOISMARD-A. LAMOUILLE, Le Texte occidental des Actes des Apôtres: Reconstitu-
tion et réhabilitation, 3 vol. (Paris 1984). D. MARGUERAT, “Juifs et chrétiens selon Luc-Actes: une
quête d'identité”: CaE 108 (1999) 24-36. M. BODINGER, “Les "Hébreux" et les "Hellénistes" dans
le livre des Actes des Apôtres”: Hen 19 (1997) 39-58. Les Actes des Apôtres développent une
tendance harmonisante entre les frères de Jésus et les apôtres présents au Cénacle, entre les
Chrétiens d’Antioche et les Nazaréens, entre Pierre et Paul.
14
L'étude des apocryphes a été récemment renouvelée. J.-D. KAESTLI-D. MARGUERAT, Le
mystère apocryphe. Introduction à une littérature méconnue (Essais bibliques 26; Genève 1995).
Dans notre étude sur l’apocryphe de la Dormition de Marie (Vatican grec 1982) nous avons
admis son caractère nazaréen, puisque les apôtres admettent Paul dans leurs rangs.
15
Ignorer la critique littéraire de ces textes pour passer directement à la critique historique
signifie opter pour une lecture fondamentaliste des Ecritures. C’est le cas de B. Pixner, qui parle
de Jésus, l’essénien et de la communauté chrétienne du Mont Sion qui dépendrait de Qumran,
sans jamais analyser un texte de l’Ecriture. B. PIXNER, “Jesus and His Community: Between
486 F. MANNS
2. Méthodologie
Le premier problème qui se pose est d’ordre méthodologique. Comment à
partir de sources d’origine et de dates différentes se faire une idée sur un
problème historique complexe? Faut-il maintenir la distinction entre les textes
canoniques et ceux qui ne furent pas intégrés dans le Canon? La position de
M. Pesce est de considérer indistinctement tous les textes comme documents
historiques. De plus, les catégories d’orthodoxie et d’hétérodoxie n’étaient
pas encore fixes aux premiers siècles de notre ère. Un second problème qui
se pose à propos de ces textes concerne l'herméneutique: Qu'est-ce que lire
et interpréter un texte? Pour chaque catégorie de textes mentionnés, il con-
vient d'appliquer une méthodologie particulière respectant son objet et son
genre littéraire et les mettant en relation avec un groupe humain qui les inspi-
re. Impossible d’oublier cependant que les textes religieux juifs et chrétiens
ont eu une longue période de tradition orale et que le passage de l’oral à
l’écrit ne s’est pas fait sans problèmes. La méthodologie à suivre dans l’étude
de ces textes consiste à renvoyer les textes patistiques aux textes rabbini-
ques et inversement.
3. Limites de la recherche
Nous nous limitons ici à l’étude du groupe des nazoréens qui insiste sur le
messianisme basé sur l’oracle d’Is 11 évoquant le nezer et sur la dynastie de
Essenes and Pharisees”, in: J. H. CHARLESWORTH-L. L.JOHNS, Hillel and Jesus. Comparative
Studies of Two Major Religious Leaders (Minneapolis 1997) 193-224.
16
A. F J. KLIJN-G. J. REININK, Patristic Evidence for Jewish-Christian Sects (NovTSup 36;
Leiden 1973).
17
R. A. PRITZ, Nazarene Jewish Christianity (Jerusalem 1988).
18
F. BLANCHETIÈRE, Enquête sur els racines juives du mouvement chrétien (30-135) (Paris
2001).
19
S. C. MIMOUNI, Le judéo-christianisme ancien. Essais historiques (Paris 1998).
20
E. NODET-J. TAYLOR, Essai sur le sorigines du christianisme, la secte éclatée (Paris 1998).
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 487
21
A. DUPONT-SOMMER, “Le Testament de Lévi (XVII-XVIII) et la secte juive de l’alliance”:
Semitica 4 (1952) 33-53. Sur la problématique complexe des Testaments des douze Patriarches,
voir H.W. HOLLANDER-M. DE JONGE, The Testaments of the Twelve Patriarchs. A Commentary
(Leiden 1985).
488 F. MANNS
22
PO 41,2, p. 239. La traduction est de M. van Esbroeck.
23
EPIPHANE, Haer. 29,1.
24
1 Apol. 32.
25
Dial. 87,2.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 489
Epiphane dans son Panarion 29,7,2 précise que les Nazoréens ne con-
naissaient qu’un évangile de Mt en hébreu27. L’affinité avec ce texte sémite
se renforçait encore du fait que cet évangile contient le logion: Il sera appelé
Nazaréen28. Les auteurs anciens admettaient que l’Evangile de Mt avait été
écrit en hébreu au sein d’une communauté judéo-chrétienne d’expression
sémitique29. En Pan. 29,7,7-8 Epiphane situe l’origine des Nazoréens en
Pérée parmi les chrétiens qui avaient quitté Jérusalem avant la destruction du
Temple. Ils vivaient en Bérée30, Pella et Kaukabe. En Pan. 30,2,8 il ajoute
que les Ebionites naquirent d’une scission entre les Nazoréens de Pella31.
Pan. 28,7,5 affirme que ces Juifs différaient de leurs concitoyens par leur
acceptation du Christ. Ils lisaient l’Ancien Testament et l’Evangile en hébreu
(Pan. 29,7,4) et professaient la résurrection des morts (Pan. 29,7,3). Cet
26
“Une source rabbinique sur le judéo-christianisme”, in: A. PITTA (a cura di), Il giudeo-
cristianesimo nel I e II sec.d.C (Bologna 2003) 123-169. “Rabbinic literature as a historical source
for the study of the Gospels’ background”: LA 52 (2002) 217-246.
27
Son information selon laquelle les Thérapeuthes décrits par Philon d’Alexandrie seraient
des Nazoréens est ouverte a`à la discussion (Pan 29, 5,1.3). Il est possible qu’il ait confondu les
Jessaioi d’Epiphane (nezer de la tige de Jessé) avec les Essaioi. Voir sa description des Ossaioi
en Pan. 19; 30,1.
28
Jérôme dans son commentaire d’Is 11 écrit: Ce que les commentateurs ecclésiastiques
recherchent en vain le “Il sera appelé nazaréen” de Mt 2,23 sans le trouver cela a été emprunté
au passage d’Is 11,1.
