JUDIC. Hierarchie Angelique Et Hierarchie Ecclesiale Chez Gregoire Le Grand
JUDIC. Hierarchie Angelique Et Hierarchie Ecclesiale Chez Gregoire Le Grand
JUDIC. Hierarchie Angelique Et Hierarchie Ecclesiale Chez Gregoire Le Grand
G
régoire le Grand, dès la fin du vie siècle, dans son homélie 34
sur l’Évangile, constitue une étape précoce de la diffusion de
l’œuvre de l’Aréopagite qu’il est le premier à mentionner
dans un texte latin. Comme toutes les homélies de Grégoire, elle a été
largement répandue mais on peut préciser son rôle dans l’angélologie
des auteurs médiévaux.
Grégoire le Grand a composé, et en partie prononcé lui-même,
quarante homélies sur l’Évangile au début de son pontificat, dans les
années 590-592 1. Elles se répartissent en deux groupes, le premier
comprend des homélies dictées qui ont été ensuite prononcées devant
le peuple par un notaire. En revanche, les homélies du deuxième
groupe (21-40) ont été prononcées par Grégoire lui-même. Ces deux
groupes préfigurent, en outre, la partie d’hiver et la partie d’été. L’ho-
mélie 34 se situe dans la seconde partie mais sa date exacte ne se laisse
pas immédiatement définir. Nous avons une indication interne à l’ho-
mélie elle-même puisque Grégoire commence ainsi : « La période
estivale, très contraire à ma santé, m’a empêché un long temps de
vous parler pour vous expliquer l’Évangile. Mais si la langue s’est tue
la charité n’a pas perdu en moi sa chaleur… » Ainsi, un été pourri a
longtemps empêché Grégoire de prendre la parole 2. L’homélie 34,
1
Gregorius Magnus, Homiliae in Evangelia, éd. R. Étaix, CCSL, 141, Turnhout, 1999.
Grégoire le Grand, Homélies sur l’Évangile, livre I, éd. R. Étaix, C. Morel et B. Judic, SC,
485, Paris, 2005.
2
L'étude fondamentale est désormais celle de J.-P. Bouhot, « Les homélies de saint Gré-
goire le Grand, histoire des textes et chronologie », Revue Bénédictine, 117/2 (2007),
p. 211-260. Il propose de nouvelles datations pour les homélies de Grégoire. Pour l’homé-
lie 34, il ne reprend pas du tout le système de Chavasse et Étaix. Il s’appuie, avant tout, sur
la mention d’un « temps long » entre l’homélie 33 et l’homélie 34. Comme l’homélie 33
est située au début de juillet, et que l’homélie 35, pour le 11 novembre fête de saint Mennas,
commence aussi par le rappel d’un été pénible, il situe l’homélie 34 au plus près de l’ho-
mélie 35, donc le dimanche 4 novembre 591. Le long développement angélologique est
lié uniquement à l’éclaircissement de la péricope. Je remercie Jean-Paul Bouhot de m’avoir
communiqué à l’avance cette importante étude, dont je ne peux malheureusement tirer
ici toutes les conséquences. Précédemment, A. Chavasse [« Les plus anciens types du lec-
tionnaire et de l’antiphonaire romains de la messe », Revue Bénédictine, 62 (1952), p. 3-94 ;
39
la plus longue de toute la collection 3, porte sur Luc 15, 1-10, la brebis
perdue et la drachme perdue. Deux grands thèmes sont développés
sur cette péricope : la pénitence, l’abstinence et le pardon (paragra-
phes 1-6 et 15-18), les anges (paragraphes 6b-14). Il faut souligner
que Grégoire se sent fortement encouragé à parler : « mais puisqu’est
revenu le temps de parler, votre zèle m’encourage et j’ai d’autant plus
de joie à m’adresser à vous que vos âmes l’attendent avec un plus
grand désir ». Grégoire est en mauvaise santé et pourtant sa parole
est attendue et souhaitée par son auditoire. Cette relation physique
avec l’auditoire est certainement très importante dans l’homélie 34 ;
elle explique sûrement la longueur de l’homélie et elle éclaire cette
phrase initiale sur l’encouragement à parler, sur la joie de Grégoire
en s’adressant à ses fidèles et sur le désir des fidèles de l’écouter.
