Therese Martin, Vie Et Mort Dans Le Panthéon de Saint-Isidore

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LES CAHIERS

DE
SAINT-MICHEL DE CUXA
XLII
2011

Mémoires, tombeaux et sépultures


à l’époque romane

Actes des XLIIes Journées romanes de Cuxa


5-12 juillet 2010

ASSOCIATION CULTURELLE DE CUXA


Comité scientifique des Journées romanes et des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa.

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa éditent les textes des communications prononcées lors des Journées Romanes et
n’acceptent donc pas d’articles « spontanés ». Le comité scientifique est à la fois en charge de la préparation des Journées et
de la réception et acceptation des articles dans Les Cahiers.
Jean-Charles Balty, Université Paris-Sorbonne ; Xavier Barral i Altet, Université de Haute-Bretagne, Rennes ; Marianne
Besseyre, Département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France ; Barbara Drake Boehm, The Cloisters, Metropolitan
Museum of Art, New York (USA) ; Jordi Camps i Sòria, Musée national d’Art de Catalogne, Barcelone (Esp.) ; Manuel
Castiñeiras, Université Autonome de Barcelone (Esp.) ; Quitterie Cazes, Université de Paris Panthéon-Sorbonne ; Gérard
Dedeyan, Université Paul-Valéry, Montpellier ; Milagros Guardia, Université de Barcelone (Esp.) ; Andréas Hartmann-
Virnich, Université de Provence, Aix-Marseille ; Eberhard Koenig, Université libre, Berlin (All.) ; Jacqueline Leclercq-
Marx, Université libre de Bruxelles (Belg.) ; Imma Lorès, Université de Lleida (Esp.) ; Sophie Makariou, Département des
Arts de l’Islam, Musée du Louvre ; Géraldine Mallet, Université Paul-Valéry, Montpellier ; Carles Mancho, Université de
Barcelone (Esp.) ; Gabriel Martinez-Gros, EHESS, Université de Vincennes à Saint-Denis ; Valentino Pace, Universités
d’Udine et de Roma Tre (It.) ; Serena Romano, Université de Lausanne (Suisse) ; Christian Sapin, CNRS, CEM Auxerre ;
Avinoam Shalem, Université de Munich (All.) ; Jean-Pierre Sodini, Université Paris Panthéon-Sorbonne ; Neil Stratford,
British Museum, Londres (G.-B.) ; Marc Sureda Jubany, Musée Épiscopal de Vic (Esp.) ; Cécile Treffort, Université de
Poitiers ; Éliane Vergnolle, Université de Franche-Comté, Besançon ; Michel Zimmermann, Université de Versailles -
Saint-Quentin-en-Yvelines.

Secrétariat de rédaction (administration, réception et distribution des articles, mise en pages, questions éditoriales)
Emmanuel Garland, Daniel Codina, Jean-Luc Antoniazzi, Marie-Pasquine Subes, Olivier Poisson, Aymat Catafau.

L’Association Culturelle de Cuxa, organisatrice des Journées Romanes et éditrice des Cahiers depuis 1969, est liée par des
conventions de collaboration scientifique et matérielle avec les institutions suivantes :
Université de Perpignan Via Domitia, Institut national d’histoire de l’art, Museu Episcopal de Vic

Ouvrage publié avec l’aide du Conseil Général des Pyrénées-Orientales et de la DRAC Languedoc Roussillon

© Association Culturelle de Cuxa, 2010


Photo de couverture : Vita Mathilidis, Roma, Bibl. Ap. Vat., Cod. Vat. Lat. 4922, c.19r.
Un roi donne à Azzo les reliques des SS. Corona et Vittore. L’évêque Gotifredo coupe un bras de saint Apollonio.

Note de l’éditeur

L’Association culturelle de Cuxa, éditeur associatif, bénévole, tient à s’excuser auprès des lecteurs des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa pour les imperfections de ce volume,
qu’elle s’efforce de limiter sans toujours y parvenir.
Elle recevra avec gratitude toutes les suggestions faites par les lecteurs des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa susceptibles de contribuer à leur amélioration.
Les articles sont réunis, corrigés et mis en page sous la responsabilité d’Aymat Catafau ([email protected]). Textes revus avec la collaboration d’Olivier Poisson, de
Marie‑Pasquine Subes, Jacqueline Ménétrier et Marie Grau.

ISBN 978-2-9537149-1-3 ISSN 1140-7530


SOMMAIRE

Cécile TREFFORT
Introduction
Tombeaux et sépultures de l’époque romane : les monuments de l’indicible.................................................................................7

Vincent DEBIAIS
Écrire sur, écrire dans, écrire près de la tombe. Les aspects topographiques de l’inscription funéraire (IXe-XIIe siècle)................17

Olivier PASSARRIUS
Archéologie du cimetière paroissial dans le Midi, en contexte rural (IXe-XIVe siècles).................................................................29

Jean-René GABORIT
Les tombeaux des saints. Monuments funéraires élevés en France à l’époque romane
en l’honneur de personnages à la sainteté admise ou reconnue....................................................................................................39

Géraldine MALLET
L’œuvre de tombier de l’atelier de R. de Bia (début du XIIIe siècle, Catalogne du Nord)............................................................51

Alexis CORROCHANO
Entre nécropoles et cimetières : tombes, lieux d’inhumation et mémoire funéraire
à travers l’archéologie des VIIe-XIe siècles dans le sud de la France..............................................................................................59

Arturo Carlo QUINTAVALLE


L’Antique et les monumenta de la Réforme grégorienne ..............................................................................................................65

Daniel CAZES
La réutilisation funéraire des sarcophages paléochrétiens du sud-ouest de la France jusqu’au XIIIe siècle....................................77

Fabrice HENRION
Remplois de sarcophages du haut Moyen Âge et souvenir de leur image à l’époque romane en Bourgogne et alentours.............93

Francesca ESPAÑOL
Panthéons comtaux en Catalogne à l’époque romane. les inhumations privilégiées du monastère de Ripoll..............................103

Eduardo CARRERO SANTAMARÍA


Cathédrale et topographie funéraire dans l’architecture médiévale de la Péninsule Ibérique..................................115

Anne EMBS
Nécropole dynastique, mémoire clanique : naissance et développement d’un phénomène........................................................131

Philippe PLAGNIEUX
Le tombeau de la reine Adélaïde de Maurienne (†1154) à Saint-Pierre de Montmartre :
entre célébration mémorielle et béatification.............................................................................................................................143

Therese MARTIN
Vie et mort dans le Panthéon de San Isidoro de León...................................................................................................153
Milagros GUARDIA
La mort de Thomas Becket d’après l’Espagne............................................................................................................................165

Anna THIRION
L’ancienne tribune abbatiale de Saint-Michel de Cuxa. De la sculpture à la structure, nouvelle approche.................................177

Daniel CODINA i GIOL


Mort, sépulture et culte de saint Pierre Orséolo à Saint-Michel de Cuxa...................................................................................183

Richard DONAT
Les reliques du doge Pietro Orseolo conservées à Saint-Michel de Cuxa et à Saint-Pierre de Prades :
à quels saints se vouer ? .............................................................................................................................................................189