29
A. F. J. KLIJN, Jewish-Christian Gospel Tradition (Leiden 1992) 26.
30
Cf JÉRÔME, De viris Illust. 3,1.
31
Augustin dans sa lettre116,16,1 affirme que les Ebionites sont appelés communément
Nazoréens. Ils existaient de son temps (Contra Faust. 19,17). Ils vivaient selon la Loi, prati-
quaient la circoncision, observaient le sabbat et ne mangeaient pas de viande de porc (Contra
Faus.t 19,4).
490 F. MANNS
évangile n’est autre que celui de Mt en hébreu32. Les Juifs les maudissaient
trois fois par jour (Pan. 29,9,2). Leur foi en la virginité de Marie n’est pas clai-
re (Pan. 29,7,6) puisqu’Epiphane ne sait pas si leur évangile contenait une
généalogie (Pan. 19,9,4). La chronique samaritaine Sepher ha yamim étudiée
par McDonald fournit ces précisions: “Ce Matthieu qui était avec lui rédigea
un Evangile 41 ans après l’exécution de Yeshu ha Notzri. Il l’a composé dans
le village de Yehudit”.
Eusèbe de Césarée dans son Onomasticon 138 explique ainsi le nom de
Nazareth: “Sur la base de ce nom le Christ fut appelé Nazaréen et nous qui
sommes appelés maintenant chrétiens avons reçu dans le passé le nom de
Nazoréens”. Epiphane, dans son Panarion 29,1,3 réaffirme que les chrétiens
furent appelés Nazoréens33 en référence à la ville de Nazareth. Le nom de
Nazoréens qui fut appliqué aux chrétiens provient également de l'oracle mes-
sianique d'Is 11,1 qui annonçait la venue d'un rejeton (nezer) de la souche de
Jessé.
2. Jérôme
Jérôme dans ses Onomasticon (CSEL 72, 137,24-26) rappelle que Naza-
reth s’écrit avec la lettre tsade comme la parole nezer d’Is 11. Is 11 fut rap-
proché rapidement de Jr 23,5; 33,15 et Za 3,8; 6,12 textes annonçant la ve-
nue d'un germe de David (tsemah) qui devait reconstruire le Temple34. Dans
sa lettre 112,13 il écrit à Augustin35: “Jusqu’à ce jour une hérésie s’est répan-
32
EUSÈBE, HE 3,24,6; 5,8,2; IRÉNÉE, adv. Haer. 3,1,1; 5,10,3; 5,30,1; 6,24,4. En HE 4,22,8
Hégésippe parle d’un évangile en syriaque et d’un évangile en hébreu.
33
Il distingue les Nazoréens des Nasaraioi, une secte juive pré-chrétienne qui vivait en Ga-
laatide et en Basanitide qui n’acceptaient pas la Torah comme un don de Dieu. Ils pratiquaient la
circoncision et observaient le sabbat, mais rejetaient les sacrifices et ne mangeaient pas de
viande (Pan 18 ; 20,3 ; 29,6,1 ; 19,5). Ces Nazaraioi seraient des “déchus” du verbe nshr qui se
sont retirés de l’autre côté du Jourdain.
34
Le Florilège provenant des manuscrits de la Mer Morte 1,5-10 rapproche le texte de Za
6,12 de 2 Sam 6,11-14 et de Amos 9. Deux autres textes 4Q 161,8-10 et 4QPBlessings repren-
nent le titre de Germe de David. O. BETZ, “‘Kann denn aus Nazareth etwas Gutes Kommen?’:
Zur Verwendung von Jesaja Kap. 11 in Johannes Kap. 1”, in: O. BETZ, Jesus, der Messias Is-
raels. Aufsätze zur biblischen Theologie (WUNT 42; Tübingen 1987) 387-397.
35
Augustin dans son traité de Baptismo contra Donatistas 7,1,1 mentionne les Nazoréens
qui continue à pratiquer la circoncision comme hérétiques. Dans son Contra Faustum 19,17 il les
appelle les Symmachiens. Epiphane et Augustin considèrent les Nazoréens comme des héréti-
ques. Theodoret de Cyr dans son Haereticorum fabularum compendium 2,2 affirme que les
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 491
due parmi les Juifs dans les synagogues de l’Est ; elle est appelée celle des
minéens et les Pharisiens la maudissent jusqu’aujourd’hui. Généralement on
les appelle les Nazoréens36”. Dans son commentaire d’Amos 1,11-12 il écrit:
“Jusqu’aujourd’hui ils blasphèment le peuple chrétien dans leurs synagogues
en l’appelant Nazaréen”. Dans son commentaire d’Isaïe 5,18-19 il répète:
“Trois fois par jour ils jettent l’anathème sur les chrétiens sous le nom de
Nazoréens” et en Is 49,7 il ajoute: “Ils maudissent le Christ trois fois par jour
dans leurs synagogues sous le nom de nazaréen”. Jérôme sait que les Nazo-
réens acceptaient dans le canon les écrits de Paul37, tandis que les écrits
pseudo-clémentins les rejetaient. Malgré leur insistance sur la Loi pour les
Juifs messianiques, ils acceptaient que des païens se joignent à leur groupe.
... Comme nous avons lu dans l’évangile hébreu, Jésus dit à ses disci-
ples: Ne vous réjouissez jamais, dit-il, excepté quand vous regardez
votre frère avec amour.
Nazoréens sont des Juifs qui honorent le Christ comme un homme juste et se servent de
l’Evangile de Pierre. Il confond en fait les Nazoréens avec les Ebionites (cf. EUSÈBE, HE 3,27,2).
36
La même information est donnée par JUSTIN, Dialogue 137 et par ORIGÈNE, Hom in Jer
18,12.
37
A. F. J. KLIJN, “Jerome’s Quaotations from a Nazoraean Interpretation of Isaiah”: RSR 60
(1972) 241-255.
38
G. BARDY, “Saint Jérôme et l’évangile selon les Hébreux”: Mél SR 3 (1946) 5-36. A. F. J.
KLIJN, “Jerome’s Quotations from a Nazorean Interpretation of Isaiah”: RSR 60 (1972) 241-255.
