Ance - Coloniale.2022.collectif 2
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Avec le soutien de
www.philippe-rey.fr
ISBN : 978-2-84876-981-3
Copyright
Introduction
La Compagnie des Indes et les ports-comptoirs - Gérard Le Bouëdec, Marie Ménard-Jacob, Kévin
Le Doudic et Évelyne Guihur
La question de l'esclavage en France au temps du premier empire colonial français - Érick Noël
Le premier empire colonial et la Révolution française - Christelle Taraud
Les colonies dans les premières expositions universelles - Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard
et Nicolas Bancel
Les derniers recours à l'esclavage dans les colonies françaises - Christopher M. Church
1. L'expansion coloniale
L'invention de l'indigène dans le système colonial français - Nicolas Bancel et Pascal Blanchard
Colonies et exotisme dans les expositions universelles à la fin du XIXe siècle - Pascal Blanchard
Un siècle de liens institutionnels et politiques entre la France et la Nouvelle-Calédonie - Sarah
Mohamed-Gaillard
Apprendre l'Empire, un jeu d'enfants ? (second tiers du XXe siècle) - Elizabeth Heath
Le mandat français en Syrie et au Liban (1920-1946). Les dessous d'une tutelle coloniale - Nadine
Méouchy
Impérialismes et exploitation en Afrique subsaharienne - Catherine Coquery-Vidrovitch
2. Un consensus colonial ?
Fête et ordre colonial. Centenaires et résistance anticolonialiste en Algérie pendant les années
1930 - Jan C. Jansen
Débat sur les colonies : regards croisés en métropole dans les années 1930 - David Murphy,
Elizabeth Ezra et Charles Forsdick
Propagande impériale sous Vichy - Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Alain
Mabanckou et Dominic Thomas
De la guerre à l'Union française : les transformations de l'espace colonial français - Sandrine
Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
De la France coloniale à l'outre-mer - Véronique Dimier
La guerre des images d'une fin d'empire et continuité de l'influence française outre-mer - Sandrine
Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
Cinéma, chanson, littérature : après le temps des colonies - Delphine Robic-Diaz et Alain Ruscio
Mémoires et patrimonialisation de l'histoire coloniale : l'introuvable musée colonial - Nicolas
Bancel et Pascal Blanchard
L'aphasie coloniale française : à propos de l'histoire mutilée - Ann Laura Stoler
La colonisation, les années charnières : du débat sur la guerre d'Algérie au discours de Dakar -
Nicolas Bancel et Pascal Blanchard
La francophonie au XXIe siècle : continuité ou rupture avec le passé colonial ? - Dominic Thomas
Qui veut la guerre des identités ? - Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Dominic Thomas
Conclusion
Bibliographie
Biographies
Crédits iconographiques
Cahier photos
Index
Préface
Mohamed Mbougar Sarr
Cet ouvrage n’est pas édité dans un moment neutre. Nous avons
imaginé cette publication à la fin du cycle du 60e anniversaire des
indépendances en Algérie (1962-2022), entre deux commissions majeures
(celle sur la guerre d’Algérie, sous la direction de Benjamin Stora – qui
propose la postface du présent ouvrage – et celle sur la guerre du
Cameroun, sur l’initiative d’Achille Mbembe – également auteur d’une
contribution dans la cinquième partie de l’ouvrage), au moment où le débat
s’engage sur la création d’un musée d’histoire coloniale (à Montpellier sur
l’Algérie, mais aussi à l’échelon national) et où la littérature, le cinéma, le
théâtre, la musique et les arts investissent ce passé.
Cet ouvrage souhaite participer à ce processus. Le poids de l’histoire
ultramarine est en effet considérable : l’entreprise coloniale a commencé au
e
XVI siècle, l’esclavage a marqué l’histoire française et la France a possédé
1. Ce texte est une version abrégée, traduite de l’anglais, du chapitre « The End of the Ancien
Régime French Empire », in Charles Forsdick, David Murphy (dir.), Postcolonial Thought in
the French-Speaking-World, Liverpool, Liverpool University Press, 2015.
