Memoire Masso Kinesitherapie 2020 TANGUY Paul
Memoire Masso Kinesitherapie 2020 TANGUY Paul
Memoire Masso Kinesitherapie 2020 TANGUY Paul
TANGUY Paul
En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur Kinésithérapeute
Promotion 2016-2020
Session « Juin 2020 »
Remerciements
Je tiens également à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé dans ma réflexion et
qui m’ont permis de mener ce projet à bien, Laurence Alexandre, Magalie Turban,
Emmanuelle Briand, Dr Yohann Alix et Pr Jean-Yves Lereste.
Je remercie mes amis et tous les membres de ma famille pour leur soutien et pour leur
aide à la correction de ce mémoire.
Je dédie ce mémoire à mon grand-père qui me répétait « J’espère être toujours là quand
tu seras diplômé. ».
Liste des abréviations
MK : Masseur-kinésithérapeute.
AT : Alliance thérapeutique.
« …Citation… » : Citation issue d’un article, d’un livre ou d’une autre source
bibliographique.
« …Citation… » : Citation issue des entretiens réalisés dans le cadre de cette étude.
Table des matières
1. Introduction .......................................................................................................................... 1
1.1 Situation d’ancrage .......................................................................................................... 1
1.2 Emergence du questionnement ........................................................................................ 2
2 Cadre conceptuel.................................................................................................................... 3
2.1 La Relation...................................................................................................................... 3
2.2 La relation dans le soin .................................................................................................... 3
2.3 Alliance thérapeutique ..................................................................................................... 4
2.4 Évaluation ....................................................................................................................... 6
2.5 Échelle de l'alliance thérapeutique ................................................................................... 8
2.6 La lombalgie chronique ................................................................................................... 9
3. Problématique et hypothèses ............................................................................................... 12
4. Méthode de recherche ......................................................................................................... 14
4.1 Le recueil des données ................................................................................................... 14
4.2 La procédure d’analyse.................................................................................................. 22
4.3 Les limites de la méthode .............................................................................................. 24
5. Résultats ............................................................................................................................. 25
5.1 Evolution de la pratique professionnelle ........................................................................ 25
5.2 La méthode d’approche des patients .............................................................................. 26
5.3 La représentation de l’alliance thérapeutique ................................................................. 27
5.4 L’évaluation de l’alliance thérapeutique......................................................................... 28
6. Analyse des résultats : ......................................................................................................... 30
6.1 La formation continue au service de la relation avec le patient ....................................... 30
6.2 Les clés de la construction de l’alliance thérapeutique.................................................... 31
6.3 L’alliance thérapeutique, une plus-value à la prise en charge.......................................... 36
6.4 L’alliance thérapeutique, une notion maîtrisée par les MKDE ........................................ 41
6.5 La lombalgie chronique, les particularités de la relation ................................................. 41
6.6 L’évaluation de l’alliance thérapeutique, la variété des méthodes utilisées ..................... 46
6.7 Un modèle d’évaluation fiable de l’alliance thérapeutique, des avis encourageants ......... 49
7. Synthèse des résultats et retour sur les hypothèses ............................................................... 55
7.1 Retour sur les hypothèses de recherche .......................................................................... 55
7.2 Limites et intérêts de l’étude .......................................................................................... 60
7.3 Professionnalisation et axes d’amélioration .................................................................... 62
8. Conclusion .......................................................................................................................... 65
9. Bibliographie ...................................................................................................................... 66
Annexes
Sommaire des tableaux et figures
Tableau 1 : Groupe 1, Masseurs-kinésithérapeutes non formés à l’ETP ...................... 21
Figure 1 : Grille d’analyse d’entretien par méthode verticale (Source : Paul Tanguy,
grille conçue le 02/03/2020) ........................................................................................ 22
Figure 2 : Grille d’analyse par méthode transversale (source : Paul Tanguy, grille
conçue le 02/03/2020) ................................................................................................. 23
Cet article m’avait beaucoup intéressé et m’avait donné envie d’approfondir mes
connaissances sur le sujet de l’effet placebo et des effets contextuels dans la
kinésithérapie. Quand on nous a demandé de choisir un thème de mémoire en fin de
deuxième année, j’ai instinctivement opté pour celui-là.
C’est durant ma troisième année qu’a véritablement émergé mon questionnement. Après
avoir défini mon thème de recherche, je suis passé par une longue période de recherche
documentaire. Au fur et à mesure de mes recherches, j’affinais les limites de mon thème.
En effet « l’effet placebo » qui était mon point de départ a progressivement évolué pour
enfin devenir « l’impact de l’alliance thérapeutique dans la prise en charge en masso-
kinésithérapie ». En poursuivant ma recherche documentaire, j’ai pu constater la
multitude d’études réalisées sur ce thème. Aujourd’hui, c’est une certitude que l’alliance
thérapeutique (AT) a un impact sur l’efficacité des traitements proposés (2). C’est en
lisant des études qui cherchaient à l’objectiver que j’ai constaté l’existence d’échelles
d’évaluation de l’alliance thérapeutique. Ces échelles sont fréquemment utilisées dans les
études et cherchent à mesurer la force de l’alliance qui peut exister entre un thérapeute et
son patient.
Je n’avais jamais entendu parler de ces échelles que ce soit en cours ou durant mes stages.
J’ai donc décidé d’y consacrer du temps pour connaître leur intérêt dans la prise en charge,
leur modalité d’utilisation et leur fiabilité. A la suite de ces recherches je me suis rendu
compte que la plupart de ces échelles étaient des améliorations d’une échelle existante, la
Working alliance Inventory (WAI). Cette échelle existe en forme courte, validée en
français et validée dans le domaine de la kinésithérapie.
1
1.2 Emergence du questionnement
A partir de ces recherches je me suis interrogé sur l’intérêt d’utiliser ces échelles dans
les prises en charge de douleurs chroniques. Nous savons qu’une forte alliance
thérapeutique associée à un traitement augmente ses chances de résultats. Cela m’a fait
réfléchir sur la place importante qu’occupent la relation et la communication dans le
domaine médical. Elles sont aussi importantes que l’expertise et la technique manuelle.
Sachant cela, ne serait-il pas intéressant pour les masseurs-kinésithérapeutes d’évaluer
l’alliance thérapeutique qu’ils construisent avec leurs patients souffrant de douleurs
chroniques ? Cette évaluation leur permettrait-elle de toujours assurer un haut niveau
d’alliance avec leurs patients et donc d’augmenter l’efficacité de leur prise en charge ?
L’utilisation de cette échelle est-elle nécessaire ?
2
2 Cadre conceptuel
2.1 La Relation
Le terme « relation » est défini par le Larousse comme "un lien existant entre des
choses ou des personnes".
La relation aux autres est essentielle à l’existence humaine. Elle est impliquée dans le
développement de la personnalité, mais elle permet aussi la prise de conscience de soi et
celle d’autrui. C’est en prenant conscience de l’existence de l’autre comme un être
extérieur que l’on peut se sentir exister intérieurement (4). Cette vision est issue des textes
de Martin Buber (5) qui considère la relation avec autrui comme indispensable à
l’existence de l’homme, ce qui fait écho aux deux grandes conceptions philosophiques de
l’Homme (6) : le point de vue substantiel qui considère l’homme comme un être
individuel, libre qui apprend de ses propres expériences et le point de vue transcendant
qui considère l’homme comme un être conditionné par sa relation au monde et aux autres
(6). Ces deux conceptions sont recevables, l’homme est, d’une part, un être singulier mais,
d’autre part, il se trouve dès sa naissance lié aux autres.
3
discrète en qui il peut avoir confiance et qui puisse lui donner de bons conseils. De son
côté, le professionnel de santé présente également certaines attentes vis-à-vis de cette
relation : il peut présenter un désir de soulager, de prendre soin d’autrui, un désir
d’affirmer son pouvoir sur les autres, de se faire respecter (8).
4
premiers à démontrer cela dans le champ des thérapies cognitives et comportementales
en 1975 (12).
5
2.3.4 L'alliance thérapeutique dans la kinésithérapie
L'alliance thérapeutique est solidement ancrée dans la kinésithérapie. Elle est
mentionnée à plusieurs reprises dans le paragraphe relatif à la compétence 5 de notre
décret de compétences (16) : « Établir et entretenir une relation et une communication
dans un contexte d'intervention en masso-kinésithérapie », dans lequel il est mentionné
que nous devons « développer une relation de partenariat avec la personne soignée » et
« rechercher et/ou maintenir les alliances thérapeutiques avec le patient tout au long de
l'intervention ».
A l'instar de ce qui s'est fait dans le domaine de la psychothérapie, des études cherchent
à objectiver les variations de résultats que l’alliance thérapeutique peut entraîner pour une
même prise en charge en masso-kinésithérapie. Une revue de la littérature, publiée
récemment, recense plusieurs de ces études et montre ainsi que l'alliance thérapeutique
est un concept tout autant applicable à la kinésithérapie qu'à la psychothérapie (17).
2.4 Évaluation
2.4.1 Définition de l'évaluation
L'évaluation est un concept vaste dont la définition varie en fonction du domaine dans
lequel elle est employée. Par exemple une évaluation de compétences sera différente
d'une évaluation en masso-kinésithérapie. Cependant il est possible de retrouver des
éléments similaires et de proposer une définition rassemblant les éléments communs des
différentes situations. Selon le comité d'aide au développement « L’évaluation est une
fonction qui consiste à porter une appréciation aussi systématique et objective que
possible, sur un projet en cours ou achevé... » (18).
Indépendamment du domaine dans lequel elle est employée, l'évaluation comprend trois
étapes (19) :
6
2.4.2 Le rôle de l'évaluation
L'évaluation n'a de sens que si elle débouche sur des perspectives d'amélioration, de
rétablissement ou de maintien de l’état actuel dans le cadre de processus dégénératifs
(20). Elle doit être une aide à la prise de décision, nous permettant de faire des choix et
définir des objectifs en toute connaissance de cause. « Evaluer signifie aider à
fonctionner, guider, piloter, conseiller, diagnostiquer, faire un audit, faire un état des
lieux et préconiser des améliorations » (19). Face à tant de diversité, le mot « évaluation »
a tendance à perdre sa signification quand il est utilisé seul. C'est pourquoi, souvent, on
l'utilise suivi de l'adjectif du domaine dans lequel il est utilisé.
7
plusieurs temps dans le concept d’évaluation. Une évaluation initiale permet de prendre
connaissance de l'état initial de la situation et de définir des objectifs. Mais les résultats
de l'évaluation s'apprécient également à court terme comme à moyen et long terme afin
de vérifier les gains et leur maintien tout au long de la rééducation ainsi que leurs
répercussions en termes de handicap.
Cette échelle (la WAI) a été développée par Horvath et Greenberg dans le but de
pouvoir évaluer la force d'une alliance thérapeutique (21). La structure de cette échelle se
base sur la définition de l'alliance thérapeutique proposée par Bordin (14), montrant
qu'elle était influencée par trois facteurs interdépendants. Une forme courte de cette
échelle fut proposée également en 1989. Puis une révision de cette dernière fut proposée
8
en 2005 et traduite en 2018 par un étudiant de Brest dans le cadre de sa thèse de médecine
générale (22).
9
Il existe très peu de sources récentes traitant les données épidémiologiques de la
lombalgie chronique, et celles existantes n’aboutissent pas à un consensus sur les chiffres
qu'elles communiquent. Un article relativement récent (26) recense plusieurs sources de
données épidémiologiques. Selon l'enquête démographique et de santé (EDS) (26),
réalisée en 1999, plus de la moitié de la population française comprise entre 30 et 64 ans
aurait présenté un épisode de lombalgie dans les 12 derniers mois. Pour avoir une idée de
l'importance de l'incidence des lombalgies chroniques, cet article affirme que 5 à 10% des
lombalgies deviennent chroniques. Ces chiffres sont confirmés par la Direction Générale
de la Santé (DGS) et l’Inserm (24). Mais selon le site internet lombalgie.fr (27) c'est 10 à
23% des lombalgies qui se deviennent chroniques.
10
2.6.3 Conséquences de la lombalgie chronique
La lombalgie chronique entraîne de lourdes conséquences sur les patients. En effet, le
risque de déconditionnements physique et psychologique est important et la probabilité
de reprise du travail diminue proportionnellement à la chronicisation du symptôme
douloureux (27). Ainsi seulement 40 à 50% des patients reprendront le travail après 6
mois d'arrêt, 15 à 25% après 1 an et presque aucun après 2 ans (24). La lombalgie
chronique a effectivement un impact social et économique important, selon une enquête
réalisée par la Direction Générale de la Santé (DGS) en collaboration avec l'Inserm, les
lombalgies chroniques représenteraient 70 à 80% des coûts liés aux rachialgies(24). Ce
coût serait évalué à 1,4 milliard d’euros et représenterait 1,6 % des dépenses de santé
(24).
11
3. Problématique et hypothèses
L’alliance thérapeutique est reconnue comme étant un facteur corrélé aux résultats
d’un traitement et à l’amélioration des symptômes. De ce fait, elle se doit d’occuper une
place centrale dans toute prise en charge médicale et paramédicale. Afin de s’assurer de
sa qualité, il est possible d’utiliser des échelles d’évaluation de l’alliance thérapeutique.
La kinésithérapie est une discipline qui diffère des autres de par la proximité entre le
thérapeute et le patient et de par la durée du traitement conduisant ses protagonistes à se
côtoyer régulièrement. La qualité du lien, ainsi créé, va d’autant plus impacter le
déroulement et le résultat de la prise en charge que celle-ci s’étendra dans le temps.
Aujourd’hui, dans le domaine des soins chroniques en kinésithérapie, la lombalgie est un
motif récurrent de prescription et de prise en charge (24). Afin d’assurer le meilleur
résultat possible avec des patients lombalgiques chroniques, les masseurs-
kinésithérapeutes diplômés d’état (MKDE) doivent construire une alliance thérapeutique
la plus forte possible. Au vu de ces faits permettant de prendre conscience de l’impact de
l’AT dans le traitement kinésithérapique des lombalgies chroniques, ce travail de
recherche s’intéresse à la question suivante :
Les objectifs de recherche sont : premièrement, faire un bilan de l’état actuel des
connaissances des MKDE libéraux sur l’alliance thérapeutique, sur les facteurs qui
l’influencent et sur leur mise en pratique. Deuxièmement, recueillir l’avis des MKDE sur
les bénéfices que pourrait apporter une évaluation fiable de l’AT à la prise en charge des
patients souffrant de lombalgies chroniques. Enfin, l’objectif de ce travail est de recueillir
les avis des MKDE sur la forme et les modalités de cette évaluation et de les comparer
aux échelles existantes.
12
Hypothèse 3 : L’évaluation de l’AT représenterait un intérêt car elle pourrait
les aider et les guider dans la construction de cette alliance avec les patients.
Hypothèse 4 : Les kinésithérapeutes formés à l’Education Thérapeutique du
Patient (ETP) montreront plus d’intérêt pour l’évaluation fiable de l’AT.
Hypothèse 5 : Les outils existants ne sont pas adaptés à une utilisation clinique.
13
4. Méthode de recherche
Dans ce chapitre je vais expliquer la méthode que j’ai employée pour collecter les
données me permettant de répondre à mes questions de recherche. Pour vous présenter
ma méthodologie de recherche, je suivrai le plan proposé par Pierre Mongeau, dans son
livre réaliser son mémoire ou sa thèse (33), qui divise cette partie en deux étapes
successives. Je commencerai par vous présenter la méthode que j’ai employée pour
recueillir les données, puis je vous décrirai la procédure d’analyse de ces données.
