Le Grand Desordre Hormonal
Le Grand Desordre Hormonal
Le Grand Desordre Hormonal
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SOMMAIRE
Titre
1 - Quand deux petits poissons s'aimaient d'amour tendre…
2 - Quand rien ne va plus dans le monde hormonal
3 - Quand les polluants chimiques imitent les hormones
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20 - Quand le pénis est mal formé à la naissance : l'hypospadias
21 - Quand le pénis devient micro
22 - Quand le cancer du testicule triple en quarante ans
23 - Quand le cancer de la prostate triple en trente ans
24 - Quand les médicaments font pousser les seins des hommes
Remerciements
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Copyright
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sans cause exacte connue ». Tout le monde trouve la situation
inextricable.
Arrive une grand-mère qui fait remarquer que l’eau de l’aquarium est
sale et malsaine et que cette situation est sans doute due à un
enchaînement de circonstances qui ont perturbé le lieu de vie des
poissons. Elle pose des questions pour savoir ce qu’il s’est passé. On ne
lui répond qu’à moitié, car tout le monde la trouve déprimante. De plus,
si on l’écoutait, il faudrait remettre en cause beaucoup de comportements
de la famille, ce qui semble hors de portée et trop fatigant.
Finalement, la grand-mère prend sur elle de changer l’eau de
l’aquarium. Elle replace les poissons dans une eau propre, bien
oxygénée. Et là, miracle, toute la famille poisson retrouve la santé.
Fin de l’histoire ? Non, car si la famille se contente de savourer le
résultat sans comprendre quel a été le déclencheur initial du dérèglement,
quelqu’un reviendra la semaine suivante et remarquera une algue verte
sur la paroi de l’aquarium que l’on ferait bien d’éradiquer, et tout le
cycle infernal recommencera.
Cette entrée en matière a pour but de montrer où nous en sommes
dans la gestion de notre santé et comment il est possible d’aller vers un
mieux-être généralisé à condition de ne pas se voiler la face.
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Perturbation chimique du lieu de vie :
Les toxiques chimiques perturbent les hormones sans tuer les
poissons.
La restauration de l’équilibre passe par la détoxification du lieu de
vie.
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Ce travail de mise à niveau de la perception du problème peut avoir
un côté décourageant, mais l’objectif est de dépasser cette phase de
compréhension de l’étendue du phénomène d’empoisonnement chimique
pour aboutir au contraire à l’envie de l’action, l’empowerment, comme
diraient les Anglo-Saxons. Si on peut relier une maladie à un danger, on
peut aussi essayer d’identifier ce dernier, dans la vie de tous les jours,
pour mieux l’éviter et rester en bonne santé.
Si une femme enceinte sait que des cachets de paracétamol peuvent
avoir des effets hormonaux féminisants sur son fœtus, elle sera contente
d’éviter de les prendre. Si elle a appris que des lingettes nettoyantes pour
les fesses de son nourrisson peuvent aussi altérer le fonctionnement de sa
thyroïde, elle essaiera sans doute de ne plus en utiliser pour ne pas
réduire les potentialités futures de son enfant.
Si un adolescent en pleine puberté a des envies légitimes d’affirmer
sa virilité, ne sera-t-il pas curieux de savoir que les revêtements internes
des canettes de soda et des boîtes de conserve contiennent un plastifiant
féminisant ?
Si un jeune homme souhaite entrer dans la paternité, il sera peut-être
intéressé d’apprendre quelles sont les mousses à raser qui contiennent
des phtalates toxiques pour ses spermatozoïdes et sa testostérone.
Si une jeune femme a des désirs de grossesse, ne sera-t-elle pas
tentée de manger plus souvent de la nourriture bio si l’expérience montre
que ses chances d’enfanter s’en trouveront accrues ?
Si une jeune fille a remarqué que sa libido est en berne depuis qu’elle
prend la pilule, elle pourra éventuellement apprécier de comprendre
quels sont les mécanismes à l’œuvre et comment les déjouer.
Si une femme mûre apprend qu’elle peut sérieusement réduire son
risque d’avoir un cancer du sein si elle évite les traitements hormonaux,
sera-t-elle déprimée ou au contraire ravie de mettre toutes les chances de
son côté pour rester en bonne santé ?
Si un senior est informé qu’un médicament anticholestérol a le même
effet que des hormones femelles et lui fait pousser les seins et gonfler la
prostate, n’en tirera-t-il aucune conclusion ?
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Ce cheminement nous conduira à regarder avec un œil nouveau des
maladies qui a priori n’ont rien à voir avec les perturbateurs hormonaux,
qu’on appelle aussi « perturbateurs endocriniens ». Ce sont par exemple
le diabète, l’obésité, les maladies de la thyroïde, les leucémies, l’asthme,
les allergies ou les troubles comportementaux des enfants. D’autres
maladies sont plus directement « hormonodépendantes », ce qui signifie
que les hormones y jouent un rôle principal. Ce sont par exemple les
cancers du sein ou de la prostate, bien plus liés aux perturbateurs
endocriniens qu’on ne l’imagine. Ce sont aussi tous les
dysfonctionnements de la sphère sexuelle et de la reproduction, qui sont
méconnus.
Trop souvent, les chercheurs qui détiennent des informations parfois
très innovantes et salutaires restent cloisonnés dans leurs cercles
d’experts et dans leur discipline. Les liens qui relient certaines avancées
scientifiques ne sont pas toujours compris, tandis que le public, lui,
demeure dans l’ignorance de l’état de la science. Ce livre se propose de
dresser un pont entre la recherche scientifique et le grand public. L’idée
qui le sous-tend est que tout le monde est capable de comprendre à
condition qu’on réussisse à bien expliquer. Nous allons humblement
essayer de faire nôtre la formule de Nicolas Boileau : « Ce qui se conçoit
bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »
L’objectif est ambitieux, car il consiste à mettre à la disposition de
chacun les résultats des recherches les plus pointues.
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Quand les enfants ont des cerveaux déficients et un QI en berne,
Quand le taux de déficients thyroïdiens a presque décuplé en quatre
générations…
… c’est qu’il y a un problème. Et ce problème porte un nom : les
« perturbateurs hormonaux ». Dans ce livre, nous utilisons
principalement cette expression parce qu’elle est plus concrète et plus
intelligible que son équivalent médical officiel et un brin hermétique,
« perturbateurs endocriniens ».
Le mot « endocrinien », du grec endo (à l’intérieur) et krino
(sécréter), est certes plus académique, mais il noie la réalité qu’il décrit
d’une brume qui n’aide pas à prendre conscience de la globalité du
problème et n’est pas d’une compréhension immédiate.
Avant de nous intéresser à ce qui perturbe nos hormones, et donc nos
vies, commençons par un petit tour d’horizon : que sont les hormones, et
surtout, à quoi servent-elles ?
En premier lieu, pour comprendre l’importance des hormones et leur
spécificité pour tout le fonctionnement interne de l’organisme, autrement
dit pour le maintien de la vie, nous pouvons nous demander non pas
pourquoi nous sommes en vie – nous laissons cette interrogation aux
philosophes –, mais comment nous sommes en vie.
De l’importance des hormones
et de l’homéostasie
Que font les hormones ? Elles veillent à maintenir notre milieu
intérieur dans un équilibre constant et très délicat. Cette notion
fondamentale a trop souvent tendance à être oubliée ou sous-estimée.
Elle s’appelle « homéostasie », du grec homoios, qui veut dire « même,
égal », et stasis, qui signifie « état », soit un état constant ou stable.
Le concept a été inventé par l’un des plus grands savants de tous les
temps, le médecin et biologiste Claude Bernard, qui en donne la
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définition suivante : « Tous les mécanismes vitaux, quelque variés qu’ils
soient, n’ont toujours qu’un but, celui de maintenir l’unité des conditions
de la vie dans le milieu intérieur. » Il s’agit d’un état d’équilibre
dynamique dans lequel les conditions internes peuvent varier, mais
toujours dans des limites étroites autour de valeurs cibles compatibles
avec la vie.
Cet état d’équilibre est maintenu principalement par les
hormones, qui vont surveiller en permanence que rien ne vienne
perturber cet ensemble de mécanismes fragiles. Alors que dans le
détail les ajustements sont d’une infinie complexité, on peut résumer le
principe ainsi : « Juste, c’est juste, trop, c’est trop, pas assez, ce n’est pas
assez. » Et la conséquence du non-respect de ce principe, son corollaire
en quelque sorte, c’est : « Si quelque chose ne va plus, rien ne va plus. »
L’homéostasie est une sorte de thermostat. Ce dernier doit maintenir
une température programmée, à charge pour lui de tenir compte des
éventuels changements extérieurs pour accomplir sa mission.
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L’homéostasie :
À gauche, l’homéostasie est à son juste équilibre physiologique.
À droite, l’équilibre est rompu soit vers le trop (hyper), soit vers le
trop peu (hypo).
Dans l’organisme vivant, chez les êtres humains par exemple, les
hormones sont les messagères au service du « chef d’orchestre » situé
dans le cerveau et qui a pour nom « hypothalamus ». Il donne ses
consignes à son « adjointe », l’hypophyse, ou glande pituitaire, qui va les
répercuter en direction de l’organisme.
Le couple hypothalamus-hypophyse va en permanence surveiller et
maintenir les principales constantes physiologiques. Pour cela, il a
besoin de beaucoup d’énergie sous forme de glucose ; c’est un autre
organe, le pancréas, qui se charge de veiller à l’équilibre du taux de
sucre dans l’organisme et qui joue sa partition en solo.
Chez l’humain, voici quelques exemples des « fourchettes
quantitatives » à l’intérieur desquelles se perpétuent les « conditions de
la vie » chères à Claude Bernard. Le schéma est quasiment toujours le
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même : pour maintenir une constante, une hormone est sécrétée par une
glande.
– Le taux de sucre dans le sang
Il doit se situer à une valeur de 1,40 gramme par litre de sang. S’il
baisse trop, c’est l’hypoglycémie et, à terme, la mort. S’il monte trop,
c’est l’hyperglycémie, et à terme, la mort aussi.
Pour éviter l’issue fatale, la nature a prévu une parade : une hormone,
une surveillante qui s’appelle « insuline » et qui va immédiatement
réagir et rétablir l’équilibre. En réalité, l’insuline agit avec d’autres
hormones, comme le glucagon ou la somatostatine. Ces hormones sont
sécrétées par le pancréas et régulées par le foie.
– La température du corps
À 37,2 °C le matin, tout va bien. À partir de 38 °C, on commence à
avoir de la fièvre. À 44 °C, c’est la mort. En sens inverse, à 35 °C, c’est
l’hypothermie qui se produit, et à 32 °C, c’est la mort.
Quand le corps est mort, il est froid. La vie est partie avec la chaleur
ou la chaleur avec la vie. Qui va maintenir cette chaleur constante dans
l’organisme ? Qui va veiller à ce que les apports d’énergie compensent
les dépenses d’énergie ? Ce métabolisme de base est assuré
principalement par une autre hormone : l’hormone thyroïdienne, produite
par la glande thyroïde.
– L’équilibre du phosphore et du calcium
Le calcium et le phosphore sont indispensables aux cellules. Leur
proportion et leur quantité sont fixes dans un fonctionnement optimal de
l’organisme, avec une petite marge de souplesse.
Le taux normal de calcium dans le sang se situe autour de
10,5 microgrammes par décilitre de sang. Si l’on manque de calcium
avec un taux inférieur à 8,5 microgrammes, ou au contraire si l’on en a
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trop au-dessus de 10,5 microgrammes, rien ne va plus. Le système
neuromusculaire dysfonctionne, le système nerveux central disjoncte, les
reins tombent en panne, les tissus mous (muscles, nerfs, graisse, etc.) se
calcifient et les os du squelette se déforment.
Que le phosphore vienne à manquer et c’est l’ensemble des cellules
du corps qui va en pâtir. Le phosphore est l’un des éléments les plus
cruciaux de l’organisme. Il est le constituant principal du carburant des
cellules sous forme d’ATP, ou adénosine triphosphate, une molécule qui
a trois atomes de phosphore. C’est l’ATP qui maintient la vie, car elle
sert de support à l’énergie. Le phosphore est aussi l’un des constituants
de l’ADN.
Et qui surveille le bon équilibre du phosphore et du calcium ? Une
hormone, l’hormone parathyroïde. Elle est aidée par une autre hormone
qui paradoxalement porte un nom de vitamine : la vitamine D.
– La reproduction
La survie de la cellule, celle des tissus, des organes, conditionne celle
de l’individu, mais si l’individu ne se reproduit pas, c’est l’espèce qui
disparaît.
Le fonctionnement reproductif est commun à tous les mammifères,
humains et autres. Qui surveille la capacité de l’individu mâle ou femelle
à produire des « gamètes » – un mot qui vient du grec gamos, qui veut
dire « semence » ? Un ensemble d’hormones qu’on appelle les
« hormones sexuelles » : la testostérone principalement pour les mâles et,
pour les femelles, les estrogènes (ou œstrogènes) et la progestérone (qui
assure le maintien de la grossesse).
Ce sont des hormones dites « stéroïdes » (stéro signifie « ferme » en
grec) parce qu’elles sont formées à partir de cristaux rigides de
cholestérol. Les hormones sexuelles sont sécrétées par les testicules chez
les mâles et par les ovaires chez les femelles.
– L’équilibre veille-sommeil
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Vous voulez dormir et vous réveiller en pleine forme ? C’est une
hormone, la mélatonine, qui va veiller à l’équilibre veille-sommeil. Elle
est sécrétée par la glande pinéale ou épiphyse, encore surnommée « le
troisième œil » car sa fonction ancestrale était de capter la lumière. Cette
glande minuscule située dans le cerveau au-dessus de l’hypothalamus
doit son nom de « pinéale » au fait qu’elle ressemble à un pignon de pin.
Le philosophe et mathématicien René Descartes la désignait comme le
siège de l’âme.
– La réparation des tissus endommagés
Vous voulez garder des tissus en bon état et donc maintenir en eux un
juste équilibre ? Ce sont les hormones produites par les surrénales qui
vont le permettre grâce à l’adrénaline, la noradrénaline, le cortisol (que
l’on copie en médicament avec la cortisone) et l’aldostérone.
Ces hormones vont également maintenir un état d’alerte face au
stress et placer l’individu en capacité physique de fuir ou de se battre. On
les appelle les « hormones du stress », car elles permettent de réagir de
façon adéquate face au danger.
– La filtration des liquides
Vous désirez – un détail ! – que vos reins continuent à éliminer
normalement, ni trop ni trop peu ? L’érythropoïétine va y veiller. C’est la
fameuse EPO, utilisée par les coureurs cyclistes pour améliorer leurs
performances.
– La régulation alimentaire et la digestion
Vous souhaitez maintenir un équilibre entre la faim et la satiété ? Les
hormones de l’estomac (la gastrine, la ghréline, la somatostatine) et les
hormones de l’intestin (la sécrétine, la motiline) vont se charger de
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diffuser la consigne. Les cellules adipeuses feront de même avec la
lectine et l’adiponectine.
– La respiration et la pression sanguine
Vous voulez continuer à respirer ? Quelle idée ! C’est
l’angiotensine II, sécrétée par les poumons, qui va y veiller. Elle va
accessoirement maintenir la pression sanguine à un niveau équilibré lui
aussi, afin d’éviter l’hypotension ou l’hypertension.
– La mise en place des organes
Enfin, c’est grâce aux hormones que l’embryon va se construire
d’une manière ordonnée et coordonnée dès les premiers jours après la
conception. Ce sont elles qui vont guider les cellules souches dans la
mise en place des organes. Elles auront un rôle fondamental dans la
différenciation sexuelle du fœtus. Un simple dérèglement dans certaines
fenêtres du développement et les conséquences se feront sentir pour toute
la vie de manière souvent irréversible.
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Principales glandes hormonales (endocrines) :
Chez le mâle et la femelle de toutes les espèces, les hormones
permettent le maintien de l’équilibre physiologique, ou homéostasie.
Elles sont sécrétées par des glandes endocrines, sont transportées
dans le sang et vont agir sur des cellules cibles en se fixant à des
récepteurs.
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hormon signifie « j’actionne, j’excite, je mets en mouvement »). Au
niveau central, l’hypothalamus reçoit en retour l’information selon
laquelle la consigne a été exécutée ; c’est un rétrocontrôle qui ferme la
boucle de la régulation.
Les hormones ont la capacité de favoriser la croissance des cellules
cibles pour faciliter l’exécution de la consigne. Si cette multiplication
cellulaire n’est pas, elle aussi, maintenue dans un strict équilibre, elle
peut provoquer une croissance anarchique et donc une tumeur
cancéreuse. C’est le risque avec tous les cancers dits
« hormonodépendants » (voir la partie 2).
Les hormones ont une particularité unique : elles sont capables
d’avoir une action à des doses infinitésimales. C’est aussi cette
caractéristique unique qui va constituer leur talon d’Achille. Pourquoi ?
Parce que l’industrie chimique a déversé dans l’environnement plus de
150 000 substances chimiques chimères capables de les imiter et de
perturber dans l’organisme ce délicat et fragile équilibre qu’est
l’homéostasie. Le consensus international a dénommé ces substances
« perturbateurs endocriniens ». Nous pourrions aussi les appeler plus
concrètement des « toxiques hormonaux », des « hormonotoxiques » ou
encore des « perturbateurs ou polluants hormonaux ».
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Les hormones, messagères de la boucle de régulation :
1 – Un paramètre est déréglé.
2 – Grâce au rétrocontrôle, l’hypothalamus intègre l’information.
3 – L’hypothalamus corrige le dérèglement en envoyant une
hormone messagère par l’intermédiaire de l’hypophyse.
4 – La cellule reçoit le message de l’hormone et l’applique, ce qui
efface la perturbation initiale. La boucle de régulation a fonctionné.
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artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le
fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets
délétères sur cet organisme ou sur ses descendants. »
Une précédente définition de l’OCDE avait été donnée en 1996 :
« Un perturbateur endocrinien est une substance étrangère à l’organisme
qui produit des effets délétères sur l’organisme ou sa descendance, à la
suite d’une modification de la fonction hormonale. »
À la différence d’une substance toxique qui agit directement sur la
cellule en y créant des lésions ou en la détruisant, le perturbateur
endocrinien agit par le jeu complexe du système hormonal. La cellule
n’est pas détruite, mais elle est rendue inopérante car elle ne reçoit plus
les messages qui la guident dans sa fonction. Le danger pour la santé
n’est pas toujours perceptible au moment de la perturbation. Ainsi, le
fœtus exposé couve dans le ventre de sa mère des maladies qui ne se
développeront qu’à l’âge adulte.
1
Les endocrinologues de la Société d’endocrinologie préfèrent une
définition plus simple qui ne prend en compte que l’interférence avec le
système hormonal, interférence mauvaise en soi puisqu’un équilibre
parfait est nécessaire : « Un perturbateur endocrinien est un produit
chimique, isolé ou en mélanges qui interfère avec n’importe quel aspect
de l’action d’une hormone 2. » Dans ce livre, nous considérons donc
qu’un toxique hormonal est « une substance chimique étrangère à
l’organisme qui dérègle l’homéostasie hormonale ».
Les perturbateurs endocriniens peuvent être d’origine naturelle
(hormones naturelles, comme les estrogènes), mais le plus souvent ils
sont d’origine synthétique (estrogènes de synthèse, antibiotiques, agents
plastifiants, produits phytosanitaires, médicaments, cosmétiques,
détergents, etc.).
Les six perturbateurs hormonaux que l’on va retrouver le plus
souvent dans les atteintes à l’intégrité physiologique des organismes,
nous les avons baptisés les « 6 P » – « P » pour « poisons ». Ce sont
toujours les mêmes qui seront à la manœuvre dans les nombreux
23
dysfonctionnements et maladies qui seront décrits dans les chapitres qui
3
suivent .
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nerveux (autisme), du système immunitaire (allergies, asthme,
susceptibilité aux infections), etc.
Ce livre va dans un premier temps décrire les effets de ce « grand
désordre hormonal » sur la faune sauvage en rappelant comment s’est
faite la prise de conscience et qui en ont été les lanceurs d’alerte. Il
expliquera ensuite les conséquences néfastes sur la virilité des hommes,
la fécondité des femmes et la fertilité des couples. Il exposera également
la perte de capacités intellectuelles des enfants, l’augmentation de
l’incidence des maladies allergiques et thyroïdiennes. Il proposera enfin
de repérer tous les poisons du quotidien qui menacent nos hormones puis
donnera des pistes pour les éviter.
Pour mieux comprendre les mécanismes physiologiques qui vont
entraîner le dérèglement général, voyons auparavant comment les
polluants chimiques vont jouer le rôle de grain de sable dans les rouages
du délicat fonctionnement des cellules.
25
3
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On peut donc comprendre qu’une faible dose théorique peut avoir
des effets très graves à l’échelle de la cellule.
Que sait-on des hormones ?
On sait que les hormones sont des molécules, des messagers
chimiques, qui sont fabriqués dans un tissu de l’organisme, une glande
principalement. Elles sont ensuite transportées via la circulation sanguine
pour atteindre des cellules cibles dans un autre tissu de l’organisme.
Pour délivrer leur message, les hormones se lient à des récepteurs
qui se trouvent soit à la surface de l’enveloppe de la cellule, soit à
l’intérieur de celle-ci, sur le noyau. Les récepteurs ont un rôle majeur
dans la transcription du message reçu.
Il existe principalement deux sortes d’hormones : les unes à base de
protéines et les autres à base de lipides. Les premières ne peuvent pas
traverser la membrane des cellules, elles se fixent donc sur les récepteurs
qui se trouvent à la surface de celles-ci. Les secondes sont au contraire
capables de traverser la membrane des cellules, car celle-ci est constituée
de lipides comme elles.
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Le corps abrite quelque 200 cellules différentes qui ont chacune une
fonction de prédilection (selon les tissus : sang, neurones, muscles,
os, etc.). Mais les cellules possèdent plusieurs récepteurs différents à la
surface de leurs membranes et même à l’intérieur, sur leur noyau.
Certaines peuvent présenter jusqu’à 200 récepteurs différents.
Une hormone comme l’insuline est à base de protéine ; elle se fixe à
la surface de la cellule. Si un polluant occupe le récepteur, le message est
bloqué.
Les hormones sexuelles comme les estrogènes ou la testostérone
appartiennent à la seconde catégorie, celle des hormones lipidiques.
Leurs récepteurs se trouvent donc sur le noyau de la cellule. Comme ces
hormones sont des lipides, des graisses, elles traversent facilement la
membrane de la cellule, qui, elle aussi, est constituée des mêmes
graisses. Certains polluants qui sont aussi lipidiques ont la capacité de
traverser la membrane de la cellule pour aller occuper les récepteurs qui
se trouvent sur le noyau de celle-ci. Une fois installés, les toxiques
peuvent se contenter de bloquer l’entrée, mais ils peuvent aussi
imiter l’hormone et activer une réponse de la cellule.
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Système récepteur-hormone des hormones protidiques :
À gauche, la fixation normale d’une hormone à son récepteur.
L’hormone A se fixe au récepteur dont la forme lui correspond (un
rond).
L’hormone B se fixe au récepteur dont la forme lui correspond (un
triangle).
À droite, les récepteurs sont occupés par des polluants : les
hormones A et B ne peuvent plus se fixer à leurs récepteurs
respectifs pour délivrer leur message.
Les toxiques hormonaux peuvent imiter ou bloquer l’action des
hormones naturelles.
29
endogène (de l’intérieur) qu’ils sont supposés accueillir et avec laquelle
2
ils se lient .
30
en effet, c’est que les polluants chimiques qui imitent les hormones se
fixent sur les récepteurs qui sont normalement dédiés aux hormones.
« Ils vont se comporter comme un sable collant, explique-t-il, une glu
tellement puissante qu’elle provoque comme une fusion entre la clé et la
serrure. » Ces messagers gluants se fixent et campent là, de façon
persistante. Ils « squattent » les récepteurs et les rendent inopérants. Le
système de défense de la cellule qui normalement utilise et élimine les
hormones naturelles n’arrive plus à neutraliser ces polluants qui
s’installent à demeure. Cela brouille la communication chimique et
électrique entre les cellules, qui se retrouvent incapables de remplir leurs
fonctions.
« Ce qu’il faut bien comprendre, insiste le professeur, c’est que tous
ces polluants sont des résidus du pétrole, que ce soit les pesticides, les
plastifiants ou même certains médicaments. »
31
Le cycle aromatique ou benzène :
Le cycle aromatique possède une forme d’hexagone avec ses six carbones
(hormones sexuelles des plantes).
32
Le système détoxifiant, premier rempart
contre les poisons chimiques
33
ajoutant des molécules pour les dissoudre dans l’eau. » À l’intérieur de la
cellule, ces nettoyeurs-brûleurs ont pour nom « cytochromes P450 », un
nom pas très poétique qui rend compte des circonstances de sa
découverte mais pas de sa fonction. « Cytochrome » vient du grec cyto,
qui veut dire « cellule », et chroma, qui signifie « couleur ». Lorsqu’il a
été découvert, c’est sa couleur jaune qui a retenu l’attention. « P »
signifie « pigment » (de couleur), et « 450 » indique un niveau
d’absorption de la lumière.
Pour plus de clarté, on aurait pu les appeler « détoxifiants », car c’est
bien là leur principal mérite : éliminer tous les déchets et tous les
toxiques qui empêchent la cellule d’exercer sa fonction. On aurait pu
aussi les appeler « respirateurs », car ils aident la cellule à respirer, ou
bien encore « constructeurs de cholestérol », car ils participent à
l’élaboration du cholestérol dans le foie, où ils sont très nombreux. On
aurait pu aussi les baptiser « éboueurs des cellules », car ils les
débarrassent de leurs déchets tandis que les macrophages (globules
blancs) sont, eux, les éboueurs de l’organisme à l’extérieur des cellules.
On retrouve ces « superdétoxifiants » dans tous les organismes
vivants y compris les plantes, les champignons, les insectes, les animaux,
les virus et les bactéries à l’exception de quelques-unes, comme
Escherichia coli.
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Les cytochromes P450, principaux détoxifiants des cellules :
On les retrouve chez toutes les espèces vivantes. Chez l’humain, ils
sont produits par le foie.
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Que sont les glandes endocrines
ou hormonales ?
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Les six axes principaux du système hormonal :
Ils partent de l’hypothalamus et de l’hypophyse pour agir sur des
glandes qui produisent des hormones.
RÉSUMÉ
Les hormones transmettent leur message en se fixant sur des
récepteurs spécifiques dans et sur les cellules. Les polluants chimiques
perturbent ou empêchent cette fixation en imitant la forme des hormones.
Les détoxifiants des cellules, appelés « cytochromes P450 », peuvent se
retrouver débordés.
Les six axes principaux qui organisent le système hormonal partent
de l’hypothalamus et de l’hypophyse pour agir sur des glandes qui
produisent des hormones.
37
1. « Dr Myers on Impact of Plastic Additives on Health of Future Generation »,
Plastic Health Summit 2019, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?
v=OifnPOAolLw
2. R. Germain et K. N. S. Iyer, « The Interaction of Internal and Downstream
Integration and Its Association With Performance », Journal of Business Logistics,
o
vol. 27, n 2, p. 29-52, 2006, DOI 10.1002/j.2158-1592.2006.tb00216.x
3. www.seralini.fr.
4. G.-É. Seralini, Génétiquement incorrect, Flammarion, 2003.
5. G.-É. Seralini, G. Jungers, “Endocrine disruptors also function as nervous
disruptors and can be renamed endocrine and nervous disruptors (ENDs)”,
Toxicology Reports, 2021, [en ligne]
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214750021001414?
via%3Dihub
6. R. Carson, Printemps silencieux, Wildproject, 2019.
38
PARTIE 1
LE DÉSORDRE HORMONAL
DANS LA NATURE
39
4
40
En 1960, tous les dégâts qu’elle décrit sont loin d’être connus du
public. C’est pourquoi, très pédagogue, elle explique que cette poudre
blanche tombée du ciel n’est autre qu’un insecticide appelé DDT
(dichlorodiphényltrichloroéthane), un poison mis au point dans l’entre-
deux-guerres. Schématiquement, ce sont deux cycles aromatiques (deux
noyaux benzène) sur lesquels ont été fixés chimiquement des atomes de
chlore. Ce poison est répandu par avion sur des milliers d’hectares dès
1945.
41
En un cercle vicieux infernal, les cours d’eau, les nappes phréatiques,
les rivières souterraines et même les réservoirs d’eau potable qui
alimentent les villes sont touchés. La première victime, c’est la faune
sauvage bien sûr. Rachel Carson accumule les exemples d’hécatombes
d’oiseaux, de saumons, de petits et gros mammifères. Elle explique en
détail comment les poisons chimiques sont concentrés dans les
organismes au fur et à mesure de leur progression dans la chaîne
alimentaire.
42
L’aigle à tête blanche, symbole de la nation,
est à son tour contaminé
43
interrompent la division cellulaire. Or, cette division est indispensable à
la survie. Sur les plantes apparaissent des tumeurs. Les modifications des
gènes entraînent des aberrations, absence ou présence en surnombre de
certains gènes.
Des « chimères chimiques »
Il ne faut pas oublier, écrit Rachel Carson, que les produits auxquels
la vie doit désormais s’adapter sont sans équivalents naturels. Ce sont
des constructions entièrement synthétiques, des « chimères chimiques ».
Le vivant, qui a mis des millions d’années à évoluer avec son
environnement, est brutalement confronté à des centaines, des
milliers de molécules nouvelles en l’espace d’une génération.
Autre vérité de base qu’elle tient à souligner : la différence
fondamentale entre ce qu’elle finit par appeler les « braves insecticides
d’avant-guerre » et les pesticides modernes. Les premiers sont des
métaux ou des métalloïdes, arsenic, cuivre ou plomb, alors que les
seconds ont emprunté aux êtres vivants l’atome qui constitue la base
fondamentale de leur vie, à savoir le carbone. Les pesticides d’avant-
guerre, très éloignés du vivant, étaient soit rejetés par le système
immunitaire de leurs hôtes, soit suffisamment puissants pour le détruire.
Après guerre, l’industrie chimique leur ajoute du carbone, dans une
stratégie du leurre : il s’agit de faire croire au vivant qu’il n’y a pas lieu
de se méfier, puisque le nouveau produit a « comme un air de famille ».
L’hôte survit donc, mais à l’état contaminé. Les pesticides modernes se
retrouvent donc dans un premier temps au sein de deux familles, les
organo-chlorés et les organo-phosphorés.
Après avoir exposé les dégâts des pesticides sur l’air, l’eau, le sol, la
végétation, les animaux sauvages et domestiques, Rachel Carson pose
une question : par quel miracle les humains pourraient-ils échapper à
cette contamination généralisée ?
44
L’humain intoxiqué, forcément intoxiqué
45
Il faudra attendre près de trente années après la disparition de Rachel
Carson pour que les effets délétères des produits chimiques sur les
hormones qu’elle a observés soient baptisés « perturbation
endocrinienne » lors de la « déclaration de Wingspread », en 1991.
RÉSUMÉ
En 1961, l’Américaine Rachel Carson lance l’alerte sur les ravages
des épandages aériens de pesticides. Dans son best-seller Silent Spring
(Printemps silencieux), elle décrit leurs effets, destructeurs ou
perturbateurs, sur la faune sauvage et s’inquiète des répercussions
possibles sur les humains.
1. H. Ritchie, « Does the News Reflect What We Die From ? », 2019, [en ligne]
https://ourworldindata.org/does-the-news-reflect-what-we-die-from
46
5
47
l’expulsion des œufs. Les femelles développent une stérilité graduelle et
l’espèce commence à disparaître.
Les chercheurs s’interrogent. Cette espèce est pourtant bien
répertoriée comme étant gonochorique, ce qui signifie que les deux sexes
mâle et femelle sont bien séparés. Le mot est formé à partir du grec
ancien gonos, qui veut dire « semence ou gonade », et khorismos, qui
veut dire « séparation ». Doit-on revenir sur cette classification,
commencent à s’interroger les scientifiques anglais ?
Côté américain, on observe le même phénomène à la même époque.
2
Le biologiste Blakeman S. Smith décide d’inventer un nouveau nom
pour cette malformation inédite. Il propose de la dénommer « imposex »,
parce que le sexe masculin vient se surajouter, se surimposer au sexe
féminin.
Tous les coquillages ne sont pas touchés au même degré, et trois
niveaux sont même identifiés selon l’état de développement du pénis :
une phase initiale avec l’apparition d’un embryon de pénis, une phase
intermédiaire où le pénis pousse en direction de l’organe femelle, et une
phase tardive avec l’obstruction de l’oviducte et l’avortement de
capsules d’œufs. Au dernier stade, on observe chez la femelle le
développement important de la prostate et une réduction du vagin et de la
vulve ainsi que la présence de capsules contenant des œufs avortés. Il
3
s’agit d’un pseudo-hermaphrodisme .
48
Le phénomène de l’imposex :
À gauche, la femelle pourpre petite pierre possède une glande à
capsules fonctionnelle pour pondre des œufs.
À droite, la femelle pourpre avec un « imposex » possède deux sexes.
Un pénis s’est développé en plus de l’appareil reproducteur féminin
et vient obstruer l’orifice qui sert à pondre les œufs. L’oviducte est
bouché, certaines capsules sont avortées.
RÉSUMÉ
49
En 1970, des biologistes marins découvrent sur les côtes britanniques
et américaines que les femelles de certains escargots de mer développent
un pénis en plus de leur appareil génital. Le phénomène est baptisé
« imposex ».
50
6
51
ne se reproduisent plus, c’est qu’il y a une raison, et c’est la survie de
toute une filière économique qui est en jeu.
Les autorités nationales et régionales font donc appel aux experts de
l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), et
en particulier à l’un d’entre eux : Claude Alzieu. Celui-ci commence
d’abord son enquête par un examen de la situation et un questionnaire
soumis aux acteurs locaux. Les ostréiculteurs ont observé que les huîtres
ne se reproduisent plus autant qu’avant et que leur coquille est fragile et
mal formée.
Ils ont aussi observé qu’un prédateur de l’huître a lui aussi disparu,
mais cela n’est pas fait pour leur déplaire, bien au contraire. Ce prédateur
est surnommé « bigorneau perceur » dans le bassin parce qu’il transperce
les huîtres pour les manger. Il s’agit en fait d’un cousin du pourpre petite
pierre, alias Nucella lapillus, celui-là même qui est devenu
hermaphrodite de l’autre côté de la Manche.
Ce que les ostréiculteurs n’ont pas compris, c’est que les deux
phénomènes ont la même cause. Encore faut-il la trouver.
Le biologiste marin Claude Alzieu va lui aussi concentrer son
attention sur les huîtres et essayer de comprendre pourquoi leurs
coquilles se calcifient mal. Elles sont « chambrées », c’est-à-dire qu’elles
ont développé des chambres vides qui se remplissent d’une substance
gélatineuse. Ce sont ces anomalies qui vont occuper le devant de la scène
et le discours public. Les problèmes de reproduction ne recevront aucune
publicité.
52
Le biologiste marin ne tarde pas à remarquer que plus on se
2
rapproche des ports et plus la production d’huîtres diminue . Or, que se
passe-t-il dans les marinas ? On nettoie les coques des bateaux après les
avoir mis en cale sèche. Ensuite, on les repeint avec une peinture dite
« antisalissure » (ou antifouling), la « salissure » n’étant rien d’autre que
tous les coquillages et autres organismes vivants qui viennent se coller
sur la coque des bateaux.
Curieuse coïncidence, depuis la fin des années 1960, une nouvelle
peinture est apparue sur le marché et elle fait un tabac tant elle est
efficace. Plus rien ne lui résiste. Les propriétaires de bateaux, qu’ils
soient professionnels ou plaisanciers, sont ravis du résultat. Ce qui fait
l’efficacité de cette peinture, c’est qu’elle a été mélangée à un pesticide
destiné à tuer les mollusques et les algues. Il s’agit à la fois d’un
mollucide (contre les mollusques) et d’un algicide (contre les algues).
Il est fabriqué pour « occire » la vie et il se trouve qu’il y réussit
plutôt bien. Son nom est « TBT », pour « tributylétain ». C’est tout
simplement un dérivé de l’étain, un organostannique. Grosso modo, c’est
un assemblage forcé chimiquement d’un métal et de carbone issu du
pétrole, un pur produit de la chimie organométallique qui crée des
composés de synthèse inconnus dans la nature et auxquels celle-ci est
mise en demeure de s’adapter.
53
La molécule de tributylétain (TBT) :
Le TBT est constitué de trois chaînes de carbone liées chimiquement
à un atome d’étain (Sn, du latin stanum).
Démonstration de la responsabilité
du polluant à l’étain
54
sources d’organoétains que sont les ports. La concentration s’élève
également dans le temps lorsque la fréquentation du port par les bateaux
connaît un pic, pendant la saison estivale.
Il ne reste plus qu’à reproduire le phénomène en laboratoire pour
vérifier l’hypothèse. L’expérimentation se montre concluante : les taux
de malformations mais aussi de mortalité approchent très vite les 100 %
dans les bacs où les huîtres sont exposées aux organoétains, alors qu’ils
sont infimes dans les groupes témoins qui bénéficient d’une eau propre.
Ce sont bien les dérivés de l’étain qui sèment la mort parmi les huîtres.
Alzieu est affirmatif : « Les dérivés organostanniques contenus dans les
peintures antisalissure, et plus précisément le fluorure de tributylétain
(TBTF), provoquent expérimentalement des anomalies identiques à
celles observées dans le milieu naturel. » Les organostanniques
représentent donc selon lui « un danger pour l’exploitation d’huîtres
creuses C. gigas ». Il identifie le TBT comme la cause directe des
malformations mortelles des coquilles d’huîtres.
55
critique que le bassin d’Arcachon est devenu la nurserie nationale et
internationale des huîtres. Elles y naissent puis sont expédiées sur toutes
les côtes pour y être élevées.
56
1) Une usine de pâte à papier du bassin d’Arcachon aurait pu
déverser intentionnellement ou non des eaux usées chargées d’un
fongicide utilisé pour la conservation des stocks.
2) Le massif forestier qui entoure le bassin a fait l’objet de
campagnes d’épandages de pesticides pour éliminer les chenilles
processionnaires du pin.
3) La culture du maïs s’est développée récemment à proximité du
bassin et cette culture est très gourmande en pesticides, dont les
herbicides.
Enfin, les pratiques de certains ostréiculteurs portent également leur
part de responsabilité. Durant ces années, certains collecteurs (les
supports sur lesquels se fixent les larves d’huîtres) ont été remplacés par
des tubes en plastique, alors qu’ils étaient auparavant en tuiles. Or, le
plastique est lui-même composé de matières toxiques. Mais à l’époque
l’arrivée du plastique est saluée avec enthousiasme. On la considère
comme un progrès indéniable. Les historiens de l’ostréiculture, comme
Louis Marteil, décrivent méthodiquement ses avantages : « Comme on
l’a déjà indiqué, les progrès obtenus dans l’industrie des matières
plastiques ont conduit à les utiliser de plus en plus fréquemment en
ostréiculture… Fabriqués en polyéthylène, éventuellement en PVC, les
collecteurs en matière plastique sont plus légers que les tuiles
8
ordinaires . » L’« élevage en poche » n’échappe pas non plus au
plastique.
Or, il se trouve que justement l’un des principaux composants du
9
PVC n’est autre que le… tributylétain, qui lui sert de stabilisateur . Le
TBT arriverait donc dans le bassin d’Arcachon par d’autres biais que la
peinture antisalissure. Cette autre source de TBT n’est mentionnée dans
aucune publication. Nous l’avons découverte au cours de nos recherches.
Son impact sur le milieu n’a pas été mesuré à notre connaissance.
57
Pour lutter contre les prédateurs de l’huître, certains ostréiculteurs
délaissent les méthodes traditionnelles pour, là encore, céder au progrès
chimique : « Dans l’espoir de disposer de procédés plus faciles à
appliquer et plus énergiques, explique Louis Marteil, on a fait appel, en
conchyliculture comme en agriculture, à des substances minérales ou à
10
des composés organiques . »
Si les sels de mercure et d’arsenic sont quand même déconseillés par
la profession, les composés chimiques comme le formol (aldéhyde
formique ou formaldéhyde) ainsi que les bitumes dérivés du pétrole sont
plus ou moins tolérés. Les ostréiculteurs n’ont pas toujours conscience
qu’un toxique chimique supposé protéger l’huître contre les nuisibles
peut aussi avoir un effet boomerang contre l’huître elle-même.
Pour exterminer les algues, certains pulvérisent du cuivre. Pourtant,
rappelle Louis Marteil, des méthodes traditionnelles de lutte biologique
sont intéressantes à plusieurs titres : « L’un des procédés les plus
anciennement utilisés fait appel à l’action des “brouteurs” que sont les
bigorneaux. On choisit Littorina littorea ou bigorneau noir, espèce
comestible, qui peut, après s’être nourri des algues, être commercialisé. »
Il suffit donc de les semer à la volée, ils broutent les algues et
augmentent le revenu de l’exploitant.
Quoi qu’il en soit, et même sans l’apport des autres pesticides, le
TBT est suffisamment puissant pour avoir permis, à lui tout seul, la
destruction de la production ostréicole. La démonstration des biologistes
marins a été jugée suffisamment alarmante pour entraîner des décisions
politiques énergiques.
58
mais seulement sur les bateaux de moins de 25 mètres. Tous les grands
navires et en particulier les navires de guerre dans la rade de Brest
continueront à intoxiquer les mollusques jusqu’en 2008 voire jusqu’en
2015.
La France demeure néanmoins le premier pays à avoir interdit les
composés d’étain dans les peintures antisalissure. Elle sera suivie par le
reste des pays industrialisés, du moins officiellement (en 2015, il restait
beaucoup de navires de commerce et de guerre en circulation dont la
coque était couverte d’une peinture au TBT).
Dans le bassin d’Arcachon, l’interdiction porte ses fruits d’une
manière spectaculaire : elle entraîne une diminution importante de la
contamination des zones conchylicoles par l’étain et une amélioration
sensible des conditions d’élevage des huîtres, même si le cuivre a fait
11
son grand retour dans le bassin alors qu’il était jugé toxique . Petit à
petit, les chiffres sur l’ampleur de la contamination passée finissent par
sortir. De 900 nanogrammes d’étain par litre en 1983, la concentration
baisse à 10 nanogrammes par litre en 1989. On n’ose imaginer leur taux
dans les années 1970.
L’amélioration est indéniable, mais dans le même temps la
progression de la connaissance sur les effets délétères des faibles doses a
montré que l’on commence à observer des dérèglements chez les
mollusques dès la concentration de 1 nanogramme d’organoétain par
litre d’eau de mer, soit 1 milliardième de gramme. C’est l’équivalent de
1 gramme de sel qui serait mis dans une piscine carrée de 100 mètres de
côté et de 100 mètres de profondeur. C’est si faible que c’est presque
indétectable, et pourtant l’effet est déjà dévastateur 12.
Pour les bivalves comme les huîtres ou les moules, il suffit de
20 nanogrammes par litre d’eau de mer pour perturber la reproduction.
Les poissons connaissent eux aussi des difficultés de reproduction à
partir de 1 millionième de gramme par litre.
59
L’énigme d’Arcachon résolue ?
60
sinon unique d’un agent chimique causant l’apparition de formes
anatomiques superflues chez un animal. » Concrètement, c’est la
première fois qu’un lien de causalité est établi entre le pesticide à base de
sels d’étain contenu dans les peintures et la surimposition d’un sexe mâle
sur un sexe femelle. Le mot « hormone » n’est toujours pas prononcé.
Mais à y regarder de plus près, on découvre presque par inadvertance
qu’à côté du « narratif officiel » certains chercheurs français ont depuis
longtemps apporté des réponses et résolu la fameuse énigme de
l’imposex. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’appareil étatique ne
les a pas vraiment aidés. Les Anglo-Saxons, eux, n’ont jamais lâché
l’affaire…
RÉSUMÉ
Dans les années 1970, la production d’huîtres du bassin d’Arcachon
est presque réduite à néant. Leurs coquilles sont mal formées et elles se
reproduisent peu. La cause est finalement identifiée : il s’agit d’un
pesticide à l’étain, le TBT (tributylétain), contenu dans les peintures
antisalissure qui servent à protéger la coque des bateaux. En 1981, le
biologiste marin Blakeman Smith attribue aussi au TBT l’imposex des
femelles escargots de mer.
61
6. Un nanogramme est égal à un millionième de milligramme ou à un milliardième
de gramme.
7. C. Alzieu, « Impact of Tributyltin on Marine Invertebrates », Ecotoxicology,
o
vol. 9, n 1, 2000.
8. L. Marteil, « L’ostréiculture et la mytiliculture », mars 1979, [en ligne]
https://archimer.ifremer.fr/doc/1979/publication-1797.pdf
9. « Tributylétain », Portail Substances chimiques, substances.ineris.fr, document
PDF du 10 mai 2005.