S. KRAUSS, “The Jews in the Works of the Church Fathers: VI Jerome”: JQR 6 (1894) 251.
39
CSEL 54, 110: Denique Mattheus qui euangelium Hebraeo sermone conscripsit, ita posuit:
‘osianna barrama’, id est ‘osanna in excelsis’.
40
PL 26, 552C: ... ut in Hebraico quoque Evangelio legimus, Dominum ad discipulos loquen-
tem: ‘Et nunquam’, inquit, ‘laeti sitis, nisi cum fratrem vestrum videritis in charitate’.
492 F. MANNS
41
CCL 76, 513: ... credideritque euangelio, quod secundum Hebraeos editum nuper transtu-
limus...
42
... et apostolorum crebrius super hoc Acta testantur. Evangelium quoque quod appellatur
secundum Hebraeos, et a me nuper in graecum latinumque sermonem translatum est, quo et
Origenes saepe utitur... (PL 23, 642).
43
Mattheus... primus in Judaea propter eos qui ex circumcisione crediderant, Evangelium
Christi Hebraicis litteris verbisque conposuit: quod quis postea in Graecum transtulerit, non satis
certum est. Porro ipsum Hebraicum habetur usque hodie in Caesariensi bibliotheca, quam Pam-
philus martyr studiosissime confecit. Mihi quoque a Nazareis, qui in Beroea, urbe Syriae hoc
volumine utuntur, describendi facultas fuit. In quo animadvertendum quod ubicumque evangelis-
ta, sive ex persona sua, sive ex persona Domini Salvatoris, veteris Scripturae testimoniis abuti-
tur, non sequatur Septuaginta Translatorum auctoritatem, sed Hebraicam (PL 23, 643-6).
44
... in qua et de Evangelio, quod nuper a me translatum est, super persona Christi ponit
testimonium... (PL 23, 666).
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 493
45
(Anecdota Maredsolana 111, 2, p. 262): In Hebraico euangelio secundum Matthaeum ita
habet: Panem nostrum crastinum da nobis hodie, hoc est, panem quem daturus es nobis in
regno tuo, da nobis hodie.
46
CCL 77, 13: At illi dixerunt ei: in Bethleem ludeae. Librariorum error est; putamus enim ab
euangelista primum editum sicut in ipso Hebraico legimus: ‘ludae’, non ‘ludeae’.
47
CCL 77, 37: In euangelio quod appellatur secundum Hebraeos pro supersubstantiali pane
maar repperi, quod dicitur crastinum, ut sit sensus: ‘Panem nostrum crastinum’, id est futurum,
‘da nobis hodie’.
48
CCL 77, 90: In euangelio quo utuntur Nazareni et Hebionitae quod nuper in graecum de
hebraeo sermone transtulimus et quod uocatur a plerisque Mathei authenticum, homo iste qui
aridam habet manum caementarius scribitur, istiusmodi uocibus auxilium precans: ‘Caementarius
eram manibus uictum quaeritans, precor te lesu ut mihi restituas sanitatem ne turpiter mendicem
cibos’.
49
CCL 77, 220: In euangelio quo utuntur Nazareni pro filio Barachiae filium loiadae scriptum
reperimus.
494 F. MANNS
50
CCL 77, 265: Iste in euangelio quod scribitur iuxta Hebraeos filius magistri eorum interpre-
tatur qui propter seditionem et homicidium fuerat condemnatus.
51
CCL 77, 275: In euangelio cuius saepe facimus mentionem superliminare templi infinitae
magnitudinis fractum esse atque diuisum legimus.
52
CSEL 55, 490: In euangelio autem quod Hebraicis litteris scriptum est, legimus non uelum
templi scissum, sed superliminare templi mirae magnitudinis conruisse.
53
CCL 73, 459: Sed et in euangelio quod iuxta Hebraeos scriptum Nazaraei lectitant, Domi-
nus loquitur: ‘Modo me tulit mater mea, Spiritus Sanctus’. Nemo autem in hac parte scandalizari
debet, quod dicatur apud Hebraeos spiritus genere feminino, cum nostra lingua appelletur gene-
re masculino, et Graeco sermone neutro.
54
CCL 73A, 741: Cum enim apostoli eum putarent spiritum, uel iuxta euangelium, quod
Hebraeorum lectitant Nazaraei, incorporale daemonium, dixit eis...
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 495
Quelles étaient les sources de Jérôme qui lui permirent de connaître les
judéo-chrétiens? Les contradictions qu’on relève dans ses commentaires
amènent certains à se demander si les connaissances de Jérôme sont de
première ou de seconde main. Jérôme parle parfois de l’évangile selon les
Hébreux ou de l’évangile des Hébreux ou encore de l’évangile écrit en lettres
hébraïques. Il semble que toutes ces allusions visent l’Evangile selon les
Hébreux. Il fait une confusion entre l’Evangile des Hébreux et l’Evangile en
araméen de Mt58. Les textes qu’il cite de l’Evangile araméen de Mt provien-
nent d’Apolinaire de Laodicée. Comment se fait-il qu’il ne le cite aps dans son
commentaire de l’Evangile de Mt? L’Evangile des hébreux est cité par Clé-
ment d’Alexandrie (Stromates II,9,45,5) ; V,14,96,3), Origène (Com. sur Jean
II,12,87) et Didyme (Com. sur les Psaumes 33,1). Il est issu du judéo-
christianisme égyptien. Hégésippe le connaît (HE 4,22,8). La connaissance
55
CCL 75, 178: ... In euangelio quoque quod Hebraeorum lectitant Nazaraei, Saluator induci-
tur loquens: ‘Modo me arripuit mater mea, Spiritus Sanctus...’
56
CCL 75, 237: ... et in euangelio quod iuxta Hebraeos Nazaraei legere consuerunt, inter
maxima ponitur crimina: qui fratris sui spiritum contristauerit.
57
PL 23, 597: ‘Ex Evangelio juxta Hebraeos’. - In Evangelio ‘juxta Hebraeos’, quod Chaldaico
quidem Syroque sermone, sed Hebraicis litteris scriptum est, quo utuntur usque hodie Nazareni,
'secundum Apostolos', sive, ut plerique autumant juxta Matthaeum quod et in Caesariensi habe-
tur bibliotheca narrat historia.
58
A. SCHMIDTKE, Neue Fragmente und Untersuchungen zu den judenchristlichen Evangelien.
Ein Beitrag zur Literatur und Geschichte der Judenchristen (TUGAL 37; Leipzig 1911).