2. Richard White, The Middle Ground : Indians, Empires, and Republics in the Great Lakes
Region, 1650-1815, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
3. Laurent Dubois, Avengers of The New World : The Story of the Haitian Revolution,
Cambridge, Harvard University Press, 2009.
4. John Garrigus, Before Haiti : Race and Citizenship in French Saint-Domingue, New York,
Palgrave Macmillan, 2011.
5. David Brion Davis, Inhuman Bondage : The Rise and Fall of Slavery in the New World,
Oxford, Oxford University Press, 2006.
6. Laurent Dubois, op. cit.
L’entreprise coloniale en question
(1763-1791)
Bernard Gainot
Le traité de Paris, qui met un terme à la guerre de Sept Ans, est signé le
10 février 1763, après de longues négociations de près de deux ans 1. Ce
sont très largement les Anglais qui dictent les conditions de la paix.
Cependant, le cabinet britannique est divisé sur la question des colonies
américaines : faut-il maintenir un Canada français, comme le veut le duc de
Bedford, pour faire pression sur les colons anglais et les souder par la
crainte à la métropole ? Faut-il s’emparer de toutes les îles à sucre ? Or, les
colons de la Barbade et de la Jamaïque redoutent la concurrence du sucre de
la Guadeloupe, récemment arrivé sur le marché, de moindre coût et de
meilleure qualité.
Finalement, le groupe d’intérêt West India Interest l’emporte :
restitution de la Martinique, de la Guadeloupe avec ses dépendances et de
Sainte-Lucie, ainsi que de la partie occidentale de Saint-Domingue.
Toutefois, ces restitutions sont largement compensées par la perte du
Canada, sauf un droit de pêche sur le French Shore et la possession, au
large, des petits îlots de Saint-Pierre-et-Miquelon, où ne pourront s’installer
que des établissements qui se livrent à l’activité halieutique. La rive gauche
du Mississippi est cédée à l’Angleterre, la rive droite, dont la région de La
Nouvelle-Orléans, à l’Espagne. Les conquêtes dans le Deccan sont
également supprimées. Ne subsistent aux Indes que cinq comptoirs, dont
Pondichéry, les autres étant Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor.
Malgré tout, ces comptoirs sont rendus à leur simple vocation commerciale,
ils ne peuvent être ni fortifiés ni entretenir une garnison. En Afrique, la
France perd le Sénégal, à l’exception de l’île de Gorée.
Le « domaine » colonial s’est resserré, mais il n’en est pas plus cohérent
sur le plan territorial. Cependant, son image est plus claire pour l’opinion
publique 2 naissante qui tend à s’identifier avec la grande plantation sucrière
et esclavagiste. Toute hésitation entre « colonie de peuplement » et
« colonie d’exploitation » est désormais levée. Le mythe du soldat-
laboureur qui part défricher le territoire qu’il va défendre a vécu. Le colon,
c’est le maître d’un domaine cultivé par une main-d’œuvre d’origine
africaine.
Les cercles dirigeants français mesurent davantage l’importance de
l’enjeu colonial, tant pour l’économie que pour la compétition
internationale. Le pouvoir monarchique tente alors, avec une attention sans
égale depuis l’époque de Jean-Baptiste Colbert, de redéfinir les contours
d’un « empire » qui se cherche. Tandis qu’un immense effort de
modernisation se porte vers les arsenaux, on cherche à mettre en valeur de
nouveaux territoires qui pourraient compenser la perte de la Nouvelle-
France, tels que la Guyane, le Sénégal et les Mascareignes. Le monde est
fini, les terrae incognitae s’estompent sur les cartes. Les voyages
d’exploration, les liens entre la science et la colonisation, la curiosité pour
l’Extrême-Orient et pour le Pacifique (les « antipodes ») témoignent de
cette perception nouvelle d’un espace mondialisé.
