Note Sur Le Changement Climatique Et La Gestion Des Ressources en Eau en Afrique

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Geo-Eco-Trop.

, 2016, 40, 4 : 317-326

Note sur le changement climatique et la gestion des ressources en eau en Afrique :


Repenser l’usage et l’amélioration des services éco-systémiques d’eau
Climate Change and water resources management in Africa:
Rethinking water use and enhance ecosystem services

Cyriaque-Rufin NGUIMALET1, Gil MAHE2, Alain LARAQUE3, Didier ORANGE4 &


Boris Modeste YAKOUBOU1

Abstract : Because of climatic change, local communities in Africa have to resolve problems of accessibility to
water resources in decreasing. That problem is linked with population growth and resources pollution. Of course
it is to add undesirable climatic side effects such as : floods, soil erosion, wildfires…African countries have to
prepare their urban and rural communities for future challenges linked with climate change : water accessibility
and underlying socio-cultural behaviour, adaptation to abovementioned climatic effects and possibility to face
their possible hazards.

Keywords: Africa, Local communities, Water accessibility, Climatic changes, Hazards, Adaptation.

Résumé : La vulnérabilité et l’adaptabilité des communautés locales aux problèmes d’eau en Afrique (humide,
sèche, semi-aride, etc.) sont des questions d’actualité et un défi commun. Ceci implique d’évaluer les
changements enregistrés par les systèmes aquatiques sous forme d’excès et de pénurie aussi bien en milieu rural
(récession pluviométrique, assèchement des cours d’eau, pénurie d’eau) qu’urbain (inondations fluviales ou par
ruissellement pluvial, pollution des ressources, pénurie d’eau). En effet, l’eau manque quantitativement ou
qualitativement partout en Afrique du fait non seulement des conditions climatiques de qualité moyennes mais
aussi du manque de moyens, de la croissance démographique, de la pollution et des besoins sans cesse
croissants. Ces problèmes d’eau interagissent avec ceux des érosions, du stress hydrique, des incendies, ainsi que
des comportements dans les usages d’eau. Ainsi, ces défis de l’eau en Afrique sont abordés en plusieurs thèmes :
i) authenticité, rythmes des besoins en eau, handicaps à sa maîtrise et effets du changement climatique ; ii)
problèmes d’érosion, de stress hydrique, d’incendies et adaptation au changement climatique ; iii) activités et
communautés vulnérables à la réduction de ressource hydrique ; iv) comportements socioculturels liés à l’eau et
v) rôle/alternatives de la recherche pour une réduction des effets du changement climatique. Pour gérer l’eau, il
faut une vision précise de la politique et aussi prévenir et préparer les communautés à faire face aux aléas
environnementaux. A cet égard, neuf pays sont couverts par la présente note : Sénégal, RDC, Ethiopie,
République du Congo, Cameroun, Bénin, Kenya, Tunisie et Centrafrique.

Mots clés : Changement climatique, vulnérabilité, communautés locales, adaptations, défis de l’eau, ressources
en eau, services éco-systémiques, Afrique.

1
Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Bangui, B.P. : 1037, Bangui, République
Centrafricaine – Email : [email protected],
2
Hydrosciences, UMR 050, Montpellier, France – Email : [email protected],
3
GET - UMR CNRS/IRD/UPS – UMR 5563 du CNRS, UMR 234 de l'IRD – Toulouse, France - Email : [email protected] ,
4
UMR-BIOEMCO, Centre IRD, Ile-de-France, Bondy, France – Email : [email protected]

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INTRODUCTION

La variabilité et le changement climatiques ont des répercussions sur la disponibilité des