10. L. Marteil, « L’ostréiculture et la mytiliculture », art. cit.
11. C. Alzieu et al., « Évolution des teneurs en cuivre des huîtres du bassin
d’Arcachon : influence de la législation sur les peintures antisalissures », 1987, [en
ligne] https://archimer.ifremer.fr/doc/00155/26605/25506.pdf
12. « TBT and Imposex », Coastal Wiki, [en ligne]
http://www.coastalwiki.org/wiki/TBT_and_Imposex
13. Comité régional de la conchyliculture Arcachon Aquitaine.
14. Comité national de la conchyliculture (CNC), voir [en ligne] http://cnc-
france.circum.net/decouvrir.aspx
15. B. S. Smith, « Male Characteristics on Female Mud Snails Caused by
Antifouling Bottom Paints », Journal of Applied Toxicology, vol. 1, p. 22-25, 1981,
[en ligne] https://doi.org/10.1002/jat.2550010106
62
7
Si l’on résume les épisodes précédents, on sait donc que les années
1970 voient l’apparition d’un phénomène étrange sur les côtes anglaises
et américaines chez les escargots de mer : l’imposex, dans lequel un
organe sexuel mâle apparaît chez les femelles en plus de leur propre
sexe.
On apprend dans le même temps qu’en France on a peut-être constaté
le même phénomène dans le bassin d’Arcachon, mais ce qui préoccupe
ici, c’est l’effondrement de la production d’huîtres attribué à une
décalcification des coquilles. Après enquête, il s’avère que la cause de
cet effondrement est les pesticides à base d’organoétains contenus dans
les peintures antisalissure pour bateaux. Ces composés chimiques sont
interdits à partir de 1982. L’effondrement de la production d’huîtres est
enrayé.
Fermez le ban ? Pas si vite.
63
les instances officielles françaises pour établir un lien entre le problème
des huîtres et le phénomène de l’imposex chez les escargots de mer. Ils
seront toujours traités séparément, alors qu’ils ont la même cause : la
pollution aux composés de l’étain.
Pourtant, des universitaires françaises que l’histoire nationale a
1
généreusement oubliées ont dès 1982 montré que le phénomène de
l’imposex était présent dans le bassin d’Arcachon. Elles l’ont même
baptisé « femelles à pénis ». Colette Féral et Solange Le Gall, des
universités de Caen et Lille, décrivent pour la première fois le
mécanisme endocrinien à l’œuvre. Elles démontrent l’action
« perturbante » du TBT sur le système hormonal des escargots de mer.
Les femelles qu’elles ont étudiées sont les cousines de notre pourpre
petite pierre. C’est aussi une espèce où les sexes sont séparés. Leur étude
est exposée dans une note présentée à l’Académie des sciences par le
Pr Maurice Durchon, le ponte de l’endocrinologie des invertébrés.
Cet article n’est jamais cité par les instances académiques françaises.
Si on arrive encore à le trouver, ce n’est pas en entrant son titre sur
Google mais en plongeant dans les archives numérisées de la
Bibliothèque nationale via son portail Gallica 2.
Les chercheuses nous apprennent qu’à Arcachon, toutes les femelles
présentent un pénis depuis… 1976. Elles comparent expérimentalement
deux groupes : l’un élevé dans une eau de mer non polluée et l’autre dans
l’eau du bassin d’Arcachon. Chez les premières femelles, aucun pénis
n’apparaît, alors que le groupe imprégné de polluants chimiques est à
100 % masculinisé.
Colette Féral et Solange Le Gall observent donc que l’eau de mer où
toutes les femelles se voient dotées d’un pénis possède la propriété
d’activer la poussée d’un prépénis. Elles remarquent que cette action
s’exerce au départ par les ganglions du cerveau (système nerveux
central) qui libèrent un facteur qui, lui, agit ensuite sur les ganglions
« pédieux » (l’équivalent des gonades).
On comprend dès lors que si les mollusques marins sont perturbés et
disparaissent, ce n’est pas juste à cause d’un manque de calcification dû
64
à une carence en oligoéléments. Non, il est clairement énoncé qu’un
polluant externe provoque un dérèglement du système hormonal qui relie
le cerveau aux gonades, avec pour conséquence une masculinisation des
femelles.
« Dans ces conditions, résument-elles, le TBT de la peinture
antisalissure peut être considéré comme un polluant qui exerce une
action directe sur le système nerveux central. » Celui-ci contrôle ensuite
les ganglions qui activent le bourgeon de pénis. Leur conclusion est on
ne peut plus claire : « Ces résultats mettent en évidence l’influence d’un
facteur externe sur la balance hormonale responsable de la
morphogenèse du pénis chez les gastéropodes prosobranches. »
Le déséquilibre hormonal provoqué par le polluant chimique sur
les « femelles à pénis » est donc établi dès 1982. Pourtant il n’en sera
jamais question dans les documents officiels français, y compris au
e
XXI siècle.
65
même s’il est vrai qu’il est un peu plus rudimentaire chez les
gastéropodes. Schématiquement, le cerveau sécrète des hormones qui
vont donner comme consigne aux organes sexuels, les gonades, de
produire des hormones sexuelles mâles ou femelles (testostérone ou
estrogènes) pour fabriquer les gamètes mâles ou femelles
(spermatozoïdes ou ovocytes-œufs).
Chez notre gastéropode femelle, Colette Féral et sa consœur
observent que le polluant TBT semble perturber les neurohormones dans
le cerveau au point que celles-ci entraînent la production d’une
testostérone surabondante, ce qui provoque un déséquilibre hormonal.
L’excès d’hormone mâle va à son tour générer l’apparition du pénis.
En 1988, le biologiste marin britannique P. E. Gibbs se réfère à
l’article des deux chercheuses françaises pour souligner que le
changement de sexe des gastéropodes marins est bien attribuable au
tributylétain des peintures antifouling. Il écrit même en toutes lettres :
4
« Que le TBT affecte l’activité des gonades est maintenant évident . »
66
Similitude entre systèmes hormonaux :
Les systèmes hormonaux des escargots de mer et des humains se
ressemblent.
Le cerveau envoie des messages sous forme d’hormones aux gonades,
qui à leur tour fabriquent les gamètes et les hormones sexuelles
stéroïdes (lipidiques).
L’Anglais Gibbs découvrira par la suite que les femelles ne sont pas
les seules à être affectées : il observe à leur côté des « mâles sans pénis »
incapables de s’accoupler et donc stériles. D’autres ont une prostate
fendue et des testicules mal formés. Il a donné à l’ensemble de leurs
malformations le nom de « syndrome de Dumpton », du nom de la plage
5
où les mollusques ont été découverts, au nord de l’estuaire de la Tamise .
Le chercheur a pu aussi établir qu’une modification génétique était
intervenue dans l’espèce et qu’elle était transmissible à la descendance.
Il semblerait que par un mécanisme de défense contre le polluant TBT,
pour échapper à l’imposex stérilisant, les femelles aient bloqué la
production de la testostérone dans leur descendance aussi bien mâle que
femelle. Les femelles mutantes dépourvues de testostérone peuvent ainsi
67
s’accoupler avec les mâles non encore pollués et obtenir une
descendance. Les « mâles sans pénis » ne se reproduisent plus, mais par
ce biais l’espèce peut survivre.
Nucella lapillus s’est même trouvé une nouvelle vocation : sentinelle
de la qualité de l’eau.
68
Ainsi, si dans l’imposex les « femelles à pénis » ne produisent pas de
spermatozoïdes, dans des espèces voisines l’ovogenèse est remplacée par
la spermatogenèse. Autrement dit, les femelles cessent de produire des
œufs et se mettent à fabriquer des spermatozoïdes. Ce phénomène a été
7
nommé « intersex ». En français, on pourrait, selon le modèle de
Colette Féral et Solange Le Gall, baptiser ces individus « femelles à
spermatozoïdes ».
Plus les biologistes avancent dans leurs recherches et plus il devient
évident pour eux que les mollusques sont loin d’être les seuls à subir les
conséquences de cette pollution à l’étain : toute la chaîne du vivant dans
l’écosystème marin est concernée. Les saumons d’élevage dont les cages
sont peintes avec de la peinture au TBT sont également imprégnés de
composés d’étain. On découvre que les phoques, les otaries, les thons,
les requins concentrent de grandes quantités d’étain dans leur foie. De
même, on remarque que les mystérieuses mortalités de groupe chez les
dauphins s’accompagnent d’une forte concentration d’étain dans leur
rostre. Les coraux, dont la survie est devenue l’emblème de la lutte
contre le réchauffement climatique, pourraient bien être, avant tout, les
victimes collatérales de la pollution de l’eau de mer par les produits
chimiques 8. En Australie, face à la Grande Barrière de corail, pas moins
de trente-cinq bassins-versants précipitent dans le récif des eaux polluées
par les pesticides issus des activités agricoles, maritimes et industrielles.
Toutes proportions gardées, les petits escargots de mer d’Arcachon et
les majestueux coraux de la Grande Barrière se retrouvent victimes d’une
même agression chimique. Les premiers ont rendu un service immense
qui pourrait à terme guider les seconds vers le chemin de la résilience.
Lequel ? Les « femelles à pénis » ont servi de révélateurs et permis
d’établir un lien de cause à effet irréfutable entre un toxique, le composé
d’étain TBT, et un dérèglement hormonal, l’imposex. Ce tournant dans
l’histoire de la toxicologie a conduit le biologiste hollandais Joseph Vos
à enfoncer le clou en soulignant : « Il s’agit du plus bel exemple de
perturbation hormonale chez les invertébrés dont la cause est directement
9
liée à un polluant environnemental . »
69
Lorsque les interdictions sur les polluants à base d’étain sont
respectées, les résultats sont au rendez-vous. Sur les côtes françaises
comme dans certaines baies du Portugal, le nombre des femelles atteintes
d’imposex, à quelques exceptions près, a régulièrement baissé depuis
10
2003 . Pourtant le bilan pourrait se révéler bien meilleur. Soixante ans
après l’apparition des peintures toxiques à l’étain, la réponse
réglementaire internationale n’a pas été à la hauteur de la menace,
comme le souligne le rapport de l’Agence européenne de
l’environnement « Signaux précoces, leçons tardives 11 », sur la
problématique des perturbateurs hormonaux à l’étain.
Certes, un accord international a banni les organoétains des peintures
antisalissure, mais il n’est pas toujours respecté. Ce pesticide reste
présent en tant qu’additif dans de nombreux produits de consommation
du quotidien et se retrouve tôt ou tard dans les sédiments marins.
Au bout de la chaîne, les organismes humains récupèrent les
polluants à l’étain qu’ils ont rejetés à la mer par l’intermédiaire des
pesticides contenus dans les peintures et dans les plastiques, par un
phénomène d’« arroseur arrosé ». La concentration est même parfois
jugée dangereuse pour leur santé, d’autant qu’elle s’additionne à toutes
12
les autres sources de pollution .
Le milieu marin aura été le premier à permettre l’identification des
effets délétères des toxiques hormonaux sur la physiologie des
organismes. L’eau douce des rivières et des lacs ne tardera pas à voir
apparaître en son sein l’étrange phénomène de la « féminisation des
poissons ».
RÉSUMÉ
En 1982, des scientifiques françaises avaient identifié le phénomène
des imposex chez les escargots de mer, indépendamment des Anglo-
Saxons. Elles l’avaient baptisé « femelle à pénis ». De plus, et pour la
première fois, elles en ont décrit le mécanisme hormonal. Les mâles
70
escargots de mer sont aussi perturbés et deviennent parfois des « mâles
sans pénis ».
Ces gastéropodes deviennent une espèce sentinelle qui sert de bio-
indicateur sur la pollution de l’eau de mer au TBT. Le lien de cause à
effet entre une malformation physiologique d’un organisme vivant et un
polluant chimique est désormais établi.
Toute la chaîne marine est concernée par cette pollution : des
phoques aux coraux en passant par les dauphins.
Le TBT est finalement banni des peintures antisalissure, mais les
produits qui le remplacent ne sont pas dépourvus de toxicité.
1. C. Féral et S. Le Gall, « The Influence of a Pollutant Factor (TBT) on the
Neurosecretory Mechanism Responsible for the Occurrence of a Penis in the
Females of Ocenebra Erinacea », in J. Lever et H. H. Boer (éd.), Molluscan Neuro-
Endocrinology, Amsterdam (Pays-Bas), North Holland Publishing, 1983, p. 173-
175.
2. Id., « Induction expérimentale par un polluant marin (le tributylétain) de
l’activité neuroendocrine contrôlant la morphogenèse du pénis chez les femelles
d’Ocenebra erinacea (mollusque prosobranche gonochorique) », compte rendu
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invertébrés, Arenicola marina (annélide, polychète) et Aplysia punctata
(mollusque, gastéropode), thèse, 1978.
4. P. E. Gibbs et al., « The Use of the Dog-Whelk, Nucella Lapillus, as an
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Association of the United Kingdom, vol. 67, 1987, p. 507-523.
5. P. E. Gibbs, « Male Genital Defect (Dumpton Syndrome) in the Dog-Whelk
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6. M. Huet, B. Averty et Y.-M. Paulet, « Imposex-TBT – Intensité de la pollution
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[en ligne] https://archimer.ifremer.fr/doc/00315/42574/41943.pdf ; « Surveillance
du milieu marin – Travaux du Réseau national d’observation de la qualité du milieu
marin », éd. 2004, [en ligne]
https://archimer.ifremer.fr/doc/00314/42569/41939.pdf
7. P. Matthiessen et P. E. Gibbs, « Critical Appraisal of the Evidence for
Tributyltin-Mediated Endocrine Disruption in Mollusks », Environmental
71
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Toxicology & Chemistry, vol. 17, n 1, janvier 1998, p. 37-43.
8. A. Monaco et P. Prouzet, Diversité et fonctions de systèmes écologiques marins,
ISTE Éditions, 2015.
9. J. G. Vos, E. Dybing, H. A. Greim, O. Ladefoged, C. Lambré, J. V. Tarazona et
A. D. Vethaak, « Health Effects of Endocrine-Disrupting Chemicals on Wildlife,
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vol. 30, n 1, 2000, p. 71-133.
10. « Suivi de l’imposex sur le littoral français de la Manche et de l’Atlantique en
2012 », rapport Toxem pour l’Ifremer.
11. D. Gee et al., Late Lessons From Early Warnings: Science, Precaution,
Innovation, EEA, 2013.
12. A. C. Belfroid, A. Van Der Horst, A. D. Vethaak, A. J. Schafer, G. B. Rijs,
J. Wegener et W. P. Cofino, « Analysis and Occurrence of Estrogenic Hormones
and Their Glucuronides in Surface Water and Wastewater in the Netherlands »,
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Science of the Total Environment, vol. 225, n 1-2, 1999, p. 101-108.
72
8
73
Le mythe d’Hermaphrodite
Dans la mythologie grecque, Hermaphrodite est le fils d’Hermès et
d’Aphrodite. C’est un très beau garçon, mais un jour il subit un mauvais
sort après une rencontre malencontreuse avec une naïade nommée
Salmacis dont il a repoussé les avances. Pour se venger, la naïade a
réussi à convaincre les dieux de l’unir malgré tout et définitivement au
beau jeune homme. Son vœu est exaucé, et c’est ainsi que leurs deux
sexes (féminin et masculin) se retrouvent côte à côte en un seul corps.
Hermaphrodite fait lui aussi un vœu : que chaque garçon qui se
baigne dans ce lac développe également un sexe féminin en plus de
son sexe masculin. Les dieux grecs auraient-ils découvert les
perturbateurs endocriniens avant l’heure que le résultat n’en eût guère
été différent ! De nos jours, le terme « intersexe » désigne la même
réalité et, étrangement, les garçons y semblent plus souvent exposés
que les filles.
74
produisent. Les hormones femelles, les estrogènes, déclenchent la
production de vitellogénine par le foie. Celle-ci permettra au futur
embryon d’utiliser ces réserves de nourriture pour se développer. Les
concentrations de vitellogénine chez les femelles sont si importantes
qu’elles peuvent être multipliées par 1 million durant le cycle reproductif
saisonnier de certains poissons, comme les saumons.
Les mâles ont donc normalement des niveaux très bas de
vitellogénine du fait de leurs bas niveaux d’estrogènes. Mais si on leur
apporte de manière artificielle des hormones femelles estrogènes ou des
toxiques chimiques qui leur ressemblent, ils vont eux aussi se mettre à
produire de la vitellogénine. Ils sont même beaucoup plus sensibles que
les femelles à l’apport d’estrogènes extérieurs, car ils n’y sont pas
habitués.
75
Féminisation des poissons mâles :
À gauche, une femelle et un mâle normaux. Seule la femelle produit
de la vitellogénine dans son foie. Celle-ci est envoyée vers les ovaires
pour servir de réserve nutritionnelle aux œufs.
À droite, un mâle féminisé par la contamination chimique :
1 – Un toxique chimique mimant les hormones femelles se retrouve
dans le sang du poisson.
2 – Dans le cerveau du poisson mâle, l’hypothalamus perçoit la
présence de pseudo-hormones femelles et envoie un signal hormonal
aux testicules.
3 – Le foie se met à produire de la vitellogénine en direction des
testicules.
4 – Les testicules se transforment en ovaires et se mettent à
fabriquer des œufs.
76
Après trois semaines d’exposition dans les cages en amont et en aval
des stations d’épuration, les résultats de l’étude expérimentale sont
3
significatifs . Les truites arc-en-ciel mâles ou carpes mâles exposées aux
effluents des stations ont vu leur taux de vitellogénine dans le plasma
multiplié par 500 et même 100 000. Le genre est bien perturbé. Des
tissus ovariens se développent dans les testicules, générant la production
d’œufs.
En outre, plus les mâles sont féminisés, moins ils sont fertiles. Dans
une population donnée, il s’agit bien de mâles féminisés et non pas de
femelles masculinisées, car c’est le nombre de mâles non féminisés qui a
baissé.
4
Quelles étaient les substances estrogéniques présentes en grande
quantité dans les effluents des stations d’épuration ? Principalement des
hormones sexuelles naturelles ou synthétiques (pilule contraceptive), des
résidus de pesticides et des détergents.
77
Deux décennies après la première découverte des poissons féminisés
dans la banlieue de Londres, des chercheurs ont voulu vérifier les effets
des hormones synthétiques déversées dans l’environnement naturel. En
2001, dans un lac canadien, ils ont introduit des hormones synthétiques
de pilule contraceptive. Le résultat a été radical : elles ont provoqué la
7
disparition complète d’une espèce de poissons .
Comme les « femelles à pénis » chez les escargots de mer, les
poissons mâles sont par la suite utilisés comme espèce sentinelle, dans la
vérification de la qualité des eaux de surface.
Les Britanniques, s’ils ont été les premiers à s’inquiéter, n’ont pas été
les seuls touchés : de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique, des
études confirment le phénomène de la « perturbation du genre » chez le
poisson.
78
Sans équivoque, le rapport français conclut que l’ensemble des
peuplements piscicoles des rivières de Haute-Normandie est perturbé du
point de vue de la reproduction. C’est donc leur survie qui est en jeu. Le
constat est net et sans langue de bois, mais qu’en est-il pour les
humains ?
RÉSUMÉ
En 1978, dans la région de Londres, des biologistes découvrent que
des poissons mâles sont féminisés en aval des stations d’épuration de
l’eau. Une proportion importante de ces poissons mâles est devenue
hermaphrodite et porte des œufs.
Ce changement de sexe est causé par des substances chimiques
imitant les hormones femelles ou par des hormones de synthèse
79
provenant de la pilule contraceptive des femmes.
En France, d’autres études montrent que dans certaines rivières, un
quart des poissons mâles sont devenus hermaphrodites.
1. D. Gee et al., Late Lessons From Early Warnings…, op. cit., vol. 2, chap. 3.
2. C. R. Tyler et S. Jobling, « Roach, Sex, and Gender-Bending Chemicals: The
o
Feminization of Wild Fish in English Rivers », BioScience, vol. 58, n 11,
décembre 2008, p. 1051-1059.
3. C. E. Purdom, P. A. Hardiman, V. V. J. Bye, N. C. Eno, C. R. Tyler et
J. P. Sumpter, « Estrogenic Effects of Effluents From Sewage Treatment Works »,
o
Chemistry and Ecology, vol. 8, n 4, 1994, p. 275-285.
4. Estrogénique : qui a le même effet que l’estrogène, hormone femelle, sans en
être un.
5. S. Jobling et al., « Predicted Exposures to Steroid Estrogens in U. K. Rivers
Correlate With Widespread Sexual Disruption in Wild Fish Populations »,
Environmental Health Perspectives, vol. 114, 2006.
6. S. Jobling et R. Owen, « Ethinyloestradiol: Bitter Pill for the Precautionary
Principle », in D. Gee et al., Late Lessons From Early Warnings…, op. cit.
7. K. A. Kidd et al., « Collapse of a Fish Population After Exposure to a Synthetic
o
Estrogen », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 104, n 21,
mai 2007, p. 8897-8901.
8. C. Minier et al., « An Investigation of the Incidence of Intersex Fish in Seine-
o
Maritime and Sussex Region », Analusis, vol. 28, n 9, 2000.
9. « Plan départemental pour la protection du milieu aquatique et la gestion des
ressources piscicoles de Seine-Maritime », septembre 2007.
80
9
81
Seconde Guerre mondiale le centre de l’industrie chimique américaine.
Elle a bénéficié pour cela du savoir-faire de l’industrie chimique
allemande, vaincue mais prête à collaborer et à faire bénéficier les
vainqueurs des dernières découvertes en matière de chimie des colorants
et d’explosifs.
La région devient donc à la fois productrice et consommatrice
d’engrais chimiques, d’insecticides et d’herbicides. L’agriculture et la
sylviculture en sont les premiers débouchés. Plusieurs millions de tonnes
de DDT y ont été déversées, comme l’a détaillé Rachel Carson.
Les hormones en question
Theo Colborn démontre statistiquement et expérimentalement le lien
de cause à effet en une séquence logique : les populations d’aigles à tête
blanche ont développé des problèmes graves de reproduction en même
temps que leur nombre a diminué. Les rapaces présentaient des
concentrations de produits chimiques qu’on ne retrouvait pas chez les
oiseaux en bonne santé. Plus les concentrations de DDT étaient fortes
dans les œufs et plus les coquilles étaient fragiles et le taux de mort-nés
élevé.
La chaîne alimentaire s’est révélée être à l’origine de l’intoxication
au DDT : les aigles à tête blanche se trouvant au sommet de cette
pyramide alimentaire, ils ont concentré les toxiques et présenté les plus
forts taux de contamination.
La zoologiste décrit trois mécanismes utilisés par les
2
« hormonotoxiques » :
3
1) Ils modifient les enzymes .
4
2) Ils empêchent la « communication de jonction » entre les
5
cellules, y compris les cellules germinales (reproductrices) .
3) Ils perturbent le « contrôle endocrinien », altérant ainsi le système
hormonal dans son ensemble.
82
Par leur structure même, les molécules des polluants chimiques
sont capables de produire un effet estrogénique similaire aux plus
puissantes hormones femelles que sont les estrogènes (en particulier
l’estradiol).
83
Tableau des espèces contaminées par les polluants chimiques et
présentant des perturbations physiologiques.
Et les humains ?
84
RÉSUMÉ
En 1991, la biologiste américaine Theo Colborn mesure le déclin des
populations d’aigles à tête blanche dans la région des Grands Lacs, aux
États-Unis. Elle en démontre les mécanismes hormonaux et documente
le lien de cause à effet avec les polluants chimiques comme des PCB et
des pesticides, dont le DDT. Quatorze autres espèces de la faune sauvage
sont concernées, parmi lesquelles les goélands, les tortues aquatiques, les
saumons ou les baleines blanches bélugas.
85
10
Quand la « déclaration
de Wingspread » alerte sur la notion
de « perturbateurs endocriniens »
86
Toxiques hormonaux dans la chaîne du vivant :
La « déclaration de Wingspread » forge la notion de
« perturbateurs endocriniens » et alerte sur la contamination
hormonale de toute la chaîne du vivant, dont font partie les
humains.
Tous ces scientifiques ont déjà publié des études sur les dégâts
environnementaux causés par les polluants chimiques. Dix-sept
disciplines sont représentées, ce qui fait la richesse de cette rencontre.
Celle-ci débouche sur une déclaration en forme d’appel qui entend faire
date et exposer l’état de la science à un moment donné 1. La démarche,
expliquent les scientifiques, consiste à écrire noir sur blanc « ce que l’on
sait avec certitude en 1991, ce que l’on ne sait pas et l’urgence d’agir ».
– Ce que l’on sait avec certitude
87
Ce que l’on sait avec certitude à l’époque, c’est qu’un grand nombre
de produits chimiques de synthèse sont capables de dérégler le système
hormonal des animaux, y compris des humains. Il s’agit de pesticides
organochlorés principalement.
De nombreux animaux présentent des troubles de la reproduction et
de la différenciation sexuelle. Les effets se font sentir de la conception à
la reproduction, avec une intensité critique durant la vie embryonnaire.
Les études en laboratoire reproduisent des développements sexuels
anormaux avec des toxiques hormonaux certains.
Les humains sont exposés à des doses qui provoquent des effets chez
les animaux. Ils augmentent même la charge toxique avec des
médicaments comme le Distilbène (voir le chap. 15). Ils partagent donc
les mêmes risques. L’exposition répétée ou constante aux nombreux
produits chimiques est connue pour dérégler le système hormonal. On
commence à déchiffrer les mécanismes à l’œuvre.
– Les mécanismes d’action identifiés
Les scientifiques ont déjà identifié certains modes opératoires de ces
toxiques hormonaux.
Ils imitent les hormones naturelles en se liant à leurs récepteurs ;
c’est l’effet mimétique, capable d’activer ou de bloquer une réponse de
la cellule. De plus, ils interagissent directement et indirectement avec les
hormones elles-mêmes, soit en perturbant leur synthèse, soit en
modifiant le nombre de récepteurs dans les organes.
Les scientifiques ont aussi montré que les hormones peuvent agir sur
le développement du cerveau et la différenciation des cellules. Ils ont
découvert qu’il suffit d’une faible quantité de perturbateurs hormonaux,
durant une fenêtre de temps cruciale pendant l’embryogenèse, pour
compromettre de façon irréversible les caractères liés au sexe et à
d’autres fonctions.
Ils savent que les mécanismes endocriniens sont voisins chez les
animaux et les humains. Les perturbations observées sur les animaux
88
devraient donc, selon eux, alerter les humains sur leur propre sort.
– Ce que l’on ne sait pas
Les scientifiques réunis à Wingspread alertent aussi sur les
incertitudes qui demeurent. Les études sont insuffisantes pour évaluer
l’ampleur de la pollution chimique ainsi que ses effets sur les embryons
et sur les différentes générations. L’aptitude des animaux à la
reproduction est mise en danger, annoncent-ils, et il semblerait que leurs
comportements sexuels et de survie s’en trouvent aussi modifiés.
Ce qui les inquiète particulièrement, c’est que de nombreux
composés chimiques ont des effets estrogéniques, c’est-à-dire
féminisants, car ils imitent les hormones femelles, les estrogènes. Il est
donc clair pour eux que les nouveaux produits chimiques doivent
être testés pour mettre en relief ces effets hormonaux et pas
seulement les effets cancérigènes ou les malformations congénitales.
La contamination ambiante prend un caractère si général qu’il va
devenir difficile, selon eux, de garder un état de référence d’une santé
optimale. Il est donc nécessaire, déclarent-ils, de dresser d’urgence un
cahier des charges détaillé du fonctionnement normal des organismes
vivants : « Nous devons connaître la quantité d’une hormone donnée
requise pour provoquer une réponse normale. Nous avons besoin de
marqueurs biologiques du développement normal pour chaque espèce,
chaque organe et chaque étape du développement. Avec ces
renseignements, nous pourrons déterminer les concentrations qui
provoquent des altérations pathologiques. »
Ils ajoutent, inquiets : « L’impact sur les animaux sauvages et les
animaux de laboratoire est si profond et si insidieux qu’il est nécessaire
de lancer un vaste programme de recherche sur l’humain. » Toutes les
étapes de la vie sont concernées, que ce soit chez l’embryon, le fœtus, le
nouveau-né ou l’adulte. L’aptitude reproductrice de l’humain est-elle en
train de décliner ? C’est la question qui les hante.
89
La notion de « perturbation endocrinienne » est donc actée dès
juillet 1991 avec la « déclaration de Wingspread ». C’est sur cette pierre
angulaire que les scientifiques du monde entier vont bâtir un édifice
imposant de connaissances multiples et toujours plus précises.
Cette nouvelle façon d’aborder la compréhension des phénomènes
physiologiques va constituer une révolution, un véritable changement de
modèle de pensée. Quelles sont les différences entre un toxique qui
détruit une cellule brutalement et un autre qui l’endommage à petit feu et
l’empêche discrètement de fonctionner correctement ? Ce sont les
fondements mêmes de la toxicologie qui vont se voir remis en question.
RÉSUMÉ
En juillet 1991, des scientifiques représentant dix-sept disciplines se
réunissent pendant trois jours à Wingspread, sur les bords du lac
Michigan. À l’issue du colloque, ils lancent un appel : la « déclaration de
Wingspread ». Pour la première fois, les produits chimiques à effet
hormonal sont baptisés « perturbateurs endocriniens ». Les scientifiques
décrivent l’état de la science en la matière, insistent sur la contamination
générale et alertent sur les possibles dangers pour la reproduction des
humains.
90
11
91
dessine alors une courbe en forme de U. Avec la diversité des poisons,
les courbes peuvent aussi avoir une forme de U inversé (fig. 3). Elles
peuvent encore dessiner des courbes avec des bosses de chameau par
exemple.
92
Les courbes ne sont pas linéaires, elles sont dites « dose-réponse non
monotone ». Il est difficile dans ces conditions de fixer un seuil de
1
toxicité . En effet, un polluant qui a été considéré comme sûr à dose
moyenne peut se révéler très délétère à des doses plus faibles. Les seuils
et les courbes linéaires sont désormais considérés par certains
toxicologues comme des « erreurs de proportion historique 2 ». Par
exemple, le Distilbène testé sur des rats cause un gonflement de la
prostate à faible dose, mais à forte dose il provoque au contraire un
3
rétrécissement de celle-ci .
Le phénomène n’est pas encore bien compris, mais on observe que
certaines cellules se protègent en fermant leur porte d’entrée (les
récepteurs) à partir de certaines doses. Dans ce cas, une dose plus forte
ne pourra plus entrer dans la cellule parce que celle-ci sera bloquée pour
un certain temps. C’est d’ailleurs pour ne pas saturer les récepteurs des
cellules que certaines glandes hormonales ne fonctionnent que par
intermittence et sécrètent leurs hormones de façon pulsatile.
L’« effet cocktail »
93
On admet qu’à partir de trois produits, il est quasiment impossible de
calculer les interactions potentielles. Alors que dire lorsqu’on retrouve
jusqu’à 200 polluants chimiques dans le cordon ombilical d’un nouveau-
né (voir le chap. 35) ?
94
elles peuvent rester des dizaines d’années. La dioxine par exemple met
cinquante ans à perdre la moitié de sa toxicité.
Le concept de DOHaD va plus loin encore et intègre l’idée que
l’environnement modifie le patrimoine génétique du parent par le
8
mécanisme de l’épigénétique . Ces modifications sont ensuite
transmises aux générations suivantes, qui peuvent ne développer les
maladies qu’à l’âge adulte 9. Lorsqu’un patient se présente dans le
cabinet d’un médecin, c’est donc un diagnostic transgénérationnel que
celui-ci doit désormais poser.
10
« Idéalement, expliquent les spécialistes de la question , on devra
par exemple considérer la situation de santé d’un individu en tentant
d’articuler la grossesse dont il est issu en termes de santé maternelle et
anténatale, son développement métabolique et cognitif du stade néonatal
à l’âge adulte, en tentant d’intégrer l’état de santé, les comportements et
les choix des générations qui l’ont précédé, tout en envisageant la santé
de celles qui le suivront. »
95
12
Il existe bien le classement « CMR » (pour « substances
cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques »), mais il ne prend pas en
compte la perturbation hormonale. Les cancérigènes peuvent provoquer
le cancer, les mutagènes des défauts génétiques héréditaires et les
reprotoxiques des effets nocifs sur la reproduction, soit pour la
progéniture, soit pour les capacités reproductives.
En résumé, la toxicologie classique n’est plus adaptée à la « soupe
chimique » qui imprègne la planète depuis la Seconde Guerre mondiale :
les courbes dose-réponse non linéaires, les « effets cocktail » et l’origine
fœtale des maladies sont sous-estimés.
En 1996, Theo Colborn et ses collègues enfoncent le clou sur toutes
ces nouvelles notions avec un best-seller mondial, Our Stolen Future
(« Notre avenir volé »), qui a pour titre français L’Homme en voie de
disparition ? 13.
John Peterson Myers, un coauteur du livre et l’un des organisateurs
de la rencontre de Wingspread, continuait toujours en 2018 à prêcher la
bonne parole. « Encore à l’heure actuelle, dit-il dans une conférence, les
agences de régulation ne veulent rien entendre. Nous, chercheurs, voyons
des effets avec des faibles doses de perturbateurs hormonaux mais la
FDA (Food and Drug Administration) ne reconnaît pas la validité de nos
essais parce qu’elle n’observe pas les mêmes effets à hautes doses. »
Selon lui, les normes de sécurité établies par les agences de régulation
sont beaucoup trop laxistes par rapport à la toxicité réelle des polluants.
Ces agences tolèrent parfois des concentrations chimiques dans l’air,
l’eau et les aliments qui sont 20 000 fois supérieures à la dose toxique
14
observée par les toxicologues .
Les décennies qui suivent la « déclaration de Wingspread » vont
montrer qu’il était difficile d’être plus clair et plus visionnaire. Les
alligators du lac Apopka, en Floride, et la perte de leurs attributs
masculins viendront l’illustrer bien malgré eux.
RÉSUMÉ
96
La notion de « perturbateurs endocriniens » forgée lors de la
conférence de Wingspread remet en cause la toxicologie classique. Le
dogme admis depuis la Renaissance selon lequel « c’est la dose qui fait
le poison » devient obsolète pour trois raisons principales :
1 – En matière hormonale, la toxicité n’augmente pas toujours de
façon linéaire mais peut passer par différentes phases et former des
« courbes en U » ou des « courbes en U inversé ».
2 – Lorsque plusieurs toxiques agissent en même temps, la toxicité
finale est plus forte que la somme de chaque toxique. Ce phénomène
s’appelle l’« effet cocktail ».
3 – La toxicité vient aussi de la « fenêtre d’exposition ». La période
fœtale est particulièrement à risque et peut engendrer des maladies à
l’âge adulte. Ce concept porte le nom de « DOHaD », pour « origine
développementale de la santé et des maladies ».
En 1996, Theo Colborn popularise toutes ces notions dans un best-
seller intitulé Our Stolen Future, traduit en français sous le titre
L’Homme en voie de disparition ?.
1. L. N. Vandenberg, T. Colborn, T. B. Hayes, J. J. Heindel, D. R. Jacobs, D.-
H. Lee… et J. P. Myers, « Hormones and Endocrine-Disrupting Chemicals: Low-
Dose Effects and Nonmonotonic Dose Responses », Endocrine Reviews, vol. 33,
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n 3, 2012, p. 378-455, [en ligne] DOI 10.1210/er.2011-1050.
2. E. Calabrese et L. Baldwin, « Toxicology Rethinks Its Central Belief », Nature,
421, 2003, p. 691-692, [en ligne] DOI 10.1038/421691a.
3. F. S. vom Saal, B. G. Timms, M. M. Montano… et W. V. Welshons, « Prostate
Enlargement in Mice Due to Fetal Exposure to Low Doses of Estradiol or
Diethylstilbestrol and Opposite Effects at High Doses », Proceedings of the
o
National Academy of Sciences U.S.A., vol. 94, n 5, 1997, p. 2056-2061, [en ligne]
DOI 10.1073/pnas.94.5.2056 ; PMID 9050904 ; PMCID PMC20042.
4. W. Bourguet et P. Balaguer, « “L’effet cocktail” des perturbateurs endocriniens
mieux compris », Inserm ; Vanessa Delfosse, Patrick Balaguer et William
Bourguet, « Mechanistic Insights Into the Synergistic Activation of the RXR-PXR
Heterodimer by Endocrine Disruptor Mixtures », Proceedings of the National
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Academy of Sciences, vol. 118, n 1, 2021.
5. T. Colborn, F. S. vom Saal et A. M. Soto, « Developmental Effects of
Endocrine-Disrupting Chemicals in Wildlife and Humans », Environmental Health
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10.1289/ehp.93101378, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1519860
6. M. Mandy et M. Nyirenda, « Developmental Origins of Health and Disease:
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The Relevance to Developing Nations », International Health, vol. 10, n 2, 2018,
p. 66-70, [en ligne] DOI 10.1093/inthealth/ihy006.
7. Il s’agit d’une suggestion de l’auteure.
8. L’épigénétique concerne le changement de l’expression des gènes sans
modification du code génétique. Elle inclut l’influence de l’environnement sur
l’expression des gènes.
9. L. Chiapperino, F. Panese et U. Simeoni, « L’épigénétique et le concept
DOHaD : vers de nouvelles temporalités de la médecine “personnalisée” ? », Revue
o er
médicale suisse, vol. 13, n 548, 1 février 2017, p. 334-336.
10. Ibid.
11. Dose sublétale : dose d’une substance toxique, la plus proche de celle qui
provoque la mort.
12. Anses : substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction
(CMR).
13. T. Colborn, D. Dumanoski et J. P. Myers, L’Homme en voie de disparition ?,
Terre Vivante Éditions, 1998.
14. C. Gustafson et J. P. Myers, « MD: Epigenetics and Endocrine Disruption »,
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Integrative Medicine (Encinitas), vol. 17, n 6, décembre 2018, p. 26-29.
98
12
99
Les alligators mâles du lac Apopka ont un taux de testostérone quatre
fois plus bas (réduction de 76 %) que les mâles du groupe témoin. Ils ont
2
également moins d’estrogènes . Ils n’ont pas plus de testostérone que
leurs propres femelles, alors que les mâles du groupe témoin en ont
quatre fois plus que les femelles contaminées et trois fois plus que les
femelles de leur groupe.
Aussi bien le taux des hormones que leur ratio vont avoir des
répercussions sur les organes et les comportements sexuels. La plus
grosse surprise vient de la taille des pénis des alligators du lac pollué :
elle est inférieure de 24 % à celle des mâles du lac non pollué.
Chez les mâles du lac non pollué, plus il y a de concentration en
androgènes (hormones mâles) dans le sang et plus la taille du pénis est
grande. Chez les mâles pollués, cette corrélation disparaît : il n’y a pas
de variation de la taille du pénis en fonction du taux d’androgènes. Non
seulement leurs hormones mâles sont en moindre quantité, mais en plus
leurs signaux sont moins bien captés par les cellules.
Le nombre des récepteurs est en cause, mais aussi leur disponibilité.
Lorsqu’un produit chimique imitant les hormones vient se coller aux
récepteurs des androgènes, il barre l’entrée aux hormones naturelles (voir
le chap. 3). La testostérone circulante ne peut plus pénétrer dans les
organes sexuels, qui restent sous-développés.
De plus, les testicules des mâles du lac Apopka sont également
désorganisés : les tubules séminifères 3 dans lesquels mûrissent les
spermatozoïdes sont mal formés, contrairement à ceux des mâles du
groupe témoin.
100
Masculinisation perturbée chez les alligators :
À gauche, un alligator mâle sain ayant grandi dans un lac non
pollué.
À droite, un alligator mâle contaminé ayant grandi dans un lac
pollué. Il a 76 % de testostérone en moins et un micropénis dont la
taille est inférieure de 24 % par rapport à celui de l’alligator non
contaminé.
Des femelles hyperféminisées
101
donc lourdement déréglé : elles ont trop d’estrogènes et pas assez de
testostérone.
Encore plus grave, leurs ovaires réservent aussi quelques surprises.
Normalement, chaque follicule (un mot qui vient du mot latin folliculus,
signifiant « petit sac ») contient un ovocyte (ovo = « œuf » et cyte
= « cellule ») ou œuf qui lui-même ne contient qu’un noyau. Or, chez ces
femelles alligators, chaque follicule contient plusieurs ovocytes et
quelques ovocytes sont dotés de plusieurs noyaux, ce qui est source de
stérilité.
Ces malformations des ovaires et de leurs œufs chez les femelles
alligators sont d’autant plus troublantes qu’elles ressemblent fort aux
anomalies déjà signalées chez les poissons femelles de la Seine et des
rivières normandes (voir le chap. 8) et que l’on retrouvera chez les
femmes aux ovaires polykystiques (voir le chap. 27).
102
Tests au DDT en laboratoire
RÉSUMÉ
En 1996, le biologiste Louis Guillette, de l’université de Floride, veut
vérifier l’origine fœtale des problèmes de reproduction des alligators du
lac Apopka, un lac de Floride pollué par des pesticides.
En les comparant avec des alligators d’un lac voisin non pollué, il
démontre que les mâles adultes du lac pollué n’ont plus les mêmes
capacités de reproduction : ils ont un micropénis et un taux de
testostérone fortement diminué. Les femelles alligators du lac pollué
103
développent des malformations des ovaires, avec des ovocytes anormaux
contenant plusieurs noyaux.
1. L. Guillette Jr., D. B. Pickford, D. A. Crain, A. A. Rooney et H. F. Percival,
« Reduction in Penis Size and Plasma Testosterone Concentrations in Juvenile
Alligators Living in a Contaminated Environment », General and Comparative
Endocrinology, vol. 101, 1996, p. 32-42.
2. Même constatation chez les mammifères : les rats ont moins de testostérone en
présence de dioxine de DDT ou de Distilbène. Voir R. E. Peterson, H. M. Theobald
et G. L. Kimmel, « Developmental and Reproductive Toxicology of Dioxins and
Related Compounds: Cross-Species Comparisons », Critical Reviews in
Toxicology, vol. 23, 1993, p. 283-335.
3. Tubules séminifères : petits tubes qui se trouvent dans les testicules et dans
lesquels les spermatozoïdes sont amenés à maturation.
4. L. J. Guillette Jr., T. S. Gross, G. R. Masson, J. M. Matter, H. F. Percival et
A. R. Woodward, « Developmental Abnormalities of the Gonad and Abnormal Sex
Hormone Concentrations in Juvenile Alligators From Contaminated and Control
o
Lakes in Florida », Environmental Health Perspectives, vol. 102, n 8, août 1994,
p. 680-688.
104
13
105
de taille réduite comme celui des femelles, et les sons émis tirent vers les
aigus.
Le larynx est tapissé de récepteurs hormonaux, y compris chez les
humains : testostérone chez les mâles et estrogènes chez les femelles.
C’est pour cette raison que la voix mue sous l’influence des hormones,
lors de la puberté chez les humains ou au cours de la métamorphose chez
les batraciens.
L’expérience menée par Tyrone Hayes montre que l’atrazine ne se
contente pas d’affecter les caractères sexuels secondaires : elle altère
aussi les caractères sexuels primaires.
106
Masculinisation perturbée par un herbicide chez les grenouilles
mâles :
À gauche, un mâle normal avec deux testicules et un taux élevé de
testostérone.
À droite, un mâle contaminé devenu hermaphrodite, possédant en
même temps un testicule et un ovaire. Le taux de testostérone est
réduit de 90 % par rapport au mâle normal.
107
Pour démontrer que l’herbicide agit en imitant les hormones
femelles, le biologiste a ensuite exposé les têtards à de vraies hormones
femelles et non plus à l’herbicide. Résultat, sur une longue durée les
têtards changent de sexe et deviennent femelles, et sur une durée plus
courte ils présentent les mêmes malformations qu’avec l’atrazine.
Il apparaît que les mâles sont plus vulnérables que les femelles, car
dans un groupe mixte 50 % des individus restent des femelles tandis que
l’autre moitié voit le nombre de mâles décroître au fur et à mesure
qu’augmente le nombre des intersexes, signe qu’ils sont le vivier
principal de la transformation. Les comportements homosexuels se
multiplient. Hayes considère donc que l’atrazine féminise plus les mâles
qu’elle ne masculinise les femelles. Le sex-ratio, la proportion entre les
mâles et les femelles, s’en trouve complètement déséquilibré, mettant
l’espèce en danger.
108
Action de l’herbicide atrazine sur les hormones :
La testostérone (hormone mâle) et l’estrogène-estradiol (hormone
femelle) sont très proches.
Ils dérivent tous deux du cholestérol.
L’enzyme aromatase transforme la testostérone en estrogène.
Un excès d’aromatase provoque un excès d’estrogène.
109
filtres à eau, mais elle n’a pas plaidé coupable et continue, en 2021, de
vendre son herbicide aux États-Unis.
