Mémoire Sur La Résilince
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résilience
lalunepleure - 31.03.2006 | 7 réactions | #link | rss
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TABLE DES MATIERES
AVANT PROPOS 3
INTRODUCTION 4
1° DEFINITION DE LA RESILIENCE 7
6°L'UTILISATION DE L'HUMOUR 46
CONCLUSION 53
REMERCIEMENTS : 54
Avant propos
En effet, nous sommes tous, un jour ou l'autre, confrontés à un traumatisme plus ou moins
difficile à combattre, nous devons tous vivre avec " le murmure de nos fantômes... "
(CYRULNIK).
J'ai eu un parcours personnel assez tortueux et mon propos ici n'est pas de m'apitoyer sur mon
sort mais d'avancer...
Je suis comme certains l'écrivent : " une personnalité résiliente " et ça, je m'en suis rendu
compte au fur et à mesure dans mon cursus de formation d'éducateur et notamment au travers
d'ouvrages d'auteurs et qui, dès que j'en parcourais les lignes, m'ont susurré à l'oreille : " il
s'agit peut être de toi ?... "
Pourquoi moi et pas les autres ? Moi, tout ce que je demande c'est d'accompagner l'autre vers
un mieux, de l'accompagner du mieux que je pourrais, telle est ma quête, nécessaire à ma
survie.
SARTRE écrivait : " Ce qui est important, ce n'est pas ce que l'on a fait de moi, c'est ce que
moi je fais de ce que l'on a fait de moi ".
Cet écrit est également pour moi, une forme de résilience, qui m'a permis de me retrouver
avec moi-même, de trouver une forme de paix intérieure.
Aussi j'écris d'abord pour moi-même, même si cela d'emblée, puisse paraître égoïste, mais
également pour tous ceux qui sont touchés de près ou de loin par la résilience, ainsi que pour
les professionnels courageux qui accompagnent les enfants au quotidien dans nos institutions
et à qui je veux rendre hommage.
Introduction
" La faculté qu'a l'homme de se creuser un trou, de secréter une coquille, de dresser autour de
soi une fragile barrière de défense, même dans des circonstances apparemment désespérées,
est un phénomène stupéfiant qui demanderait à être étudié de prés. Il s'agit là d'un précieux
travail d'adaptation, en partie passif et inconscient, en partie actif ".
Primo Lévi
si c'est un homme
Il serait prétentieux d'affirmer que le choix d'un mémoire est chose facile. Il me paraît
important de dire que le choix du sujet n'est pas anodin :
Celui-ci doit nous inviter à l'intéressement, il nous habite, fait partie de notre quotidien, et
nous suit et nous poursuit lors de sa conception.
Il nous rassemble et doit susciter l'envie et le plaisir, car sans ces deux ressentis toutes
démarches quelles qu'elles soient se révèlent inutiles.
La problématique que j'ai choisie de développer tout au long de cet écrit, m'est déjà apparue
avant mon entrée en formation d'éducateur :
Il y a encore 5 ans, le concept de résilience m'était totalement inconnu et je ne m'étais pas
encore aperçu que je le recherchais inconsciemment. A cette période, j'ai connu un
étonnement dans mon travail : dans des conditions de fracas familial ou social, quelques
enfants ne devenaient pas du tout, ce qu'on avait tenté de prévoir.
Et c'est notamment le cas de B qui malgré l'alcoolisme et la violence de son père et la mort de
sa mère, s'épanouit à l'heure actuelle en faculté de médecine où il est parmi les meilleurs
élèves de sa promotion.
De plus, ayant travaillé dans un centre socio-culturel, j'ai eu l'occasion de côtoyer des jeunes
qui sortaient de prison. Parmi eux, deux ont plus particulièrement retenu mon attention : le
premier, après deux mois de liberté avec sursis a replongé pour un braquage, tandis que le
second a réussi à se réinsérer après un apprentissage de peintre en bâtiment.
D'emblée je me suis posé la question suivante : Pourquoi l'un s'en sort-il et pas l'autre?
J'ai ainsi pu durant ma formation émettre l'hypothèse que l'un était résilient à un moment
donné de sa vie contrairement à l'autre.
Ainsi, lors de mes différents stages de formation j'ai pu voir des enfants qui s'en sortaient bien
mieux que les autres et ce malgré des traumatismes assez conséquents dans l'ensemble :
maltraitance, abandon, viol, perte d'un être cher ...
De nature plutôt positive dans mon travail, je pars de l'hypothèse que l'éducateur a une place à
prendre dans l'accompagnement de l'enfant vers un processus de résilience. Et un des objectifs
de ce travail, est de comprendre quelle place peut prendre l'éducateur dans cet
accompagnement.
Dans une première partie je vais essayer de définir ce qu'est la résilience en cheminant autour
des différentes définitions que j'ai pu trouver lors de mes recherches. Je m'attarderai sur son
origine ses précurseurs et les critères d'un processus résilient.
Puis j'aborderai la manière dont ce concept a été utilisé et les différentes observations qui en
découlent afin de mieux cerner ce processus et quels sont les moyens que les sujets peuvent
utiliser afin de devenir résilients.
Enfin, j'essayerai de comprendre de quelle manière, en tant qu'éducateur, nous pouvons
utiliser ce concept dans notre travail au quotidien, et par là, quelle est la place que nous
pouvons avoir, en tant que professionnel, dans l'accompagnement de l'enfant vers ce
processus de résilience.
Je tenais à préciser que depuis le début de mes recherches, j'ai entamé un travail quant à ma
propre capacité de résilience et mes facteurs de protection. Depuis j'ai pu me détacher des
situations dans lesquelles je me retrouvais et avoir un regard professionnel dans mes
pratiques.
1° Définition de la résilience
Le terme de résilience vient du latin " resilire " qui signifie ressauter. Il est utilisé en science
physique pour définir la résistance aux chocs d'un matériau. On dit ainsi, que la coque d'un
sous- marin est résiliente, lorsqu'elle se révèle capable de supporter des pressions
considérables lors de ses plongées et lorsqu'elle reprend sa forme primitive.
Dans la langue anglo-saxonne, le terme " résilience " décrit la capacité de réussir de manière
acceptable, dans les normes instituées par la société Judéo-Chrétienne en dépit du facteur
stress, qui peut comporter le risque grave d'une issue négative. Ainsi la résilience correspond
aux capacités des sujets confrontés à des stress quotidiens tout au long de leur existence, de
pouvoir mettre en jeu des mécanismes adaptatifs leur permettant de " tenir le coup " tout en
rebondissant afin de tirer un certain profit d'un tel affrontement.
Aussi, la résiliation est l'acte par lequel on met fin à un engagement, à une prouesse, à un
contrat. La résiliation se situe donc dans un processus de désengagement.
La résilience ne peut se traduire par une simple capacité de résistance qui véhicule l'idée d'une
rigidité, mais évoque davantage les propriétés de souplesse et d'adaptation.
Il ne s'agit donc pas de réduire ce phénomène à " l'invulnérabilité ", qui pourrait correspondre
à une résistance au choc mais également signerait un état pouvant entraîner la paralysie du
sujet : une carapace solide mais impénétrable et débouchant sur la rigidité, ce qui s'éloigne de
la souplesse nécessaire à la résilience.
Il apparaît dans le domaine de la psychologie, que dans les années soixante aux Etats Unis.
Anna FREUD et R.SPITZ ont été les premiers à parler du principe de résilience, sous la forme
de capacité de " reprise de développement ".
En effet, pendant la deuxième guerre mondiale, ceux-ci ont décrit des enfants orphelins dont
les parents avaient été victimes des bombardements à Londres. Tous ces enfants
apparaissaient réellement traumatisés dans un premier temps : troubles autistiques,
balancement, encoprésie... Cependant, quelques années plus tard, les deux psychanalystes ont
été étonnés de voir à quel point ces enfants avaient " récupéré ".