ressources en eau, sur de multiples échelles de temps : paléoclimatiques, historiques, contemporaines
ou actuelles. En fonction de la durée sur laquelle se prolongent les impacts sur les volumes d’eau, les
populations mettent en place des stratégies d’adaptation différentes (LADEL, 2013). Cet auteur a
analysé les problèmes de pénurie de ressources en eau et leur impact sur les communautés les plus
vulnérables (Berbères, Touaregs, Wodaabe/Mbororo, Masaï et Boshimen), et souligne l’enjeu de la
capacité de celles-ci à maîtriser leurs conditions environnementales dans cinq régions économiques de
l’Afrique, second continent le plus sec et le plus vulnérable aux effets du changement climatique dans
le monde. Ce constat aborde implicitement les difficultés d’accès et de la disponibilité de la ressource
hydrique sous toutes leurs formes à l’échelle continentale et qu’il faut résoudre. Cependant, il est
difficile pour les populations et les gouvernements de trouver la bonne réponse sans vision précise de
la durée et de l’amplitude du changement, voire même de sa nature, comme par exemple les
manifestations extrêmes qui ont des impacts violents à très court terme et qui sont très peu prévisibles.
Est-ce un manque de concertation entre la base, les autres parties prenantes et les décideurs
politiques ? Ou bien est-ce un manque d’engagement des politiques pour créer les conditions
adéquates pour faciliter et accompagner les communautés locales dans leur lutte pour la réduction des
impacts du changement climatique sur les activités humaines ?
Cette vision précise intégrerait la prévention, mais surtout la préparation des communautés locales à
faire face à ces aléas. Le processus de préparation devrait s’ancrer dans un cadre politique impliquant
différents acteurs sur le plan national, voire transnational si l’ampleur du désastre l’exige. Ce serait
une dimension prospective à prendre en compte si le combat contre les effets du changement
climatique se fait sur la durée e.a. à l’échelle pluri-décennale, voire séculaire, lorsqu’on considère des
projections sur les 30, les 50, voire les 100 ans à venir.
Ainsi, gérer les ressources en eau à l’heure du changement climatique suppose que la ressource
hydrique doive être maîtrisée en termes de stockage en temps d’abondance, soit à travers des
infrastructures hydrauliques (barrages, etc.), soit en termes d’espaces tampons bordant les cours d’eau
lesquels serviraient d’éponge aux eaux de débordement fluvial ou de ruissellement, pour éviter des
effets catastrophiques en aval. La ressource hydrique mérite aussi d’être sécurisée contre les sources
de pollution qui sont un des facteurs explicatifs de la pénurie avec la sécheresse hydrologique, et
surtout la rareté de l’eau de potable. Ainsi, l’impact des extrêmes climatiques sur les ressources en eau
devrait donc susciter de réponses politiques et technologiques, ceci pour créer ou renforcer le cadre de
gestion de la ressource en tant de crises, climatiques et/ou en temps de conflits, lesquelles menacent
son usage ou sa maîtrise.
Ce papier discute des contributions présentées durant le colloque de Bangui (2012), de même
que ceux publiés, traitant de la problématique du changement climatique et des effets des extrêmes
climatiques sur les ressources en eau. Nous espérons que ces travaux contribueront à la « gestion des
risques d’événements extrêmes et de catastrophes pour une meilleure adaptation aux changements
climatiques » (GIEC, 2012). Car cette gestion de l’eau doit intégrer le « disponible » et les usages
qu’on en fait pour un meilleur épanouissement social et économique dans le respect environnemental.
Pour cela, doit s’amorcer un débat dans lequel les défis de l’eau et les impacts de la variabilité
environnementale ainsi que les tentatives d’adaptations des communautés locales s’emboîtent. Une
place importante y est définie au rôle de la politique, devant logiquement tout guider, ce qui n’est pas
le cas aujourd’hui ; ou de la communication entre recherche, politique et pratique pour faciliter
l’adaptation des communautés.

QUESTIONS PRESSANTES (EMPREINTES) :


Les effets des extrêmes climatiques sur les ressources en eau en Afrique

Le lien entre le changement climatique et ses effets sur les ressources en eau s’établit à travers
les extrêmes climatiques tels que sécheresses, orages violents, inondations etc. Le changement
climatique pourra impacter les ressources en eau à travers la quantité, la variabilité, la période, la
forme et l’intensité des précipitations (ADAMS & PECK, 2008). Cela est/sera véritablement un gros