110
La contamination chimique due à l’herbicide ne se contente pas
d’endommager le système hormonal, elle affaiblit aussi le système
immunitaire, et les grenouilles sont plus souvent sujettes à des maladies
infectieuses (virus, champignons) et à des parasitoses. Un rapport de
8
l’agence de l’ONU sur l’environnement, l’UNEP , a déjà tiré la sonnette
d’alarme sur les atteintes du système immunitaire causées par les
perturbateurs chimiques, et cela même à de faibles concentrations.
Les cétacés (baleines, dauphins), les phoques 9, les lions de mer, les
tortues de mer sont atteints par trente nouvelles maladies émergentes ou
réémergentes. Les humains pourraient-ils échapper à l’imprégnation
générale à l’atrazine ?
111
dans la diminution des capacités cérébrales des petits enfants du
e
XXI siècle (voir le chap. 37).
RÉSUMÉ
Le biologiste californien Tyrone Hayes démontre en 2002 les effets
nocifs de l’herbicide atrazine de Syngenta sur l’appareil reproducteur des
grenouilles mâles, ce qui compromet la survie de l’espèce. L’herbicide
dérègle leur système hormonal, dans le sens d’une féminisation. Il
provoque l’apparition d’individus hermaphrodites. Il affaiblit leur
système immunitaire. L’usage de l’atrazine a été interdit en 2003 en
Europe, mais pas aux États-Unis. Syngenta a dû payer 105 millions de
dollars pour mettre fin au procès qui le visait mais a refusé de plaider
coupable.
En France, en Bretagne, une étude de l’Inserm a montré que 40 %
des femmes enceintes ont des résidus d’atrazine dans les urines, avec un
risque accru de donner naissance à un enfant de faible poids et doté
13
d’une petite tête .
En 2021, on trouve encore de l’atrazine dans les nappes phréatiques
en France. L’Europe continue de fabriquer de l’atrazine pour l’exporter
vers les pays en voie de développement alors qu’elle est interdite sur son
propre territoire.
112
4. Une class action, ou « action de groupe », permet aux États-Unis à des victimes
de se regrouper pour entamer des procès et demander réparation.
5. « Syngenta fait chuter Monsanto », L’Usine nouvelle, 26 janvier 2020, [en ligne]
https://www.usinenouvelle.com/articlesyngenta-fait-chuter-monsanto
6. J. Graefe, « Exportation de pesticides interdits. Vous avez dit droits de
l’homme ? », [en ligne] https://blogs.mediapart.fr/jerome-
graefe/blog/200120/exportation-de-pesticides-interdits-vous-avez-dit-droits-de-
lhomme
7. [En ligne] https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/revers-
menacant-pour-les-pesticides-made-in-france-1168467
8. WHO/UNEP, « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals, 2012 –
An Assessment of the State of the Science of Endocrine Disruptors Prepared by a
Group of Experts for the United Nations Environment Programme (UNEP) and
World Health Organization ».
9. R. L. de Swart, P. S. Ross, J. G. Vos et A. D. Osterhaus, « Impaired Immunity in
Harbour Seals (Phoca Vitulina) Exposed to Bioaccumulated Environmental
Contaminants: Review of a Long-Term Feeding Study », Environmental Health
Perspectives, vol. 104, suppl. 4, 1996, p. 823-828.
10. W. Fan, T. Yanase, H. Morinaga, S. Gondo, T. Okabe, M. Nomura,
T. Komatsu, K. Morohashi, T. B. Hayes, R. Takayanagi et H. Nawata, « Atrazine-
Induced Aromatase Expression Is SF-1 Dependent: Implications for Endocrine
Disruption in Wildlife and Reproductive Cancers in Humans », Environmental
o
Health Perspectives, vol. 115, n 5, mai 2007, p. 720-727.
11. A. M. Rowe, K. M. Brundage et J. B. Barnett, « In Vitro Atrazine-Exposure
Inhibits Human Natural Killer Cell Lytic Granule Release », Toxicology and
o er
Applied Pharmacology, vol. 221, n 2, 1 juin 2007, p. 179-188.
12. C. Chevrier, G. Limon, C. Monfort et al., « Urinary Biomarkers of Prenatal
Atrazine Exposure and Adverse Birth Outcomes in the Pelagie Birth Cohort »,
o
Environmental Health Perspectives, vol. 119, n 7, 2011, p. 1034-1041.
13. Ibid.
113
14
114
Dans le groupe contrôle lui-même la part d’individus homosexuels
atteint les 20 % , ce qui, selon le chercheur, ne se produit pas dans le
milieu sauvage.
115
Les couples hétérosexuels des groupes contaminés ont également
ressenti les conséquences de l’exposition au mercure : les femelles ont eu
35 % de petits en moins que les femelles du groupe contrôle, et le
nombre de nids totalement improductifs était plus élevé.
Environ 80 % de la perte de productivité des nids des groupes pollués
au mercure sont dus à la stérilité des couples homosexuels.
116
Effets du mercure sur le comportement sexuel des ibis :
À gauche, les ibis non contaminés forment des couples hétérosexuels
avec les femelles. Pendant la parade nuptiale et la construction du
nid, leur taux de testostérone est maximal, puis il baisse pendant la
couvaison.
À droite, les mâles des groupes contaminés se mettent plus souvent
en couples homosexuels. Pendant la parade et la construction du nid,
leur taux de testostérone est inférieur à celui des mâles non
contaminés, mais pendant la couvaison leur taux de testostérone est
supérieur.
117
Chez les femelles, l’équilibre hormonal est également perturbé dans
les trois groupes exposés au mercure : les taux d’hormones sont soit plus
élevés soit moins élevés que dans les groupes contrôles, que ce soit lors
des périodes de parades amoureuses, de ponte, de couvaison et de
nourrissage des oisillons. Cependant, leur comportement reste
hétérosexuel.
Une étude pionnière
C’est la première fois dans la littérature scientifique qu’est décrite la
formation de couples homosexuels comme conséquence d’un
contaminant chimique. Jusque-là, les déficits de reproduction étaient
attribués à un comportement inapproprié des parents et à la mort des
embryons et non pas en amont à une exposition à un polluant modifiant
le comportement et la préférence sexuelle des adultes. Mais attention,
avertit Peter Frederick : « Ce n’est pas parce que les ibis sont en couple
homosexuel qu’ils sont gay. Ce n’est pas leur orientation sexuelle mais
seulement un comportement qui peut changer dans le temps. D’une
manière générale, ajoute le zoologiste, dans la nature les polluants
perturbent de nombreuses autres fonctions chez les ibis : ils deviennent
de mauvais chasseurs, ils trouvent moins facilement leur nourriture et
s’alimentent moins bien. Ils s’affaiblissent, leur stress augmente, leur
système immunitaire est moins robuste et offre un terrain favorable au
développement de toutes sortes de parasites. C’est ce que les chercheurs
5
appellent une “causalité multifactorielle ”. »
Les ibis blancs ne sont pas les seuls animaux à avoir vu leurs
comportements modifiés par les perturbateurs hormonaux 6.
118
D’autres contaminants ont déjà montré avec d’autres espèces leurs
effets sur le comportement sexuel, le sex-ratio, le développement de
caractères sexuels secondaires et un profil altéré des hormones sexuelles.
En Autriche, la zoologiste Sarah Zala, de l’Institut Konrad-Lorenz,
estime que l’observation des comportements des animaux est plus riche
d’informations que les analyses chimiques de leurs cellules. C’est même
l’observation de leurs habitudes qui a éveillé l’intérêt des naturalistes.
Plusieurs exemples sont cités dans la littérature scientifique. En voici
quelques-uns :
– Les hirondelles bicolores vivant à proximité de sources
contaminées aux PCB construisent des nids plus petits et ont plus
souvent tendance à abandonner leurs œufs que les hirondelles non
7
contaminées .
– Les goélands d’Audubon femelles de Californie forment des
couples homosexuels lorsqu’elles sont contaminées au DDT dans l’œuf 8.
Aux doses retrouvées dans les œufs qui les avaient portées, des
expériences ultérieures ont montré des développements sexuels
9
anormaux ainsi qu’une intersexualité chez les mâles .
– Des rats mâles contaminés in utero avec un pesticide
méthoxychlore voient leur comportement sexuel changer 10 : ils ne sont
plus attirés par des femelles pourtant réceptives. La proximité de
femelles en chaleur ne fait pas monter leur taux de testostérone,
contrairement à ce qu’on observe chez les autres rats mâles qui n’ont pas
été contaminés in utero. La même constatation a été faite avec les
11
phtalates . En effet, dans une autre expérience, des rats mâles exposés
in utero aux phtalates et au DDT n’ont plus marqué leur territoire avec
leur odeur 12. La réponse au toxique chimique était dose-dépendante. Or,
les phtalates sont des perturbateurs endocriniens que l’on retrouve en
grande quantité dans l’environnement quotidien des humains.
– Autre exemple cette fois avec un autre toxique hormonal, le
bisphénol A (BPA) (voir le chap. 16). Les rates voient leur comportement
sexuel changer lorsqu’elles reçoivent des doses de bisphénol A dans les
sept jours suivant la naissance. À l’âge adulte, elles n’offrent plus la
119
même réceptivité sexuelle que les femelles non contaminées. Leurs
descendants sont également touchés.
– Dans une autre expérience, des salamandres des deux sexes
exposées à des pesticides, dont le DDT, ont vu leur comportement de
fuite devant le danger s’émousser. Elles sont devenues des proies plus
faciles, ce qui mettait en jeu leur survie.
– Une autre étude sur le goéland à bec cerclé a montré que
l’homosexualité féminine intervient comme résultant de la pénurie de
13
mâles . Cette fois, le sex-ratio d’une colonie d’oiseaux a été
volontairement déséquilibré expérimentalement par la suppression de
quelques mâles durant la saison. Résultat, des couples de femelles se
sont formés chez cette espèce hétérosexuelle et monogame et ont pondu
leurs œufs dans le même nid. Cela permettait à l’une de protéger le nid
quand l’autre partait en quête de nourriture. Une mère célibataire ne peut
à la fois assurer les deux fonctions sans risquer de voir des prédateurs
s’emparer de ses œufs.
120
Le noyau préoptique
de l’hypothalamus, siège
de l’orientation sexuelle ?
Des expériences sur les rates ont montré qu’une zone de leur
cerveau est modifiée par les toxiques chimiques. Elle se situe dans
l’hypothalamus et s’appelle le « noyau préoptique ». En cas de
contamination, les récepteurs des hormones sexuelles y sont sous-
14
exprimés . Ces résultats indiquent que le bisphénol A, par exemple,
peut altérer de façon permanente le comportement sexuel chez la rate
adulte, et que cet effet pourrait s’expliquer par des perturbations au
niveau des structures de l’hypothalamus dépendantes des estrogènes.
La taille du noyau préoptique est plus réduite chez la femelle que chez
le mâle. Chez les mâles homosexuels, cette zone est également moins
développée que chez les mâles hétérosexuels.
Et les humains ? Comme dans beaucoup d’autres espèces, la taille
du noyau préoptique dans l’hypothalamus de la femme est plus réduite
que chez l’homme. Elle est aussi plus petite chez l’homme homosexuel
15
que chez l’hétérosexuel . Cette différence joue-t-elle un rôle dans
l’orientation sexuelle ? Des chercheurs suédois spécialisés en
neurosciences ont montré que cette zone cérébrale s’active
différemment selon que l’individu est attiré par des odeurs hormonales
16
mâles ou femelles . En effet, lorsque l’on fait sentir des
17
phéromones masculines et féminines à un groupe de personnes, les
hommes hétérosexuels sont attirés par les phéromones féminines
tandis que les femmes hétérosexuelles et les hommes homosexuels
réagissent aux phéromones masculines.
Comme les chercheurs suédois, le zoologiste et
neuroendocrinologue belge Jacques Balthazart considère qu’en dehors
des gènes, ce qui détermine en priorité l’orientation sexuelle, qu’elle
soit « hétéro » ou « homo », ce sont les facteurs biologiques durant la
18
vie prénatale . À l’appui de cette conviction, il cite le fait que des
études expérimentales chez les animaux ont montré que des
traitements hormonaux périnataux changent la préférence sexuelle. De
même chez les humains, des troubles hormonaux durant la vie
embryonnaire peuvent modifier l’orientation sexuelle à l’âge adulte. De
plus, l’imprégnation du fœtus en testostérone entraîne des
121
modifications cérébrales auxquelles correspondent des caractères
19
physiologiques et comportementaux .
20
Jacques Balthazart estime en 2010 dans le journal Le Monde
que la théorie biologique de l’homosexualité devrait favoriser son
acceptation.
122
qui serviront aussi bien dans l’élevage que pour les femmes. L’un d’eux,
le Distilbène, va devenir un énorme scandale de santé publique.
RÉSUMÉ
En 2011, le zoologiste Peter Frederick de l’université de Floride
montre que des ibis blancs mâles deviennent homosexuels lorsque leur
nourriture est contaminée avec du mercure à des doses
environnementales. Les perturbateurs endocriniens sont donc capables
d’altérer non seulement la physiologie des animaux, avec des
malformations génitales, mais aussi leur comportement sexuel.
Ces modifications du comportement sexuel sont retrouvées dans
d’autres espèces animales.
L’orientation sexuelle s’élabore durant la vie fœtale en fonction des
gènes mais aussi des hormones.
123
9. D. M. Fry et C. K. Toone, « DDT-Induced Feminization of Gull Embryos »,
o
Science, vol. 213, n 4510, 21 août 1981.
10. V. P. Eroschenko, S. Y. Amstislavsky, H. Schwabel et R. L. Ingermann,
« Altered Behaviors in Male Mice, Male Quail, and Salamander Larvae Following
Early Exposures to the Estrogenic Pesticide Methoxychlor », Neurotoxicology and
o
Teratology, vol. 24, n 1, 2002, p. 29-36.
11. R. W. Moore, T. A. Rudy, T.-M. Lin, K. Ko et R. E. Peterson, « Abnormalities
of Sexual Development in Male Rats With In Utero and Lactational Exposure to
the Antiandrogenic Plasticizer Di(2-Ethylhexyl) Phthalate », Environmental Health
o
Perspectives, vol. 109, n 3, 2001, p. 229-237, [en ligne] DOI
10.1289/ehp.01109229.
12. F. S. vom Saal et al., « Estrogenic Pesticides: Binding Relative to Estradiol in
MCF-7 Cells and Effects of Exposure During Fetal Life on Subsequent Territorial
o
Behavior in Male Mice », Toxicology Letters, vol. 77, n 1-3, 1995, p. 343-350.
13. M. R. Conover et G. L. Hunt, « Experimental Evidence That Female-Female
o
Pairs in Gulls Result From a Shortage of Breeding Males », Condor, vol. 86, n 4,
1984, p. 472-476, [en ligne] DOI 10.2307/1366828.
14. L. Monje, J. Varayoud, E. H. Luque et J. G. Ramos, « Neonatal Exposure to
Bisphenol A Modifies the Abundance of Estrogen Receptor Transcripts With
Alternative 5’-Untranslated Regions in the Female Rat Preoptic Area », Journal of
o
Endocrinology, vol. 194, n 1, 2007, p. 201-212.
15. S. LeVay, « A Difference in Hypothalamic Structure Between Heterosexual
o
and Homosexual Men », Science, vol. 253, n 5023, 1991, p. 1034-1037.
16. I. Savic, H. Berglund et P. Lindstrom, « Brain Response to Putative
Pheromones in Homosexual Men », Proceedings of the National Academy of
o
Sciences, vol. 102, n 20, 2005, p. 7356-7361.
17. Phéromone : substance chimique comparable aux hormones, émise par la
plupart des animaux et certains végétaux, et qui agit comme un message entre les
individus d’une même espèce.
18. J. Balthazart et L. Court, « Human Sexual Orientation: The Importance of
o
Evidentiary Convergence », Archives of Sexual Behavior, vol. 46, n 6, août 2017,
p. 1595-1600.
19. J. Balthazart, Biologie de l’homosexualité. On naît homosexuel, on ne choisit
pas de l’être, Mardaga, 2010.
20. « Homosexualité innée ou acquise ? Un chercheur relance le débat »,
LeMonde.fr, 4 février 2010.
21. M. Migaud, H. Dardente, M. Keller, M. Batailler, M. Meurisse et D. Pillon,
« Contrôle neuroendocrinien de la reproduction chez les mammifères », Inrae
o
Productions animales, vol. 29, n 4, 2016, p. 255-266.
124
15
125
des données publiées, qui montraient déjà que ce médicament hormonal
pouvait provoquer l’atrophie des organes génitaux du mâle, une
inactivation de la thyroïde chez la rate, l’atrophie du thymus, la
féminisation des embryons mâles et la castration chimique des
2
coquelets .
Les conséquences catastrophiques de ce médicament sont
découvertes par hasard en 1971 par un gynécologue de Boston, en
Nouvelle-Angleterre. Ce printemps-là, le Dr Arthur Herbst voit
apparaître un drôle de phénomène dans son cabinet. Une maman lui a
amené sa fille de 18 ans. La jeune fille est atteinte d’un cancer du vagin.
Le Dr Herbst s’étonne, car il n’a jamais vu une personne aussi jeune
développer ce type de cancer, qui ne touche que les femmes de plus de
70 ans et dont on ne connaît pas la cause. C’est un cancer très rare, un
adénocarcinome à cellules claires.
À la fin de la consultation, la mère signale que pendant sa grossesse
on lui a prescrit un médicament anti-fausses couches du nom de
« Distilbène ». « Peut-il y avoir un lien, docteur ? » demande-t-elle.
« Certainement pas », répond celui-ci, catégorique. Mais dans les jours
qui suivent, le médecin découvre ce même cancer chez d’autres jeunes
filles. Ses confrères lui signalent aussi plusieurs cas. Une enquête est
aussitôt menée, et le lien de causalité avec le Distilbène est établi 3. Cette
étude est rapidement publiée et fait l’effet d’une bombe, car des millions
de femmes prennent ce médicament.
C’est la première fois que l’on met en évidence une
programmation fœtale d’une maladie qui se développe de façon
décalée à l’âge adulte. La toxicité du médicament s’explique par la
nature de son principe actif : la molécule chimique du Distilbène est le
diéthylstilbestrol (DES), qui appartient aux stilbènes. Comme beaucoup
de membres de cette famille, il est cancérigène et génotoxique (toxique
pour le génome) tant chez les animaux que chez l’homme.
126
Le stilbestrol, première hormone estrogène
de synthèse
127
être fonctionnelle. Les conséquences sont multiples et se transmettent de
génération en génération. On n’en découvre l’ampleur qu’avec le temps.
Déjà trois générations sont atteintes ; ce sont les « générations DES »
comme Di-Ethyl-Stilbestrol.
128
sont en forte augmentation depuis quarante ans et sont détaillées dans les
chapitres 19 et suivants.
Chez les deux sexes, on retrouve une anomalie de la différenciation
sexuelle (ambiguïté sexuelle, pseudohermaphrodisme, dérèglements de
4
la sécrétion de la testostérone, hypersécrétion d’androgènes …), et cela
même si l’on ne trouve pas de détérioration des gènes ou des
chromosomes. C’est ce qu’on appelle l’« épigénétique » :
l’environnement du gène empêche son expression sans modifier son
code.
– Les anomalies décalées dans le temps
Cette notion d’expression à distance des maladies a été énoncée pour
la première fois en 1980 (voir le chap. 11) avec la notion d’« origine
fœtale des maladies de l’adulte » ou DOHaD en anglais : Developmental
Origins of Health and Disease.
Les troubles constatés sont : puberté précoce, syndrome prémenstruel
exacerbé, endométriose, kystes ovariens, troubles psychiatriques, effets
thromboemboliques, cardiovasculaires, risque accru d’une fertilité
altérée, cancer vaginal dans l’enfance, cancer du sein à l’âge adulte,
cancer des testicules, diabète, hypercholestérolémie, hypertension,
ostéoporose et obésité.
129
fillette qui avait pris du Distilbène. Un frère de la petite-fille a développé
un micropénis.
130
Les effets sur la quatrième génération sont encore incertains. Les
filles et les fils DES se battent seuls, quatre générations après la mise sur
le marché d’un « médicament » qui sert aujourd’hui de « modèle
expérimental » pour toutes les maladies provoquées par les perturbateurs
hormonaux. Le Pr Patrick Fénichel, endocrinologue au CHU de Nice,
estime que « l’exposition au Distilbène a servi d’expérimentation
7
humaine involontaire ». Autrement dit, les humains ont fait office
d’animaux de laboratoire pour tester les effets des perturbateurs
endocriniens.
Les « cobayes humains » n’ont jamais été consultés, et
l’expérimentation grandeur nature n’est pas terminée. Les associations
de défense des victimes sont encore obligées de lutter pour faire
reconnaître l’immensité du préjudice qu’elles ont subi 8.
9
En 2021, le Distilbène est toujours en vente en France : il est
prescrit contre le cancer de la prostate avec une simple mise en garde sur
la notice : « Ce médicament est contre-indiqué chez la femme enceinte
car il peut entraîner dans la descendance des anomalies de l’appareil
génital chez le garçon et la fille. »
131
Chez les bovins, l’objectif est d’obtenir plus de viande en moins de
temps et ainsi de gagner en coût de production en réduisant
l’alimentation. L’usage du Distilbène est prohibé aux États-Unis pour les
bovins depuis 1979, mais il est remplacé par d’autres hormones.
Le « scandale du veau aux hormones » éclate à son tour en France en
1980 lorsque l’association de consommateurs Que choisir révèle ces
pratiques.
Le toxicologue et chimiste André Picot plaide pour sa part pour un
abandon total des hormones dans les élevages et alerte déjà sur les autres
sources d’hormones artificielles. Dans un article intitulé « Le veau aux
11
hormones est-il toxique ? », il rappelle une vérité qui fera réfléchir plus
d’une femme sous pilule contraceptive à cette époque : « N’oublions pas
que la pilule contraceptive apporte 100 fois plus d’hormones que la
viande de veau implantée à l’œstradiol. »
Après la découverte du scandale, entre janvier et août 1980,
2,5 millions de veaux sont abattus 12. Dix ans après, en 1989, l’Union
européenne bannit l’utilisation d’hormones dans les élevages et prohibe
l’importation de viande hormonée. La question du bœuf aux hormones
reste en 2021 une pierre d’achoppement dans les traités de libre-
échange comme le Ceta, signé entre l’Union européenne et le
Canada.
Outre-Atlantique, les hormones sont toujours autorisées : 80 % des
élevages reçoivent en toute légalité des injections d’anabolisants. Dans
13
l’indifférence générale, en plein milieu de l’été 2020 , alors que tous les
yeux sont opportunément tournés vers les aléas de la mauvaise gestion
de la Covid, un rapport européen de vingt-sept pages 14 explique qu’il
n’est pas possible de garantir la non-présence d’hormones dans la viande
importée du Canada.
Rappelons qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, la ratification du
Ceta a été votée par l’Assemblée nationale à la demande du président de
la République, Emmanuel Macron, et se trouve en attente devant le
Sénat. Mais le traité est déjà appliqué…
132
Vaccins aux hormones pour castrer les porcs
133
Castration chimique des porcs avec un vaccin hormonal :
À gauche, fonctionnement normal de l’axe hormonal à trois étages
(identique à celui des humains).
1 – Dans le cerveau, l’hypothalamus envoie une hormone (GnRH)
vers l’hypophyse.
2 – L’hypophyse traduit le signal et envoie des hormones (LH et
FSH) vers les gonades mâles, les testicules.
3 – Les testicules produisent alors des hormones sexuelles
(testostérone) et fabriquent les cellules germinales (spermatozoïdes).
4 – Par rétrocontrôle, l’hypothalamus surveille le niveau de
testostérone pour maintenir l’équilibre hormonal.
Si l’hypothalamus est neutralisé, c’est toute la cascade en aval qui
s’arrête.
À droite, cochon castré avec un vaccin hormonal.
1 – Le vaccin injecte dans l’organisme du cochon une copie de
l’hormone de l’hypothalamus dédiée à la reproduction, la GnRH.
Celle-ci est couplée à une toxine pour provoquer la contre-attaque
du système immunitaire contre la GnRH naturelle de l’animal.
2 – L’hypothalamus n’envoie plus d’hormone GnRH à l’hypophyse.
3 – L’hypophyse n’envoie plus d’hormones (LH/FSH) en direction des
testicules.
4 – Les testicules ne produisent plus de testostérone. Le
rétrocontrôle en direction de l’hypothalamus est neutralisé. La boucle
de régulation hormonale est rompue.
134
Le vaccin hormonal et stérilisant
de Pfizer
Avec la castration chimique sous forme de piqûre, c’est une copie
de la neurohormone GnRH de l’hypothalamus qui est injectée dans
l’organisme. Cette copie est couplée à une toxine diphtérique. Le
système immunitaire est donc dressé à autodétruire ses propres
hormones en croyant détruire la toxine diphtérique. Il s’agit de la
création ex nihilo d’une maladie auto-immune contre les hormones de
15
l’organisme. Les agences de régulation comme l’EFSA acceptent la
notion d’« immunocastration ». L’EFSA note que la technologie est
désormais détenue par l’américain Pfizer, qui a racheté un laboratoire
australien en 2004. Celui-ci traitait déjà un quart des porcs australiens
avec son procédé Improvac.
L’Agence a de plus conscience que le consommateur risque de ne
pas apprécier ce produit, car, écrit-elle, il s’agit de « vaccins
hormonaux » (qui posent un problème de résidus). Elle note qu’ils sont
dirigés contre les hormones produites par l’animal et peuvent donc
générer des lésions des cellules à distance du lieu d’injection et dans
les testicules. Il a d’ailleurs été prouvé qu’ils provoquent des lésions de
16
l’hypothalamus . Quand les porcelets n’ont pas été castrés à la
naissance, les adultes sont chimiquement castrés en deux fois onze
semaines et quatre semaines avant l’abattoir. Quels résidus possibles
le produit laisse-t-il dans les graisses ? Quelles sont les conséquences
pour le consommateur ? Mystère.
Ce « vaccin hormonal » peut de plus servir de modèle de « vaccin
contraceptif » ou de vaccin stérilisant. Des essais sur des chiens en
Équateur ont montré qu’il pouvait très bien être utilisé pour stériliser
une population choisie.
135
RÉSUMÉ
Les perturbateurs hormonaux qui dérèglent la faune sauvage à travers
les pesticides peuvent aussi affecter les humains lorsqu’ils sont introduits
dans des médicaments. Le Distilbène (DES), qui contenait une copie
synthétique d’une hormone estrogénique féminine, a provoqué de graves
effets secondaires dans la descendance des 10 millions de femmes
auxquelles il a été prescrit pendant la seconde moitié du XXe siècle. Pour
la première fois est mise en évidence chez l’humain la programmation
fœtale d’une maladie qui se développe à l’âge adulte.
Trois générations de « victimes DES » souffrent de cancers et de
malformations génitales. Elles ont servi de cobayes pour une molécule
devenue le « modèle expérimental » des perturbateurs endocriniens chez
les humains.
Certains animaux d’élevage sont eux aussi traités aux hormones, ce
qui constitue un risque d’une ampleur inconnue pour les consommateurs.
136
6. L. Hilakivi-Clarke, S. de Assis et A. Warri, « Exposures to Synthetic Estrogens
at Different Times During the Life, and Their Effect on Breast Cancer Risk »,
o
Journal of Mammary Gland Biology and Neoplasia, vol. 18, n 1, mars 2013,
p. 25-42, [en ligne] DOI 10.1007/s10911-013-9274-8 ; Epub 2013 Feb 8 ; PMID
23392570 ; PMCID PMC3635108 ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23392570
7. [en ligne] http://www.des-france.org/association-reseau-
DES/documents.php#18 ; P. Fénichel, F. Brucker-Davis et N. Chevalier, « The
History of Distilbène® (Diethylstilbestrol) Told to Grandchildren – The
o
Transgenerational Effect », Annales d’endocrinologie, vol. 76, n 3, 2015, p. 253-
259, [en ligne] DOI 10.1016/j.ando.2015.03.008.
8. Association Réseau DES France.
9. [en ligne] http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/extrait.php?
specid=68600838
10. [En ligne] https://www.des-is-it.org/fr/chronologie-du-DES
11. A. Picot, « Le veau aux hormones est-il toxique ? », 1980, [en ligne]
https://core.ac.uk/download/pdf/199287471.pdf
12. « Contrôles alimentaires en Europe : vingt ans de défaillance », L’Humanité,
mercredi 9 juin 1999, [en ligne] https://www.humanite.fr/node/208902
13. « Ceta et bœuf aux hormones : des “défaillances” dans le contrôle des
importations en Europe », Le Monde, 18 septembre 2020.
14. [En ligne] https://ec.europa.eu/food/audits-analysis/audit_reports/details.cfm?
rep_id=4287
15. L’EFSA a rédigé un rapport en 2004, intitulé « La castration des porcelets du
point de vue du bien-être animal », [en ligne]
https://ec.europa.eu/food/sites/food/files/animals/docs/aw_prac_farm_pigs_cast-
alt_research_rapport-piglets_2007.pdf ; « Opinion of the Scientific Panel on
Animal Health and Welfare (AHAW) on a Request From the Commission Related
to Welfare Aspects of the Castration of Piglets », European Food Safety Authority
(EFSA), [en ligne]
https://ec.europa.eu/food/sites/food/files/animals/docs/aw_prac_farm_pigs_cast-
alt_sci_efsa_opinion_welfare-aspects.pdf
16. P. C. Molenaar, D. I. Boomsma, C. V. Dolan, « A Third Source of
o
Developmental Differences », Behavior Genetics, vol. 23, n 6, 1993, p. 519-524.
137
16
138
méthodiquement toutes les hypothèses et découvre que l’activité
hormonale vient des nouveaux tubes à essai. L’industriel qui fabrique les
tubes refuse d’en dire plus. Ana Soto finit par trouver que ces tubes à
essai en plastique contiennent du nonylphénol, un produit de synthèse
issu de la pétrochimie et cousin du bisphénol A.
Ana Soto découvre par hasard le nonylphénol et son activité hormonale dans le
plastique de ses tubes à essai.
139
Le cycle en forme d’hexagone comprenant six côtés s’appelle indifféremment
« noyau benzène » ou « phényle ».
140
aussi associé à différentes combinaisons de métaux. C’est un précurseur
pour la synthèse de différents produits : plastiques, solvants, plastifiants,
détergents, parfums chimiques, colorants, additifs alimentaires,
conservateurs, médicaments, pesticides, cosmétiques, explosifs, etc. On
le retrouve également dans l’essence comme additif antidétonant.
Le benzène est très toxique, pour la peau, le cerveau, les organes,
l’ADN, les chromosomes et bien sûr les hormones. Il suffit d’exposer
une personne à une concentration de benzène à 2 % pour provoquer la
mort en cinq à quinze minutes. Il est classé cancérigène certain et
génotoxique. Une exposition chronique au benzène est reconnue comme
maladie professionnelle. Chez l’enfant qui habite à proximité d’une
station-service, il augmente le risque de leucémie.
Les autres membres de la famille du benzène exposent globalement
aux mêmes effets chroniques. Ce sont les toluènes, styrènes ou xylènes,
que l’on retrouve dans une multitude de produits industriels.
C’est pour se débarrasser du benzène, substance lipophile et donc
plutôt huileuse, que l’organisme va, dans le foie, lui accrocher un groupe
OH (oxygène et hydrogène) pour essayer de le solubiliser dans les
urines, qui elles sont aqueuses. Ce qui en résulte, le métabolite, n’est
autre que le phénol, qui est aussi toxique que le benzène sinon plus.
Le phénol peut provoquer des brûlures graves même lorsqu’on le
dilue dans l’eau à seulement 1 %. Il sert d’agent pour les mutilations
génitales lors de l’ablation du clitoris dans certaines cultures. Pendant la
Seconde Guerre mondiale, à Auschwitz, les médecins allemands
torturaient les prisonniers avec des piqûres de phénol, ce qui provoquait
leur mort.
Le phénol est synthétisé à grande échelle par l’industrie chimique,
car on le retrouve dans la composition de nombreux produits : les
plastiques (deux tiers de la production de phénol), les médicaments, les
parfums synthétiques (thymol, estragol, eugénol, vanilline), les
conservateurs, les antibactériens, etc.
On le retrouve également dans les vêtements. Dans son étude
baptisée « Linge sale » en 2011, l’organisation Greenpeace a montré que
141
les deux tiers des habits testés contenaient des composés du
2
nonylphénol . Ces produits renfermaient également d’autres toxiques
hormonoperturbants 3, comme les phtalates et les colorants azotés. Toutes
les grandes marques étaient concernées. Certaines ont depuis fait des
4
efforts pour éliminer les composés du phénol .
Une autre organisation, la Coordination contre les méfaits de Bayer, a
pour sa part retrouvé du nonylphénol dans les produits alimentaires :
pommes, tomates, chocolat et la charcuterie 5.
142
À gauche, la molécule de nonylphénol, et à droite celle de l’estrogène
(estradiol), principale hormone sexuelle chez la femme. On comprend
que les récepteurs hormonaux puissent confondre les deux
substances, ce qui explique la perturbation hormonale causée par le
nonylphénol.
143
hormones féminines estrogéniques. Cette option n’est pas retenue, car on
découvre une autre molécule qui semble encore plus efficace sur les
hormones : c’est le fameux diéthylstilbestrol, commercialisé sous le nom
de « Distilbène » (voir le chap. 15).
Dans les années 1950, on découvre une autre vertu au bisphénol A :
celle de durcir les plastiques sans en altérer la belle transparence. Le
bisphénol A deviendra l’un des deux composants principaux des
polycarbonates, l’autre étant le phosgène.
144
expériences de laboratoire avec des tubes « non actifs », mais dans le
commerce le bisphénol A a continué à être intégré dans les plastiques
pour les rendre plus durs et plus transparents. Et c’est ainsi que pendant
quelque quarante ans les bébés se sont vu abreuver d’hormones
féminines par leur biberon du matin, du midi et du soir à un âge où
l’action hormonale a des conséquences sur toute la vie.
Circonstance aggravante, avec la chaleur, et particulièrement avec le
micro-ondes, le plastique a tendance à se dépolymériser et à relâcher les
8
molécules de bisphénol A, qui vont alors se mélanger au lait .
145
Bien sûr, les deux molécules se ressemblent : elles comportent toutes
les deux deux phénols reliés entre eux. Le Distilbène aurait pu tout aussi
bien s’appeler « bisphénol X, Y ou Z ». Or, lorsqu’on connaît les effets
catastrophiques du Distilbène sur la santé, on ne saurait que s’inquiéter
de la présence de son cousin germain le bisphénol A dans de nombreux
produits de la vie quotidienne.
De fait, on retrouve ses effets sur le cerveau, le système
cardiovasculaire, la thyroïde, le système immunitaire, l’intestin, la
prostate, le sein, mais aussi et surtout sur les systèmes reproducteurs
mâle et femelle.
Son action va en particulier dérégler l’axe hormonal qui va de
l’hypothalamus aux gonades.
146
RÉSUMÉ
En 1987, les chercheurs Ana Soto et Carlos Sonnenschein découvrent
par hasard que leurs tubes à essai contiennent une substance hormonale
estrogénique, le nonylphénol. Elle appartient à la famille des phénols,
comme le bisphénol A, qui a d’abord été classé comme hormone avant
de devenir l’un des deux composés des plastiques en polycarbonates.
Le bisphénol A présent dans un plastique de contenant alimentaire
comme le biberon peut migrer dans la nourriture sous l’effet de la
chaleur. Le bisphénol A est un cousin germain du Distilbène, dont les
conséquences sur la santé sont catastrophiques.
147
PARTIE 2
LA REPRODUCTION EN PÉRIL
148
17
Dans les deux sexes, c’est l’hypothalamus qui joue le rôle de chef
d’orchestre. En permanence, il prend connaissance de l’état
d’imprégnation hormonal de l’ensemble de l’organisme avant de « régler
la machine ». Encore une fois, c’est avant tout l’état d’équilibre naturel
qui est recherché, autrement dit l’« homéostasie hormonale ». Celle-ci
n’est pas constante, elle varie selon l’âge, le sexe, le cycle menstruel.
149
L’hypothalamus tiendra compte de tous ces paramètres avant de donner
ses consignes.
L’axe hypothalamus-hypophyse-gonades :
1 – L’hypothalamus jauge le niveau des hormones et ordonne à
l’hypophyse de corriger les niveaux avec l’hormone GnRH.
2 – L’hypophyse a reçu l’information et demande, avec les hormones
LH et FSH, aux gonades mâles (testicules) et femelles (ovaires) de
produire les hormones sexuelles.
3 – Les gonades reçoivent l’information et produisent la testostérone
pour les mâles, les estrogènes et la progestérone pour les femmes.
L’hypothalamus et l’hypophyse sont informés du résultat par
rétrocontrôle.
150
Premier niveau : l’hypothalamus produit
l’hormone GnRH
151
autrement dit des semences qui permettront la reproduction de l’espèce.
Les gonades ne pourront le faire qu’en produisant à leur tour des
hormones, les hormones sexuelles.
Mais voyons d’abord comment les hormones de l’hypophyse vont
agir sur les gonades.
Ces deux hormones, FSH et LH, sont comme deux sœurs. Là encore,
ce sont des hormones de la famille des protides, très complexes. FSH
signifie Follicle-Stimulating Hormone, car elle va activer les follicules,
c’est-à-dire les poches dans lesquelles se trouvent les gamètes mâles ou
femelles. LH signifie Luteinizing Hormone, car c’est elle qui va activer
le corps jaune des follicules des ovaires. Lutein en grec signifie
« jaune ».
152
très important pour comprendre un point fondamental du fonctionnement
de la pilule contraceptive expliqué plus loin (voir le chap. 32).
Les estrogènes imprègnent alors l’organisme de façon massive. Par
rétrocontrôle, l’hypothalamus surveille le niveau de la jauge et fait savoir
à l’hypophyse que le terrain est désormais prêt pour accueillir la
production de l’œuf. Celle-ci traduit le message en baissant
complètement la production de FSH puis en augmentant de façon
énergique la production de LH. C’est ce qu’on appelle le « pic de LH » ;
c’est lui qui donne le signal de la ponte. Il est également accompagné par
un petit pic de FSH (voir le schéma au chap. 26, sur les règles).
Chez l’homme
La FSH stimule les tubes séminifères des testicules : ils produisent
alors des spermatozoïdes. La LH stimule les cellules de Leydig des
testicules : elles produisent alors l’hormone testostérone qui servira à la
spermatogenèse.
En résumé, les gonades des deux sexes, sous l’influence des mêmes
hormones LH et FSH, produisent les hormones sexuelles et les gamètes.
153
Le cholestérol, précurseur des hormones sexuelles :
Les hormones sexuelles mâles et femelles sont fabriquées à partir du
cholestérol.
Les différences de structure sont minimes, mais les conséquences sont
importantes.
L’enzyme aromatase transforme la testostérone en estrogènes.
En effet, les gonades des deux sexes fabriquent des hormones non
pas à partir des protéines mais à partir des lipides, et en l’occurrence un
lipide fondamental pour la survie de l’organisme entier : le cholestérol.
Le cholestérol a été diabolisé pour des raisons commerciales depuis
les années 1970. Il s’agit pourtant d’un cristal gras qui permet de
soutenir la membrane des cellules. C’est à partir de ce lipide que
l’organisme élabore les hormones sexuelles ainsi que les hormones
produites par les surrénales. Comme cet acide gras est dur, on a donné à
ces hormones le nom de « stéroïdes », du grec stéréos, qui veut dire
« solide ». Le message qu’elles délivrent est avant tout celui de la
multiplication des cellules.
154
Hormones sexuelles mâles : testostérone
et dihydrotestostérone
155
La production moyenne de testostérone pour un homme adulte est de
5 milligrammes (mg) par jour, dont seulement une infime partie,
50/100 microgrammes (Mg) par jour, sera transformée en une forme
encore plus active, la dihydrotestostérone. Ces deux formes de la
testostérone sont appelées les « hormones androgènes », andros
signifiant « mâle » en grec.
Ces hormones agiront sur la taille, la pilosité, le timbre de la voix, les
glandes sébacées, la répartition masculine des muscles et de la graisse, le
développement des muscles squelettiques, le comportement sexuel y
compris la libido, l’agressivité.
Une baisse de production de la testostérone engendrera une
diminution de tous ces caractères sexuels et donc une féminisation. Les
polluants chimiques hormonaux, en baissant la production de
testostérone chez les hommes, réduisent les caractères sexuels masculins.
La testostérone aura également des effets sur le métabolisme de
base : augmentation du cholestérol LDL et baisse du cholestérol HDL,
augmentation de la graisse abdominale, des globules rouges dans le sang,
de la croissance des os et des cellules musculaires.
Un homme produira également une infime partie d’hormones
féminines, 10 à 15 microgrammes par jour.
156
d’une seule cellule, un ovule fécondé, elles devront aider à la
construction d’un organisme entier qui dès la naissance sera composé de
milliards de cellules.
La production des estrogènes est gérée par l’organisme avec une
mesure et une complexité extrêmes qui doivent permettre une juste
multiplication des cellules aussi bien en quantité qu’en destination. Si le
message n’est pas modulé et contrôlé, les cellules vont croître et se
multiplier d’une façon anarchique et produire des tumeurs
possiblement malignes, autrement dit des cancers. Dans les
laboratoires de recherche, les scientifiques qui reproduisent les
phénomènes cancéreux arrosent leurs cellules d’estrogènes, les hormones
femelles.
Les estrogènes président à l’ensemble des caractères sexuels
secondaires féminins : la formation des seins, l’arrondissement de la
silhouette, la pousse des poils pubiens et des aisselles, le timbre de la
voix, la répartition des muscles, le maintien de la densité osseuse, la
régulation du cycle menstruel, l’activation de la libido et la lubrification
du vagin.
157
Caractères sexuels féminins dus aux estrogènes
RÉSUMÉ
158
Les perturbateurs hormonaux altèrent le système hormonal aux trois
étages de son organisation. Chaque niveau de l’axe hypothalamus-
hypophyse-gonades peut être déréglé.
Les hormones produites par l’hypothalamus et l’hypophyse sont les
mêmes dans les deux sexes. Dans les gonades, les hormones sexuelles
sont différentes selon le sexe – testostérone pour l’homme et estrogènes
et progestérone pour la femme –, mais elles sont toutes produites à partir
du cholestérol.
Les polluants chimiques pourront diminuer les caractères sexuels de
chaque sexe en féminisant les hommes et en masculinisant les femmes.
159
QUAND LES HOMMES SONT
EN PÉRIL
160
Les différents symptômes de dérèglements de la sphère testiculaire
ont été rassemblés dans le « syndrome de dysgénésie testiculaire »,
appellation proposée par le Danois Niels Skakkebaek. Les quatre
volets de ce syndrome sont : la baisse de la qualité du sperme, les
malformations des testicules (cryptorchidie), les malformations du
pénis (hypospadias) et les cancers des testicules. D’autres
manifestations de la sphère masculine pourraient bien s’y
apparenter : les micropénis, la réduction de la distance ano-génitale
et les cancers de la prostate.
161
18
162
1
portant sur la qualité du sperme . C’est ce qu’on appelle une « méta-
analyse ».
163
ont aussi connu une chute vertigineuse du nombre de leurs
3
spermatozoïdes . De fait, la concentration moyenne de spermatozoïdes a
décru de 2,1 % par an de 1973 à 1992 soit 40 % en vingt ans. Non
seulement la quantité de sperme a baissé, mais sa qualité également, le
pourcentage de spermatozoïdes normaux et mobiles ayant diminué de
12 %. La morphologie et la mobilité des spermatozoïdes sont deux
indicateurs fondamentaux de leur capacité fonctionnelle : le
spermatozoïde doit être bien formé et se mouvoir correctement pour
atteindre l’ovule. Le constat est donc sans appel : un Français né en 1962
a deux fois moins de spermatozoïdes que son père né avant 1945.
Depuis 1995, la tendance s’est confirmée. Une étude de l’Institut de
veille sanitaire (InVS) publiée en 2018 4, la plus récente à ce jour, fait
état d’une nouvelle baisse de 32 % entre 1989 et 2005. « Nous avons
d’abord été étonnés. Nous ne nous attendions pas à une baisse aussi
importante, explique l’auteure Joëlle Le Moal, épidémiologiste à l’InVS.
5
Il faut se pencher au plus vite sur les causes de cette dégradation . »
Qu’en est-il en 2021 ? Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire
(BEH) 6 nous dit que la perte moyenne de spermatozoïdes par an est de
1,4 million par millilitre en 2005. Un rapide calcul nous indique donc
que, si la tendance a continué, nous devrions nous situer en 2021 à
environ 28 millions de spermatozoïdes par millilitre. Rappelons que
l’étude Auger indique qu’un homme né en 1945 était à 102 millions de
spermatozoïdes par millilitre en moyenne.
En définitive, on peut estimer que l’homme français a perdu
70 % de ses spermatozoïdes depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale.