Toutes ces interrogations sur ce thème ont alimenté ma réflexion et ma curiosité tout
en m’aidant à déterminer ma méthode de recherche. Mon interrogation première était de
savoir pourquoi ces échelles, validées scientifiquement, ne sont pas utilisées en
kinésithérapie ? Pour cela, il me fallait d’abord m’intéresser à ce que pourrait représenter,
pour les kinésithérapeutes, l’évaluation de l’alliance thérapeutique avec leurs patients. La
méthode de recherche qualitative semblait être la méthode la plus adéquate. Elle
constituait un outil de mesure intéressant car, contrairement à la méthode quantitative,
elle me permettait de comprendre les raisons, motivantes ou non, pour un kinésithérapeute
de pratiquer cette évaluation. Une étude similaire a déjà été réalisée en 2016 par des
internes en médecine générale de la faculté de Brest dans le cadre de leurs thèses de
doctorat (34,35). Il s’agissait d’études quantitatives. Leur objectif était d’évaluer
l’acceptabilité d’une échelle mesurant l’alliance thérapeutique auprès des internes en
médecine générale de Brest. Le second objectif était d’évaluer leur adhésion à l’utilisation
14
de cette échelle dans leur pratique courante. Les résultats de la première étude (34)
montraient que la population interrogée était en désaccord ; seulement 50 % des personnes
interrogées étaient favorables à l’utilisation de ces échelles avec leurs patients dans leur
pratique future. Au vu du résultat de cette étude, la recherche par méthode qualitative
était, selon moi, plus intéressante pour, tout d’abord, savoir si l’avis des MKDE était
similaire à celui des internes de médecine générale, et surtout pour avoir une
compréhension et une justification de ce phénomène et de ces résultats.
15
4.1.2 Réalisation des entretiens
Différents facteurs ont impacté la réalisation des entretiens semi-directifs,
notamment le contexte et le cadre des entretiens.
B) Le moment
Tout comme pour le lieu, le cadre temporel de l’entretien était déterminé en accord
avec l’interrogé. Le créneau horaire devait être suffisamment long pour assurer le
déroulement complet de l’entretien et permettre à l’interrogé d’aborder tous les sujets
qu’il souhaitait sans empressement. Il était donc demandé aux interrogés de prévoir un
créneau de 45 minutes. Cette durée approximative fut déterminée à la suite d’un entretien
test réalisé le 14 décembre 2019 qui a duré trente-deux minutes. La date était
généralement choisie par l’interrogé, en fonction de son planning et de son organisation.
L’ensemble des entretiens s’est déroulé entre le 14 décembre 2019 et le 13 février 2020.
C) La mise en confiance
17
4.1.2.2 Le guide d’entretien
A) Construction du guide d’entretien
Durant les entretiens, quatre thèmes principaux étaient abordés avec les participants.
Chaque thème était traité par différentes questions directement posées à l’interrogé. Le
premier thème n’était pas destiné à être analysé, il permettait de lancer l’entretien en
invitant l’interrogé à parler de son parcours professionnel. Il permettait également
d’obtenir des éléments de contexte pour analyser les autres questions. Les thèmes abordés
sont les suivants :
18
L’évolution de la pratique professionnelle : Ce thème s’intéresse au parcours
de formation et au parcours professionnel de l’interviewé, ainsi que la manière
dont sa pratique a pu évoluer, notamment en ce qui concerne l’aspect
relationnel avec le patient.
La méthode d’approche des patients : Ce thème explore la manière dont le
kinésithérapeute tente de créer une relation soignant-soigné optimale avec le
patient et les stratégies qu’il utilise afin de favoriser l’alliance thérapeutique.
La représentation de l’alliance thérapeutique : Ce thème a pour objectif de
comprendre la vision que le kinésithérapeute a de l’alliance thérapeutique et
l’importance qu’il y consacre.
L’évaluation de l’alliance thérapeutique : Dans ce thème, il est question de
savoir si l’interrogé évalue l’alliance thérapeutique créée avec son patient et
l’intérêt que cela pourrait représenter dans sa pratique.
Ces critères d’inclusion ont été déterminés pour différentes raisons. A l’origine, la
population interrogée ne devait être constituée que de MKDE ayant suivi la formation
ETP car cette formation met en avant « l’échange et la coopération avec le patient ». (36)
Il semblait donc plus simple de recueillir leur avis sur l’intérêt de l’évaluation de l’alliance
thérapeutique car c’est un domaine qu’ils maîtrisent. Mais à la suite d’un échange avec le
19
Docteur Lereste de la faculté de médecine de Brest, il m’a fait remarquer que l’échelle
qui m’a servi de point de départ pour mon questionnement (la WAI) est validée en
français (37) et est censée être utilisable par n’importe quel professionnel de santé.
Intégrer des MKDE non formés à l’ETP dans la population interrogée permettait, donc,
de définir de nouveaux objectifs, à savoir :
Faire un état des lieux des connaissances des MKDE libéraux sur l’alliance
thérapeutique.
Comparer les opinions des deux populations.
B) Méthode de recrutement
La prise de contact s’est faite par mail ou par appel téléphonique. Au total, quatorze
masseur-kinésithérapeutes ont été contactés, et parmi eux, neuf répondaient aux critères
20
d’inclusion et souhaitaient participer à cette étude. Les cinq autres MKDE contactés n’ont
pas été inclus soit parce qu’ils ne répondaient pas aux critères d’inclusion, soit parce qu’ils
ne souhaitaient pas être interviewés.
21
4.2 La procédure d’analyse
ENTRETIENS
ENTRETIENS
Entretien A Interprétation
THEMES
THEMES
L’évolution de la pratique
professionnelle
Parcours professionnel A1 : « …………. » Interprétation sous-thème 1
Parcours de formation continue A2 : « …………. » Interprétation sous-thème 2
La méthode d’approche des
patients
Evolution de l’approche des patients A3 : « …………. » Interprétation sous-thème 3
Place du patient dans le soin A4 : « …………. » Interprétation sous-thème 4
Construction de la relation de soin A5 : « …………. » Interprétation sous-thème 5
La représentation de
l’alliance thérapeutique
Impact de l’alliance thérapeutique A6 : « …………. » Interprétation sous-thème 6
Importance consacrée à l’alliance A7 : « …………. » Interprétation sous-thème 7
thérapeutique
Particularités de la lombalgie A8 : « …………. » Interprétation sous-thème 8
chronique
L’évaluation de l’alliance
thérapeutique
Méthode d’évaluation actuelle A9 : « …………. » Interprétation sous-thème 9
Apport de l’évaluation objective A10 : « …………. » Interprétation sous-thème 10
Avis sur son utilisation A11 : « …………. » Interprétation sous-thème 11
Modalités d’utilisation A12 : « …………. » Interprétation sous-thème 12
Limites de l’évaluation A13 : « …………. » Interprétation sous-thème 13
22
entretien fut associé à une lettre en suivant l’ordre alphabétique (A I) et chaque phrase
qui en était issue fut numérotée. L’ensemble des idées et témoignages ainsi recueillis ont
ensuite été interprétés. L’interprétation se basait sur l’identification, pour chacun des
thèmes, de « pattern » et de modèles connus. L’ensemble de ces patterns était recensé
dans la troisième colonne du tableau.
23
Figure 2 : Grille d’analyse par méthode transversale (source : Paul Tanguy, grille conçue le 02/03/2020)
23
4.3 Les limites de la méthode
Comme le souligne Geneviève Imbert « L’entrevue implique une dynamique
conversationnelle au cours de laquelle le chercheur et le répondant sont en interaction
susceptible de générer trois biais : les biais liés au dispositif de l’enquête, les biais
associés à leur situation sociale respective et les biais qui sont rattachés au contexte de
l’enquête » (38). Ici, le principal biais serait rattaché au contexte de l’enquête. En effet
tous les entretiens ne se sont pas déroulés dans le même cadre puisque quatre d’entre eux
ont été réalisés par téléphone ou visio-conférence. Cela diminuait la proximité entre les
deux interlocuteurs et impactait la communication, puisque des éléments tels que la
gestuelle ou le langage para-verbal n’étaient pas perçus.
Un autre biais, cette fois lié à la situation sociale, peut-être identifié dans cette étude.
En effet, six des neuf entretiens ont été réalisés avec des MKDE intervenant à l’IFMK
et/ou connaissant l’intervieweur. Il en résulte qu’une relation de confiance pouvait déjà
exister entre l’intervieweur et certains interrogés, facilitant donc la communication entre
eux. Cette proximité se manifestait durant les entretiens par l’usage du tutoiement et
l’utilisation d’expressions et d’analogies plus familières que lors des entretiens avec des
inconnus.
Le dernier biais constaté dans cette étude est en lien avec le dispositif de l’enquête et
porte sur le nombre d’entretiens réalisés. Au total, l’étude comprend neuf entretiens, il
s’agit donc d’un échantillon de taille faible, non représentatif et dont les résultats ne sont
pas généralisables.
24
5. Résultats
5.1 Evolution de la pratique professionnelle
Tableau 3 : Résultats des entretiens ; thème 1 : « Evolution de la pratique professionnelle » (Source : Paul Tanguy ; tableau conçu le 18/03/2020)
A B C D E F G H I
Début de carrière par deux Début de carrière en salariat Activité exclusivement Activité exclusivement Activité exclusivement Parcours exclusivement Parcours exclusivement Parcours exclusivement Carrière exclusivement
années de remplacement en dans un centre de libérale jusqu'en janvier libérale depuis l'obtention du libérale, de 1995 à 2010 libéral avec au début des libéral, début de carrière par libéral avec un début de libérale.
libéral à Brest. Suite à cela, rééducation spécialisée en 2018. Début d'une activité diplôme d'état. Début de principalement des remplacements et des deux années de carrière en remplacement
un an en salariat en centre de neurologie. Puis installation mixte en janvier 2018 (à la carrière en remplacement, remplacements et des assistanats puis une remplacement puis puis des assistanats.
rééducation fonctionnelle. en libéral. fois libérale et salariée d'une puis assistanat et associée. assistanats et à partir de 2010 installation à son compte. installation à son compte. Actuellement c'est son
Parcours Professionnel En suite quatre années association prévention) installation à son compte. deuxième assistanat.
d'assistanat dans un autre
cabinet liébral puis
installation à son compte en
libéral depuis trois ans.
Formations suivies: Thérapie Formations suivies: Formations suivies: Diplôme Formations suivies: Formations suivies: Thérapie Formations suivies: formation Formations suivies: Formations suivies: Master 2 Formations suivies:
manuelle, thérapie manuelle Formations liées à la d'ostéopathe, Master 2 en Certification Mckenzie, manuelle, uro-gynéco, fascia-thérapie, diplôme Formation Sohier, recherche en STAPS, Certification Mckenzie,
du rachis, thérapie manuelle prévention en entreprise à science de l'éducation, diplôme universitaire en formation en kinésithérapie universitaire de rééducation périnéale et formation kinésithérapie du Master 2 en sciences
Parcours de formation orthopédique, formation kiné ouest prévention. diplôme universitaire réhabilitation respiratoire, respiratoire, Master 2 science kinésithérapeute du sport, formation au stretching sport, formation sur le humaines et sociales et
continue "parlons douleur". Formation CGE. Début de d'ergonomie et formation formation ETP. de l'éducation et formation diplômed'ostéopathe. postural. contrôle moteur et formation diplôme d'ostéopathe.
certification Mckenzie ETP. ETP. neurodynamique.
25
5.2 La méthode d’approche des patients
Tableau 4 : Résultats des entretiens ; thème 2 : « La méthode d’approche des patients » (Source : Paul Tanguy ; tableau conçu le 18/03/2020)
A B C D E F G H I
Evolution constatée grâce à Evolution constatée sur la Evolution constaté, modulée Evolution constatée grâce au Evolution constatée. Prise de Evolution constatée, surtout Evolution constatée. Evolution constatée, Evolution constatée,
l'expérience et à son pratique, gros impact des par son expérience et ses parcours de formations. conscience quel'aspect à ses débuts, le temps de L’expérience permet de notamment grâce aux principalement grâce au
parcours de formations formations sur sa prise en formations. Prise de Evolution vers une prise en technique ne suffisait pas, prendre ses marques. Ne faciliter l’approche et la formations qu’elle a pu parcours de formations
continues. Plus d'attention charge. Passage d'une prise conscience d'un manque charge active, favorisant il lui fallait autre chose pour considère pas que son relation avec les patients. faire. Prise de conscience de continues. Gros impact de la
portée aux objectifs des en charge passive vers un malgré les connaissances l'adhésion du patient et sa se sentir efficace. Parcours de parcours de formations a eu Evolution surtout sur la prise l’importance de prendre le formation McKenzie qui l'a
patients et à leurs traitement actif favorisant la techniques. Evolution vers participation active. formations centré sur le un grand impact sur ses en compte des attentes des temps, notamment lors du fait passer d'une prise en
représentations des participation et l'adhésion un traitement actif en Education du patient. relationnel. Nécessité compétences relationnelles. patients confrontés à leurs bilan, pour construire une charge passive à la
La formation continue
douleurs. du patient au traitement. favorisant la participation et Définition des objectifs du d'accompagnement et Il a toujours eu une certaine besoins (ce qu’elle estime alliance thérapeutique. Prise recherche de la
au service de la relation
Prise de conscience de l'adhésion du patient. patient. Recherche de ce que d'éducation des patients. facilité avec les patients. être nécessaire pour eux, de conscience de participation du patient.
avec le patient
l'apport de connaissances le patient attend, ce qu'il Evolution constatée dans la c’est elle qui imagine les l’importance des attentes du Prise de conscience de
au patient. veut. Prise en charge du recherche de la besoins des patients). patient. l'importance des
patient dans sa globalité. participation du patient et représentations du patient
dans le contrat d'objectifs et de ses craintes.
partagés.