Delphine BOYER-GARDNER
Une mémoire enfouie. Réflexion autour du dépôt des pontificalia
et d’inscriptions nominales dans les tombes d’évêques aux XIe et XIIe siècles : l’exemple de l’Aquitaine......................................195

Stefania BABBONI
La sépulture de Obertus de Placentini dans la basilique de San Savino.......................................................................................203

Maria Lluïsa QUETGLES ROCA


Les deux sculpteurs du sarcophage de Doña Sancha..................................................................................................................209

Guillaume GRILLON
Les plates-tombes bourguignonnes : la constitution d’un modèle (XIIe-XIIIe siècles).................................................................215

Marc SUREDA i JUBANY


In memoria eterna erit justus. Art, liturgie et mémoire au tombeau de Guillem de Montgrí (†1273) ........................................221

Jacqueline LECLERCQ-MARX
Les monuments funéraires du nord de l’Europe aux XIe-XIIe siècles. L’exception scandinave.....................................................233

Marie-Pasquine SUBES
Autour de la représentation des funérailles : confrontation de sources iconographiques et liturgiques.......................................245

Cécile TREFFORT
Conclusions..............................................................................................................................................................................259

CHRONIQUE........................................................................................................................................................................263

RÉSUMÉS...............................................................................................................................................................................267
Mémoires, tombeaux et sépultures à l’époque romane
VIE ET MORT DANS LE PANTHÉON
DE SAN ISIDORO DE LEÓN*

Therese MARTIN
Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid

La mémoire médiévale ne résidait pas seulement dans les sépultures mais aussi
dans les palais royaux. Le Panthéon de San Isidoro à León (ill. 1) est l’exemple
idéal pour aborder cette question, puisqu’il réunit en un unique espace archi-
tectural de multiples buts et significations, qui ont subi des altérations selon
les besoins du moment et les désirs des commanditaires, bien qu’un fond de
*
Traduit par Beatriz Rowe.
mémoire y ait été présent tout au long des années1. 1. Pour l’histoire sociale et artistique de San Isidoro
au Moyen Âge central, voir T. Martin, Queen as
King : Politics and Architectural Propaganda in
Twelfth-Century Spain, Leiden, 2006. A. Isla Frez,
LE MOMENT FINAL DU PALAIS Memoria, culto y monarquía hispánica entre los
siglos X y XII, Jaén, 2006, montre que San Isidoro fut
autant monumentum que memoria. L’auteur remarque
Commençons par la fin : en 1478, le roi Fernando II (†1516), « el Católico », justement, pour le dixième siècle, que « en la realeza
occidental la instalación del panteón se produce en
donna une charte au monastère leónais de San Isidoro en requérant la suppres- las proximidades del palacio regio. En cierto modo,
toda la realeza habita el mismo perímetro simbólico,
sion du palais royal sur cet emplacement et en y interdisant énergiquement en una verdadera concentración de energía regia
toute construction future2. D’après la rédaction du document, une partie du en la que se acumula el pasado y el presente »
cf. Realezas hispánicas del año mil, Sada, 1999,
palais devait être complètement délabrée (« un solar que está fecho plaza junto p. 175. Sur la question, largement étudiée, de la
con el dicho monasterio, en el qual fueron edificadas casas para los reyes mis anteces- sépulture et de la mémoire médiévale, voir P. Geary,
Living with the Dead in the Middle Ages, Ithaca, 1994.
sores e despues fueron derribadas »). Le mot utilisé à plusieurs reprises, « solar », 2. Archivo de San Isidoro de León (ASIL), Caja 9 de
a un double sens : demeure ancestrale et parcelle de terre. Ici, il fait clairement papel/4. Voir aussi M. D. Campos Sánchez‑Bordona
et M. L. Pereiras Fernández, Iglesia y ciudad, su papel
référence à l’édifice et à l’espace ouvert autour de lui. Vers la fin du document, en la configuración urbana de León : las plazas de
San Isidoro y Regla, León, 2005, p. 24‑25, 59.
le roi interdit toute construction « en el dicho suelo e palacio », clarifiant ainsi le 3. J. Pérez Llamazares, Historia de la Real Colegiata
double sens du mot. L’insistance de Fernando tout au long de la charte de ne de San Isidoro, León, León, 1927 (facs. ed. 1982),
p. 180, doc. 19 may 1539 : « la puerta de la bodega
rien construire sur cet emplacement s’explique « porque so la dicha plaza sea mas y librería de San Isidro ».
ennoblecido e so los edeficios no sea quitada la vista de dicho monasterio ». Avait-il 4. J. J. Martín González, « El panteón real de San
Isidoro. Dos proyectos fracasados de reforma y
vraiment intérêt à donner une apparence noble au monastère de San Isidoro un reconocimiento de sus restos », Boletín de la
ou plutôt à supprimer un lieu traditionnel du pouvoir royal, à un moment Sociedad española de Excursiones, 54 (1950),
p. 157‑66 ; M. D. Campos Sánchez-Bordona, « Los
où lui et la reine Isabel (†1504) avaient tourné leur attention vers le sud de proyectos de nueva construcción del Panteón Real
de San Isidoro de León durante la Monarquía de
la Péninsule ? Il ne faut pas négliger le fait que la charte elle-même avait été los Austria », De Arte 3 (2004), p. 55-84. L’idée
émise depuis Séville. Si l’intérêt du roi était d’effacer l’identité de San Isidoro moderne d’un panthéon, où plusieurs générations
de dirigeants sont enterrées ensemble, n’est
comme résidence royale, il y parvint tout à fait. Environ deux décennies après guère applicable à l’Espagne du Moyen Âge.
la mort de Fernando, la bibliothèque et les archives de San Isidoro avaient été Comme R. Walker l’a remarqué dans « Images of
Royal and Aristocratic Burial in Northern Spain,
construits dans un petit espace de l’ancien palais, tandis que le reste fut com- c. 950‑c. 1250 », Medieval Memories : Men,
plètement rasé et finalement oublié (ill. 2 et 3)3. Vers la fin du XVIIe siècle, la Women and the Past, 700-1300, ed. E. van Houts,
Harlow, 2001, p. 150‑172, esp. 160, « any king
zone inférieure du palais, qui n’avait pas été détruite, reçut un nouveau nom : who ruled for an extended period, and who had
established his succession, normally chose and
le Panthéon, nom sous lequel elle est connue dès lors, effaçant ainsi la mémoire fostered his own pantheon, dedicated to his memoria
de la construction originelle4. and to that of those under his protection ».

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011 Therese MARTIN 153


1 - Panthéon de San Isidoro de León (J. Williams).