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problème en Afrique où la collecte des données ne se fait pratiquement plus depuis environ vingt ans
dans de nombreux pays, et de plus, même si les données peuvent exister, les utilisateurs finaux n’en
disposent pas, ce qui est un danger pour la conduite de leurs activités. Dans ce sens, la vulnérabilité et
l’adaptabilité des communautés locales aux demandes d’eau en Afrique (humide, sèche, semi-aride ou
aride) sont d’actualité de par les défis sociaux et économiques qu’elles soulèvent. En 2003, 850
millions d’individus dans le monde ont été victimes de l’insécurité alimentaire, parmi lesquels 60%
vivent en Asie du sud et en Afrique sub-saharienne.
En Afrique Sub-saharienne, le nombre de personnes exposées à l’insécurité alimentaire a
augmenté de 125 millions en 1980 à 200 millions en 2000 (MOLDEN, 2007). Ceci est d’autant plus
crucial que le manque d’eau prend une proportion plus importante avec les effets des modifications du
climat (réduction pluviométrique, décalage du calendrier agricole et pénurie chronique d’eau) ; Celles-
ci détruisent les récoltes, comme en Centrafrique où les cultivateurs ont perdu les trois-quarts des
récoltes d’arachides du fait de l’arrêt de la pluie après les semis, et déciment les cheptels (bovins,
caprins.) : les pasteurs kenyans en avaient fait les frais en 2009, perdant des centaines de milliers de
têtes de leurs cheptels.
L’eau est aujourd’hui un enjeu majeur et une exigence de développement pour ce continent, le
plus touché par la pénurie économique d’eau, surtout en raison de sa demande croissante pour les
décennies à venir. Ceci implique de faire un état des changements enregistrés par les systèmes
aquatiques sous forme d’excès et de pénuries aussi bien en milieu rural (baisse pluviométrique,
assèchement des cours d’eau, augmentation de l’occurrence d’événements climatiques exceptionnels)
qu’urbain (inondations par ruissellement pluvial ou fluvial, pollution des ressources, etc.).
L’eau manque quantitativement ou qualitativement partout en Afrique du fait non seulement des
conditions climatiques moyennes, mais aussi de pressions sur les ressources (croissance
démographique, pollution) et du manque d’infrastructures hydrauliques, de collecte et d’exploitation
dans de nombreux pays, y compris ceux où l’eau existe en abondance, comme en Afrique centrale. A
ce contexte se superposent dans plusieurs régions des modifications climatiques qui se remarquent par
la violence des pluies, le stress hydrique, l’érosion, le tarissement des cours d’eau (rivières, lacs,
marais ou sources) et des nappes phréatiques, les inondations éclair, et la précarité des activités
agricoles, extra-agricoles, voire industrielles ou urbaines. Toute la société est touchée. Ainsi face à ces
défis, quelles sont les réponses à apporter aux communautés locales, aux acteurs du développement
aux échelles locale, régionale, nationale, et supranationale ? Quels sont les obstacles et donc les défis à
une meilleure compréhension des contraintes liées à l’eau (facteurs infrastructurels, transferts de
connaissances, collecte des données pour l’évaluation des ressources, absence de prévisions
saisonnières ou données climatiques éparses) et à la définition des solutions pérennes en termes de
développement économique et de durabilité environnementale (facteurs culturels, sociaux et
économiques) en Afrique dans l’urgence d’adaptation au changement climatique ? Alors comment
perçoit-on la dimension sociétale du phénomène à l’échelle locale, nationale, régionale ou des bassins
? Comment pourrait-on y remédier à ces échelles spatiales ? Ces interrogations traduisent des défis
auxquels sont assujetties les ressources en eau en Afrique dans ce contexte de variabilité et/ou de
changements environnementaux.

LES DEFIS DE L’EAU ET LA MANIFESTATION DES PHENOMENES DE VARIABILITE


AINSI QUE LEURS IMPACTS

Au lancement des OMDs (Objectifs du Millénaire pour le Développement), dont l’évaluation


sera réalisée en 2015, l’accès à l’eau constituait l’un des défis majeurs dans le monde du fait que plus
d’un milliard d’individus n’avaient pas d’accès à l’eau potable et que des activités étaient en péril suite
à la dégradation hydro-climatique. Peut-on évaluer l’impact des mesures qui ont été décidées pour
faire face à ce défi ? L’impact du changement climatique modifie-t-il les hydrosystèmes et les résultats
des mesures d’accès à l’eau dans le cadre des OMDs ?
Le changement climatique est avéré depuis plus de 40 ans dans de nombreux pays d’Afrique
avec des conséquences très contrastées selon les endroits : déficit extrême de ressources en eaux
souterraines et eaux de surface en Afrique tropicale humide (NGUIMALET, 2013), et au contraire
augmentation des écoulements au Sahel, du fait de la dégradation des états de surface, et ce malgré la
baisse des pluies. Dans ce dernier cas, il semble que l’impact des activités humaines agro-pastorales