Niveau d'engagement
Collaboration Partenariat Partenariat Partenariat Partenariat Partenariat Collaboration Collaboration Partenariat
privilégié
Importance du temps de Importance du temps de Questions ouvertes, Importance du bilan. Favoriser le discours du Cherche à impliquer le Elle se construit grâce à un Temps de bilan important Confiance +++ Feed-back
bilan et d’interrogatoire, bilan, ça permet de montrer favoriser le discours du Ecoute du patient. Pris en patient, écoute active, patient au maximum dans la temps de bilan. Nécessité pour construire cette du patient. Elle cherche
favoriser la libre expression au patient qu’on s’intéresse à patient avant tout. Définition compte dans sa globalité, expression de son état et de prise en charge, cherche d’intégrer les attentes du relation, laisser le patient l’adhésion du patient au
du patient, écoute active, ce qu’il a et c’est un temps d’objectif avec le patient, aspects sociaux, ses attentes, place importante l’adhésion et la participation patient mais ne pas faire que parler au maximum, montrer traitement. Elle cherche à
vision globale du patient où on l’autorise à parler de contrat d’objectif. pathologiques et du bilan mêlé à une du patient à un traitement. ça. Contrat entre ce que le au patient qu’on a entendu et connaître et comprendre au
(prendre en compte son ses douleurs. Favoriser psychologiques. Expliquer le communication riche. Place importante de patient attend et ce que le compris son discours maximum son patient en le
environnement, sa vie), l’échange et l’écoute du fonctionnement du Contrat d’objectifs avec le l’interrogatoire pour cerner thérapeute veut lui faire faire. (reformulation). Elle questionnant sur ses
impact non négligeable de patient. Recherche de thérapeute et expliquer les patient. le patient (son tempérament) Laisser le patient parler, le cherche à recueillir les représentations et en lui
Les clés de la l’environnement de soin l’adhésion du patient dès la raisons des actes et des afin de s’adapter à son laisser dire tout ce qu’il a attentes du patient et à apportant des
construction de favorisant le dialogue et la première séance. Le temps de bilans. Encouragement, fonctionnement et favoriser envie de nous dire.Ca passe formuler des objectifs en connaissances. Elle respecte
l'alliance thérapeutique relation, expliquer l’intérêt bilan est aussi un temps demander son ressenti au son adhésion. Notion aussi par la prise en compte fonction de ses attentes. les représentations du patient
et objectif des tâches d’éducation, on apporte patient et évaluer son d’éducation et d’apport du des objectifs du patient. Ecoute active du patient et s’intéresse à ce qu’il
demandées au patient quelque-chose au patient. implication dans le kiné, expliquer pourquoi on Une partie de la relation est (non mentionnée mais pense. Notion de
Recherche du feed-back du traitement. propose tel ou tel chose au créée déjà avant la première présente). Responsabiliser communication centrale,
patient pour construire ses patient et lui expliquer sa séance car dans la majorité progressivement le patient d’écoute, de compréhension
séances. pathologie toujours afin de le des cas le patient ne vient pas (montrer qu’elle lui fait et d’accompagnement.
rendre acteur de sa prise en au hasard dans ce cabinet. confiance ) tout en
charge. l’accompagnant
(partenariat ).
26
5.3 La représentation de l’alliance thérapeutique
Tableau 5 : Résultats des entretiens ; thème 3 : « La représentation de l’alliance thérapeutique » (Source : Paul Tanguy ; tableau conçu le 18/03/2020)
A B C D E F G H I
L'alliance thérapeutique L'alliance thérapeutique L'alliance thérapeutique L'alliance conditionne L’alliance thérapeutique L’alliance thérapeutique L’alliance thérapeutique L'alliance thérapeutique va L'alliance est une relation de
conditionne le succès de la conditionne le succès de la permet d’impliquer le patient l’efficacité du traitement, si influence le résultat de la facilite la prise en charge permet d’améliorer la impacter le résultat de la confiance qui permet de
prise en charge car elle prise en charge par dans sa prise en charge et de pas d’alliance alors prise en charge, contrat car confiance mutuelle entre qualité de la prise en prise en charge, sans alliance responsabiliser le patient et
influence sa satisfaction et l’observance et l’adhésion le rendre responsable. traitement inefficace. permettant de se mettre les deux protagonistes. Le charge des patients en alors les résultats espérés ne qui assure sa participation
son adhésion le patient est du patient au traitement. Amélioration donc de L’alliance permet de créer un d’accord sur les objectifs, kinésithérapeute connait son l’adaptant aux problèmes, seront pas atteints. Elle va et son adhésion au
directement impliqué dans sa l’adhésion du patient et de contrat entre les deux et sur les moyens. Prise en patient, il sait quoi lui aux attentes du patient. Cela impacter les résultats car elle traitement. C’est donc un
prise en charge car c’est lui son observance au protagonistes, chacun charge adaptée favorisant proposer et le patient adhère permet donc de personnaliser va favoriser la point capital qu’elle cherche
L'Alliance thérapeutique, qui décide ce qu’il préfère traitement. Impact donc sur s’implique dans le adhésion. plus facilment à ses la prise en charge pour la participation et l’adhésion à obtenir dès la première
une plus-value à la prise en faire. le résultat de la prise en traitement (adhésion + propositions. Cela facilite la rendre plus efficace. du patient au traitement. séance. Cette alliance va
charge charge. observance). prise en charge, de plus les donc participer au résultat
informations recueillies sur le final de la prise en charge en
patient permettent de favorisant l’implication du
personnaliser les soins. Donc patient dans son traitement.
ici on a encore une notion
d’amélioration du résultat
par une amélioration de la
qualité de la prise en charge.
Place centrale, aussi Place centrale, base de la Centrale, importance Place centrale dans la prise Très importante, presque Plus d’importance Place importante, nécessaire Place importante consacrée Aussi importante que
importante que la prise en prise en charge. consacrée presque aussi en charge plus importante que l’aspect consacrée à l’aspect à la réussite du traitement. l’aspect technique car elle
L'importance de l'alliance charge technique. importante qu’aspect technique. technique de la prise en va également participer à la
thérapeutique dans la technique charge, pas convaincu que réussite de la prise en charge.
hiérarchie des valeurs l’aspect relationnel soit
professionnelles indispensable dans la réussite
d’un traitement.
Facteurs psycho-sociaux à Prise en charge longue, Gros vécu thérapeutique, Gros vécu médical et grosse Patients avec des croyances Difficulté de rendre le Prises en charge plus longues Plusieurs particularités constatées, Patients qui ont besoin d’être
prendre en compte, risque de lassitude de la représentation et croyance expérience de soin. et des représentations patient acteur de son que pour d’autres patients, la la première c’est la kinésiophobie, rassurés et accompagnés. Ce
ce qui entraine une nécessité d’être sont des patients qui ont souvent
comprendre représentations prise en charge. Prise en forte chez ces patients, Facteurs psycho-sociaux spécifiques, il faut prendre traitement, souvent, à cause pathologie est influencée par
accompagnés et rassurés, plus un très long passé de
et savoir du patient, auto- compte des croyances et nécessité de prendre en importants, nécessité de les en compte ces croyances et des douleurs chroniques, il des facteurs autres que que d’autres patients. On retrouve consultations et de prises en
prise en charge difficile, représentations des patients compte ces croyances pour prendre en compte mais ils accompagner le patient en attend surtout un traitement mécaniques. Chaque patient également des représentations et charge médicales en tout genre. Il
motivation fluctuante. et nécessité de les les intégrer à la prise en peuvent nous déstabiliser. lui apportant également passif. La particularité c’est a un profil différent donc il y des croyances fausses d’où la y a aussi tout un aspect psycho-
déconstruire. Contexte charge. Gros impact social Patients qui ont besoin d’être d’autres informations. donc un décalage entre ce a une nécessité de nécessité d’apporter des social qu’il faut prendre en
psycho-social particulier aussi sur la qualité de vie. accompagnés, soutenus et Place délicate qu’attend le patient et ce que comprendre cette connaissances à ces patients sur compte, d’où l’aspect essentiel de
leur corps, sur leur pathologie. Ce connaître les inquiétudes de son
La lombalgie chronique, avec incompréhension encouragés. d’accompagnant sans tout le thérapeute veut lui faire singularité pour le prendre
sont souvent des patients qui patient. Elle estime qu’elle doit
les particularités de la sociale et manque de apporter au patient mais en faire car il est convaincu que en charge. pensent qu’il ne leur faut que du énormément guider ses patients,
relation reconnaissance. l’incitant à modifier ses c’est ce qui est bien pour lui. traitement passif, ça fait aussi parti elle fait des retours avec eux sur ce
représentations. Il y a donc une nécessité de de l’éducation. qui s’est passé entre chaque
déconstruction des La dernière particularité c’est que séance, elle les encourage et elle
attendus de base et une mise la lombalgie peut facilement être essaye de leur faire prendre
en accord sur les objectifs de multifactorielle, influencée par des conscience régulièrement des
facteurs psycho-sociaux. progrès qu’ils font.
la prise en charge.
27
5.4 L’évaluation de l’alliance thérapeutique
Tableau 6 : Résultats des entretiens ; thème 4 : « L’évaluation de l’alliance thérapeutique » (Source : Paul Tanguy ; tableau conçu le 18/03/2020)
A B C D E F G H I
Pas d’indicateur utilisé, pas Pas d’outil utilisé, Pas d’indicateur objectif Pas d’évaluation objective Evaluation de façon Evolution de l’état du Evaluation subjective, le Evaluation subjective, pas Elle n’utilise pas d’échelle
de connaissance de évaluation subjective grâce utilisé. Evaluation subjective réalisée. Evaluation subjective, pas connaissance patient, si le patient atteint patient se livre plus d’outil utilisé, elle se base ou d’indicateur, elle se base
l’existence d’échelle au comportement du patient basée sur le ressenti du subjective de cette relation de l’échelle de l’alliance ses objectifs. L’implication facilement, il recommande à sur le retour oral des sur le retour des patients (ce
utilisable, évaluation et à ses propos. Si alliance patient, sur sa participation par l’évaluation de thérapeutique. Cette des patients, est-ce qu’ils d’autres personnes de venir patients, satisfaction ou non qu’elle disait avant comme
subjective, au feeling et grâce diminue alors le patient a (adhésion et observance) et l’implication du patient dans évaluation subjective porte adhèrent à ce que le kiné a voir ce kiné. Si les résultats et adhésion au programme quoi elle demandait au
à l’échange avec le patient. moins d’observance et il se sur la qualité des échanges. sa prise en charge son sur la capacité du patient à pu proposer ? Il y a sont au rendez-vous alors d’auto-rééducation. Cette patient comment ça se passait
Elément déterminant = livre moins adhésion et son avancée par s’exprimer sur son ressenti, également un intérêt porté au c’est bon signe. Plus de adhésion est évaluée en entre les séances) et tient un
ressenti du patient sur rapport aux objectifs. Feed- son partage, il échange avec retour du patient sur ce que facilité à repérer quand ça ne demandant au patient de « journal » dans lequel elle
Evaluation l'alliance
l'évolution de la prise en back ressenti du patient sur le kiné, sentiment qu’il est le kiné lui propose. Et va pas. A ce moment-là le remontrer les exercices mis relate ce qui se passe à
thérapeutique, la
charge, observance du la prise en charge. intéressé et qu’il s’implique également une notion de patient ne s’investit pas en place avec le kiné, s’il chaque séance, permettant de
variété des méthodes
patient et investissement dans dans la prise en charge. recommandation, si le patient suffisamment dans le n’est pas investi dans le se souvenir de l’évolution de
utilisées
le traitement. recommande à d’autres traitement et n’adhère pas à programme il ne se souvient la prise en charge. Une de ses
personnes de venir voir ce la rééducation. pas des exercices. manières de se rendre compte
kiné c’est que la relation est que l’alliance n’est pas
bonne. bonne c’est lorsque le
patient aura tendance à ne
plus venir à ses rendez-vous,
à en oublier.
Gros intérêt dans la remise Remise en question, détecter Intérêt personnel. Intérêt Permettrait l’évaluation Intéressant car permettrait de Permettrait de se remettre en Elle n’y voit pas un grand Evaluation personnelle, Intérêt dans la remise en
en question, objectiver une le moment ou l’alliance n’est énorme pour éviter de perdre objective d’une donnée qui se remettre en question, question, de s’assurer que la intérêt, elle pense se remettre permettrait une remise en question ou la confirmation
donnée qui, jusque-là, était pas bonne et ou on risque de un patient, repérer quand la jusque-là restait subjective. savoir si on ne se trompe pas. relation est bonne. Objectiver en question suffisamment et question et de donner des de la création de l’alliance :
évaluée à l’instinct. Utiliser perdre en efficacité. relation se dégrade et agir en Connaître l’état de notre Permettrait d’évaluer sa une valeur subjective et fait confiance à son instinct. pistes si l’alliance ne se crée savoir si on est sur la bonne
comme bilan. Si résultat conséquence, donc ça relation avec le patient, et pratique et de corriger sa adapter la prise en charge en pas avec un patient. A la fois voie ou s’il faut qu’on
négatif, correction de ce qui permettrait de corriger ça. savoir comment s’améliorer relation avec le patient. fonction. savoir avec quel patient il change d’approche avec un
n’a pas été. (mentionné un peu plus tard Objectiver une donnée qui faudrait revoir l’approche et patient.Cela permettrait de
Evaluation objective de dans les limites) jusque-là n’était que recrée une alliance et rassurer le thérapeute et de
l'AT, l'apport à la prise subjective ou ressenti. comment faire (sur quel ne pas avoir de mauvaise
en charge points insister). Ça lui surprise. Dans le cas où la
permettrait aussi d’avoir plus relation n’est pas optimale ça
de facilité avec certains permettrait au thérapeute de
profils de patients, avec qui, comprendre pourquoi il
d’habitude, ça ne passe pas. n’arrive pas à avoir de
Lui donner de nouvelles résultat et de trouver des
armes. façons de s’améliorer.
Avis favorable à son Avis favorable à son Avis favorable Avis favorable Avis favorable à son Intéressant, mais tâche Ne l’utiliserait pas. Elle dit que l’outil pourrait Avis positif
Evaluation objective de utilisation utilisation. utilisation. laborieuse à faire représenter un intérêt à la
l'AT, l'avis des régulièrement. Trouve le prise en charge mais elle ne
professionnels principe intéressant mais ne dit pas clairement qu’elle
se voit pas l’utiliser. l’utiliserait.
28
Tableau 7 : Résultats des entretiens ; thème 4 : « L’évaluation de l’alliance thérapeutique » (Source : Paul Tanguy ; tableau conçu le 18/03/2020)
A B C D E F G H I
Utilisation régulière, Intégrer cette évaluation au Utilisation à des moments Thème non abordé durant Utilisation similaire à un Thème non abordée car Thème non abordé et non Thème non abordée durant Utilisation similaire à un
couplée à un bilan, associée bilan, utiliser au bout d’une clés tout comme un bilan, l’entretien bilan, utilisée à intervalle avis mitigé sur intérêt de abordable car l’interrogée cet entretien. bilan, permettant de
à une évaluation subjective à dizaine de séance après le quand il y a un sentiment de réguliers, comme une l’utilisation ne voit pas l’intérêt comprendre ce qui n’a pas
Evaluation objective de chaque séance. début de la prise en charge. changement dans la situation. évaluation de sa pratique. d’utilisation de l’échelle. été et de réaxer la prise en
l'AT, les modalités Nécessité d’expliquer Objectiver un ressenti, charge et la relation entre les
d'utilisation l’intérêt de son utilisation au objectiver une évaluation deux.
patient. subjective.
Evaluation biaisée par le fait Chronophage, demanderait Thème non abordé durant Il faut que ce questionnaire Tâche fastidieuse, surtout si Tâche fastidieuse. Intérêt que Non abordée car la raison Si on constate des difficultés Thème non abordé
que le kiné soit aussi beaucoup de rigueur chez le l’entretien permette de définir des elle est ajoutée à une si l’outil permet d’aider à de la non-utilisation est un dans la création de la
l’évaluateur, le patient kiné et le patient donc gros objectifs d’amélioration. multitude de bilans. s’améliorer, savoir comment ressenti personnel, elle ne relation, il faudrait que
risquerait de ne pas être risque de ne pas s’en servir Sinon intérêt limité rattraper la situation. Ce ne pense pas en avoir besoin. l’outil donne les solutions
100% honnête. sera pas un outil miracle, pour s’améliorer.
avec certains patients tu as
Evaluation objective de beau faire tout ce que tu
l'AT, les difficultés de veux, prendre en compte
mise en place
leurs objectifs et les intégrer
dans la prise en charge ça ne
passera pas donc que faire
dans ces situations ?.