5. Face aux restes de 84 personnes, les sources


écrites ne font référence qu’à 33 individus, en plus
de 9 petites urnes supposées contenir les os de petits
enfants. M. E. Prada Marcos et J. M. Vidal Encinas,
« La muerte de los reyes de León (siglos X‑XI) :
Aspectos históricos, arqueológicos y antropológicos
desde el Panteón Real de San Isidoro de León »,
Morir en el Mediterráneo Medieval. Actas del
III Congreso Internacional de Arqueología, Arte e
Historia de la Antigüedad Tardía y Alta Edad Media
peninsular (Madrid, 17‑18 déc. 2007), eds. J. López
Quiroga, A. Martínez Tejera, BAR International
Series S2001, Oxford, 2009, p. 235‑314,
esp. 267‑268. Voir aussi M. E. Prada Marcos et
J. M. Vidal Encinas, « De lo que había a lo que hay :
resultados del estudio arqueo-antropológico del
Panteón Real de San Isidoro de León », Actas de
Jornadas de Antropología Física y Forense, Alicante
(29‑30 juin 2006), eds. C. Roca de Togores‑Muñoz,
F. Rodes Lloret, Alicante, 2007, p. 101‑112.
6. Martín González, « El panteón real de San
Isidoro. Dos proyectos fracasados », p. 157‑166.
Voir aussi M. C. Díaz y Díaz et al., Libro de las
horas de Fernando I de León. Edición facsímile do
manuscrito 609 (Res. 1) da Biblioteca Universitaria de 2 - Plan, San Isidoro (T. Martin).
Santiago da Compostela, Santiago de Compostela,
1995.
7. Il existe une vaste bibliographie sur le sujet
des sépultures royales. Pour l’Espagne, voir
I. Bango Torviso, « El espacio para enterramientos
privilegiados en la arquitectura medieval
española », Anuario del Departamento de Historia
y Teoría del Arte, Universidad Autónoma de
Madrid 4 (1992), p. 93‑132 ; J. L. Senra Gabriel y
Galán, « Aproximación a los espacios litúrgico-
funerarios en Castilla y León : pórticos y galileas »,
Gesta 36/2 (1997), p. 122‑144 ; K. Krüger,
« Furstengrablegen in Nordspanien : Die Panteones
früh-und hochmittelalterlicher Kirchen », Grabkunst
und Sepulkralkultur in Spanien und Portugal/
Arte funerario y cultura sepulcral en España y
Portugal, éds. B. Borngässer, H. Karge, B. Klein,
Vervuert, 2006, p. 33‑63 ; R. Alonso Álvarez, « Los
enterramientos de los reyes de León y Castilla hasta
Sancho IV. Continuidad dinástica y memoria regia »,
e-Spania 3 (juin 2007), http ://e-spania.revues.
org/document109.html ; X. Dectot, Les tombeaux
des familles royales de la péninsule ibérique au
Moyen Âge, Turnholt, 2009. Voir aussi n. 5. 3 - Façade sud, San Isidoro (T. Martin).

154 Therese MARTIN Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011


LES TOMBEAUX

Lorsque les treize tombeaux qui se trouvent aujourd’hui au Panthéon furent


ouverts en 1997 pour y analyser les restes, seuls quatre corps étaient intacts, par
leur condition de momification naturelle : l’infante Sancha (†1159), et trois
enfants, deux filles et un garçon entre deux et cinq ans. Les autres sarcophages,
de véritables ossuaires, contenaient un ensemble d’os hétérogènes, résultat de
la dispersion des restes par les troupes de Napoléon au début du XIXe siècle et
de leur rassemblement ultérieur. Sous la direction d’Encina Prada, les os furent
classés, étudiés et numérotés ; son équipe calcula que les restes appartenaient
à cinquante adultes et trente-quatre enfants, un total bien plus élevé que ce
qu’on attendait5. L’expérience de l’anthropologue contemporaine fut bien dif-
férente de celle de 1693, où les tombeaux furent pour la première fois ouverts.
La plupart des défunts se trouvaient alors dans des tombeaux individuels. Par
exemple, bien que les os de Fernando I (†1065) aient été « desunidos unos de
otros », il conservait encore sa tête avec quelques cheveux roux (« caveza entera...
acia la parte de la nuca con cavellos rojos »), comme dans le portrait de son livre
de prières commandé par son épouse Sancha (†1067)6. 8. « Ex proprio palatio ecclesiam fieri iussit », « intus
municione muri erant tres domos, que terme fuerant
paganorum, et in tempore christianitatis facte sunt
aule regalis... [l’église fut construite] in domos illas,
SÉPULTURE ET RÉSIDENCE ROYALE À LEÓN que erant aula regalis » (p. 156). J. Pérez de Urbel,
Sampiro, su crónica y la monarquía leonesa en el
siglo X, Madrid, 1952, p. 313‑314, 337‑340 ; J. Pérez
Les quelques restes qui subsistent à présent dans la chambre funéraire ne nous de Urbel et A. González Ruiz-Zorilla, Historia
Silense, Madrid, 1959. On peut encore trouver des
permettent pas d’imaginer l’aspect de cet espace à son apogée au XIIIe siècle, fondations des bains romains dans la partie sud de
la cathédrale gothique, bien qu’aucun reste médiéval
lorsque plus de trente tombeaux faits de riches matériaux emplissaient la salle du premier palais n’ait pu être identifié. Pour la
sous les voûtes aux somptueuses peintures7. Le Panthéon avait été construit cathédrale de León, voir M. Valdés Fernández et al.,
Una historia arquitectónica de la catedral de León,
comme un élément du troisième des quatre palais et enceintes funéraires León, 1994 ; G. Boto Varela, La memoria perdida. La
Leónais à l’intérieur des murs de la fin de l’époque romaine (ill. 4). La vie catedral de León (917‑1255), León, 1995 ; E. Carrero
Santamaría, Santa María de Regla de León : la
et la mort, les résidences royales et les dernières demeures, avaient des liens Catedral medieval y sus alrededores, León, 2004.
étroits au Moyen Âge. Leurs multiples emplacements dans la capitale de León 9. « Progrediens de Cemora morbo proprio
discessit, et quiescit (alt. «sepultus fuit») in aula sancte
marquaient la présence du prince et sa domination. Le plus ancien palais Marie virginis sedis Legionensis », Historia Silense,
p.  165 ; Sampiro, p. 317‑18.
est connu par un chroniqueur du début du XIe siècle et membre de la cour 10. Prada et Vidal, « La muerte de los reyes de
Leónaise, Sampiro. Il raconte qu’Ordoño II (†924) construisit une nouvelle León », p. 250.
11. Sampiro, p. 168 : « monasterium intra urbem
demeure, offrant la précédente, avec ses bains romains, pour la construction Legionensem mire magnitudinis construxit in honore
d’une nouvelle cathédrale8. Lors de la mort du roi à Zamora, Sampiro raconte sancti Saluatoris ». Voir M. Gómez‑Moreno, Iglesias
mozárabes, arte español de los siglos IX a XI, Madrid,
son transfert à León pour y être enterré à la cathédrale9. Ordoño II ne fut pas 1919 (réimpression Granada, 1998), p. 253‑257 ;
enterré au second palais qu’il avait lui-même fait construire le long du mur F. Miguel Hernández, « Monasterios leoneses en
la Edad Media : Palat de Rey y Carracedo »,
sud de la ville, mais nombre de ses descendants choisirent cet emplacement ArqueoLeón, Historia de León a través de la
arqueología, León, 1996, p. 131‑162 ; A. Arbeiter
pour dernière demeure. Encina Prada et Julio Vidal ont suggéré que le deu- et S. Noack-Haley, Hispania Antiqua. Christliche
xième emplacement, à la porta praetoria, fut choisi à cause de ses impression- Denkmäler des frühen Mittelalters vom 8. bis ins 11.
Jahrhundert, Mainz am Rhein, 1999 ; I. G. Bango
nants restes du passé romain10. De cette demeure royale, seuls quelques élé- Torviso, Arte prerrománico hispano : El arte de la
ments de la chapelle du Xe siècle existent toujours (ill. 5a et 5b). Dénommé España cristiana de los siglos VI al XI, Madrid, 2001.
12. P. Henriet, « Deo votas : L’Infantado et la
San Salvador de Palat del Rey, ce bâtiment fut construit par le fils d’Ordoño, fonction des infantes dans la Castille et le Leon
Ramiro II (†951) et qualifié de « monastère d’une grandeur admirable dans la des Xe‑XIIIe siècles », Au cloître et dans le monde.
Femmes, hommes et sociétés (IXe‑XVe siècles).
ville de León »11. La chapelle palatine et le monastère féminin semblent avoir Mélanges en l’honneur de Paulette L’Hermite-Leclercq,
éds P. Henriet, A.‑M. Legras, Paris, 2000, p. 189-203 ;
été fondés par la fille de Ramiro, Elvira, qui gouverna en qualité de domina T. Martin, « Hacia una clarificación del infantazgo
sur l’héritage royal appelé infantazgo12. Il abrita aussi la sépulture de Ramiro, en tiempos de la reina Urraca y su hija la infanta
Sancha (ca. 1107‑1159) », e-Spania 5 (juin 2008),
qui ne suivit pas l’exemple de son père inhumé à la cathédrale. D’après Sam- http ://e-spania.revues.org/document12163.html.
piro, le roi « repose dans un sarcophage près de l’église de San Salvador dans 13. Historia Silense, p. 168 : « quiescit in sarchofago
iuxta ecclesiam sancti Saluatoris, ad cimiterium quod
le cimetière construit par sa fille doña Elvira »13. Son frère Ordoño III (†956) construxit filie sue domne Geluire ».
fut aussi enterré au second palais : « À León, il repose à côté de l’église de 14. Historia Silense, p. 169 : « Legione quiescit iuxta
aulam sancti Saluatoris iuxta sarchofagum patris sui
San Salvador, à côté du sarcophage de son père, le roi Ramiro  »14. La sé- Ramiri regis ».
15. Sampiro, p. 339 : « In ipso itinere die tercio uitam
pulture de Sancho el Craso  (†966) peut être placée à cet endroit aussi, si finiuit, et Legionem secus patrem suum in ecclesia
nous nous rapportons au texte du XIIe siècle de l’évêque Pelayo d’Oviedo15. sancti Saluatorus sepultus fuit ».