L’ONU considère qu’en dessous de 40 millions par millilitre
7
l’homme est « subfertile », même si la conception est toujours possible .
Selon ce critère, les Français seraient donc en moyenne sous le seuil de
fertilité. Ils ne sont pas les plus mal lotis, mais presque : ils sont
distancés par les Danois, les Allemands ou les Espagnols 8, parmi
lesquels 20 % des jeunes hommes sont descendus en dessous du seuil
9
considéré comme critique par l’OMS de 20 millions par millilitre .
164
Cependant, ce seuil étant de plus en plus souvent atteint et dépassé à la
baisse, certaines institutions le diminuent discrètement et le fixent à
15 millions par millilitre. Il faut savoir qu’en 1940 le seuil considéré
comme « normal » était de 60 millions de spermatozoïdes par
10
millilitre .
Niels Skakkebaek, reconnu comme l’expert mondial sur la question,
estime pour sa part que 10 à 15 % des hommes européens ont des
concentrations si basses qu’ils pourraient avoir besoin de traitements
médicaux pour pouvoir procréer 11 (voir le chap. 33).
Les différents lobbies agrochimiques ont tenté de discréditer l’étude
de Skakkebaek. Une nouvelle méta-analyse a donc été réalisée en 2017
par l’épidémiologiste américaine Shanna Swan. Cette dernière a
confirmé que l’effondrement spermatique est bien réel, suivant un
rythme de 1 % par an depuis 1982, mais quand s’arrêtera-t-il ? Peut-être
12
jamais, écrit-elle dans un livre d’alerte intitulé Count Down (« Le
compte à rebours ») publié en 2021. Selon la chercheuse, la race
humaine pourrait tout simplement disparaître si rien n’est fait pour
enrayer la chute. La concentration des spermatozoïdes pourrait bien
tomber à zéro d’ici à 2045, avertit-elle.
Outre les conséquences en matière de fertilité, la qualité du
sperme est un indicateur global de santé publique. En effet,
aujourd’hui, de nombreuses études font le lien entre une mauvaise
qualité du sperme et une augmentation de la mortalité et de la morbidité
chez les hommes, toutes causes confondues. Les hommes seraient-ils en
danger, comme le suggère l’excellent documentaire de Sylvie Gilman et
Thierry de Lestrade Mâles en péril 13 ?
Circonstance aggravante, la chute de la qualité du sperme, chez les
plus jeunes générations, s’est accompagnée d’une baisse du taux de
testostérone.
165
La baisse séculaire de la testostérone ?
Deux études ont alerté sur la tendance à la baisse séculaire des taux
de testostérone chez les hommes. Une étude danoise a montré qu’elle est
indépendante de l’augmentation de l’embonpoint chez les hommes de
l’après-guerre 14. Une étude américaine 15 effectuée sur 1 300 hommes
pendant dix-sept ans, entre 1987 et 2004, a montré que le taux de
testostérone chez les hommes du Massachusetts baissait chaque année de
1 %, et cela indépendamment du vieillissement, de l’indice de masse
corporelle et des habitudes de vie, comme la consommation de tabac.
En Suède, cette tendance à la baisse a également été observée entre
16
1995 et 2008 . Mais curieusement, alors que les auteurs appelaient de
leurs vœux de nouvelles études sur cette baisse tendancielle des
hormones mâles, la littérature scientifique est restée, à notre
connaissance, plutôt discrète sur cette question depuis 2008.
166
La baisse du taux de testostérone :
La baisse du taux de testostérone dans le sang est constante d’après une
étude menée aux États-Unis.
Trois campagnes de tests sont effectuées entre 1987 et 2004.
(D’après Travison 2007)
167
Les « six poisons » à l’assaut
des spermatozoïdes et de la testostérone
168
dans le monde professionnel comprennent les carbaryls, le chlordécone,
les dioxines, les biphényles polychlorés, le cadmium, le plomb, le
mercure, le bore, l’acétone, le carbone disulfide, le méthylène chloride,
le trichloroéthylène, les éthers de glycol, le gaz anesthésiant, les
hydrocarbures aromatiques, le benzène, le toluène, le styrène, etc.
À côté des pesticides, c’est dans la grande famille des plastiques qu’il
faut aller chercher les autres responsables de l’hécatombe des
spermatozoïdes.
Les plastifiants dans le collimateur
Les deux principaux plastifiants également considérés comme portant
atteinte à la santé spermatique des hommes sont le bisphénol A (BPA) et
les phtalates. Tous les deux sont des composants majeurs des plastiques –
le BPA dans les plastiques durs et les phtalates dans les plastiques mous.
Le bisphénol A (BPA) réduit la qualité spermatique
Dès 1998, Frederick vom Saal montre que le BPA, lorsqu’il est
donné durant la gestation à des rates pendant seulement sept jours,
détériore la production spermatique des petits rats mâles à l’âge adulte.
La production quotidienne de spermatozoïdes chute de 20 % par rapport
21
aux rats témoins qui n’ont pas été contaminés .
Frederick vom Saal attire l’attention sur le fait que de très faibles
doses de BPA pendant la grossesse des femmes peuvent détériorer la
santé future de leurs petits garçons. Il signale entre autres la présence de
BPA dans les résines utilisées par les dentistes pour soigner les caries. Il
déconseille donc ce genre de soins pendant la grossesse.
Plus récemment, une expertise collective de l’Inserm sur la
reproduction 22 cite deux études concluantes sur la toxicité hormonale du
bisphénol A en Chine et aux États-Unis. En Chine, ce sont les ouvriers
d’une usine de composés comportant du BPA qui ont développé des
troubles de la fonction sexuelle, et dans le Massachusetts des hommes
consultant pour infertilité dans une clinique spécialisée ont montré des
concentrations plus importantes de BPA que la population générale.
169
Le BPA imprègne l’organisme de 100 % de la population en France
(voir le chap. 34, sur l’imprégnation des populations).
Les phtalates détériorent les cellules spermatiques et la testostérone
Les phtalates, que l’on retrouve dans presque tous les plastiques
souples, font partie de la composition de nombreux produits du
quotidien, comme les shampoings, les crèmes, les sols en linoléum, etc.
Ils ont pourtant un effet délétère sur la qualité et la quantité des
spermatozoïdes.
Le groupe de Russ Hauser, de l’École de santé publique à Harvard,
Boston, a publié de nombreux articles sur les paramètres du sperme et les
phtalates. Plus le taux de phtalates est élevé chez les hommes et moins
les spermatozoïdes sont nombreux, mobiles et morphologiquement
normaux (sans ruptures de l’ADN).
Lorsqu’on analyse le liquide séminal des hommes, c’est-à-dire le
liquide qui contient les spermatozoïdes, on relève la présence de
phtalates dans plus de 90 % des échantillons, alors qu’ils sont à risque
pour l’intégrité de leur ADN.
Des études chez les rats ont montré une diminution de la taille des
testicules, une dégénérescence des tubes séminifères, dans lesquels sont
23
fabriqués les spermatozoïdes, et une baisse de la fertilité .
La testostérone est elle aussi victime des phtalates. Une étude
chinoise a comparé des ouvriers d’une usine de PVC exposés aux
phtalates avec un groupe non exposé, et les résultats ont montré une
moindre production de l’hormone mâle chez les ouvriers qui avaient un
taux élevé de phtalates.
Dans son livre, l’épidémiologiste Shanna Swan explique que les
hommes qui ont des taux de phtalates élevés dans leurs urines sont aussi
ceux qui ont des taux de testostérone bas et une libido en berne 24. Ils sont
deux fois et demie plus nombreux que les autres hommes à déclarer avoir
un manque d’intérêt pour l’activité sexuelle.
170
La scientifique reprend à son compte l’estimation selon laquelle le
taux de testostérone moyen chez les hommes des pays industrialisés a
baissé de 1 % par an depuis 1982.
Les autres toxiques : perfluorés, parabènes, tabac
Les composés perfluorés que l’on retrouve dans le téflon des poêles
antiadhésives ont été associés à une baisse de la testostérone et des
hormones androgènes des testicules dans de nombreuses études chez
l’animal. On en connaît également le mécanisme : ils inhibent la
synthèse des enzymes qui servent à la fabrication des hormones
sexuelles.
Parmi les autres polluants chimiques, on retrouve des médicaments et
les parabènes, qui sont des antibactériens contenus dans 80 % des
cosmétiques. L’un d’entre eux, le butylparabène, est toxique pour les
spermatozoïdes, car il entraîne des fragmentations de l’ADN. Plus il est
présent et plus les dommages sur l’ADN sont importants.
Le tabac est associé à une moindre qualité du sperme. Fumer entraîne
une baisse de la quantité de spermatozoïdes mais aussi une moindre
mobilité et une augmentation des malformations des gamètes mâles.
Même le tabagisme passif a été associé à ces dérèglements. De plus,
fumer provoque une baisse des capacités d’érection.
171
hormonaux. Cette constatation est également valable pour les embryons
humains et leur vulnérabilité face aux phtalates.
172
chimiques in vivo pendant une semaine sur des cellules vivantes de
testicules de fœtus humains issues d’un centre d’IVG (interruption
volontaire de grossesse). L’architecture des testicules et la
communication entre cellules sont ainsi préservées.
Plusieurs molécules chimiques ont été testées, comme les différents
bisphénols (A, S, F), mais les phtalates sont les principales substances
25
utilisées dans ces expériences . Il était impossible avant la mise au point
de cette technique d’observer presque en temps réel les effets des
perturbateurs chimiques sur des cellules humaines de testicule.
Le professeur et son équipe ont divisé les tissus de testicule en deux
groupes. Dans un premier groupe, les cellules ont été imprégnées de
phtalates à des doses que l’on peut retrouver dans l’organisme maternel.
Le second groupe a servi de témoin. Les cellules ont été incubées
pendant cinq jours à 37 °C.
Résultat : les cellules germinales (les précurseurs des
spermatozoïdes) contenues dans les testicules qui ont été en contact avec
le phtalate ont vu leur nombre diminuer de 40 % en seulement trois
jours. Les cellules témoins sont restées vivantes à 100 %. Cette
dégradation est due au fait que les cellules germinales sont entrées
massivement en apoptose : elles se sont autodétruites.
« Cette approche, nous a expliqué le Pr Habert 26, nous a permis
d’apporter pour la première fois la démonstration expérimentale que les
phtalates détériorent les cellules germinales du fœtus humain et donc ses
futurs spermatozoïdes. »
L’expérience menée par l’équipe du Pr Habert a également permis de
constater que les phtalates ont réduit de 50 % une hormone fondamentale
du fœtus mâle, l’hormone antimüllérienne. Celle-ci a pour fonction de
neutraliser les hormones femelles et ainsi d’empêcher le mâle de se
féminiser. Moins elle est présente et moins la masculinisation est
possible. Son rôle essentiel dans la différenciation sexuelle est détaillé
dans le chapitre 36, « Quand le fœtus confond les genres ».
173
La spermatogenèse s’effectue sous le contrôle des hormones :
En haut, spermatogenèse normale.
1 – À l’âge fœtal, les cellules primaires germinales deviennent des
gonocytes ; ce sont les précurseurs des spermatozoïdes.
2 – À la naissance, les gonocytes se transforment en
spermatogonies, qui vont perdurer pendant toute l’enfance.
3 – À la puberté, sous l’influence de la testostérone, les
spermatogonies se différencient en spermatocytes qui deviendront
spermatides puis spermatozoïdes.
En bas, spermatogenèse altérée (« alt »).
1alt – À l’âge fœtal, les cellules primaires germinales devenues des
gonocytes sont perturbées.
2alt – À la naissance, dans les gonocytes devenus spermatogonies,
les altérations générées par les produits chimiques et les gènes sont
déjà en place.
3alt – À la puberté, certains spermatocytes altérés se
transformeront en spermatides et spermatozoïdes mal formés ou se
multiplieront de façon anarchique pour évoluer en cancer du
testicule.
174
La testostérone du fœtus, particulièrement
sensible aux polluants
175
Les « trois vagues » de production de testostérone chez l’homme :
1 – Première vague de testostérone : le fœtus la produit à partir de
8 semaines avec la mise en place des testicules.
2 – Deuxième vague de testostérone : après la naissance, le
nourrisson produit un pic d’hormone mâle que l’on appelle
« minipuberté ».
3 – Troisième vague de testostérone : à la puberté, l’enfant devient
adolescent et connaît sa troisième grande production de
testostérone, qui parachève l’appareil de reproduction sexuel.
Lors des première et deuxième vagues, l’organisme est
particulièrement vulnérable s’il est pollué par des toxiques chimiques.
1. E. Carlsen, A. Giwercman, N. Keiding et N. E. Skakkebaek, « Evidence for
o
Decreasing Quality of Semen During Past 50 Years », BMJ, vol. 305, n 6854,
1992, p. 609-613, [en ligne] DOI 10.1136/bmj.305.6854.609 ;
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1883354
2. Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains) :
organisme qui s’occupe de recevoir le sperme des donneurs volontaires. Ce sont
des unités spécialisées dans l’infertilité implantées dans des CHU (centres
hospitaliers universitaires).
3. J. Auger, J. M. Kunstmann, F. Czyglik et P. Jouannet, « Decline in Semen
Quality Among Fertile Men in Paris During the Past 20 Years », The New England
o
Journal of Medicine, vol. 332, n 5, 2 février 1995, p. 281-285, ISSN 0028-4793 ;
[en ligne] PMID 7816062 ; DOI 10.1056/NEJM199502023320501 ; [archive].
176
4. « Santé reproductive et perturbateurs endocriniens », Bulletin épidémiologique
o
hebdomadaire, 3 juillet 2018, n 22-23.
5. M. Rolland, J. Le Moal, V. Wagner, D. Royère et J. De Mouzon, « Decline in
Semen Concentration and Morphology in a Sample of 26,609 Men Close to
General Population Between 1989 and 2005 in France », Human Reproduction,
o
vol. 28, n 2, 2012, p. 462-470, [en ligne] DOI 10.1093/humrep/des415 ; Joëlle
Le Moal (InVS) : « C’est une mise en garde sérieuse », [en ligne]
https://www.cnews.fr/france/2012-12-06/joelle-le-moal-invs-cest-une-mise-en-
garde-serieuse-270996
6. Le BEH est l’organe officiel de Santé publique France.
7. « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals 2012: An Assessment
of the State of the Science of Endocrine Disruptors Prepared by a Group of Experts
for the United Nations Environment Programme (UNEP) and WHO », [en ligne]
https://www.who.int/ceh/publications/endocrine/en
8. A. Fetters, « Sperm Counts Continue to Fall », octobre 2012, [en ligne]
https://www.theatlantic.com/family/archive/2018/10/sperm-counts-continue-to-
fall/572794
9. Paasch et al., 2008, European Science Foundation, 2010, « Semen quality in
sub-fertile range for a significant proportion of young men from the general
German population: a co-ordinated, controlled study of 791 men from Hamburg
and Leipzig », International Journal of Andrology, vol. 31, p. 93-102.
10. Ibid.
11. N. E. Skakkebaek, « Male Reproductive Disorders and Fertility Trends:
Influences of Environment and Genetic Susceptibility », Physiological Reviews,
2016.
12. S. H. Swan et S. Colino, Count Down: How Our Modern World Is Threatening
Sperm Counts, Altering Male and Female Reproductive Development, and
Imperiling the Future of the Human Race, Scribner, 2021.
13. S. Gilman et T. de Lestrade, Mâles en péril, Arte, 2008.
14. A. M. Andersson, T. K. Jensen, A. Juul, J. H. Petersen, T. Jørgensen et
N. E. Skakkebaek, « Secular Decline in Male Testosterone and Sex Hormone
Binding Globulin Serum Levels in Danish Population Surveys », The Journal of
o
Clinical Endocrinology and Metabolism, vol. 92, n 12, décembre 2007, p. 4696-
4705, [en ligne] DOI 10.1210/jc.2006-2633 ; Epub 2007 Sep 25 ; PMID 17895324.
15. T. G. Travison, A. B. Araujo, V. Kupelian, A. B. O’Donnell et J. B. McKinlay,
« The Relative Contributions of Aging, Health, and Lifestyle Factors to Serum
Testosterone Decline in Men », The Journal of Clinical Endocrinology and
Metabolism, vol. 92, 2007, p. 549-555.
16. P. Trimpou, A. Lindahl, G. Lindstedt, G. Olerod, L. Wilhelmsen et K. Landin-
Wilhelmsen, « Secular Trends in Sex Hormones and Fractures in Men and
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Women », European Journal of Endocrinology, vol. 166, n 5, 2012, p. 887-895,
[en ligne] DOI 10.1530/eje-11-0808.
177
17. A. M. Andersson, N. Jørgensen, L. F. Larsen, E. Rajpert-De Meyts et
N. E. Skakkebaek, « Impaired Leydig Cell Function In Infertile Men: A Study of
357 Idiopathic Infertile Men And 318 Proven Fertile Controls », The Journal of
Clinical Endocrinology and Metabolism, vol. 89, 2004, p. 3161-3167.
18. Pierre Dutertre et Gérald Messadié, Le Krach du sperme et autres menaces.
Comment l’industrie chimique nous rend stériles, L’Archipel, 2010.
19. Entretien avec l’auteure, 2005.
20. S. Tas, R. Lauwerys et D. Lison, « Occupational Hazards for the Male
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Reproductive System », Critical Reviews in Toxicology, vol. 26, n 3, mai 1996,
p. 261-307, [en ligne] DOI 10.3109/10408449609012525 ; PMID 8726164 ;
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8726164
21. F. S. vom Saal, P. S. Cooke, D. L. Buchanan, P. Palanza, K. A. Thayer,
S. C. Nagel, S. Parmigiani et W. V. Welshons, « A Physiologically Based Approach
to the Study of Bisphenol A and Other Estrogenic Chemicals on the Size of
Reproductive Organs, Daily Sperm Production, and Behavior », Toxicology and
o
Industrial Health, vol. 14, n 1-2, janvier-avril 1998, p. 239-260, [en ligne] DOI
10.1177/074823379801400115 ; PMID 9460178.
22. Coll., « Reproduction et environnement. Synthèse », Paris, Inserm, « Expertise
collective », 2011, XXI-64 p., [en ligne] http://hdl.handle.net/10608/223
23. S. Srivasta, G. B. Singh, S. P. Srivasta et P. K. Seth, « Testicular Effects of Di-
N-Butyl Phthalate (DBP) in Adult Rats: Effect on Marker Enzymes of
Spermatogenesis », Indian Journal of Experimental Biology, vol. 28, 1990, p. 67-
70.
24. S. H. Swan et S. Colino, Count Down…, op. cit.
25. R. Lambrot, V. Muczynski, C. Lécureuil, G. Angenard, H. Coffigny,
C. Pairault… et V. Rouiller-Fabre, « Phthalates Impair Germ Cell Development in
The Human Fetal Testis In Vitro Without Change in Testosterone Production »,
o
Environmental Health Perspectives, vol. 117, n 1, 2009, p. 32-37, [en ligne] DOI
10.1289/ehp.11146.
26. Entretien avec l’auteure, juin 2021.
178
19
Les médecins ont vu, depuis les années 1970, se multiplier le nombre
de nourrissons dont les testicules ne sont pas descendus dans les bourses
à la naissance. Ce phénomène se nomme la « cryptorchidie », du grec
cryptos, qui veut dire « caché », et orchidion, qui signifie « testicule » 1.
La testostérone et une autre hormone appelée INSL3 (insuline-like)
contrôlent cette migration des testicules au cinquième mois de grossesse
et leur fixation dans le scrotum.
Cryptorchidie :
À gauche, des testicules normaux descendus dans le scrotum.
À droite, un testicule n’a pas fait sa migration.
179
Les cryptorchidies ont quadruplé
en quarante ans
180
Incidence de la cryptorchidie :
La cryptorchidie a quadruplé au Danemark en quarante ans.
En France aussi vraisemblablement, mais la courbe officielle manque.
181
De nombreuses études arrivent aux mêmes conclusions : les petits
garçons dont les mères ont consommé des comprimés de paracétamol
pendant la grossesse souffrent d’une perturbation hormonale qui se
traduit par plusieurs dysfonctionnements dans leur système de
reproduction, et en particulier la non-descente des testicules dans les
5
bourses .
Pourtant, de nombreuses femmes enceintes prennent régulièrement
ou ponctuellement des antidouleurs. En France, elles sont 76 % 6, et aux
Pays-Bas 30 à 40 %. Une étude réalisée dans ce pays a montré un risque
de cryptorchidie multiplié par deux avec la consommation de
paracétamol et autres antidouleurs « doux ». Ses auteurs concluent que
24 % des cryptorchidies peuvent être attribuées à l’exposition aux
antidouleurs des fœtus mâles, surtout au moment de la différenciation
7
sexuelle .
L’équipe de Bernard Jégou à Rennes a démontré cette capacité de
perturbation aussi bien avec le paracétamol qu’avec l’aspirine ou
8
d’autres antidouleurs . Les effets délétères de ces substances n’ont rien
de surprenant si on compare leur structure chimique à celle d’autres
perturbateurs hormonaux : le paracétamol est lui aussi un dérivé du
benzène. Tout part du benzène et tout y revient, pourrait-on soupirer. En
effet, la molécule de paracétamol est construite sur un cycle benzénique.
9
D’autres substances chimiques, comme le DDT et les phtalates, sont
aussi associées à une augmentation du risque de cryptorchidie. Les
phtalates inhibent l’hormone qui joue un rôle important dans la descente
des testicules, l’INSL3 (insuline-like).
Le risque est également accru avec une activité professionnelle de la
mère en contact avec des pesticides, comme l’agriculture ou
l’horticulture. Il augmente aussi lorsque la famille habite près d’une
usine de fabrication de plastiques ou près d’une raffinerie de pétrole.
182
Dérivés du benzène et risque de cryptorchidie :
Ces molécules dérivées du benzène sont associées à un risque accru de
cryptorchidie.
183
6. D. V. Lind, « Maternal Use of Mild Analgesics During Pregnancy Associated
With Reduced Anogenital Distance in Sons: A Cohort Study of 1,027 Mother-Child
o
Pairs », Human Reproduction, vol. 32, n 1, janvier 2017, p. 223-231, [en ligne]
DOI 10.1093/humrep/dew285 ; Epub 2016 Nov 16 ; PMID 27852690.
7. C. A. Snijder et A. Kortenkamp, « Intrauterine Exposure to Mild Analgesics
During Pregnancy and the Occurrence of Cryptorchidism and Hypospadia in the
o
Offspring: The Generation R Study », Human Reproduction, vol. 27, n 4,
avril 2012, p. 1191-1201, [en ligne] DOI 10.1093/humrep/der474 ; Epub 2012 Feb
2 ; PMID 22301570.
8. S. Mazaud-Guittot… et B. Jégou, « Paracetamol, Aspirin, and Indomethacin
Induce Endocrine Disturbances in the Human Fetal Testis Capable of Interfering
With Testicular Descent », The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism,
o
vol. 98, n 11, novembre 2013, p. E1757-1767, [en ligne] DOI 10.1210/jc.2013-
2531 ; Epub 2013 Sep 12 ; PMID 24030937.
9. J. K. Gurney… et D. Sarfati, « Risk Factors for Cryptorchidism », Nature
o
Reviews Urology, vol. 14, n 9, 2017, p. 534-548, [en ligne] DOI
10.1038/nrurol.2017.90.
184
20
185
L’hypospadias :
Le méat urinaire peut se présenter à différents points le long de la
face inférieure de la verge, au lieu de se trouver au bout du pénis.
186
Prévalence de l’hypospadias :
Le taux d’hypospadias n’a cessé d’augmenter depuis des décennies aux États-
3
Unis et dans les autres pays industrialisés .
187
les adhésifs (parabènes) (16 %), les pesticides (9 %), les cosmétiques
(5,6 %) et les composants chimiques industriels (4 %).
Les femmes exposées à des produits chimiques pendant leur
grossesse sont en particulier les femmes de ménage, les coiffeuses, les
esthéticiennes et les laborantines. La présence dans l’environnement de
zones industrielles et d’usines d’incinération joue également un rôle. Les
pères ayant des contacts avec des produits chimiques dans le cadre de
leur profession sont également plus à risque d’avoir un garçon
hypospade. Les professions les plus touchées sont les agriculteurs, les
techniciens de laboratoire, les techniciens de surface, les mécaniciens et
les peintres. Leur exposition aux solvants, détergents et pesticides se
rajoute à celle de la mère.
L’action toxique de ces produits chimiques ne fait guère de doute, car
ces malformations sont reproductibles lors d’expérimentations animales.
La catastrophe du Distilbène a par ailleurs montré que les descendants
des « mères Distilbène » sont plus à risque d’hypospadias, même à la
troisième génération.
D’autres médicaments augmentent le risque d’hypospadias. C’est le
5
cas pour l’exposition in utero à deux antiépileptiques : le valproate de
sodium et la carbamazépine. Les cosmétiques sont également concernés.
Les filtres anti-UV contenus dans les crèmes solaires ont été mis en
relation avec l’apparition d’hypospadias 6.
Tous les produits chimiques ayant un effet estrogénomimétique,
c’est-à-dire imitant les estrogènes, comportent un risque de perturbation.
C’est notamment le cas des « 6 P », 6 familles de polluants citées au
chapitre 2.
188
Du côté des autorités sanitaires, il faudra attendre 2018 pour qu’enfin
le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) daigne faire le point
sur les différents troubles évoqués dans le syndrome de dysgénésie
7
testiculaire dont fait partie l’hypospadias . Il y est reconnu avec vingt
ans de retard que trois départements ont des incidences élevées
d’hypospadias opérés : l’Hérault (Montpellier), la Loire et le Var.
Toutefois, explique le BEH, « il n’y a pas de tendance temporelle à
l’augmentation ou à la diminution ». Or, une expertise collective de
l’Inserm de 2011 sur la reproduction et l’environnement dit exactement
le contraire et souligne que « les données disponibles en France montrent
une nette augmentation de l’incidence de l’hypospadias depuis la fin des
8
années 1970 jusqu’au début des années 2000 ».
Il est dommage que Santé publique France ait justement choisi de ne
retenir que la période 2002-2014 avec une cible restreinte aux seuls
hypospadias opérés, et une courbe opportunément très plate autour de
1 cas sur 1 000 d’hypospadias en 2002 alors que l’Inserm était déjà à
12 cas sur 1 000 un an plus tôt – mystère des statistiques !
189
Augmentation des hypospadias en France :
À gauche, la courbe de l’Inserm : l’institut de recherche reprend les données
9
des registres des malformations et de l’Institut européen des génomutations .
Elle montre un quadruplement des hypospadias en vingt ans et un taux de
12 ‰ en 2001.
À droite, la version « idéale et tronquée » vue par Santé publique France, qui
laisse entendre que l’incidence des hypospadias est 12 fois moindre et reste
10
muette sur la forte augmentation depuis les années 1970 .
190
3. Ibid.
4. N. Kalfa, F. Paris, P. Philibert, M. Orsini, S. Broussous, N. Fauconnet-Servant,
F. Audran, L. Gaspari, H. Lehors, M. Haddad, J. M. Guys, R. Reynaud,
P. Alessandrini, T. Merrot, K. Wagner, J. Y. Kurzenne, F. Bastiani, J. Bréaud,
J. S. Valla, G. M. Lacombe, E. Dobremez, A. Zahhaf, J. P. Daures et C. Sultan, « Is
Hypospadias Associated With Prenatal Exposure to Endocrine Disruptors?
A French Collaborative Controlled Study of a Cohort of 300 Consecutive Children
o
Without Genetic Defect », European Urology, vol. 68, n 6, décembre 2015,
p. 1023-1030, [en ligne] DOI 10.1016/j.eururo.2015.05.008 ; Epub 2015 May 23 ;
PMID 26007639.
5. A. Saim Sid et A. Haffaf, « Malformations génitales chez les nouveau-nés »,
université de Tlemcen, 2013-2014.
6. M. H. Hsieh, E. C. Grantham, B. Liu et al., « In Utero Exposure to
Benzophenone-2 Causes Hypospadias Through an Estrogen Receptor Dependent
Mechanism », Journal of Urology, vol. 178 (4 Pt 2), 2007, p. 1637-1642.
7. « Santé reproductive et perturbateurs endocriniens », art. cit.
8. Coll., « Reproduction et environnement. Synthèse », op. cit.
9. Ibid.
10. « Santé reproductive et perturbateurs endocriniens, BEH 22-23, – 3 juillet 2018
Analyse combinée des quatre indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire en
France, dans le contexte de l’exposition aux perturbateurs endocriniens :
cryptorchidies, hypospadias, cancer du testicule et qualité du sperme ».
191
21
Plusieurs études ont montré que les mâles qui ont de faibles
concentrations de spermatozoïdes, des taux de testostérone bas, des
cryptorchidies et des hypospadias ont également une taille de pénis plus
réduite 1 et des distances ano-génitales plus courtes.
La taille du pénis est-elle en train de diminuer ? Il est difficile de
trouver une étude convaincante sur la question concernant les hommes
adultes, mais ce que l’on sait en revanche, c’est que les cas de
micropénis chez les nouveau-nés sont de plus en plus nombreux et qu’ils
sont le plus souvent associés à une exposition à des toxiques
environnementaux.
Les micropénis en hausse
Dès la naissance, on parle de « micropénis » si le pénis d’un petit
garçon est d’une longueur inférieure à 1,9 centimètre (après étirement et
mesuré depuis l’os du pubis jusqu’au bout du gland) et si cette petite
taille n’est associée à aucune malformation du pénis.
Le micropénis peut persister à l’âge adulte, l’homme présentant alors
un pénis d’une longueur inférieure à 7 centimètres à l’état flaccide (au
repos). Même si sa taille est petite, le micropénis fonctionne
192
normalement sur le plan sexuel. À l’âge adulte, la taille « moyenne »
d’un pénis est comprise entre 7,5 et 12 centimètres au repos et entre 12 et
17 centimètres au cours d’une érection.
La plupart des cas de micropénis semblent dus à un déficit hormonal
lié à la testostérone fœtale au cours de la grossesse. Dans d’autres cas, la
testostérone est convenablement produite mais les tissus composant la
verge ne réagissent pas à la présence de cette hormone. On parle alors
2
d’« insensibilité des tissus aux hormones ».
La petite taille du pénis s’accompagne le plus souvent d’une autre
particularité morphologique : une distance réduite entre l’anus et le sexe.
193
La distance ano-génitale (DAG) se mesure entre l’anus et la base
antérieure du scrotum chez le garçon et la jonction postérieure des
grandes lèvres chez la fille. Sa mesure permet d’évaluer le degré de
masculinisation du nouveau-né. Cette distance est plus grande chez les
garçons que chez les filles.
Pendant la vie fœtale, l’activité des testicules impose l’allongement
de la DAG. Cet outil a d’abord été utilisé sur les rongeurs pour étudier
leur exposition aux hormones ainsi que leur perturbation. Lorsque les
animaux mâles sont exposés à des perturbateurs hormonaux, la distance
ano-génitale se réduit et se rapproche de celle des femelles.
Cette féminisation, dès le stade fœtal, a par la suite été observée chez
les humains.
Quant aux substances chimiques impliquées, elles sont de plus en
plus documentées.
194
Les perturbateurs chimiques, ennemis
de la virilité
195
fœtus mâles devraient peut-être inciter les futures mères à ne consommer
aucun médicament pendant la grossesse sauf nécessité absolue.
D’autres études ont montré que ces symptômes étaient corrélés à un
risque plus élevé de cancer du testicule à l’âge adulte.
196
22
Les Danois encore une fois ont été les premiers à remarquer qu’en
Europe et aux États-Unis le nombre des cancers du testicule a été
multiplié par trois depuis 1980 et par quatre depuis les années 1950.
Selon Niels Skakkebaek, cette progression va de pair avec la faible
qualité du sperme et l’atteinte des testicules par des anomalies comme
les cryptorchidies et les hypospadias. Il en fait donc le quatrième volet
du syndrome de dysgénésie testiculaire, mais ce cancer occupe selon lui
la première place en matière de gravité de la dégradation de la santé
reproductive masculine.
Le cancer du testicule ne représente que 1 à 2 % des cancers
masculins tous âges confondus, mais 30 % chez les hommes jeunes de
15 à 35 ans, alors qu’en général les cancers touchent plutôt les hommes
âgés. En revanche, ce cancer se soigne bien, et le taux de mortalité des
personnes atteintes par ce cancer est en baisse.
197
Dans le monde, les pays les plus touchés sont les pays développés,
1
avec un taux d’incidence de 7,8 pour 100 000 personnes-année . Les
pays en voie de développement sont moins atteints, avec même pas 1 cas
pour 100 000 personnes. La France se situe dans le peloton de tête des
2
cancers du testicule avec un taux qui a presque triplé en quarante ans .
Encore une fois, les données françaises manquent de clarté. Rien
n’est fait pour que les évolutions puissent être perçues sur une longue
3
période . Cette augmentation ne peut s’expliquer, selon Santé publique
France, ni par l’amélioration des procédures de diagnostic ni par le
vieillissement de la population.
Les jeunes générations sont nettement plus à risque : les cohortes
nées en 1980 ont cinq fois plus de risques de développer un cancer du
testicule à l’âge de 35-40 ans que celles qui sont nées en 1940 4.
198
Risque du cancer du testicule pour un homme de 40 ans :
En 2020, à l’âge de 35-40 ans, les générations nées en 1980 ont un risque de
7
cancer du testicule cinq fois plus élevé que celles qui sont nées en 1940 .
(Incidence registres anciens : taux par cohortes de naissance)
199
Les produits chimiques, premiers facteurs
de risque
200
Origine fœtale du cancer du testicule
201
5. Ibid.
6. N. E. Skakkebaek, E. Rajpert-De Meyts, G. M. Buck Louis, J. Toppari,
A. M. Andersson, M. L. Eisenberg, T. K. Jensen, N. Jørgensen, S. H. Swan,
K. J. Sapra, S. Ziebe, L. Priskorn et A. Juul, « Male Reproductive Disorders and
Fertility Trends: Influences of Environment and Genetic Susceptibility »,
o
Physiological Reviews, vol. 96, n 1, janvier 2016, p. 55-97.
7. Compléments, [en ligne] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-
traumatismes/cancers/cancer-du-sein/documents/rapport-synthese/estimations-
nationales-de-l-incidence-et-de-la-mortalite-par-cancer-en-france-metropolitaine-
entre-1990-et-2018-volume-1-tumeurs-solides-etud
8. M. Walschaerts et al., « Doubling of Testicular Cancer Incidence Rate Over the
Last 20 Years in Southern France », Cancer Causes and Control, vol. 19, 2008,
p. 155-161, [en ligne]
http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/102/expcol_2008_cancerenvir
_37ch.pdf?sequence=51&isAllowed=y
9. K. A. McGlynn et B. Trabert, « Adolescent and Adult Risk Factors for
o
Testicular Cancer », Nature Reviews Urology, vol. 9, n 6, 2012, p. 339-349.
10. Ibid.
11. N. E. Skakkebaek, E. Rajpert-De Meyts, G. M. Buck Louis, J. Toppari,
A. M. Andersson, M. L. Eisenberg, T. K. Jensen, N. Jørgensen, S. H. Swan,
K. J. Sapra, S. Ziebe, L. Priskorn et A. Juul, « Male Reproductive Disorders and
Fertility Trends: Influences of Environment and Genetic Susceptibility »,
o
Physiological Reviews, vol. 96, n 1, janvier 2016, p. 55-97, [en ligne] DOI
10.1152/physrev.00017.2015 ; PMID 26582516 ; PMCID PMC4698396.
12. W. C. Strohsnitter, K. L. Noller, R. N. Hoover, S. J. Robboy, J. R. Palmer,
L. Titus-Ernstoff, R. H. Kaufman, E. Adam, A. L. Herbst et E. E. Hatch, « Cancer
Risk in Men Exposed in Utero to Diethylstilbestrol », Journal of the National
o
Cancer Institute, vol. 93, n 7, 4 avril 2001, p. 545-551, [en ligne] DOI
10.1093/jnci/93.7.545 ; PMID 11287449.
13. C. Rousselle, M. Bellanger, K. Fiore, T. Bayeux et C. Chevrier, « Évaluation
de l’impact sur la santé reproductive masculine et des coûts associés de deux
phtalates : le DEHP et le DINP », BEH, 2018.
202
23
203
Incidence du cancer de la prostate :
Entre 1980 et 2005, le taux est multiplié par cinq.
3
Entre 1980 et 2015, le taux est multiplié par plus de trois .
Chaque année en France, ce sont 40 000 nouveaux cas qui sont
diagnostiqués. Le cancer de la prostate est désormais le premier cancer
chez l’homme en nombre de cas, mais pas en mortalité, car celle du
cancer du poumon est plus élevée.
204
Prostate : cancer le plus fréquent :
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme, avec
40 000 nouveaux cas chaque année en France. Il est le deuxième en termes
4
de mortalité, avec 10 000 décès par an .
Voilà ce qu’écrit Santé publique France dans son rapport sur les
cancers en 2000 : « Un homme né en 1953 a près de douze fois plus de
risques d’être atteint de ce cancer qu’un homme né en 1913 5. » Cette
comparaison ne sera plus reprise dans les rapports suivants ; serait-elle
trop « inquiétante » ?
205
Risque de cancer de la prostate par générations :
Un homme né en 1928 a un risque relatif de 1, alors que pour un homme né en
1953 ce risque est de 12.
Le risque de décès dû à ce cancer n’a, en revanche, diminué que de 20 %
entre les deux cohortes.
206
charge intrusives pas forcément utiles. Un diagnostic positif entraîne
souvent un surtraitement.
6
La tendance actuelle est au contraire à la décrue . Beaucoup
considèrent désormais que presque tous les hommes développeront tôt
ou tard des microcancers de la prostate qui n’auront jamais le temps
d’atteindre leur dernier stade. Certains vont même jusqu’à affirmer que
les hommes meurent plus souvent « avec » un cancer de la prostate
qu’« à cause » du cancer de la prostate.
207
Les Antilles, record du monde des cancers
de la prostate
208
l’exposition à ces « estrogènes environnementaux » favorise bien les
cancers de la prostate, oui, la relation causale est là. Les concentrations
du chlordécone dans le sang dépassent jusqu’à 100 fois le seuil de
sécurité ; 90 % de la population est contaminée.
L’étude Multigner apporte une autre information importante sur le
mode d’action du polluant : elle montre que le mécanisme cancérigène
passe par les récepteurs des hormones femelles, les estrogènes qui se
trouvent sur les cellules de la prostate.
209
commence à se développer de nouveau, on cesse le traitement
antiandrogénique. Il arrive que le cancer de la prostate arrête de se
développer quand on cesse l’administration d’antiandrogènes, mais les
médecins ne sont pas certains de comprendre pourquoi cela se produit.
14
Cet effet est appelé “réaction de sevrage antiandrogénique” . » En
résumé, le cancer continue tant que l’on prescrit un traitement
antihormones mâles et s’arrête quand on y met fin.
Le désastre antillais n’a pas encore révélé toute son ampleur : le
devenir des enfants exposés in utero au pesticide féminisant n’a pas été
pris en compte. Pourtant cette exposition est fondamentale, car on sait
maintenant qu’elle peut favoriser le développement d’un cancer de la
prostate à l’âge adulte 15. Encore plus inquiétant : il y aurait un effet
transgénérationnel. Des expériences sur les souris ont montré que lorsque
des souris gestantes ont été exposées à des faibles doses de chlordécone
16
par voie orale , cette exposition ponctuelle entraîne à la troisième
génération, chez les souris mâles, une diminution du nombre de
spermatozoïdes.
Ce scandale antillais est emblématique de l’incurie des autorités
sanitaires françaises dans la protection des populations contre toutes les
substances chimiques perturbatrices des hormones, que ce soient des
pesticides, des plastifiants ou des médicaments.
On sait par exemple que de nombreux médicaments ont des effets
féminisants sur la glande mammaire des hommes. On ne voit pas par
quel miracle ils décideraient de façon concertée de s’arrêter à la frontière
de la prostate.
RÉSUMÉ
Dès 1992, le chercheur danois Niels Skakkebaek montre que les
mâles humains comme les mâles de la faune sauvage se dévirilisent.
La concentration moyenne de spermatozoïdes a baissé de 70 %
depuis l’après-guerre.
210
Les taux de testostérone moyens ont également chuté au rythme de
1 % par an depuis les années 1980. Les malformations génitales
féminisantes augmentent : cryptorchidie (non-descente des testicules),
hypospadias (mauvais placement du méat urinaire), micropénis et
réduction de la distance ano-génitale (DAG).
En quarante ans, entre 1980 et 2020, l’incidence du cancer du
testicule a été multipliée par trois.
Plus la mère est exposée à des toxiques environnementaux pendant la
grossesse, plus les hormones sont perturbées et plus ces risques
augmentent. On retrouve les principaux des « six poisons hormonaux »
déjà cités, les pesticides, les plastifiants dérivés du benzène (phtalates,
bisphénols), les polybromés et les médicaments (Distilbène, paracétamol,
valproate, aspirine).
Les périodes fœtale et néonatale sont les plus vulnérables pour le
garçon, car elles conditionnent la mise en place des organes génitaux, la
masculinisation du cerveau et programment les maladies de l’adulte.
Tous ces troubles ont été rassemblés au sein du « syndrome de
dysgénésie testiculaire » (SDT).
L’incidence du cancer de la prostate a triplé en trente ans. Il est le
premier cancer chez l’homme, et c’est un cancer hormonodépendant.
L’exposition des adultes à des toxiques estrogéniques (féminisants) peut
aussi générer ce genre de cancer, comme l’a montré le scandale du
chlordécone aux Antilles. Martinique et Guadeloupe détiennent le record
du monde absolu, avec un taux de cancer de la prostate six fois plus
important que la moyenne des pays développés.
Les médicaments ayant un effet estrogénique peuvent aussi être
dangereux pour la prostate.
211
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-
colon-rectum/documents/rapport-synthese/evolution-de-l-incidence-et-de-la-
mortalite-par-cancer-en-france-de-1978-a-2000
4. L. Chérié-Challine, « Évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer en
France de 1978 à 2000 », InVS.
5. P. Grosclaude, ibid., p. 125.
6. R. Blum et M. Scholz, Touche pas à ma prostate, Thierry Souccar Éditions,
janvier 2012.
7. « State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals 2012… », art. cit.
8. H. Bonkhoff, « Estrogen Receptor Signaling in Prostate Cancer: Implications
o
for Carcinogenesis and Tumor Progression », Prostate, vol. 78, n 1, janvier 2018,
p. 2-10, [en ligne] DOI 10.1002/pros.23446 ; Epub 2017 Nov 2 ; PMID 29094395.
o
9. « Chlordécone et cancer de la prostate aux Antilles », question orale n 0587S
de M. Dominique Théophile (Guadeloupe, LaREM) publiée dans le JO Sénat du
10 janvier 2019, p. 81.
10. Source : http://globocan.iarc.fr/factsheets/cancers/prostate.asp
11. Le rapport Snégaroff.
12. « Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les
pesticides en Martinique. Conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires
et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points », 23 juin 2007.
13. L. Multigner, J. Rodrigue Ndong, A. Giusti et al., « Chlordecone Exposure and
Risk of Prostate Cancer », Journal of Clinical Oncology, 2010, [en ligne] DOI
10.1200/JCO.2009.27.2153.
14. « Hormonothérapie du cancer de la prostate », [en ligne]
https://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-
type/prostate/treatment/hormonal-therapy/?region=qc
15. G. S. Prins, L. Birch, W. Y. Tang et S. M. Ho, « Developmental Estrogen
Exposures Predispose to Prostate Carcinogenesis With Aging », Reproductive
o
Toxicology, vol. 23, n 3, 2007, p. 374-382.
16. A. Gely-Pernot, C. Hao, L. Legoff et al., « Gestational Exposure to
Chlordecone Promotes Transgenerational Changes in the Murine Reproductive
o
System of Males », Scientific Reports, n 10274, 2018.
212
24
213
est en excès chez l’homme, elle provoque également des troubles de
l’érection et l’impuissance.
Elle est relâchée de manière pulsatile toutes les quatre-vingt-quinze
minutes, ce qui fait environ quatorze pics par jour. Elle est contrôlée à la
fois par les neurohormones de l’hypothalamus, les hormones de
l’hypophyse, les hormones estrogéniques féminines et les
neurotransmetteurs comme la dopamine, qui agit comme inhibiteur. Tout
produit qui modifiera la dopamine aura des répercussions sur la
prolactine. La prolactine est le plus souvent mesurée lors d’un bilan
thyroïdien, car des perturbations du fonctionnement de la glande thyroïde
entraînent des modifications de la prolactine.
Physiologiquement, ce sont les hormones femelles, les estrogènes,
qui président au développement des glandes mammaires pour permettre
aux femmes d’allaiter lorsqu’elles deviennent mères. Chez un homme, le
ratio entre hormones mâles et hormones femelles empêche le
développement des seins. La rupture de l’équilibre en faveur des
hormones féminines entraîne la poussée des seins.