Ils ont alors décrit quatre stades par lesquels passeraient les enfants abandonnés :La
protestation, le désespoir, l'indifférence (ces trois stades étant jusqu'alors déjà identifiés) puis
la guérison (ce qui est alors novateur)1
Certaines revues de littérature où les travaux d'Emmy WERNER ont été diffusés, perm de
situer l'émergence de ce concept au début des années 1980. Cependant, certains chercheurs
considèrent que les racines de ce concept sont plus anciennes, et sont présentes notamment
dans les premiers travaux sur l'attachement. MANCIAUX et al. (2001) font référence à
l'utilisation du terme de résilience par BOWLBY pour designer " le ressort moral, qualité
d'une personne qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre "11 .
D'autres auteurs, s'inscrivant dans la lignée psychanalytique, considèrent que FREUD avait
posé les bases épistémologiques de cette approche, mais en ayant recours à une terminologie
différente, notamment autour du concept de sublimation.
GARMEZY et al. (1996) ont pris comme objet d'étude ce thème, avec de nombreux
chercheurs qui ont participé aux développements théoriques de l'approche de la résilience
chez l'enfant et ont permis sa diffusion dans les applications théorico- cliniques
contemporaines.
Aujourd'hui, cette notion est très répandue à l'étranger : en Amérique Latine, on peut trouver
des " instituts de résilience ", en Hollande et en Allemagne, existent des universités de
résilience.
Aux Etats Unis, le mot est employé couramment : les deux tours du World Trade Center ont
même été surnommées les " Twin Résilient Tower " par ceux qui sont pour leur
reconstruction !
En France cependant, ce terme se fait timidement connaître et cette notion reste encore peu
familière chez les professionnels de l'enfance...
La résilience vient contrecarrer les idées d'hérédité transgénérationnelle déterminante.
Elle révèle des situations de personnes à l'histoire difficile, morcelée et qui pourtant, ont
rebondi et sont devenues des adultes stables et épanouis.
Elle diffère des notions de résistance, de clivage et de déni dans la mesure où elle souligne
l'aspect adaptatif et évolutif du moi.
La psychologue américaine WERNER est reconnue comme ayant joué un rôle majeur dans
l'approche de la résilience, à travers la recherche qu'elle a mené auprès des enfants de
Kauai( archipel de Hawaï)12
Ses travaux se sont appuyés sur une recherche longitudinale portant sur l'étude et le devenir
d'un ensemble pluri-éthnique de 545 enfants suivis sur une période de 32 ans.
La population étudiée s'est composée de sujets suivis depuis la naissance jusqu'à l'âge adulte,
vivant en situation de grande précarité environnementale, du point de vue des conditions
socio- affectives ( pauvreté, violence, discorde et psychopathologie parentale...).
WERNER et son équipe, ont observé qu'un certain nombre de ces enfants s'accommodaient de
l'environnement défaillant, en témoignant d'une adaptation sociale parfois remarquable et
d'une capacité de rebondir après avoir vaincu et dépassé des situations délétères,
caractéristiques d'un fonctionnement résilient.13
Bien que ne portant pas initialement sur la résilience, cette recherche longitudinale a
beaucoup alimenté les recherches sur la résilience, en soulignant en premier lieu, sa réalité
clinique.
Les observations de cette étude ont contribué à poser les bases d'une analyse du
fonctionnement de la résilience, en soulignant la dynamique du processus résilient, son
évolution au cours du développement du sujet.
Emmy WERNER a ainsi décrit et étudié la résilience, comme résultant d'un équilibre évolutif
entre la confrontation aux éléments délétères ou stressants du milieu, la vulnérabilité et les
facteurs de protections internes du sujet (tempérament, aptitudes cognitives, estime de soi...)
et externes (sources non officielles de soutien, telles que la famille élargie, le quartier et les
ressources communautaires).
Par là Emmy WERNER est la créatrice du concept de résilience et ce sont ces enfants de
l'archipel d'Hawaï qu'elle a nommé résilients. Elle a utilisé le terme de résilient, pour ne pas
réutiliser celui d'invulnérable, parce qu'elle voulait inventer un mot nouveau, et ainsi ne pas
marcher sur les plates bandes des psychiatres14.
Une première approche de la résilience tendra à dire que c'est la capacité de sortir vainqueur
d'une épreuve qui aurait pu être traumatique, accompagnée de forces nouvelles.
La résilience définit la capacité d'adaptation face aux situations adverses.
Durant mon dernier stage de découverte de 3ème année en maison d'enfants, j'ai connu un
enfant E, scolarisé en classe de 6ème et dont la mère se prostituait. Cet enfant s'investissait
principalement au niveau de l'école, et j'émis l'hypothèse que c'était pour lui une manière de
surmonter l'adversité du placement d'une part, la détresse de la mère d'autre part, ainsi que
l'absence du père, et que l'école par là, pouvait être pour lui un moyen de résilier.
Ainsi, parmi les innombrables définitions faites pour aborder ce concept, je citerai celle de
l'éthologue, psychanalyste Boris CYRULNIK émise en 1999 qui rappelle que la résilience en
psychologie est souvent définie " comme la capacité à réussir, à vivre, à se développer
positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d'une adversité qui
comporte normalement un risque grave, une issue négative "15
C'est notamment le cas de M que j'ai pu rencontrer. M est actuellement étudiant en Deug
d'anglais et pourtant son issue dans la vie semblait être problématique.
En effet M a vécu 16 ans en foyer, avant de retrouver sa mère qui accepta de s'en occuper (il
avait 16 ans) et qui décéda 2 années plus tard d'un cancer, au moment où M préparait son
baccalauréat. Signalons que M n'a jamais connu son père. Par la suite il fit la rencontre de D
une jeune fille dont il tomba amoureux, qui lui donne un environnement positif malgré tout ce
qu'il avait pu vivre jusqu'ici.
Cependant CYRULNIK précise que pour qu'il y ait résilience, il faut qu'il y ait eu
confrontation à un traumatisme.
Dans cette perspective, DE TICHEY en 2001 indique " qu'un consensus semble établit pour
définir la résilience, comme la capacité de l'individu de se construire et de vivre de manière
satisfaisante, malgré la difficulté et les situations traumatiques auxquelles, il peut se trouver
confronté "16
C'est notamment je crois le cas de M qui poursuit des études supérieures avec pour projet de
devenir instituteur.
Exemples : La résilience est un thème qui a déjà été énormément traité dans la littérature
fantastique : Poil de Carotte, Tarzan, Remi sans famille...
Dans la " littérature religieuse " notamment, c'est Joseph vendu par ses frères, esclave en
Egypte, jeté en prison sur une fausse allégation de harcèlement sexuel et devenu
superintendant du royaume d'Egypte, l'un des plus prestigieux de cette époque. C'est
également David persécuté par le roi Saül, et qui est si résilient qu'il devient à son tour roi
d'Israël.
Ce processus se retrouve également dans les témoignages de personnes célèbres. Par exemple,
il aura fallu cinquante ans à Monique Serf, dite " Barbara ", pour parler de cet épisode,
pourtant central dans sa vie. Elle donne, par son témoignage, des indications sur le processus
de résilience, en réalité le combat pour la vie qui a été le sien, montre l'importance
fondamentale de la parole et de l'écoute données à l'enfant :
" De ces humiliations infligées à l'enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond
du fond, j'ai toujours ressurgit. Sûr, il m'a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d'être
heureuse, une sacrée volonté d'atteindre le plaisir dans les bras d'un homme, pour me sentir un
jour purifiée de tout, longtemps après. "17 (Barbara).
Par ce témoignage " Barbara " démontre que la résilience n'est pas un filtre magique qui
rendrait insensible et invulnérable. La résilience est un long processus, un chemin tortueux et
complexe, fait de souffrances mais aussi d'espoirs et de rencontres, de moments de partage et
de bonheur.
Sur le plan intra psychique, la résilience suppose à la fois le recours à des mécanismes de
défense adaptés, mais également de faire un travail de mise en sens ou mentalisation.
La mentalisation correspond à "la capacité à traduire en mots, en représentations verbales
partageables, les images et les émois ressentis, pour leur donner un sens communicable,
compréhensible pour l'autre et pour soi d'abord "18.
Selon cet auteur, le travail de la pensée sur elle-même, permettant de traduire les excitations
en représentations partageables, est une condition du fonctionnement résilient à long terme.