L’homélie a été prononcée dans la basilique des Saints-Jean-et-Paul
qui se trouve sur le Caelius, à proximité de l’ancienne maison familiale
de Grégoire transformée par lui-même en monastère. Cette basilique
est l’héritière d’un titulus financé par un riche sénateur, Pammachius,
ami de saint Jérôme. On peut penser que cette localisation est aussi
un facteur de mise en confiance du pape – c’est semble-t-il la seule
homélie du recueil prononcée dans cette église ; il se sent à l’aise pour
développer plus longuement les thèmes de l’homélie 4.
Le premier thème, pénitentiel, est directement lié à la péricope
elle-même : « il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur
qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas
besoin de pénitence. » Sur ce thème, Grégoire utilise deux exempla :
l’histoire de David au paragraphe 16 et l’histoire, racontée au para-
40
5
Rien n’empêche d’imaginer que le monastère indéterminé dans lequel Victorien-Émilien
menait une vie exemplaire et ascétique était ce même monastère Saint-André, à proximité
immédiate de l’église dans laquelle Grégoire prononçait cette homélie.
41
6
Cf. Jérôme, Liber interpretationis hebraicorum nominum, CCSL, 72, p. 82 et 140. Grégoire
donne aussi les références scripturaires : Ap 12, 7 pour Michel ; Lc 1, 26-27 pour Gabriel ;
Tb 11, 13 pour Raphaël.
42
rejettent tout ce qui est terrestre, s’élèvent par l’esprit au-dessus des
choses du temps… ». Il est alors bien difficile d’assigner une catégorie
ecclésiastique particulière à ces personnages. Les ordres angéliques
justifient la hiérarchie entre les hommes du moins du point de vue
spirituel, paragraphe 12 : « Celui qui voit en lui de modestes dons,
qu’il n’envie pas aux autres de plus grands, car là-haut ont été établies
des distinctions (distinctiones) entre esprits bienheureux de telle sorte
que les uns soient préposés aux autres (ut aliae aliis sint praelatae). »
C’est alors que Grégoire cite explicitement Denys l’Aréopagite :
« On rapporte (Fertur) que Denys l’Aréopagite, un ancien et vénérable
Père, disait que les anges, venant des armées inférieures, sont envoyés
de façon visible ou invisible pour accomplir un ministère, c’est-à-dire
consoler les hommes comme anges ou archanges. Les armées supé-
rieures, elles, ne sortent jamais de leur propre intimité, les plus élevées
ne s’employant pas à un ministère extérieur. » Grégoire relève
cependant une contradiction : Isaïe 6, 6-7 évoque un séraphin qui
vole en tenant en main une braise avec une pince et il touche les lèvres
d’Isaïe avec cette braise. Le séraphin, situé tout en haut, pourrait-il
donc sortir à l’extérieur ? Grégoire explique que, dans ce cas, l’ange
reçoit son nom de la charge qu’il exerce, c’est-à-dire brûler. Et il
ajoute, paragraphe 13, une citation de Daniel 7, 10 pour confirmer
le fait que certains anges servent Dieu et d’autres assistent et entou-
rent Dieu. Il convient cependant pour Grégoire de souligner, pour
finir, l’étroite liaison entre tous les ordres angéliques. Le Psalmiste
(79, 2) dit : « Toi qui sièges sur les Chérubins, apparais ! » « En joi-
gnant tout en les distinguant les Chérubins aux Trônes, le Seigneur
montre en les égalant au chœur voisin qu’il siège aussi sur les Chéru-
bins 7. » Ce que chacun possède en particulier appartient aussi à l’en-
semble. Grégoire peut ainsi dans ces paragraphes 13 et 14 rappeler
un thème qui lui tient à cœur, l’alternance entre l’intériorité et l’ex-
tériorité et un principe de « communion universelle » : « par la charité
de l’Esprit tout est possédé par l’un dans les autres. » L’analyse menée
par Claude Carozzi sur cette homélie a le grand mérite de montrer à
la fois l’insistance sur le principe hiérarchique et l’impossibilité
concrète de suivre ce principe dans une réalisation totale 8. Claude
7
Dum in ipsis distinctionibus agminum Cherubin thronis jungitur, sedere etiam super Cherubin
Dominus ex vicini agminis aequalitate perhibetur.