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011 Therese MARTIN 155


4 - Plan, León.

156 Therese MARTIN Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011


5a et 5b - San Salvador de Palat del Rey (photo : T. Martin ; plan : Gómez-Moreno).

Enfin, des preuves écrites montrent que le deuxième palais royal continua à
exister à côté de San Salvador au début du XIe siècle. Dans une charte privée
de 1005, un certain Miguel vend sa « propre maison/parcelle (solare), qui se
trouve dans les murs de la ville de León, près de l’église de San Salvador, à
côté du palais royal »16.
16. « Solare meo proprio que est in ciuis Legione
intus muri ad aulam Sancti Satuatoris iusta palacium
Peut-être cette demeure royale fut-elle endommagée par les attaques musul- regis », extrait de C. Sánchez‑Albornoz, Una ciudad
de la España cristiana hace mil años. Estampas
manes de la fin du Xe siècle. En tout cas, un troisième palais fut peu après de la vida en León, Madrid, 1965 (16e éd. 1995),
érigé au nord de la ville par le roi Fernando I (1037‑1065) et la reine Sancha p. 173. Le rôle de San Salvador de Palat del Rey
comme monastère royal changea en 1076, lorsque
au double monastère de San Pelayo et San Juan Bautista, qu’ils dédièrent plus Alfonso VI et l’infante Urraca le donnèrent à l’abbaye
tard à San Isidoro. Le quatrième et dernier palais leónais a été construit au bourguignonne de Cluny. Dorénavant, le monastère
Leónais ne sera plus un endroit de sépulture des rois.
XIVe siècle et n’avait plus aucun lien avec les sépultures17. C’est le troisième A. Gambra Gutiérrez, Alfonso VI : Cancillería, curia
e imperio, I. Estudio, II. Colección diplomática, León,
site royal qui est l’objet de notre étude, avec sa demeure et son cimetière 1998, vol. II, p. 94‑95 ; C. Reglero de la Fuente, Cluny
datant de l’apogée du Moyen Âge central, quand León était capitale d’un en España : Los prioratos de la provincia y sus redes
sociales (1073‑ca. 1270). León, 2008, p. 164‑165.
royaume en expansion. 17. M. D. Campos Sánchez-Bordona et J. Pérez Gil,
El Palacio Real de León, León, 2006.
18. On peut trouver un parallèle très proche à la
Nous connaissons l’emplacement de ce troisième palais, mais pas toute son disposition du palais et la chapelle du XIe siècle à San
étendue. Une partie communiquait directement avec l’église de San Isi- Isidoro dans la ville de Senlis, où se trouve un des
palais les mieux conservés du XIIe siècle. Comme à
doro : celle-ci et la tour sont les seuls espaces qui ont survécu (ill. 6‑10)18. León, le palais de Senlis fut construit contre les murs
romains de la ville. D’une similitude remarquable à la
disposition de San Isidoro, la chapelle palatine a une
entrée à l’ouest surmontée d’une tribune royale. Le
niveau inférieur du porche garantit un accès depuis
la cour au palais, tandis que le niveau supérieur était
la tribune depuis laquelle la famille royale participait
à la liturgie. La différence la plus remarquable entre
Senlis et León réside dans les dimensions de la chapelle
palatine : à Senlis elle est une nef simple à deux
travées avec une abside ronde. Bien que la chapelle
construite vers 1055 par Sancha et Fernando coïncide
avec l’exemple de Senlis, dans la version romane
finale San Isidoro éclipse le reste du complexe palatin
attenant. Les dimensions disproportionnées de l’église
romane et la disparition de la plupart des éléments
du palais leónais ont amené les spécialistes à se
centrer sur les éléments ecclésiastiques à l’exclusion
de leur contexte palatin. Voir J. Mesqui, Châteaux et
enceintes de la France médiévale : de la défense à la
résidence, Paris, 1993, vol. II, p. 22‑24 ; A. Renoux,
« Palais et souveraineté en France occidentale (fin
IXe‑début XIIIe siècle) », Aux sources de la gestion
publique, 3, Hommes de pouvoir, ressources et lieux
de pouvoir (Ve‑XIIIe siècle), éd. É. Magnou-Nortier, Lille,
6 - Élevation du nord, palais et Panthéon (J. Williams). 1997, p. 227‑262.

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011 Therese MARTIN 157


8 - Chambre supérieure de la tour (T. Martin). 9 - Chambre inférieure de la tour (T. Martin).