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joue un rôle important dans le changement de régime hydrologique, sans que l’on puisse préciser pour
le moment la part climatique et la part anthropique sur cette augmentation des écoulements (MAHE et
al., 2013).
En fait, parmi les principaux défis de l’eau en Afrique, nous avons le faible accès à l’eau potable, la
très faible mobilisation des ressources en eau et la faible capacité de stockage, la protection de la
ressource hydrique etc., lesquels sont en cours d’exacerbation dans de nombreux pays sous l’effet
combiné du contexte hydro-climatique déficitaire. Ainsi, en ces défis répertoriés, semble être cernée la
sécurité de l’eau comme une option majeure en vue de les juguler.
Ce papier présente donc quelques pistes de solutions aux défis posés par l’accès et/ou la
disponibilité de la ressource hydrique en Afrique pour minimiser les effets du changement climatique
sur son usage et l’amélioration de ses services éco-systémiques. Ces défis de l’eau sont davantage un
enjeu sociétal sur ce vieux continent. Une bonne gestion devrait réduire les effets négatifs de la
diminution, mais aussi de la dégradation qualitative de la ressource. Pour mieux gérer cette dernière, il
faudrait en faire un inventaire, notamment de ce qui précipite et s’écoule, car l’on sait que les
ressources en eau se sont amenuisées en Afrique sous l’effet de la variabilité ou du changement
climatique (LARAQUE et al., 2001). Mais également, d’abondantes ressources ne peuvent être
consommées en raison de leur mauvaise qualité.

DYNAMIQUE DES PHENOMENES A L’INTERFACE DU NATUREL


ET DE L’ANTHROPIQUE

Certains articles présentés lors de la conférence de Bangui (2012) débattent de la combinaison


des variabilités hydrologiques et des activités anthropiques en Afrique sous l’effet du changement
climatique, notamment dans le bassin du Congo et dans celui de l’Awash dans la Corne de l’Afrique
(Ethiopie).
Si dans le bassin du Congo, les interventions humaines ne marquent pas au même titre la
réduction hydrologique que la variabilité ou le changement climatiques, en revanche dans le bassin de
l’Awash, la pression anthropique est forte : la combinaison de ces processus impacte l’évolution
saisonnière, voire intra-saisonnière du cours d’eau.
NGUIMALET & ORANGE (2013) discutent des processus combinés dans le temps, qui altèrent
l’écoulement de l’Oubangui à Bangui : croissance démographique de plus d’un million d’habitants sur
le bassin ; augmentation des surfaces cultivées (33%) dans la partie centrafricaine ; demi-barrage
construit à Mobaye en 1989 sur le cours du fleuve et péjoration significative des débits. Ils ont
remarqué que la période 1955-1969 montre un excédent hydrologique, contrairement à la période
1970-2005, avec de faibles débits, tant sur les maximums que les minimums. La cassure
pluviométrique en 1970 a entamé le déficit hydrologique ces 40 dernières années. Depuis 2000, ce
déficit est deux fois plus important qu’avant, malgré une courte reprise pluviométrique. Par ailleurs,
l’anthropisation (3% d’aires cultivées) est trop faible pour affecter l’hydrologie fluviale, confortant
donc la thèse d’une origine climatique.
Pour LARAQUE et al. (2013), l’évolution hydroclimatique du fleuve Congo, deuxième débit de
la planète et premier en Afrique, et ses principaux affluents de rive droite (Oubangui et Sangha) est
déterminée par des périodes de débits homogènes. Le Congo à Brazzaville en compte quatre débutant
aux années 1959, 1970, 1981, et 1994, signifiant respectivement une phase « normale », puis humide,
puis un retour à la « normale » ou moyenne, avant une phase sèche, et enfin un retour à la « normale ».
La période actuelle est stable convenant parfaitement à la moyenne inter-annuelle des débits du Congo
sur plus d’un siècle de données (41000 m3/s). Ces auteurs ont noté trois périodes sur l'Oubangui à
Bangui (1959, 1970 et 1981) qui se calquent sur celles du Congo. Enfin, deux périodes définissent la
Sangha à Ouesso : une phase humide (1953-1970) et une sèche (1971-2010). Si depuis 1990, les
écoulements du Congo sont « normaux », ceux de l’Oubangui et de la Sangha restent fortement
déficitaires, malgré une légère reprise. Cela inquiète pour la navigation fluviale dont la durée annuelle
est réduite, et interpelle les aménageurs à l’heure où l’on pense relier par un canal, le bassin du Congo
à celui du Chari, pour alimenter le Lac Tchad. En outre, les problèmes d’ensablement se font de plus
en plus ressentir en étiage (LARAQUE et al., 2009 & 2013).
Dans le bassin anthropisé de la rivière Awash (Ethiopie) (production d’énergie hydroélectrique,
irrigation intensive, élevage, besoins domestiques, etc.), ADEM & KETEMA (2012) ont évalué les