Chez le garçon, on constate bien deux petites poussées juste après la
naissance et à l’adolescence, mais elles sont transitoires. À l’âge mûr, la
diminution de la testostérone peut également produire le même effet, car
les estrogènes restant constants, le ratio est modifié.
En dehors de ces situations physiologiques, une gynécomastie doit
alerter, car seule une maladie peut dérégler le ratio hormonal. Là encore,
nos « 6 P », les six poisons hormonaux présentés au chapitre 2, sont
souvent en cause. Les phtalates ont certes montré leur responsabilité
dans la gynécomastie d’adolescents imprégnés au plastifiant, mais cette
fois c’est le P de « produits pharmaceutiques » qui tient le haut de
l’affiche.
La liste des médicaments qui provoquent des gynécomasties est
publique. On peut la trouver sur des sites médicaux comme le site suisse
1 2
Revmed ou dans des publications scientifiques .
214
Les médicaments responsables de 25 %
des cas
215
l’estomac et les reflux gastro-œsophagiens, les anticholestérols, aussi
appelés « statines », les anticalvities et les antigoutteux.
Médicaments et gynécomasties :
Les classes pharmacologiques les plus fréquemment retrouvées dans les cas
de gynécomasties d’après le nombre de signalements à la pharmacovigilance.
216
augmentant l’élimination de l’eau et du sodium par les reins. En
schématisant, moins de liquide dans les tuyaux égale moins de pression,
comme dans un tuyau d’arrosage.
Le problème, c’est qu’ils ont aussi un double effet antimâle sur le
système hormonal : d’une part ils réduisent la testostérone, et d’autre part
ils augmentent les estrogènes (hormones féminines).
217
Les traitements de longue durée par les antiacides inhibiteurs de la
pompe à protons (IPP) sont en forte augmentation. Ils sont la troisième
famille de substances la plus prescrite aux États-Unis. En France, 60 %
de la prescription totale des IPP est faite hors autorisation de mise sur le
marché (AMM) selon la Commission de la transparence de la HAS, la
Haute Autorité de santé (« Réévaluation des IPP », 2009).
Les antiacides provoquent aussi des déficits en magnésium, vitamine
B12 et zinc.
Sur les hormones, ils agissent en bloquant la synthèse de testostérone
et en modifiant celle de l’estrogène (cimétidine, oméprazole).
Les médicaments anticholestérol
6
Souvent prescrits à tort selon l’assurance maladie , les
anticholestérols ont vu leurs ventes quadrupler ces dernières années 7.
Les principaux médicaments destinés à faire baisser le cholestérol
sont les statines. Leur utilité est largement controversée. (Sur ce sujet
nous renvoyons aux ouvrages consacrés à la question, notamment ceux
8 9
de Michel de Lorgeril et Philippe Even .)
Les statines diminuent la concentration totale de testostérone en
inhibant sa synthèse par les testicules. En effet, le cholestérol est le
précurseur de la synthèse des hormones sexuelles stéroïdiennes ; or, les
statines inhibent la biosynthèse du cholestérol 10. Ces médicaments sont
aussi appelés « inhibiteurs de la HMG-CoA réductase » (l’enzyme clé de
la synthèse du cholestérol). Quelques types de statines : atorvastatine,
simvastatine, rosuvastatine, fluvastatine…
218
Les médicaments psychotropes :
antidépresseurs, anxiolytiques,
antipsychotiques et apparentés
219
l’hypophyse, qui contrôle l’équilibre hormonal global avec
13
l’hypothalamus .
Parmi ces molécules : le lorazépam (Temesta), l’alprazolam (Xanax),
l’oxazépam (Séresta), le bromazépam (Lexomil), le diazépam (Valium),
le clorazépate (Tranxène), le clobazam (Urbanyl), le clonazépam
(Rivotril).
– Les antipsychotiques et neuroleptiques
Les antipsychotiques peuvent multiplier par dix voire plus le taux de
prolactine dans le sang.
Dans certains cas, le déséquilibre en prolactine peut aller jusqu’à
l’induction de tumeurs sur l’hypophyse 14. Le plus féminisant des
antipsychotiques est la rispéridone. Autres molécules : l’amisulpride,
l’aripiprazole, la clozapine, l’olanzapine, la quétiapine, la ziprasidone et
la zotépine.
La famille des phénothiazines a également une action sur l’équilibre
hormonal. Ce sont des dérivés du… benzène (phényle = benzène). Ils ont
pour résultat possible une gynécomastie. Les molécules concernées sont :
la chlorpromazine (Largactil), la lévomépromazine (Nozinan), la
cyamépromazine, la propériciazine, la fluphénazine, la pipotiazine.
Ce qui donne une idée de leur toxicité, c’est que les molécules de
cette famille peuvent servir à la fois comme colorants, médicaments et
insecticides.
D’autres psychoactifs peuvent ne pas s’afficher comme tels, mais ils
auront les mêmes effets sur les hormones. Ce sont des antinauséeux ou
des antispasmodiques.
– Les médicaments antitestostérone (anticalvitie, antihirsutisme,
antihypertrophie de la prostate)
Les hommes qui ont un problème de calvitie peuvent être tentés de
prendre du finastéride, qui n’est rien d’autre qu’un antitestostérone
220
puisqu’il empêche la transformation de la testostérone en une forme
encore plus active qu’est la dihydrotestostérone.
Ces hommes risquent de connaître une poussée mammaire, des
difficultés d’érection, une libido en berne et des atteintes psychiatriques.
L’Agence de sécurité du médicament indique également le risque accru
15
de cancer du sein, d’idées suicidaires et de dépressions .
Les hommes qui se voient prescrire cette molécule pour une
« prostate gonflée », l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP),
risquent les mêmes désagréments. Le rapport bénéfice-risque doit être
sérieusement pesé. En effet, pour éviter un futur cancer de la prostate, on
prescrit un perturbateur endocrinien qui va favoriser un déséquilibre
entre hormones mâles et femelles en supprimant les hormones mâles ; or,
on sait depuis peu que les hormones mâles ne sont pas les seules en
cause dans les cancers de la prostate, mais que les estrogènes peuvent
avoir un effet favorisant pour ce même cancer (voir au chap. 23 le
passage sur le chlordécone). Il n’est pas inutile de se demander si le
remède ne risque pas d’être pire que le mal.
Le finastéride est classé par la revue Prescrire dans sa liste de
16
« médicaments autorisés plus dangereux qu’utiles ».
Les médicaments antibiotiques
et antifongiques
On aurait tendance à ne plus se poser de questions à leur égard tant
on les prend « sans réfléchir », pourtant les antibiotiques ont aussi pour
beaucoup un effet délétère sur nos hormones. La preuve : certains sont
connus pour augmenter la prolactine et donc la gynécomastie chez les
deux sexes (la minocycline, de la famille des tétracyclines, ainsi que les
antibiotiques contenant de la clarithromycine, de la télithromycine ou de
l’érythromycine).
221
Les antifongiques ne sont pas en reste. Utilisé contre les
champignons, le kétoconazole est une molécule qui bloque la synthèse
de la testostérone et altère le fonctionnement des glandes surrénales, qui
fabriquent aussi la testostérone et les neurotransmetteurs comme
l’adrénaline ainsi que les hormones comme le cortisol. Indépendamment
de son effet perturbateur endocrinien, ce médicament est un grand
toxique du foie, ce qui altère également le système endocrinien via
l’action du foie.
Le métronidazole agit de la même façon. Une gynécomastie peut
intervenir en deux semaines.
222
Lorsque le dysfonctionnement de la gynécomastie est installé, ce qui
est proposé est une chirurgie. Il est également bienvenu de réduire le
tissu adipeux, qui favorise la conversion des hormones mâles en
hormones femelles. Il est recommandé de soulager le foie pour qu’il
puisse se consacrer à la transformation correcte du cholestérol et des
hormones. Il s’agit aussi de rétablir un équilibre thyroïdien si celui-ci est
perturbé.
L’hormonothérapie est à prendre avec des pincettes. Elle consiste à
apporter des sources extérieures de testostérone, d’antiestrogène ou
d’inhibiteurs de l’aromatase. Or, si on apporte de la testostérone, elle est
transformée en estrogène, ce qui peut aggraver le problème.
Le plus sage reste encore de retirer de la consommation les
médicaments en cause, et tout rentre dans l’ordre si l’on n’a pas trop
attendu. Il faut bien sûr voir avec son médecin comment faire face à la
pathologie qui avait entraîné la prise du médicament féminisant et bien
peser les bénéfices et les risques, non pas dans une seule pathologie mais
dans toutes les autres. En effet, un cardiologue aura trop souvent
tendance à « se couvrir » en prescrivant des médicaments pour le cœur
en laissant à l’urologue le soin de régler un éventuel effet secondaire sur
la prostate. Ce dernier sera trop souvent enclin à prescrire une
hormonothérapie, laissant au cancérologue la mission de gérer la suite
des événements.
RÉSUMÉ
De nombreuses familles de médicaments peuvent entraîner une
poussée mammaire chez les hommes, comme les diurétiques, les
anticholestérols, les antiulcéreux, les psychotropes ou les antidouleurs.
Tout médicament qui déclenche une poussée mammaire chez les
hommes doit poser la question des effets sur la prostate. De même, ces
médicaments ont des conséquences sur l’équilibre hormonal des femmes.
223
Leurs effets sur la glande mammaire féminine n’ont pas été
suffisamment étudiés.
224
QUAND LES FEMMES SONT
EN PÉRIL
225
Pour les femmes, le syndrome de dysgénésie ovarienne pourrait être
l’équivalent du syndrome de dysgénésie testiculaire des hommes,
mais il n’est pas aussi « établi » que sa version masculine. Pourtant,
plusieurs dérèglements ont été observés ces dernières décennies.
Ils constituent autant de volets qui pourraient composer un
syndrome féminin si on les rassemblait. Ce sont : la puberté précoce,
les règles irrégulières et très douloureuses, les ovaires polykystiques,
l’excès de testostérone et l’hirsutisme, l’endométriose et les cancers
(ovaires, utérus, seins).
Lorsqu’on les examine un à un, ils peuvent tous être reliés à des
perturbateurs chimiques environnementaux et associés à une origine
1
fœtale possible .
226
25
227
2
1950 . En France, il est en moyenne à 12,6 ans. Ce développement plus
précoce est attribué en grande partie à l’amélioration de l’alimentation.
Cependant, un deuxième phénomène plus récent de « puberté très
précoce » semble se surajouter à la baisse séculaire. Il se produit chez
une minorité de filles.
Une puberté très précoce est de nature à favoriser le cancer du sein,
de l’ovaire ou l’hypertension artérielle. En revanche, lorsqu’elle est
tardive (13-15 ans), elle diminue le risque de l’obésité et du diabète mais
affaiblirait la fertilité.
Les facteurs favorisant la baisse de l’âge de la puberté sont
l’alimentation, le stress, les gènes et les produits chimiques perturbateurs
endocriniens.
228
Facteurs de la puberté :
1 – Les facteurs génétiques déterminent l’âge de la puberté.
2 – Les facteurs environnementaux (nutrition, perturbateurs
chimiques, stress) modifient l’âge de la puberté.
Ces facteurs communs peuvent expliquer les différents troubles du
syndrome de dysgénésie ovarienne.
La puberté est hormonodépendante
229
caractères sexuels, à l’acquisition de la taille définitive, de la fonction de
reproduction et de la fertilité.
Ce mécanisme délicat peut se dérégler si l’équilibre hormonal est
rompu par des produits chimiques.
De même, si un événement chimique a perturbé la mise en place des
organes sexuels pendant la vie fœtale, il peut y avoir puberté précoce et
des conséquences à retardement pendant la vie adulte. C’est ce qu’a
montré la catastrophe du Distilbène (voir le chap. 15). Cet effet peut se
répercuter de génération en génération.
En France, le phénomène des pubertés très précoces s’est accentué
dans les deux dernières décennies. Des médecins comme le Pr Sultan, du
service d’endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier, ont lancé
l’alerte dès les années 2000 lorsqu’ils ont vu leur nombre doubler en
quelques années et leur gravité s’accentuer, avec des règles apparaissant
même chez des bébés de 6 mois.
230
Activation de l’axe hypothalamus-hypophyse-gonades à la puberté :
1 – L’hypothalamus envoie une neurohormone (GnRH) à l’hypophyse.
2 – L’hypophyse envoie deux hormones aux gonades
(gonadotrophines).
3 – Les gonades (ovaires pour les femmes) produisent les hormones
sexuelles estrogènes et progestérone et fabriquent les cellules ovocytes
(œufs).
L’hypothalamus surveille le taux d’hormones dans le sang et
maintient le bon dosage en activant ou pas l’hypophyse. C’est un
rétrocontrôle en boucle.
Les autorités sanitaires sont restées encore une fois dans le déni avant
de reconnaître, en 2018, que le phénomène est effectivement douze fois
3
plus marqué dans certains départements . Deux zones sont
231
particulièrement touchées : Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes. Ce sont aussi
des régions très agricoles, avec un recours massif aux pesticides et aux
nitrates. En outre, la région Rhône-Alpes cumule deux titres : ceux de
« verger de la France » et de « couloir de la chimie ». La Camargue a par
ailleurs été copieusement arrosée d’insecticides antimoustiques.
En moyenne, 1 200 nouveaux cas par an sont identifiés chez les filles
et 120 chez les garçons. Les pubertés précoces sont donc dix fois plus
fréquentes chez les filles que chez les garçons.
Avec vingt ans de retard, Santé publique France finit par reconnaître
l’évidence : « Le rôle d’une exposition environnementale à des
substances potentiellement perturbatrices endocriniennes et pouvant être
d’origine anthropique est à prendre en considération, sans exclure des
4
facteurs environnementaux non encore identifiés . »
Charles Sultan n’a quant à lui aucun doute sur l’implication des
polluants chimiques dans la puberté précoce chez les filles, car il a
observé son apparition en même temps que les malformations génitales
chez les petits garçons.
Plusieurs exemples reliant pubertés très précoces et toxiques
chimiques sont cités dans la littérature scientifique. En voici quelques-
uns :
– En 2001, en Belgique, une étude a montré que le pesticide DDT
était présent en plus grande quantité chez les petites filles adoptées en
comparaison avec un groupe contrôle. En effet, le DDT n’a pas été
interdit dans certains pays en développement contrairement aux pays
industrialisés.
Leur risque de puberté précoce était 80 fois supérieur à celui des
enfants nés en Belgique 5. Le rapport de l’ONU sur les perturbateurs
endocriniens rappelle que les effets néfastes du DDT sur l’hypothalamus
ont été démontrés de façon expérimentale en laboratoire. Il n’est donc
6
pas surprenant qu’on retrouve sa trace dans les pubertés précoces .
– Certains produits, comme les bisphénols, bromés ou pas, les
phtalates ou le mercure 7, ont été mis en cause dans des épidémies de
pubertés précoces.
232
– Des expériences chez le rat exposé in utero ont montré que le
8
bisphénol A avance la puberté .
– D’autres études encore établissent un lien entre les phtalates et une
production accrue de kisspeptine, une protéine qui elle-même joue un
rôle dans le déclenchement de la puberté en interagissant avec
l’hypothalamus 9.
– En 1985, une importante étude réalisée à Porto Rico après une
épidémie de pubertés très précoces a montré qu’elle était due aux
hormones de synthèse qui avaient été données aux poulets et aux bœufs
10
d’élevage . Ces hormones n’étaient autres que le fameux Distilbène et
un apparenté, le Zeranol. Les fillettes portoricaines connaissaient parfois
des pubertés dès l’âge de 1 an, et leurs ovaires devenaient polykystiques
comme ceux des femelles alligators et des poissons contaminés aux
hormonotoxiques.
La moitié des fillettes portoricaines a dû, par la suite, subir des
opérations chirurgicales pour retirer les kystes qui s’étaient développés
sur leurs ovaires. C’est en effet le symptôme le plus courant que l’on
retrouve dans le dysfonctionnement de la sphère ovarienne chez de
nombreuses jeunes filles qui n’ont pas toujours conscience de l’origine
environnementale de leurs troubles (voir les prochains chapitres).
Cette lourde contamination pose bien sûr la question de la viande aux
hormones autorisée aux États-Unis et au Canada et qu’il est très difficile
de repérer lors des importations en Europe dans le cadre du nouveau
traité de libre-échange avec le Canada (Ceta).
233
5. A.-S. Parent et al., « The Timing of Normal Puberty and the Age Limits of
Sexual Precocity: Variations around the World, Secular Trends, and Changes after
o
Migrations », Endocrine Reviews, vol. 24, n 5, 2003.
6. G. Rasier et al., « Female Sexual Maturation and Reproduction after Prepubertal
Exposure to Estrogens and Endocrine Disrupting Chemicals: a Review of Rodent
and Human Data », Molecular and Cellular Endocrinology, vol. 254-255, 2006.
7. « Prenatal exposure was assessed by maternal mercury concentration in red
blood cells (RBCs) collected at 1–3 days after delivery » : G. Wang et al.,
« Prenatal Exposure to Mercury and Precocious Puberty: A Prospective Birth
Cohort Study », Human Reproduction. L’exposition prénatale au mercure était
associée à un risque accru de puberté précoce.
8. Howdeshell et al., 1999 ; Howdeshell et vom Saal, 2000, « Developmental
Exposure to Bisphenol A: Interaction with Endogenous Estradiol during Pregnancy
o
in Mice », American Zoologist, vol. 40, n 3, 2000, p. 429-437.
9. C.-Y. Chen, Y.-Y. Chou, Y.-M. Wu, C.-C. Lin, S.-J. Lin et C.-C. Lee,
« Phthalates May Promote Female Puberty by Increasing Kisspeptin Activity »,
o
Human Reproduction, vol. 28, n 10, octobre 2013, p. 2765-2773, [en ligne] DOI
10.1093/humrep/det325.
10. C. A. Sáenz de Rodriguez, A. M. Bongiovanni et L. C. de Borrego, « An
Epidemic of Precocious Development in Puerto Rican Children », The Journal of
o
Pediatrics, vol. 107, n 3, 1986, p. 393-396, [en ligne] DOI 10.1016/s0022-
3476(85)80513-8.
234
26
235
Un environnement chimique qui altère ce mécanisme en imitant les
hormones féminines compromet la survie de l’espèce. Or, la production
mondiale de ces molécules perturbatrices a explosé depuis un siècle.
L’action de nombreux perturbateurs endocriniens peut se produire à
chacun des niveaux de production des hormones mais aussi à chacune
des étapes de la vie. Leur effet a été démontré sur les niveaux aussi bien
central (hypothalamus-hypophyse) que périphérique (gonades).
Rappelons brièvement les bases du mécanisme hormonal reproductif
chez la femme.
236
Lorsque les règles sont anormalement douloureuses, ce qui n’est pas
toujours facile à évaluer de l’extérieur, c’est la dysménorrhée. Il semble
que ces règles extrêmement douloureuses soient devenues plus
fréquentes ces dernières décennies, indépendamment même de
l’endométriose, que nous aborderons au chapitre 30.
Les hormones aux commandes
L’effet des hormones sur le cycle est déterminant. Encore une fois,
tout part de l’hypothalamus. Pendant les quatorze premiers jours du
cycle, il envoie à l’hypophyse une hormone (la GnRH, Gonadotropin-
Releasing Hormone) lui demandant d’envoyer à son tour deux hormones
en direction de l’ovaire. L’une va favoriser, pendant les quatorze
premiers jours, la croissance du follicule qui entoure l’ovocyte ; c’est la
FSH (Follicle-Stimulating Hormone). L’autre va favoriser durant les
quatorze jours suivants la production de progestérone par le follicule
devenu corps jaune après l’ovulation ; c’est la LH (Luteinizing Hormone,
luteus signifiant « jaune » en latin).
237
Cycle hormonal féminin :
De J1 à J14 (quatorze premiers jours du cycle), les hormones (L
H et FSH) descendent du cerveau (hypothalamus et hypophyse) vers
les ovaires, qui se mettent à produire les estrogènes.
À J14, le pic d’hormones (LH et FSH) provoque l’ovulation.
238
À J14, le pic d’hormones (LH et FSH) provoque l’ovulation.
De J14 à J28, l’hormone progestérone prépare la nidation
éventuelle de l’ovule fécondé.
À J28, l’absence de fécondation provoque les règles.
Par rétrocontrôle, le cerveau entretient le dialogue avec les gonades.
239
C’est sous l’influence des hormones qui leur viennent du cerveau que
les ovaires vont produire des hormones estrogènes durant tout le cycle et
de la progestérone sur la seconde moitié seulement.
Par rétrocontrôle toujours, l’hypothalamus jaugera s’il est nécessaire
d’augmenter ou non la production des neurohormones, les GnRH, en
direction de l’hypophyse.
La GnRH (gonadolibérine) est sécrétée de façon pulsatile, avec un
pic toutes les quatre-vingt-dix minutes. Les impulsions de GnRH
stimulent les cellules cibles de l’hypophyse, qui elles-mêmes
déclenchent les impulsions de FSH et LH.
Cette intermittence dans la sécrétion est fondamentale, car elle
permet aux récepteurs de ces hormones de leur rester sensibles : ils
peuvent entre chaque vague « reprendre leur souffle », en quelque sorte.
Si la stimulation est constante, le récepteur perd sa sensibilité. C’est ce
qui se passe lorsque des molécules chimiques qui imitent la GnRH
circulent en trop grande quantité dans le sang. L’administration continue
de GnRH peut provoquer cette désensibilisation des récepteurs entraînant
une véritable castration chimique. C’est le cas notamment avec le
traitement du cancer de la prostate chez l’homme.
Si un perturbateur endocrinien vient, au niveau du cerveau,
interférer avec l’équilibre hormonal naturel, c’est toute la cascade en
aval qui s’en trouve bouleversée, aussi bien pour l’homme que pour
la femme.
Certains perturbateurs chimiques peuvent bloquer la GnRH au niveau
de l’hypothalamus, d’autres vont aussi bloquer la LH et la FSH au
niveau de l’hypophyse. D’autres encore vont descendre d’un étage pour
aller détraquer les estrogènes et la progestérone au niveau des ovaires.
Dans les ovaires, un mauvais dosage de la LH va également entraîner
un déséquilibre d’une autre hormone très importante pour la régularité
des cycles et de l’ovulation : l’hormone antimüllérienne (AMH). Il a été
2
récemment montré à Paris que cette hormone était surexprimée chez les
femmes aux ovulations et aux règles irrégulières.
240
En effet, les taux d’AMH dans le sang des femmes avec des cycles
irréguliers et d’autres troubles sont trois à quatre fois plus élevés que
chez les femmes présentant des cycles, des ovulations et des ovaires
3
normaux (8 ng/ml contre 2 ng/ml) . Plus le taux est haut, plus la maladie
est sévère 4 et moins l’ovulation se fait correctement, ce qui a par la suite
des répercussions sur la fertilité.
Que ce dérèglement du niveau de l’AMH ait un effet néfaste sur le
cycle féminin n’est guère surprenant, car elle joue un rôle fondamental
dans la différenciation sexuelle du fœtus. Il s’agit de l’hormone
« antifemelle » qu’utilise le fœtus mâle pour faire disparaître les canaux
de Müller, précurseurs des organes reproducteurs féminins (voir le
chap. 36).
Parmi les substances dont la responsabilité a été prouvée dans le
dérèglement du cycle, on retrouve nos « 6 P », six poisons hormonaux
comme les pesticides, les plastifiants (phtalates et bisphénols), les
produits pharmaceutiques, etc.
Certains médicaments vont agir comme les polluants chimiques. Leur
effet peut être non voulu ou au contraire recherché. Dans le cas de la
pilule contraceptive, la perturbation du cycle est recherchée. L’action
bloquante s’opère au niveau de l’hypothalamus sur la GnRH (voir le
chap. 25). Pourtant, lorsque la pilule a été mise au point, en 1956, ses
inventeurs ne connaissaient pas l’existence de la GnRH : celle-ci a été
découverte en 1977. Ils bloquaient donc son action sans même le savoir.
Ils pensaient n’agir que sur l’hypophyse…
La réponse la plus courante que le monde médical va apporter à un
dérèglement des cycles menstruels sera de fournir artificiellement à
l’organisme des jeunes filles des hormones synthétiques sous forme de
pilule contraceptive. Or, celle-ci est classée « cancérigène » par les
organismes de santé internationaux, comme on le verra au chapitre 32.
L’irrégularité du cycle hormonal peut parfois s’accompagner d’un
autre trouble qui a pour nom « syndrome des ovaires polykystiques » ou
SOPK.
241
1. F. Clavel-Chapelon et l’E3N-EPIC Group, « Evolution of Age at Menarche and
at Onset of Regular Cycling in a Large Cohort of French Women », Human
o
Reproduction, vol. 17, n 1, janvier 2002, p. 228-232, [en ligne]
https://doi.org/10.1093/humrep/17.1.228
2. A. Pierre et al., « Loss of LH-Induced Down-Regulation of Anti-Müllerian
Hormone Receptor Expression May Contribute to Anovulation in Women With
Polycystic Ovary Syndrome », Human Reproduction, édition en ligne du 14 janvier
2013.
3. Ibid. ; M. E. Fallat et al., « Müllerian-Inhibiting Substance in Follicular Fluid
and Serum: a Comparison of Patients with Tubal Factor Infertility, Polycystic
o
Ovary Syndrome, and Endometriosis », Fertility and Sterility, vol. 67, n 5, 1997.
4. A. Piouka et al., « Anti-Müllerian Hormone Levels Reflect Severity of PCOS
but are Negatively Influenced by Obesity: Relationship with Increased Luteinizing
Hormone Levels », American Journal of Physiology, Endocrinology and
o
Metabolism, 2009, vol. 296, n 2.
242
27
243
À gauche, des ovaires normaux.
Le nombre de follicules par ovaire est en moyenne de six à douze.
Leur taille ne dépasse pas 5 millimètres.
Le volume de l’ovaire est petit, environ 6 centimètres cubes.
À droite, des ovaires polykystiques.
Le nombre de follicules par ovaire est supérieur à quinze. Leurs tailles
sont très différentes et parfois très importantes (9 millimètres).
L’ovaire est deux fois plus gros que la normale et mesure environ
13 centimètres cubes.
244
D’autres signes cliniques accompagnent l’excès de follicules et de
volume des ovaires : un poids plus élevé, une durée du cycle plus longue,
un hirsutisme plus appuyé, un taux de testostérone dans le sang plus
important et un taux d’androgènes libres (hormones mâles) plus
prononcé. Ces concentrations d’hormones mâles constituent l’un des
volets dysfonctionnels pris en compte par le SOPK. C’est
l’hyperandrogénisme (voir le chap. 28).
D’une manière générale, le SOPK est associé à un ensemble de
risques accrus par rapport à la population saine : quatre fois plus
d’obésité, trois fois plus de diabète de type 2, quatre fois plus
d’hypertension.
Les causes du syndrome des ovaires polykystiques commencent à
être bien cernées. Certes, un certain patrimoine génétique peut être
considéré comme un facteur favorisant, mais ce que les scientifiques
savent désormais, c’est que les facteurs environnementaux chimiques ont
la capacité, à eux seuls, de provoquer de tels dysfonctionnements, surtout
lors d’une exposition fœtale ou postnatale.
245
nombreux ovocytes non protégés par un follicule, des « ovocytes nus »
non viables et arrêtés dans leur croissance. « Ces découvertes, explique
Patricia Hunt, soulèvent des inquiétudes pour la santé reproductive
3
humaine . »
– Le bisphénol A agit en endommageant l’ADN des précurseurs des
ovocytes dès l’âge fœtal 4. Cette augmentation de cellules germinales
dégénérées inquiète grandement les biologistes de l’université de
Barcelone qui ont réalisé cette étude : « Une diminution des ovocytes
chez le fœtus, expliquent-ils, peut causer une altération de la réserve
5
ovarienne et de la qualité des ovocytes chez la femelle adulte . »
Ces constatations semblent décrire un mécanisme comparable à celui
qu’a mis en évidence le chercheur danois Niels Skakkebaek chez le
fœtus mâle : les cellules germinales précurseurs des spermatozoïdes sont
perturbées par un polluant à l’âge fœtal, et la spermatogenèse à l’âge
adulte est altérée. Pour le fœtus féminin, il en va de même : les
précurseurs des ovocytes sont endommagés et les ovaires deviennent
polykystiques à l’âge adulte.
246
Ovogenèse normale ou altérée :
1 – Durant la période fœtale, les cellules germinales se transforment
en gonocytes grâce aux hormones estrogéniques fournies par les
cellules de la granulosa.
2 – Durant la période prépubère, les gonocytes deviennent des
ovogonies.
3 – Après la puberté, les ovogonies évoluent en ovocytes qui sont les
équivalents des spermatozoïdes.
1alt – Lors de l’ovogenèse altérée par les conditions
environnementales et génétiques, les gonocytes sont perturbés.
2alt – Les ovogonies sont également détériorées.
3alt – Les ovocytes altérés se développent de façon anarchique,
certains contenant plusieurs noyaux. Ils donnent naissance à des
follicules polykystiques.
247
poids de naissance. La résistance à l’insuline initiée durant la période
fœtale serait à l’origine de dysfonctionnements ovariens à l’âge adulte.
La théorie sur l’origine fœtale des maladies, dite « théorie de Barker »,
semble s’affirmer avec toujours plus d’évidence.
Combien d’études faudra-t-il encore produire pour que l’on veuille
bien aborder l’origine fœtale des ovaires polykystiques des femmes et
leur cause chimique ?
248
28
En Pologne, une étude a montré que les femmes avec un SOPK 1 sont
plus contaminées au bisphénol A que les autres et qu’elles ont un
dérèglement de tout leur équilibre hormonal.
249
Groupe témoin en Groupe SOPK
bonne santé masculinisé
250
semble logique dans la mesure où cette hormone est l’hormone que
sécrète le fœtus garçon pour se différencier des filles. Chez les
mammifères, c’est l’« hormone antifemelle » par excellence.
251
Des souris masculinisées en laboratoire
252
Séquence d’enchaînement des événements : l’excès d’insuline arrive
avant l’excès de poids.
253
antifongiques (fongicides) de la famille des imidazoles. Or, ces structures
imitent des substances naturelles de l’organisme, comme l’histamine.
L’histamine est elle-même en interaction avec l’estrogène, la
9
progestérone et le cortisol . À noter que certains antibiotiques
appartiennent à cette famille : ils inhibent l’ADN des bactéries.
Certains fongicides, comme la vinclozoline, sont connus pour leurs
effets perturbateurs sur les hormones. Durant la gestation, la vinclozoline
peut féminiser les mâles et viriliser les femelles 10.
Dans le cas des grenouilles hermaphrodites de Californie, l’herbicide
atrazine avait aussi pris pour cible l’aromatase mais l’avait au contraire
surexprimée, provoquant ainsi une féminisation et non pas une
masculinisation.
Ce que ces polluants chimiques provoquent assurément, c’est un
déséquilibre hormonal généralisé qui pourra prendre différentes
formes selon le patrimoine génétique de chacun.
D’une manière générale, l’hyperandrogénisme est fortement associé
aux dysfonctions métaboliques. Les femmes qui ont des dysfonctions
ovariennes sans hyperandrogénie sont moins à risque de troubles
métaboliques.
L’hyperandrogénie est également associée à une flore intestinale
déséquilibrée, ce qui a donné des idées de traitement à des chercheurs
californiens. Rétablir l’équilibre du microbiote soignerait-il le SOPK ?
254
Perturbation de l’enzyme aromatase :
La structure chimique appelée « létrozole » est un perturbateur
endocrinien assumé, puisqu’il déséquilibre les hormones mâles et
femelles en se collant à l’enzyme aromatase, ce qui limite son
activité.
Le létrozole est composé de deux cycles benzène reliés à un cycle à
cinq côtés et trois atomes d’azotes (triazole), comme de nombreux
11
fongicides .
L’herbicide Atrazine perturbe l’enzyme aromatase en augmentant
son activité chez la grenouille.
L’atrazine comporte un cycle benzène avec trois atomes d’azote.
1. A. Konieczna, D. Rachoń, K. Owczarek, P. Kubica, A. Kowalewska,
B. Kudłak… et J. Namieśnik, « Serum Bisphenol A Concentrations Correlate With
Serum Testosterone Levels in Women With Polycystic Ovary Syndrome »,
Reproductive Toxicology, 2018, [en ligne] DOI 10.1016/j.reprotox.2018.09.006.
2. Ibid.
3. B. Tata, Paolo Giacobini et al., « Elevated Prenatal Anti-Müllerian Hormone
Reprograms the Fetus and Induces Polycystic Ovary Syndrome in Adulthood »,
o
Nature Medicine, vol. 24, n 6, 2018, p. 834-846.
255
4. [en ligne] https://presse.inserm.fr/vers-une-comprehension-de-lorigine-du-plus-
frequent-des-troubles-de-linfertilite-feminine/31387
5. C’est un phénomène épigénétique.
6. « Vers une compréhension de l’origine du plus fréquent des troubles de
l’infertilité féminine », Inserm, 17 mai 2018.
7. D. V. Skarra, A. Hernández-Carretero, A. J. Rivera, A. R. Anvar et
V. G. Thackray, « Hyperandrogenemia Induced by Letrozole Treatment of Pubertal
Female Mice Results in Hyperinsulinemia Prior to Weight Gain and Insulin
o
Resistance », Endocrinology, vol. 158, n 9, 2017, p. 2988-3003, [en ligne] DOI
10.1210/en.2016-1898.
8. Maria Mavromati et Jacques Philippe, « Syndrome des ovaires polykystiques :
quoi de neuf ? », art. cit.
9. [En ligne] https://www.fxmedicine.com.au/blog-post/relationship-between-
histamine-oestrogen-progesterone-and-cortisol
10. J. Buckley, E. Willingham, K. Agras et L. S. Baskin, « Embryonic Exposure to
the Fungicide Vinclozolin Causes Virilization of Females and Alteration of
Progesterone Receptor Expression In Vivo: An Experimental Study In Mice »,
Environmental Health, 2006, [en ligne] DOI 10.1186/1476-069X-5-4.
11. J. T. Sanderson, J. Boerma, G. W. Lansbergen et M. van den Berg, « Induction
and Inhibition of Aromatase (CYP19) Activity by Various Classes of Pesticides in
H295R Human Adrenocortical CarciNoma Cells », Toxicology and Applied
Pharmacology, vol. 182, 2002, p. 44-54.
256
29
257
Microbiote et perturbation hormonale :
À gauche, une souris contaminée avec un perturbateur hormonal
mais dont le microbiote a été restauré ; les ovaires sont presque
normaux et ovulent.
À droite, une souris contaminée de la même façon, mais sans
restauration du microbiote ; les ovaires sont polykystiques et non
fonctionnels.
258
Les bactéries de l’intestin ont déjà montré qu’elles étaient capables
de révolutionner l’approche académique de la médecine. Un
rétablissement de la biodiversité bactérienne est venu à bout de maladies
très invalidantes, comme la « diarrhée nosocomiale », due au
Clostridium difficile. Les souches pathogènes de cette bactérie ont été
« sélectionnées » dans les hôpitaux du fait de l’utilisation des
antibiotiques (quinolones et céphalosporines) et des antibactériens. Le
3
recours à un additif sucrant, le tréhalose , dans les aliments et les levures
de boulanger aurait également contribué à la vague mondiale et très
mortelle d’infections à Clostridium difficile. Les résultats obtenus en
utilisant des greffes fécales ont été spectaculaires et ont guéri les malades
avec un taux de réussite de plus de 90 %.
Chez les souris, un microbiote restauré a entraîné de bons résultats
dans des maladies comme le diabète de types 1 et 2, l’obésité, la maladie
de Crohn et même le cancer colorectal.
En résumé, si les bactéries de l’intestin peuvent protéger contre
certaines maladies, il est aussi vrai que les produits chimiques qui
auront tendance à détruire les bactéries de la flore intestinale
provoqueront par ricochet une suppression des défenses de
l’organisme. C’est le cas du triclosan, massivement utilisé comme
bactéricide et dérivé du… benzène. Il est impliqué dans les maladies
inflammatoires intestinales et dans la prolifération des cellules
4
cancéreuses menant au cancer du côlon .
Pour aller plus loin sur la révolution médicale que peut représenter le
microbiote, il est recommandé de visionner le très bon documentaire de
5
Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade sur la question .
259
3. J. D. Ballard, « Pathogens Boosted by Food Additive: Epidemic Strains of the
Bacterium Clostridium Difficile Have Now Been Found to Grow on Unusually
Low Levels of the Food Additive Trehalose, Providing a Possible Explanation for
C. Difficile Outbreaks Since 2001 (Le tréhalose alimentaire accroît la virulence de
l’épidémie de Clostridium difficile) », Nature, « News and Views », 3 janvier 2018.
4. H. Yang et al., « A Common Antimicrobial Additive Increases Colonic
Inflammation and Colitis-Associated Colon Tumorigenesis in Mice », Science
o
Translational Medicine, vol. 10, n 443, 30 mai 2018.
5. S. Gilman et T. de Lestrade, Microbiote, les fabuleux pouvoirs du ventre, Yuzu
Productions, Arte France et Inra, 2019, 58 minutes.
260
30
Des cellules qui métastasent
261
sac de Douglas), le vagin, l’intestin, la vessie, voire exceptionnellement
le tube digestif et les poumons.
Les cellules métastasées forment des lésions éparses et foncées « en
taches de girafe ».
Parfois, des fibroses ligamenteuses, des adhérences, se développent
entre plusieurs organes et les engluent dans une gangue qui les soude les
uns aux autres, ce qui génère de fortes douleurs. Il faut alors intervenir
chirurgicalement pour séparer les organes et leur rendre leur liberté.
Les symptômes sont très divers, ce qui rend cette maladie déroutante.
Outre les douleurs pendant les règles, il faut ajouter les douleurs pendant
les rapports sexuels, lors de la défécation et de la miction, mais aussi des
douleurs chroniques à l’abdomen et dans la région lombaire, le long du
nerf sciatique ou crural. Elles peuvent se manifester indépendamment du
1
cycle menstruel .
L’endométriose n’est donc pas une maladie bénigne, même si elle
n’est pas maligne. On admet qu’elle aura des effets sur la fertilité dans
30 % des cas et que 20 à 50 % des patientes qui consultent pour une
infertilité ont une endométriose.
262
Endométriose :
À gauche, l’appareil génital sain ; les tissus de l’endomètre sont bien
séparés des autres tissus.
À droite, l’endométriose a fait métastaser les tissus de l’endomètre
sur d’autres organes et forme des lésions (en noir). Ces tissus peuvent
continuer à se gonfler de sang et à saigner en fonction du cycle
menstruel.
263
mal à tenir la route dans la mesure où l’Inserm reconnaît lui-même que
90 % des femmes peuvent présenter ce genre de saignements inversés,
alors que seules 10 % développent des lésions d’endométriose. Les
causes, reconnaît l’institut, seraient pour moitié génétiques et pour moitié
environnementales.
Le volet génétique cible surtout l’épigénétique, c’est-à-dire non pas
les gènes eux-mêmes, mais la façon dont ils sont exprimés (« allumés »
ou « éteints »). Ainsi, certaines femmes ont des enzymes qui peuvent
multiplier par sept les risques d’avoir certaines formes d’endométriose.
L’autre volet explore la piste des perturbateurs hormonaux
chimiques.
La moitié des endométrioses
est due aux perturbateurs environnementaux
Plusieurs exemples reliant endométriose et toxiques chimiques sont
3
cités dans la littérature scientifique. En voici quelques-uns :
– Les femmes qui ont été exposées in utero au Distilbène, ainsi que
leurs filles, ont un risque accru de 80 % d’endométriose par rapport aux
femmes non exposées 4.
– Chez la souris, l’exposition prénatale au bisphénol A pendant
seulement une semaine favorise à l’âge adulte une pathologie
5
équivalente à l’endométriose ainsi que des polypes précancéreux sur
l’utérus, des cancers du col de l’utérus et des cancers mammaires.
L’exposition postnatale au BPA entraîne aussi une sorte
d’endométriose 6.
– Le taux de phtalates chez les femmes adultes est directement en
relation avec la sévérité de la maladie. Ils pourront à certaines doses
7
réduire les estrogènes ou au contraire les augmenter à d’autres doses .
– Les pesticides jouent un rôle dans le déclenchement
d’endométrioses, en particulier certains fongicides et le lindane (un
264
8
insecticide) .
– Le rôle des perfluorés, des PCB (polychlorobiphényles) et de
certains métaux a également été démontré dans l’augmentation des
risques d’endométriose.
– L’université de Floride a reproduit l’endométriose sur vingt-quatre
singes rhésus en utilisant des doses variables de dioxines 9. L’étude a
duré quinze ans, et les lésions développées ont été jugées
« remarquablement similaires à celles des humains ». On retrouvait
notamment les kystes, les adhérences sur les ovaires, le côlon, l’urètre et
la vessie.
– Les femmes exposées à la dioxine lors de la catastrophe industrielle
10
de Seveso, en 1976, ont vu leur risque d’endométriose doubler .
– Une autre étude a pu mettre en évidence que les femmes qui
avaient un taux plus élevé de dioxine dans les graisses avaient un risque
d’endométriose multiplié par 2,5 11.
265
Les cellules étaient le plus souvent situées à l’arrière de l’utérus, dans
l’espace entre l’utérus et le sacrum, la partie inférieure de la colonne
vertébrale. Ces cellules étaient également équipées du récepteur de
l’estrogène et d’autres marqueurs indiquant une forte ressemblance de
structure avec les cellules de l’endomètre.
C’est pourquoi les chercheurs pensent que l’endométriose est
causée par la migration anormale de cellules primitives de
l’endomètre en dehors de la cavité utérine pendant la formation des
organes de l’embryon. Ces tissus resteraient « silencieux » pendant
l’enfance et se réveilleraient avec l’imprégnation hormonale de la
puberté, entraînant le début de l’endométriose.
On a pu montrer que chez les embryons femelles, lors de la période
cruciale de la différenciation sexuelle, une imprégnation chimique peut
13
gêner l’application du programme génétique. Des chercheurs russes
confortent cette origine embryonnaire de l’endométriose. Selon eux, les
cellules germinales qui vont migrer vers les gonades pour les transformer
en ovaires seraient entravées dans leur communication. Au lieu de
converger pour accomplir la genèse de l’organe reproducteur, utérus et
vagin, certaines arrêtent leur migration en chemin, et ce seraient ces
cellules qui donneraient naissance aux tissus anarchiques de
l’endométriose 14.
266
Genèse des organes de l’embryon féminin :
Dans le rectangle, les cellules de l’endomètre ectopiques, c’est-à-dire
migrées hors de leurs tissus d’origine, l’endomètre de la cavité
utérine. Les mêmes localisations sont retrouvées à l’âge adulte chez
les femmes atteintes d’endométriose.
267
accompagne le développement et la progression de l’endométriose. La
distance ano-génitale est souvent réduite chez les femmes atteintes. Cette
réduction va dans le sens d’une altération de la différenciation sexuelle.
268
19
l’âge moderne ». Selon lui, la chirurgie demeure le seul traitement pour
soigner l’endométriose, la seule cure.
Ces éclairages nouveaux apportent aussi des informations sur les
remèdes. Selon le taux d’estrogènes circulant, certaines bactéries se
développent et d’autres disparaissent. De même, les analyses de la flore
bactérienne ont montré que les traitements hormonaux à la
neurohormone (GnRH) de synthèse avaient des effets néfastes sur
l’équilibre bactérien.
Des analyses récentes ont montré que, comparées à des femmes non
traitées, les femmes sous neurohormones de synthèse avaient plus de
streptocoques, de staphylocoques et d’entérobactéries et moins de
bactéries bénéfiques comme les lactobacilles, ce qui aggravait la
progression de la maladie.
Les médicaments antidouleur (paracétamol) peuvent aussi avoir des
actions estrogéniques, ce qui est bien sûr contre-productif, car
l’estrogène aggrave la maladie.
Que préconisent les recommandations
officielles françaises ?
269
22
Pasca , Pharmacritique. De nombreuses célébrités, comme Énora
Malagré 23, Julie Gayet, Laëtitia Milot, Imany, alertent également sur
cette maladie méconnue. Les actrices de cinéma n’hésitent plus à briser
le tabou, contrairement à leurs aînées des années 1950. Ainsi, ce n’est
qu’après sa mort que le grand public a découvert que Marilyn Monroe
24
avait été opérée sept fois pour endométriose entre 1952 et 1962 .
Toute cette mobilisation pour faire sortir l’endométriose de la
clandestinité a permis aux jeunes générations, qui sont beaucoup plus
touchées que leurs mères et leurs grands-mères, de comprendre qu’elles
ne sont plus condamnées à une longue et inutile errance médicale. Un
diagnostic et une prise en charge rapides permettent une « dentelle de
chirurgie » qui peut restaurer en grande partie les capacités reproductives
des femmes et donc autoriser les projets de grossesse pour celles qui le
souhaitent.