La mentalisation constituant le processus intra psychique essentiel, qui fonde la capacité de
résilience.
La capacité d'une élaboration mentale, c'est à dire la mise en mots, en récit du vécu
traumatique et des émotions qui lui sont liées (travail de mentalisation).
Le modèle de la résilience imprègne depuis quelques années les pratiques cliniques, qu'il
s'agisse d'accompagnements éducatifs, scolaires ou psychothérapiques. Mais beaucoup reste à
explorer autour de ce modèle, du point de vue théorique, mais plus encore dans ses
applications cliniques. Ainsi une grande prudence, il me semble, reste de mise.
Que serait une aide, qui ne prendrait pas suffisamment en compte les aspects violents d'un
recours, vaille que vaille, à la résilience des sujets, en dénigrant la souffrance possible de la
mise en place du processus résilient ? Etre résilient ? Oui, mais à quel prix ?
En tant que futur professionnel, je ne perds pas de vue que des troubles psychologiques, voire
psychopathologiques, peuvent donc être associés à des comportements relevant de la
résilience, ce qui fait dire ainsi à certains auteurs, qu'il y aurait un prix à payer pour le
développement de la résilience.
Ainsi BOURGUIGNON considère qu'en face d'événements dangereux, " il n'y a pas
d'immunité au stress mais seulement différents modèles de réponse plus ou moins adaptés. Si
chaque enfant parvient à réagir à l'adversité cette survie a toujours un coût ".19
Il me paraît important de relever, que la notion de résilience ne tend en aucun cas, à définir
une sorte d'invulnérabilité de l'être humain.
Celle-ci définit une capacité à " rebondir face aux coups " et non pas une " aptitude au
bonheur ". B. CYRULNIK utilise à ce propos une figure de rhétorique pour le rappeler : celle
de l'oxymoron (principe qui consiste à associer deux termes antinomiques comme le "
merveilleux malheur ", titre d'un de ses ouvrages). Le résilient n'est pas un surhomme, il n'est
pas d'acier et ne peut échapper à l'oxymoron comme l'auteur le rappelle.
L'oxymoron décrit le contraste de celui qui, vivant un grand traumatisme, s'y adapte. " La
partie de la personne qui a reçu le coup souffre et se nécrose, tandis qu'une autre, mieux
protégée, encore saine mais plus secrète, rassemble avec l'énergie du désespoir, tout ce qui
peut donner encore un peu de bonheur et de sens à vivre "20 .
L'oxymoron est alors la caractéristique des individus blessés mais résistants, souffrants mais
heureux d'espérer quand même.
" La résilience définit le ressort de ceux qui, ayant reçu le coup, ont pu le dépasser.
L'oxymoron décrit le monde intime de ces vainqueurs blessés "21
Si ce concept est en quelque sorte " à la mode " ces dernières années, il ne s'agit cependant
pas de le dogmatiser et ainsi de ne penser qu'à travers ses principes.
Toutefois, à mon sens, il peut permettre aux professionnels de tirer d'autres lignes d'action, de
pratique. Il vient bouleverser, en quelque sorte, les pensées figées des répétitions
transgénérationnelles.
Il me semble enfin, que ce nouveau concept a le mérite de proposer une vision positive,
laissant entrevoir que tout est encore jouable.
Cette vision, certes optimiste, permet d'une part de redonner confiance à ceux qui sont en
difficulté et d'autre part à soutenir le travail des professionnels.
II. Comment ce concept a- t –il été étudié dans différents domaines et quels seraient les
facteurs contribuant à la résilience ?
Ces éléments pourront nous servir de base théorique, dans la compréhension et l'analyse de
certains comportements des enfants, afin d'émettre des hypothèses quant à la prise en charge
et aux projets individuels.
Nous allons à présent examiner, ce que l'on entend par facteurs de protection, dans le cadre de
la résilience.
Selon RUTTER, les facteurs de protection modifient les réactions, vis à vis de situations
pouvant générer un risque, en réduisant ce risque et ainsi toutes les réactions négatives, qui
peuvent résulter de ce risque.22
Aussi, des investigations sur ces facteurs de protection font apparaître, qu'une protection
résulte à la fois des variables génétiques, des dispositions et caractéristiques de la personnalité
(le tempérament), des appuis du milieu (familial et environnemental) ainsi que de la
disponibilité, de l'accessibilité et de la qualité des appuis sociaux.
Il est indéniable, qu'il ne s'agira pas dans mes investigations de dresser une liste exhaustive
des facteurs de protection. Cependant il semble pertinent d'évoquer les variables des facteurs
de protection qui sont considérées comme susceptibles d'influencer la résilience (observations
de praticiens et de chercheurs).
Compétences sociales
Sentiment d'empathie
Humour
Boris CYRULNIK classe également ces facteurs en trois catégories, qui rejoignent
pratiquement celles décrite par GARMEZY et MASTEN.
Pour lui, il s'agira d'abord des facteurs personnels, où l'on ne peut échapper à la notion de
tempérament : certains enfants sont dotés d'une forme de courage et d'une capacité
d'adaptation exceptionnelles.
Cependant, il faut aussi remarquer les possibilités de certains, à développer des capacités de
maîtrise de la situation, leur permettant de prendre de la distance avec les traumatismes, dont
ils sont victimes. Ainsi CYRULNIK, autour de ce qu'il nomme facteurs personnels, aborde
également l'humour et l'estime de soi ou la confiance en soi, en rajoutant cependant la
sublimation, l'altruisme et la religion comme moyens de défense face aux traumatismes.
Si l'enfant se lie avec une personne, qui croit en lui et qui lui fait confiance, il peut reprendre
un développement " normal " car, il a quelqu'un pour qui le faire.
Sans oublier les appartenances à des groupes, une intégration réussie pouvant constituer un
facteur de protection.
Enfin, il aborde les facteurs d'ordres familiaux comme élément primordial de protection.
Ainsi nous pouvons constater, que les facteurs de protection que j'ai pu répertorier, sont de
nature différente ; certains sont internes au sujet et concernent ses ressources propres, d'autres
dépendent de l'interaction avec l'environnement (famille, groupe, ou communauté) .
La résilience n'est pas donc uniquement à chercher dans la personne, dans la famille ou dans
l'environnement de la personne victime ; en fait elle se " tricote " autour et entre ces trois
agents.
La résilience est conjoncturelle : on n'est pas résilient seul, on ne l'est pas non plus tout le
temps. On ne peut donc pas l'objectiver à un moment précis, puisque c'est une théorie de vie
qui se noue et se dénoue, continuellement...
RUTTER25 dans ses travaux, réalisés entre 1985 et 1996, a distingué trois caractéristiques
principales chez les personnes développant un comportement de résilience, face à des
conditions psychosociales défavorables : il considère que ces personnes, face à des situations
d'impuissance et d'absence d'aide, accompagnant habituellement des situations de stress et
d'adversité, mettent en exergue d'autres processus comportementaux, faisant appel à des
modes de fonctionnement spécifiques prenant appui sur des mécanismes d'élaboration de la
pensée.
Selon lui, la personne dite résiliente, concilie trois caractéristiques :
Prise de conscience de son auto- estime (ou auto- appréciation) et du sentiment de soi.
Cet aspect renvoie à l'estime de soi, c'est à dire aux caractéristiques par lesquelles le sujet peut
se définir et avoir le sentiment de sa propre valeur. RUTTER considère comme nécessaire,
l'existence d'un bon développement de l'estime de soi, chez les individus résilients.
L'estime de soi pouvant se définir comme, l'image que l'individu se forge de lui-même et le
sentiment de sa propre valeur, se traduit à travers un ensemble d'attitudes et d'opinions, que
les individus mettent en jeu dans leurs rapports avec le monde extérieur.
L'estime de soi recouvre une disposition mentale, qui prépare l'individu à réagir selon ses
attentes de succès, son acceptation et sa détermination personnelle. Elle indique, dans quelle
mesure l'individu se croit capable, valable, important.
Selon ANDRE et LELORD26 (1999) l'estime de soi comporte trois dimensions : l'amour de
soi (le coté narcissique de la personne), la vision de soi et la confiance en soi.
Elle est donc variable chez les individus au cours de leur développement et selon les
situations.