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ressources en eau potentielles moyennes, délimité les différents régimes d’humidité, et identifié des
déficits ou surplus significatifs saisonniers et annuels d’humidité au regard des secteurs où la
sécheresse et les inondations sont courantes. En effet, des sécheresses et inondations catastrophiques
constituent les principaux défis de gestion d’eau en termes d’extrême variabilité hydrologique
saisonnière dans ce bassin. Ces auteurs y ont défini trois régimes d’humidité : (1) absence de déficit
d’humidité dans le cours amont et la portion ouest du bassin ; (2) régime humide à semi-humide avec
petit déficit saisonnier d’humidité dans le cours moyen et sa portion est ; (3) régime semi-aride et
aride, avec déficit saisonnier et annuel d’humidité en aval. Ces résultats identifient les besoins en eau
et les risques climatiques dans le bassin.

LES TENTATIVES D’ADAPTATION AUX EFFETS DES EVENEMENTS


CLIMATIQUES EXTREMES

Elles s’appuient sur quelques éléments de réponses des communautés locales à l’agressivité
climatique. Ainsi, des travaux capitalisent les activités (agriculture, élevage) et les pratiques
(Bossembélé, Centrafrique) ou usages, sujets à la réduction de la ressource hydrique, de même que les
processus hydrologiques en termes d’extrêmes climatiques (victimes de sécheresse à Boali,
Centrafrique ; érosion pluviale à Pobé, Bénin), qui ont suscité des stratégies d’adaptation des
communautés locales afin d’améliorer leurs équilibres dans leurs milieux respectifs. Aussi, les savoirs
locaux, constituant les fondements de la météorologie traditionnelle, et les perceptions sur le
changement climatiques sont-ils les créneaux utilisés pour organiser les activités (Sibut, Centrafrique :
NGANA et al., 2013) et améliorer la gestion des ressources en eau (Lac Tchad : SAMBO, 2013) qui,
dans certains cas, voit l’implication des acteurs locaux et institutionnels (Nguer Malal, Sénégal).

Des stratégies ou réflexions pour réduire les impacts du changement climatique en Afrique

Les effets de la variabilité climatique abordés sur les pratiques culturales (DOUKPOLO &
NGUIMALET, 2012) ou l’érosion pluviale (DANSOU et al., 2012) ont débouché sur les réponses des
communautés locales. Ainsi, DOUKPOLO & NGUIMALET (2012) ont examiné l’effet de la
péjoration climatique en termes de déficit pluviométrique (19% depuis 1970) et hausse de température
(+3°C) à Bossembélé, dans le centre-ouest du Centrafrique. Malgré une reprise pluviométrique depuis
1992, les impacts des fluctuations climatiques s’observent : sévérité de la sécheresse, réduction et
mauvaise répartition pluviométriques. Une baisse consécutive de production agricole pose les
problèmes d’insécurité alimentaire et de vulnérabilité des communautés paysannes. Celles-ci ont
toutefois adapté leurs pratiques culturales (rotations culturales, adaptation variétale ; utilisation des
techniques de conservation des eaux et sols, et de fumure organique ; modification des dates de semis
et mise en valeur des bas-fonds), au regard de leurs capacités actuelles et potentielles à réduire
durablement les impacts du phénomène, comme cela a déjà été observé ailleurs comme au Mali
(DIALLO et al., 2012), en Côte d’Ivoire (NOUFE et al., 2011), etc. Pour DANSOU et al. (2012),
l’érosion pluviale est une conséquence de la variabilité climatique, à défaut d’ouvrages d’évacuation
des eaux pluviales à Pobé (Bénin). Ce processus sur sol nu urbain est conditionné par l’agressivité des
pluies, donnant une perte en terre moyenne de 5,23 t.ha-1.an-1, mais l’ampleur du phénomène diffère
selon les pentes : les quartiers à pente élevée (+10%) sont plus érodés. Pour s’en protéger, des
terrasses maçonnées/en terre de barre larges de 30-40 cm et hautes de 50 cm sont bâties autour des
habitations ; des ravins sont comblés avec de la terre de barre ou terrassés ; des allées inter-maisons ou
des ouvrages de franchissement sont aménagés ou construits. Mais ces procédés semblent peu
efficaces, utilisant des matériaux précaires (pneus, sacs remplis de sable, morceaux de briques, etc.), et
leur durée de vie n’est que de deux saisons pluvieuses. Les auteurs préconisent l’exécution du plan de
lotissement urbain, une gestion concertée d’acteurs (publics, privés et population) et la réalisation d’un
système dual de drainage.