8
C. Carozzi, « Hiérarchie angélique et tripartition fonctionnelle chez Grégoire le Grand »,
in C. Carozzi et H. Taviani-Carozzi (dir.), Hiérarchies et services au Moyen Âge, Aix-en-Pro-
vence, 2001, p. 31-50.
43
9
Si enim unam ovem lapsam humanam animam accipiamus in adam, quia etiam eva de illius latere
facta est, quorum omnium spiritaliter tractandorum et considerandorum nunc tempus non est, restat
ut nonaginta novem relictae in montibus, non humani, sed angeli spiritus intellegantur (Enarr. in
ps. 8, 12, CCSL, 38).
10
Sur Da 7, 10, même citation que dans l’homélie 34, Grégoire écrit : « Si donc ils [les
anges fidèles] le voient toujours, et toujours se tiennent en sa présence, il faut chercher
avec une attention diligente d’où ils viennent, eux qui ne s’éloignent jamais (…). Mais nous
trouvons assez vite la solution si nous tenons compte de la grande subtilité de la nature
angélique. Jamais les anges ne s’éloignent extérieurement de la vision de Dieu au point
44
d’être privés des joies de la contemplation intérieure. Si, dans ces missions, ils perdaient la
vision de leur Créateur, ils seraient incapables de relever ceux qui sont tombés et d’annon-
cer la vérité à ceux qui l’ignorent… » Mor. 2, 3, 3, trad. A. de Gaudemaris, notes de
R. Gillet, SC, 32bis, Paris, 1975, p. 257-259. Cf. aussi Augustin, Conf. VII, 11, 7. Voir
également C. Micaelli, « Riflessioni su alcuni aspetti dell’angelologia di Gregorio Magno »,
in Gregorio Magno e il suo tempo, Rome, 1991, p. 301-314. Grégoire a déjà traité des anges
dans HomÉv 1, 2 (six groupes d’anges), HomÉv 26, 10 (cinq groupes). Il y revient aussi dans
HomEz I, hom 8, 20 dans un passage qui suppose une liste de neuf et qui associe les Trônes
au saphir dans la liste des pierres précieuses. En outre, le sacramentaire grégorien donne
cinq groupes d’anges dans la prière du sanctus, mais cette prière est peut-être antérieure à
Grégoire lui-même.
11
Sur Jb 40, 14, ipse est principium viarum Dei [Behemoth] est lui-même la tête des voies de
Dieu ; Hinc est quod primatus ejus potentiam adhuc insinuans idem propheta, subjungit : « Omnis
lapis pretiosus operimentum tuum, sardius et topazius et jaspis, chrysolithus, onyx, et berillus, sapphi-
rus, carbunculus et smaragdus » (Ez 28, 13). Novem dicit genera lapidum, quia nimirum novem sunt
ordines angelorum. Nam cum per ipsa sacra eloquia angeli, archangeli, throni, dominationes, virtutes,
principatus, potestates, cherubim, et seraphim, aperta narratione memorantur, quantae sint superno-
rum civium distinctiones ostenditur (Mor. 32, 23, 47).
12
Cf. J. M. Petersen, « Did Gregory the Great Know Greek ? », Studies in Church History, 13
(1976), p. 121-134. Id., « Greek influences upon Gregory the Great’s Exegesis of Luke 15,
1-10 in Homelia in Evangelium II, 34 », in J. Fontaine, R. Gillet et S. Pellistrandi, dir.,
Grégoire le Grand, Paris, 1986, p. 521-530. Id., « Homo Omnino Latinus. The Theological
and Cultural Background of Pope Gregory the Great », Speculum, 62 (1987), p. 529-551.