C'est une caractéristique qui correspond chez l'individu, à la croyance et à la confiance dans
cette capacité, à faire la différence entre une action réussie et les étapes nécessaires pour y
parvenir. L'individu résilient, aurait donc tendance à voir surtout les aspects positifs qu'il
rencontre dans sa vie et à avoir confiance dans ses capacités, à résoudre la majorité des
problèmes de son existence.
C'est, je crois, notamment le cas de L jeune de quartier, que j'ai rencontré avant mon entrée en
formation d'éducateur.
Ce jeune était à l'époque en échec scolaire et vendait de la drogue, car il trouvait ce moyen
facile pour gagner de l'argent. Par la suite il eut des démêlés avec la justice et se retrouva avec
de la prison avec sursis. Il me disait qu'il était " foutu ", car il ne savait que faire cela, vendre
de la drogue. Cependant il était plutôt doué en sport et cette conscience de l'efficacité dans ce
domaine, lui permit de pouvoir suivre une formation d'éducateur sportif, cette confiance en lui
au niveau du sport, et la rencontre avec un Maître Nageur Sauveteur le poussant dans cette
voie, car il avait repéré en lui un potentiel, lui permit d'aller au bout de cette formation et de
trouver un emploi stable et légal.
Ainsi ces caractéristiques, faisant référence à une description d'un processus psychique et
comportemental, apparaissent intimement liées dans le fonctionnement du sujet résilient.
RUTTER souligne le rôle fondamental des ressources internes de l'individu, face à des
conditions extérieures défavorables et sa capacité à tirer profit des potentiels
environnementaux extra- familiaux, lorsque la famille est défaillante. 27
Dans cette perspective, certains auteurs considèrent que la résilience, réside plus dans
l'appartenance d'une personne à un contexte social et relationnel sur lequel elle prend appui,
plutôt que dans ses caractéristiques individuelles en tant que telles.
Pour illustrer ce propos, je prendrai l'exemple de A, enfant que j'ai suivi lors de mon dernier
stage pratique, dans une maison d'enfants. A, a été placé, car il se trouvait en danger dans sa
famille : père abandonique et mère alcoolique, sans profession, qui le battait à la maison.
J'ai pu constater qu'il avait puisé des ressources en dehors de la famille, pour survivre.
Cet " en dehors ", était l'école.
En effet A, élève en classe de 6ème, était un très bon élément et s'attachait à respecter toutes
les tâches que l'école demandait : travaux, devoirs, respect des règles de cette institution...
De plus, je remarquais qu'il avait un tissu relationnel d'amis assez important et que l'école lui
procurait du plaisir. Par là, j'émets l'hypothèse, que l'école à ce moment de son existence,
devient pour lui un contexte social et relationnel positif, sur lequel A prend appui pour s'en
sortir.
Les questions que je me suis posées, en tant que futur éducateur, sont :
Qu'est-ce qui favorise l'émergence de la résilience ?
Est- ce que l'on peut parler en termes de facteurs de résilience ?
Quels en seraient les principaux critères chez l'individu ?
C'est notamment le cas de P, jeune fille que j'ai suivi durant mon premier stage de découverte
de première année à L'IME St Joseph de Guebwiller, dans le Haut Rhin. Souvent P me
sollicitait dans la prise en charge, et me demandait de l'accompagner pour les travaux
scolaires, durant des activités sportives ou culturelles.
Elle me répondit qu'elle m'appréciait énormément, que je la comprenais plus que les autres et
surtout que je ne la jugeais pas. Elle me fit comprendre que j'étais un adulte, sur qui elle
pouvait compter et qu'elle appréciait la façon dont j'abordais les soucis et les problèmes
auxquels elle était confrontée.
La stabilité de l'attention
Il est important qu'un enfant ait une certaine stabilité, lui permettant d'avoir de l'attention, que
ce soit dans la relation, dans le travail scolaire ou encore pendant des activités diverses, qu'il a
la possibilité de réaliser.
Sans cette stabilité de l'attention, l'enfant connaîtra des difficultés dans la réalisation de ce
qu'il entreprend et pourra ainsi connaître des échecs pouvant lui faire perdre confiance en lui,
atteignant ainsi son estime de lui-même.
Lors d'un stage en hôpital de jour, je me rappelle de G, enfant qui ne pouvait pas rester en
place.
En effet, il ne pouvait pas se concentrer sur une seule tâche. Il n'arrivait pas à finir un
bricolage, un jeu ou un goûter, car dès que quelque chose se passait, il voulait toujours être le
premier à tout savoir sur tout et il voulait participer à toutes les activités, mais vite et en même
temps !
Aussi, souvent, il en arrivait à la conclusion qu'il était un incapable et qu'il ne savait rien faire.
Pour cela je lui proposais un jour (en accord avec l'équipe), de l'emmener seul en salle de
peinture (afin de l'isoler des autres enfants) et de faire un bateau avec différents matériaux
comme du carton, du contreplaqué etc.
Je constatais que son attention était un peu plus longue que d'habitude, étant donné que nous
étions seuls dans la salle. Il put ainsi réaliser en trois séances d'une demi- heure, un catamaran
qu'il s'empressa de présenter à tous ses camarades.
J'étais satisfait, car ce cadre m'a permis de canaliser G lui donnant l'occasion de réaliser dans
sa totalité un objet, ce qui pouvait lui donner la satisfaction d'avoir pu terminer quelque chose.
Cependant il était clair, que jusqu'à présent il n'y avait qu'un cadre, comme celui d'une relation
exclusive, qui lui permettait de mener à terme une activité.
Il est important, que cette stabilité de l'attention se construise chez l'enfant, car elle
contribuera à son autonomie et à son développement.
Il s'agira là pour l'enfant, d'avoir conscience de l'efficacité qu'il pourra avoir dans différents
domaines scolaire, culturel, sportif etc. Cette perception de son efficacité, va lui permettre de
renforcer sa confiance et d'avancer plus positivement dans la vie.
C'est le cas de L (que nous avons vu en amont) qui, grâce à la rencontre avec un Maître
Nageur, a pu prendre conscience de son efficacité dans le domaine sportif, lui permettant de
faire une formation professionnelle dans le domaine aquatique.
Par là, le concept de résilience vient contrecarrer l'idée de l'issue fataliste, d'un destin déjà
joué : Et bien non, rien n'est joué et cela est une conviction personnelle qui me conforte dans
mon métier ; pour ma part, malgré les difficultés de la vie, il y a toujours une issue de secours
possible.
L'espoir qui reste à l'éducateur, est d'accompagner les personnes accueillies, afin que d'un
commun accord, nous les aidions à trouver cette sortie de secours, mission quotidienne je
crois de l'éducateur (sans pour autant s'enfermer dans l'idée utopiste, que nous pouvons sauver
le monde).
Le modèle de la résilience, propose une perspective nouvelle, des prises en charge des jeunes
et des familles dites " pudiquement en difficulté ". Il encourage les intervenants,
psychologues, travailleurs sociaux, mais aussi soignants, éducateurs et enseignants, à prendre
en compte et à mobiliser les capacités des jeunes et des familles.
Les interventions s'appuient aussi bien, sur des méthodes d'entretien à visée thérapeutique,
que sur la construction et l'utilisation de techniques spécifiques, destinées à aider les sujets à
développer leurs capacités de résilience.
Aussi notre objectif commun dans ces différents procédés, est d'aider les personnes à trouver
des ressources en eux et à stimuler les ressorts psychologiques, pour faire face aux situations
difficiles de leur vie.
Ainsi, différents chercheurs et praticiens, essayent d'explorer des méthodes d'aide auprès des
individus ou des groupes, à partir de théories de la résilience.
Mais le constat est fait, qu'à l'heure actuelle, il reste encore difficile d'évaluer la pertinence et
la portée réelle de ces interventions, qui demeurent en phase exploratoire.
Que deviennent les enfants qui, depuis tout jeunes, sont confrontés à un système éducatif leur
étant inadéquat? Deviendront-ils des "rebuts" de la société, destinés à gonfler les rangs de
ceux qu'on appelle des marginaux?