Il faut souligner que « mondialisé » ne rime pas avec « pacifié », bien
au contraire. La compétition internationale devient plus âpre, et
l’alignement se fait essentiellement autour de la rivalité franco-anglaise.
C’est aux colonies que se situe l’épicentre de ladite « guerre
d’Indépendance américaine », dont on oublie bien souvent qu’elle eut
également son versant indien.
Au sortir de ce nouvel épisode de la « seconde guerre de Cent Ans », la
machine économique s’emballe, le Moloch négrier dévore des quantités de
plus en plus élevées d’Africains. La traite alimente tout particulièrement en
esclaves la partie nord-ouest de Saint-Domingue, la « perle des Antilles »,
mais aussi l’île de France, qui connaît un grand essor. La métropole prend
conscience que sa consommation dépend des « isles à sucre », mais aussi à
quel prix les plantations produisent ces denrées qui sont de moins en moins
des produits de luxe. En parallèle, les controverses sur l’esclavage sont
versées dans le débat public.
Ces considérations économiques et sociales sont doublées de
considérations militaires, les territoires coloniaux étant perçus, du moins par
une bonne partie des responsables ministériels, comme un dispositif avancé
pour la défense des côtes métropolitaines. Est-il toutefois possible de
continuer à faire tourner à plein régime un système aussi déséquilibré
démographiquement, socialement, ethniquement ? La société créole blanche
s’est édifiée sur un volcan, selon une image récurrente en cette veille de
turbulences révolutionnaires. En métropole, un grand débat est lancé sur la
légitimité du travail servile et, simultanément, sur la légitimité de la tutelle
métropolitaine sur les colonies, sans que les deux débats se recoupent, loin
de là. À l’arrière-plan, il existe de nombreux projets de réforme dans les
cabinets ministériels. Ces projets suscitent des tensions entre autorités et
colons (les « révoltes blanches »), mais aussi des tensions raciales entre
Blancs et libres de couleur. Les révolutions américaine puis française sont
venues aviver les rancœurs et les révoltes catégorielles.
Tandis que les maîtres se divisent et s’affrontent, la masse servile, fort
différenciée elle aussi, saisit l’opportunité de jouer ses propres cartes.
L’édifice colonial se lézarde et l’Empire est bientôt sur la défensive.
1. Ce texte figure en version intégrale dans l’ouvrage de Bernard Gainot, L’Empire colonial
français. De Richelieu à Napoléon, Paris, Armand Colin, 2015.
2. Jean Ehrard, Lumières et esclavage. L’esclavage colonial et l’opinion publique en France
au XVIIIe siècle, Paris, André Versaille, 2008.
3. Marcel Dorigny, Bernard Gainot, Atlas des esclavages, Paris, Autrement, 2007.
4. Frédéric Régent, La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions (1620-1848),
Paris, Grasset, 2007.
5. Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1988.
La Compagnie des Indes
et les ports-comptoirs
Gérard Le Bouëdec, Marie Ménard-Jacob,
Kévin Le Doudic et Évelyne Guihur
Les critères qui ont conduit au choix des implantations sont multiples.
D’abord la proximité des lieux de production et la meilleure position dans
la géographie des échanges. Surate est un carrefour commercial, mais il est
éloigné de la zone de production de cotonnades du Gujarat qui se trouve au
nord, à Ahmedabad. Pondichéry se situe dans un pays de tisserands qui
fabriquent notamment les toiles bleues servant au commerce de traite en
Afrique. Chandernagor peut acquérir les soies du Bengale à Cassimbazar, la
mousseline à Dacca, les cotonnades à Jougdia ou Balaçor et le salpêtre à
Patna. Mahé, et, avant lui, Calicut et les petites loges de Tilcery et Rajapour,
sont au débouché d’une région productrice de poivre. Cependant, c’est aussi
la capacité à saisir les flux du commerce intra-asiatique qui va favoriser
deux comptoirs entrepôts en particulier, Pondichéry et l’île de France. Sous
la première compagnie, la recherche du marché pour placer les
marchandises européennes a pu jouer également.