496 F. MANNS
naient donc le rapport avec la tradition orale juive, bien que l’ordre
des rabbins cités par Jérôme ne soit pas exact.
4. Dans son commentaire d’Is 8,20-21 Jérôme cite à nouveau les Nazo-
réens et leur explication du texte: “Lorsque les scribes et les Phari-
siens vous demandent de les écouter, gens qui font tout pour vous
tromper, vous devez leur répondre ainsi: Il n’est pas étrange que vous
suiviez vos traditions puisque chaque tribu consulte ses propres ido-
les. Nous ne devons pas consulter les morts à propos des choses vi-
vantes. Au contraire Dieu nous a donné la Loi et le témoignage des
Ecritures. Si vous ne les suivez pas vous n’aurez pas la lumière”.
5. Dans le commentaire d’Is 9,1-4 il donne l’explication des Nazoréens:
Lorsque vint le Christ et que sa prédication brilla le pays de Zabulon
et de Nephtali furent libérés des erreurs des scribes et des Pharisiens
et se libérèrent du joug pesant des traditions juives. Plus tard la prédi-
cation devint plus importante et fut multipliée par l’Evangile de l’apôtre
Paul qui fut le dernier des apôtres. L’Evangile du Christ brilla alors sur
les tribus les plus éloignées et sur le chemin de la mer. Finalement le
monde entier qui était assis dans les ténèbres et était emprisonné
dans les liens de l’idolâtrie et de la mort a vu la lumière de
l’Evangile64”. Ce texte contredit le commentaire d’Is 8,14.
6. Dans son commentaire d’Is 29,20-21 Jérôme écrit: “Ce que nous ap-
pliquons et au diable et à ses anges, les Nazoréens l’appliquent aux
scribes et aux Pharisiens, parce que les deuterotai sont morts et ont
trompé jadis le peuple avec des traditions vicieuses et regardaient
jour et nuit les simples et les firent pécher contre la parole de Dieu
pour qu’ils nient que Jésus fut le Fils de Dieu65”.
saei, quorum suscepit scholam Akibas, quem magistrum Aquilae proselyti autumat et post eum
Meir, cui successit Ioannan filius Zachai, et post eum Eliezer et per ordinem Telphon et rursus
Joseph Galilaeus et usque ad captivitatem Hierusalem Iosue.
64
CC 73, 123f: Nazaraei, quorum opinionem supra posui, hunc locum ita explanare conan-
tur : Adveniente Christo et praedicatione illius coruscante, prima terra Zabulon et Terra Nephatali
scribarum et Pharisaeorum est erroribus liberata et gravissimum traditionum iudaicarum iugum
excussit de cervicibus suis. Postea per evangelium apostoli Pauli qui novissimus apostolorum
omnium fuit, ingravata est id est multiplicata praedicatio et in terminos gentium et viam universi
maris Christi evangelium splenduit.
65
CC 73,379f: Quae nos super diabolo et angeli ejus intelleximus Nazaraei contra scribas et
phariseos dicta arbita-rantur, quod defecerint deuterotai, qui prius illudebant populuo traditionibus
pessimis et ad decipiendos simplices die noctuque vigilabant, qui peccare faciebant homines in
Verbo Dei ut Christum Dei Filium negarent.
498 F. MANNS
3. Conclusion
En se basant sur Epiphane et Jérôme on peut dire que les Nazoréens, qui
s’appelaient jadis les Jesséens, seraient venus de Jérusalem à Pella avant la
destruction du temple et seraient localisés en Transjordanie et à Kokabe. Ils
utilisaient un Evangile hébreu de Mt (Pan. 29,7,2), pratiquaient les comman-
dements de la Loi (Pan. 29,7,5), utilisent l’Ancien et le Nouveau Testament
(Pan. 29,7,2), croient en la résurrection, Dieu et en Jésus (Pan. 29,7,3) et
font l’objet de mesures de rétorsions de la part des Juifs qui les maudissent
trois fois par jour en disant: “Que Dieu maudisse les Nazoréens72” (Pan
29,9,2-3). Ils maîtrisent l’hébreu (Pan. 29,7,4). Quant à leurs lieux de réu-
nions ils les appellent Synagogues (Pan. 1,2), ce qui correspond à
l’information donnée par la lettre de Jacques 2 ,2. ils se sont répandus en
Bérée, dans la région de la Célo-Syrie, dans la décapole, la région de Pella73
et en Basanitis, dans un endroit appelé Kokabe (Pan. 29,7,7).
Le courant jacobite s’était imposé rapidement. Mais le souvenir de Pierre
ne fut pas effacé pour autant. L’Eglise d’Antioche revendiquera Pierre comme
fondateur. Le courant pétrinien se retrouve dans l’Evangile de Mt 16, dans les
Kerygmata Petrou, l’Apocalypse et l’Evangile de Pierre. Plutôt que de parler
du judéo-christianisme pétrinien, il faut parler d’une aire de mission dominée
par des traditions rattachées à Pierre.
Peut-on faire un pas de plus et remonter des textes patristiques aux textes
du Nouveau Testament? Plusieurs auteurs ont associé la figure de Jacques,
le frère du Seigneur, au mouvement des nazoréens. Cette conclusion est-elle
fondée? Pour répondre à cette question il faut examiner les différents textes
néotestamentaires qui parlent de Jacques.
72
Cette information rejoint celle qui nous est fournie par la version palestinienne de la Geniza
du Caire de la douzième bénédiction du Shemone Esre: “Que les Minim et les Notzrim disparais-
sent en un clin d’œil”. Jésus est appelé également ha notzri en AZ 16b-17a. Il est question des
notzrim en AZ 6a (Le jour des notzrim est interdit selon R. Ismaël) , en Ta‘anit 27b (Les anshey
ma‘amad ne jeûnaient pas le dimanche à cause des notzrim qui fréquentaient le Temple) et en
Gittin 57a (kephar Sechnayah des Nozrim d’où était originaire Jacob).
73
Ils furent rejoints plus tard par Elkasai et adoptèrent son livre (Pan 19,5,4) et Ebion sortit
de leurs rangs (Pan 30,2,1).