270
7. G. M. Buck Louis, Z. Chen, C. M. Peterson, M. L. Hediger, M. S. Croughan,
R. Sundaram et al., « Persistent Liphophilic Environmental Chemicals and
Endometriosis: The LIFE Study », Environmental Health Perspectives, vol. 120,
2012, p. 811-816.
8. M. A. Cooney, G. M. Buck Louis, M. L. Hediger, A. Vexler et P. J. Kostyniak,
« Organo-Chlorine Pesticides and Endometriosis », Reproductive Toxicology,
vol. 30, 2010, p. 365-369.
9. S. Rier, « Endometriosis in Rhesus Monkeys (Macaca Mulatta) Following
Chronic Exposure to 2,3,7,8-Tetrachlorodibenzo-P-Dioxin », Fundamental and
o
Applied Toxicology, vol. 21, n 4, 1993, p. 433-441.
10. B. Eskenazi et al., « Serum Dioxin Concentrations and Endometriosis: A
o
Cohort Study in Seveso, Italy », Environmental Health Perspectives, vol. 110, n 7,
juillet 2002, p. 629-634, [en ligne] DOI 10.1289/ehp.02110629.
11. Peter Simsa et al., « Increased Exposure to Dioxin-Like Compounds Is
Associated With Endometriosis in a Case-Control Study in Women », Reproductive
o
Biomedicine Online, vol. 20, n 5, 2010.
12. P. G. Signorile et al., « Embryologic Origin of Endometriosis: Analysis of
o
101 Human Female Fetuses », Journal of Cellular Physiology, vol. 227, n 4, 2012,
p. 1653-1656, [en ligne] DOI 10.1002/jcp.22888.
13. Z. Makiyan, « Endometriosis Origin From Primordial Germ Cells »,
o
Organogenesis, vol. 13, n 3, 3 juillet 2007, p. 95-102, [en ligne] DOI
10.1080/15476278.2017.1323162 ; Epub 2017 May 9 ; PMID 28486048 ; PMCID
PMC5654850.
14. P. G. Signorile, F. Baldi, R. Bussani, M. D’Armiento, M. De Falco,
M. Boccellino, L. Quagliuolo, A. Baldi, « New Evidence of the Presence of
Endometriosis in the Human Fetus », Reproductive Biomedicine Online, vol. 21,
o
n 1, juillet 2010, p. 142-147, [en ligne] DOI 10.1016/j.rbmo.2010.04.002 ; Epub
2010 Apr 4 ; PMID 20471320.
15. R. R. Newbold, W. N. Jefferson et E. Padilla-Banks, « Long-Term Adverse
Effects of Neonatal Exposure… », art. cit.
16. P. García-Peñarrubia, A. J. Ruiz-Alcaraz, M. Martínez-Esparza, P. Marín et
F. Machado-Linde, « Hypothetical Roadmap Towards Endometriosis: Prenatal
Endocrine-Disrupting Chemical Pollutant Exposure, Anogenital Distance, Gut-
Genital Microbiota and Subclinical Infections », Human Reproduction Update,
o
vol. 26, n 2, 28 février 2020, p. 214-246, [en ligne] DOI
10.1093/humupd/dmz044 ; PMID 32108227.
17. Pietro G. Signorile et Alfonso Baldi, « Endocrine Disruptors and
Endometriosis: The Role of BPA », 2017.
18. Ibid.
19. Traduction d’Elena Pasca, disponible sur le site Pharmacritique : [en ligne]
https://pharmacritique.com/2011/07/29/face-au-business-et-a-la-psychologisation-
de-lendometriose-lurgence-de-redefinir-lendometriose-a-lage-moderne-et-son-
traitement-par-exerese-selon-le-dr-david-redwine-2
271
20. [En ligne] https://www.resendo.fr
21. M.-A. Mormina, La Maladie taboue, Fayard, 2015 ; Florence Kanban, Je serai
maman. Endométriose, PMA, adoption. Mon combat jusqu’à toi, Médiaspaul,
2020.
22. [En ligne] https://pharmacritique.com
23. E. Malagré, Un cri du ventre, J’ai lu, 2021.
24. M. Winckler, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les règles sans
jamais avoir osé le demander, Fleurus, 2008.
272
31
273
Incidence et mortalité du cancer du sein :
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent, avec plus de 40 000 nouveaux
cas par an, et le plus mortel chez la femme, avec 12 000 décès par an. (Santé
2
publique France 2019 )
274
Selon Santé publique France, cette hausse est attribuable pour moitié
à la croissance et au vieillissement de la population, et pour l’autre
4
moitié à l’augmentation du risque . En revanche, la mortalité reste à peu
près stable 5. Les autorités sanitaires peinent à s’expliquer cette courbe
ascendante. Le doute et l’incertitude sont de mise quant aux facteurs de
risque ; on y trouve pêle-mêle l’obésité, le travail de nuit, l’alcool, les
perturbateurs hormonaux et certaines expositions professionnelles à des
6
produits chimiques comme les solvants .
275
Pour le Pr Belpomme, le cancérologue qui avait dénoncé le scandale
du chlordécone aux Antilles bien avant que les agences officielles le
reconnaissent, l’explication est beaucoup plus évidente, et elle a pour
8
nom « perturbateurs endocriniens » .
Qu’est-ce qui provoque un cancer en général ? Le professeur tient à
rappeler qu’un cancer commence toujours par une dégradation de l’ADN
dans un chromosome. Cette dégradation peut prendre la forme d’une
mutation lors de la division cellulaire ou encore d’une rupture de l’ADN
qui n’est pas ensuite corrigée par l’organisme. « Puisqu’il ne peut y avoir
de cancer sans mutation, explique-t-il, les véritables facteurs mutagènes
ne peuvent être que dans l’environnement. Il s’agit là d’un constat qui,
bien qu’il soit scientifiquement évident, a été totalement occulté jusqu’à
ce jour 9. » Pour lui, il y a donc trois et seulement trois catégories de
facteurs capables de faire muter l’ADN dans les cellules : les virus, les
rayonnements ionisants et les produits chimiques.
Certains produits chimiques, nous l’avons vu, sont capables de
mimer les estrogènes, dont la fonction est justement de permettre la
multiplication des cellules lors de la gestation. Si une cellule est mal
recopiée, le fait de favoriser sa multiplication aggrave le risque de
tumeur en diminuant la capacité de réparation de l’ADN. L’estrogène
est donc un facteur d’augmentation des cancers, et les produits
10
chimiques estrogénomimétiques aussi .
Avec son association Artac, le Pr Belpomme a passé en revue les
explications avancées officiellement à l’épidémie de cancers du sein 11.
Elles sont selon lui insuffisantes :
– Le dépistage organisé ? L’augmentation des cancers du sein a
commencé bien avant la mise en place du dépistage. De plus,
l’augmentation des cancers s’observe aussi dans les départements
dépourvus de moyens de dépistage.
– Le vieillissement de la population ? Il est vrai que le risque
s’accroît avec l’âge. Mais ne faudrait-il pas attribuer ce phénomène à une
accumulation des polluants persistant dans l’organisme de chaque
individu plus qu’à un vieillissement biologique ?
276
– Les gènes ? En une génération, la génétique ne peut pas évoluer
aussi rapidement, à moins qu’elle ne soit modifiée par des phénomènes
extérieurs chimiques, ce qui renforcerait la piste d’une pollution
chimique qui irait jusqu’à altérer les gènes eux-mêmes ou du moins leur
expression (hypothèse épigénétique).
277
Les parabènes sont également retrouvés dans les cancers du sein. Ils
font partie des « 6 P » définis au chapitre 2. Ils sont introduits comme
conservateurs dans 80 % des produits d’hygiène et de toilette
(shampoings, crèmes hydratantes, mousses à raser, gels nettoyants, etc.)
et dans certains médicaments (400 spécialités pharmaceutiques en
15
contiendraient ; la liste a été publiée par le journal Le Monde en 2011 ).
Les parabènes ont une activité hormonale, car ils peuvent se lier aux
récepteurs des estrogènes, les hormones féminines.
En 2004, l’alerte est venue d’une étude britannique 16. Celle-ci a
montré que des tumeurs de cancer du sein contenaient des parabènes, le
plus fréquemment retrouvé étant le méthylparabène. Depuis, leurs effets
sur la fertilité masculine ont été démontrés chez l’animal.
278
D’autres toxiques comme l’aluminium ont été mis en cause dans les
cancers du sein. Une étude suisse en a montré le mécanisme carcinogène
18
sur des cellules mammaires vivantes .
Les générations d’après guerre ont été largement imprégnées de ces
polluants persistants. Le WWF avait réalisé en 2005 des prises de sang
sur trois générations composant des familles européennes. Ce sont les
grands-mères qui se sont révélées les plus contaminées, avec soixante-
trois produits retrouvés dans leur sang. Les mères en avaient quarante-
neuf et les petits-enfants cinquante-neuf, soit plus que leur mère. Le sang
des grands-mères contenait des produits comme le DDT et les PCB, qui
avaient pourtant été interdits trente à quarante ans auparavant 19.
Les perturbateurs hormonaux cancérigènes se cachent aussi dans les
médicaments.
279
hormonal de la ménopause, en vain. Dans les années 2000, une étude
22
portant sur 16 000 femmes met en évidence un surrisque de 50 % de
cancer du sein. S’ajoutent à cela des accidents cardiaques, veineux et
cérébraux, dont la démence.
En 2003, c’est la fameuse étude « 1 million de femmes 23 » qui donne
le coup de grâce aux traitements hormonaux de la ménopause : elle
montre que le risque de cancer du sein augmente de 66 % avec les
hormones synthétiques, que ce soit des estrogènes seuls ou des
estrogènes associés à la progestérone. Le surplus de cancers du sein en
Grande-Bretagne est estimé à 20 000 sur la décennie précédant la
publication de l’étude.
Une étude française confirmera le risque accru de cancer du sein,
mais cela n’empêche pas l’Agence nationale de sécurité du médicament
(ANSM) de continuer à promouvoir le traitement hormonal de la
24
ménopause (THM) . Quant aux sociétés savantes de gynécologie, dont
les congrès sont financés par l’industrie pharmaceutique, elles
recommandent chaudement les hormones synthétiques aux femmes
ménopausées. Cette fois, les femmes se détournent du traitement
hormonal. L’arrêt de sa « prescription massive » intervient en 2003. La
courbe des cancers du sein opère une baisse importante dans les années
qui suivent (voir le schéma ci-dessus).
Le plus étonnant est que les mêmes hormones de synthèse qui sont
dans la pilule contraceptive passent entre les mailles du filet. Elles sont
pourtant tout aussi cancérigènes et classées comme telles par le Circ
(Centre international de recherche sur le cancer) de l’OMS.
Qu’en est-il de tous les autres médicaments courants qui ont des
effets estrogéniques ?
280
La plupart des cancers commençant dans les cellules qui contiennent
le plus de récepteurs des estrogènes, il n’est pas incongru de se demander
si les médicaments qui ont pour effet d’augmenter l’estrogénisation et
donc de multiplier les récepteurs des estrogènes ne jouent pas un rôle
délétère dans la préparation du terrain à un futur cancer du sein. Tous ces
médicaments qui sont listés dans le chapitre sur les gynécomasties chez
l’homme vont des diurétiques aux antidépresseurs en passant par les
statines.
Il faudrait ajouter à cette liste de produits dangereux tous les autres
produits chimiques estrogénomimétiques que l’on trouve entre autres
25
dans les cosmétiques, comme les crèmes solaires aux benzophénones .
Ana Soto a passé au crible de nombreux produits chimiques et a trouvé
parmi eux plus de 200 substances estrogénomimétiques 26.
281
Plusieurs études ont remis en question l’intérêt des mammographies
dans le dépistage du cancer du sein, qu’elles soient finlandaises, danoises
28
ou canadiennes . Le débat sur le dépistage généralisé par
mammographie est donc loin d’être clos.
Il en va de même sur les traitements donnés lorsque le cancer du sein
est diagnostiqué.
282
4. Ibid.
5. « Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France
métropolitaine », Lyon, International Agency for Research on Cancer, [en ligne]
http://gco.iarc.fr/resources/paf-france_fr.php
6. P. Guénel et S. Villeneuve, « Exposition professionnelle aux solvants organiques
et cancers du sein chez l’homme et la femme : de nouveaux résultats renforcent les
hypothèses sur des facteurs de risque environnementaux », Institut de veille
sanitaire Saint-Maurice, 2014.
7. F. Binder-Foucard, N. Bossard, P. Delafosse, A. Belot, A.-S. Woronoff et
L. Remontet, « Cancer Incidence and Mortality in France Over the 1980-2012
o
Period: Solid Tumors », Revue d’épidémiologie et de santé publique, vol. 62, n 2,
2014, p. 95-108, [en ligne] DOI 10.1016/j.respe.2013.11.073
8. [En ligne] https://www.artac.info/fr/prevention/prevention-environnementale/l-
origine-environnementale-des-cancers_000126.html
9. Ibid.
10. A. M. Soto et al., « The E-SCREEN Assay as a Tool to Identify Estrogens : An
Update on Estrogenic Environmental Pollutants », Environmental Health
Perspectives, vol. 103, 1995.
11. [En ligne] https://www.artac.info/fr/prevention/prevention-environnementale/l-
origine-environnementale-des-cancers_000126.html
12. J. R. Palmer et al., « Risk of Breast Cancer in Women Exposed to
Diethylstilbestrol in Utero: Preliminary Results (United States) », Cancer Causes
o
and Control, vol. 13, n 8, 2002, p. 753-758 ; J. R. Palmer, « Prenatal
Diethylstilbestrol Exposure and Risk of Breast Cancer », Cancer Epidemiology,
o
Biomarkers and Prevention, vol. 15, n 8, 2006, p. 1509-1514.
13. R. M. Giusti, K. Iwamoto et E. E. Hatch, « Diethylstilbestrol revisited: a
review of the long-term health effects », Annals of Internal Medicine, vol. 122,
o
n 10, 1995.
14. J. Le Moal et F. Coignard, « Exposition au DDT durant l’enfance et cancer du
sein », Afsset – Bulletin de veille scientifique en sécurité sanitaire de
o
l’environnement et du travail, n 6, 2008, p. 38 ; B. A. Cohn, M. S. Wolff,
P. M. Cirillo et R. I. Sholtz, « DDT and Breast Cancer in Young Women: New Data
on the Significance of Age at Exposure », Environmental Health Perspectives,
o
vol. 115, n 10, 2007, p. 1406-1414, [en ligne] DOI 10.1289/ehp.10260
15. Paul Benkimoun : https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/05/23/des-
parabenes-presents-dans-400-medicaments_1525948_3244.html#ens_id=1525957
16. P. D. Darbre et al., (2004), « Concentrations of Parabens in Human Breast
Tumours », Journal of Applied Toxicology : JAT. 24. 5-13. 10.1002/jat.958.
17. Ibid.
18. S. J. Mandriota, « A Case-control Study Adds a New Piece to the
Aluminium/Breast Cancer Puzzle », EBioMedicine, 2017. S. J. Mandriota et al.,
283
« Aluminium Chloride Promotes Tumorigenesis and Metastasis in Normal Murine
Mammary Gland Epithelial Cells », International Journal of Cancer, 2016.
19. « WWF teste le sang de familles européennes », [en ligne]
https://www.nouvelobs.com/monde/20051006.OBS1321/wwf-teste-le-sang-de-
familles-europeennes.html ; « Des tests sanguins pratiqués par l’association
écologiste sur trois générations de 13 familles européennes ont permis de détecter
la présence de 73 produits chimiques », [en ligne]
https://wwf.panda.org/fr/wwf_action_themes/politique_europeenne/?12622
20. Valentine Tomaszek, « Comment s’informent les femmes sur la ménopause et
quelles sont leurs attentes vis-à-vis de leur médecin traitant sur le sujet ? », 2016,
[en ligne] http://www.bichat-
larib.com/publications.documents/5114_Tomaszek_Valentine_These.pdf
21. In Robert Wilson, Feminine Forever, 1966.
22. Writing Group for the Women’s Health Initiative Investigators, « Risks and
Benefits of Estrogen Plus Progestin in Healthy Postmenopausal Women: Principal
Results From the Women’s Health Initiative Randomized Controlled Trial »,
o
Journal of the American Medical Association, vol. 288, n 3, 2002, p. 321-333, [en
ligne] DOI 10.1001/jama.288.3.321
23. E. Banks et Collaborators MWS, « Breast Cancer and Hormone-Replacement
o
Therapy in the Million Women Study », The Lancet, vol. 362, n 9382, 2003,
p. 419-427.
24. [En ligne] https://archiveansm.integra.fr/Dossiers/Traitement-hormonal-
substitutif-de-la-menopause/Traitement-hormonal-de-la-menopause-
THM/(offset)/0
25. M. H. Hsieh, E. C. Grantham, B. Liu et al., « In Utero Exposure to
Benzophenone-2 Causes Hypospadias Through an Estrogen Receptor Dependent
Mechanism », Journal of Urology, vol. 178 (4 Pt 2), 2007, p. 1637-1642 ;
C. J. Weisbrod, P. Y. Kunz, A. K. Zenker et al., « Effects of the UV Filter
Benzophenone-2 on Reproduction in Fish », Toxicology and Applied
o
Pharmacology, vol. 225, n 3, 2007, p. 255-266.
26. A. M. Soto et al., « The E-SCREEN Assay… », art. cit.
27. [En ligne] https://www.cancer-environnement.fr/273-Radioactivite.ce.aspx
28. B. Miller Anthony et al., « Twenty Five Year Follow-Up for Breast Cancer
Incidence and Mortality of the Canadian National Breast Screening Study:
Randomised Screening Trial », BMJ, vol. 348, 2014, g366, [en ligne]
https://www.bmj.com/content/348/bmj.g366.
284
32
285
La pilule classée « cancérigène certain »
dès 1998 par l’OMS
286
5
notablement l’évolution du cancer du sein métastasé . Il en déduit que
c’est la suppression des estrogènes fabriqués par les ovaires qui empêche
la progression du cancer.
La réflexion scientifique se poursuit, dans la seconde moitié du
e
XX siècle, avec une autre question : si les estrogènes naturels favorisent
le cancer, qu’en est-il des estrogènes artificiels qui constituent les
ingrédients actifs des pilules contraceptives ?
Ces estrogènes de synthèse ont été découverts à la fin des années
1930 par les chimistes allemands Hans Herloff Inhoffen et Walter
Hohlweg. Très vite, ces hormones artificielles se retrouvèrent en
compétition avec une autre hormone synthétique estrogénique, le fameux
Distilbène découvert par l’Anglais Charles Dodds. Le bisphénol A, lui
aussi, fut classé comme hormone estrogénique avant de devenir un
plastifiant.
En 1956, l’inventeur de la pilule, l’Américain Gregory Pincus,
transposa sur les femmes les expériences qui avaient montré que des
lapines qui recevaient des hormones de synthèse comme la progestérone
et les estrogènes n’avaient plus d’ovulations et donc ne pouvaient plus
concevoir. De façon assez empirique, il n’observa aucun effet secondaire
notoire et considéra que sa découverte allait rendre de grands services à
l’humanité, surtout en cas de « surpopulation planétaire ».
Il ne savait pas vraiment à quel niveau du système hormonal la pilule
exerçait son action. Il supposait que l’hypophyse était impliquée mais
ignorait que cette dernière agissait sur commande de l’hypothalamus par
l’intermédiaire de l’hormone GnRH. Et pour cause : cette hormone que
Pincus bloquait sans le savoir ne fut découverte qu’en 1977, dix ans
après sa mort.
Ce n’est qu’en 1987 que la revue Cancer apporta une réponse
positive à la question de la cancérogénicité des estrogènes artificiels, en
publiant un article qui montrait que les contraceptifs oraux augmentaient
in vitro la multiplication des cellules du sein, qu’elles soient normales ou
cancéreuses. Encore fallait-il apporter la preuve que le même phénomène
se produisait in vivo, autrement dit dans le corps des femmes.
287
38 % de cancers du sein supplémentaires
avec la contraception aux hormones
Ce sera chose faite en 2017 avec une étude danoise qui aura duré
onze ans et suivi 2 millions de femmes 6. Le résultat est sans appel : les
femmes qui prennent des contraceptifs hormonaux ont 38 % de risques
supplémentaires d’avoir un cancer du sein que celles qui n’en prennent
pas. Rapporté à la France, cela correspond à 2 500 cancers du sein
supplémentaires par an.
Les chercheurs danois ont néanmoins observé que les femmes qui ont
utilisé la contraception hormonale durant moins de cinq ans ont vu leur
risque de cancer du sein décroître rapidement à l’arrêt de la pilule.
288
Elles vont alors rendre la substance naturelle inutile, et la glande qui
la produit va être mise à l’arrêt… par le cerveau. C’est le cas avec les
contraceptifs oraux. Ils contiennent deux hormones de synthèse dont la
structure n’existe pas dans la nature : ce sont les équivalents mais pas les
copies exactes de la progestérone et de l’estrogène-estradiol.
Lorsqu’elles se retrouvent en grande concentration dans le sang,
l’hypothalamus et l’hypophyse qui surveillent en permanence les
niveaux hormonaux vont logiquement interrompre la production
d’hormones naturelles par les ovaires.
L’hypothalamus est en quelque sorte « trompé » : il considère que le
corps est en état de grossesse. Concrètement, il interrompt son signal
hormonal à base de GnRH en direction de l’hypophyse, et celle-ci arrête
d’envoyer les hormones FSH et LH aux ovaires, qui cessent leur activité
et donc l’ovulation. C’est bien l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien
qui bloque l’ovulation, créant ainsi une castration chimique (voir le
schéma au chap. 25).
289
En fin de compte seuls 40 % de la dose ingérée sera utilisée, le reste
est en principe éliminé dans les urines. Le résultat est qu’une grande
partie de l’hormone de synthèse éthinylestradiol se retrouve dans les
eaux usées, et comme la molécule est conçue pour ne pas être dégradée
dans l’estomac et dans l’eau, elle résiste assez bien aux stations
d’épuration, qui ont du mal à la neutraliser. C’est pourquoi de nombreux
poissons sont féminisés.
Les stations de traitement de l’eau qui puisent à nouveau l’eau
pour la distribuer n’arrivent pas non plus à l’éliminer complètement
de l’eau de boisson. Or, le dosage de cette hormone dans l’eau de
boisson n’est pas nécessaire pour obtenir le label « eau potable » et n’est
pas indiqué sur les factures d’eau. Des scientifiques s’inquiètent des
8
conséquences de cette légèreté sur la virilité des hommes .
290
Par rapport aux femmes qui ne prennent pas de contraceptifs
hormonaux, les utilisatrices de contraceptifs oraux courent des risques
multipliés par deux pour celles qui prennent des combinés de première et
deuxième générations, et par quatre pour celles qui ont recours aux
13
troisième et quatrième générations . Les deux dernières sont
déconseillées par l’Agence de santé.
Le scandale des pilules contraceptives a éclaté en France fin 2012
lorsqu’une jeune fille a porté plainte contre le laboratoire Bayer,
14
fabricant d’une pilule de troisième génération . Marion Larat a été
victime d’un AVC avec un handicap de 65 % en 2006. Après un long
parcours judiciaire plein de rebondissements, elle s’est vu allouer par un
jugement du tribunal de Bordeaux une indemnité de 4,5 millions d’euros
payables par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux
(Oniam). Fin 2020, huit ans après le début de la procédure, elle a
finalement obtenu que son cas fasse l’objet d’un procès au pénal.
De nombreuses victimes regroupées au sein de l’Avep (Association
des victimes d’embolie pulmonaire et AVC) attendent qu’on leur rende
justice. Ces associations ont recensé un millier d’accidents et soixante-
dix décès.
291
Effets secondaires des pilules contraceptives :
Ils sont multiples et loin d’être négligeables.
292
cette tumeur chez celles qui prennent le traitement depuis au moins cinq
16
ans . Cette pilule hormonale qui bloque à la fois l’ovulation et l’activité
des hormones mâles est prescrite pour soigner l’endométriose,
l’hirsutisme, le changement de sexe et les troubles de la prostate. Le
risque de tumeur au cerveau est aussi multiplié par 12,5 sous Lutényl
(acétate de nomégestrol et génériques) et par 7 sous Lutéran (acétate de
chlormadinone et génériques) 17.
Le nombre de scandales touchant les traitements aux hormones n’a
pas fini de s’allonger. D’autres « affaires » concernent des implants
contraceptifs qui migrent du bras vers les poumons avec des risques
d’embolie (une trentaine depuis 2001).
Par ailleurs, les jeunes mères qui se voient prescrire des hormones
« antiallaitement » comme la bromocriptine sont invitées à consulter la
liste de ses effets secondaires cardiovasculaires, neurologiques et
psychiatriques parfois graves. Elle est édifiante. La Haute Autorité de
santé déconseille d’utiliser dans cette indication cette molécule qui
bloque l’hormone prolactine. Aux États-Unis, ce médicament est interdit
dans cette indication depuis plus de vingt ans.
RÉSUMÉ
Comme les femelles de la faune sauvage, et comme les hommes, les
femmes souffrent de différents troubles de la sphère de la reproduction.
Ils forment le « syndrome de dysgénésie ovarienne » (SDO) : pubertés
très précoces, cycles menstruels déréglés, ovaires polykystiques,
virilisation des hormones, endométriose.
Plus la mère est exposée à des toxiques environnementaux pendant la
grossesse, plus les hormones sont perturbées et plus ces risques
augmentent. On retrouve dans les substances incriminées les « six
poisons hormonaux » déjà cités : les pesticides, les plastifiants dérivés du
benzène (phtalates, bisphénols), les polybromés, les parabènes et les
médicaments (Distilbène, paracétamol, valproate, aspirine). Les périodes
293
fœtale et néonatale sont les plus critiques pour la petite fille, car elles
conditionnent la mise en place des organes et programment les maladies
de l’adulte.
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez
la femme. Sa fréquence a doublé en trente ans. C’est un cancer
hormonodépendant. Les causes sont à la fois génétiques et
environnementales, mais la responsabilité des produits chimiques est
prouvée. Parmi ces substances chimiques, on trouve les hormones
synthétiques de la pilule (classée cancérigène) et des traitements de la
ménopause. Tous les médicaments estrogénomimétiques sont à risque.
294
14. M. Larat, La pilule est amère, Stock, octobre 2013.
15. [En ligne] https://ansm.sante.fr/actualites/androcur-et-generiques-acetate-de-
cyproterone-50-mg-et-100-mg-et-risque-de-meningiome-lansm-publie-des-
recommandations-pour-la-prise-en-charge-des-patients
16. [En ligne] https://ansm.sante.fr/actualites/lutenyl-luteran-les-rapports-des-
etudes-epidemiologiques-sont-disponibles
17. Ibid.
295
33
296
encore dans le ventre de la maman. C’est ce qu’on a appelé l’« origine
fœtale » des maladies de l’adulte.
Enfin, pour que le papa mette la petite graine, il faut qu’il en ait le
désir, autrement dit qu’il soit attiré par la maman femelle, et
réciproquement. Or, ce sont les hormones qui créent l’attirance pour
l’autre sexe. On a constaté chez les animaux que certaines substances
chimiques (toujours les mêmes) changent non seulement les dosages des
hormones sexuelles, mais également les comportements qu’elles
induisent. Si le mâle n’est plus attiré par la femelle, il ne va plus la
féconder. Le risque est alors qu’il y ait trop de mamans pour pas assez de
papas. C’était le cas chez les goélands contaminés par les pesticides.
Il faut aussi que la femelle ait envie de recevoir la petite graine, et
cette question-là est beaucoup moins bien documentée sur le plan de la
littérature scientifique.
Pour le reste – les cas les plus fréquents où le mâle et la femelle ont
envie de procréer –, comment se fait-il alors que cela devienne de plus en
plus difficile ou du moins de plus en plus long à se produire ? Cette
infertilité relative est mesurable ; c’est ce qu’on appelle le « délai à
concevoir ».
297
ressentie augmente : les femmes déclarant une difficulté à concevoir sont
3
à 70 % plus nombreuses en 1994 qu’en 1978 .
Dans les pays développés, la situation semble plus détériorée que ne
veulent bien le reconnaître les autorités de santé nationales et
internationales. Face à l’augmentation importante du nombre de
spermogrammes considérés comme anormaux, l’Organisation mondiale
de la santé a abaissé les normes de qualité du sperme en 2010.
Aujourd’hui, un spermogramme présentant 15 % de spermatozoïdes
typiques est normal, alors qu’il y a quelques années il en fallait 60 %.
Les causes ?
298
Certes, l’âge moyen des mères au moment de la naissance d’un
enfant a augmenté depuis quarante ans : il est passé de 26,5 ans en 1977
5
à 30,6 ans en 2018 . Or, la fertilité est optimale entre 18 et 31 ans. Elle
baisse de moitié après 40 ans et devient presque nulle après 45 ans. C’est
l’« horloge biologique ». Pourtant, ce délai dans la maternité ne peut pas
à lui seul expliquer le recul de la fertilité.
Au Danemark, des épidémiologistes ont montré que les femmes des
jeunes générations ont un taux de fertilité moindre que leurs aînées à un
âge plus élevé 6. Pour ce faire, ils ont mesuré la diminution du taux de
fécondité des adolescentes à un âge où l’essentiel des grossesses est non
7
prévu .
De jeunes femmes sont touchées prématurément par une insuffisance
ovarienne. En général, à la puberté, le nombre d’œufs que la femme a en
réserve est d’environ 300 000. À 37 ans, elle n’est plus que de 25 000, et
il n’en reste que 1 000 à 51 ans, l’âge moyen de la ménopause. Un
nouveau symptôme appelé « diminution de la réserve ovarienne » (DRO)
a fait son apparition ; il touche un quart des femmes qui ont recours à
une assistance médicale à la procréation. Aux États-Unis, ce taux a
augmenté de 37 % en seulement sept ans, de 2004 à 2011 8.
La reproduction étant contrôlée par le système hormonal, il n’est
guère surprenant que des perturbateurs hormonaux aient des
répercussions sur la reproduction. Le syndrome des ovaires
polykystiques, qui touche 10 à 15 % des femmes, est en France la
première cause d’infertilité. Une autre cause d’infertilité touche 10 % des
femmes : c’est l’endométriose. On la retrouve dans environ 40 % des cas
de consultations pour des problèmes de fertilité féminine. Mais elle ne
freine la grossesse que dans 30 % des cas.
Les polluants chimiques capables de détériorer la fertilité ont été
décrits dans les chapitres précédents. Ce sont les « 6 P », pour
« poisons ». Ajoutons quelques exemples :
– Les pesticides : les études réalisées auprès de populations
d’hommes consultant pour infertilité montrent de manière assez
concordante que l’exposition professionnelle à des pesticides est associée
299
à des caractéristiques du sperme situées en dessous des seuils considérés
9
comme nécessaires à une capacité procréatrice adéquate . Deux
pesticides, la vinclozoline et le méthoxychlore, réduisent la fertilité et la
10
production de sperme du testicule adulte de rat . De plus, cette
détérioration se répercute sur au moins quatre générations sans
exposition additionnelle.
– Le bisphénol A : en 2010, deux études ont montré que les hommes
consultant pour infertilité ont aussi un taux plus élevé de bisphénol A
dans leurs urines. Ils ont également un déséquilibre des hormones de la
reproduction, à commencer par la testostérone. Chez les femmes, de
nombreuses études montrent la responsabilité du bisphénol A dans les
dysfonctionnements de l’appareil reproducteur.
– Les phtalates : chez les femmes atteintes d’endométriose, les taux
11
de phtalates sont souvent plus élevés . Le Pr René Habert a montré les
effets délétères des phtalates sur les testicules de fœtus. Le Pr Bernard
Jégou a prouvé leur toxicité sur les testicules des adultes, avec des
répercussions possibles sur la fertilité du fait de la baisse de production
12
de la testostérone . Shanna Swan a montré que les femmes qui ont un
taux élevé de phtalates ont deux fois et demie moins de libido.
– Les composés polybromés ou retardateurs de flamme : une étude
danoise a montré que les couples dont les analyses révélaient les taux les
plus élevés en perfluorés étaient également ceux qui mettaient le plus de
13
temps à concevoir .
– Les parabènes : une étude menée chez une centaine d’hommes
consultant pour infertilité a montré que la présence de parabène
(butylparabène) dans le sérum est significativement associée aux
altérations de l’ADN des spermatozoïdes. Plus la contamination est
importante, plus l’altération de l’ADN augmente.
Enfin le poids est également cité parmi les causes d’infertilité. Chez
la femme, le risque d’infertilité après un an de tentatives est augmenté de
27 % en cas de surpoids et de 78 % en cas d’obésité. Cependant, il s’agit
plus d’une association que d’une cause, car l’obésité et l’infertilité
peuvent avoir une origine environnementale commune.
300
Le recours à la PMA augmente
fortement
Les couples infertiles ont de plus en plus souvent recours à la
procréation médicalement assistée (PMA), qui représente près de 3 %
14
des naissances en France en 2012 . En 2018, les naissances par
PMA étaient de 3,4 %. La PMA, si elle ne permet pas de remédier aux
causes de cette infertilité, favorise l’obtention d’une grossesse par
manipulation in vitro des gamètes mâles et femelles.
Les naissances par FIV (fécondation in vitro) ont un taux de succès
de 20 %, contre 10 % pour une insémination artificielle. Là encore, les
femmes qui ont un taux élevé de phtalates dans l’organisme obtiennent
de moins bons résultats lors de la fécondation in vitro.
À noter que les médicaments prescrits pour stimuler l’ovulation,
comme le citrate de clomifène, sont eux-mêmes des perturbateurs
hormonaux qui prennent la place des estrogènes sur leurs récepteurs
dans l’hypothalamus. Celui-ci, croyant à une carence, augmente la
GnRH, qui augmente la FSH et la LH, qui augmentent les estrogènes
et la progestérone, qui augmentent l’ovulation (voir le schéma au
chap. 25). Ces traitements ne sont pas dénués d’effets secondaires.
RÉSUMÉ
Un quart des couples français sont infertiles, ce qui signifie qu’ils
n’ont toujours pas obtenu de grossesse après douze mois sans
301
contraception. L’infertilité ressentie a augmenté depuis les années 1970.
Les jeunes générations sont moins fertiles que leurs aînées au même âge.
Les causes de cette infertilité non voulue sont multiples, mais l’on
sait que les polluants toxiques qui détériorent la fertilité ont très
fortement augmenté dans l’environnement. Ce sont les « 6 P »,
pesticides, plastifiants, produits pharmaceutiques, perfluorés,
polybromés et parabènes.
302
o
10.1126/science.1108190 (erratum in Science vol. 328, n 5979, 7 mai 2010,
p. 690) ; PMID 15933200.
11. L. Cobellis, G. Latini, C. De Felice, S. Razzi, I. Paris, F. Ruggieri, P. Mazzeo
et F. Petraglia, « High Plasma Concentrations of Di-(2-Ethylhexyl)-Phthalate in
o
Women With Endometriosis », Human Reproduction, vol. 18, n 7, juillet 2003,
p. 1512-1515, [en ligne] https://doi.org/10.1093/humrep/deg254
12. C. Desdoits-Lethimonier, O. Albert, B. Le Bizec, E. Perdu, D. Zalko,
F. Courant, L. Lesné, F. Guillé, N. Dejucq-Rainsford et B. Jégou, « Human Testis
o
Steroidogenesis Is Inhibited by Phthalates », Human Reproduction, vol. 27, n 5,
mai 2012, p. 1451-1459, [en ligne] https://doi.org/10.1093/humrep/des069
13. C. Fei, J. K. Mclaughlin, L. Lipworth et J. Olsen, « Maternal Levels of
Perfluorinated Chemicals and Subfecundity », Human Reproduction, vol. 24, 2009,
p. 1200-1205.
14. « Combien d’enfants naissent grâce à une… », Ined.fr, [en ligne]
https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/252/fichier.fiche.peda.pma.en.france.fr.pdf
303
1. G. M. Buck Louis, M. A. Cooney, C. M. Peterson, « The Ovarian Dysgenesis
Syndrome », Journal of Developmental Origins of Health and Disease, vol. 2,
2011, p. 25-35.
304
PARTIE 3
LES AUTRES MALADIES
ENVIRONNEMENTALES
305
34
306
total de 1 033 microgrammes de produits chimiques par litre auquel nous
arrivons pour les enfants ne tient pas compte de la synergie entre les
toxiques.
Quelles sont les conséquences pour la santé ? Une étude sur les rats a
montré qu’une dose de 10 microgrammes par kilogramme de
bisphénol A injectée pendant quatre jours commence à produire les
conditions d’un diabète : résistance à l’insuline et hyperglycémie dans le
sang. Qu’en est-il pour les humains ?
L’alimentation reste la source principale d’exposition aux bisphénols,
mais il faut lui ajouter l’ingestion ou l’inhalation de poussières
intérieures (bisphénol F dans le matériel électronique) ou encore les
contacts cutanés avec des matériaux contenant des bisphénols dans le
logement.
Une expertise collective de l’Inserm de 2011 avait déjà sonné
2
l’alarme : « Au total, très peu d’études ont été réalisées et on ne peut pas
considérer que le bisphénol A, aux doses auxquelles la population
générale est exposée, soit sans danger pour le versant masculin de la
fonction de reproduction. »
307
Contamination des enfants aux polluants du quotidien :
En moyenne, 92 à 100 % des enfants français sont contaminés par
ces six poisons.
Pour chaque litre d’urine, un enfant expulse 1 033 microgrammes
de ces perturbateurs endocriniens. Combien en conserve-t-il dans
son corps ?
Ce total ne tient pas compte des pesticides et des métaux lourds.
308
À noter que les métaux lourds et les pesticides n’ont pas été évalués
dans l’étude de Santé publique France sur les « polluants du quotidien ».
Il faut donc les ajouter. On peut tout de même se faire une idée de
3
l’étendue de la contamination grâce à une étude parue en 2017 .
Les pesticides omniprésents
309
4
l’homme » . Les enfants traités aux shampoings antipoux sont exposés à
des pesticides induisant des leucémies et des lymphomes. Selon l’étude
de Santé publique France, les personnes les plus imprégnées utilisent
beaucoup d’insecticides dans les logements, mangent beaucoup de
fraises (contaminées) et vivent dans des départements vinicoles.
– Les pyréthrinoïdes : 80 % des Français contaminés
C’est la troisième génération de pesticides après les organochlorés et
les organophosphorés. Ce sont les plus utilisés actuellement, mais pas les
moins toxiques. On les trouve dans les traitements antipuces et
insecticides, dans les potagers. La population française est trois fois plus
contaminée que celle des États-Unis.
100 % des Français ont encore des PCB, appelés « pyralènes », dans
le sang, malgré une interdiction vieille de plus de trente ans. Les
polychlorobiphényles (PCB – en gros, deux noyaux benzène avec du
chlore) sont toxiques, écotoxiques, reprotoxiques et certains sont classés
cancérigènes. Comme ils résistent à la chaleur, ils ont été utilisés
principalement pour isoler les transformateurs électriques.
Pour les femmes en âge de procréer, la situation est encore plus
grave, car 13,3 % dépassent le seuil de sécurité proposé par l’Agence
5
française de sécurité sanitaire (Anses) . Il apparaît que la concentration
6
moyenne des PCB a été divisée par trois en vingt ans (1986 et 2006) .
Les femmes qui ont décidé d’être mères en 1986 n’en ont jamais rien su,
et lorsque les enfants nés vers cette période développent des maladies à
l’âge adulte, il est bien difficile d’établir un lien de causalité 7.
310
8
Le scandale des PCB n’est pas éteint à l’heure actuelle . En 1985, les
poissons du Rhône étaient contaminés et interdits à la consommation de
Lyon à la Camargue ; tous les fleuves français étaient aussi pollués.
Depuis 2010, l’usine Aprochim de traitement du PCB, en Mayenne, ne
cesse de défrayer la chronique avec des incendies et des pollutions à
répétition. Cette usine classée Seveso (label signalant les usines
dangereuses) n’est toujours pas aux normes. L’indifférence médiatique à
son égard reste quasi totale.
Le problème du PCB rejoint ce que les sciences sociales ont
aujourd’hui coutume d’appeler la « production d’ignorance 9 ». Cette
notion regroupe l’ignorance elle-même mais aussi les moyens mis en
œuvre pour la produire, la préserver et la propager. Les efforts de
l’industrie du tabac pour nier la nocivité de ses produits en est le plus
célèbre exemple.
311
100 % des Français sont contaminés par ces onze métaux lourds.
RÉSUMÉ
100 % de la population française est contaminée par les « polluants
du quotidien ».
C’est ce que montrent les résultats de l’étude 2020 sur l’imprégnation
de la population par six toxiques hormonaux chimiques. Les enfants
présentent en moyenne des taux trois à cinq fois plus élevés que les
adultes pour les plastifiants (bisphénols et phtalates), les polybromés et
312
les perfluorés. Outre ces six polluants du quotidien, les pesticides et les
métaux lourds sont très présents. Les médicaments et les polluants de
l’industrie alimentaire, comme les colorants et les conservateurs, n’ont
pas été analysés.
Étant donné la toxicité de ces substances, Santé publique France
recommande de réduire l’exposition individuelle et collective.
313
35
314
Les résultats de l’étude Elfe montrent une contamination généralisée
des femmes enceintes.
À noter que les parabènes, qui sont des conservateurs utilisés dans
80 % des cosmétiques, n’ont pas été mesurés dans cette étude de cohorte
Elfe.
– Bisphénol A : les femmes enceintes sont moins imprégnées que la
population générale, mais ce n’est pas une bonne nouvelle, car si les
mesures sont exactes cela signifie que les toxiques de la mère ont
vraisemblablement été transférés au bébé. Une étude yougoslave avait
établi ce transfert en 1987 3.
– Phtalates : ils sont aussi présents dans le liquide amniotique,
comme l’ont mesuré des chercheurs allemands de Munster en prélevant
4
du liquide lors d’accouchements avec césarienne . Quand les mères
présentent un taux de phtalates élevé, le poids du nouveau-né est plus bas
et le risque de féminisation du garçon est accru.
315
– Perfluorés : ils sont associés à un faible poids de naissance du
5
nourrisson .
L’étude Elfe a également mesuré la présence de métaux et
métalloïdes dans l’organisme des femmes enceintes. La contamination
est générale. L’aluminium n’a pas été évalué. Il existe en France une
surimprégnation des femmes enceintes par l’arsenic total et le mercure
en comparaison à d’autres pays, comme les États-Unis.
Les organoétains sont présents dans les poussières des maisons, car
ils jouent le rôle d’intermédiaires dans la fabrication du PVC qui va
ensuite se retrouver dans les linoléums.
Le mercure est classé « cancérigène possible pour les humains » en
particulier pour le cancer du rein. On le trouve dans les poissons, les
amalgames dentaires et certains vaccins (risque de narcolepsies).
Aux États-Unis, les études d’imprégnation des femmes enceintes
obtiennent des résultats identiques pour le mercure 6.
316
Les différentes pollutions à éviter
pour les femmes enceintes
— Les pesticides dans l’alimentation : 80 à 90 % des fruits et
légumes contiennent des résidus de pesticides. Il est recommandé de
« manger bio ».
— L’eau étant source de contamination, il est déconseillé de boire
l’eau d’une bouteille plastique. Il est préférable de filtrer l’eau du robinet
avec des filtres à charbon vendus dans le commerce (Doulton).
— Certains médicaments, dont le paracétamol et l’aspirine,
féminisent le fœtus mâle. La femme enceinte ne doit prendre aucun
médicament durant la grossesse, et surtout pas d’antinauséeux (voir le
chap. 15 au sujet des ravages du Distilbène). Celles qui ne peuvent
faire autrement en raison d’une maladie chronique doivent limiter les
prises au minimum, en accord avec leur médecin.
— Le vapotage est à proscrire en raison notamment des parfums
synthétiques contenus dans les liquides utilisés, qui sont des muscs
aromatiques chimiques hormonoperturbants. Il en va de même pour les
parfums, y compris de grandes marques.
— Le tabac, déjà déconseillé pour son action sur les poumons, est
aussi un perturbateur hormonal, en raison de certains composés qu’il
contient.
— Le bricolage est à proscrire pendant la grossesse en raison des
toxiques contenus dans les produits employés.
Pour plus d’information, consulter Le Guide anti-toxique de la
7
grossesse, du Dr Laurent Chevallier .
On a longtemps pensé que le fœtus était protégé contre de
multiples toxiques par la « barrière du placenta ». Mais pour de
nombreuses molécules, dont les perturbateurs hormonaux, ce n’est
pas le cas, comme le montrent les analyses effectuées sur les
nouveau-nés.
