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Dominique Cardon
Le Seuil | « Communications »
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En à peine quelques années, les réseaux sociaux ont conquis une place
centrale au sein des différents usages de l'Internet. Le tournant est saisissant.
En 2005, parmi les dix sites à plus forte audience, on comptait encore des
services de ventes en ligne et de grands portails commerciaux comme eBay,
Amazon, Microsoft ou AOL. Mais en 2008 ceux-ci ont disparu du classe-
ment des dix premiers sites, au profit de YouTube, Myspace, Facebook, Hi5,
Wikipédia et Orkut 1. Ce changement dans les pratiques d'Internet, souvent
qualifié de tournant du « Web 2.0 », se caractérise par l'importance de la
participation des utilisateurs à la production de contenus et par leur mise en
relation. En la matière, les chiffres sont toujours sujets à caution et ne cessent
d'évoluer, mais on peut estimer qu'en 2010 on dénombrait 500 millions
d'utilisateurs actifs sur Facebook dans le monde, et 18 millions en France.
On comptait 19 milliards de commentaires sur Skyblog et chaque mois sur
Facebook étaient postés 2,5 milliards de nouvelles photos, dont 130 millions
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rationalisation des manières dont se définissent les individus. Mais l'un des
principaux effets de ces nouveaux usages est l'affaiblissement, au moins
symbolique, de la frontière entre l'espace public traditionnel et celui de la
conversation ordinaire 12. Les médias et les industries culturelles ne sont
plus les seuls vecteurs de diffusion de l'information. Ils doivent s'insérer
dans le développement, plus autonome et désordonné, d'un tissu horizontal
de conversations, de partages, de commentaires et de recommandations.
Plusieurs interprétations opposées peuvent être faites de ce phénomène.
Un premier débat confronte deux lectures de l'autonomisation de la prise
de parole sur Internet. La lecture républicaine, tout d'abord, se désole de la
disparition de la frontière entre les professionnels et les amateurs 13. Celle-
ci rend beaucoup moins aisé le contrôle que pouvaient exercer les élites et
les représentants sur les critères de légitimité de l'information, de la culture
et de l'agenda politique. Les productions amateurs sont jugées de médiocre
qualité. Le monde civique perd la centralité et l'unité qui lui permettaient
de s'arracher aux désirs et aux intérêts des individus. S'oppose à cette vision
une interprétation par l'empowerment (ou « capacitation ») des citoyens,
qui soutient qu'en s'autonomisant sur Internet la société démocratique se
donne la possibilité de renforcer et d'aguerrir les capacités critiques, les
connaissances et les moyens d'action des citoyens 14. L'émancipation des
publics sur Internet ne signifie pas la disparition des formes consacrées de
la démocratie représentative : la presse et les industries culturelles. Elle se
caractérise en revanche par des interdépendances nouvelles qui obligent
ces dernières à dialoguer et à interagir avec les productions amateurs.
Un autre débat porte sur la manière dont Internet recompose l'espace
public en sollicitant les affects et la subjectivité des internautes. Pour les
tenants d'une lecture biopolitique, inspirée de Michel Foucault, une nou-
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6. D. Cardon, « Le design de la visibilité », art. cité.
7. C. Shirky, Here Comes Everybody. The Power of Organizing without Organizations, New
York, The Penguin Press, 2008, p. 85.
8. d. boyd, « Facebook's Privacy Trainwreck : Exposure, Invasion and Social Convergence »,
Convergence, vol. 14, nº 1, février 2008, p. 13-20.
9. F. de Singly, Les uns avec les autres. Quand l'individualisme crée du lien, Paris, Armand
Colin, 2003.
10. O. Donnat, Pratiques culturelles des Français à l'ère numérique. Enquête 2008, Paris,
La Découverte, 2009.
11. D. Kaplan, Informatique, Libertés, Identités, Paris, FYP, 2010.
12. D. Cardon, La Démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil / La République des
idées, 2010.
13. A. Keen, Le Culte de l'amateur. Comment l'Internet tue notre culture, Paris, Scali, 2008.
14. N. Vanbremeersh, De la démocratie numérique, Paris, Seuil, 2009.
15. M. Pasquinelli, Animal Spirits : A Bestiary of the Commons, Rotterdam, NAi Publishers /
Institute of Network Cultures, 2008.
16. Y. Moullier-Boutang, Le Capitalisme cognitif : la nouvelle grande transformation, Paris,
Amsterdam, 2007.
17. M. Hardt et T. Negri, Commonwealth, Cambridge, The Belknap Press of Harvard Univer-
sity, 2009.
18. F. Granjon et J. Denouël, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives
sur les sites de réseaux sociaux », Sociologie, nº 1, 2010, p. 25-43.
RÉSUMÉ
En quelques années, la pratique des réseaux sociaux en ligne s'est installée comme un des princi-
paux usages de l'Internet. Si de nombreux éléments peuvent expliquer cette soudaine réussite, cet
article insiste sur la manière dont ils articulent et recomposent la sociabilité des individus en profitant
de leurs nouvelles pratiques d'exposition de soi. Deux formes différentes de réseaux sociaux doivent
en effet être distinguées selon qu'ils s'articulent autour d'un échange conversationnel entre proches
ou qu'ils permettent le partage de contenus entre personnes ayant les mêmes centres d'intérêt. Cepen-
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SUMMARY
Recently, online social networks have become one of the most relevant services on the Web.
Although the reasons for this success can be manifold, this article underlines the re-articulation of
social relationships that are allowed by the new practices of online self-exposure. Two main types
of social media can be detected, friendship-driven and interest-oriented. However, one of the main
implications of the rise of online social networks lies in the intertwining of those two different uses
allowing, in a limited and controlled way, to mix strong and weak ties, conversation and content-
sharing, contextual and strategic identity interplay.