Appelé aujourd’hui Panthéon, le rez-de-chaussée est l’élément le plus cé-


lèbre de tout le complexe royal-monastique, par son architecture du début
7 - Tour (T. Martin).
de l’art roman et par les fresques ajoutées dans la première décennie du
XIIe siècle. Cet emplacement fut utilisé comme espace funéraire, mais rien
19. Bien que certains éléments de la décoration sculptée
ne prouve qu’il fonctionnait comme tel lorsque la structure à deux étages
et des peintures puissent être associés à des concepts fut construite vers 1080 (ill. 1 et 6)19. Récemment, Xavier Dectot a avancé
funéraires, les spécialistes ont porté une attention excessive
à ces éléments puisque l’iconographie globale est aussi qu’il «  ne fait guère de doute que l’on a profité du fait que le soubasse-
appropriée à un contexte non relié aux cimetières. Pour
les sculptures, voir M. Durliat, La sculpture romane de la
ment de la tribune n’avait pas de fonction précise pour en faire le cimetière
route de Saint-Jacques : De Conques à Compostelle, royal »20.
Mont-de-Marsan, 1990, p. 184‑196, esp. 196 : « Existe-t-il
une iconographie mieux adaptée à une chapelle funéraire,
comme le Panthéon des Rois, que ces thèmes de lutte
contre le péché, de combat contre le mal, de victoire de
la vie ? » Certes ces sujets sont appropriés dans le cadre
des sépultures, mais ils le seraient aussi dans n’importe quel
LE DOUBLE MONASTÈRE DE SAN PELAYO ET SAN JUAN BAUTISTA
milieu chrétien. Voir A. Viñayo González, San Isidoro de
León, panteón de reyes. Albores románicos : arquitectura,
escultura, pintura, León, 1995 ; M. Castiñeiras, « El
Aucune fouille archéologique n’ayant été entreprise pour déterminer la dis-
programa enciclopédico de la Puerta del cielo en San position originelle des sépultures royales à San Isidoro, avant la construc-
Isidoro de León », Compostellanum 45/3‑4 (2000),
p. 657-694 ; R. Walker, « The Wall Paintings in the tion de ce qu’on appelle le Panthéon, nous devons recourir aux preuves
Panteón de los Reyes at León : A Cycle of Intercession »,
Art Bulletin 82/2 (2000), p. 200‑225 ; E. Fernández écrites. Des chroniques ultérieures ont mis l’accent sur l’ancienneté de ce
González, « Reflexiones sobre la evolución hacia el
románico de las fórmulas artísticas altomedievales, en el
site, en signalant que ses fondations datent du Xe siècle. Toutefois, c’est un
ámbito astur-leonés, de la undécima centuria », Hispaniens document de 1013 qui fait la première référence au double monastère dédié
norden im 11. Jahrhundert, Christliche Kunst in Umbruch,
eds. A. Arbeiter, C. Kothe, B. Marten, Petersberg, 2009, à San Pelayo. Un double monastère pouvait être un monastère où les deux
p. 48‑72. Pour une récente réévaluation du Panthéon,
J. Williams, « San Isidoro Exposed : The Vicissitudes of
genres partageaient la même église ou bien deux monastères voisins, l’un
Research in Romanesque Art », Journal of Medieval masculin et l’autre féminin, dirigés ensemble par un abbé ou une abbesse21.
Iberian Studies 3/1 (2011), p. 91‑114.
20. Dectot, Les tombeaux des familles royales, Il semble que cette dernière hypothèse était celle ayant cours ici. En 1013
p. 133, 143, date la structure des années 1070, construite
surtout comme une tribune royale et conçue par Sancha
Gracilo, l’abbesse de San Pelayo, vendit une propriété en accord « avec le
après la mort de Fernando en 1065, mais réalisée collège du monastère de San Pelayo martyr, les nonnes, les chastes frères et
quelques années plus tard, après 1072, sous l’infante
Urraca (†1101). moines »22. Dix ans plus tard, une première preuve solide permet de pla-
21. J. Orlandis Rovira, « Los orígenes del monaquismo
dúplice en España », Homenaje a don Juan Moneva,
cer le double monastère à l’emplacement actuel de San Isidoro. En 1028,
Zaragoza, 1955 ; id., « Los monasterios dúplices l’infante Teresa fait donation d’une propriété non loin du monastère de San
españoles en la Alta Edad Media », Anuario de Historia
del Derecho Español 30 (1960), 49‑88 (réimpression Pelayo et San Juan Bautista, à côté de la Puerta del Conde, la porte du mur
dans Orlandis, Estudios sobre instituciones monásticas
medievales, Pamplona, 1971, p. 19‑34, 167‑202). nord de la ville (ill. 4)23. Vers 1043, les sépultures élitaires commencèrent à
22. « Una cum collegio monasterii Sancti Pelagii martiris être associées à ce monastère. Les deux saints titulaires reçurent une men-
uirginum et continentium fratrum et monagorum ». Au
siècle suivant, San Pelayo et San Juan Bautista/San tion spécifique dans une charte où la donatrice Fonsina, se disant servante
Isidoro sont été décrits comme l’un près de l’autre,
en 1159 : « ecclesia Sancti Hisidori, ubi beatissimum du Seigneur, nomma San Juan Bautista et le martyr San Pelayo « dont les
corpus eiusdem requiescit, et in ecclesia Sancti Pelagii
iuxta eam sita, et canonici eiusdem loci », et en 1163 :
reliques reposent au monastère construit dans les murs de la ville de León
« ecclesiam Sancti Pelagii iuxta ecclesiam Sancti et l’évêché de León, où mes seigneurs sont enterrés »24. Ce document est
Ysidori existentem cum claustro, domibus officinis et
cum hereditatibus rationabiliter uobis concessis quas important car il fait aussi la première référence à la reine Sancha comme
sanctimoniales infra uillam Legionis et circa possidebant ».
E. Martín López, Patrimonio cultural de San Isidoro
abbesse du double monastère, établissant sa présence sur ce site. Une autre
de León : Documentos de los siglos X‑XIII, León, 1995, référence du XIe siècle identifie les sépultures royales avec San Pelayo dans
p. 21‑22, 93‑94, 103‑105.
23. Publié dans A. López Ferreiro, Historia de la une dispute qui eut lieu en 1052 entre l’évêque de León et Froila, abbé de
S.A.M. Iglesia de Santiago de Compostela, Santiago,
1898‑1909, II, p. 217 (facs. éd. 1983) ; M. C. Díaz y Díaz,
« Sancti Pelagii item cimiterii legionensis »25. La position de l’abbé Froila fut
F. López Alsina, R. Sánchez Ameijeiras, Tumbo A. Indice renforcée par son contrôle sur le cimetière et l’importance de ceux qui y
de los Privilegios Reales, que contiene este Libro intitulado
de la Letra A : Estudios, Madrid, 2008. étaient enterrés.

158 Therese MARTIN Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011


10 - Plan, tour et chambre au-dessus du Panthéon (J. Williams).