Des bébés « prépollués »
317
Aujourd’hui, 100 % des bébés naissent prépollués. Le constat est
proprement effarant, et c’est un véritable cocktail chimique que l’on
retrouve dans le cordon ombilical. Les polluants chimiques qui ont
imprégné la mère pendant la grossesse ne sont pas arrêtés par le placenta,
comme on le pensait encore il n’y a pas si longtemps.
On retrouve 200 polluants chimiques dans le cordon ombilical des
bébés. Ce sont les résultats d’une étude réalisée en 2004 par une ONG
8
américaine sur dix bébés californiens . En tout, les tests ont révélé la
présence de 287 polluants appartenant à neuf familles chimiques
différentes. Et encore, tous les produits chimiques n’ont pas été
recherchés.
Parmi les toxiques retrouvés, huit perfluorés (PFC) utilisés comme
antitaches et antigras dans l’emballage des fast-foods, des vêtements et
des textiles (y compris de marque Téflon, Scotchgard ou Stainmaster) et
du PFOA, classifié cancérigène probable pour l’homme, présents comme
imperméabilisants dans les tissus. Parmi ces produits, 217 sont toxiques
pour le cerveau et le système nerveux, et 208 causent des cancers chez
les humains et les animaux. Les dangers de ces cocktails toxiques n’ont
jamais été étudiés.
318
Polluants dans le cordon ombilical :
À la naissance, on retrouve en moyenne 200 polluants chimiques
dans le cordon des bébés. (The Environmental Working Group 2004)
319
Recommandations
antihormonotoxiques
Privilégier : l’alimentation bio, les biberons en verre, les ustensiles
de cuisine autres qu’en plastique (pas de cuit-tout spécial bébé en
plastique), pas de micro-ondes, des cosmétiques simples et naturels,
pas de lingettes, une literie non traitée, des vêtements non traités, des
meubles en bois massif et non traités (pas d’agglomérés), des sols
autres qu’en plastique, etc.
Éviter autant que possible : les ustensiles de cuisine en plastique
(pas de cuit-tout spécial bébé en plastique), le micro-ondes, les
médicaments hormonoperturbants comme le paracétamol et certains
antibiotiques (voir la liste au chap. 24 sur les médicaments
féminisants), les lingettes. Parmi les médicaments, on retrouve les
vaccins qui ne sont pas dénués de conservateurs chimiques, de
solvants, de métaux lourds, dont le mercure et l’aluminium. Les
nourrissons sont protégés par les anticorps de leur mère pendant de
longs mois, et la fièvre est un moyen de défense naturel du système
immunitaire. Il faut donc la maintenir à un niveau adéquat en accord
avec son médecin.
Cette pollution chimique n’est pas sans conséquence sur la santé
future de l’enfant, alors que les maladies chroniques qui le touchent
connaissent elles aussi une croissance inquiétante.
RÉSUMÉ
La quasi-totalité des femmes enceintes est polluée par des produits
chimiques qui ont un effet délétère pour la mère et l’enfant. C’est ce qu’a
montré pour la première fois une étude de Santé publique France en
2020. Ces différents toxiques traversent la « barrière du placenta ». Les
bébés naissent prépollués. Une étude californienne a retrouvé en
moyenne 200 polluants dans le cordon ombilical des nouveau-nés.
320
1. C. Dereumeaux et L. Guldner, Imprégnation des femmes enceintes par les
polluants de l’environnement en France en 2011. Volet périnatal du programme
national de biosurveillance, t. 1 : Polluants organiques, Saint-Maurice, Santé
publique France, 2017, 261 p., [en ligne] www.santepubliquefrance.fr
2. La cohorte Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance), coordonnée
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321
36
322
n’ont aucune raison de l’être lorsqu’ils sont appliqués aux humains. Il ne
peut y avoir de reproduction que lorsqu’une femelle XX rencontre un
mâle XY. La survie de l’espèce passe par cette condition.
Les cellules reproductrices sont les gamètes. Le gamète mâle, appelé
« spermatozoïde », est porteur d’un chromosome sexuel X ou Y. Il va
rencontrer un gamète femelle appelé « ovule » qui, lui, est
automatiquement porteur d’un chromosome X. C’est donc le
spermatozoïde qui va déterminer le sexe du futur embryon.
Au total, ce sont bien les gènes portés par les chromosomes qui vont
déterminer le sexe.
323
Différenciation du fœtus :
En haut, le fœtus possède une double potentialité, avec des gonades
indifférenciées, un canal de Wolff et un canal de Müller.
En bas à gauche, le fœtus masculin ne garde que le canal de Wolff.
Les gonades se transforment en testicules.
En bas à droite, le fœtus féminin ne garde que le canal de Müller. Les
gonades deviennent des ovaires.
324
Existe-t-il un sexe par défaut ?
Jusqu’à présent, il était considéré qu’en l’absence d’hormones
mâles produites par les testicules, le sexe féminin se développait « par
défaut ». C’est l’absence du gène SRY qui entraînerait le
développement des ovaires.
Cette vision androcentrée est actuellement battue en brèche : des
études australiennes ont montré qu’il existe en réalité un programme
génétique « robuste » spécifique à la femelle. Il se met en place chez
le fœtus dès la septième semaine, à une période beaucoup plus
précoce qu’on ne l’a supposé jusqu’à présent. Certains gènes en
particulier, comme le gène FOXL2, permettent le développement des
1
ovaires . Ce serait le gène qui neutraliserait le « côté mâle » de la
femelle, un peu comme lorsque le fœtus mâle produit l’hormone
antimüllérienne pour neutraliser son « côté femelle ».
Si ce gène est perturbé dans son expression par une substance
chimique pendant la période embryonnaire, c’est la réserve ovarienne
qui est compromise. C’est ce qui fait dire à Maëlle Pannetier de l’Inra :
2
« FOXL2, un seul gène vous manque et tout est déféminisé … » Il
reste à comprendre quand même si ce gène gouverne un « facteur Z »
qui serait une hormone.
Les anomalies génétiques
et les perturbateurs chimiques
325
3
« reprotoxiques », et classés comme tels .
Il est difficile d’éviter de parler de « normalité » et d’« anormalité ».
Il faut deux chromosomes sexuels XX ou XY pour faire une fille ou un
garçon ; c’est la normalité. S’il manque un des deux chromosomes ou
s’il y en a un troisième, c’est l’anormalité. Il s’agit d’une malformation
qui peut être mortelle ou pas. Plusieurs anomalies chromosomiques ont
été répertoriées : les syndromes de Turner, de Klinefelter, de La Chapelle
dit « du mâle XX », etc.
Mais, indépendamment de toute anomalie chromosomique, des
perturbations hormonales peuvent intervenir pendant la gestation chez
des embryons au départ en bonne santé et ainsi compromettre
l’accomplissement de leur programmation génétique.
Mécanismes de perturbation
de la différenciation
326
Développement de l’embryon mâle :
La courbe indique la concentration de la testostérone dans le sérum.
327
like 3 (INSL3), qui contrôle la descente des testicules (voir le chap. 19).
Pour ce qui est de l’expression des gènes :
– Si un gène code mal une enzyme indispensable pour transformer un
dérivé du cholestérol en testostérone, cela peut entraîner une inversion de
sexe à la naissance. Dans ce cas, le bébé XY (garçon) a l’apparence
d’une fille au départ, mais la virilisation peut se déclencher quand même
à la puberté.
– Si un autre gène encode mal les récepteurs de l’hormone LH
(Luteinizing Hormone) sur les cellules des testicules, la synthèse de
testostérone par ces mêmes testicules devient déficiente.
– Si le gène qui code une autre enzyme, l’alpha-réductase, est
défaillant, la testostérone ne peut pas se transformer en une forme plus
puissante, la dihydrotestostérone. Il en résulte des hypospadias et des
micropénis, soit une apparence plutôt féminine. Si ces enfants sont
élevés en filles, ils peuvent avoir de grosses surprises à la puberté : celle-
ci risque de déclencher les hormones virilisantes.
– Si un gène qui code pour le récepteur de la testostérone dans le
noyau de la cellule est altéré, la testostérone ne trouve aucun récepteur
où se fixer pour délivrer son message. L’individu XY aura une apparence
de fille avec certains caractères masculins partiels. Les mutations du
gène peuvent se compter par centaines sous l’effet des perturbateurs
chimiques.
Cette modification de l’environnement génétique peut avoir une
portée transgénérationnelle. Le Distilbène a déjà exercé ses altérations
sur trois générations.
En début de grossesse, lorsque s’effectue la différenciation sexuelle
dans une fenêtre bien précise peu avant la huitième semaine, les
conséquences deviennent irréversibles.
La perturbation de la différenciation sexuelle peut aussi se faire via
les neurones du cerveau. Les phtalates sont capables de provoquer des
cassures dans l’ADN des neurones humains in vitro. Ils affectent le
328
développement du système nerveux en modifiant les récepteurs aux
8
estrogènes. Le mécanisme a été démontré sur les poissons zèbres .
Les produits chimiques susceptibles de générer des individus dits
« intersexes » sont toujours les mêmes : ce sont principalement les
dérivés du benzène auxquels les chimistes ont ajouté du chlore, du
brome, du fluor, des métaux ou tout à la fois. Ce sont nos « 6 P » comme
« poisons », décrits au chapitre 2. Ils n’existent pas dans la nature.
La mauvaise différenciation sexuelle chez le fœtus mâle est la plus
courante ; elle peut prendre de multiples formes et constituer un éventail
d’effets qui vont de l’altération des caractères sexuels secondaires et
primaires à la complète inversion du sexe.
Les nourrissons intersexes
329
femme à homme (FvH, femme vers homme, XX vers XY) ou d’homme
à femme (HvF, homme vers femme, XY vers XX). Le nombre
d’hommes qui veulent devenir femmes est trois fois plus élevé que
l’inverse. La personne intersexe est indifférenciée ou se situe entre
l’homme et la femme. Elle peut décider d’opter pour le sexe opposé à
son sexe génétique et devenir transsexuelle avec ou sans traitements
hormonaux.
L’ONU estime que parler d’« ambiguïté sexuelle » ou de
« malformation » serait déjà une stigmatisation, ce qui est contestable : il
peut exister une ambiguïté et une différence par rapport à la norme
bisexuée sans que cela autorise une stigmatisation quelconque.
Ce qui est encore plus contestable, c’est que l’Association américaine
de psychiatrie (APA) continue de faire autorité avec son Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V). Cette bible
très dépendante des laboratoires pharmaceutiques continue à considérer
comme un trouble mental le fait de souffrir de cette indifférenciation du
sexe, une souffrance dit-elle « associée à la non-conformité de genre ».
L’homosexualité est sortie de ce manuel de troubles mentaux en 1987.
On se demande pourquoi le transsexualisme, baptisé « dysphorie du
genre », en fait toujours partie.
Des associations de transsexuels réclament la « dépsychiatrisation »
de leur statut. Beaucoup revendiquent le fait de souffrir, en fait, d’une
affection physique et non pas psychiatrique – un syndrome baptisé du
nom de « syndrome de Benjamin », du nom de Harry Benjamin, qui
proposa cette vision du problème en 1966 dans son livre The Transsexual
10
Phenomenon (« Le phénomène transsexuel ») .
Si la personne intersexe ne doit pas être considérée comme
souffrant d’un trouble mental, faut-il pour autant renoncer à
chercher la ou les causes biologiques qui ont pu entraîner une non-
différenciation sexuelle durant la période fœtale ? On a vu que les
polluants chimiques ont une responsabilité démontrée dans cette non-
différenciation. C’est aussi le cas pour certains médicaments.
330
Médicaments, nourrissons intersexes
et futurs transsexuels
331
d’une question de « ressenti ». L’ONU reprend le vocabulaire trompeur
de « sexe assigné » à la naissance comme si ce dernier constituait un
« sexe désigné » et non pas un sexe génétique.
Si le débat est entré sur la place publique, c’est aussi que les
ambiguïtés des organes génitaux à la naissance se sont multipliées. Les
statistiques sont manquantes, sauf pour les hypospadias et les
cryptorchidies, qui sont, comme nous l’avons vu, en nette augmentation.
Ces différences biologiques des organes génitaux s’accompagnent
également de modifications du comportement sexuel à l’âge adulte. Le
même phénomène avait déjà été observé lors d’expérimentations
animales (voir le chap. 14).
332
perturbateurs durant le premier trimestre de la grossesse : cinq fois plus
nombreuses pour les hormones de synthèse de la thyroïde, huit fois plus
nombreuses pour les coupe-faim amphétaminiques (style Mediator et
Isoméride des laboratoires Servier) et cinq fois plus nombreuses pour le
Distilbène.
Les garçons sont moins concernés par l’impact de ces médicaments
sur l’orientation sexuelle, mais les mères de garçons homosexuels sont,
néanmoins, trois fois plus nombreuses à avoir consommé des coupe-faim
amphétaminiques que les mères des garçons hétérosexuels ; elles sont
deux fois plus nombreuses à avoir pris du Distilbène, des antiallergiques
ou des corticoïdes anti-inflammatoires (prednisone).
Lee Ellis en conclut que l’exposition prénatale à certaines substances
chimiques médicamenteuses « affecte l’orientation sexuelle chez les
14
humains ». Le mécanisme de cette modification pourrait passer, selon
lui, par la voie neurohormonale : le polluant toxique modifierait la
sécrétion des hormones sexuelles, comme la testostérone, qui contrôlent
la différenciation sexuelle du cerveau. Les hormones thyroïdiennes de
synthèse qui imitent les hormones naturelles ont également une action
directe sur la construction du cerveau.
Ces constatations ne sont guère surprenantes si l’on jette un coup
d’œil à la structure chimique de ces substances : ce sont des dérivés du
benzène, présentant de fortes similitudes avec les hormones naturelles de
l’embryon puis du fœtus à l’œuvre dans la différenciation de l’appareil
génital et du cerveau.
Cette piste neurohormonale va dans le sens d’autres études qui
montrent qu’à la différenciation des organes durant le premier trimestre
succède dans la seconde moitié de la grossesse la différenciation sexuelle
15
du cerveau . Celle-ci est également dépendante des hormones. On
pourrait presque dire, comme en clin d’œil à Simone de Beauvoir, « On
devient femme ou homme avant même de naître », à condition que cette
potentialité ne soit pas altérée par des polluants chimiques.
Quelle que soit la différence biologique entre hommes et femmes,
celle-ci ne doit pas justifier une quelconque discrimination, mais elle ne
333
doit pas non plus être niée voire déniée.
RÉSUMÉ
Chez les humains, qui sont des mammifères, la reproduction est
sexuée. Les gènes définissent le sexe. Un individu XX est une femme et
un individu XY est un homme.
Durant les deux premiers mois de gestation, l’embryon est
bipotentiel, puis, sous l’effet de son programme génétique et des
hormones, il différencie son appareil génital en mâle ou femelle. On
l’appelle alors « fœtus ».
Chez le fœtus masculin, les testicules produisent la testostérone, qui
permet la croissance et la mise en place des organes génitaux. Chez le
fœtus féminin, les ovaires sécrètent les estrogènes, qui sont les hormones
femelles. Des molécules chimiques provenant de polluants extérieurs
imitent ces hormones et empêchent leur action. La construction et la
différenciation des organes ne se font plus correctement. Il peut en
résulter une ambiguïté sexuelle que l’on appelle « intersexe ». À l’âge
adulte, la personne intersexe peut choisir de devenir transsexuelle en
optant pour le sexe opposé à son sexe génétique.
Les perturbateurs hormonaux contaminant la mère pendant la
grossesse peuvent modifier les futurs comportements sexuels de son
fœtus et augmenter bisexualité et homosexualité. L’explication
biologique des comportements sexuels doit pouvoir faciliter
l’acceptation des différences et la lutte contre les discriminations.
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335
QUAND LES HUMAINS SONT
EN PÉRIL
336
37
337
2
Courbe de l’incidence de l’autisme (D’après Karen Weintraub )
338
Neurones comparés :
À gauche, un neurone normal : les petites excroissances sont
nombreuses et peuvent assurer la communication entre les neurones.
À droite, les excroissances sont fines et éparses. La fonction cérébrale
4
est altérée. (D’après Purpura 1974 et Demeneix 2014 )
339
perturberont l’équilibre en iode pourront aussi compromettre la
6
transcription et l’expression des gènes .
L’hormone maternelle thyroxine traverse le placenta et agit sur le
cerveau de l’enfant avant même l’entrée en fonction de la glande
thyroïde du fœtus ; elle poursuivra son action durant toute la grossesse.
Les PCB et les pesticides organochlorés, comme le fongicide
hexachlorobenzène, ont pour effet de diminuer la quantité d’hormones
thyroïdiennes circulantes et d’entraîner une hypothyroïdie 7. Il en va de
8 9
même avec les perchlorates , les composés bromés et le triclosan .
Au Muséum d’histoire naturelle de Paris, la biologiste spécialiste en
endocrinologie Barbara Demeneix a pu montrer grâce à des têtards
rendus fluorescents que des polluants chimiques courants dans le liquide
amniotique des femmes enceintes peuvent occuper la place de l’hormone
thyroïdienne dans la glande thyroïde et ainsi empêcher cette dernière de
présider au développement du cerveau du fœtus. Ces toxiques, le plus
souvent des pesticides, peuvent le faire parce que leur structure
ressemble beaucoup à l’hormone thyroïdienne naturelle ; celle-ci est
exactement la même chez l’humain et chez le têtard.
Les têtards fluorescents exposés au même cocktail chimique que les
femmes enceintes ont vu le nombre de leurs neurones diminuer. La
signalisation des hormones en a été affectée, et le comportement des
têtards modifié. D’autres pesticides avaient déjà montré qu’ils
empêchaient la métamorphose du têtard en grenouille : il devenait un
monstre, avec la taille d’une grenouille mais la forme d’un têtard.
340
Mimétisme des polluants hormonaux avec l’hormone thyroïdienne :
En haut, l’hormone thyroïdienne T4 avec ses deux cycles hexagonaux
et ses quatre atomes d’iode (I).
En dessous, un retardateur de flamme bromé avec ses deux cycles
hexagonaux et ses quatre atomes de brome (Br).
En bas, le bisphénol A avec ses deux cycles hexagonaux.
Le polluant chimique imite l’hormone naturelle thyroxine et leurre
son récepteur, bloquant l’action de l’hormone sur les neurones.
341
Une étude sur les mères d’enfants autistes vivant près de zones
agricoles en Californie a montré la responsabilité des pesticides dans
10
l’apparition de ce trouble .
342
D’autres perturbateurs hormonaux associés
à l’autisme : les bisphénols
343
Le mercure, un polluant majeur
344
De l’aluminium dans le cerveau des enfants
345
À la naissance, le cerveau du bébé atteint 25,6 % de la taille adulte, et
31 32
50 % dans les six premiers mois de sa vie .
Que l’aluminium se retrouve bien dans le cerveau, le chercheur
anglais Christopher Exley l’a mesuré lui-même – une première
mondiale 33 publiée en 2017. Il a analysé les tissus de cerveaux
d’adolescents décédés avec un diagnostic d’autisme. Il y a trouvé des
quantités d’aluminium « extraordinairement élevées », à la fois à
l’intérieur des neurones mais aussi dans les cellules de la microglie,
chargées du « nettoyage » cérébral. Les concentrations y étaient
beaucoup plus importantes que dans les centaines de cerveaux
d’adolescents ou d’adultes non autistes que le chercheur avait analysés
jusque-là, y compris chez les dialysés.
Ces derniers ont contribué malgré eux à révéler la neurotoxicité de
l’aluminium. En effet, un grand nombre d’entre eux ont développé des
encéphalopathies baptisées « démences des dialysés » à cause de
l’aluminium contenu dans l’eau de dialyse. Une autre forme de démence
les guette, liée aux phtalates des poches en plastique souple qui servent
34
aux dialyses .
Après ses révélations sur la présence d’aluminium dans le cerveau
des autistes, le chercheur anglais s’est vu supprimer tous ses crédits par
son université. Un autre scientifique, espagnol cette fois, a lui aussi
connu des déboires avec l’aluminium : le Dr Lluís Luján, vétérinaire et
spécialiste des pathologies du mouton, a publié en 2019 une étude
montrant que des moutons ayant reçu des vaccins adjuvantés à
l’aluminium ont développé des comportements pseudo-autistiques. Ils
ont aussi pour beaucoup développé des nodules sous-cutanés remplis
d’aluminium à l’endroit de l’injection 35. Ces nodules ont aussi été
retrouvés sur les chats vaccinés. Ils se cancérisaient et devenaient des
sarcomes. L’aluminium a donc été retiré des vaccins pour chiens et chats.
Les bébés humains n’ont pas fait l’objet des mêmes égards.
Les granulomes sont désormais moins palpables chez les humains,
parce que dans les années 1990 il a été décidé de ne plus injecter les
vaccins sous la peau mais profondément dans le muscle. Résultat, les
346
granulomes sont toujours là, mais on les voit moins. Pour aller plus loin
sur cette question, lire l’excellent livre du pharmacien lanceur d’alerte
36
Serge Rader et voir le très complet didacticiel sur Internet « Dangers
de l’aluminium des vaccins : l’alu total 37 ! ».
347
38
Des médecins du groupe Chronimed traitent les enfants avec des
antibiotiques, une approche originale mais contestée. Les symptômes
autistiques disparaissent avec les antibiotiques et reviennent après un
laps de temps pour disparaître à nouveau avec une autre prise
d’antibiotiques 39. Cependant, ces médicaments ayant aussi des effets
secondaires importants, ils ne constituent pas un traitement idéal et sont
très décriés. Ils montrent en tout cas le lien qui peut exister entre
l’intestin et le cerveau.
Le basculement dans l’autisme peut intervenir plusieurs mois voire
plusieurs années après la naissance : de nombreux parents dont les
enfants étaient en pleine santé les ont vus sombrer dans l’autisme après
40
une vaccination infantile . Ces cas sont baptisés « autisme régressif »,
car le changement est immédiat et fulgurant. Certains médecins, comme
le chirurgien Andrew Wakefield, ont suspecté un lien possible entre la
vaccination ROR (rougeole-oreillons-rubéole, virus vivants atténués) et
un dérangement du microbiote qui aurait accompagné l’autisme. Ils se
sont fait attaquer par l’institution médicale, mais les parents des enfants
autistes les ont au contraire défendus. L’« affaire Wakefield » a été très
médiatisée en Grande-Bretagne. La justice a finalement blanchi les
publications attaquées.
Ces médecins ont eu raison trop tôt. Ils ont fait l’objet d’un lynchage
mondial. De nombreux scientifiques les ont condamnés par ouï-dire sans
même avoir lu leur article, qui était très prudent et très mesuré.
Depuis, les publications se multiplient sur le lien entre autisme et
microbiote. Certaines vont même jusqu’à souligner l’intérêt des greffes
41
fécales pour traiter la maladie . La greffe fécale consiste en
l’importation d’un microbiote (excréments) d’une personne saine. Une
étude a montré l’amélioration d’enfants autistes après une greffe fécale,
42
avec des effets maintenus pendant une durée de deux ans . Une voie
thérapeutique très prometteuse.
L’administration de prébiotiques et de probiotiques est également
bénéfique, y compris pour la femme enceinte, qui devrait autant que
possible éviter les antibiotiques pendant la grossesse. Une étude néo-
348
zélandaise a montré que des enfants qui avaient reçu au moins un
traitement antibiotique durant la première année de vie avaient à l’âge de
11 ans des résultats cognitifs moins bons que ceux qui n’avaient rien
reçu. Ils avaient plus de risques d’hyperactivité et de déficit de
l’attention, ainsi qu’une moindre interactivité sociale. La conclusion des
auteurs était qu’il valait mieux éviter les antibiotiques la première année
43
de vie, surtout pour des troubles bénins .
349
Conséquences d’une baisse du quotient intellectuel :
En haut, la moyenne des QI est à 100. Une proportion égale est au-dessus de
130 et une autre en dessous de 70.
En bas, une baisse du QI moyen de 5 % entraîne un glissement vers la gauche
de toute la courbe, avec une moyenne générale à 95. Les QI supérieurs à 130
passent de 2,3 millions à 990 000 pour 100 millions de personnes. Tolérer de
petits risques chimiques peut conduire à de gros effets pour la société.
44
(D’après Weiss 1988 )
350
45
Le Californien Allan Schore s’inquiète pour la santé cérébrale et
hormonale de « tous nos fils ».
La raison de cette vulnérabilité masculine est à aller chercher, selon
lui, dans le rythme de développement du cerveau. Chez le garçon,
pendant la période fœtale et même après la naissance, le rythme de
développement du cerveau du garçon est plus lent que celui des filles. Le
cerveau droit en particulier mûrit plus lentement, et les connexions
neuronales s’y établissent autrement que dans celui des filles.
L’imprégnation de la testostérone joue un rôle fondamental. Or, si son
taux est déréglé par un perturbateur chimique quelconque, c’est la
construction cérébrale qui est mise en danger pout toute la vie. La
capacité de résistance du cerveau au stress y compris chimique s’en
trouve amoindrie.
L’autisme n’est pas le seul trouble neurodéveloppemental à avoir
explosé : les parents sont désormais nombreux à avoir des enfants
touchés par le déficit de l’attention (TDA/H), par l’hyperactivité, les tics
et les tocs. Le bataillon des enfants « dys » (dyslexiques, dysphasiques,
dyspraxiques, etc.) a fortement grossi ces dernières décennies. Les
enseignants qui ont trente à quarante ans d’expérience ont vu la situation
se dégrader spectaculairement dans leurs classes.
46
« Demain, tous crétins ? » C’est la question que se pose également
le documentaire de référence sur le sujet.
RÉSUMÉ
Aux États-Unis, les cas d’autisme ont été multipliés par 100 en
cinquante ans. Les médecins examinent la piste biologique de l’autisme
et de tous les désordres qui s’y rattachent. On parle de « spectre
autistique » et de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité des
enfants (TDA/H).
Des progrès dans le diagnostic ne suffisent pas à expliquer cette
épidémie. De nombreuses substances chimiques altèrent les capacités
351
cognitives de l’enfant. La période fœtale est particulièrement à risque,
notamment avec des polluants qui imitent l’hormone thyroïdienne, une
hormone cruciale lors de la formation du cerveau de l’embryon puis du
fœtus.
À l’échelle sociale, l’augmentation du spectre autistique entraîne une
baisse du quotient intellectuel moyen.
1. https://www.cps.ca/fr/documents/position/tdah-autisme-handicap-intellectuel-la-
prematurite. Le TDAH chez les enfants et les adolescents, partie 3 : l’évaluation et
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6. Ibid.
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24. Ibid.
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36. S. Rader, Vaccins. Oui ou non ? Les Analyses et les photos au microscope
électronique de substances contenues dans les vaccins, Talma Studio, 2017.
37. Consulter le site de l’association Pour des vaccins sans aluminium.
38. Ces médecins sont attaqués par l’Agence du médicament, qui a saisi le
procureur de Paris pour « prescriptions dangereuses ». Rappelons que l’ANSM
elle-même a été condamnée à plusieurs reprises dans des scandales de santé
publique comme celui du Mediator. Elle est beaucoup moins regardante sur les
354
effets de la nouvelle formule du Levothyrox, qui a fait l’objet d’un autre scandale
de santé publique.
39. Interviews de l’auteure avec des parents ayant testé ce traitement.
40. Entretiens avec l’auteure.
41. M. Madra, R. Ringel et K. G. Margolis, « Gastrointestinal Issues and Autism
Spectrum Disorder », Child and Adolescent Psychiatric Clinics of North America,
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PMID 28042663.
46. Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, Demain, tous crétins ?, Arte, 2017.
355
38
356
En Grande-Bretagne, l’asthme
a été multiplié par vingt en cinquante ans
357
Évolution de l’asthme en Europe :
Entre 1960 et 2010, la fréquence de l’asthme est passée de 1,4 % de la
population à 7 % pour les patients qui déclarent avoir eu une crise dans les
douze derniers mois. Il a donc au minimum quintuplé en cinquante ans.
L’actualisation des données par Santé publique France est médiocre.
358
respiratoire. L’âge de la première crise ne cesse de se rapprocher de la
8
naissance . Une étude plus récente qui ne concerne que les enfants de
maternelle montre que la progression se poursuit, alors que l’on pensait
que la maladie connaissait une moindre progression voire une
stagnation 9.
359
Les personnes au chômage ou restant dans le foyer sont également plus
exposées. Les causes de cette maladie sont mal comprises, mais on sait
que l’asthme se développe sur un terrain allergique et s’accompagne
d’autres troubles du système immunitaire, comme les rhinites allergiques
ou rhumes des foins, les eczémas ou urticaires, les allergies alimentaires
10
et médicamenteuses . L’allergie est une forme exagérée de la réponse
immunitaire à une substance « étrangère » à l’organisme. C’est une perte
de la tolérance vis-à-vis de substances a priori inoffensives. L’organisme
réagit trop facilement (hypersensibilité) et/ou trop fortement
(hyperréactivité). Encore une fois, c’est l’homéostasie qui est perturbée.
360
Pour le Pr Jean Bousquet du CHU de Montpellier, qui est l’auteur de
l’article le plus cité de la littérature scientifique sur l’asthme et les
11
rhinites allergiques , ces deux maladies sont liées. Le professeur
souligne que 80 % des asthmatiques ont des rhinites allergiques
(caractérisées par les IgE). Et 10 à 40 % des patients qui ont des rhinites
ont aussi de l’asthme, ce qui illustre le principe « Une seule voie
respiratoire, une seule maladie ».
Ce trouble qu’on appelle aussi « rhume des foins » ou « allergie
saisonnière » est une apparition relativement tardive dans l’histoire de
l’humanité 12. Il a été observé pour la première fois dans les années 1870
avec la révolution industrielle. C’est une inflammation des muqueuses du
nez, des sinus et des yeux. Elle est déclenchée par une réaction excessive
du système immunitaire en présence d’un allergène, comme le pollen ou
les acariens. Elle est désormais très courante, puisqu’elle touche un tiers
13
des Français .
Les causes ?
361
Le Collège royal des médecins de Grande-Bretagne, qui est la plus
ancienne des sociétés savantes, incrimine également une
surconsommation d’antibiotiques et d’autres médicaments, une sous-
consommation des fruits et légumes, une aseptisation de la prime
enfance et une altération de la flore bactérienne de l’intestin.
Le consensus scientifique international n’est pas loin d’être établi à
14
ce sujet . En effet, les allergènes classiques, comme les moisissures
(Penicillium), les levures, les acariens ou les insectes, sont désormais
sérieusement concurrencés par tous les allergènes chimiques qui se
cachent dans les objets et les produits du quotidien 15. Ce sont nos
« 6 P ». Non seulement, ils s’attaquent directement aux hormones, mais
16
ils interfèrent aussi dans leur relation avec le système immunitaire . On
retrouve les phtalates en première ligne.
362
n’arrivent pas, de leur côté, à se débarrasser aussi facilement des
phtalates.
D’autres polluants ont aussi cette capacité à se fixer sur les récepteurs
très peu sélectifs des prostaglandines : ce sont les dérivés du benzène, les
18
phénols comme le bisphénol et les nonylphénols, les résines contenant
du formaldéhyde, les terpènes, etc. Les parabènes sont aussi en cause :
les enfants ont plus de risques de se retrouver aux urgences pour des
crises d’asthme si leurs urines sont fortement concentrées en
parabènes 19.
Plusieurs études ont mis en évidence le lien entre perturbateurs
endocriniens et asthme et allergies, dans les milieux familial et
professionnel. En voici quelques exemples :
— Une étude suédoise a montré que les enfants exposés aux phtalates
dans les logements ont un risque accru d’asthme et d’allergie. Plus les
taux de contamination des maisons sont élevés et plus les symptômes
20
sont sévères . Les poussières de phtalates proviennent principalement
des sols en PVC 21.
22
— Les sept professions les plus touchées par l’asthme sont :
boulanger, professionnels de la santé, coiffeur, peintre, travailleur du
bois, employé de nettoyage et agriculteur. Ces professionnels sont en
contact avec des substances chimiques qui altèrent leur système
respiratoire : pesticides, alpha-amylase, cellulase 23, formaldéhydes,
fongicides, insecticides, bactéricides, ammoniums quaternaires, colorants
azotés des teintures capillaires, persulfates pour la décoloration,
24
isocyanates, résines époxy , conservateurs à l’isothiazolinone.
De nombreuses molécules médicamenteuses ont des structures
chimiques très proches de ces toxiques ; elles provoquent les mêmes
inflammations pulmonaires. Dans son article de référence, le
Pr Bousquet rappelle que les médicaments sont un facteur connu de
l’asthme et des allergies.
On retrouve d’abord parmi ces médicaments les antibiotiques et en
particulier les bêta-lactamines, puis les médicaments contre
363
l’hypertension (réserpine, guanéthidine, phentolamine, méthyldopa, les
inhibiteurs de l’ACE, les alpha-bloquants, les bêta-bloquants), les
antipsychotiques, et surtout les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS), comme l’aspirine ou apparentés (ibuprofène, diclofénac,
indométacine, kétoprofène, naproxène, etc.).
Tous ces anti-inflammatoires non stéroïdiens provoquent des rhinites
allergiques et de l’asthme, au point qu’on a qualifié ces derniers de
25
« troubles respiratoires exacerbés par l’aspirine ». Parmi eux, on trouve
l’« asthme induit par l’aspirine ». Ce n’est guère surprenant : les
prostaglandines ont besoin d’une enzyme pour mener à bien la réponse
inflammatoire ; or l’aspirine inhibe cette enzyme, ce qui empêche
l’inflammation. C’est pour cette raison qu’on classe l’aspirine dans la
famille des anti-inflammatoires. Et l’on ajoute « non stéroïdiens » pour
les distinguer des anti-inflammatoires stéroïdiens, à base de cortisone
(structure stéroïde) et qui calment l’inflammation par un autre
mécanisme que l’aspirine. Ils sont au contraire utilisés comme traitement
de l’asthme.
On ne sera pas étonné de retrouver parmi les médicaments qui
26
provoquent l’asthme et les rhinites allergiques le paracétamol , mais
aussi… la pilule contraceptive.
Les hormones sexuelles font partie du tableau de l’asthme.
Asthme et hormones
En effet, les hormones jouent un rôle dans la sévérité de l’asthme. On
peut le constater à l’aide de certains marqueurs :
– Une femme obèse ou proche de l’obésité qui a eu des règles
précoces est exposée à un risque accru d’asthme sévère.
– Certaines femmes peuvent avoir un asthme prémenstruel. La
ménopause de même que la puberté sont aussi en relation avec l’asthme.
364
– Des troubles endocriniens comme l’hypothyroïdie sont aussi
facteurs d’asthme.
– La grossesse modifie elle aussi l’évolution de l’asthme, dont les
manifestations peuvent changer en fonction du taux d’estrogènes dans le
27
sang . Selon l’assurance maladie, chez un tiers des femmes enceintes,
l’asthme s’améliore, chez un autre tiers, il se stabilise, chez le dernier
tiers, il s’aggrave 28.
La période fœtale semble également jouer un rôle dans l’apparition
de l’asthme.
365
1960. L’auteur identifie cinq changements susceptibles d’expliquer
l’épidémie :
1) Nombre accru de vaccins dans la prime enfance, avec possibles
changements dans leur composition.
2) Augmentation de l’utilisation des antibiotiques à large spectre.
3) Utilisation accrue du paracétamol contre la fièvre pour remplacer
l’aspirine et ses effets secondaires.
4) Plus grande sédentarisation, avec le développement des écrans.
5) Exposition accrue aux allergènes des espaces intérieurs.
La chercheuse et mathématicienne allemande Angelica Kögel-
Schanz a confirmé cette constatation en analysant les données brutes
d’une grande étude (appelée « KIGGS ») sur la santé physique et
mentale de 17 641 enfants et adolescents, réalisée de 2003 à 2006 par la
33
plus haute instance de santé allemande, l’Institut Robert-Koch .
Elle constate que les enfants vaccinés contre la rougeole, les oreillons
et la rubéole ont été moins touchés par ces maladies infectieuses que les
enfants non vaccinés, mais qu’ils ont développé des affections
chroniques que n’ont pas connues les enfants non vaccinés.
Chez les enfants de la minorité religieuse amish aux États-Unis,
l’asthme et les allergies sont pratiquement inconnus, tout comme
l’autisme. De même, les enfants des écoles Steiner, connues pour leur
usage restreint des antibiotiques et des antipyrétiques, ont un risque
réduit d’allergies diverses 34. Les mêmes constatations sont faites dans
35
des études plus récentes aux États-Unis . Certaines suggèrent une
possible altération de la production de vitamine A par le foie 36.
366
Asthme et allergies chez les enfants non vaccinés et vaccinés :
En Allemagne et aux États-Unis, des comparaisons entre deux
groupes d’enfants montrent que les enfants vaccinés ont des taux
accrus d’asthme, de bronchite chronique, de rhinites allergiques et
d’eczéma.
367
Le thymus est une glande qui fabrique des hormones qui aident à la
production des globules blancs, les lymphocytes T. Il fait à la fois partie
du système endocrinien, du système lymphatique et du système
immunitaire. Il suffit que l’un de ces trois systèmes soit perturbé pour
que les répercussions se fassent sentir sur tous les autres.
RÉSUMÉ
10 % des Français souffrent d’asthme, un tiers ont des rhinites
allergiques ou de l’eczéma. Ces maladies sont apparues à une grande
e
échelle à la fin du XIX siècle et dans les années 1960. Elles sont liées et
affectent à la fois les systèmes immunitaire et hormonal.
Elles seraient le résultat de l’altération par des produits chimiques
des récepteurs des « hormones locales » que sont les prostaglandines.
Les polluants toxiques se trouvent dans l’air tant extérieur qu’intérieur,
dans les médicaments, dont les vaccins, dans les matières plastiques. Ce
sont les « 6 P » déjà décrits.
368
7. L. Com-Ruelle, B. Crestin et S. Dumesnil, « L’asthme en France selon les stades
de sévérité », Credes, février 2000.
8. Ibid.
9. M.-C. Delmas, « Augmentation de la prévalence de l’asthme chez le jeune
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27. Ibid.
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37. V. Braniste, A. Jouault, E. Gaultier, A. Polizzi, C. Buisson-Brenac,
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Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 107, n 1, 2009, p. 448-453,
[en ligne] DOI 10.1073/pnas.0907697107
370
39
371
d’une maladie auto-immune où le système immunitaire détruit le
pancréas. Son incidence a également triplé en vingt ans.
Les autorités sanitaires répètent à l’envi que les causes du diabète et
de l’obésité ne sont pas bien connues, à part une alimentation
déséquilibrée et la sédentarité. Certes, ces deux paramètres sont
fondamentaux, mais ils ne suffisent pas à expliquer l’explosion de la
« diabésité ». On parle désormais de maladies environnementales lorsque
7
l’on aborde le diabète et l’obésité .
372
Le diabète en France :
Le pourcentage de Français ayant un diabète est passé de 1,5 % en 1992 à
5 % en 2015.
Il a plus que triplé en vingt ans. Le Nord-Est du pays est le plus touché.
(D’après Fosse 2018)
373
doute », expliquent les endocrinologues niçois Patrick Fénichel et
8
Nicolas Chevalier .
Le Réseau environnement santé a consacré tout un dossier au lien de
causalité entre perturbateurs chimiques et diabète dans le cadre du projet
Ecod’O (Environnement chimique Obésité Diabète) 9.
Mais d’abord, définissons le diabète et ses manifestations.
374
Pourquoi y a-t-il un excès de sucre dans
le sang à un moment donné ?
375
qu’il le stocke au lieu de le verser dans la circulation. C’est là qu’il lui
faut un guide pour le renseigner et c’est une hormone : l’insuline.
Comme toutes les hormones, l’insuline est une messagère. C’est le
pancréas qui va l’envoyer prévenir le foie qu’il y a trop de sucre dans le
sang et qu’il doit arrêter d’en ajouter. Le pancréas joue le rôle du
thermostat. Il jauge le taux de sucre du sang grâce aux cellules situées
dans ses îlots de Langerhans. Celles-ci, quand le sang est trop concentré,
se mettent à sécréter l’insuline jusqu’à ce que le niveau de sucre
redescende au niveau d’équilibre
L’insuline va aussi voyager jusqu’au cerveau pour y jouer un rôle
dans la sensation de faim.
Il revient alors aux reins, à l’autre bout du circuit, d’augmenter la
cadence d’élimination du sucre surnuméraire. Et ils vont avoir besoin de
beaucoup d’eau pour le dissoudre et l’excréter. C’est ce qui explique que
les symptômes du diabète sont la production fréquente d’urine suivie
d’une soif intense pour compenser la perte d’eau.
Le risque à surveiller attentivement est alors celui de la
déshydratation avec son cortège d’effets en cascade si les sels minéraux
viennent à manquer.
376
L’équilibre du taux de sucre dans le sang :
1 – Le taux de sucre est trop élevé dans le sang, le pancréas sécrète
de l’insuline.
2 – L’insuline prévient le foie, les cellules adipeuses et les muscles
qu’il faut stocker le sucre.
3 – Le foie, les cellules adipeuses et les muscles appliquent la
consigne et arrêtent de déverser du sucre dans le sang.
4 – Le taux de sucre dans le sang baisse et retrouve son l’équilibre.
377
l’insulinorésistance. Le foie ne stocke plus le sucre et le déverse dans le
sang, provoquant un excès de sucre. C’est l’hyperglycémie, qui alimente
à son tour une sécrétion accrue d’insuline par les cellules du pancréas. Le
15
sujet se retrouve en hypersinsulinémie .
Voici quelques exemples d’études ayant démontré la responsabilité
des toxiques chimiques dans la survenue du diabète :
— Une équipe espagnole autour de Paloma Alonso a montré
l’enchaînement de ces séquences avec du bisphénol A. Avec une dose
très faible de seulement 10 microgrammes par kilogramme et par jour,
des souris ont développé un excès d’insuline, puis une hyperglycémie en
seulement quatre jours 16.
378
Comment les perturbateurs chimiques provoquent le diabète :
À gauche, une cellule cible normale. L’insuline donne le message de
stocker le glucose.
À droite, le mécanisme est perturbé par un toxique hormonal :
1 – Le polluant chimique présent dans le sang surexcite les cellules
du pancréas.
2 – Celles-ci surproduisent de l’insuline. Résultat, l’insuline est en
excès dans le sang.
3 – L’excès d’insuline dans le sang bloque les récepteurs de l’insuline
sur les cellules cibles. Le message « Faites entrer le glucose du sang
dans la cellule » n’est plus délivré. C’est l’insulinorésistance.
4 – Le glucose du sang ne peut plus entrer dans la cellule. Résultat :
trop de glucose dans le sang.
C’est l’hyperglycémie.
379
maladies métaboliques chez des souris nourries avec ce cocktail pendant
un an. Il s’agissait pourtant de faibles doses, tolérées par la
17
réglementation . Les consommateurs sont exposés à ces doses au long
cours. Cette maladie émergente porte le nom de « maladie du foie gras
non alcoolique ». Elle est selon plusieurs analyses en partie liée aux
perturbateurs hormonaux 18. Le risque de développer un cancer du foie
19
est par la suite plus élevé .
— Une étude portant sur la population canadienne a identifié les
toxiques environnementaux (bisphénol A, phtalates ou POP 20) comme
21
facteurs de risque pour le diabète . Dans cette population, les taux de
diabète sont trois à cinq fois plus élevés que dans la population générale.
— Dans la région des Grands Lacs, aux États-Unis, une étude portant
sur une cohorte de personnes suivies durant dix années a montré que
l’exposition au pesticide DDT entraînait une hausse du diabète 22.
— Une étude chez les vétérans de l’US Air Force impliqués dans la
pulvérisation du tristement célèbre « agent orange » durant la guerre du
380
Vietnam a montré que leur taux de diabète était beaucoup plus élevé que
la moyenne générale.
— En Slovaquie, une importante étude faite sur des enfants dans une
région très polluée aux PCB a montré que l’expression de quatorze gènes
s’en trouvait modifiée, parmi lesquels le gène régulant l’insuline. Un
23
autre gène « altéré », le TSGA, était, lui, relié à l’obésité .
— Plusieurs études ont montré comment l’obésité peut se transmettre
de génération en génération 24. Il suffit que des parents soient exposés
aux bisphénols, aux phtalates ou à d’autres perturbateurs hormonaux
pour que les fils et les petits-fils qui n’ont pas été exposés aux toxiques
25
soient néanmoins touchés par leurs effets .
— Une étude de l’Inserm rappelle que les récepteurs placés sur le
noyau des cellules ont également leur mot à dire et communiquent en
permanence avec les gènes 26. Elle montre que les recherches
scientifiques de ces trente dernières années ont apporté des preuves
suffisamment convaincantes quant à la nocivité des perturbateurs
endocriniens…
À ce stade, il est bon de rappeler que les autorités sanitaires ne
prennent toujours pas en compte les perturbateurs hormonaux
chimiques dans la survenue du diabète.
Ils se cachent aussi dans de nombreux médicaments. Voici les
principaux :
– Le Distilbène sert là encore de modèle expérimental grandeur
27
nature : la chercheuse américaine Retha Newbold a démontré que ce
produit provoque l’apparition d’un diabète et d’une obésité chez les
souris exposées in utero ou à la naissance.