Heureusement non, en tout cas pas tous, car les enfants ont des compétences qui leur
permettent d'équilibrer leur "réservoir d'espérance en la vie", en fonction des confrontations
(positives ou négatives) qui se présentent à eux. Reste à savoir comment ils utilisent ces
compétences et quels moyens nous mettons à leur disposition, pour les favoriser.
Il y a déjà quelques années, des chercheurs se sont demandés quels étaient les facteurs qui
favorisaient chez l'enfant, ce qu'ils ont appelé la résilience, c'est-à-dire: leur capacité à réussir
de manière acceptable, pour la société, en dépit d'un stress ou d'une adversité qui comporte
normalement le risque grave d'une issue négative.
De ces recherches ont découlé des réflexions sur les éléments qui favorisent la résilience. Le
Bureau international catholique de l'enfance (BICE) en propose cinq, représentés sous la
forme d'une maison, "la casita".
- Des réseaux informels de soutien (relations familiales " et amicales "), qui reposent sur une
relation d'acceptation fondamentale de l'enfant par au moins un adulte, ou dans des cas
exceptionnels par un autre enfant. Cette acceptation constituant probablement la base, sur
laquelle tout le reste va s'édifier.
- Des aptitudes sociales (entre autres) et le sentiment de maîtriser quelque peu les
événements de la vie et de pouvoir résoudre les problèmes.
Ces points ne sont pas des produits miracles. Ils ne permettent pas, d'un coup de baguette
magique, de transformer l'enfant en un "super-quelque chose".
Par contre, ils nous donnent un outil de travail, qui peut non seulement nous aider à réfléchir,
sur ce qui peut être mis en place autour de l'enfant, pour favoriser sa résilience, mais aussi à
nous aider à regarder et reconnaître les compétences personnelles de chaque enfant.
" La casita "28 :Schéma pouvant illustrer une conception de la fabrication de la résilience.
Durant le colloque sur la résilience du 5 mars 1999, à Hyères, Monsieur VANISTENDAEL29
présentait un schéma de construction, pouvant illustrer une conception de fabrication de la
résilience.
La casita
1er étage
Fondations
Ce schéma s'appelle la casita, en (espagnol), car cette représentation a été utilisé pour la
première fois au chili.
La résilience de chaque enfant se construit comme une maison, sur un sol (besoins
élémentaires), des fondations (réseaux de contact), avec des matériaux locaux (les moyens
d'action correspondant aux cultures locales).
Elle aide les personnes du terrain à approfondir et systématiser concrètement leurs intuitions
et leurs expériences
Surtout, la casita incite à ne pas perdre de vue, que la résilience est une construction
d'ensemble et à identifier les éléments à reconstruire, au lieu de se laisser guider entièrement
par les problèmes observés.
III. Quelle est la place de l'éducateur, dans cet accompagnement vers la résilience ?
Dans la première partie j'ai énoncé le fait que les facteurs de protection que l'enfant met en
place, contribueraient à un comportement résilient.
Aussi, il me semble pertinent, qu'en tant que futur professionnel de l'éducation, nous devons
en tout premier lieu essayer de déceler ces facteurs de protection mis en place par l'enfant,
afin de tenter de comprendre le mécanisme que l'enfant sollicite et ainsi de l'aider à y mettre
du sens, pour qu'il en prenne conscience et qu'il s'en serve pour aller de l'avant et ainsi éviter,
que cette protection ne se transforme en cercle vicieux en enfermant le jeune dans une
protection se transformant en symptôme, pouvant éventuellement aboutir à la folie.
Dans la seconde partie de mon mémoire j'ai énoncé que dans les facteurs environnementaux,
B.CYRULNIK parlait de " tuteurs de développement " que l 'enfant pouvait rencontrer dans
ou hors de la famille.
" Les travaux qui s'accumulent depuis une ou deux décennies, confirment l'impression des
praticiens, qui tous connaissent des histoires de cas qui montrent qu'on peut s'en sortir et que
l'avenir est moins sombre, quand on dispose autour de l'enfant quelques tuteurs de
développement "30
Pour cet auteur, " les tuteurs de développement " sont des personnes ressources sur lesquelles
l'enfant prend appui, autres que les parents, comme un frère ou une sœur, des grands-parents,
des instituteurs, des éducateurs etc. .
L'acceptation inconditionnelle de l'enfant, en tant que personne, qui lui donne la certitude
d'être aimé, constitue la contribution essentielle à la résilience de l'enfant.
Mais elle ne signifie pas l'acceptation de n'importe quel comportement de l'enfant, laquelle
peut être prise au contraire pour une indifférence totale.
Cette acceptation se trouve normalement, plus facilement dans des relations informelles, amis,
membres proches ou éloignés, parfois des professeurs ou des personnes de la communauté
environnante – que dans une relation professionnelle.
Lorsque la famille, ne constitue plus un cadre de sécurité physique et affective pour l'enfant et
quand celui- ci est en manque de repères et qu'il ne peut plus s'identifier, ou trouver des
ressources dans son environnement proche, la rencontre avec une tierce personne et ici en
l'occurrence l'éducateur, celui-ci peut devenir une source de soutien, d'aide, permettant à
l'enfant de s'acheminer vers la résilience.
Si l'enfant, même au cœur de ses souffrances, a pu trouver une présence affective, une
personne qui lui a procuré chaleur, tendresse, affection, que ce soit un des parents, un
éducateur, etc., il a toutes les chances de pouvoir s'en sortir, car il pourra reprendre confiance
en lui et évoluer de façon positive grâce à ce soutien.
Personnellement je pense que l'éducateur, selon les situations et les enfants qu'il sera amené à
rencontrer, peut prendre la place de ce " tuteur ".
Quelques fois il s'en rendra compte, ou alors il pourra être en mesure de tenir cette place sans
s'en apercevoir.
L'essentiel sera que l'enfant lui accorde cette place et que l'éducateur, l'accepte sans pour
autant vouloir remplacer les parents.
Dans mon travail au quotidien avec les enfants, j'ai pu constater que certains avaient besoin de
ce soutien de l'adulte, pour pouvoir avancer positivement, alors que d'autres non, car malgré
les placements, il y avait toujours cet attachement de sang et de cœur, auquel l'enfant
s'agrippait, lui permettant de garder un espoir, de vivre " normalement ".
Nous avons vu précédemment, que l'estime de soi est un facteur de développement personnel,
pouvant amener à la résilience.
Par là je pense, que l'éducateur a un rôle à jouer afin de favoriser l'estime de soi chez l'enfant.
L'estime de soi a une place cruciale, dans la construction de l'identité de l'enfant. Elle facilite
l'acquisition de notre potentiel, comme être humain.
L'enfant qui s'estime, aura tendance à mettre ses aspirations en avant et favorisera un
développement positif.
Au contraire, l'enfant dont l'estime est faible, pourra facilement renoncer à repousser ses
limites. Souvent, il n'aura pas confiance, ne se sentira pas capable, et d'autres fois, il
s'abstiendra de voir " grand " pour sa vie, parce qu'il aura l'impression de ne pas le mériter.
Il se retrouvera donc, dans un cercle vicieux, dont il ne découvrira pas l'issue.
Aussi un des rôles de l'éducateur dans l'accompagnement, est d'essayer d'aider l'enfant dans le
quotidien à retrouver cette estime de soi, essentielle dans son développement personnel. Pour
cela il devra l'accompagner de manière positive et constructive, dans différentes étapes de son
développement :
Accompagner l'autre vers une acquisition d'un sentiment de confiance
Pour ma part, il me semble que tout homme a besoin d'acquérir de la confiance en soi.
Cette confiance permet de nous rassurer, de créer un état de bien être, de détente et
principalement d' envisager la vie avec un certain optimisme. Il semblerait que cette attitude
de base n'apparaît pas d'emblée dans notre développement.
En ce sens, je dirais que la source de l'estime de soi est puisée dans des relations
d'attachements.
Aussi, toute personne se sentant aimée de manière permanente (même par une seule personne)
est amenée à se représenter comme quelqu'un d'aimable, " on peut m'aimer " ce qui entraîne le
fait de retrouver une valeur de soi.