500 F. MANNS
74
Dans l’Evangile de Jean ce n’est pas Pierre qui est appelé le premier. C’est grâce à André
qu’il vient à connaître le Messie. Pierre s’oppose à ce que Jésus lui lave les pieds, opte pour la
violence lors de l’arrestation de Jésus et n’est réinstallé comme pasteur du troupeau du Christ
qu’après la triple demande de Jésus: “M’aimes-tu plus que ceux-ci?”.
75
Parmi les écrits pseudo-clémentins une lettre de Pierre à Jacques souligne la primauté de
ce dernier sur le premier. Dans l’ensemble de ces écrits, Pierre, considérant que Jésus est le
dernier prophète juif, est présenté comme celui qui s’oppose à Simon le mage- ce qui est une
manière de montrer son désaccord avec Paul, considéré comme le destructeur de la loi.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 501
76
T. Sab 15,17.
77
Targum Jer 30,9 et Is 42,1.
502 F. MANNS
78
L’auteur des Actes des Apôtres qui souligne le succès de la mission de Paul auprès de
Gentils, allait minimiser le rôle de Jacques et des judéo-chrétiens qui restaient attachés à la Loi.
L’apparition du Christ ressuscité à Pierre (1Co 15,5) n’est pas évoquée par Mt, Luc et Jean
comme la première apparition du ressuscité. L’Evangile des Hébreux fait part de la première
apparition du ressuscité à Jacques.
79
EUSÈBE, HE 3,20,6.
80
Sur Jacques, voir la monographie de P. A. BERNHEIM, James brother of Jesus (1997). Pour
E. Nodet, Jacques serait le maître de Justice. Il dépend en fait de la thèse de R. EISENMAN,
James the Brother of Jesus (London 1997) qui présente Jacques comme le Maître de justice,
thèse qui est loin d’être prouvée.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 503
La lettre de Jacques se caractérise par certains traits qui ont été notés
depuis longtemps84. Elle est souvent qualifiée d'écrit juif ou, pour être plus
précis, d’écrit sapiential du Nouveau Testament. Il est vrai que tous les textes
du Nouveau Testament appartiennent à la littérature juive ancienne. Cepen-
dant la lettre de Jacques s'inspire de la sagesse juive traditionnelle telle qu'e-
lle a trouvé son expression dans les Proverbes et chez Ben Sira. Par d'autres
aspects la lettre ressemble aux écrits piétistes tels que les Testaments des
douze patriarches. La pauvreté y est exaltée et la richesse critiquée. L'auteur
n'illustre pas son propos par des exemples tirés de la vie de Jésus, mais par
des modèles et des comparaisons tirés du premier Testament. Abraham,
Rahab, Job et Elie sont cités en exemple. La prière d'Elie pour la pluie est un
thème connu dans toute la tradition juive85. De plus la christologie est très
concise. On n'y trouve pas de développements théologiques sur la nature et
le rôle du Christ ou sur les effets de sa mort et résurrection. Si on éliminait les
quelques références à Jésus, on obtiendrait un texte qui s'insérerait sans
difficultés dans une collection d'écrits du premier Testament. Les Juifs con-
temporains n'auraient pas trouvé grand chose à redire au contenu de la lettre.
Faut-il en conclure que la lettre est un écrit provenant de milieux juifs non
chrétiens et qui aurait été christianisé dans la suite? Cette hypothèse ne
s'impose pas, car les ressemblances entre la lettre et le Sermon sur la Mon-
tagne de l'Évangile selon Matthieu sont nombreuses. Mais la lettre de Jac-
ques ne manifestant pas de dépendance littéraire vis-à-vis de Matthieu, cer-
tains exégètes estiment que l'auteur s'est surtout inspiré du document Q, une
source commune à Matthieu et Luc. Ils en concluent que la lettre pourrait être
plus ancienne que Matthieu. Toutes ces hypothèses attendent encore une
confirmation.
84
La lettre attribuée à Jacques a-t-elle été écrite par le frère de Jésus ou bien s'agit-il d'un
écrit pseudépigraphique comme le pensent certains exégètes? Pour le moment aucune preuve
décisive confirme ou infirme l'authenticité de la lettre. La qualité de son grec n'est pas un obsta-
cle à son authenticité, car la Galilée était largement hellénisée au premier siècle de notre ère. Et
même si Jacques n'avait pas reçu l'éducation classique nécessaire pour composer un texte
élégant, rien ne l'empêchait de faire réviser son texte par un scribe de métier. Il n'est pas exclu
que la lettre ait été écrite par un disciple de Jacques, peut-être à partir de lettres ou de sermons
de son maître. De toute façon, cet auteur anonyme, en plaçant son enseignement sous l'autorité
de Jacques, souhaitait sans doute s'inscrire dans la tradition judéo-chrétienne symbolisée par ce
dernier. Le judéo-christianisme jacobite représente en effet un courant important de l'Eglise de
Jérusalem.
85
Voir la version du targum de 1 R 18.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 505
86
Voir notre article: “Vivre l'Ecriture pour mieux la comprendre. Un aspect de l'herméneutique
juive et judéo-chrétienne”: LA 28 (1978) 45-59.
506 F. MANNS
tout qu'on devient justiciable. Car celui qui a dit: Tu ne commettras pas
d'adultère, a dit aussi: Tu ne commettras pas de meurtre. Si donc tu
évites l'adultère, mais que tu commettes un meurtre, te voilà devenu
transgresseur de la Torah (Jacques 2, 8-12).
87
Sab 31 a.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 507
b) Un manifeste polémique?
La lettre de Jacques est surtout célèbre pour sa défense d'une conception
de la justification par les oeuvres: “C'est par les oeuvres que l'homme est
justifié et non par la foi seule” (Jacques 2,24).
L’auteur précise indirectement la notion paulinienne de justification par la
foi seule: “Car nous estimons que l'homme est justifié par la foi sans la prati-
que de la Loi” (Rm 3,28).
“Sachant que l'homme n'est pas justifié par la pratique de la Loi mais seu-
lement par la foi en Jésus Christ” (Ga 2,16).