De la victimisation/ l’exposition à l’adaptation des communautés

La vulnérabilité des activités et des communautés à la réduction de la ressource hydrique intègre


bien ce maillon devant contribuer à améliorer les usages et la gestion de l’eau dans ce contexte

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déficitaire en Afrique. A ce propos, MAÏNA-ABABA (2012) a analysé la séquence de sécheresse
1982-1983 dont les effets ont fortement réduit le cheptel bovin des communautés Peulh, et les ont
obligés à migrer de Bocaranga au NO aux alentours du Lac de barrage de la Mbali à Boali, dans le
centre-sud du pays. Selon cet auteur, après cet épisode sec, le cheptel est réduit de moitié aux trois-
quarts de son effectif, faisant que 80% des Peulh n’ont plus de bétail. Au regard de cette évidence, ces
Peulh développent des activités extra-pastorales comme la pêche (50% des Peulh), l’agriculture, ou
l’associent avec d’autres activités (30%) comme le petit commerce (20%), grâce à la migration.
Cependant à Sibut, Centrafrique, NGANA et al. (2013) ont démontré que les communautés locales
s’appuient sur des savoirs locaux, fondant la météorologie traditionnelle, pour adapter les activités
agricoles face aux variations climatiques saisonnières. Ces savoirs locaux considèrent le vécu
quotidien observable dans les nuages, la désignation des mois dans les termes vernaculaires,
l’attention accordée aux chants de certains oiseaux, la position des astres dans le ciel, la position et la
couleur de certaines plantes, qui ont permis aux communautés d’ébaucher un calendrier traditionnel
des faits climatiques. Or les auteurs remarquent que ces connaissances tendent à disparaître à cause de
l’évolution des mentalités due à la scolarisation et la religion. Ces pertes culturelles constituent un
manque à gagner pour les générations futures en termes de stratégies d’adaptation aux changements
climatiques en cours. Du fait du regain d’intérêt de ces savoirs et des changements vécus aujourd’hui,
les auteurs recommandent d’y établir un parallélisme avec les relevés climatiques dans une perspective
d’innovations scientifiques afin d’aider efficacement les communautés dans l’organisation de leurs
activités.
Du fait de la réduction de superficie du Lac Tchad (24 000 km2 à 2000 ou 1700 km2 de nos
jours), SAMBO (2013) évalue les perceptions des populations riveraines de son assèchement, des
transformations environnementales et des ressources en eau, très affectées par le changement
climatique. Les pressions sur les ressources engendrent des conflits d’usage de l’eau de cet
hydrosystème en disparition, d’où les réponses à ce désastre (assèchement du lac). Celles-ci intègrent
la reconversion à d’autres activités (commerce, élevage, menuiserie...), les migrations, le
réaménagement du calendrier agricole, etc. L’auteur suggère alors des approches nouvelles pour
cerner la gestion des eaux dans un cadre regardant les mécanismes développés par les populations face
à l’assèchement du lac et les stratégies endogènes d’une bonne gestion des eaux, qu’il faudrait
valoriser au profit de projets de développement communautaire.
LADEL (2013) a, de son côté, analysé la pénurie d’eau dans six régions économiques d’Afrique
où vivent des communautés vulnérables : Touareg (Afrique de l’Ouest), Wodaabe ou Bororo en
Afrique Centrale, Bushmen en Afrique Australe, Masaï en Afrique de l’Est et Berbères en Afrique du
Nord. Cet auteur a décrit leurs usages de l’eau et les adaptations conséquentes durant les périodes de
pénuries de ces différentes communautés. Elle suggère donc d’améliorer leurs conditions de vie en
prélude à la future hausse de température et d’occurrence d’événements extrêmes.
Selon TOURE et al. (2012), malgré d’importants efforts consentis par le Sénégal pour faciliter
l’accès à la ressource hydrique, celle-ci constitue une contrainte pour l’essor des activités
économiques, surtout en milieu rural. Avec une baisse pluviométrique de 200 mm depuis 1970 et l’eau
qui manque dans la communauté rurale de Nguer Malal, les usages principaux sont la consommation
humaine et celle du bétail ; la pêche et le maraîchage étant localisés. Les stratégies d’adaptation
décrivent une gestion communautaire de la ressource, et l’implication des acteurs institutionnels et la
participation forte des usagers (70%) à la gestion financière et technique des ouvrages. L’auteur
suggère d’intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans la planification du développement
local.
YANON et NDIAYE (2013) ont, quant à eux, utilisé l’approche participative pour évaluer
l’impact de la variabilité climatique sur les ressources en eau à Bambey (Sénégal). Des déficits massifs
d’eau se notent dès les années 1960, suite à une mauvaise distribution des apports en eau à l’échelle
spatio-temporelle et conduisent, en bien des cas, à un déséquilibre voire un tarissement des réserves,
notamment des puits, mares et marigots dans la zone étudiée. Cette situation de stress est bien perçue
par la population locale qui témoigne cependant de son incapacité à définir des mesures fiables
d’adaptation.