Entre aussi en ligne de compte ce que le Français appelle la « qualité de
l’air », c’est-à-dire les conditions sanitaires et de ravitaillement. La côte de
Coromandel était ainsi mieux perçue que la côte de Malabar. Surate
disposait de ressources, mais était régulièrement touché par des endémies
comme la peste. Les avis sur l’Ougly sont divers quant au climat et à la
capacité de le supporter, mais le Bengale est un grenier alimentaire. Si
Pondichéry souffre moins de critiques sur le plan sanitaire, il est confronté à
des pénuries alimentaires même si Karikal peut lui fournir notamment du
riz. Aux Mascareignes, la question ne se pose pas dans les mêmes termes,
car ces îles sont chargées du ravitaillement des navires. La solution
s’impose de fait en y établissant des colonies de peuplement fondées sur
une économie vivrière et de plantation.
L’influence de la société des Missions étrangères de Paris (MEP) est
intervenue dans la phase initiale de la première compagnie. La proximité
entre la Compagnie des Indes et la congrégation 8 pèse sur certains choix
d’implantation, notamment au Siam (1672-1689). Cette interférence est à
l’origine de vives polémiques, notamment entre un marchand, Georges
Roques, et Monseigneur François Pallu, l’un des fondateurs des Missions.
En effet, l’implantation au Siam, qui ne constitue pas un important
carrefour de commerce, n’est due qu’à la volonté des MEP qui y ont établi
leur collège général. Monseigneur François Pallu défend une équation clé :
une bonne connaissance de l’Asie par les missions est un gage de succès
pour la Compagnie des Indes. Pour Georges Roques, Surate s’apparente
ainsi davantage à une procure des MEP qu’à un comptoir commercial.
Le port-comptoir
Les écrits de l’époque considèrent tous que les relations sexuelles entre
les femmes esclaves et les hommes blancs sont très nombreuses dans les
colonies esclavagistes 8. Les raisons évoquées n’en évoluent pas moins,
selon cinq grandes explications : la lubricité de certains hommes, la
stratégie des femmes esclaves, la nature voluptueuse des originaires
d’Afrique, la constitution de paisibles relations domestiques et enfin la
violence sexuelle inhérente à l’esclavage.
Au XVIIe siècle, les esclaves sont encore peu nombreux, sauf au Brésil,
et ils sont définis par un statut et non par une « race ». Leur captivité est
justifiée par les nécessités en main-d’œuvre mais aussi de l’évangélisation,
ou encore par les conséquences d’une guerre sainte menée, en Afrique,
contre des mécréants. Les relations sexuelles hors mariage entre Blancs et
esclaves sont alors dénoncées et même punies, les missionnaires dénonçant
simultanément la lubricité de certains hommes blancs et les viols subis par
les femmes esclaves.
Les officiels prennent toutefois des ordonnances pour « empêcher
l’immoralité ». D’une part, les auteurs de violences sont punis par des
coups de liane et peuvent même être marqués à la joue en cas de récidive.
De plus, « leurs » enfants mulâtres sont libérés, ce qui induit une perte
financière. D’autre part, dans les colonies françaises, espagnoles et
portugaises, le mariage permet d’effacer la faute, car ce qui est condamné –
et donc condamnable – n’est ni le viol ni la sexualité interraciale, mais la
relation sexuelle hors du sacrement du mariage. L’édit français de mars
1685 – rebaptisé le Code noir quelques décennies plus tard – encourage
d’ailleurs les maîtres à affranchir et épouser leurs esclaves enceintes pour
éviter les amendes. De fait, les mariages mixtes sont encore assez fréquents
au milieu du XVIIe siècle, sans éveiller l’attention des autorités coloniales
qui jugent la situation marginale.