Id., The Dialogues of Gregory the Great in their late antique cultural background, Toronto, 1984.
45
(…) examinons encore, autant qu’il est en notre pouvoir : pourquoi est-il
dit qu’à l’un des porte-parole de Dieu un Séraphin est envoyé ? [cf. Is 6,
6-7] On pourrait s’embarrasser en voyant que non point l’un des anges
subordonnés mais celui même qui a rang parmi les essences les plus véné-
rables purifie l’interprète des secrets divins. Certains répondent qu’en
vertu de cette communion déjà invoquée entre tous les esprits ce n’est
point l’un des esprits de premier rang, vivant autour de Dieu, mais plutôt
que l’un des Anges qui nous sont préposés, en tant qu’il reçût la sainte
charge de purifier le prophète, a été appelé du même nom que les Séra-
phins, puisque c’est à la manière d’un incendie qu’il effaça les péchés
rapportés par les Dits… et ils ajoutent qu’en parlant simplement de l’un
des Séraphins les Dits ne désignent point l’un de ceux qui siègent autour
de Dieu mais l’une des Puissances purificatrices qui nous sont assi-
gnées 14.
Contra Petersen : G. J. M. Bartelink, « Pope Gregory the Great’s Knowledge of Greek », in
J. C. Cavadini, dir., Gregory the Great : A Symposium, Notre Dame, 1995, p. 117-136 (il
n’évoque pas du tout l’homélie 34).
13
Cf. C. Dagens, Saint Grégoire le Grand. Culture et expérience chrétiennes, Paris, 1977, p. 151-152.
C. Straw, Gregory the Great Perfection in Imperfection, Univ of California Press, 1988,
p. 29-37.
14
Denys l’Aréopagite, De la hiérarchie céleste, XIII, 1, intro. R. Roques, trad. M. de Gan-
dillac, SC, 58bis, Paris, 1970. La note de l’édition SC est d’ailleurs éclairante : « L’hypo-
thèse qu’un Séraphin fut délégué à une fonction qui est normalement celle du dernier
ordre est exclue aussi bien par Denys que par Grégoire le Grand et saint Thomas… l’An-
gélique distingue quatre dispositions d’esprits “assistant” et cinq d’esprits “administrateurs”
dont seules les deux dernières ont une mission “annonciatrice”. On a ici un exemple frap-
pant de “vision du monde” (de caractère en partie profane) invoquée par des théologiens
pour refuser l’interprétation la plus obvie d’un texte scripturaire. »
46
15
Cf. R. Roques, L’univers dionysien : structure hiérarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Paris,
1954. Voir aussi R. F. Hathaway, Hierarchy and the Definition of Order in the Letters of Pseudo-
Dionysius, La Haye, 1969.