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QUEL EST LE ROLE DE LA POLITIQUE OU LA COMMUNICATION ENTRE LA
RECHERCHE, LA POLITIQUE ET LA PRATIQUE POUR L’ADAPTATION DES
COMMUNAUTES AUX EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?

La dernière catégorie d’articles nous propose des pistes de réflexion pour l’adaptation aux
impacts du changement climatique en Afrique. Ainsi, YABI et al. (2012) ont montré que face aux
contraintes climatiques, la valorisation agricole des eaux de surface, e.a. les plaines d’inondation et les
bas-fonds associés, revêt un intérêt pour le combat socio-économique. La valorisation de ces
potentialités naturelles, comme mesure d’adaptation, a timidement commencé tant par des initiatives
étatiques que par des communautés paysannes dans le Sud-ouest du Bénin. Ainsi, les aménagements
hydro-agricoles peuvent aider les communautés à minimiser la réduction pluviométrique, l’insertion
d’une période sans pluie en saison pluvieuse etc. Mais, ces initiatives se heurtent déjà aux contraintes
financières et organisationnelles, restreignant leur efficacité. Il conviendrait que l’Etat et le secteur
privé conjuguent leurs efforts pour élargir la superficie des périmètres aménagés, tout en veillant à
lever les différents goulots d’étranglement. Quant à TCHOUAFFE TCHIADJE & TCHAMBA (2012),
la question de la gouvernance de la rivière Nyong est posée par les risques liés à l’eau et
particulièrement la gestion du risque d’inondation au Cameroun, pour rendre plus résilients les
hydrosystèmes au regard des menaces des changements climatiques globaux. Ainsi, les auteurs
suggèrent une approche pluridisciplinaire comme étant la clé de l'atténuation des risques en général, en
tenant compte de la combinaison des enjeux, des solutions et des actions, lesquelles favorisent la
communication entre la recherche, la politique et la pratique, indispensables à cet effort (ORANGE et
al., 2002 & 2008).
Par ailleurs, un article nous propose une piste de solution par voie d’expérimentation pour
mettre à la disposition des communautés locales les résultats pour application afin de réduire les
impacts du changement climatique en Afrique, mais celles-ci en sont indifférentes. Dans ce sens,
WANYONYI et al. (2012) ont exposé une expérience de collecte d’eau pluviale pour une production
agricole menée dans la région semi-aride de Marigat (Kenya), habitée par des communautés
d’éleveurs Njemps Tugen, Turkana et Pokot. Celle-ci vise à démontrer les techniques de conservation
d’eau et du sol pour un développement des cultures qui aideraient à lutter contre la désertification et
améliorer l’économie de base des populations locales. Quoique quelques résultats prometteurs aient
été obtenus techniquement, il subsiste des contraintes. En effet, les communautés locales n’acceptent
pas les techniques recommandées, comme ils sont aliénés par leurs propres expériences ou cultures.
Enfin, dans le Nord de la Tunisie aux étages bioclimatiques allant du semi-aride au sub-humide,
OKEZ et al. (2012) ont évalué la variabilité spatio-temporelle des échanges biosphère-atmosphère par
l’interpolation des variables climatiques mensuelles (pluie, température et rayonnement global). Cette
approche a permis de spatialiser l’état des ressources pluviales et de la température moyenne de l’air
mensuelles sur plusieurs décades et des facteurs de stress thermique et hydrique, principaux contrôles