Cependant, avec le développement de l’économie de plantation et la
déportation massive d’Africains, dès la fin du XVIIe siècle, l’esclavage se
racialise. Ainsi, les différents codes coloniaux, tant français qu’anglais ou
espagnol, instituent que les enfants des femmes esclaves appartiennent à
leurs maîtres et non aux pères, et font de la sexualité un moyen de
reproduction de l’esclavage en le rendant héréditaire, et du genre un
élément essentiel du discours de la « race », puisqu’une femme blanche
donne naissance à un enfant libre de naissance et une femme esclave à un
esclave 9. Le Conseil souverain de Martinique interdit, en 1670, de nommer
les pères dans les registres de naissance, ce qui empêche ensuite les
recherches en paternité 10. De plus, le mariage, s’il invalide le péché et
permet d’accroître la population libre, n’est nullement une réponse au
caractère forcé des relations sexuelles.
Cette politique se maintiendra pourtant dans les colonies espagnoles,
dont seule Cuba deviendra une économie de plantation à la fin du
e
XVIII siècle. En revanche, elle devient très rare dans les colonies françaises,
Les témoignages d’esclaves sont très rares, car très peu savent écrire.
Dans l’Amérique ibérique, où l’Église catholique exerce une emprise plus
forte, ses archives contiennent de nombreux témoignages, notamment au
e
XVII siècle, qu’il faut mettre en perspective face aux risques encourus. Pour
les autres colonies, les témoignages datent généralement du XIXe siècle. Ils
prennent donc trois formes : les récits, souvent publiés avec l’aide
d’abolitionnistes, les entretiens réalisés dans le cadre de la Works Progress
Administration dans les années 1930 aux États-Unis, parfois retranscrits par
des Blancs assez méprisants, et les paroles transcrites durant les procès. S’y
ajoutent les rares souvenirs de leurs descendants.
Mary Prince fut la première et la seule esclave antillaise à publier le
récit de sa vie en 1831, à l’extrême fin de la période étudiée ici. Elle y
évoque comment elle et une autre esclave, enceinte, étaient fouettées, nues,
dénonçant ainsi le voyeurisme sadique de leur maître. Harriet Jacobs
raconte dans Les Incidents dans la vie d’une fille esclave comment un
maître essaie de forcer une esclave adolescente à avoir des relations
sexuelles. La perte de la liberté sexuelle est montrée dans ce roman
autobiographique comme la négation même de l’individualité 15. En
revanche, les 1 500 témoignages de femmes esclaves américaines – sur les
2 300 obtenus par la Works Progress Administration en 1936 – sont assez
allusifs.