SÉPULTURE ROYALE À LEÓN


Toutefois, toute cette documentation provient d’une époque antérieure à la
construction du dit Panthéon : où avait donc lieu la sépulture royale à León
au XIe siècle ? On aimerait pouvoir donner une réponse définitive. Cepen-
dant, faute de fouilles, seule est possible une suggestion basée sur l’analyse des
sources écrites et des structures conservées : le cimetière se trouvait probable-
ment au coin nord-ouest du complexe royal-monastique. Selon une vue aé-
rienne (ill. 11), San Isidoro semble garder dans sa disposition moderne à deux
cloîtres la mémoire du double monastère du passé lointain. Un document 24. Martín López, Patrimonio cultural de San Isidoro,
p. 23, « cuius relique recondite sunt in arcisterium qui
de 1148 montre qu’il y avait encore deux églises vers la moitié du XIIe siècle est fundatum in ciuitate et sedis legionense intus muri ubi
domini mei sunt tumulati »... « alia que tenet regina [...] qui
lorsque le monastère fut dissous et que les sœurs furent déplacées et que des ut ibi et abbatisa »). A. Viñayo, « Reinas e Infantas de
chanoines augustins s’installèrent dans l’«  ecclesiam Sancti Pelagii et Sancti León, abadesas y monjas del monasterio de San Pelayo
y de San Isidoro », Semana de historia del monacato
Ysidori iuxta eam existentem »26. Au sud du complexe se trouvait le palais : cántabro-Astur-leonés, Monasterio de San Pelayo/
Oviedo, 1982, p. 123‑135, esp. 134, transcrit cette charte
des documents montrent que quelques espaces, les fours et les écuries, s’éten- mal conservée d’une autre façon : « alia que tenet regina
daient le long du mur romain vers la porte « Cauriense », tandis qu’au nord- qui fuit ibi abbatissa ». Voir aussi W. Moore, « Religious
Language and the Construction of Royal Power : León,
est s’érigea un hôpital de pèlerins dans la deuxième moitié du XIIe siècle27. Un 1037‑1126 », Ph. D. dissertation, Columbia University,
2009, p. 115‑117.
des objectifs principaux des hôpitaux médiévaux était d’apporter le réconfort 25. Martín López, Patrimonio cultural de San Isidoro,
aux mourants et de leur fournir un endroit pour leur enterrement. Il semble p. 25‑26. Une version résumée de cet acte (p. 24‑25)
nomma Froila abbé du « cimiterio Sancti Pelagii
donc probable que l’hôpital se trouvât près du cimetière. Avant l’ouverture de Legionensi ciuitas ».
26. Martín López, Patrimonio cultural de San Isidoro,
la nouvelle porte dans le mur de la ville en 1168, le coin nord-ouest était sans p. 71‑73.
doute la partie la plus isolée du complexe royal-monastique et donc la plus 27. E. Martín López, « La hospitalidad de San Isidoro
de León. El hospital de San Froilán durante los siglos XII
appropriée pour y réaliser les cérémonies funéraires28. al XIV », El camino de Santiago : La hospitalidad
monástica y las peregrinaciones, Salamanca, 1992,
p. 63‑72 ; A. Suárez González, « Hospitalidad y
beneficencia en San Isidoro de León : Servicios y cargos
Un célèbre passage de la Crónica silense décrit ce cimetière vers 1109‑1118, en asistenciales desempeñados por canónigos durante
référence à des événements antérieurs de plus d’un demi-siècle. los siglos XII al XVI », Memoria ecclesiae 10 (1997),
p. 303‑326.
En attendant, la reine Sancha, demandant une audience auprès du Roi, le 28. Martín López, Patrimonio cultural de San Isidoro,
p. 126‑127.
persuada de construire une église dans le cimetière des rois de León, où leurs 29. Historia Silense, p. 197‑198. « Interea, domini regis
corps pourraient être aussi légitimement et magnifiquement ensevelis. Le Roi coloquium Sancia regina petens, ei in sepulturam regum
ecclesiam fieri Legione persuadet, vby et eorundem
Fernando avait décrété que son corps serait enterré à Oña, un endroit qu’il corpora iuste magnificeque humari debeant. Decreuerat
namque Fernandus rex, uel Omnie, quem locum carum
avait toujours bien aimé, à l’église de San Pedro à Arlanza ; cependant, comme semper habebat, siue in ecclesia beati Petri de Aslanza,
le père de la Reine Sancha, le Prince Alfonso [V], d’heureuse mémoire, et son corpus suum sepulture tradere ; porro Sancia regina,
quoniam in Legionenssy regum ciminterio pater suus digne
frère Vermudo [III], roi sérénissime, reposaient en paix au cimetière royal de memorie Adefonsus princeps et eius frater Veremudus
serenissimus rex in Christo quiescebant, vt quoque et
León, elle fit de son mieux afin qu’elle et son époux y reposassent avec eux ipsa et eiusdem vir cum eis post mortem quiescerent, pro
après leur mort. Le roi accéda enfin à la pétition de sa fidèle épouse et envoya uiribus laborabat. Rex igitur peticioni fidissime coniugis
annuens, deputantur cementarii, qui assidue operam dent
des maçons pour travailler assidûment à cette noble tâche29. tam dignissimo labori ».

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011 Therese MARTIN 159


L’image de Sancha encourageant la
construction d’une église royale peut re-
présenter non seulement un moment pré-
cis mais aussi un modèle établi où, en tant
qu’abbesse titulaire de San Pelayo et do-
mina de l’infantazgo, elle était la véritable
mécène responsable des extensions de cet
ensemble, comme la petite église attribuée
au couple30. L’église fut construite proba-
blement vers 1055 et dédiée à l’évêque wi-
sigoth Isidoro lorsque ses reliques furent
apportées à León en  1063. Le roi mou-
rut deux ans plus tard et sa veuve ne lui
survécut que deux ans. Furent-ils enterrés
à l’ouest de leur église ? Des excavations
dans l’enceinte de la chapelle n’ont révélé
que trois petites sépultures, probablement
appartenant à des enfants (ill. 12)31. À la
génération suivante, la structure à deux
étages qui reliait la chapelle palatine avec
le mur romain fut construite, probable-
11 - Vue aérienne, León.
ment par l’infante Urraca, la fille aînée de
Fernando et Sancha32. Elle succéda à sa
mère comme domina de l’infantazgo et le
gouverna avec une grande indépendance
tout au long de sa vie.

Depuis longtemps l’infante est recon-


nue par beaucoup comme la mécène
et promotrice d’une grande partie de
la construction médiévale de San Isi-
doro33. Malheureusement, il y a très peu
de preuves écrites et physiques sur les
sépultures à l’époque de l’infante. Notre
source d’information la plus complète
quant à l’organisation du cimetière
royal, tel qu’il semble avoir été disposé
un siècle après la mort de l’infante Urra-
ca, date du début de la période moderne.
Lorsqu’Ambrosio de Morales visita San
12 - Plan, église de Fernando et Sancha (J. Williams). Isidoro en 1572, il nota qu’à l’extrémité
est du Panthéon, se trouvaient deux
30. S. Caldwell, « Queen Sancha’s «Persuasion» :
A Regenerated León Symbolized in San Isidoro’s rangées de sarcophages élevés suivies d’une troisième rangée de sarcophages
Pantheon and its Treasures », Global Publications, placés sur le sol34. C’est au coin nord-est du Panthéon que Morales a trouvé
Center for Medieval and Renaissance Studies,
Binghamton, 2000, p. 1‑48 ; Martin, Queen as King, les restes royaux les plus anciens. Ces urnes (?) ont été enlevées, mais les
p. 30‑61.
31. Williams, « San Isidoro Exposed ».
brèches dans la maçonnerie et les différences de pierres sont encore tout à fait
32. L’inscription du XIIIe siècle sur son tombeau apparentes dans le mur nord-est du Panthéon, et c’est là, à mon avis, que se
lui attribue le fait « d’avoir agrandi » l’église. Voir
J. Williams, « San Isidoro in León : Evidence for a trouvaient originellement les tombeaux de Fernando et Sancha.
New History », Art Bulletin 55 (1973), p. 171‑184 ;
Martin, Queen as King, p. 25‑26, 62‑95.
33. M. Gómez-Moreno, Catálogo monumental Les peintures murales fournissent un indice supplémentaire en faveur de
de España : provincia de León, Madrid, I, 1925, cette hypothèse. Bien qu’il n’y ait pas lieu de discuter ici le programme de
p. 179‑215.
34. A. de Morales, Viage por orden del Rey peinture complet, je voudrais souligner la composition originale et inhabi-
d. Phelipe II. a los Reynos de Leon y Galicia y
Principado de Asturias... [1572], éd. E. Flórez,
tuelle des images de la travée nord-ouest. À genoux devant la Crucifixion
Madrid, 1765 ; facs. éd. Oviedo, 1977. se trouvent deux figures identifiées comme Fernando et Sancha  (ill. 13).