La lettre de Jacques a mauvaise presse chez beaucoup de théologiens
chrétiens depuis l'exégèse de Luther, pour qui la lettre, par son accent mis
sur les œuvres au détriment de la foi, serait représentative de la théologie du
judaïsme et de celle de l'Eglise catholique romaine. En effet, Luther assimile
les Juifs qui espèrent mériter leur salut en respectant la Torah aux catholi-
ques qui visent le même objectif en accumulant les œuvres de charité. Pour
Luther une telle conception constitue non seulement une erreur mais encore
une faute grave vis-à-vis de Dieu. En effet, ceux qui estiment pouvoir être
sauvés par leurs propres oeuvres méconnaissent la nature pécheresse de
l'homme et privent Dieu de sa prérogative souveraine en le transformant en
débiteur. Cette conception s'oppose à la vraie doctrine chrétienne de la justi-
fication par la foi seule selon laquelle l'homme s'en remet à la grâce de Dieu
pour obtenir son salut.
Certains exégètes tentent aujourd'hui de minimiser l'opposition entre les
conceptions de Paul et la lettre de Jacques. Ils font remarquer que Paul ne
s'oppose pas aux œuvres méritoires en elles-mêmes, mais au rôle de la To-
rah dans l'économie du salut. Paul souligne souvent l'importance des œuvres
sans lesquelles il n'y a pas de foi véritable. Selon lui, dans le Christ la foi opè-
re par la charité (Ga 5,6). Certains théologiens estiment d'ailleurs que Paul
prône une doctrine de la justification par la foi et du jugement par les œuvres,
la justification intervenant non pas au moment du Jugement mais lors de la
conversion. Paul, même s'il avait utilisé des concepts et un langage un peu
différents, n'aurait pas été en désaccord avec la lettre. Il est indispensable de
distinguer les oeuvres de la foi des oeuvres de la Loi. Paul ne rejette pas les
508 F. MANNS
oeuvres de la foi. Il s’en prend aux oeuvres inspirées par la Loi. Ainsi l'auteur
de la lettre n'aurait eu qu'une connaissance insuffisante de la pensée de Paul
ou il se serait attaqué à certaines déviations courantes dans les Eglises pau-
liniennes quelques décennies après la disparition de l'apôtre. Paul et l'auteur
de la lettre expriment sans doute des positions complémentaires.
Pour Paul, ceux qui croient que Jésus est Seigneur et que Dieu l'a res-
suscité, par le baptême dans le Christ Jésus meurent et ressuscitent dans
une existence nouvelle. Ils vivent unis “dans le Christ” sous l'influence de
l'Esprit. Ceux qui vivent dans le Christ sont déjà justifiés. La Loi de l'Esprit qui
donne la vie dans le Christ les affranchit de la loi du péché et de la mort.
Sous l'influence de l'Esprit ils accomplissent l'essence de la Torah. Dans la
pratique, Paul s'est rendu compte que la Torah ne produisait pas toujours
tous les résultats escomptés. Néanmoins les croyants un peu défaillants,
même s'ils recevront un châtiment lors du Jugement, ne perdront pour autant
pas leur salut.
L'auteur de la lettre de Jacques ne semble pas partager l'optimisme de
Paul sur les effets de la foi. Il ne croit probablement pas que “quiconque in-
voquera le nom du Seigneur sera sauvé” (Rm 10,13). La foi en Jésus Christ
n'est qu'une première étape. Mais il faut faire davantage. Le croyant est enco-
re sujet à l'influence des puissances du mal. Il ne doit pas se fier uniquement
à l'influence de l'Esprit. C'est en appliquant la parole de Dieu, c'est-à-dire la
Torah qu'il gagnera son salut lors du Jugement.
88
E. E. URBACH, The Sages (Jerusalem 1975) 472. J. HADOT, Penchant mauvais et volonté
libre dans la Sagesse de Ben Sira (Bruxelles 1970).
89
TjI Gen 1,16; TjI et TN Gen 49,23; TjI et TN Lev 19,16. Ar 15b; Sir 28,14. MOORE, Judaism,
II, 150.
510 F. MANNS
Dans le même esprit les pauvres sont valorisés, voire même exaltés:
Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme riches dans
la foi et héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment (Jac-
ques 2, 5).
90
F. MANNS, “‘Confessez vos péchés les uns aux autres’: essai d'interprétation de Jacques
5,16”: RSR 58 (1984) 233-241.
512 F. MANNS
h) Le service de la fraternité.
On peut se demander où se situe la halakah judéo-chrétienne de la lettre
par rapport à la morale juive et la halakah chrétienne des Béatitudes. Pour
l'apologétique chrétienne les Juifs bénéficiaires d'une révélation divine
avaient permis à l'humanité de s'ouvrir à la vérité. Cette révélation fut complé-
tée et rendue parfaite par Jésus. La lettre de Jacques hérite du courant juif
sapiential avec une eschatologie accentuée, le rejet des richesses, et une
éthique communautaire.
L’harmonie communautaire et la condamnation des richesses expliquent
la perspective égalitaire de la lettre. L'auteur de la lettre ne souffre d'aucun
complexe de supériorité vis-à-vis de ses frères. Il n'adopte pas l'attitude pa-
ternaliste que l'on retrouve dans beaucoup d'écrits de l'époque. Il s'agit d'une
communauté qui ne recherche pas la multiplication des chefs:
Ne soyez pas nombreux, mes frères, à devenir docteurs. Vous le sa-
vez, nous n'en recevrons qu'un jugement plus sévère, car à maintes
reprises nous commettons des écarts, tous sans exception (Jacques 3,
1-2).
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 513
94
P. J. HARTIN, James and the Q Sayings of Jesus (Sheffield 1991) 145.
95
S. VERHELST, “L’Histoire de la liturgie melkite de St Jacques. Interprétations anciennes et
nouvelles”: POC 43 (1993) 229-272. F. S. JONES, The martyrdom of James in Hegesippus, Cle-
ment of Alexandria and Christian Apocrypha including Nag Hamadi: A Study of the textual rela-
tion (Atlanta 1990) 322-335.
516 F. MANNS
96
Le terme ethnôn a probablement le sens de Juifs de la Diaspora.
97
HE 2,23,11. HE 4,8,1-2.
98
HE 2,23,12.
99
EPIPHANE, Panarion 78,14 et ANDRÉ DE CRÈTE, Peri tou Biou kai marturiou Jakobou, Pap.