29
6. Analyse des résultats :
6.1 La formation continue au service de la relation avec le patient
Les participants à l’enquête ont tout d’abord été questionnés sur leur évolution en ce
qui concerne l’approche des patients et la construction d’une relation avec eux. L’objectif
était de mettre en évidence l’impact de l’expérience professionnelle sur leur capacité à
créer un lien avec leur patient.
Sur les neuf MKDE interrogés, tous ont constaté une évolution dans leur façon d’aborder
les patients et dans leurs démarches durant les premières séances avec eux. Une majorité
associe cette évolution à une modification de leur attitude et de leur discours envers les
patients.
Hormis la formation ETP, des formations communes ont pu être identifiées chez les
kinésithérapeutes participant à l’étude. Sur les neuf interrogés, quatre d’entre eux ont
suivi la certification Mckenzie, et trois ont obtenu un diplôme d’ostéopathe.
Il est intéressant de constater, chez une majorité des interrogés, une idée commune : il
semblerait que leur parcours de formation continue ait eu un impact non négligeable sur
leur pratique professionnelle et sur leur approche des patients. «Probablement que
pendant une bonne dizaine d’années j’étais dans le soin où c’est moi qui allais vraiment
tout apporter au patient et j’étais assez peu dans le partage. Et ce sentiment de ne pas y
arriver de ce point de vue-là, m’a poussé à m’intéresser à l’éducatif et à la prévention.
Donc c’est pour ça que petit à petit j’évolue, moi on m’aurait parlé de l’alliance
thérapeutique il y quatre ou cinq ans, je ne savais même pas ce que ça voulait dire. ». Le
témoignage de Virginie apporte deux nouveaux éléments. Tout d’abord il s’avère que le
terme « alliance thérapeutique » ne soit pas universellement connu chez les MKDE. Et
dans un second temps, il apparaît que sa maîtrise du sujet lui vienne de ses formations
complémentaires et non de sa formation initiale. Il semblerait que cette opinion soit
partagée par d’autres MKDE. Car on retrouve un discours similaire chez Eléonore
« Alors, mon approche des patients a beaucoup évolué du fait qu’à mon époque la
formation initiale n’était pas très orientée sur toutes ces notions d’éducation, d’auto-
traitement, de motivation du patient, etc. Donc c’est vraiment grâce à mes formations que
ma prise en charge a évolué. ». Ces deux témoignages ne sont pas des cas isolés, plusieurs
autres participants de l’étude ont affirmé que l’évolution de leur approche était
principalement liée à leur parcours de formation continue. Il peut donc être intéressant
30
d’étudier leur contenu de formation initiale. Tous les kinésithérapeutes interrogés ont
obtenu leur diplôme d’état entre 1995 et 2014. Cela signifie que leur programme de
formation initiale dépendait, pour tous, de la réforme de 1989. En comparant les
programmes de formation issus de la réforme de 1989 (40) et de celle de 2015 (41), on
ne peut pas objectivement tirer de conclusion sur une différence de volume horaire
consacré à la psycho-sociologie entre les deux programmes. En effet le programme de
1989 consacre 40 heures à ce module d’enseignement, en deuxième et troisième année,
auxquelles s’ajoute un volume horaire indéterminé issu du module 3 (pathologies et
psychologies) de première année. Le programme de 2015 consacre 60 heures à la SSH
(sciences humaines et sociales) durant les deux premières années. Cependant, l’IFMK de
Brest inclut quarante heures de formation à l’ETP durant la quatrième année. On peut
donc constater, depuis la réforme de 2015, une volonté d’approfondir les connaissances
et les compétences relationnelles chez les étudiants MK.
Chaque MKDE apportait les éléments qui lui semblaient essentiels pour créer une
alliance thérapeutique avec son patient. Sur les neuf entretiens réalisés, deux idées étaient
récurrentes et revenaient fréquemment dans le discours des interrogés : La place
importante qu’occupe le bilan MK et le fait de favoriser le discours du patient. « En fait,
pour la première séance, c’est ce que je disais sur la partie bilan, c’est là où je vais avoir
un bilan structuré. Je vais les laisser parler au maximum, reformuler pour leur montrer
que j’ai compris ce qu’ils pouvaient me dire et puis essayer de faire formuler leurs
attentes par rapport aux soins, parce que des fois ça peut être assez flou. Et après, tout
au long de ma prise en charge, je dirais que je le fais surtout en les responsabilisant vis-
31
à-vis de leur traitement. ». Ici, Nathalie met l’accent sur la réalisation de son bilan et sur
le discours du patient. Elle incite le patient à parler au maximum et elle cherche à lui
montrer qu’elle écoute ses propos en reformulant ses réponses. Tous ces éléments
favorisent la compréhension de la demande du patient et inévitablement le développement
d’une empathie chez le thérapeute. Cette vision est défendue par Michel Gedda dans son
article Diagnostic masso-kinésithérapique : mystifications ou vérités (42). Le
kinésithérapeute établit une relation privilégiée avec le patient ce qui entraîne une prise
en compte de sa personnalité et de son intimité. Ce qui permet de clarifier l’attente du
patient afin de définir des objectifs cohérents pour chaque patient. Tous ces éléments font
écho à la vision de Gaston (43) en 1990 qui définissait l’alliance thérapeutique comme
une notion multidimensionnelle influencée par quatre facteurs complémentaires et
compatibles. En plus du lien affectif, de l’accord sur les tâches et l’accord sur les objectifs,
déjà décrits par Bordin en 1979 (14), il rajoute un nouvel élément, à savoir, l’implication
et la compréhension empathique du thérapeute. Plusieurs des interrogés mentionnaient,
eux aussi, la technique de « l’écoute active », par exemple : « j’essaye de me taire, je me
fais violence car je suis une bavarde, c’est moi que j’essaye de corriger, déjà pour mettre
en place ce que j’ai appris à nommer « l’écoute active » dans la relation de soin ». Avec
ce témoignage, Virginie partage la même vision que Nathalie, à savoir favoriser le
discours du patient afin de comprendre l’ensemble de son problème et de le prendre en
charge dans sa globalité.
Une autre notion très fréquemment abordée par les interrogés est celle des attentes du
patient et des objectifs de prise en charge. « Je pense que maintenant je prends beaucoup
plus en compte les objectifs du patient. Ce que je ne faisais pas forcément au départ, je
considérais que leurs objectifs c’était juste de ne plus avoir mal et c’est tout. ». Ici,
Gabriel témoigne qu’au fil de son expérience, il porte de plus en plus attention aux
attentes de son patient et qu’il sollicite davantage son avis et ses choix dans la
planification du traitement. Cette démarche permet de favoriser l’intégration du patient
dans la prise en charge. Il n’est plus simplement consommateur de soin, il construit le
plan de soin au même titre que le kinésithérapeute. On retrouve alors un partage de la
décision permettant d’ajuster la prise en charge à la singularité du patient. Cette démarche
peut, elle aussi, être mise en relation avec la description de l’alliance thérapeutique faite
par Bordin en 1979 (14). Ce dernier définit trois dimensions essentielles dans la
construction de l’alliance thérapeutique, à savoir : l’accord sur les objectifs, l’accord sur
32
les tâches et le lien affectif entre le patient et le praticien. Cette description est toujours
d’actualité. On retrouve la place centrale de la négociation des objectifs dans des articles
plus récents, par exemple dans l’article Pas de kinésithérapie sans éducation
thérapeutique (44). Dans cet article, Michel Gedda soutient l’importance que représente
la décision partagée des objectifs pour une prise en charge adaptée et individualisée. Elle
contraint le patient à sortir d’un rôle passif et de le faire participer à son amélioration.
33
Figure 3 : Cadre théorique du continuum de l’engagement des patients inspiré de Carman et al.
(46) ; image issue de l’article Le « Montreal Model » enjeux du partenariat relationnel entre patient et
professionnel de santé (45) disponible sur Cairn.info
34
l’observance des patients. ». Globalement, au vu de leurs discours, l’ensemble des
interrogés favorisait un engagement fort chez leurs patients, allant de la collaboration au
partenariat (45).
En plus de ces idées, d’autres éléments ponctuels étaient apportés par d’autres MKDE.
« Je pense que créer une relation de confiance avec un patient, ça passe aussi par
l’environnement... Le fait que la pièce soit agréable, le fait qu’on soit assis face à face
avec le patient, je pense qu’on se met dans de bonnes conditions pour le dialogue. ».
Durant son entretien, Gabriel soulignait l’importance de l’environnement lors des
échanges avec le patient, disant qu’un cadre serein et agréable favorise le dialogue entre
les deux individus. Il fut le seul, durant les entretiens, à évoquer cette idée. Cependant
elle est également retrouvée dans un article de Maximilien Bachelart et Antoine Bioy
(47), dans lequel ils affirment que la construction et le devenir de l’alliance thérapeutique
vont être impactés par trois facteurs : le patient, le praticien et l’environnement.
Jusque-là, les éléments rapportés par les MKDE concernaient surtout leur méthode
d’approche durant la première séance. Quand il leur était demandé ce qu’ils mettaient en
place tout au long de la prise en charge, d’autres éléments apparaissaient. « Moi,
j’explique énormément ce que je fais, quand je travaille, pour que les patients
comprennent pourquoi on fait ces choses, pour que les gens comprennent, au niveau
anatomique, ce qu’il se passe dans leur corps. ». Ici Elliot introduit une notion
intéressante, à savoir : la justification de ses actes et surtout la justification des tâches
qu’il demande à ses patients. Encore une fois, cette notion peut être mise en relation avec
la définition de l’alliance thérapeutique faite par Bordin en 1979 (14), plus précisément
avec la dimension de l’accord sur les tâches. Le fait d’expliquer l’intérêt de chaque tâche
permet au patient de s’approprier ce qui lui est demandé de faire et donc de l’intégrer au
maximum dans sa prise en charge. Cet accord sur les tâches à effectuer se retrouvait
également dans le discours d’autres MKDE : « Et puis après, je n’ai jamais de plan fait
à l’avance, je le fais à la séance, c’est le retour de la séance suivante qui va me dire ce
que je vais faire. ». On retrouve, ici, dans le discours d’Emilien la notion de recherche de
feed-back du patient, permettant d’ajuster le déroulement du traitement et de se mettre
d’accord avec le patient sur ce qu’il peut réaliser ou non.
Comme dit précédemment, l’ensemble des interrogés partageaient le même avis quant
à l’impact de l’alliance thérapeutique sur leur prise en charge. Il est cependant intéressant
de constater que l’explication sous-jacente à ce phénomène puisse varier d’un MKDE à
l’autre. Après analyse de chaque entretien, il apparait que l’ensemble des explications des
interrogés sur ce phénomène puisse être classé en trois groupes : l’adhésion du patient, la
singularité du patient et l’effet nocebo.
38
constitués. Un groupe recevait un traitement chirurgical vrai et l’autre seulement un
traitement chirurgical placebo (seulement l’arthroscopie était réalisée). Les résultats de
l’étude montrent que les deux groupes constataient une diminution des douleurs.
Les témoignages des interrogés peuvent être mis en relation avec l’étude de Fuentes et al
(57). C’est une étude contrôlée randomisée dont l’objectif est de comparer les effets d’une
forte alliance thérapeutique et d’une faible alliance thérapeutique sur la diminution de la
douleur chez des patients souffrant de lombalgie chronique. Cette étude conclut que la
force de l’alliance thérapeutique influence l’évolution de la douleur. Les groupes ayant
reçu une forte alliance thérapeutique ont vu leur douleur diminuer de façon plus
importante que ceux ayant reçu une faible alliance thérapeutique.
39
6.3.4 La place de l’alliance thérapeutique dans la hiérarchie des valeurs
professionnelles
Comme mentionnée précédemment, la question posée aux interrogés comprenait deux
éléments. Le premier avait pour objectif de recueillir l’avis du MKDE sur ce que l’alliance
thérapeutique apportait à sa prise en charge. Le second avait pour but de connaître
l’importance que l’interrogé accordait à la création de cette alliance dans sa pratique.
« Elle est centrale, et elle est devenue vraiment centrale au fur et à mesure des formations
complémentaires que j’ai pu faire et validée par mon expérience de terrain.». Les
formations ont un impact considérable sur l’évolution de la pratique professionnelle.
C’est le cas d’Elise qui témoigne accorder une place centrale à la création de l’alliance
thérapeutique. L’importance qu’elle y consacre semble avoir été influencée par les
formations qu’elle a pu faire, à savoir la formation ETP. Elle avait déjà fait référence à
l’impact de son parcours de formations sur son approche des patients. « Ce qui explique
aussi mon parcours de formation. De la technique, je suis allée chercher un diplôme
d’ostéopathe qui s’est révélé intéressant mais non suffisant. Ce qui m’a amenée à
chercher des formations qui approfondissent la relation humaine et, justement, la quête
de l’alliance thérapeutique. ». On retrouve cette idée de place centrale qu’occupe
l’alliance dans sa pratique et qui était l’élément, semble-t-il, manquant pour compléter
ses compétences techniques. Même si cette vision est partagée par la majorité des MKDE
interrogés, tous ne partagent pas cet avis. « Je ne sais pas si la relation va avoir une
énorme influence sur le côté technique ou pas. Après, il y a des patients avec qui tu
n’arrives pas trop à communiquer, parce qu’ils sont timides ou parce qu’ils ne parlent
pas beaucoup. Cela n’empêche pas de réussir quand-même à faire ce que tu veux alors
que la communication n’est pas forcément optimum.». Ici Elliot semble avoir un avis plus
mitigé sur la place qu’occupe l’alliance thérapeutique dans son exercice professionnel.
Même s’il partage l’avis des autres interrogés sur l’impact bénéfique qu’elle peut avoir
sur les résultats, il semble considérer qu’elle n’est pas indispensable à la réussite d’un
traitement. Il prend notamment l’exemple d’un patient non-communicant avec qui
l’échange est plus compliqué, pourtant la mise en place et la réussite d’un traitement est
tout à fait possible. Cette philosophie peut, elle aussi, être mise en relation avec la vision
40
de Bordin (14) considérant l’alliance thérapeutique comme un moyen d’améliorer
l’adhésion du patient plutôt qu’un moyen curatif en lui-même.