16
J. M. Petersen, The Dialogues of Gregory the Great…, op. cit., p. xvii : « Scholars working on
one or other aspects of Gregory’s life and teaching have commonly assumed that, in spite
of his six years’ sojourn as apocrisiarius in Constantinople, he knew no Greek, and that
consequently he was uninfluenced by Eastern Christian spirituality and theology. Many
instances of this view could be cited ; one of the most recent is to be found in an article by
Claude Dagens published in 1975. »
47
17
Anastase, patriarche d’Antioche destitué par Justin en 570, se trouvait à Constantinople
en même temps que Grégoire et ils se lièrent d’amitié à en juger par Ep. 1, 6 ; 1, 7 ; 1, 25
dans lesquelles Grégoire lui parle de manière très personnelle et intime comme il le fait
aussi pour Léandre de Séville. Anastase reçut aussi la lettre synodale, Ep. 1, 24, puisque
Grégoire le considérait toujours comme patriarche et il intervient dès le début de son
pontificat auprès de l’empereur Maurice en faveur d’Anastase qui, de fait, retrouva son
siège en 593 ou 594, cf. Ep. 5, 42. Dans cette dernière lettre, Grégoire exprime à nouveau
des sentiments personnels et souligne que saint Ignace est « non seulement vôtre mais aussi
nôtre ». En 597, Ep. 7, 24 concerne l’opposition de Grégoire au titre « œcuménique » du
patriarche de Constantinople et Ep. 7, 31 concerne différents textes grecs traduits en latin ;
Ep. 8, 2 à nouveau lettre personnelle. Par Ep. 12, 6, de janvier 602, nous savons qu’Anastase
traduisit la Règle pastorale en grec à la demande de l’empereur Maurice. R. Lizzi (« La tra-
duzione greca delle opere di Gregorio Magno : dalla Regula pastoralis ai Dialogi », in Gre-
gorio Magno e il suo tempo II Questioni letterarie e dottrinali, Rome, 1991, p. 41-57) montre que
l’Anastase mentionné dans Ep. 12, 6, doit être Anastase II, successeur d’Anastase I sur le
siège d’Antioche à la mort de ce dernier en 599. Mais la présence du Pastoral à Antioche
résulterait bien des liens étroits entre Grégoire et Anastase I, qui séjourna peut-être à Rome.
J. M. Petersen (« Homo Omnino Latinus… », op. cit.) avait fait l’hypothèse du médecin
Aristobule et de l’évêque Domitien de Mélitène, mais pas d’Anastase d’Antioche.
48
Les homélies de Grégoire ont connu une très large diffusion. Mais
l’homélie 34 est encore plus diffusée par son insertion très précoce
dans des homéliaires. Le Sermonnaire vatican de la fin du viie siècle et
ses dérivés recopient, sous le nom de Grégoire, pour la fête du Saint-
Ange, les seuls chapitres 6b à 14 de l’homélie 34. Raymond Étaix
suppose d’ailleurs que les seuls emprunts sûrs d’Isidore aux Homélies
de Grégoire dans les Sentences viendraient du Sermonnaire du Vatican
et non pas directement du recueil des quarante homélies. On sait en
effet que la notice d’Isidore sur Grégoire manifeste son ignorance du
recueil des quarante homélies. Par ailleurs, Isidore présente, dans les
Étymologies, le principe des neuf ordres angéliques et la même liste que
Grégoire dans l’homélie 34 20. À partir d’Isidore, la formule se retrouve
chez Beatus de Liébana 21.
18
Sur Jb 31, 15 : Ne les a-t-il pas créés comme moi dans le ventre ? Un même Dieu nous
forma dans le sein. Omnes homines natura aequales genuit, sed, variante meritorum ordine, alios
aliis dispensatio occulta postponit, Mor 21, 15, 22-24 ; sur dispensatio, C. Ricci-Wallraff, Mys-
terium dispensationis, tracce di una teologia della storia in Gregorio Magno, Rome, 2002.
19
Cf. J. Batany, « Tayon de Saragosse et la nomenclature sociale de Grégoire le Grand »,
Archivum Latinitatis Medii Aevi [Bulletin Du Cange], 37 (1970), p. 173-182.
20
Cf. R. Étaix, CCSL, 141, p. xxvii, note 32. Isidore de Séville, Étymologies, livre VII, 5,
4, De Deo, angelis et fidelium ordinibus, PL, 82. Isidore reprend aussi la liste de l’homélie 34
dans le De ordine creaturarum (PL, 83, col. 917a). Voir l’important article d’E. C. Lutz, « In
niun schar insunder geordent gar. Gregorianische Angelologie, Dionysius-Rezeption und
volkssprachliche Dichtungen des Mittelalters », Zeitschrift für Deutsche Philologie, 102 (1983),
p. 335-376.
21
Beatus de Liébana, Commentarius in Apocalypsin, lib. 2, prologus, cap. 1, 16, éd. H. A.
Sanders, Papers… of the American Academy in Rome, 7 (1930), p. 105.