Kerameus, Analecta Hierosol Stakuol I,12 emploient l’expression pterugion tou hierou. Le Méno-
loge de Basile (PG 117,121) a recours au texte suivant: erripsan apo tou akrou tou hierou.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 517
100
Dans le texte slavon de la Guerre des Juifs 5, 194-195 il est question d’une inscription du
Temple qui évoquait Jésus le roi qui n’a pas régné, qui fut crucifié parce qu’il annonçait la ruine
de la ville et la désolation du Temple.
101
Lib. 1,70-71 ; PG 1, 1245. Pour l’étude de ce texte on pourra lire l’article de C. GIANOTTO,
“Alcune riflessioni a proposito di Recognitiones I, 27-71”, in: Le judéo-christianisme dans tous
ses états. Actes du Colloque de Jérusalem. 6-10 juillet 1998 (Paris 2001) 212-230. Voir aussi F.
S. JONES, An Ancient Jewish Christian Source on the History of Christianity: Pseudo-Clementine
Recognitions 1.27-71 (Atlanta 1995) 142-145.
102
PO 7, 349.
518 F. MANNS
103
R. A. LIPSIUS, Die apocryphe Apostelgeschichte und Apostellegende (Braunsschweig
1883) II, p. 248 cod. Vind. hist. gr. 40.
104
On conçoit difficilement une sépulture dans les parvis, sur l’esplanade sacrée. Ézéchiel
43,9 proclame assez hautement que même les cadavres royaux ne souilleront plus le lieu saint.
Mentionnons encore un témoignage tardif, qui pourrait refléter la tradition primitive : Jean de
Wurzbourg (T. TOBLER, Descriptiones Terrae Sanctae ex caeculo VIII. IX. XII et XV [Leipzig
1874] 124) décrit la coupole placée à l’entrée orientale de la mosquée d’Omar comme oratoire
de Jacques, sans faire allusion à la sépulture, parce qu’il reste fidèle à la tradition byzantine,
tandis que Théodoric (TOBLER, 42.50) adepte de la théorie de la mort de Jacques sur l’esplanade
du Temple, passe sous silence le souvenir de Jacques dans sa description de la vallée de Jo-
saphat. Certains considéraient la chapelle comme le lieu du martyre de Jacques. Ainsi dans La
citez de Jerusalem, datant du 11e siècle, on lit au paragraphe 13: “Devers solel levant, tanant al
moustier del Temple a une capele de monsigneur saint Jake le meneur. Pour ce est illuec celle
capele k’il i fu martyriés quant li juif le ieterent de deseure le Temple aval”.
105
Le thème du rempart de Sion qui doit être reconstruit apparaît chez Mi 7,11.
106
Le Targum Jonathan Gen 35,21 parle également de l’apparition du Messie en cet endroit:
“Jacob partit et étendit sa tente au-delà de Migdal-Eder, lieu d’où se révélera le Roi Messie à la
fin des jours”.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 519
107
Jer 1,18. EUSÈBE, HE 2,23,5 rappelle que Jacques fut sanctifié dès le sein de sa mère et
ne but ni vin ni boisson enivrante et que le rasoir ne passa pas sur sa tête.
108
Papadopoulos A. Kerameus, Analecta, Petroupolei 1891, t. I, 12.
109
L’orientation que Jacques donna à l’Eglise de Jérusalem était rigide. Il demeure persuadé
que le Temple de Jérusalem et la ville sainte étaient le lieu choisi par Dieu pour son intervention
eschatologique. Il est convaincu que le Christ, dont la résurrection manifestait la légitimité, re-
viendrait en ce lieu pour achever son oeuvre tragiquement interrompue. Il convenait donc que les
fidèles demeurent sur place pour accueillir le Maître dès son retour. De plus, les bénéficiaires
d’apparitions avaient tous compris cet événement comme un ordre de mission. Ils se considé-
raient comme envoyés pour continuer la prédication du Maître auprès d’Israël. Le thème du
Royaume lié à la personne de Jésus se transformait maintenant en annonce de l’imminence du
retour du Christ qui réaliserait ce Royaume attendu.
110
De viris illustribus (PL 23,613).
111
A l’Acropole d’Athènes les noms des criminels à l’égard de la patrie étaient inscrits avec
leur condamnation.
520 F. MANNS
La date limite indiquée par Jérôme indique que la mention de la stèle au-
rait été empruntée à une source judéo-chrétienne restreinte à la période où
Jérusalem avait à sa tête des évêques venus de la Circoncision. Or cette
période se termine en 135. On pourrait conclure que la construction d’Aelia
Capitolina en 135 fut fatale à la stèle de Jacques et occasionna chez les évê-
ques de la Gentilité l’oubli de la sépulture du frère du Seigneur.
Le pinacle du Temple ne rappelle plus au Pèlerin de Bordeaux (en 333)
que l’épisode de la tentation du Seigneur. Rufin, après avoir traduit ce qui
concerne la sépulture de Jacques (ac sepultus in eodem loco prope tem-
plum), passe sous silence la mention de la stèle: sans doute n’existait-elle
plus de son temps. Jacques plus qu’un nazoréen est présenté comme un
nazir. Les jeux de mots sont fréquents dans le monde sémitique.
112
Grégoire de Nysse connaît la tradition, Catanae graec. patr. in Lucam 11,50.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 521
de la version en slavon de Flavius Josèphe113, que cette stèle était en fait une
inscription, comme celle de Jésus, qui avertissait les pèlerins de la mort des
ennemis du peuple.
Jacques fait partie du groupe des frères de Jésus qui sont mentionnés en
Ac 1,14. Les Evangiles n’hésitent pas un instant à rappeler qu’ils n’ont pas
cru en Jésus durant son ministère (Mc 3,20-21). La conception du Messie
des frères était différente de celle de Jésus (Jn 7,5). Ils ont perdu le privilège
de s’occuper de Marie après la mort de Jésus (Jn 19,26). Une tension entre
eux et les disciples devenait inévitable114. Jacques semble avoir été le chef
de file des nazoréen, puisqu’il était fils de David.
Le récit de la mort de Jacques témoigne-il de l’existence du mouvement
nazaréen? Quelques indices présentent Jacques comme un nazir plus que
celui qui attend le Nezer. Le lien de Jacques avec le Temple rappelle que la
vocation du nezer est de reconstruire le Temple. Le fait de le désigner com-
me rempart du peuple pourrait renvoyer à la racine nzr, garder, observer.