41
6.5.1 Les représentations du patient
« Les particularités, c’est que c’est difficile parce que les gens arrivent des fois avec
des représentations qui sont très ancrées. Et quand c’est chronique, ça s’est d’autant plus
ancré. Et des représentations sociales aussi, liées forcément à leur métier. Donc c’est la
difficulté je dirais, pour moi en tous cas. Mais c’est aussi ça le challenge. Et la spécificité
c’est qu’il y a aussi besoin, quelque part, d’apporter des connaissances, et ça c’est délicat
parce que l’on veut laisser le patient, à la fois, libre mais à la fois il y a des connaissances
à lui apporter sans essayer de passer pour un maître d’école. ». Les propos de Virginie
illustrent parfaitement une notion fréquemment évoquée par les MKDE durant les
entretiens, à savoir les croyances et représentations des patients souffrant de lombalgie
chronique. Il semblerait que ces patients ont des représentations de leur pathologie, de
leur corps ou de leur métier qui sont très ancrées dans leur esprit. Ces représentations
peuvent être parfois très éloignées de la réalité. Ce qui oblige les MKDE à les comprendre
et à accompagner leurs patients dans leur déconstruction tout en leur apportant un
nouveau savoir. Cette idée est également soutenue par André Grimaldi dans son article
La relation médecin/malade au cours de la maladie chronique (58). Selon lui, la prise en
charge de patients avec des pathologies chroniques nécessite des compétences
pédagogiques : « Le patient doit apprendre à connaître sa maladie et à gérer son
traitement ». On retrouve donc le lien avec les deux éléments privilégiés par les MKDE
pour créer une relation avec leur patient : favoriser le discours du patient afin de
comprendre ses croyances et l’informer en vue de l’accompagner dans la déconstruction
de ses représentations afin d’instaurer la construction d’un nouveau savoir. Ces
informations peuvent être croisées avec celles issues d’une autre étude qualitative réalisée
en 2019 par Calner et al (59). L’objectif de cette étude était de recueillir les expériences
et les perceptions de personnes, souffrant de douleurs musculo-squelettiques chroniques,
à propos de leur traitement kinésithérapique. Il est intéressant de constater que sur les
quatre thèmes principaux abordés par les patients, on retrouve la construction de l’alliance
thérapeutique et l’acquisition de nouvelles connaissances. On retrouve donc des valeurs
communes entre les patients et les kinésithérapeutes. Il semblerait que chaque patient
attribue une place très importante à la relation qu’il crée avec son thérapeute. Les patients
attendent que leur kinésithérapeute les considère comme unique et que leur prise en
charge soit individualisée en fonction de cela. « “A very sensitive physiotherapist who …
I felt immediately that she saw all of me and that she really tried to understand how I was
feeling and why I felt the way I did. And she examined me very thoroughly. Well, it was
42
fantastic. I experienced that I was really seen.” » (témoignage de patient extrait de l’étude
: Physiotherapy treatment experiences of persons with persistent musculoskeletal pain: A
qualitative study. (59)).
44
6.5.3 Les facteurs psycho-sociaux
Les facteurs psycho-sociaux constituaient la dernière particularité proposée par les
interrogés à propos de la prise en charge des patients souffrant de lombalgie chronique.
« Les particularités de cette relation peuvent être liées au fait que ce sont des patients qui
peuvent avoir des facteurs psycho-sociaux assez importants. Donc pour nous, kinés, ce
n’est pas toujours évident d’avoir des leviers sur ces facteurs-là. On les entend, on en
tient compte mais on est parfois démuni par rapport à ça.». Le témoignage d’Eléonore
permet de mettre en lumière la dernière idée partagée par la majorité des interrogés, à
savoir l’influence des facteurs psycho-sociaux sur la prise en charge. Souvent désignés
sous le terme de « yellow flags », ces facteurs constitueraient une particularité dans la
prise en charge des patients souffrant de lombalgie chronique. Ils impacteraient la prise
en charge des MKDE, qui pourraient se retrouver en difficulté face à leur présence. Ils
rassemblent les croyances, les réponses émotionnelles et les comportements vis-à-vis de
la douleur (30). Combinés aux facteurs biologiques, ils ont une influence négative sur
l’évolution des douleurs, favorisant la chronicisation. Malgré le fait que les
kinésithérapeutes semblent avoir peu de ressources pour y faire face, il est important de
les prendre en compte lors du traitement. En effet, les conclusions d’un article rédigé par
Michael Nicholas (30) montre que, selon les connaissances actuelles, prendre en compte
la présence de ces facteurs, surtout quand ils atteignent un niveau élevé, permet d’obtenir
de meilleurs résultats que lorsqu’on les ignore.
« Et puis tu vas avoir la personne lombalgique chronique qui, à côté de ça, va avoir des
drapeaux jaunes, verts ou bleus, et là où tu vas te retrouver avec tout un contexte social
plus difficile ; ce sont ces gens-là qu’on va traiter un petit peu différemment où le côté
prise en charge pluri-disciplinaire aurait plus sa place.». Cette idée véhiculée par
Nathalie est intéressante et peut-être mise en relation avec une récente étude de Ibrahim
Maha (61) sur l’efficacité de la prise en charge multidisciplinaire de la lombalgie
chronique. Comme nous avons pu le constater, la présence de facteurs psycho-sociaux
chez certains patients lombalgiques est une réalité constatée par les kinésithérapeutes.
D’après des propos recueillis durant les entretiens, certains interrogés se sentent désarmés
face à ces situations, jugeant que d’autres professionnels auraient davantage de
compétence pour venir en aide au patient. L’étude en question avait pour objectif
d’évaluer l’efficacité à long terme d’une prise en charge multidisciplinaire chez des
patients souffrant de lombalgies chroniques en ce qui concerne la reprise du travail. Cette
45
étude conclut qu’il y a eu une augmentation significative de la reprise du travail chez les
participants de l’étude. La prise en charge multidisciplinaire pourrait donc constituer un
levier d’action sur les facteurs psycho-sociaux.
46
de suite, au bout d’une semaine, si la personne n’a rien fait du tout, en général elle se
souvient à peine de ce que tu lui as montré. ». Pour d’autres, évaluer l’investissement de
son patient passe par sa présence et son comportement durant les séances. « On voit assez
vite si on perd un patient en adhésion, on le sent tout de suite. Les séances vont s’espacer,
il va oublier de venir aux séances. Et puis souvent, c’est dans la verbalisation, c’est une
personne qui va devenir négative. ». Ici, Emilien met l’accent sur le facteur présentiel qui
permet de mettre en lumière l’investissement d’un patient. Cette vision est également
partagée par Jeanne : « Il y a une chose sur laquelle je suis intransigeante : c’est le respect
des rendez-vous pour assurer la continuité des soins. ». Comme nous avons déjà pu le
voir, il est vrai que l’alliance thérapeutique a un impact sur l’investissement du patient
dans son traitement (50,51). Cependant, l’investissement du patient est-il le parfait reflet
de la qualité de l’alliance thérapeutique ? Comme abordé dans l’article de Meade et al
(51), l’adhésion, ou l’investissement, du patient dans son traitement est influencé par
différents facteurs, parmi lesquels on retrouve l’alliance thérapeutique mais également
des facteurs environnementaux ainsi que l’influence de la douleur et des émotions
négatives. Il semblerait donc qu’un faible investissement ne puisse pas être corrélé avec
une faible alliance thérapeutique.
47
personnel. Il n’est pas le seul à procéder ainsi, on trouve des idées similaires chez Virginie
« Peut-être parce que sa parole se libère plus, peut-être parce qu’il est capable de faire
des retours sur la séance précédente quand je le lui demande, il ne sèche pas, il a des
choses à dire ». En comparant les deux témoignages des interrogés, on se rend compte
que la recherche du feed-back du patient peut s’opérer de deux façons. La première est
celle expliquée par Gabriel, que l’on pourrait qualifier de directe car le MKDE demande
directement son avis au patient. Elle nécessite cependant une grande relation de confiance
entre le soignant et le soigné pour que celui-ci livre son ressenti. La deuxième façon est
celle proposée par Virginie, qui serait indirecte car elle s’intéresse plus à la qualité du
retour du patient plutôt qu’à son contenu. Elle confirmera cette idée lorsque l’on lui
demandera les éléments lui indiquant qu’aucune alliance ne se crée entre elle et le patient:
« Eh bien, c’est quand, en face de moi, j’ai quelqu’un qui ne lâche rien en fait. J’ai
quelqu’un qui est le même de séance en séance, c’est-à-dire soit il ne parle pas, soit il ne
s’investit pas dans les exercices que l’on peut faire. ». Cette recherche du ressenti du
patient, tel que présentée par les interrogés, se retrouve dans le référentiel de compétence
de la profession MK, présentée comme « Négocier et construire les modalités de
l’intervention avec le patient et/ou son entourage en fonction des objectifs
thérapeutiques ». En s’intéressant ainsi au ressenti de leur patient, les MKDE réunissent
au sein, de leur prise en charge, deux piliers de l’Evidence Based Practice (EBP), à savoir,
l’expertise du clinicien et les attentes et valeurs du patient. L’EBP se définit comme une
démarche dans le domaine de la santé visant à concilier les preuves scientifiques
pertinentes à l’expérience clinique du praticien et aux croyances du patient (62). Cette
démarche cherche à proposer la meilleure solution à un problème de santé en prenant en
compte l’ensemble des facteurs et elle semble obtenir de meilleurs résultats que la
démarche empirique qui, elle, ne se base que sur des essais contrôlés randomisés (63).
48
thérapeutique entre eux et leurs patients. « Ça m’arrive dans un sens inverse, de ne pas
être satisfaite parce qu’en général ce n’est pas appliqué comme je veux, ce que j’ai
enseigné et ce que j’ai demandé ». Les indices restent les mêmes que ceux cités
précédemment, mais Valérie témoigne qu’il est plus simple de constater leur absence
plutôt que de s’assurer que tout va bien. On retrouve un témoignage similaire chez
Gabriel « Ca, justement, c’est un peu dur parce que j’ai l’impression que la relation de
soin c’est un peu un truc, pas de non-dits, mais ce n’est pas quelque chose qu’on dit
clairement quand on fait confiance à l’autre ou quoi que ce soit. ». L’objectif de cette
question était d’introduire le concept d’évaluation de l’alliance thérapeutique avec les
interrogés et de les inviter à réfléchir sur l’intérêt qu’elle représenterait dans leur pratique
et sur leur façon de faire. A la vue des réponses obtenues on peut se rendre compte que
l’évaluation de l’alliance thérapeutique est un comportement déjà instinctivement présent
chez les interrogés. Cela peut être mis en relation avec leurs réponses sur la place qu’ils
consacrent à la création de l’alliance thérapeutique. Cependant, il semblerait qu’aucun
n’utilise une méthode fiable et objective, se fiant à leur instinct pour la plupart mais
semblant ne pas être confiant sur la fiabilité de leur ressenti. « Ouais, ou au pifomètre…
[Rire] [En parlant de ses méthodes pour ressentir l’alliance thérapeutique] ». Compte
tenu de l’impact de l’alliance thérapeutique sur les résultats de la prise en charge de
lombalgies chroniques en kinésithérapie (17,60,64), ne serait-il pas intéressant d’évaluer
précisément la qualité de l’alliance thérapeutique avec son patient pour assurer les
meilleurs résultats possibles ?
49
validée (21), traduite en français (37) et qui est la plus appropriée pour évaluer l’alliance
thérapeutique (en se basant sur sa fiabilité et sa reproductibilité) (23).
50
confiance aussi par rapport à ce que je lui propose… ». Jeanne, MKDE formée
ETP.
« Peut-être plus pour moi, pour savoir s’il faut que j’aie une autre approche avec
le patient. Si je vois qu’il n’y a pas beaucoup d’alliance avec un patient, il y aurait
peut-être d’autres techniques que je pourrais utiliser pour en créer plus. ».
Nathalie, MKDE non formée ETP.
« Ca nous donnerait un état des lieux, une vision d’où on en est. Ce serait
intéressant d’avoir le point de vue du patient finalement. Parce que ça,
finalement, on ne s’en rend pas toujours bien compte. Peut-être ce serait
intéressant d’avoir ce retour-là. Parce que les patients ne vont peut-être pas
s’exprimer naturellement sur la confiance qu’ils ont en leur thérapeute. ».
Eléonore, MKDE formée ETP.
« Par exemple, « Je pense qu’il y a une alliance mais il faudrait peut-être que je
demande son avis au patient pour savoir si il est d’accord avec moi. » Et pourquoi
pas de temps en temps l’objectiver et puis se dire « Oh bah ça va je ne me goure
pas trop. ». Ça pourrait être une évaluation de sa pratique. ». Virginie, MKDE
formée ETP.
Une autre idée semble être associée à celle de la remise en question : c’est celle des pistes
d’amélioration que pourrait offrir l’outil. C’est pour cela qu’il était intéressant de choisir
un outil existant (ici la WAI) comme référence pour aider les MKDE à se projeter et à
imaginer la situation. En effet, sans cette explication, ils avaient du mal à réfléchir à
l’intérêt que pourrait leur apporter un outil similaire. L’outil ne fut pas présenté
physiquement aux interrogés mais décrit succinctement en se basant sur les versions
« patient » et « thérapeute » de la WAI (Annexe 3) sans rentrer dans les détails même s’il
semble que la version patient soit la plus indiquée à une utilisation clinique et la plus
corrélée à l’amélioration clinique (66). Lorsque les interrogés avaient des questions sur
la forme de l’outil, la réponse proposée était : « Celui qui existe et qui m’a servi de base
pour ma réflexion, c’est un questionnaire à remplir adressé au kiné ou au patient. A la
fin, ce questionnaire donne un score sur cette alliance thérapeutique et sur la vision de
la relation entre les deux. ». La WAI a été développée selon le modèle de l’alliance
thérapeutique proposé par Bordin (14,21). Elle comprend donc les trois dimensions de
l’AT (lien affectif, accord sur les tâches et accord sur les objectifs). Cette conception de
l’outil répondrait donc à l’attente des interrogés qui aimeraient y trouver des axes
51
d’amélioration pour renforcer leur alliance quand elle est faible. En effet l’évaluation de
l’AT proposée par cet outil repose sur l’évaluation des trois dimensions décrites par
Bordin. Elle attribue un score à chacune des dimensions, ce qui permettrait aux MKDE
de savoir laquelle est à revoir avec le patient.
Cependant, il faut noter que les avis n’étaient pas unanimes à propos de ce que pourrait
apporter une évaluation fiable de l’AT. Parmi l’ensemble des MKDE interrogés, une
participante ne voyait pas de plus-value à cette évaluation : « Ce n’était pas une question
que je m’étais posée. Je dirai que, sans vouloir te vexer, je ne vois pas trop l’intérêt
actuellement. Enfin actuellement je ne me pose pas trop cette question. Sans prétention,
je pense que je me remets en question assez facilement. Du coup je ne vois pas trop
l’intérêt… ». Valérie, MKDE non formée ETP.
«Donc, effectivement, je serais très preneuse d’une évaluation de ce type… [Relance pour
savoir si elle imagine déjà comment l’utiliser]… Déjà, ce n’est pas évident, entre moi et
moi que je m’engage à faire quelque chose exactement toutes les semaines ou tous les
mois, je pense que dans la vraie vie, je n’y arriverai pas. Mais par contre, je pense qu’à
des moments clés, ça peut être intéressant. Par exemple des moments où on fait des bilans,
que ce soit des bilans physiques ou quand je lui fais remplir des auto-questionnaires avant
d’aller voir le médecin de rééducation.». Elise, MKDE formée ETP.
52
D’autres avaient des avis plus mitigés, c’est-à-dire qu’ils reconnaissaient l’intérêt que
cela pourrait apporter mais ils ne s’imaginaient pas encore l’utiliser. « Et c’est vrai que
pour évaluer après, ça peut être intéressant à faire. Par contre, le faire de façon régulière,
je ne pense pas que je m’appliquerai à ça. ». Elliot, MKDE non formé ETP.
La première limite partagée par plusieurs interrogés concernait les objectifs qui
découleraient de cette évaluation. «Mais il faudrait que derrière, j’aie des objectifs par
rapport à ça. Parce qu’avoir cet indicateur là pour avoir un indicateur, ça ne sert pas à
grand-chose. Il faudrait savoir ce que l’on peut améliorer derrière pour justement
améliorer la confiance et l’alliance thérapeutique. ». Ici, Eléonore explique qu’il faudrait
que cette évaluation, et par conséquent l’outil utilisé, puisse donner des pistes
d’amélioration afin que le soignant puisse modifier son approche du patient. L’évaluation
n’a de sens que si elle débouche sur des perspectives d’amélioration. A la vue des
chapitres précédents, les outils existants permettent cette adaptation en fonction des
résultats car ils permettent de savoir quelle dimension de l’AT serait plus faible que les
autres.