À la différence des archives de l’Inquisition ibérique, les archives
judiciaires américaines n’évoquent pas les violences sexuelles envers les
esclaves et les Amérindiennes, car les juges ne les reconnaissent qu’envers
les Blanches ayant un certain statut social. Cependant, le procès de Célia en
1855 aux États-Unis est l’occasion de dévoiler le calvaire vécu par une fille
de 14 ans, violée entre 1851 et 1855 par son maître, qui lui fait deux
enfants. Amoureuse d’un autre homme qui veut qu’elle lui soit fidèle, elle
exige que cessent les agissements du maître à son égard ; ce dernier
n’obtempère pas. Elle le tue et sera condamnée à mort. Il n’y a procès que
parce qu’elle l’a assassiné. De même, l’analyse des archives judiciaires des
colonies esclavagistes françaises ne révèle aucune trace de viol. Un seul cas
de violence sexuelle contre une esclave est évoqué, dans les archives du
Conseil souverain de la Guadeloupe en 1844, réalisé par une maîtresse,
femme de couleur libre, statut qui explique sans doute que la plainte ait été
prise en compte : « Là, derrière son lit, elle a commandé qu’on perçât un
trou pour me mettre aux fers et a appelé “Sans nom” pour me tenir les
jambes écartées et fourrer ses mains dans mes parties génitales 16. »
Ces témoignages confirment à la fois la lubricité d’un grand nombre
d’hommes, et surtout son acceptation par le système esclavagiste. Ce
contexte de forte contrainte correspond à la définition actuelle des violences
sexuelles, qui sont considérées comme aggravées lorsque l’auteur est en
position d’autorité, ce qui est bien le cas du maître ou du gérant qui abuse
de l’esclave ou qui dit à ses employés de « se servir parmi elles ». Dans ce
contexte de grande coercition, il n’est même pas nécessaire qu’il y ait
violence physique si la menace est présente, or elle l’était, comme le
soulignent les instruments de torture présents dans chaque habitation 17,
mais aussi les souvenirs des esclaves. On peut, bien sûr, voir un
anachronisme dans cette définition du viol appliquée ici aux femmes
esclaves, puisqu’il n’est condamné, à l’époque, que pour les femmes de
l’élite blanche : les hommes le pratiquant alors ayant les moyens de
redéfinir la coercition en « consentement », ce qui interdit précisément
qu’ils soient, dès lors, définis comme des violeurs. Toutefois, ne pas utiliser
ce terme revient à accepter l’idée que le pouvoir de définir les catégories
soit le monopole des hommes de l’élite blanche.
1. Ce texte est issu de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles
Boëtsch, Christelle Taraud, Dominic Thomas (dir.), Sexe, race & colonies. La domination des
corps, du XVe siècle à nos jours, Paris, La Découverte, 2018.
2. Hugues Rebell, Les Nuits chaudes du Cap français, Paris, La Plume, 1902.
3. Gilberto Freyre, Maîtres et esclaves. La formation de la société brésilienne, Paris,
Gallimard, 1974 [1933].
4. Arlette Gautier, Les Sœurs de Solitude. Femmes et esclavage aux Antilles du XVIIe au
e
XIX siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 [1985] ; Sonia Maria Giacomini,
Femmes et esclaves. L’expérience brésilienne (1850-1888), Donnemarie-Dontilly, iXe, 2016
[1988].
5. Gwyn Campbell, Elizabeth Elbourne (dir.), Sex, Power and Slavery, Athens, Ohio
University Press, 2014 ; Merril D. Smith (dir.), Sex and Sexuality in Early America, New York,
New York University Press, 1998 ; Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard,
1975 ; Ann Laura Stoler, Haunted by Empire : Geographies of Intimacy in North American
History, Durham, Duke University Press, 2006.
6. Moses I. Finley, Slavery in Classical Antiquity, Cambridge, W. Heffer & Sons, 1968.
7. Jean-Baptiste Du Tertre, Histoire générale des Antilles habitées par les François, Paris,
Thomas Iolly, 1667-1771.
8. Gilberto Freyre, op. cit. ; Joshua D. Rothman, Notorious in the Neighborhood : Sex and
Families across the Color Line in Virginia, 1787-1861, Chapel Hill, The University of North
Carolina Press, 2003.
9. Jennifer Morgan, Laboring Women : Reproduction and Gender in New World Slavery,
Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2004.
10. Vincent Cousseau, « La famille invisible. Illégitimité des naissances et construction des
liens familiaux en Martinique (XVIIe siècle-début du XIXe siècle) », Annales de démographie
historique, volume 122, no 2, 2011.
11. Médéric Louis Élie Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions des colonies françoises
de l’Amérique sous le Vent (6 volumes), Paris, Mequignon jeune, 1784-1790 [Hachette Livre
BNF, 2006].
12. Doris Lorraine Garraway, The Libertine Colony : Creolization in the Early French
Caribbean, Durham, Duke University Press, 2005.