160 Therese MARTIN Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011


Sur la voûte au-dessus, orientées comme pour être lisibles en perspective
depuis l’emplacement des figures royales, se trouvent des scènes de l’Apoca-
lypse. Ce n’est pas la générique Maiestas Domini de la travée centrale, orien-
tée de façon à être visible par quelqu’un qui entre dans l’église provenant
du palais. Comme l’a montré John Williams, les images et les textes choisis
pour décorer la voûte au-dessus des têtes peintes de Sancha et Fernando ont
été extraits du Beatus du couple royal35. Les images et leur orientation m’ont
amené à croire que c’est là que pouvaient se trouver leurs tombeaux, près de
l’entrée à l’église, peut-être même avant la construction du Panthéon.

LA PREUVE DES INSCRIPTIONS DES TOMBEAUX

Quant aux inscriptions des tombeaux à San Isidoro, des études récentes ont
confirmé qu’aucune ne date d’avant la deuxième moitié du XIIe siècle et que
la plupart datent du XIIIe36. Rocío Sánchez a associé la troisième nécrolo-
gie, créée par les chanoines de San Isidoro vers  1223, à une rénovation à
13 - Peinture murale avec Fernando et Sancha,
grande échelle des tombeaux, et même à leur complète invention37. Elle a Panthéon (R. Rossner).
aussi souligné que l’organisation des sépultures telle que l’avait notée Mo-
rales indique que les trente-trois tombeaux avaient été disposés en même
temps. Les monarques et leurs épouses, dont la plupart étaient morts avant la
construction du Panthéon, occupaient la rangée à l’extrême est. Les reines, les
princes et les princesses occupaient la deuxième rangée de tombeaux, tandis
que la troisième rangée étaient occupée par des tombeaux nobles de la fin du
XIIe siècle. La plupart de ceux qui occupaient la première rangée avaient été
originellement enterrés ailleurs, avant d’être ensevelis au Panthéon, tandis
que ceux de la deuxième rangée étaient morts après la construction du Pan-
théon. Aucun tombeau antérieur à celui de l’infante Sancha datant de 1159
n’a été conservé, même pas parmi les nombreux fragments et restes (ill. 14a
et 14b). Sans doute un grand nombre de sarcophages furent-ils sculptés au
début du XIIIe siècle, une cinquantaine d’années après que l’infante Sancha
ait livré sa partie du palais royal aux chanoines augustins tout juste installés,
comme nous le verrons.

35. Williams, « San Isidoro in León ».


36. A. Suárez González, « ¿ Del pergamino a
la piedra ? ¿ De la piedra al pergamino ? (entre
diplomas, obituarios y epitafios medievales de San
Isidoro de León) », Anuario de estudios medievales
(2003) 33/1, p. 1‑55 ; E. Martín López, « Las
inscripciones del Panteón de San Isidoro de León :
particularidades epigráficas », Escritos dedicados
a José María Fernández Catón, León, 2004, II,
p. 941‑972.
37. R. Sánchez Ameijeiras, « The Eventful Life of
the Royal Tombs of San Isidoro in León », Church,
State, Vellum and Stone : Essays on Medieval Spain
in Honor of John Williams, eds. T. Martin, J. Harris,
14a et 14b - Tombeau, infanta Sancha (ob. 1159) (J. Williams). Leiden, 2005, p. 479‑520.

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011 Therese MARTIN 161


15 - Chambre supérieure, palais (T. Martin).

LE PALAIS DES XIe ET XIIe SIÈCLES

Aujourd’hui, la demeure royale de San Isidoro a été presque oubliée après


avoir été recouverte par les bâtiments conventuels de l’église romane atte-
nante38. Une des rares sections qui ont été conservées en élévation (ill. 15)
fut l’emplacement d’un fait miraculeux raconté au début du XIIIe siècle par
Lucas de Tuy (ob. 1249), chanoine à San Isidoro avant de devenir évêque de
Tuy39.
Alors que la susdite reine Sancha demeurait dans le palais qui était contigu à
38. Nous trouvons une exception dans J. Williams,
l’église du bienheureux confesseur, et alors qu’elle priait fréquemment Dieu
« León : The Iconography of a Capital », Cultures of par la fenêtre qui, sur le plus haut mur de cette église, c’est-à-dire sur le pi-
Power : Lordship, Status, and Process in Twelfth-Century
Europe, ed. T. Bisson, Philadelphia, 1995, p. 231‑258. nacle, se trouve face à l’autel majeur... un jour, ravie en extase, elle vit les cieux
Pour une étude approfondie du palais de San Isidoro,
T. Martin, « Chronicling the Iberian Palace : Written
ouverts avec, dans une remarquable chambre nuptiale faite d’or et brillant de
Sources and the Meanings of Medieval Christian Rulers’ pierre précieuses, son époux, le grand docteur Isidore... celui-ci lui dit : « Ma
Residences », Journal of Medieval Iberian Studies 2/1
(2010), p. 109‑139. Pour une analyse des palais royaux sœur, épouse chérie et très douce... ce lieu qui t’abrite est consacré à Dieu et
successifs de León, voir Martin, Queen as King ; M. Torres
Sevilla, Palat de Rey : El palacio de los Quiñones, condes
se trouve extrêmement proche de l’église, aussi quitte ce palais, construis-en
de Luna y su entorno urbano palatino, León, 2008. un autre pour toi et donne celui-ci à mes chanoines, car il ne convient pas
Campos Sánchez-Bordona et Pérez Gil, El Palacio Real,
se concentrent sur le palais au bas Moyen Âge. qu’une personne séculière y habite corporellement... ». Ayant entendu cela, et
39. Liber miraculorum Sancti Isidori (ca. 1220‑1230), ASIL
ms. 63. Édition critique en cours de Patrick Henriet, que je alors que la vision prenait fin, la reine revint à elle. Convoquant le prieur de
remercie sincèrement de m’avoir fourni si généreusement
le texte latin corrigé. La seule édition publiée est J. Pérez
vénérable sainteté, Pierre Arias, avec ses chanoines, elle leur octroya immédia-
Llamazares, Milagros de San Isidoro, León, 1947 tement le susdit palais... Après cela, elle déménagea vers une autre demeure sur
(facs. éd. 1992).
40. ASIL Ms 63, cap 35, fol. 18r-18v, publié et traduit la place de cette même église40...
par P. Henriet, « Infantes, Infantaticum. Remarques
introductives », e-Spania 5 (juin 2008), http ://e-spania.
revues.org/12593 : « Cum regina prefacta Santia in Ce récit hagiographique montre l’établissement des chanoines augustins à
palatio quod erat contiguum beati confessoris ecclesie
moraretur, et per fenestram que in eminentiori templi San Isidoro en 1148, à la place des sœurs du double monastère. La lecture ar-
eiusdem parieti, id est in pinaculo contra maius altare
respicit aspiciendo frequenter almi doctoris corpus, hoc
chéologique des murs conservés et la preuve écrite permettent de reconstruire
est sepulcrum, oraret dominum... quadam die rapta in au moins une partie du palais royal. On dit que l’infante Sancha, sœur d’Al-
extasi vidit celos apertos, et in thalamo auro et gemmis
radiantibus insignito, sponsum suum magnum doctorem fonso VII, utilisa la chambre supérieure, contiguë au mur ouest de l’église,
Ysidorum... sibi dicentem : «Soror mea, dilecta et
dulcissima sponsa... dum vero quia his qui te continet locus
pour voir les services liturgiques. Cette chambre sert de nos jours à montrer
est domino consecratus, et ecclesie valde propinquus, le trésor de San Isidoro. Originellement, elle était percée d’une grande ouver-
recede ab isto palatio, et aliud tibi edifica et hoc trade
meis canonicis...» Convocatis ad se reverende sanctitatis ture qui donnait sur la nef centrale, qui a dû servir d’entrée à une tribune.
Petrum Arie priorem cum suis canonicis, illico illis palatium
contullit supradictum... Quibus peractis ad aliam in platea Jusqu’à la réalisation d’un travail de restauration excessif effectué au début
eiusdem ecclesie se transtulit domum ».
41. Pérez Llamazares, Historia de la Real Colegiata,
du XXe siècle, on pouvait encore voir des saillies qui servirent autrefois de
p. 338. support à la tribune41.