Et lorsque la personne peut intérioriser ce sentiment rassurant, cela lui ouvre de nouvelles
possibilités relationnelles.
Ainsi l'enfant, qui se dit " si je suis aimé par telle ou telle personne, et bien je peux être aimer
par d'autres ". génère généralement en lui un certain " positivisme ". Cependant pour certaines
personnes, être aimé peut constituer une source d'angoisse.
En outre, je pense que cette confiance ne peut s'établir, que si l'enfant éprouve un sentiment de
sécurité psychologique et physique.
L'éducateur est une ressource à cette acquisition de la confiance et notamment dans la relation
qu'il va pouvoir mettre en place avec l'enfant.
Le rôle de l'éducateur ici, est d'insuffler un sentiment de sécurité, en prenant la place d'un
référent stabilisateur et notamment, lorsque cette stabilité est défaillante, comme chez certains
enfants placés en maison d'enfance, où il y a une défaillance dans cette sécurité, liée à une
instabilité familiale mettant l'enfant en danger.
Voici quelques éléments qui à mon sens, favoriseraient la confiance et par extension l'estime
de soi chez les enfants et qui peuvent nous servir en tant qu'éducateur, comme repères dans
notre travail au quotidien.
Cela pourrait paraître " couler de source ", mais quelques fois nous perdons ces éléments de
vue lorsque dans notre travail nous, nous laissons " happer par nos pulsions ", " engloutir "
dans un fonctionnement routinier.
Etre un adulte en qui l'enfant peut avoir confiance (pouvoir garder des secrets de l'enfant, faire
ce que l'on dit, pouvoir entendre les sollicitations de l'enfant, être à l'écoute de l'autre...)
Faire vivre des conséquences logiques et naturelles, suite au manquement à ces règles.
( Assurer la responsabilité des actes et des paroles à l'enfant...)
Contrôler les facteurs de stress chez l'enfant : préparer les changements à l'avance et en
minimiser le nombre (l'informer de ce qui va se passer, pourquoi ? et comment ?, donner du
sens...).
Aider l'enfant à trouver des façons de se calmer lorsqu'il est stressé (par une contenance
physique ou par des paroles rassurantes...)
Faire prendre conscience à l'enfant de ses difficultés, en ménageant sa fierté et en lui donnant
des moyens pour s'améliorer
L'amener à comprendre que les résultats de ses entreprises sont des suites logiques de
stratégies et de moyens utilisés.
Je rajouterais, également ce qui à mon sens peut nuire à l'enfant dans la construction de son
estime de lui-même.
La surprotection.
Le laxisme : le laisser-faire.
Les mots qui blessent comme les sobriquets ou les surnoms moqueurs.
Il est indéniable que l'enfant ne peut faire d'apprentissages moteurs, intellectuels ou sociaux,
sans avoir du succès dans ses entreprises.
Connaître du succès dans son entreprise, est un besoin vital chez tout être humain (permettant
une consolidation de l'estime de soi).
Par là, l'éducateur doit être en mesure de faire prendre conscience à l'enfant, de ses qualités et
de ses habiletés, afin qu'il puisse anticiper du succès dans une activité, qu'il va entreprendre.
Ainsi, je pense que l'éducateur peut aider l'enfant à se fixer des objectifs réalistes, adaptés à
son niveau de développement et à ses capacités.
En effet, lorsque l'enfant échoue, il n'aura pas de plaisir, sera démotivé et par là diminuera son
estime de soi.
Pour s'engager et persévérer dans l'activité qui le motive, l'enfant doit au préalable anticiper
les étapes ou les moyens pour atteindre l'objectif qu'il se fixe.
Il est important que l'éducateur le guide dans cette planification, sans imposer sa façon de
faire.
Cependant pour se réaliser dans un travail, l'enfant doit avoir une certaine autonomie, soit une
capacité de faire des choix et d'en assumer les conséquences, positives ou négatives.
Lors de mon dernier stage pratique en maison d'enfants à caractère social, je me suis investi
dans un projet commun en proposant à l'équipe éducative et aux enfants, de préparer un
spectacle de marionnettes pour la fête de Noël de l'établissement.
Un des objectifs premier, était de trouver un support d'activité qui me permettrait d'entrer plus
facilement en relation avec l'enfant, comme L qui m'évitait souvent, durant la vie quotidienne.
J'ai pu constater, que cet enfant avait du mal à s'intégrer dans le groupe et se griffait
régulièrement dans le visage.
En discutant avec lui le soir, il me disait qu'il était nul, qu'il avait envie de mourir car selon
ses mots " il était l'enfant le plus con de la terre ".
J'avais beau lui dire que non, qu'il était capable, cela ne changea rien.
Dès lors je pensais, que le support des marionnettes pouvait l'aider à s'investir et " positiver
son estime de lui-même... "
Cependant comme le projet n'était pas obligatoire, c'est tout naturellement que L refusa de s'y
investir. Je lui dis que c'était son choix et que les enfants et les adultes l'acceptaient.
Je rajoutais que je trouvais son attitude dommage. Par la suite, nous avons pu noter qu'il a pu
se positionner et prendre une décision qui lui appartenait.
Une semaine après le début du projet, L (qui était d'ailleurs le seul enfant à ne pas s'être
investi) m'interpella en me proposant ses services en qualité de narrateur.
Cette demande me donna l'occasion de le motiver et de positiver cette demande.
Aussi tous les soirs, il me lisait le texte qu'il aurait à dire lors du spectacle. Je l'accompagnais,
le félicitais dans cet ouvrage.
Le résultat final fut très positif, car le spectacle eut un succès lors de son unique
représentation et les enfants étaient très fiers de leurs productions.
Enfin L nous a tous surpris, par son investissement et sa position en tant que narrateur, car
d'une part c'est lui qui avait le texte le plus important à lire et que d'autre part il dut le lire
devant toute l'assemblée présente lors du spectacle, contrairement aux autres qui étaient
cachés derrière un castelet(, cela ne dénigrant en aucun cas la qualité de leurs prestations.).
J'étais satisfait, car L était très fier de sa prestation et il eut les félicitations du directeur et du
chef de service. Par la suite, nous avons pu constater une diminution de son auto-mutilation et
il était ravi lorsque je lui faisais lire quelques lignes le soir, avant qu'il ne se couche.
L venait de (re)trouver une certaine estime de lui dans le cadre d'une activité qui lui a permis
une sécurité affective et physique (Baisse de l'automutilation et nouveau statut dans le
groupe).
L'homme est avant tout un être social. Il semblerait que tout être a le besoin d'appartenir à un
groupe (compagnon, amis, famille etc.).
Se permettre de parler, de philosopher, de rire, de chanter donc de " partager " avec l'autre,
nous apporte un sentiment de complétude et nous permet d'être heureux.
Aussi être apprécié, aimé, considéré, nous aide à faire face à bien de situations traumatiques,
et constituer un facteur dans le processus de résilience.
De plus, si l'environnement social est riche, le réseau relationnel dense, l'enfant pourra trouver
dans les différents groupes (école, amis, activités, internats...) des agents d'identification mais
également jouir d'un sentiment d'appartenance, élément important pour l'estime de soi.
Il est clair que l'appartenance à un groupe, répond à des besoins primaires de l'homme : être
aimé, accepté, compris, estimé voire admiré. L'enfant en particulier, se construit dans l'action
sur et par autrui. Le fait d'appartenir à quelque chose, d'y participer, procure un sentiment de
sécurité, de prestige et de pouvoir.
En outre, à l'intérieur d'un groupe, chacun " joue " un rôle, a une place particulière,
génératrice de reconnaissance et créatrice d'identité.
L'enfant pourra donc puiser dans un groupe, des moyens de s'affirmer et de se distinguer.
Il me semble donc, que ce sentiment d'appartenance constitue un important facteur de
résilience et l'éducateur doit par là, favoriser les relations sociales sans pour autant les lui
imposer.