381
Distilbène et diabète :
À gauche, une souris normale. À droite, une souris exposée à du
Distilbène in utero. À 6 mois, la souris contaminée est obèse et
présente des signes précurseurs du diabète.
382
Le diabète programmé à l’âge fœtal
33
Le diabète de l’adulte peut avoir une origine fœtale . L’exemple le
plus célèbre est celui de la famine de l’hiver 1944-1945 aux Pays-Bas :
les enfants mal nourris pendant la période fœtale sont nés avec un
moindre poids mais se sont plus souvent retrouvés obèses et diabétiques
à l’âge adulte suite à la « neutralisation » de leur gène de gestion de
34
l’insuline, le Pedx1 . Cette théorie est connue sous le nom
35
d’« hypothèse de Barker ».
L’alimentation en continu lors d’épisodes hospitaliers est également
diabétogène à partir d’une certaine durée. En effet, comme pour
beaucoup d’autres hormones, la libération de l’insuline se fait sur un
mode pulsatile, ce qui entraîne des concentrations oscillantes dans le
sang. Celle-ci évite de bloquer les récepteurs des cellules cibles en
permanence. Pour cette même raison, les jeûnes intermittents entre
chaque repas permettent de préserver l’insuline.
Pulsatilité de l’insuline :
L’insuline est sécrétée sur un mode pulsatile de 140 minutes tout au
36
long de la journée , avec des pointes de haute fréquence de 6-
10 minutes.
RÉSUMÉ
Le diabète a connu une forte augmentation ces dernières décennies.
En France, il a été multiplié par trois en vingt ans entre 1990 et 2015 et
383
touche désormais plus de 5 % de la population.
L’obésité a, elle aussi, connu une croissance rapide et concerne 17 %
de la population.
Cette double épidémie ne s’explique pas seulement par un régime
alimentaire déséquilibré et un manque d’activité physique. De nouvelles
données scientifiques mettent également en cause notre exposition à des
substances chimiques de synthèse.
Les mécanismes d’action des polluants chimiques sont désormais
connus ; ils passent entre autres par la perturbation du pancréas et le
dérèglement de la production d’insuline, ce qui aboutit au déséquilibre
dangereux du taux de sucre dans le sang.
L’imprégnation du fœtus en polluants chimiques peut être à l’origine
des maladies de l’adulte (diabète et obésité).
384
12. E. Le Chatelier, « Richness of Human Gut Microbiome Correlates With
Metabolic Markers », Nature, 2013.
13. J. Everard et al. 2013.
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18. S. A. Polyzos, J. Kountouras, G. Deretzi, C. Zavos et C. S. Mantzoros, « The
Emerging Role of Endocrine Disruptors in Pathogenesis of Insulin Resistance:
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l’université Karolinska, à Stockholm.
20. Polluants organiques persistants.
21. Sharp 2009.
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chap. 11.
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Frequency Insulin Pulsatility and Type 2 Diabetes: From Physiology and
Pathophysiology to Clinical Pharmacology », Diabetes & Metabolism, vol. 28
(6 Suppl), décembre 2002.
386
40
S’il est une épidémie qui fait peu parler d’elle mais qui n’en est pas
moins extrêmement répandue, c’est bien celle qui touche à tous les
troubles de la thyroïde. On a vu, dans le chapitre 37 sur l’autisme, à quel
point les hormones thyroïdiennes sont fondamentales pour la
construction du cerveau du fœtus et comment elles peuvent être
perturbées par les polluants chimiques qui miment leur structure.
Par-delà la période fœtale, elles vont jouer, tout au long de la vie, un
rôle de premier ordre dans la construction de l’ossature, dans la
régulation de la température, dans la production de l’énergie, dans la
modulation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, mais aussi
dans l’équilibre de l’humeur et le bien-être.
La bonne santé de la glande en forme de papillon qui produit ces
hormones et qui se situe à la base du cou est fortement compromise
depuis plusieurs décennies. Le cancer de la thyroïde, qui touche trois fois
plus les femmes que les hommes, est en très forte augmentation. Les
registres anciens montrent que les cancers papillaires, qui représentent
80 % des cancers thyroïdiens, ont été multipliés par neuf entre 1980 et
2018 1.
387
Évolution du cancer de la thyroïde :
Chez les femmes, l’incidence du cancer papillaire, qui représente 80 % des
cancers de la thyroïde, a été multipliée par près de neuf entre les années 1980
2
et 2015. (Santé publique France 2019 )
388
traités avec un grand mépris par les instances sanitaires et les ministres
de la Santé successifs.
389
auxquels ont été fixés artificiellement des éléments comme le chlore, le
brome, le fluor ou même l’étain.
390
10
l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis, l’EPA . Ces
molécules entraînent une diminution de la sécrétion d’hormones
thyroïdiennes, suivie d’une augmentation du volume de la glande pour
essayer de maintenir le niveau de production. Pour ce qui concerne les
PCB et les dioxines, les études sur les animaux et chez les humains
montrent que ces substances altèrent les fonctions de la thyroïde 11.
Les retardateurs de flamme bromés sont pour leur part capables de
dérégler la glande thyroïde des rats et des humains. Une étude récente a
mis en lumière leur capacité à provoquer un excès de cancers thyroïdiens
chez les personnes exposées aux poussières contaminées dans les
logements. Or, 100 % des logements contiennent ce genre de
12
poussières .
391
Mais ce que nous apprennent les médecins, c’est qu’il n’existe pas
d’allergie à l’iode : l’allergie concerne le support sur lequel l’iode est
fixé. En l’occurrence, dans le cas des produits de contraste, le support
n’est autre que notre désormais familier… noyau benzénique, une
14
molécule pour le moins toxique .
D’autres médicaments perturbateurs de la thyroïde sont le lithium,
utilisé en psychiatrie, ainsi que l’interféron, qui sert à traiter notamment
la sclérose en plaques. La radiothérapie des traitements anticancéreux
peut aussi avoir des répercussions sur la thyroïde.
Ces hormonotoxiques capables de perturber les adultes ont aussi des
effets sur la thyroïde des fœtus des mères exposées 15. Des chercheurs
hollandais ont découvert que quand le sang des mères prélevé sur le
cordon ombilical et leur lait présentaient des taux élevés de dérivés du
DDT et de perfluorés, leurs filles souffraient d’un excès d’hormone
thyroïdienne T4. La thyroïde des garçons en revanche était indemne.
RÉSUMÉ
Les troubles de la thyroïde touchent en grande majorité les femmes.
L’épidémie flambe en silence depuis les années 1950. Le taux de cancers
a été multiplié par neuf en trente ans. Les progrès du dépistage ne
suffisent pas à l’expliquer. Ce sont les polluants chimiques qui viennent
se fixer sur la thyroïde qui causent cette explosion chez l’adulte mais
aussi chez le fœtus. Certains médicaments sont en cause.
392
5. Expertise collective « Cancer et environnement », Inserm, 2008.
6. M. Boas, « Thyroid Effects of Endocrine Disrupting Chemicals », Molecular
and Cellular Endocrinology, 2012.
7. G. Defossez et al., « Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par
cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018, vol. 1 : Tumeurs solides », art.
cit.
8. Expertise collective « Cancer et environnement », Inserm, 2008.
9. J. B. Fini… et B. A. Demeneix, « Human Amniotic Fluid Contaminants Alter
Thyroid Hormone Signalling and Early Brain Development in Xenopus
Embryos », Scientific Reports, 2017.
10. C. Dolbois, Perturbateurs endocriniens et cancer de la thyroïde, thèse de
doctorat en pharmacie, Toulouse, 2017.
11. M. Boas, U. Feldt-Rasmussen et K. M. Main, « Thyroid Effects of Endocrine
Disrupting Chemicals », Molecular and Cellular Endocrinology, 2012.
12. L. Mosqueron et V. Nedellec, « Hiérarchisation sanitaire des paramètres
d’intérêt… », art. cit.
13. Expertise collective « Cancer et environnement », Inserm, 2008.
14. Allergie aux produits de contraste iodés, Chu-besancon.fr ; produits iodés,
Haute Autorité de santé.
15. M. de Cock, « Prenatal Exposure to Endocrine Disrupting Chemicals in
Relation to Thyroid Hormone Levels in Infants: A Dutch Prospective Cohort
Study », Environmental Health, 2014.
393
41
394
Interdépendance des systèmes hormonal et immunitaire :
Des toxiques chimiques fragilisent le « terrain » et facilitent les
infections.
Les perfluorés sont plus présents chez les hommes que chez les
femmes, chez les plus âgés que chez les plus jeunes. Ils sont aussi liés à
la survenue du diabète et de l’obésité. Les personnes qui avaient les
plus hautes concentrations en perfluorés étaient aussi celles qui
développaient les formes Covid les plus sévères.
Un perfluoré en particulier, le PFBA, semble le plus toxique. C’est
celui qui « en théorie » est le moins toxique, car le moins persistant dans
l’organisme, mais comme il a une chaîne courte, il se fixe aussi plus
facilement sur les poumons. « Il y a bien un lien entre l’imprégnation
chimique de la population et la sévérité de la Covid », affirme Philippe
Grandjean, l’un des auteurs de l’étude, et cela indépendamment des
autres facteurs – âge, sexe ou comorbidités.
Cela expliquerait aussi pourquoi certaines régions présentant une
pollution atmosphérique très forte sont aussi celles qui sont les plus
touchées par le virus : la région de Wuhan, en Chine, la Lombardie, en
Italie, l’Alsace et l’Île-de-France, en France 2. Cela expliquerait aussi
395
pourquoi les personnes âgées, qui sont celles qui consomment le plus de
médicaments au quotidien, sont aussi les plus exposées à la Covid. En
effet, de nombreuses substances médicamenteuses ont une structure
chimique proche de certains perturbateurs hormonaux.
La consigne donnée par le gouvernement français au début de
l’épidémie de consommer du paracétamol en cas de symptômes
infectieux n’a sans doute pas été des plus heureuses. En effet, non
seulement le paracétamol fait baisser la fièvre, alors que celle-ci fait
monter la température pour empêcher la réplication des virus, mais en
plus, sa structure le rend particulièrement toxique : il est composé d’un
cycle benzène auquel on a ajouté un atome d’azote (chapitre 19).
Il s’agit donc bien d’un perturbateur hormonal, comme on l’a vu à
plusieurs occasions dans ce livre. En tant que produit chimique, il est
classé H302, c’est-à-dire « nocif en cas d’ingestion ». Du fait de la
toxicité du paracétamol, le foie doit déployer une forte activité pour
l’éliminer – autant d’énergie qui n’est pas consacrée à la neutralisation
du virus. Le paracétamol est malgré tout le médicament sans ordonnance
le plus consommé par les Français…
La réponse médicale officielle au coronavirus a cumulé les
contresens. Nous n’en ferons pas la liste ici. Mais en nous concentrant
sur le seul aspect des perturbateurs hormonaux, il faut accorder une
mention spéciale aux gels hydroalcooliques : ils détruisent la flore
bactérienne, qui nous protège des agents pathogènes et des produits
toxiques comme le bisphénol A. Il faut également mentionner les
masques jetables en plastique, qui sont constitués de polypropylène
a priori non dangereux, sauf s’il contient des additifs comme les
retardateurs de flamme aux paraffines chlorées, qui ont un effet
3
estrogénique . Ces masques peuvent aussi comporter des nanoparticules
de graphène, une matière dangereuse pour la santé.
Un mot sur les vaccins à ARN synthétiques. Indépendamment du fait
qu’ils sont expérimentaux et donc impropres par définition à la
vaccination de masse, ils contiennent de l’ARN entièrement synthétique
396
dont on ne connaît rien des « secrets de fabrication ». Quels sont les
4
effets sur les hormones ? Mystère. Ce qu’on sait en revanche , c’est que
l’ARN est inséré dans des nanoparticules de lipide conçues pour
traverser la membrane des cellules. Cet ARN se retrouve dans plusieurs
organes, à distance du lieu d’injection. Selon les données du laboratoire
propriétaire, consultables sur le site de l’Agence européenne du
médicament, l’EMA, on peut lire qu’on retrouve de l’ARN de synthèse
dans le cerveau, le cœur, les poumons, les yeux et même les testicules et
les ovaires 5. Les nanoparticules sont potentiellement dangereuses pour le
6
système reproducteur .
Le vaccin contient par ailleurs de la trométhamine 7, une substance
capable d’inhiber des enzymes essentielles de l’organisme qui
comportent des ions métalliques comme le zinc ou le magnésium et qui
ont un effet protecteur contre l’inflammation, la cataracte, le cancer, le
VIH, les kystes, les déséquilibres des phospholipides et la leucémie. Ces
enzymes ont également un rôle clé dans le maintien de l’équilibre
hormonal.
Le vaccin contient du cholestérol. Or, on l’a vu, celui-ci sert de base
à la construction des hormones sexuelles et du cortisol, l’hormone du
stress. Quel est le risque de lier du cholestérol à une substance contre
laquelle le système immunitaire va apprendre à faire la guerre ?
Le vaccin contient du polyéthylène-glycol (PEG), une substance
connue pour être allergisante. De fait, de nombreux chocs
anaphylactiques après vaccination ont été signalés à la
pharmacovigilance. Ce produit est un assemblage (polymère) de
molécules d’éthylène-glycol, qui, lui, sert d’antigel dans les moteurs de
voiture. Il n’a jusqu’à présent jamais été utilisé dans des produits
8
injectables .
Le vaccin contient d’autres lipides, les phosphocholines (DSPC), qui
ressemblent aux phospholipides composant les membranes des cellules.
Ce sont des substances essentielles du système nerveux. Quels peuvent
être les effets secondaires d’un produit qui apprend au système
immunitaire à ne plus faire la différence entre ce qu’il doit éliminer
397
et ce qu’il doit tolérer ? Un dérèglement des phospholipides est, par
ailleurs, une cause connue de fausses couches.
Le vaccin contient aussi des lipides mystères baptisés « lipides SM-
102 », dont on ne sait tout simplement rien en tant que consommateurs
puisque le laboratoire propriétaire les considère comme un secret
industriel.
Par ailleurs, des universitaires américaines ont lancé une étude sur les
effets du vaccin anti-Covid sur le cycle menstruel. Elles avaient observé
sur elles-mêmes un dérèglement de leur cycle, des douleurs accrues au
9
moment des règles et un flux menstruel plus abondant .
Compte tenu de toutes les incertitudes sur la durée de vie des
anticorps, y compris en cas d’infection naturelle par le coronavirus, il
apparaît difficile de faire confiance à des firmes pharmaceutiques qui ont
par le passé été condamnées en justice à des milliards de dollars
d’amende pour corruption, publicité mensongère et mise en danger de la
vie d’autrui.
RÉSUMÉ
Le système hormonal et le système immunitaire sont interdépendants.
Une étude a montré que les personnes qui sont imprégnées de perfluorés
ont un risque accru de développer une forme Covid plus sévère. Les
polluants chimiques fragilisent le système immunitaire et favorisent les
infections.
Les vaccins expérimentaux à ARN de synthèse contiennent des
polluants chimiques susceptibles d’induire des troubles hormonaux et
immunitaires.
398
2. P. Grandjean et al., « Severity of COVID-19 at Elevated Exposure to
Perfluorinated Alkylates », preprint MedRxiv, 2020.
3. [En ligne] https://www.inrs.fr/publications/bdd/plastiques/polymere.html?
refINRS=PLASTIQUES_polymere_19§ion=caracteristiques
4. [En ligne] https://www.mesvaccins.net/web/vaccines/656-covid-19-vaccine-
moderna
5. AMM conditionnelle Pfizer, [en ligne]
https:/www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/comirnaty-epar-public-
assessment-report_en.pdf, p. 54 (AMM) ; AMM conditionnelle Moderna, [en
ligne] https://www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/covid-19-
vaccine-moderna-epar-public-assessment-report_en.pdf, p. 47.
6. R. Wang et al., « Potential Adverse Effects of Nanoparticles on the
Reproductive System », International Journal of Nanomedicine, 2018 ; [en ligne]
DOI 13:8487-8506. Published 2018 Dec 11.
7. W. T. Desmarais et al., « The 1.20 A Resolution Crystal Structure of the
Aminopeptidase From Aeromonas Proteolytica Complexed With Tris: A Tale of
Buffer Inhibition », 2002.
8. M. C. Castells et E. J. Phillips, « Maintaining Safety With SARS-CoV-2
Vaccines », New England Journal of Medicine, 2021.
9. Kathryn Clancy, professeure associée d’anthropologie à l’université de l’Illinois,
Katharine Lee, chercheuse postdoctorante à l’université Washington, St. Louis.
399
42
400
7 heures dans la chambre
401
Les traitements antiacariens, les mêmes que ceux qu’on inflige aux
matelas, peuvent se doubler d’un traitement antitache. Le plus connu de
ces traitements, qui désormais a été retiré de la vente, était le
6
« Scotchgard », de la marque 3M .
L’effet antitache est obtenu grâce à un composé au fluor qui
appartient à la famille des perfluorés, le PFAS. Ces produits ont été
classés par la convention de Stockholm dans les fameux POP, les
« polluants organiques persistants », car ils sont omniprésents,
bioaccumulables et toxiques. On les a surnommés « les produits
chimiques éternels » (Forever Chemicals). Leurs fabricants ont dépensé
des centaines de millions de dollars pour échapper à une condamnation
en justice.
Les traitements antiacariens en spray sont à bannir : ils provoquent
des allergies que l’on attribue parfois abusivement aux acariens. Nos
animaux domestiques y sont encore plus sensibles, et certaines
7
substances peuvent leur être fatales .
Le sol de la chambre à coucher et son PVC
Les linos en PVC contiennent des phtalates. Ces plastifiants forment
des poussières qui entrent dans le sang par la peau et la respiration.
Solution : un sol en bois massif non collé (éviter les moquettes).
Les tissus des rideaux, des fauteuils et des canapés
Les traitements « anti-quelque chose » se cachent en général derrière
la marque « Aquaclean ». Les retardateurs de flamme bromés sont très
toxiques pour les hormones.
Mesures barrières pour éviter les acariens
Pour ceux qui souffrent d’allergie, les allergologues recommandent
d’avoir recours à des mesures mécaniques : aérer la pièce le plus souvent
402
possible, éviter la chaleur et l’humidité avec une température à 19 °C et
pas plus de 50 % d’humidité, laver les draps et les surmatelas très
régulièrement et à 60 °C pour éliminer les larves d’acariens, passer
l’aspirateur tous les jours pour ôter les poussières et les débris,
dépoussiérer les surfaces avec un chiffon humide pour que les particules
ne se retrouvent pas en suspension dans l’air.
403
moins un perturbateur hormonal. Dans l’ordre croissant de teneur en
toxiques : les vernis à ongles, les fonds de teint, les produits de
maquillage pour les yeux, les démaquillants, les rouges à lèvres, les soins
du visage, les déodorants (aluminium), les dentifrices (dioxyde de
titane), les shampoings.
Les teintures pour les cheveux sont particulièrement toxiques : elles
contiennent des colorants qui imitent les hormones. De plus, elles
provoquent de l’eczéma, sans que les utilisatrices fassent toujours le lien
de cause à effet.
Les phtalates
Les phtalates sont des antidurcissants. C’est pourquoi, pour la peau et
les cheveux, je choisis des savons durs style savon d’Alep artisanal et
saponifié à froid pour garder la glycérine. Les phtalates sont aussi
contenus dans les fragrances, c’est-à-dire les parfums. Donc tout ce qui
est parfumé est susceptible de porter atteinte au système hormonal en
404
général et au potentiel viril de l’homme en particulier. Il existe des
parfums naturels moins toxiques.
Les phtalates font grossir en déréglant les hormones ; on les appelle
des « calories chimiques ». Les pesticides et les phtalates que l’on
retrouve encore dans les protections périodiques et les tampons
participent à la charge hormonalo-toxique globale.
Les parabènes
On les retrouve dans 80 % des produits d’hygiène et de toilette
8
comme conservateurs… ainsi que dans les tumeurs des cancers du sein .
Leurs effets sur la testostérone ont été démontrés. Environ
400 spécialités pharmaceutiques en contiendraient – la liste a été publiée
par le journal Le Monde en 2011 9.
Les autres conservateurs toxiques et non interdits
Le butylhydroxytoluène (BHT) et le butylhydroxyanisole (BHA)
(classé cancérigène possible), l’éthylènediaminetétra-acétate (EDTA), le
phénoxyéthanol (toxique pour le foie, le sang, le système hormonal, la
fertilité masculine), la chlorhexidine, le méthylisothiazolinone (MIT et
MCIT).
Les « fragrances »
Le musc cétone parmi d’autres est mis en cause dans la perturbation
hormonale. Une étude a montré que ces muscs ont, comme les hormones
femelles, une activité estrogénique. Il a pu être prouvé in vitro qu’ils
10
induisaient une multiplication des cellules cancéreuses du sein .
Avis aux messieurs : l’abus de parfum peut nuire à votre virilité.
Les filtres anti-UV
405
Ils se cachent dans de nombreux produits de soins, pas seulement
dans les crèmes solaires. On les trouve dans les parfums, les crèmes
antivieillissement, les crèmes/lotions, les après-rasage, les laques et les
gels pour cheveux, les sticks à lèvres, les après-shampoings et les gels
11
douche . Les filtres chimiques sont des perturbateurs hormonaux avérés.
Les stations d’épuration peinent à les éliminer ; dans l’environnement, ils
se dégradent très mal et sont toxiques pour les animaux aquatiques.
En bord de mer, en été, ils exercent un effet délétère sur la
biodiversité. Ils sont mis en cause dans le blanchissement du corail, mais
on a vu qu’ils partageaient cette responsabilité avec les pesticides (voir le
chap. 7, sur les « femelles à pénis »). Ils ont été interdits à Hawaï en
2021.
La mode est aux hommes « métrosexuels », ces hommes très
consommateurs de cosmétiques dans les grandes villes. S’ils savaient
que tous ces produits sont féminisants du fait même qu’ils imitent les
estrogènes, peut-être se méfieraient-ils ? Leur testostérone ne peut qu’en
souffrir.
Les autres ingrédients toxiques
Des livres entiers sont consacrés à la question, à commencer par celui
de Rita Stiens, La Vérité sur les cosmétiques 12. De nombreux sites
13
s’attaquent aussi à ce sujet .
L’heure tourne, il est temps d’aller prendre le petit déjeuner dans la
cuisine, où un nouveau slalom anti-perturbateurs hormonaux m’attend.
406
plastifiants, phtalates ou bisphénol A. J’ai fait le ménage dans ma
batterie de cuisine, j’ai évacué tous les plastiques et n’ai gardé que les
ustensiles en matériau noble, verre, bois ou inox.
L’armoire à pharmacie a été sérieusement épurée. Elle ne contient
aucun des médicaments féminisants abordés au chapitre sur la question.
Boire de l’eau du robinet
Si tout va bien du point de vue bactérien, ce n’est pas le cas pour le
côté chimique. L’eau contient des résidus de pesticides, de nitrates mais
aussi de médicaments et surtout de pilule contraceptive, qui ne sont pas
14
totalement éliminés par les stations de traitement de l’eau . Pour creuser
la question, il existe des études dans le dossier d’experts sur les
perturbateurs endocriniens intitulé « Alertes précoces, leçons
tardives 15 ».
Boire de l’eau en bouteilles plastique comporte aussi des risques de
migration du contenant au contenu, d’autant qu’à l’usine
d’embouteillage l’eau peut être injectée dans du plastique encore chaud.
Des études allemandes ont montré avec des mollusques sentinelles qu’on
pouvait retrouver dans l’eau des résidus de plastiques estrogéniques,
16
donc féminisants .
407
Les hormonotoxiques dans la cuisine
408
Les capsules, lorsqu’elles chauffent, produisent des furanes, un
toxique hormonoperturbant.
Solution pour le café : j’utilise une cafetière italienne en inox. À vrai
dire, j’ai remplacé le café par la chicorée, qui ne contient pas de caféine.
Le sommeil est bien meilleur.
Le micro-ondes
Je n’en veux pas dans ma cuisine et je vis très bien sans ! Le pire
usage qu’on ait pu en faire était d’y chauffer les biberons des bébés
quand ils contenaient encore du bisphénol A. C’est maintenant interdit.
Mais la mention « sans bisphénol A » est trompeuse, car les autres
bisphénols qui l’ont remplacé ne sont pas plus sains. Le plus sûr reste le
biberon en verre incassable.
D’une manière générale, aucun récipient en plastique ne doit recevoir
de liquides ou d’aliments chauds. Donc jamais de plastique dans un
micro-ondes.
Les poêles antiadhésives
Elles contiennent des perfluorés, PFOS et PFAS, qui sont considérés
19
comme des polluants organiques persistants. Dans le film Dark Waters ,
on suit le long combat d’un avocat aux États-Unis pour défendre des
victimes d’un de ces produits.
Les produits d’entretien
Ils sont une source importante de perturbations hormonales. Tous
contiennent plus ou moins des dérivés du benzène ou des substances
hormonotoxiques. Pour les éviter, j’essaie de les remplacer par des
produits naturels et biodégradables. Je me réfère aux livres de Régine
Quéva 20, qui constituent une mine pour moi.
Il est maintenant temps de partir au travail.
409
9 heures au travail
13 heures au déjeuner
410
19 heures au salon
1. R. Lenglet, 24 h sous influences. Comment on nous tue jour après jour, François
Bourin Éditeur, 2013.
2. [En ligne] https://echa.europa.eu/substance-
information/-/substanceinfo/100.033.324
3. [En ligne] https://www.syndicatdermatos.org/dossier/les-allergies-aux-
conservateurs-mit-allergene
4. « Analyse bibliographique comparée de rapports d’expertise sur les risques liés
à l’exposition aux nanoparticules d’argent », rapport d’analyse bibliographique de
l’Anses.
5. « Principaux usages et possibilités de réduction des risques pour certains
perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés », Ineris, « Rapports d’appui/guides
PDF », 25 juin 2012.
6. [En ligne] https://en.wikipedia.org/wiki/Scotchgard
7. « Ces insecticides qui tuent les chats », 60 Millions de Consommateurs, consulté
le 18 avril 2020.
8. P. Darbre, A. Aljarrah, W. Miller, N. Coldham, M. Sauer et G. Pope,
« Concentrations of Parabens in Human Breast Tumours », Journal of Applied
411
Toxicology, 2004.
9. Paul Benkimoun, [en ligne]
https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/05/23/des-parabenes-presents-dans-
400-medicaments_1525948_3244.html#ens_id=1525957
10. N. Bitsch, C. Dudas, W. Körner, K. Failing, S. Biselli, G. Rimkus et al.,
« Estrogenic Activity of Musk Fragrances Detected by the E-Screen Assay Using
Human MCF-7 Cells », Archives of Environmental Contamination and Toxicology,
vol. 43, 2002, p. 257-264.
11. C. Plagellat, « Origine et flux de biocides et filtres UV dans les stations
d’épuration des eaux usées », thèse, École polytechnique de Lausanne, 2004.
12. R. Stiens, La Vérité sur les cosmétiques, Leduc.S Éditions, 2005.
13. [En ligne]
https://www.biolineaires.com/les_tensioactifs__des_ingredients_indispensables_m
ais_souvent_critiques ; https://biotenaturelle.fr/beaute/faire-son-savon-soi-meme-
saponification-a-froid ; https://blog.fleurancenature.fr/qu-est-ce-qu-un-tensioactif ;
https://davidsuzuki.org/our-work ; http://www.lessentiel-santenaturelle.fr/quels-
ingredients-faut-il-eviter-dans-nos-cosmetiques
14. M. Gust, « Quel intérêt des gastéropodes en écotoxicologie d’eau douce ? »,
thèse, université Claude-Bernard de Lyon, 2014.
15. S. Jobling et R. Owen, « Emerging Lessons From Ecosystems: Ethinyl
Oestradiol in the Aquatic Environment ».
16. M. Wagner et J. Oehlmann, « Endocrine Disruptors in Bottled Mineral Water:
Total Estrogenic Burden and Migration From Plastic Bottles », Environmental
Science and Pollution Research, 2009.
17. Il doit exister plusieurs systèmes ; les Anglais semblent plus performants –
système Doulton distribué par Aqua-Techniques. À chacun de faire ses recherches.
18. Néologisme de l’auteure.
19. Dark Waters, réalisé par Todd Haynes, 2019.
20. R. Quéva, Fabriquer sa lessive, son dentifrice, son shampoing, ses produits
d’entretien…, Larousse, 2021.
21. [En ligne] https://www.aquaclean.com/fr-fr/nos-technologies
22. C. Fillol et al., « Exposition aux polluants du quotidien de la population
française en 2014-2016 d’après l’étude Esteban », Bulletin épidémiologique
hebdomadaire, 18-19, 2020, p. 361-369, [en ligne]
o
http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/n 18-19/2020_18-19_2.html
412
43
413
Le taux d’extinction des insectes est huit fois supérieur à celui des
autres espèces animales, mammifères, oiseaux et reptiles. Selon le
chercheur australien auteur de l’étude, on a assisté depuis un siècle à
trois vagues de destruction : la première dans les années 1920, avec
l’apparition des premiers fertilisants chimiques, puis dans les années
1950, avec les pesticides de synthèse comme le DDT, et enfin la dernière
et la plus importante, celle qui a commencé dans les années 1990 avec la
mise en circulation de la nouvelle génération d’insecticides dits
« systémiques ».
Cette nouvelle génération de pesticides a fait son apparition en 1993
sur les cultures de tournesols ; ce sont les néonicotinoïdes. Ils imitent les
effets toxiques de la nicotine concentrée sur le système nerveux des
insectes. Autre nouveauté, ils peuvent servir d’enrobage pour les
semences. Le produit devient alors « systémique » et s’exprime dans
toutes les parties de la plante au fur et à mesure qu’elle pousse. On le
trouve dans les pollens mais aussi dans les nectars, ces gouttes d’eau qui
transpirent de la plante et qui servent d’abreuvoir aux insectes. Il est
2
7 300 fois plus toxique que le DDT .
Dans la foulée de l’apparition de ces nouveaux pesticides, les
3
colonies d’abeilles ont commencé à s’effondrer . Les apiculteurs ont
retrouvé des monceaux d’abeilles mortes au pied de leurs ruches. Des
chercheurs comme Jean-Marc Bonmatin du CNRS ont observé que les
abeilles ne meurent pas tout de suite : elles sont chroniquement
contaminées et deviennent incapables de retrouver leur ruche et de se
reproduire normalement. L’insecticide détériore également le sperme des
mâles.
414
Le déclin dramatique des oiseaux, des papillons et des chauves-souris
415
Un quart des espèces en danger
Les insectes ne sont pas les seuls à connaître un déclin accéléré : plus
d’un quart des espèces évaluées risquent de disparaître du territoire
national, révèle la dernière édition des chiffres clés de la biodiversité 5.
L’évolution du risque est particulièrement préoccupante pour les
amphibiens, les oiseaux nicheurs, les mammifères et les reptiles. Ainsi,
38 % des chauves-souris ont disparu. Le risque s’est encore accentué
entre 2008 et 2015.
Les scientifiques ne sont pas restés muets depuis le début de la
catastrophe. Le journaliste Stéphane Foucart du Monde raconte dans un
livre récent comment lui et une poignée de ses collègues se sont battus
6
pour tenter de mettre fin au désastre, parfois au péril de leur carrière . Il
révèle aussi comment des organisations de défense de l’environnement
que ces chercheurs croyaient être leurs alliées, comme l’UICN (Union
internationale pour la conservation de la nature), se sont parfois
retournées contre eux, en acceptant des partenariats financiers avec les
principaux fabricants de pesticides comme Bayer-Monsanto, BASF ou
Dow-DuPont. Moyennant quoi, lorsque l’UICN communique sur la
disparition des insectes, elle préfère parler de changement climatique
comme facteur de risque plutôt que de pesticides « tueurs d’abeilles ».
Pourtant, l’habitat et la pollution chimique sont les deux
principaux facteurs de cette disparition. L’intensification de
7
l’agriculture est la racine du problème . La responsabilité des pesticides
et engrais chimiques dans le déclin des insectes est estimée à 50 %. Le
réchauffement climatique n’y participe qu’à hauteur de 5 %.
Les chercheurs inquiets ont continué à publier des études établissant
la perturbation hormonale dont souffrent les insectes. Ils ont réussi le
tour de force de réunir soixante-dix scientifiques pour former un
consortium, la TFSP, Task Force on Systemic Pesticides. La condition de
cette réussite, c’est qu’ils ont gardé secrète la liste de leurs membres
8
pour éviter les pressions et les menaces .
416
Une autre organisation, liée aux Nations unies, est supposée défendre
la nature et la biodiversité ; elle s’appelle l’IPBES (Plateforme
intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les
services écosystémiques). Comme le Giec pour le climat, elle produit des
évaluations régulières sur la biodiversité. Formidable, si ce n’est que
9
certains de ses experts sont notoirement liés à l’industrie .
Cette dernière ne ménage ni ses efforts ni ses budgets pour faire
valoir ses intérêts dans les instances régulatrices internationales.
417
années au service de l’industrie. Pour établir ses rapports sur les
perturbateurs endocriniens, elle n’a pas fait appel à des endocrinologues
qui connaissent le sujet mais à des épidémiologistes et des toxicologues
dont la carrière s’est surtout déroulée dans les bureaux des agences de
régulation et de l’industrie.
Petit à petit, les « experts » choisis par l’agence tentent de
déconstruire et surtout de nier toutes les connaissances scientifiques qui
se sont accumulées depuis soixante ans sur les hormonotoxiques.
L’objectif est de minimiser leur dangerosité et de permettre à l’industrie
de continuer à porter atteinte à la santé des Européens sans être
inquiétée.
En février 2021, c’est un outil de mesure de la toxicité hormonale qui
a commencé à être remis en question : la fameuse courbe en U ou U
inversé que l’on appelle en jargon scientifique la « réponse non linéaire »
des produits perturbants (voir le chap. 11).
La bataille acharnée dure depuis des dizaines d’années. Tout y passe,
à commencer par la définition même des « perturbateurs endocriniens ».
Alors que les preuves de leur nocivité sont magistralement décrites dans
11
le rapport Kortemkamp , qui constitue une somme sur la question, les
industriels demandent toujours plus de preuves pour reconnaître un
danger. Ils n’ont pas les mêmes scrupules lorsqu’ils déversent des
produits toxiques dans le circuit commercial sans même en connaître le
mode d’action. Si on leur appliquait les critères qu’ils exigent de leurs
opposants, il y a fort à parier que jamais aucun de leurs produits n’aurait
été autorisé.
Pour découvrir toutes les péripéties de cette lutte sans merci, il faut
lire le livre extrêmement bien renseigné de Stéphane Horel,
Intoxication 12.
L’affrontement semble très asymétrique : David défend les abeilles
contre Goliath qui produit des insecticides toujours plus toxiques.
e
L’histoire biblique se répétera-t-elle ou la Realpolitik du XXI siècle aura-
t-elle le dessus à coups de milliards ?
418
RÉSUMÉ
Les humains ne sont pas les seuls à souffrir des effets nocifs des
produits chimiques sur leurs hormones : les scientifiques alertent sur une
possible sixième extinction des espèces.
Environ 40 % des insectes sont en déclin, de même que leurs
prédateurs. L’un des facteurs les plus récents de cette hécatombe est une
nouvelle famille d’insecticides appelée « néonicotinoïdes ». Cet
insecticide systémique pénètre dans toutes les parties de la plante. Il se
retrouve dans l’organisme des insectes, des oiseaux, des batraciens, des
mammifères, et perturbe non seulement leur système nerveux mais aussi
leur système hormonal.
419
12. S. Horel, Intoxication. Perturbateurs endocriniens, lobbyistes et eurocrates :
une bataille d’influence contre la santé, La Découverte, 2015.
420
44
Reprenons notre poisson dans son aquarium, celui que nous avons
présenté au début de cet ouvrage. On se souvient que l’eau de son
écosystème avait été polluée par des pesticides et d’autres perturbateurs
hormonaux chimiques.
Il y a soixante ans, Rachel Carson faisait déjà le même constat. À la
croisée des chemins, il faut choisir la voie la plus saine et non pas la plus
facile, écrivait-elle. Elle n’a pas été écoutée, et la situation a empiré.
Certes, le DDT a disparu, mais pour laisser la place à des pesticides
encore plus destructeurs et à des plastifiants toujours plus intrusifs envers
le système hormonal. Le désastre qu’elle redoutait est en train de se
produire sous nos yeux.
Et que nous propose-t-on comme avenir radieux dans les instances
« éclairées et progressistes » ? Un « poisson augmenté », tout
simplement. L’intelligence artificielle et les OGM sont supposés
permettre au poisson d’être beaucoup plus intelligent, plus fort et donc
plus à même de devenir un « superpoisson ». Est-ce une plaisanterie ?
Avant de prétendre « augmenter » le poisson ou l’humain, essayons
d’abord de tout faire pour arrêter de les diminuer. Les potentialités sont
là, mais elles ont été endommagées. L’homéostasie a été bousculée : il
faut lui rendre son équilibre.
Dans notre allégorie du poisson rouge dans le prologue, c’est une
grand-mère qui arrive et change l’eau du bocal. Rachel Carson a joué ce
421
rôle en nous alertant dans son Printemps silencieux.
Ne nous laissons pas leurrer, comme les polluants chimiques leurrent
nos récepteurs hormonaux. La priorité des priorités, c’est de nettoyer le
bocal, pas d’« augmenter » le poisson. D’aucuns viendront alerter sur le
réchauffement climatique autour du bocal, certes, mais le poisson aura
disparu à cause des produits chimiques avant que la chaleur de l’eau ne
le force à changer ses habitudes.
D’autres se font peur avec un virus qui serait apparu dans le bocal,
alors que le poisson est déjà en train de mourir d’un cancer
hormonodépendant. Ils proposent de vacciner le poisson. Le virus ne
vient se développer que sur un terrain abîmé, dévitalisé. Il est le
symptôme plus que la cause. Une fois l’eau changée, le virus, qu’il
s’appelle « corona » ou autre, disparaîtra comme par enchantement, sauf
1
s’il a été intentionnellement militarisé .
Nos gouvernants prétendent se soucier de notre santé quand il s’agit
d’un virus qui permet de réduire nos libertés, mais « en même temps » ils
réautorisent des pesticides autrefois interdits parce que trop toxiques et
laissent allègrement prospérer des plastifiants « tueurs d’hormones ».
Vite ! Allons chercher les grands-mères et les grands-pères, ne
laissons pas disparaître leur mémoire. Entourons-les des mères et des
pères, des filles et des fils, des sœurs et des frères.
Il y va de la survie de toutes les espèces.
422
423
Remerciements
424
Illustrations de Laurent Lalo
425
R. Habert, G. Livéra et V. Rouiller-Fabre, La reproduction animale
et humaine, coord. M. Saint-Dizier et S. Chastant-Maillard, Quae,
2014.
9. Schéma d’après Méduri 2010
G. Méduri, C. Courtillot, O. Lahuna, F. Kuttenn, P. Touraine et
M. Misrahi, « Spermatogenèse normale chez un homme avec défaut
o
génétique de la LH », Médecine/Sciences (Paris), vol. 26, n 8-9,
2010, p. 690-693.
10. Dessin inspiré de Sathyanarayana et al. 2010
S. Sathyanarayana, L. Beard, C. Zhou et R. Grady, « Measurement
and Correlates of Ano-Genital Distance in Healthy, Newborn
Infants », International Journal of Andrology, 2010.
11. D’après la thèse de Benoît Llopis
Benoît Llopis, Les Gynécomasties médicamenteuses : étude
« cas/non-cas » dans la base nationale de pharmacovigilance,
thèse pour le diplôme d’État de docteur en pharmacie, 2017.
12. Dessin d’après Parent et al. 2003
A.-S. Parent, G. Teilmann, A. Juul, N. E. Skakkebaek, J. Toppari et
J.-P. Bourguignon, « The Timing of Normal Puberty and the Age
Limits of Sexual Precocity: Variations Around the World, Secular
Trends, and Changes After Migration », Endocrine Reviews,
vol. 24, no 5, 2003, p. 668-693, [en ligne] DOI 10.1210/er.2002-
0019.
13. Dessin adapté de Signorile
P. G. Signorile, F. Baldi, R. Bussani, M. D’Armiento, M. De Falco,
M. Boccellino, L. Quagliuolo, A. Baldi, « New Evidence of the
Presence of Endometriosis in the Human Fetus », Reproductive
o
BioMedecine Online, vol. 21, n 1, juillet 2010, p. 142-147, [en
ligne] DOI 10.1016/j.rbmo.2010.04.002 ; Epub 2010 Apr 4 ; PMID
20471320.
14. D’après Hugues 2006
426
I. A. Hughes, H. Martin et J. Jääskeläinen, « Genetic Mechanisms
of Fetal Male Undermasculinization: A Background to the Role of
o
Endocrine Disruptors », Environmental Research, vol. 100, n 1,
janvier 2006, p. 44-49, [en ligne] DOI
10.1016/j.envres.2005.07.001 ; Epub 2005 Nov 4 ; PMID
16271714.
15. Dessin d’après Royal College 2003
Allergy: The Unmet Need. A Blueprint for Better Patient Care.
A Report of the Royal College of Physicians Working Party on the
Provision of Allergy Services in the UK, Londres, Royal College of
Physicians, juin 2003.
16. Lukowicz 2018
17. Newbold 2009
427
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75013 Paris
ISBN 978-2-7491-6604-9
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Table des Matières
Titre 1
Sommaire 3
1 - Quand deux petits poissons s'aimaient d'amour
7
tendre…
2 - Quand rien ne va plus dans le monde hormonal 12
3 - Quand les polluants chimiques imitent les hormones 26
Partie 1 - Le désordre hormonal dans la nature 39
4 - Quand le printemps devient silencieux 40
5 - Quand les coquillages femelles se masculinisent : l'imposex 47
6 - Quand les huîtres ont bien failli disparaître du bassin
51
d'Arcachon
7 - Quand les femelles à pénis ont des hormones perturbées 63
8 - Quand les poissons se féminisent 73
9 - Quand l'aigle à tête blanche perd sa fertilité 81
10 - Quand la « déclaration de Wingspread » alerte sur la notion
86
de « perturbateurs endocriniens »
11 - Quand la dose ne fait plus automatiquement le poison 91
12 - Quand les alligators ont un micropénis 99
13 - Quand les grenouilles deviennent hermaphrodites 105
14 - Quand les ibis blancs deviennent homosexuels 114
15 - Quand un médicament perturbe les humains : le scandale du
125
Distilbène
16 - Quand un perturbateur hormonal se cache dans du plastique
138
: le bisphénol A
Partie 2 - La reproduction en péril 148
17 - Quand les hormones fonctionnent sur trois étages 149
Quand les hommes sont en péril 160
18 - Quand les hommes perdent leurs spermatozoïdes et leur
162
testostérone
19 - Quand les testicules ne descendent plus dans les bourses : la
179
cryptorchidie
429
20 - Quand le pénis est mal formé à la naissance : l'hypospadias 185
21 - Quand le pénis devient micro 192
22 - Quand le cancer du testicule triple en quarante ans 197
23 - Quand le cancer de la prostate triple en trente ans 203
24 - Quand les médicaments font pousser les seins des hommes 213
Quand les femmes sont en péril 225
25 - Quand les femmes se dérèglent : les pubertés précoces 227
26 - Quand les règles ne sont plus au rendez-vous 235
27 - Quand les ovaires deviennent polykystiques 243
28 - Quand les femmes se virilisent : l'hyperandrogénie 249
29 - Quand les bactéries du microbiote protègent les ovaires 257
30 - Quand une nouvelle maladie émerge chez les femmes :
261
l'endométriose
31 - Quand le cancer du sein double en trente ans 273
32 - Quand un perturbateur endocrinien s'appelle « pilule
285
contraceptive »
33 - Quand les couples deviennent infertiles 296
Partie 3 - Les autres maladies environnementales 305
34 - Quand les « polluants du quotidien » contaminent 100 % de
306
la population française
35 - Quand 100 % des femmes enceintes sont polluées 314
36 - Quand le fœtus confond les genres 322
Quand les humains sont en péril 336
37 - Quand les enfants autistes deviennent 100 fois plus
337
nombreux en cinquante ans
38 - Quand l'asthme et les allergies deviennent épidémiques 356
39 - Quand les perturbateurs hormonaux provoquent diabète et
371
obésité
40 - Quand la thyroïde flambe en silence 387
41 - Quand les toxiques hormonaux ouvrent la porte au
394
coronavirus
42 - Quand il faut slalomer H24 entre les hormonotoxiques 400
43 - Quand la biodiversité succombe aux lobbies 413
44 - Quand l'heure est au leurre (épilogue) 421
430
Remerciements 424
Illustrations de Laurent Lalo 425
Copyright 428
431