162 Therese MARTIN Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011


16 - Élevation de l’ouest (J. Williams).

Après la donation aux chanoines, l’infante garda pour elle les zones sud du
palais, qui donnaient sur la place, permettant une interaction continue avec
la ville et les citoyens de León42. Dans une donation de 1151, Sancha faisait
référence à « meum palatium », l’emploi de l’adjectif possessif semble distin-
guer la section du palais où elle continua à vivre de la partie qu’elle avait don-
née aux chanoines43. Nous pouvons reconnaître le peu de choses conservées
du palais de l’infante à partir des ouvertures de deux étages au mur sud-ouest
de l’église (ill. 16). Sancha et sa cour continuèrent à avoir une vue depuis une
17a et 17b - Porte supérieure du palais de l’ouest,
ouverture de la tribune d’où l’on pouvait suivre la liturgie (ill. 17a et 14b) et, même porte de l’est (T. Martin).
juste au-dessous du palais, un accès vers l’église à travers une porte ornée d’un
tympan à chrisme au rez-de-chaussée (ill. 18).

LE PANTHÉON COMME ESPACE DE SÉPULTURE

Lorsque Sancha donna la chambre supérieure aux Augustins, probablement


vers 1150, il semble logique qu’elle leur donna aussi l’espace couvert de fresques
qui la supportait. Des murs furent construits probablement à ce moment pour
remplir l’arcade à l’extrémité ouest du Panthéon, devenant ainsi un espace litur-
gique séparé. Ces murs furent enlevés lors de la restauration effectuée en 186544. 18 - Porte au rez-de-chaussée, palais (gauche) et
Panthéon (droit) (T. Martin).
L’entrée principale depuis la place de San Isidoro vers le palais fut murée appa-
remment à ce moment pour achever la séparation des espaces royal et canonique.
Ce mur préserve des restes de fresques qui datent d’une époque postérieure aux 42. D’après Campos et Pereiras, Iglesia y ciudad,
p. 31‑51, cette place occupait une position privilégiée aux
peintures du Panthéon, dont une Crucifixion encadrée par une voûte avec des XIII et XIVe siècles comme l’endroit autour duquel la haute
noblesse érigeait son palais. Sur le développement urbain
animaux fantastiques. Le style élégant et les figures atténuées de ces fresques de León, voir A. Represa, « Evolución urbana de León
en los siglos XI‑XIII », Archivos Leoneses 45‑46 (1969),
concordent bien avec une datation de la dernière moitié du XIIe siècle. 243‑282 ; C. Estepa Díez, Estructura social de la ciudad
de León (siglos XI‑XIII), León, 1977.
43. S. Domínguez Sánchez, Colección documental del
Les spécialistes associent normalement le Panthéon à une église plutôt qu’à monasterio de Santa María de Carbajal (1093‑1461),
León, 2000, p. 80‑82.
un palais45. Néanmoins, il ne fait aucun doute que les chambres supérieures 44. Pérez Llamazares, Historia de la Real Colegiata,
voûtées furent construites pour une fonction palatine. Quant à la chambre p. 391 ; L. Menéndez Pidal, « La primitiva iglesia de San
Juan Bautista y San Pelayo, de León », Symposium sobre
inférieure contemporaine, cet espace liminaire fut probablement conçu avec cultura asturiana de la edad media (septembre, 1961),
Oviedo, 1964, p. 71‑78 ; Prada et Vidal, n. 5.
plus d’un objectif : sa solide voûte à arête supportait les appartements supé- 45. Quelques exemples récents incluent F. Seehausen,
rieurs élitaires ; c’était le lien entre le sacré et le laïque, le point de transi- « Wege zum Heil - Betrachterlenkung durch Architektur,
Skulptur und Ausmalung im Panteón de los Reyes
tion où se réunirent l’église et le palais ; en outre il contenait les tombeaux in León », KunstTexte.de - Journal für Kunst - und
Bildgeschichte 4 (2009), p. 1-37 ; G. Boto Varela,
des bienfaiteurs de San Isidoro. La mort de l’infante Sancha en 1159 peut « Morfogénesis espacial de las primeras arquitecturas de
avoir marqué le moment où le Panthéon fut utilisé pour la première fois San Isidoro. Vestigios de la memoria dinástica leonesa »,
Siete maravillas del románico español, ed. P.L. Huerta,
comme chapelle dédiée exclusivement à des objectifs liturgiques et funéraires. Aguilar de Campoo, 2009, p. 151‑191.

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011 Therese MARTIN 163


Quant aux membres de la famille royale qui moururent avant cette date, s’il
est vrai que le manque total de restes avant la deuxième moitié du XIIe siècle
ne signifie pas nécessairement qu’ils furent enterrés ailleurs, au-delà du Pan-
théon, on doit rester circonspect sur l’utilisation de cet édifice comme un
cimetière avant cette date. De nos jours, la monumentalisation des morts qui
eut lieu à San Isidoro au XIIIe siècle semble avoir effacé la mémoire de la vie
dans ce palais.

164 Therese MARTIN Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011

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