des flux de carbone. Cette démarche s’annonce intéressante pour une autoévaluation des ressources
dégradées par l’effet du changement climatique, mais aussi des potentialités locales pour une
amélioration de la productivité localement, voire à une certaine échelle spatiale.
Dans ce volume, la dimension politique d’adaptation au changement climatique a été faiblement
abordée (YABI et al., 2012 ; TCHOUAFFE TCHIADJE & TCHAMBA, 2012). Or le renforcement
des initiatives communautaires en matière d’adaptation partant des ressources ou stratégies endogènes,
et savoirs locaux, mérite d’être soutenu. Car les communautés africaines, du fait de leurs faibles
capacités économiques, ont montré des limites dans l’amélioration des stratégies d’adaptation. A la 1ère
conférence africaine sur la sécurité alimentaire en août 2013, il a été recommandé de favoriser de
fortes structures institutionnelles pour un développement durable des objectifs à atteindre, une
participation de tous les acteurs à la programmation, la prise de décision à travers de fréquentes
concertations pour créer l’appropriation des processus d’intégration et de coopération sur l’adaptation
au changement climatique. De plus, il faudrait un renforcement des capacités et des campagnes de
sensibilisation à grande échelle afin d’enrôler tout le monde dans ce combat contre les effets des
changements environnementaux en Afrique.

323
CONCLUSION

Les stratégies et scénarios appropriés de lutte contre les impacts du changement climatique en
Afrique devraient être développés sur la durée, les court et long termes. Car l’occurrence des extrêmes
climatiques est aléatoire, avec des intensités et longueurs variables et des conséquences imprévisibles
pour les communautés locales. Dans ce sens, les projections climatiques futures qui révèlent
grossièrement une hausse de température renchérissant le Global warming, devraient être couplées aux
programmes et d’adaptation, lesquels favorisent progressivement les résiliences des populations face à
ces crises climatiques à venir.
Dans son rapport adopté le 27 septembre 2013 à Stockholm, le GIEC (2013) revoit à la hausse
l'augmentation du niveau de la mer, qui serait de 26 à 82 cm d'ici 2100, selon le nouvel état des lieux
scientifique. Ainsi, il est désormais "extrêmement probable" que l'influence humaine est la principale
cause du réchauffement observé depuis le milieu du 20ième siècle (IPCC, 2013). Avec cette conclusion,
que pourra-t-on prédire sur l’avenir des activités agro-pastorales et des besoins en eau en Afrique pour
l’amélioration des conditions socioéconomiques des communautés dans le cadre d’un environnement
durable ? Entre autres, la question de la maîtrise de l’eau est pendante et y revêt un intérêt particulier.
Celle-ci dévoile l’insuffisance des infrastructures hydrauliques, dont la création ou le développement
participera à la réduction des contraintes d’accès à l’eau dans un contexte où l’impact du changement
climatique sur les activités et communautés locales est notable. Cela dit, des efforts restent à faire pour
améliorer ces services éco-systémiques d’eau en Afrique.

REMERCIEMENTS

Nous remercions les sponsors qui ont rendu possible l’organisation du Colloque sur « Les défis de l’eau et
l’adaptation au changement climatique en Afrique » organisé à Bangui les 25, 26 et 27 mai 2012 : l’AUF, le
GWP-Caf et l’UNICEF, ainsi que l’Université de Bangui.

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