Certains MKDE ont également expliqué que cette évaluation sous forme de
questionnaire pouvait être une tâche fastidieuse et chronophage. Par conséquent, ils
risqueraient de ne pas prendre le temps de le faire régulièrement. « Après comme pour
53
tous les outils comme ça, il faut que ce soit rapide à mettre en place. Parce que c’est vrai
qu’en tant que kiné, on a déjà pas mal à faire, donc si tu rajoutes encore des
questionnaires, ça devient chronophage. Et pour les patients aussi vraisemblablement.»
Emilien, MKDE non formé ETP. Cette limite est recevable pour la forme originelle de la
WAI qui comprend 36 items dans son questionnaire. Cette version de la WAI date de
1989 (21). Aujourd’hui de nouvelles échelles de l’AT ont été développées et de nouvelles
versions de la WAI ont également été conçues, notamment une forme courte ne
comprenant que 12 items. Cette dernière a été traduite en français (22) et il semble qu’elle
soit, tout comme sa forme longue, tout aussi fiable et reproductible (23).
La dernière limite qui fut évoquée était en lien avec le biais potentiel de l’évaluation
et de l’évaluateur. Cette limite ne fut abordée que dans un seul entretien. « Mais c’est ça
dont j’ai peur, si le patient remplit un questionnaire en sachant que le kiné sera au
courant de ce qu’il a répondu, il va surement être tenté de répondre toujours des trucs
positifs. ». Gabriel fait remonter un biais qui pourrait exister dans cette évaluation du fait
que le kiné puisse avoir accès aux retours du patient et que ce dernier le sache. Cela
demanderait donc une honnêteté de la part du patient et une aptitude à se remettre en
question chez le thérapeute. Mais ce sont déjà des prérequis nécessaires. Quand un kiné
cherche à recueillir le feed-back de son patient à l’oral, il ne peut jamais être sûr que le
patient lui dise la vérité ou qu’il dise quelque chose afin de faire plaisir au thérapeute.
Cette question avait donc pour objectif de recueillir un avis général sur l’intérêt que
pourrait représenter, pour les MKDE libéraux, une évaluation fiable de l’AT dans la prise
en charge des lombalgies chroniques. La majorité des interrogés pense qu’il pourrait y
avoir un intérêt et que cette évaluation pourrait être réalisée au même moment que les
temps de bilans effectués avec cette population de patients. Cependant, certains doutes et
certaines limites persistent chez les interrogés à propos des modalités d’utilisation de cette
évaluation. Ces doutes sont, pour la plupart liés à la non-connaissance des outils existants
« En fait, le principal souci c’est que je ne connais pas le questionnaire. Le questionnaire
doit sûrement aborder des points précis. ». Comme dit plus tôt, le point que soulève Elliot
illustre ici la limite de cette question. Le sujet de la question était l’évaluation de l’AT de
façon générale, et n’était pas centré sur un outil précis. Il est donc difficile de recueillir
des avis sur une pratique si on ne peut pas en définir toutes les limites.
54
7. Synthèse des résultats et retour sur les hypothèses
Les objectifs de ce travail de recherche étaient : premièrement, de faire un état des
lieux des connaissances des MKDE libéraux sur l’alliance thérapeutique ; deuxièmement,
de recueillir leur avis sur l’intérêt de son évaluation dans la prise en charge de patients
souffrant de lombalgie chronique. Le dernier objectif était centré sur les formes et les
modalités d’évaluation possibles et de les confronter aux outils déjà existants.
Au regard des résultats des entretiens, il s’est avéré que nous pouvions réfuter cette
hypothèse. En effet, les résultats ont permis d’objectiver que les MKDE avaient
conscience de l’impact que la dimension relationnelle avait sur leur prise en charge et
qu’ils connaissaient la majeure partie des facteurs contribuant à la construction d’une
55
alliance. Bien que le terme « alliance thérapeutique » et sa définition exacte ne soient pas
maîtrisés par tous les MKDE, ils ont connaissance des éléments qui l’influencent et savent
les mettre en pratique naturellement. Toutes les personnes interrogées affirmaient
consacrer une place importante à l’alliance thérapeutique dans leur prise en charge. Ces
affirmations étaient confirmées par des exemples concrets de leur pratique clinique et
centrées sur les stratégies qu’ils mettaient en place pour construire un cadre de soin
optimal avec leur patient. Ces stratégies comprenaient notamment l’importance du
discours du patient, de ses attentes, de ses objectifs mais également l’importance de son
éducation et de la justification des actes. On retrouvait une notion centrale de négociation
entre ce que le patient apporte et ce que le kinésithérapeute veut lui apporter dans la
majorité des témoignages. Les MKDE accordent une place centrale au patient afin de lui
proposer la prise en charge la plus adaptée à sa situation, s’éloignant ainsi du modèle
paternaliste et privilégiant une collaboration avec le patient. Tous ces éléments sont
présents dans la littérature scientifique et permettent donc d’affirmer que les MKDE
interrogés sont conscients de l’impact de l’alliance thérapeutique dans le soin.
56
7.1.2 Hypothèse 2
La deuxième hypothèse était également en lien avec le premier objectif de recherche.
Celle-ci suggérait que « Les MKDE ont des approches très diversifiées avec leurs patients
et n’accordent pas tous la même importance à la construction d’une alliance
thérapeutique.». Elle ressemble beaucoup à la précédente mais elle s’intéresse davantage
à la dimension pratique de l’alliance thérapeutique. Chaque MKDE possède un parcours
de formation et une expérience unique qui ont fait évoluer sa pratique et qui la rendent
totalement différente de celle d’un autre. Leur approche des patients peut donc varier, tout
comme leurs méthodes, pour favoriser leur adhésion au traitement. L’hypothèse formulée
est partiellement vraie car on peut constater différentes approches chez les interrogés
notamment dans le premier contact avec le patient. Certains disaient être très scolaires en
réalisant un bilan et en profitant de ce temps, notamment celui de l’interrogatoire, pour
comprendre les attentes du patient. D’autres vont privilégier un long temps d’échange et
surtout d’écoute avec le patient. Le terme « écoute active » est revenu dans plusieurs
entretiens, sous-entendant que le thérapeute intervient très peu et relance le patient avec
des questions ouvertes. Et enfin, d’autres témoignaient faire confiance à leur
« comportement naturel et à leur instinct ». A travers ces mots, on peut comprendre qu’il
s’agit de kinésithérapeutes qui ont, instinctivement, développé des compétences
d’empathie qu’ils mobilisent sans s’en rendre compte. Ils ne mettent pas en place de
stratégies particulières ou préparées à l’avance, ils essayent d’être le plus chaleureux et
empathiques possible pour créer une bonne relation avec leur patient. Cependant, au vu
des résultats des entretiens, tous accordent une place centrale, voire indispensable pour
certains, à l’alliance thérapeutique. Condition sine qua non à la réussite d’un traitement
pour la majorité d’entre eux, d’autant plus avec des patients souffrant de douleurs
chroniques.
Ici non plus, il n’y avait pas de différence remarquable entre les interrogés formés à l’ETP
et les autres. Tous accordaient une haute importance à l’alliance thérapeutique. L’idée
« d’écoute active » était la seule différence notable mentionnée par les MKDE formés à
l’ETP.
Une question supplémentaire était rattachée à cette hypothèse. Elle invitait l’interrogé à
réfléchir sur les particularités qu’il pouvait rencontrer dans la construction de l’alliance
avec des patients lombalgiques chroniques. L’objectif était de poursuivre cette réflexion
sur la pratique du MKDE en y ajoutant un contexte particulier. Aucune hypothèse précise
57
n’était formulée sur ce contexte mais cela permettait à l’interrogé de se plonger dans une
situation précise et d’introduire le contexte pour les futures questions. Pour cette question
non plus, aucune divergence d’opinion entre les deux populations n’a pu être constatée,
les particularités évoquées étaient similaires et principalement centrées sur les
représentations des patients, les facteurs-psycho-sociaux et le rôle particulier du
thérapeute dans cette relation.
7.1.3 Hypothèses 3 et 4
La troisième hypothèse était en lien avec le deuxième objectif de cette étude, à savoir,
recueillir l’avis des MKDE libéraux sur l’intérêt que pourrait représenter une évaluation
fiable de l’alliance thérapeutique dans la prise en charge des douleurs chroniques.
L’hypothèse en question stipulait que « L’évaluation de l’AT représenterait un intérêt car
elle pourrait aider et guider les MKDE dans la construction de cette alliance avec les
patients. ». Comme nous avons pu le voir tout au long de l’analyse des résultats, l’AT est
un élément central de la prise en charge et un facteur prédictif des résultats (2,57).
L’objectif de tout thérapeute est donc de construire avec son patient une alliance de travail
forte, tout au long de la prise en charge, afin d’assurer les meilleurs résultats possibles.
Dans le but d’atteindre cet objectif, il est intéressant pour le thérapeute d’avoir conscience
de la qualité de la relation qu’il entretient avec son patient, pour, ainsi, avoir un retour sur
ce qu’il met en place et pouvoir s’adapter si nécessaire. Actuellement ce retour se fait
principalement de façon subjective, à l’instinct ou au ressenti du thérapeute en se basant
soit sur l’investissement du patient ou sur son feed-back. Ces deux grandes tendances
étaient indépendantes des deux populations de MKDE. Durant leur réflexion, les
interrogés semblaient douter de la fiabilité de leur méthode d’évaluation. Il est donc
profitable de leur demander l’intérêt que pourrait représenter une évaluation fiable de
l’AT pour leur pratique. Les réponses apportées par les interrogés permettent de confirmer
cette hypothèse, la grande majorité y voit un intérêt, principalement dans la remise en
question de leur ressenti et dans l’objectivation d’un élément qui, jusque-là, restait
subjectif.
Il est également attrayant de constater que le groupe de MKDE non formé à l’ETP
montre autant d’intérêt pour cette évaluation que le groupe formé. Ce qui permet de
réfuter la quatrième hypothèse « Les kinésithérapeutes formés à l’ETP montreront plus
d’intérêt pour l’évaluation fiable de l’AT ». En effet, un seul des neuf interrogés affirmait
58
ne voir aucun intérêt dans cette évaluation car il estimait que son ressenti était
suffisamment fiable. Cette personne faisait partie du groupe des MKDE non-formés à
l’ETP mais cela ne permet pas d’affirmer que cette population montre moins d’intérêt
pour l’évaluation de l’AT. Cette hypothèse fut émise à la suite de la décision d’intégrer
dans cette recherche des MKDE non-formés à l’ETP. Comme deux populations distinctes
étaient constituées, il était possible de s’attendre à ce que celle formée à l’ETP soit
davantage encline à porter de l’intérêt à cette évaluation, car cette formation met en avant
l’échange et la coopération avec le patient. Au regard des résultats, nous pouvons réfuter
cette hypothèse, il semble que la notion d’alliance de travail et celle d’adhésion au
traitement soient également des éléments centraux d’autres formations. En effet, plusieurs
MKDE interrogés ayant suivi les certifications « Mckenzie » et « thérapie manuelle »
rapportent des idées similaires à celles évoquées par les MKDE formés à l’ETP.
Il est tout de même important de noter qu’une étude datant de 1993 s’oppose à la
troisième hypothèse de ce travail de recherche. En effet, les conclusions de l’étude Effects
of Training in Time-Limited Dynamic Psychotherapy: Changes in Therapist Behavior
(67) montrent que chercher à modifier le comportement d’un thérapeute afin de favoriser
l’alliance thérapeutique modifierait de façon inattendue d’autres variables et aurait un
résultat contre-productif. Ces conclusions sont également reprises par Antoine Bioy et
Maximilien Bachelart dans leur article L'alliance thérapeutique: historique, recherches
et perspectives cliniques (13). Une attention excessive sur l’alliance thérapeutique nuirait
à la construction de cette dernière. Cependant, ce modèle d’évaluation permettrait,
justement, au thérapeute d’identifier les moments de crises de l’alliance thérapeutique,
décrits par ces mêmes auteurs, et de revoir sa relation avec le patient sans pour autant y
consacrer une attention trop forte de façon constante. La mise en perspective de ces
différentes conclusions permet de prendre du recul par rapport aux résultats de cette étude.
Elle permet de prendre conscience de la nécessité d’études ultérieures afin de reconnaître
le potentiel intérêt d’un modèle d’évaluation fiable de l’AT dans la prise en charge de
lombalgies chroniques.
7.1.4 Hypothèse 5
Enfin, la dernière hypothèse dépasse, en quelque sorte, les objectifs fixés par ce travail
de recherche. A l’origine, ce travail de fin d’étude s’intéressait uniquement à l’intérêt que
pourrait représenter une évaluation fiable de l’AT. Il n’était pas prévu de parler
spécifiquement d’un outil ou d’explorer les modalités de mise en place de cette
59
évaluation. Cependant, durant le premier entretien, la Working Alliance Inventory fut
présentée succinctement à l’interrogé pour l’aider à visualiser le contexte de l’évaluation,
ce qui a naturellement entraîné des échanges portant sur sa mise en place et ses limites.
Cette hypothèse a donc été proposée car la situation s’est reproduite avec d’autres
interrogés mais malheureusement pas avec tous. L’hypothèse en question était la
suivante : « Les outils existants ne sont pas adaptés à une utilisation clinique ». Cette
hypothèse émane des résultats de l’étude menée par le docteur Margot Gicquel à Brest
(35). Cette étude montre que la moitié des étudiants interrogés n’étaient pas favorables à
l’utilisation de cette échelle durant leur formation et au cours de leur exercice
professionnel. L’une des hypothèses explicatives pouvait donc être que la forme de l’outil
proposé n’était pas adaptée à une utilisation clinique. Ce thème fut abordé avec six des
MKDE interrogés, les questions portaient principalement sur la façon dont ils imaginaient
utiliser cette évaluation et les limites qu’ils pourraient rencontrer. Ces éléments de
réponse étaient confrontés à une échelle existante, la Working alliance inventory, pour
voir si elle correspondait à leurs attentes. A la suite de l’analyse des résultats, cette
hypothèse peut être rejetée, il s’avère que la principale crainte des interrogés sur cet outil
était la fastidiosité de son utilisation : il ne fallait pas que cet outil soit trop long à utiliser,
que ce soit pour eux ou pour le patient. Et il fallait que cet outil puisse permettre au
thérapeute d’identifier les éléments déficitaires de son alliance thérapeutique avec le
patient, dans le cas où la situation se présenterait. La WAI répond à ces craintes car elle
existe sous forme courte, la WAI short form (68) et, comme nous l’avons déjà vu, elle
évalue séparément les trois dimensions de l’AT permettant d’identifier laquelle est en
déficit par rapport aux autres. Les entretiens ont également permis d’identifier que les
interrogés utiliseraient cette évaluation régulièrement au même titre qu’un bilan clinique,
ce qui est une application possible de la WAI.