49
Que feront les méchants alors que même les saints trembleront devant
l’immense majesté de Jésus-Christ, le fils de Dieu ? Si c’est à peine que le
juste échappe, où se montrera l’impie ? C’est là que les Anges prendront
peur, là que trembleront les Archanges, les Trônes et les Puissances, les
Principautés et les Vertus, les Chérubins et les Séraphins et les Domina-
tions. Alors Jésus-Christ s’assiéra sur le trône d’éternité et le chœur de tous
les saints patriarches, prophètes, apôtres, martyrs et confesseurs sera
assemblé devant lui…
22
K. Strecker a utilisé cinq manuscrits, dont : Verona, Bib. Capitulaire, cod. XC (85),
ixe s., fol. 10v-11r ; Paris, BnF, lat. 1154, Saint-Martial de Limoges, ixe s., fol. 121r et deux
manuscrits de Bruxelles du xe siècle, cf. MGH, Poetae Latini Aevi Carolini, IV, p. 521 ; trad.
dans D. Norberg, Manuel pratique de latin médiéval, Paris, 1968, p. 155-164 à partir de
Clermont-Ferrand, BM, 189, xie s., fol. 149v.
50
Les Dominations sont un ordre, l’un des neufs ordres des anges, en effet
il y eut dix ordres des anges, mais le dixième ordre a chuté, et il s’est
transformé, par orgueil, en diable. Les neufs autres ordres sont demeurés
dans leur sainteté. Voici leurs noms ; anges, archanges, vertus, principau-
tés, puissances, trônes, dominations, chérubins, séraphins. Les noms de
ces deux derniers ordres ne sont pas latins. En effet chérubin signifie
plénitude de la science, séraphin signifie l’incendie ; les noms des autres
ordres sont latins, sauf anges et archanges. En effet anges signifient
envoyés, et archanges très hauts envoyés.
23
Letantur chori principales virtutum / Cherubin ordo cum Seraphin socio / De tam terrendo rege
apostolico / Trepudiantque gaudio perenniter / Virginum agmen adit eius obviam… Novem sunt vero
ordines angelice / Michahel primus quis ut deus dicitur / Secundus quippe Gabriel pernuntius /
Coniunxit celi regnum que cum virgine / Medicus tertius Raphahel magnificus. Ce poème est édité
à partir de Paris, BnF, lat 17655, Corbie, fol. 97-99. Voir D. Norberg, « Der kleine Sigfred
von Corbie und Gregor der Grosse », in A. Lehner et W. Berschin, Lateinische Kultur im
VIII. Jahrhundert. Traube Gedenkschrift, Sankt-Ottilien, 1989, p. 195-207. Au viiie siècle, l’Ora-
tio sancti Brandani (éd. P. Salmon, CCCM, 47, Turnhout, 1977, cap. 9) contient une formule
de prière avec les trois archanges, des groupes d’anges, les chérubins et les séraphins, mais
sans atteindre le nombre de neuf.
24
Raban Maur, In honorem sanctae crucis, éd. M. Perrin, CCCM, 100-100a, Turnhout, 1997 ;
Carmina, carmen 39 (éd. E. Dümmler, MGH P.L.A.C. 2, 1884, p. 198, str. 14) : Bonos creavit
angelos / ordines et archangelos / principatus et virtutes / thronos et dominationes / potestates et
cherubin / gloriosa et seraphin ; Liber de sacris ordinibus, sacramentis divinis et vestimentis sacerdo-
talibus ad Thiotmarum, c. XIX De ordine missae (PL, 112, col. 1181) : (…) Dominationes unus
ordo dicitur de novem ordinibus angelorum, nam decem fuerunt ordines angelorum, sed decimus ordo
cecidit, et versus est, per superbiam in diabolum. Novem autem permanserunt in sanctitate sua. Haec
51
sunt nomina eorum : angeli, archangeli, virtutes, principatus, potestates, throni, dominationes, che-
rubin, seraphin. Istorum duorum nomina non sunt latina. Cherubin enim plenitudo scientiae inter-
pretatur, seraphin incendium dicitur ; cetera nomina supradictorum ordinum latina sunt, nisi ange-
lorum et archangelorum. Nam angeli nuntii, archangeli vero excelsi nuntii dicuntur. Gregorius papa
Romanus in homilia sua quam super lectionem evangelicam fecit, ubi ita legitur : Erant appropin-
quantes ad Jesum publicani et peccatores ut audirent illum (Luc XV, 1) plenissime de praedictis ordi-
nibus exposuit. Voir E. C. Lutz, « In niun schar insunder… », op. cit.