13. Henrice Altink, « Deviant and dangerous : Proslavery representations of Jamaican slave
women’s sexuality, c. 1780-1834 », in Gwyn Campbell, Suzanne Miers, Joseph Miller (dir.),
Women in Slavery : The Modern Atlantic, Athens, Ohio University Press, 2007.
14. Marcus Rediker, The Slave Ship : A Human History, Londres, John Murray, 2008 ;
Sowande’ M. Mustakeem, Slavery at Sea : Terror, Sex, and Sickness in the Middle Passage,
Champaign, University of Illinois Press, 2016.
15. Mary Prince, La Véritable Histoire de Mary Prince, esclave antillaise, Paris, Albin
Michel, 2000 [1831] ; Harriet Jacobs, Incidents in the Life of a Slave Girl, Boston, Lydia
Maria Child, 1861 ; Aliyyah I. Abdur-Rahman, « “This Horrible Exhibition” : Sexuality in
Slave Narratives », in John Ernest (dir.), The Oxford Handbook of the African American Slave
Narrative, Oxford, Oxford University Press, 2014 ; Patrick Minges, Far More Terrible for
Women : Personal Accounts of Women in Slavery, Winston-Salem, John F. Blair Publisher,
2006.
16. Frédéric Régent, Gilda Confier, Bruno Maillard, Libres et sans fers. Paroles d’esclaves
français, Paris, Fayard, 2015 ; Sharon Block, Rape and Sexual Power in Early America,
Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2006.
17. Caroline Oudin-Bastide, Travail, capitalisme et société esclavagiste. Guadeloupe,
Martinique (XVIIe-XIXe siècles), Paris, La Découverte, 2005.
18. Myriam Cottias, Hebe Mattos (dir.), Esclavage et subjectivités dans l’Atlantique luso-
brésilien et français (XVIIe-XXe siècles), Marseille, OpenEdition Press, 2016 ; Nathalie Dessens,
Myths of the Plantation Society : Slavery in the American South and the West Indies,
Gainesville, University Press of Florida, 2003.
19. Edgar F. Love, « Marriage patterns of persons of African descent in a colonial Mexico
City parish », The Hispanic American Historical Review, volume 51, no 1, 1971.
20. Sidney W. Mintz (dir.), Esclave = facteur de production. L’économie politique de
l’esclavage, Paris, Dunod, 1981.
21. Jennifer Palmer, Intimate Bonds : Family and Slavery in the French Atlantic, Philadelphie,
University Press of Pennsylvania, 2016.
22. Thomas N. Ingersoll, Mammon and Manon in Early New Orleans : The First Slave
Society in the Deep South, 1718-1819, Knoxville, The University of Tennessee Press, 1999.
23. Joshua D. Rothman, op. cit.
24. Anne Pérotin-Dumon, La Ville aux Îles, la ville dans l’île : Basse-Terre et Pointe-à-Pitre,
Paris, Karthala, 2000.
La question de l’esclavage
en France au temps du premier
empire colonial français
Érick Noël
L’esclavage rejeté hors de la métropole dans les colonies n’a pas réglé
pour autant le problème d’une traite dont la métropole pouvait en quelque
sorte constituer le maillon ultime. Or l’idée qu’un trafic d’esclaves existait
dans les années 1760 jusque dans la capitale a paru mériter une analyse
approfondie, car le témoignage d’un Guillaume Poncet de La Grave, tout
procureur de l’amirauté de France qu’il ait été, ne s’est pas clairement
vérifié à la lecture de registres qui – de Paris aux grands ports de l’ouest où
les conditions s’avéraient pourtant plus propices – n’ont
qu’exceptionnellement fait allusion à des opérations négociées comme aux
îles. Rares sont d’abord les chiffres : ponctuellement les déclarants ont en
effet signalé des sommes comme ce Pierre Bourdon, habitant de Port-au-
Prince qui a reconnu le 16 mars 1763 à Paris avoir « payé » un montant de
1 000 livres pour Narcisse, appelé à le servir ainsi que ses enfants durant
leur voyage en France 12.