Comme toute recherche qualitative, ce travail présente des limites, déjà présentées
dans le chapitre « méthodologie », relatives à la réalisation des entretiens et décrites par
Geneviève Imbert (9). Pour les reprendre, tous les entretiens ne se sont pas déroulés dans
le même contexte : en effet, en raison de la distance géographique, quatre d’entre eux ont
été réalisés par appel téléphonique ou visio-conférence. Une autre limite, relative à la
situation sociale des intervenants de l’étude, peut être constatée. Comme dit
précédemment, six des neuf interrogés connaissaient l’enquêteur avant de participer à
l’étude. Une différence de relation pouvait donc exister entre les participants, ce qui a pu
impacter leur discours et leur témoignage. Ce travail de recherche s’est voulu le plus
rigoureux et objectif possible, de la construction du guide d’entretien à l’analyse des
61
entrevues en passant par leur réalisation. Malheureusement, le faible nombre de
participants ne permet pas une généralisation à l’ensemble de la population de MKDE.
Ces limites sont compensées par le fait que cette étude a permis de recueillir les avis de
MKDE issus de parcours professionnels différents, et donc de collecter un ensemble de
témoignages variés qui permet d’imaginer de nouvelles perspectives de recherche.
Les résultats obtenus avec cet échantillon sont encourageants et ouvrent des portes sur
d’autres recherches sur le thème de l’évaluation de l’alliance thérapeutique. Grâce à cette
étude il a pu être mis en évidence que les MKDE interrogés trouvent un intérêt pour
l’évaluation de l’AT dans leur pratique. On peut à présent s’interroger sur la possibilité
de mise en place de la WAI dans la pratique des kinésithérapeutes et recueillir leur retour
sur son utilisation, afin d’en évaluer l’acceptabilité dans la prise en charge des lombalgies
chroniques. Cette piste de recherche permettrait de faire le lien avec les recherches
menées par les Dr Gaouyer et Dr Gicquel (35,72) et de savoir si la WAI est un outil
utilisable en kinésithérapie ou s’il serait plus intéressant de développer un nouvel outil
spécifique à la kinésithérapie.
Ce travail de recherche est venu approfondir mes connaissances sur le sujet et conforter
mes idées sur l’importance de la compétence « Etablir et entretenir une relation et une
communication dans un contexte d’intervention en masso-kinésithérapie » (16). Les
conclusions et la diversité des témoignages issus de ce mémoire guideront ma future
62
pratique professionnelle, et me donnent envie de développer davantage mes compétences
en communication et en pédagogie. Les enseignements que j’ai pu tirer des échanges avec
les professionnels impacteront ma relation avec les patients, notamment durant les
premières séances. Je comprends à présent tous les enjeux de la posture et du rôle que le
kinésithérapeute doit jouer auprès de son patient. Il n’est pas qu’un simple technicien qui
dispense des soins, l’empathie et la prise en compte de la singularité du patient sont des
éléments primordiaux que l’on nous répète depuis le début de notre formation mais qui
ont pris un réel sens grâce à ce travail de recherche.
63
7.3.2 Amélioration des pratiques : Utilisation de la WAI durant la formation
Cet axe d’amélioration est également inspiré des thèses des Dr Gaouyer et Dr Gicquel
(34,35). Dans leurs thèses respectives elles évoquaient la possibilité d’utiliser cette
échelle dans le parcours de formation des internes en médecine générale. Cette possibilité
est également envisageable dans le parcours de formation des étudiants en masso-
kinésithérapie et pourrait constituer une question de recherche intéressante. Alors que
l’on constate une évolution de la formation vers l’approfondissement des compétences
relationnelles, notamment avec la mise en place de l’initiation à la formation ETP dans le
cursus initial à l’IFMK de Brest depuis 2019, il pourrait être intéressant de proposer cette
échelle afin de guider les étudiants à appréhender cette notion qu’est l’alliance
thérapeutique. Il pourrait également s’agir d’une étude qualitative dans laquelle il serait
proposé aux étudiants MK d’utiliser la WAI version thérapeute durant leur stage et, dans
un second temps, de les interroger sur ce que cela leur a apporté.
64
8. Conclusion
La finalité de ce travail de recherche était, d’une part, de faire un bilan des connaissances
des MKDE libéraux sur l’alliance thérapeutique. D’autre part, de recueillir leurs avis sur
l’intérêt que pourrait représenter une évaluation fiable de cette alliance dans la prise en
charge des patients souffrant de lombalgie chronique. Cette finalité fut problématisée
ainsi : « Quel serait l’apport et l’usage d’une évaluation fiable de l’alliance thérapeutique
entre un kinésithérapeute et son patient dans la prise en charge des lombalgies
chroniques ? ». Afin de répondre aux objectifs de recherche soulevés par cette
problématique, ce travail de recherche s’est organisé autour d’une méthode qualitative
par entretiens semi-directifs. La principale difficulté rencontrée était dans l’interprétation
et l’analyse des résultats. Afin de ne pas déformer les propos des interrogés, l’ensemble
des entretiens fut enregistré, retranscrit dans leur intégralité et analysé individuellement
de façon rigoureuse.
Les résultats issus de cette recherche permettent de conclure que l’alliance thérapeutique
est une notion maîtrisée par les MKDE interrogés. Ils consacrent, tous, un intérêt
particulier dans sa construction, en collaboration avec le patient, la jugeant comme un
facteur déterminant dans la réussite du traitement. Actuellement, ils ne sont pas en mesure
d’identifier de manière fiable la qualité de cette alliance à un moment t de la prise en
charge, chacun se fiant à son instinct ou usant d’indices extérieurs pour en avoir une idée.
Face à ce constat, la majorité des interrogés manifeste un intérêt pour l’utilisation d’un
outil d’évaluation fiable de l’alliance thérapeutique dans leur pratique.
Ces résultats sont surprenants quand on les confronte à l’hypothèse de départ, selon
laquelle, tous les MKDE n’accordent pas la même importance à l’alliance thérapeutique
dans le soin. Ils viennent confirmer l’intérêt que pourrait représenter l’évaluation de l’AT
pour la prise en charge des lombalgies chroniques. Ils permettent, à présent, d’offrir de
nouvelles perspectives de recherche notamment sur la mise en place des outils
d’évaluation existants auprès des MKDE ou des étudiants MK en formation.
L’alliance thérapeutique est le principal levier sur lequel on peut agir afin de tirer le
meilleur profit d’un programme de rééducation. S’assurer de sa bonne qualité est donc le
meilleur moyen, pour nous thérapeutes, d’assurer un haut niveau de prise en charge. Cela
étant, ce travail de recherche s’inscrit dans une problématique plus vaste. En effet on peut,
à présent, s’interroger sur les possibilités d’utilisation de la WAI dans la réalité pratique.
65
9. Bibliographie
6. Schmid PF, Zeller O, Priels J-M. Interpellation et réponse. Approche Centree Sur Pers Prat
Rech. 1 juill 2009;n° 9(1):48‑85.
9. Martin J. Dialoguer pour soigner. Les pratiques et les droits. Médecine et hygiène. 2002.
10. LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé. 2002-303 mars 4, 2002.
14. Bordin ES. The generalizability of the psychoanalytic concept of the working alliance.
Psychother Theory Res Pract. 1979;16(3):252‑60.
15. Rogers C. Approche centrée sur la personne: Anthologie de textes présentés par Howard
Kirschenbaum et Valérie Land Hederson. Ambre. 2001.
17. Kinney M, Seider J, Beaty AF, Coughlin K, Dyal M, Clewley D. The impact of therapeutic
alliance in physical therapy for chronic musculoskeletal pain: A systematic review of the
literature. Physiother Theory Pract. 28 sept 2018;1‑13.
66
18. Qu’est-ce que l’évaluation? – EVAL [Internet]. [cité 31 oct 2019]. Disponible sur:
http://www.eval.fr/quest-ce-que-levaluation/
20. Béthoux F, Calmels P. Guide des outils de mesure et d’évaluation en médecine physique
et de réadaptation. Paris: Frison-Roche; 2003.
21. Horvath AO, Greenberg LS. Development and validation of the Working Alliance
Inventory. J Couns Psychol. 1989;36(2):223‑33.
22. Bottemine T. Traduction de la Working Alliance Inventory Short Version (WAI SR) en
français par une méthode de consensus Delphi avec une traduction Aller/Retour. :76.
24. ABENHAIM (L.), ABENHAIM (L.), GALES (C.) L. Rapport du GTNDO : analyse des
connaissances disponibles sur des problèmes de santé sélectionnées, leurs déterminants,
et les stratégies de santé publique : définition d’objectifs. Paris: La documentation
française; 2003.
25. Lombalgie chronique de l’adulte et chirurgie [Internet]. Haute Autorité de Santé. [cité 14
avr 2020]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/jcms/c_2615316/fr/lombalgie-
chronique-de-l-adulte-et-chirurgie
27. Quelques chiffres sur la lombalgie et le mal de dos [Internet]. Lombalgie. [cité 19 avr
2020]. Disponible sur: http://www.lombalgie.fr/comprendre/quelques-chiffres/
28. Berquin A. Le modèle biopsychosocial: beaucoup plus qu’un supplément d’empathie. Rev
Médicale Suisse. 2010;6:1511‑3.
30. Nicholas MK, Linton SJ, Watson PJ, Main CJ, « Decade of the Flags » Working Group. Early
identification and management of psychological risk factors (« yellow flags ») in patients
with low back pain: a reappraisal. Phys Ther. mai 2011;91(5):737‑53.
31. Gatchel RJ, Polatin PB, Mayer TG. The dominant role of psychosocial risk factors in the
development of chronic low back pain disability. Spine. 15 déc 1995;20(24):2702‑9.
32. Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique
[Internet]. Haute Autorité de Santé. [cité 14 avr 2020]. Disponible sur: https://www.has-
sante.fr/jcms/c_271859/fr/diagnostic-prise-en-charge-et-suivi-des-malades-atteints-de-
lombalgie-chronique
67
33. Mongeau P. Réaliser son mémoire ou sa thèse : Côté jeans et côté tenue de soirée
[Internet]. Presses de l’Université du Québec; 2008 [cité 21 janv 2020]. Disponible sur:
http://univ.scholarvox.com.scd-proxy.univ-
brest.fr/catalog/book/docid/88801595?searchterm=r%C3%A9daction%20m%C3%A9moir
e
36. Qu’est ce que l’éducation thérapeutique [Internet]. calameo.com. [cité 27 févr 2020].
Disponible sur: https://www.calameo.com/read/005694110bd6a56475f52
37. Alix Y. Traduction du Working Alliance Inventory (WAI) version thérapeute, d’anglais en
français, à l’aide d’une traduction aller-retour et d’une méthode de consensus Delph. :73.
40. Décret du 29 mars 1963 RELATIF AUX ETUDES PREPARATOIRES ET AUX EPREUVES DU
DIPLOME D’ETAT DE MASSEUR-KINESITHERAPEUTE.
43. Gaston L. The concept of the alliance and its role in psychotherapy: Theoretical and
empirical considerations. Psychother Theory Res Pract Train. 1990;27(2):143‑53.
44. Gedda M. Pas de kinésithérapie sans éducation thérapeutique. Kinésithérapie Sci. 10 oct
2008;(492):41‑4.
45. Pomey M-P, Flora L, Karazivan P, Dumez V, Lebel P, Vanier M-C, et al. Le « Montreal
model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé.
Sante Publique (Bucur). 26 mars 2015;S1(HS):41‑50.
46. Carman KL, Dardess P, Maurer M, Sofaer S, Adams K, Bechtel C, et al. Patient and family
engagement: a framework for understanding the elements and developing interventions
and policies. Health Aff Proj Hope. févr 2013;32(2):223‑31.
48. Miciak M, Mayan M, Brown C, Joyce AS, Gross DP. A framework for establishing
connections in physiotherapy practice. Physiother Theory Pract. janv 2019;35(1):40‑56.
68
49. Fanget G. L’effet placebo en kinésithérapie, les connaissances actuelles et leurs
répercussions sur la pratique. Kinésithérapie Sci. 10 janv 2018;(594):23‑4.
50. Moore AJ, Holden MA, Foster NE, Jinks C. Therapeutic alliance facilitates adherence to
physiotherapy-led exercise and physical activity for older adults with knee pain: a
longitudinal qualitative study. J Physiother. janv 2020;66(1):45‑53.
51. Meade L, Bearne L, Godfrey E. « It’s important to buy in to the new lifestyle »: barriers
and facilitators of exercise adherence in a population with persistent musculoskeletal
pain. Disabil Rehabil. 26 juin 2019;
52. Fuertes JN, Mislowack A, Bennett J, Paul L, Gilbert TC, Fontan G, et al. The physician-
patient working alliance. Patient Educ Couns. avr 2007;66(1):29‑36.
53. Fuertes JN, Boylan LS, Fontanella JA. Behavioral indices in medical care outcome: the
working alliance, adherence, and related factors. J Gen Intern Med. janv 2009;24(1):80‑5.
54. Holman H, Lorig K. Patients as partners in managing chronic disease. BMJ. 26 févr
2000;320(7234):526‑7.
55. Randin J-M. Soignant-soigné un équilibre si délicat. Approche Centree Sur Pers Prat Rech.
2019;27:93‑6.
56. Klinger R, Stuhlreyer J, Schmitz J, Zöllner C, Roder C, Krug F. Psychological factors in the
context of perioperative knee and joint pain: the role of treatment expectations in pain
evolvement. Schmerz. févr 2019;33.
60. Semmons J. The role of physiotherapy in the management of chronic pain. Anaesth
Intensive Care Med. 1 sept 2016;17(9):445‑7.
61. Ibrahim ME, Weber K, Courvoisier DS, Genevay S. Recovering the capability to work
among patients with chronic low Back pain after a four-week, multidisciplinary
biopsychosocial rehabilitation program: 18-month follow-up study. BMC Musculoskelet
Disord. 10 oct 2019;20(1):439.
62. Gegnaux J-P, Guay V, Marsal C. Evidence based practice ou la pratique basée sur les
preuves en rééducation. Kinésithérapie Rev. oct 2009;9:55‑61.
63. Messer SB. Evidence-Based Practice. Encycl Ment Health. 2016;2ème édition:161‑9.
69
64. Ferreira PH, Ferreira ML, Maher CG, Refshauge KM, Latimer J, Adams RD. The therapeutic
alliance between clinicians and patients predicts outcome in chronic low back pain. Phys
Ther. avr 2013;93(4):470‑8.
65. Tryon GS, Blackwell SC, Hammel EF. A meta-analytic examination of client–therapist
perspectives of the working alliance. Psychother Res. 1 nov 2007;17(6):629‑42.
66. Horvath AO, Symonds BD. Relation between working alliance and outcome in
psychotherapy: A meta-analysis. J Couns Psychol. 1991;38(2):139‑49.
69. Broustau N, Cam F. L’entretien de type qualitatif. Réflexions de Jean Poupart sur cette
méthode. 1 janv 2012;
70
Sommaires des annexes :
Question 1 :
Pouvez-vous me présenter votre parcours professionnel depuis l’obtention de votre
diplôme d’état ?
Question 2 :
Depuis l’obtention de votre diplôme, comment a évolué votre approche des patients afin
de les mettre en confiance et de créer une alliance avec eux ?
Question 3 :
Quelles stratégies ou techniques d’approche mettez-vous en place pour construire une
relation et un cadre de soin optimal avec un patient ? Que ce soit durant la première
séance, mais aussi dans la durée tout au long de la prise en charge ?