Lorsque j'ai fait un stage en pédopsychiatrie, en hôpital de jour, j'ai fait le constat que J était
toujours à l'écart et qu'il jouait toujours, tout seul. Un jour il m'avoua qu'il se sentait nul et
qu'il était " une m...de " car personne ne voulait jouer avec lui. Alors, il s'isolait de longues
heures durant dans un coin de la pièce, sans rien faire, à regarder les autres jouer entre-eux
sans le solliciter, tandis que lui essayait de s'intégrer timidement mais les autres le rejetaient,
sans que je n'arrive à comprendre pourquoi. Il n'était pas violent ni " méchant " d'une manière
générale.
Un matin, durant une récréation, j'improvisais un foot dans la cour et les enfants y
participaient volontiers et c'était une éclosion de rires, de bougonneries, de cris...
A un moment (essoufflé), je m'arrête et aperçois J sur un banc, en train de jouer avec son jeu
vidéo.
Je sens cependant, qu'il n'est pas forcément happé par le jeu comme la plupart des enfants et
j'observe qu'il jette des regards furtifs sur ses camarades, qui se ruent sur le ballon.
C'est ainsi, que je le sollicite pour participer. Il me regarde et me dit qu'il n'a pas envie.
J'accepte sa décision.
C'est alors que la balle arrive au niveau de ses pieds. Je lui dis " vas y shoote dans la balle ".
Il s'exécute, pose son jeu sur le banc et se met à courir après la balle. C'est ainsi la première
fois que J joua avec les autres et je pus lire une expression joviale sur son visage, il était
content, et les autres ont accepté sa présence sans le rejeter.
Par là je pense, que se sentir accepté dans un groupe, engendre un sentiment d'appartenance
contribuant à l'estime de soi et qui peut favoriser la résilience. Ainsi J a pu s'intégrer au sein
du groupe d'enfants par l'activité " foot ".
Aussi, il me semble que l'activité peut être un moyen efficace pour permettre à l'enfant de
rentrer en relation et de lui permettre de se sentir exister...
De plus, ce que les autres peuvent nous dire et par extension ce que l'éducateur peut dire à
l'enfant, dans le vif de la relation, ou dans la façon dont il regarde et écoute l'enfant, la façon
dont il le considère, peut aider l'enfant à se définir, à trouver une place et donner un sens à son
existence.
Je pense ainsi, que l'attitude de l'éducateur, a un impact direct sur le processus de socialisation
de l'enfant.
La violence et l'isolement (facteurs de risques), sont des moyens inadéquats que prennent
certains enfants, pour s'adapter au groupe. Par là, l'éducateur peut suggérer des attitudes en
concordance avec des valeurs de démocratie, de négociation, de partage.
Je pense également, que si l'éducateur surprotège un enfant, il lui donne le sentiment qu'il est
incapable de faire face et il pensera qu'il devra constamment attendre des solutions de
l'extérieur et qu'il ne peut s'intégrer au sein du groupe par ses propres moyens.
Trouver un sens à sa vie, c'est peut-être comprendre au fond de soi, que toute vie comporte un
aspect positif. L'ancrage dans la réalité représente le socle de la quête du sens, préserve de
l'illusion et des manipulations, y compris dans le domaine de la foi religieuse, dont les liens
avec la résilience sont analysés.
La découverte du sens, peut être favorisée par de nombreuses manières. " La philosophie "31
pour les enfants, cherche à renforcer leur capacité cognitive, en développant leur pensée dans
différents domaines, et en encourageant des attitudes de respect mutuel et de tolérance. Elle
présente un intérêt très intéressant.
Pour trouver un sens à sa vie, l'enfant a à sa disposition, toute une gamme d'aptitudes qu'il
peut exploiter ou non, et l'éducateur doit être en mesure d'accompagner l'enfant à pouvoir
exploiter ces aptitudes.
Les réseaux sont à préserver impérativement, le tissu social étant menacé par tant de
bouleversements.
6°L'utilisation de l'humour
L'humour, n'est pas forcément une attitude de fuite devant une réalité déplaisante, mais peut
être un recul par rapport à cette réalité permettant de la transformer en un élément plus
supportable. Ses composantes sont multiples, tendresse envers l'imperfection, acceptation
réfléchie de l'échec, renversement de la perspective, paradoxe, jeu...
Pour favoriser la résilience, l'action sera de créer une atmosphère propice à l'éclosion de
l'humour au moyen de jeux, d'activités stimulant ses composantes. Il faut un climat de
confiance. En dehors de ce climat, l'humour pourrait devenir un mode d'agressivité ironique,
menaçant celui qui le pratique, d'un risque d'isolement par rapport à la réalité.
Beaucoup d'auteurs, tel que l'Ethologue Boris CYRULNIK admettent que la dimension de la
créativité serait un facteur pouvant constituer une résilience. Je suis en accord avec cette
hypothèse, car il me semble que la créativité permet à autrui de trouver à un moment donné de
son existence un sens à sa vie, un moyen de lutte, de survie.
De plus, je pense que la créativité permet à l'enfant qui l'acquiert de renforcer son estime de
soi.
En créant, l'enfant se valorise par ce qu'il entreprend, que ce soit du dessin, de la peinture ou
de la musique car il devient acteur de ce qu'il réalise.
Cette créativité, permet également à l'enfant de s'affirmer, de s'identifier, de s'épanouir
positivement et de se sentir libre face aux contraintes extérieures.
Pour ma part, la créativité chez l'enfant constitue également un facteur de protection : créer lui
permet d'échapper à la réalité extérieure, souvent source de souffrance et lui donne un moyen
de fuite vers l'imaginaire où tout est permis, où il pourra (re)construire une réalité imaginaire
plus juste pour lui.
Mais il semblerait que la créativité est plus que cela, en effet lors de mes stages, j'ai très
souvent pu constater, que la mise en mots des traumatismes vécus par les enfants, n'était pas
facile pour eux car si nous y regardons bien, il est difficile d'expliquer ce qui ne va pas et ce
pourquoi l'on souffre, même pour un adulte.
Dès lors, la créativité peut devenir un support à l'expression, de ce qui se passe pour l'enfant et
constituer par là, un moyen plus accessible de dire autrement que par des mots, ce qui nous
touche et ce qui nous affecte. Et ceci par le biais d'une autre forme de langage.
Lors de mon stage d'approfondissement en psychiatrie, j'ai effectué un stage de sept mois dans
le service de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Rouffach dans le Haut-Rhin. Durant ce
stage, j'ai également fait un détachement dans une structure extra-hospitalière rattachée au
service de pédopsychiatrie, au centre d'accueil thérapeutique à temps partiel, se situant à
Cernay.
J'ai participé plus particulièrement à un atelier thérapeutique, intitulé " formes et couleurs ", le
mercredi après midi de 16h à 17h30, avec une éducatrice spécialisée et un professeur d'arts
plastiques.
Dans cet atelier, j'ai fait la connaissance de D, âgé de 13 ans. D vit chez sa mère, avec ses
quatre frères et sœur et le nouveau concubin de sa mère.
Il est également scolarisé dans une sixième S.E.G.P.A33, où il est en grande difficulté de par
son comportement ; refus de l'autorité de ses professeurs, manquement à certains cours, et
violence caractérisée sur certains de ses camarades de classe.
Très vite, j'ai fait le constat que D aimait venir à cet atelier et qu'il était doué dans le domaine
artistique.
Il prenait du plaisir à transformer la matière comme l'argile par exemple.
Un jour D, qui ne parlait jamais de ce qui n'allait pas, nous a tous surpris.
Au travers d'un auto- portrait, qu'il avait réalisé en sculpture, il semblerait qu'il ait pu nous
parler de son mal- être.
En effet, il " baladait " sa sculpture en disant " voici le méchant, que personne n'aime et qui
est là pour emmerder le monde ".
Je lui demandais si " le méchant " c'était lui et il me répondit " oui ", je lui rétorquai " et
pourquoi personne ne l'aime ? " et il me dit " c'est surtout son papa qui ne l'aime pas, car il l'a
laissé tomber et en plus il ne veut même plus le voir "
Au travers d'un atelier sculpture, nous venions de voir que D semblait avoir un sentiment
d'abandon de la part de son père, qu'il vivait très mal cette séparation et que par là, il pouvait
répéter ce sentiment d'abandon et de rejet, dans ses relations avec les autres comme ses
camarades de classe ou ses professeurs, car effectivement la constatation était faite, qu'il avait
énormément de mal à investir d'autres objets et à créer du lien avec son entourage.