25
Haymon [d’Auxerre], Homiliae de tempore, Homilia CXIV, PL, 118, col. 613c-d. Heiric
d’Auxerre, Homiliae per circulum anni, pars hiemalis, hom. 2, éd. R. Quadri, CCCM, 116,
Turnhout, 1992. Cf. D. Iogna-Prat, C. Jeudy et G. Lobrichon, dir., L’École carolingienne
d’Auxerre de Muretach à Remi, 830-908, Paris, 1991. E. C. Lutz (« In niun schar insunder… »,
ibid.) souligne le cas de Sedulius Scottus, Collectaneum in Apostolum, vol. II (in espit. ad
Ephesios), cap. 1, v. 21, p. 563, éd. H. J. Frede et H. Stanjek, Vetus latina. Aus der Geschichte
der lateinischen Bibel, Bd 31 et 32 : Super omnem principatum et potestatem et virtutum et domina-
tionum et reliqua (Ephes. 1, 21). Novem autem angelorum scimus ordines : Angelos, Archangelos,
Virtutes, Potestates, Principatus, Dominationes, Thronos, Cherubin, Seraphin… On notera aussi la
présence du thème angélique chez Aethicus cosmographia, cap. 2, p. 96 (éd. O. Prinz,
Munich, 1993), et dans la Vita Amandi II de Milon de Saint-Amand (MGH, SRM V,
p. 468).
26
Y. de Andia, dir., Denys l’Aréopagite et sa postérité (colloque 1994), Paris, 1997, en part. J. Iri-
goin, « Les manuscrits grecs de Denys l’Aréopagite en Occident, les empereurs byzantins
et l’abbaye royale de Saint-Denis en France », p. 19-30 et E. Jeauneau, « L’abbaye de Saint-
Denis introductrice de Denys en Occident », p. 361-378 : Jean Scot Erigène raconte la
52
53
30
R. Étaix, « Les homéliaires patristiques du Mont-Saint-Michel », in Dom J. Laporte, dir.,
Millénaire monastique du Mont-Saint-Michel, t. 1 (Histoire et vie monastique), Paris, 1966,
p. 399-415, repris dans Homéliaires patristiques latins, Paris, 1994, p. 275-291. Manuscrit 211 :
fol. 171b-179d, Angelorum et hominum naturam… tergamus maculas pulveris nostri (Grégoire
le Grand, Hom. 34 in Evang., § 6-15, PL, 76, col. 1249c-1256a). Sur le culte de saint Michel :
P. Bouet, G. Otranto et A. Vauchez, dir., Culte et pèlerinage à Saint Michel en Occident. Les
trois monts dédiés à l’archange, Rome, 2003. E. Poulle, P. Bouet et O. Desbordes, dir., Car-
tulaire du Mont-Saint-Michel. Fac-similé du manuscrit 210 de la Bibliothèque municipale d’Avranches,
Les Amis du Mont-Saint-Michel, 2005.
31
E. C. Lutz (« In niun schar insunder… », op. cit.) montre le développement de l’angélo-
logie grégorienne au cours du Moyen Âge. Il souligne en particulier les débuts de la récep-
tion du Pseudo-Denys au xiie siècle en même temps que la préservation de la tradition
grégorienne. Il développe la fortune du thème angélique au xiiie siècle dans les littératures
vernaculaires, en ancien allemand (Rudolf von Ems), en ancien français (Brunetto Latini)
et en italien (Dante, Paradis, chant 28).
54