Sur Jacques, le frère du Seigneur, nous avons plusieurs témoignages qui
ne concordent pas toujours:
- Celui de Paul et des Actes
- Celui de la lettre de Jacques
- Celui d’Eusèbe de Césarée qui cite Hégésippe qui présente Jacques
comme un nazir et un prêtre passant ses journées au temple pour in-
tercéder pour son peuple. Hégésippe en fait également le premier
évêque de Jérusalem (HE 2,1,2 ; 4,5) par décision des apôtres (HE
2,23,1).
- Dans son Panarion 29,3,1 Epiphane parle de Jacques, frère de Jé-
sus, né d’un premier mariage de Joseph, qui “était grand prêtre et qui
avait droit aux honneurs sacerdotaux. Il avait le droit d’entre une fois
par an dans le Saint des saints” (Pan 29,4,3).
- Jérôme, De Viris illus. II mentionne un repas eucharistique du Christ
ressuscité qui apparaît à Jacques le frère du Seigneur, qui aurait as-
sisté à la dernière Cène. Jacques est appelé le Juste comme dans
l’Evangile de Thomas 12 et chez Hégésippe (HE 2,23,4-7; 4,22,4).
- Cyrille de Jérusalem dans sa catéchèse 14,21 rappelle l’apparition
du ressuscité à son propre frère “le premier évêque de cette parois-
se”.
113
H. S. JOHN THACKERAY, Flavius Josèphe. L’homme et l’historien (Paris 2000) 20.
114
Dans l’Eglise de Corinthe des groupes se réclamaient d’Appolos, d’autres de Céphas et
d’autres encore de Paul.
522 F. MANNS
L’histoire complète des rapports entre Juifs et Gentils dans l’Eglise primiti-
ve est encore à écrire. Une attention spéciale doit être prêtée aux sources
littéraires qui mentionnent les différents types de judéo-chrétiens en Israël et
dans la Diaspora. Dans le christianisme primitif le courant paulinien avec son
inculturation dans le monde grec s’est imposé. Peu à peu les courants qui
avaient commencé l’inculturation dans le monde juif disparaîtront. C’est dire
que le pluralisme des débuts ne survivra pas.
Le judéo-christianisme jacobite comprenait la prédication de Jésus comme
un mouvement de réforme eschatologique, le salut des nations passerait par
le rétablissement eschatologique d’Israël. La foi chrétienne serait une obéis-
sance juive renouvelée. Le judéo-christianisme hellénistique autour d’Etienne
115
Nous ne prenons pas en considération l’Evangile de Philippe p.64, pl. 110,10-15 qui
rapproche le terme nazaréen de nasar: la vérité. (J. E. MÉNARD, L’Evangile de Philippe [Paris
1964] 82). Le mot n’a jamais signifié vérité, mais est un mot secret des milieux gnostiques. Cf.
Extraits de Théodote 35,2: Iêsous Nazaria: sôtêr alêtheias. Chez IRÉNÉE, Adv. Haer. 1,21,3
l’exclamation Iêsous Nazaria correspond au sôtêr alêtheias de l’explication. Evangile de Philippe
p. 58, Pl. 104, 10: Le Nazaréen est ce qui est manifesté de ce qui est caché.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 523
116
J.-P. AUDET, “Les Proverbes et Isaïe dans la tradition juive ancienne”, in: COLLECTIF,
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524 F. MANNS
tologische Studien. Festgabe für Paul Hoffmann zum 65. Geburtstag (Beihefte zur Zeitschrift für
die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde der älteren Kirche 93; Berlin 1998) 3-23.
117
A. SCHMIDTKE, Neue Fragmente und Untersuchungen zu den judenchristlichen Evange-
lien. Ein Beitrag zur Literatur und Geschichte der Judenchristen (TUGAL 37; Leipzig 1911) 24.
287.
118
Il ressort du Nouveau Testament, en particulier des écrits de Luc, qui passent pour être
ouverts au monde grec, que Jésus a accompli sa mission dans les limites du peuple d’Israël.
L’Evangile de l’enfance de Luc répète que le salut apporté signifie tout d’abord la libération
d’Israël. “Il a porté secours à Israël son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, ainsi qu’il
l’avait promis à nos pères en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais” (Lc 1,54-55). “Il
se souvient de l’alliance sainte et du serment juré à Abraham notre père de nous accorder que
sans crainte, libérés de la main de nos ennemis, nous le servions en sainteté et justice, sous son
regard, tout au long de nos jours” (Lc 1,72-75). Lorsque Jésus inaugure son ministère public, il
enseigne avec autorité dans les synagogues et commente les Ecritures. A Nazareth, un jour de
sabbat, il en montre l’accomplissement (Lc 4). La communauté primitive, qui n’avait « qu’un
coeur, qu’une âme » et qui mettait en commun les biens, reprenait l’idéal du Shema Israel tel que
l’interprétait la Synagogue. Elle entendait vivre la promesse faite au petit reste d’Israël. Pour
justifier l’identification de la communauté avec l’Israël eschatologique, Ac 3,22-23 cite Dt 18,15-
19 qui annonce la venue du prophète semblable à Moïse. Le récit de la Pentecôte a probable-
ment pour trame le thème biblique du rassemblement des dispersés sur la montagne de Sion.
Constituée de deux groupes –les frères du Seigneur et les apôtres– l’Eglise du Cénacle était
essentiellement juive jusqu’à la Pentecôte.
119
Voir notre étude: “ L’origine davidique de Marie”, in: Jésus fils de David (Paris 1994) 17-
22.
LE JUDÉO-CHRISTIANISME NAZORÉEN 525
Resumen.- Se puede estudiar la secta de los nazarenos desde distintos puntos de vista. Los
textos rabínicos hablan de los Notzrim, y los Padres de la Iglesia conocen a los Nazarenos. En
este artículo se estudian los principales textos. Este estudio conduce a otro paso: a partir de
estos textos es posible estudiar el Nuevo Testamento y las menciones de Jesús el Nazareno.
Summary.- The sect of the Nazorenes can be studied from different points of view. Rabbinic
texts speak about the Notzrim and the Church Fathers know the Nazorenes. All the main texts
are studied here. Another step is undertaken in this study. From these texts it is possible to
study the New Testament and his mentions of Jesus the Nazorene.