A mon sens, sur la durée, le travail qui restait à faire, c'était de lui faire comprendre que ce
n'était pas parce qu'il était méchant que son papa l'avait abandonné et même si son père ne
l'avait pas aimé, il pourrait y avoir d'autres personnes qui pouvaient l'aimer.
D semblait avoir un sentiment de culpabilité dans la séparation avec son père, " c'est parce
que j'ai été méchant que mon père m'a laissé tomber ".
A l'heure actuelle, D ne va plus à l'atelier " formes et couleurs " et il semblerait que D
s'intègre mieux à l'école, qu'il assiste plus souvent aux cours et qu'il voudrait s'engager dans
un apprentissage en cuisine (cuisinier étant le métier de son papa). D semble n'être allé à
l'atelier que pour mettre en mot sa difficulté.
Souvent dans nos pratiques, nous essayons de faire parler les enfants sur leurs ressentis, leurs
malaises, leurs angoisses et bien souvent nous nous retrouvons " face à un mur ".
Par là je suppose que l'éducateur, s'il veut accompagner l'autre vers une résilience, peut
essayer de faire parler l'enfant de son traumatisme en utilisant des supports différents que la
parole, lorsque celle-ci n'est pas en mesure de répondre.
Dans cet exemple, il aura fallu un peu d'argile et de liberté à D, pour mettre en mots des
ressentis, alors que l'équipe éducative ne s'y attendait pas.
Pour ma part, accompagner l'autre dans un " rebond ", c'est aussi comprendre ce qui ne va pas,
et dans ce sens, la créativité peut permettre de dire autrement ce qui se cache...
L'imaginaire est un moyen prodigieux qui peut être utile à l'enfant dans des situations
difficiles. Il lui permet de réfugier dans " un monde bulle ", afin de mieux supporter la réalité
brutale et traumatisante de l'enfant.
En ce sens, je pense que l'éducateur doit laisser de la place à l'imaginaire qui peut également
permettre à l'enfant de se reconstituer des parents idéaux, lorsque ceux-ci sont mal traitants ou
pervers...
Cependant le travail qu'il reste à faire pour l'éducateur, est d'accompagner l'enfant dans la
prise de conscience d'une frontière entre la réalité et l'imaginaire, et ainsi permettre à l'enfant
de rester en rapport avec le réel.
Pour ma part l'activité imaginaire, permet à l'enfant une forme de résilience face au choc
traumatique, lorsque celui-ci est en mesure de savoir, que ce qu'il imagine n'est pas inscrit
dans la réalité.
Ainsi cette prise de conscience, peut empêcher l'enfant de sombrer dans la psychose.
L'enfant placé n'a pas toujours pour objectif et priorité, de briller dans le domaine des
apprentissages scolaires, car il est trop souvent occupé ou préoccupé, par les raisons avérées
ou supposées de son placement.
Ainsi, une quantité non négligeable d'énergie, est dirigée vers d'autres objets pour lui vitaux,
ce qui fait autant de " matière " en moins, pour l'investissement scolaire.
Il me semble par là, que le travail de l'éducateur est parfois, de ce fait, une action à contre
courant et aux résultats limités, une action vouée parfois à l'échec.
Par exemple : forcer le travail scolaire sans tenir compte des préoccupations de l'instant.
L'accompagnement scolaire offre cependant à l'éducateur, l'opportunité de se rapprocher de
l'enfant, dans une démarche individuelle. Il rassure l'enfant quant à ses capacités propres, il est
aussi le garant du matériel scolaire, des cahiers de liaison vérifiés et signés.
Pour accompagner l'enfant, dans la construction d'une résilience, je pense qu'autant que
possible et avec discernement, l'éducateur encouragera l'enfant, à faire seul le travail demandé
par les enseignants.
Il favorisera également l'entraide entre les enfants au sein du groupe, sachant que toute
démarche de solidarité et de générosité, est pour moi porteuse de guérison pour soi-même et
pour l'autre.
Il est vrai que l'école, est le lieu privilégié de rencontres avec d'autres enfants, d'autres
familles. C'est le lieu de socialisation par excellence.
En ce sens l'éducateur doit favoriser la scolarisation, lorsque cela est possible. Beaucoup
d'enfants s'en sortent grâce à l'école.
Conclusion
Nous avons vu que la résilience est un terme Anglo saxon, et qui décrit la capacité d'un
individu à surmonter un traumatisme et aller de l'avant.
Nous avons pu comprendre que pour que ce mécanisme puisse s'opérer, il faut en amont des
facteurs de protections et des mécanismes de défenses, permettant au sujet de se défendre et
d'aller au delà du traumatisme se que l'on nomme le rebond.
Lors de ma formation d'éducateur, j'ai rencontré énormément d'enfants ayant véçus des
traumatismes de différentes nature, et la question était de comprendre quels
accompagnements je pouvais faire auprès d'eux afin qu'ils puissent un jour " s'en sortir ".
Aussi à la fin de mon travail j'émet les hypothèses suivantes pouvant m'aider dans mon travail
et qui concerne l'accompagnement de l'enfant vers ce processus que l'on nomme résilience :
L'accompagnement de l'enfant vers la résilience, repose avant tout, sur une présence de
l'éducateur.
Accompagner c'est en premier lieu donner de son temps, tout simplement être là, à la
disposition de l'enfant, être à son écoute.
Ecouter, c'est déjà essayer de comprendre sans juger, en essayant de mettre en place un cadre
défini, en s'engageant sur la durée, car il est certain qu'un accompagnement quel qu'il soit, a
besoin de temps, de régularité...
Cet accompagnement nécessite également de réfléchir sur la résilience, de la connaître, de
connaître éventuellement sa propre résilience, savoir qu'elle existe, qu'elle peut toujours se
manifester.
Le soutien à la résilience est d'aider l'autre à grandir.
Déjà connaître la résilience, c'est accompagner l'enfant en difficulté importante, avec la
conviction qu'il a en lui des ressources et qu'il va falloir l'aider à s'en servir et notamment en
optimisant les facteurs de protection, de faire en sorte de diminuer les effets des facteurs de
risques, en favorisant l'autonomie et la responsabilisation de l'enfant.
Ainsi, la résilience peut contribuer, en complément d'autres approches, à tenter de comprendre
les formes d'adaptation des individus et permettre aux professionnels d'inventer de nouvelles
méthodes de prises en charge des enfants, dès lors qu'ils sont confrontés à des traumatismes.
En tant que futur professionnel, je dirais qu'un accompagnement vers la résilience pour
l'enfant, nécessite une approche globale de celui-ci en prenant en compte principalement trois
domaines : l'individu (tempérament, personnalité...), ses comportements ( mesures défensives
et destructives) et son environnement relationnel (famille, amis...).
REMERCIEMENTS :
Je tenais à rendre hommage à tous les acteurs qui ont contribuer à m'éclairer dans mes
interrogations, mes doutes et mes questionnements et plus particulièrement Mlle CHOURY
Catherine, Psychothérapeute et Monsieur MATOS Othello, Directeur de mémoire.
Je n'oublierais pas mon entourage proche qui m'a supporté tout au long de ce travail et qui
s'est donné la peine de lire et de corriger mes erreurs.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
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Psychiatry,1994.
HAGGERTY R , SHERROD et al. :Stress, Risk and Resilience in Children and Adolescents,
New York, Cambridge University Press, 1996 .
RUTTER M : Stress, coping and development :some issues and some questions, journal of
child psychology and psychiatry, 1981.
WERNER E, SMITH R.S: Overcoming the odds: high risk children from birth to adulthood,
Ithaca, Cornell university Press, 1992.
ARTICLES
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traumatismes chez l'enfant , revue devenir , juin 2002 pages 77à 92.
Résilience : nouveau concept ou " gadget ", Actualités sociales Hebdomadaires n°2183 , 6
octobre 2000.
BORIS CYRULNIK : la résilience : une vie possible après un traumatisme, revue synapse
n°184, mars 2002.
BORIS CYRULNIK : " rien n'est jamais foutu ", revue Télérama n°2668, 28 février 2001.
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