Question 4 :
Selon vous, qu’est-ce que cette relation avec le patient apporte à votre prise en charge ?
Et quelle place occupe-t-elle dans votre exercice professionnel ?
Question 5 :
Quelles sont, selon vous, les particularités de la construction de ce cadre avec des
patients lombalgiques chroniques ?
I
Question 6 :
Comment vous assurez-vous que votre cadre de soin/relation est optimal pour votre
prise en charge ? (utilisez-vous des indicateurs spécifiques ?)
Question 7 :
Si je vous disais qu’il existe un outil permettant d’évaluer la force du lien qu’il existe
entre un MKDE et son patient, quel intérêt pourrait-il représenter dans votre pratique ?
II
Annexe 2 : Entretien d’Elise, MKDE libérale formée à l’ETP
Paul : Avant de commencer, comme pour tous les entretiens que j’ai réalisés jusqu’à
présent, j’aimerais vous lire un encadré que j’ai préparé qui me permet de vous
réexpliquer le contenu de mon mémoire, ma réflexion et mon objectif de recherche. « Je
suis étudiant en 4ème année de masso-kinésithérapie. Dans le cadre de ma formation je
réalise un mémoire d’initiation à la recherche sur le thème de l’alliance thérapeutique et
les outils permettant sa mesure. Je souhaite savoir si ces outils sont utilisables et s’ils
apportent un bénéfice à la prise en charge des lombalgies chroniques. Afin de répondre
à cette question je souhaite réaliser des entretiens semi-directifs avec des MKDE, dans
le but de recueillir leurs témoignages et leur avis sur cette question en se basant sur leur
expérience et leur représentation de l’alliance thérapeutique.
Durant cet entretien je vais vous poser des questions ouvertes en lien avec votre
expérience et votre pratique professionnelle. Une fois la question posée, je vous laisserai
formuler votre réponse en vous interrompant le moins possible.
Elise : D’accord.
Elise : 2002.
Elise : D’accord. Dans un premier temps, j’ai toujours exercé en libéral depuis l’obtention
de mon diplôme jusqu’en janvier 2018, où là j’ai entrepris une activité mixte, c’est-à-dire
que j’ai conservé mon activité libérale mais, à côté, je suis également salariée d’une
association qui fait de la prévention en kinésithérapie.
III
Paul : D’accord, et pour votre parcours de formation.
Elise : J’ai réalisé plusieurs formations, tous les ans depuis que je suis diplômée. Dans
les formations certifiantes et validantes je citerais mon diplôme d’ostéopathe, ensuite mon
master 2 en sciences de l’éducation et un DU d’ergonomie, et évidemment la formation
ETP, quarante heures validantes.
Elise : C’est vaste comme question. Si je me projette à mes débuts, très rapidement j’ai
dû passer d’une communication technique à une communication beaucoup plus humaine,
on peut dire ça comme ça. Ce qui explique aussi mon parcours de formation. De la
technique je suis allée chercher un diplôme d’ostéopathe qui s’est révélé intéressant mais
non suffisant. Ce qui m’a amené à chercher des formations qui approfondissent la relation
humaine et justement la quête de l’alliance thérapeutique. Donc, effectivement, tout au
long de ma carrière, je me suis éloignée, on va dire, de l’intérêt que je portais à la
technique pour à la fin, ces dernières années, me dire que le mouvement était devenu un
prétexte à la prise en soin que je réalisais chaque jour.
Paul : D’accord. Quand vous parlez de « communication technique » ça veut dire que
vous étiez plus focalisée sur le geste et les techniques kinés plutôt que sur la
communication et la relation avec le patient ?
Paul : Est-ce que vous pourriez détailler cet aspect de la « communication humaine » que
vous avez évoqué ? Qu’est-ce qui, concrètement, a changé dans votre prise en charge à
partir de ce moment-là ?
IV
Paul : Ok. Du coup je vais passer à la question suivante, qui risque peut-être de vous faire
répéter certaines choses. Quelles stratégies ou techniques d’approches vous mettez en
place pour construire une relation et un cadre de soin optimal avec le patient ? Que ce soit
durant la première séance mais aussi durant le reste de la prise en charge ?
Elise : La première séance est très importante, je pense, car elle permet de poser le cadre
et le décor, le cadre de nos échanges. C’est durant cette première séance que je vais poser
des questions majoritairement ouvertes pour en apprendre le plus possible sur le patient.
Je vais également, en fin de séance, définir le cadre et formuler des objectifs que je lui
demanderai de valider ou non. On peut parler d’un contrat d’objectifs. Donc je joue en
permanence, durant les premières séances, sur ces deux tableaux à la fois très ouverts et
très larges pour adapter toute la prise en soin au patient, pour qu’il puisse y prendre part,
mais en apportant un cadre d’objectifs.
Tout au long de la prise en soin, les questions resteront ouvertes et centrées sur le patient.
Paul : D’accord, là je pense que je ne pouvais pas attendre de réponse plus claire sur ce
thème. Je vous propose donc de passer à la question suivante. Selon vous, qu’est-ce que
la relation que vous créez avec le patient va apporter à votre prise en charge ? Et quelle
place elle occupe dans votre exercice professionnel ?
Elise : Elle est centrale, et elle est devenue vraiment centrale au fur et à mesure des
formations complémentaires que j’ai pu faire et valider par mon expérience de terrain.
Elle est vraiment centrale. Je pense que c’est une relation de confiance, une relation
responsable aussi, parce que le patient a une place d’acteur de son traitement et de sa prise
en soin, il devient responsable également. Donc, ça enlève une certaine passivité. Il est
actif. Et j’avais remarqué, par exemple, que j’avais très peu de « lapins » au fil des
séances. Il y a ça aussi qui se perçoit, que les patients venaient vraiment avec beaucoup
de régularité à ces séances. D’ailleurs je pourrais même les laisser choisir le tempo des
séances, il n’y a pas de soucis là-dessus. Et donc, j’avais quasiment aucun « lapin » dès
lors que j’avais changé ma façon de communiquer avec les patients. C’est donc une
relation de confiance et de responsabilité.
Paul : Du coup ce que vous me dîtes c’est que cette relation apporte une participation
plus active du patient ?
V
Paul : D’accord, du coup maintenant si je vous demande de vous focaliser plus sur la
lombalgie chronique. Je ne sais pas si vous avez l’habitude d’en prendre en charge
régulièrement ou pas. Selon vous, quelles sont les particularités de la construction de ce
cadre avec des patients souffrant de lombalgies chroniques ?
Elise : Le vécu expérientiel qu’ils ont. Ils ont un gros vécu par rapport à d’autres
personnes qui sont sur des lombalgies aigues. Là on questionne vraiment des années de
douleur chronique.
Elise : L’adaptation était déjà dans le bilan parce que je leur faisais passer des échelles
de qualité de vie et puis des questions sur la connaissance de leur pathologie, en tout cas
les représentations qu’ils en avaient. Donc ça me laissait un grand champ d’action. Et
puis, aussi, je les questionnais sur les prises en soin dont ils avaient bénéficiées
auparavant. C’est là-dessus qu’on construisait vraiment le parcours.
VI
Paul : En fonction de leur ressenti et de leurs attentes ?
Paul : Ok. Du coup maintenant si je vous demande, que ce soit avec des patients
lombalgiques chroniques ou d’autres patients, comment est-ce que vous vous assurez que
votre cadre de soin ou votre relation est optimale pour votre prise en charge ?
Elise : Je n’ai pas de moyen autres que subjectifs. Ma réponse va forcément être
subjective. Justement ça m’intéressera de lire votre mémoire après parce que mon ressenti
va être uniquement subjectif et qualitatif. Donc ça va être des choses comme le fait de
ressentir s’il est content de venir à ses séances, s’il y vient de façon régulière, si, d’une
façon ou d’une autre, il s’est approprié des éléments d’objectifs qu’on avait définis
ensemble. Qui ne sont pas forcément « faire tel ou tel exercice », ça peut aussi être des
modifications d’habitudes dans la vie quotidienne, en tout cas des choses qu’on aura
définies ensemble. Donc voir s’il y a des choses qui se mettent en place de son côté. Et
puis après c’est jongler avec cette qualité présentielle, et à un moment donné que je sente
s’il arrive à se détacher de moi justement en prenant son envol et en espaçant les séances.
Mais en même temps en gardant la qualité de nos échanges. Mais oui autrement c’est
totalement subjectif, je n’ai pas de notion de bilan quantitatif pour évaluer ça.
Paul : Et du coup, vous avez surtout insisté sur le côté présentiel, le fait que le patient
vienne aux séances ou non et qu’il y voit un intérêt. Mais pendant le déroulement de la
séance est-ce qu’il y aurait d’autres éléments qui vous permettent de savoir si votre
relation avec votre patient est optimale ?
Elise : Euh…. Je ne sais pas quoi répondre. En quoi je peux m’assurer en présentiel que
j’ai une bonne alliance avec mon patient ? [NDLR : question qu’elle se pose à elle-même]
Paul : Après je ne dis pas qu’il y a forcément une réponse à cette question, je voulais
juste vous orienter vers ce point.
Elise : Oui, je réfléchis… Ça va encore être des choses que j’imagine. J’imagine que je
vais m’attacher au fait qu’il me regarde dans les yeux ou pas, si notre relation elle est
sincère, ouais des choses comme ça.
VII
Paul : D’accord. Du coup j’arrive à la dernière question de mon guide d’entretien qui est
directement en lien avec ce dont on vient de parler. Si je vous disais maintenant qu’il
existait un outil permettant d’évaluer la force du lien qui existe entre un kiné et son
patient, quel intérêt pourrait représenter cette évaluation dans votre pratique et votre prise
en charge ?
Elise : Me concernant, cet outil représenterait un intérêt énorme. J’adorerais avoir un outil
me permettant d’évaluer ce dont on vient de parler. Et ce à deux niveaux, tout d’abord
dans la prise en soin que je peux faire au quotidien mais également, à titre personnel, car
ça me passionne. Donc, effectivement, je serai très preneuse d’une évaluation de ce type.
Paul : D’accord, au vu de ce que vous me dîtes je pense que vous y attacheriez beaucoup
d’importance. Est-ce que vous pouvez déjà imaginer les modalités d’utilisation de cette
évaluation ? En termes de durée, de temporalité ? Est-ce que vous vous imagineriez
l’utiliser à toutes les séances ou alors une utilisation régulière par exemple toutes les
semaines ?
Elise : Ce n’est pas évident de dire ça maintenant. Déjà, ce n’est pas évident, entre moi
et moi que je m’engage à faire quelque chose exactement toutes les semaines ou tous les
mois, je pense que dans la vraie vie je n’y arriverai pas. Mais par contre, je pense qu’à
des moments clés ça peut être intéressant. Par exemple, des moments où on fait des bilans,
que ce soit des bilans physiques ou quand je lui fais remplir des auto-questionnaires avant
d’aller voir le médecin de rééducation. Ça peut être à ce moment-là. Ça peut aussi être
utilisé à des moments où on peut sentir que la qualité de l’alliance diminue, ce sera un
ressenti subjectif et ça pourrait être intéressant de l’évaluer de façon plus concrète à ce
moment-là.
Paul : Du coup je rebondis directement sur l’idée que vous venez d’évoquer. Si jamais
vous sentiez que votre alliance avec un patient se dégradait et que vous objectiviez cette
dégradation avec cet outil, quel intérêt ça pourrait représenter pour votre prise en charge
à ce moment-là ?
Elise : Je pense que ça m’aiderait à repérer à quel endroit de la relation ça a pêché. Parce
que je suppose que cette évaluation de l’alliance thérapeutique, dans cette grille, tient
compte de plusieurs éléments. Ça me permettrait donc d’identifier l’élément ou les
éléments de la relation qui ont provoqué cette diminution de la force de l’alliance.
VIII
Paul : D’accord. Merci. Du coup je suis arrivé au bout de mes questions. Je pense avoir
abordé avec vous tous les éléments qui me semblaient importants sur ce thème. Avant de
mettre fin à cet entretien, je voulais savoir si vous aviez quelque chose à rajouter en plus,
un élément qui vous serait venu à l’esprit durant l’entretien et que vous n’auriez pas pu
dire ? Ou alors un sujet qui vous semblait important et que je n’aurais pas abordé avec
vous durant cet entretien ?
Paul : D’accord, parfait. Du coup merci encore pour votre participation et votre aide dans
mon travail de recherche. Je vous propose de couper l’enregistrement et de s’arrêter là
pour cet entretien.
IX
Annexe 3 : Forme française de la WAI, version thérapeute, traduite
par le Dr Yohann Alix (37)
X
XI
XII
XIII
XIV
TANGUY Paul
Intérêt d’un modèle d’évaluation de l’alliance thérapeutique dans la prise en charge des
patients souffrant de lombalgie chronique : une étude qualitative réalisée auprès de
MKDE libéraux
Introduction : L’alliance thérapeutique (AT) entre un patient et son thérapeute est un
élément central, prédictif de résultats, dans la prise en charge des pathologies
chroniques. L’objectif de ce mémoire est de comprendre les moyens employés par les
kinésithérapeutes pour évaluer la qualité de l’alliance thérapeutique. Et dans un second
temps, de se préoccuper de l’intérêt que pourrait représenter un modèle d’évaluation
fiable de l’AT dans la prise en charge des patients souffrant de lombalgies chroniques.
Méthode : Cette étude est une recherche qualitative par entretiens semi-directifs
réalisés auprès d’une population de neuf masseurs-kinésithérapeutes (MKDE) libéraux.
Ceci dans le but de recueillir leur retour d’expérience sur la construction de l’AT et
leurs avis sur l’intérêt que pourrait représenter un modèle d’évaluation fiable dans leur
pratique.
Résultats : Les moyens employés par les MKDE, afin d’évaluer l’AT, sont
principalement subjectifs, par analyse du comportement du patient ou par recherche de
feed-back. Il a été constaté un intérêt de la part de la population interrogée pour
l’utilisation d’un modèle fiable d’évaluation de l’AT.
Conclusion : Les résultats de cette étude permettent de mettre en lumière l’intérêt que
représenterait l’évaluation de l’AT dans la prise en charge des lombalgies chroniques
afin d’assurer un haut niveau de résultat. Cette recherche ouvre également des
perspectives sur de futures études visant à étudier les possibilités d’utilisation d’outil
d’évaluation de l’AT existant lors de la prise en charge de patients souffrant de
lombalgie chronique.
Background: Therapeutic alliance (TA) between a patient and his therapist is the key
of chronic diseases treatment. During the treatment, the challenge for the therapist is
making sure of this alliance and its quality. The purpose of this study is to understand
the ways used by physiotherapist to assess therapeutic alliance quality. Especially, this
study tries to figure out the interest of a TA assessment model in the chronic low back
pain treatments.
Design: This study was a qualitative research, based on semi-structured interviews with
9 freelance physiotherapists. It aimed at collecting their feedbacks regarding
therapeutic alliance, its building and its assessment.
Results: To assess TA, physiotherapist mainly used subjective methods by analysing
patient’s behaviour or by asking them for feed-backs. This study showed an interest
among physiotherapists interviewed about using an assessment model of therapeutic
alliance.
Conclusion: To conclude, this research highlights the interest of therapeutic alliance
assessment in chronic low back pain treatment. It also allows new prospects about
therapeutic alliance assessment research, for instance studying the possibility of using
existing therapeutic alliance scale during chronic low back pain treatment.