Toutefois il ne s’est agi là semble-t-il que du montant normalement
acquitté aux commis des trésoriers généraux de la marine aux Antilles –
conformément à l’article VIII d’une déclaration royale de 1738 engagée
dans la lutte contre les maîtres récalcitrants.
Il n’empêche que d’autres déclarations de ce type portent la marque
d’opérations moins claires, comme celle révélée le 11 juillet 1765 à Paris
par Louis de Guichen, ancien major des troupes de Saint-Domingue, venu
signaler « qu’en vertu de l’engagement qu’il avait contracté envers le roi de
payer la somme de 3 000 livres » au cas où il retiendrait plus de deux ans
pour le servir « son nègre Jean », il avait fait passer depuis huit mois déjà
en France celui qui, de Rochefort, s’était sans délai retrouvé « pour son
instruction » placé à Béziers, et appelé à recevoir une formation de cuisinier
avant de devoir retourner – à une date indéterminée – outre-Atlantique…
Hors de toute obligation légale, ce type d’arrangement pourrait bien avoir
servi à cacher une cession au profit d’un intéressé établi loin de Paris.
Éric Saugera note qu’à Bordeaux, devenu alors le premier port du
royaume, « les capitaines ne firent jamais un grand commerce de ces
Noirs », et que « la plupart se contentèrent d’une seule opération, se
limitant à un seul individu 13 ». Néanmoins l’enquête poussée vers Paris
invite à voir une autre réalité, car on remarque la répétition de noms
d’entrepreneurs nantais et bordelais venus « fournir » en Noirs des
propriétaires qu’ils ont pu même représenter à l’amirauté. La famille de
Luynes se remarque ainsi précocement, et après avoir déclaré en 1738 à
Nantes le « nègre domestique » Auguste, Arada [d’Arada] de 16 ans appelé
à apprendre un métier, Augustin – premier du nom – s’est retrouvé en 1740
et 1741 désigné comme procureur dans la capitale des dames Delesalle et
Pelletier, au nom desquelles il a tour à tour signalé Jérôme et Héleine,
respectivement âgés de 14 et 12 ans et également placés chez des maîtres
artisans ; puis c’est son gendre le planteur Merger qui s’est chargé de faire
passer en 1754 à Paris le créole Michel, âgé de 16 ans, destiné à devenir
perruquier, tandis qu’Augustin II a récupéré de son beau-frère le nommé
Zéphir, âgé de 14 ans et formé d’abord à Nantes comme tonnelier…
Les risques encourus à donner trop ouvertement dans ce genre de trafic
pourraient en définitive expliquer sa faible visibilité : car à s’être fait livrer
pour 600 livres le « négrillon Zamor, dit Azor », par le pilote Dubois qui l’a
conduit de Juda à Rochefort, le commissaire Thibaut de Longecourt s’est vu
privé de celui qui, en voulant fuir ses mauvais traitements, a amené la
justice à se pencher sur ses affaires personnelles et le ministère lui-même à
trancher dans le sens d’un affranchissement à ses dépens 14.
En somme, le trafic des Noirs en métropole n’a pas à proprement parler
donné lieu à un marché comparable à celui des colonies, et l’abandon le 31
décembre 1776 à Paris pour quelque 1 200 livres devant maître Goullet par
le capitaine Bellanger de « tous ses droits sur une esclave métisse nommée
Marie-Louise », remise au chevalier Croquet de Saint-Aude qui l’a par la
suite gardée à son service, apparaît comme l’exception qui confirme la règle
– aucune autre transaction de ce type n’ayant pu être relevée, pour autant
qu’il ait été possible de le vérifier dans les actes du Minutier central à partir
des renseignements consignés au fil des déclarations enregistrées à
l’amirauté.
Par comparaison, l’Angleterre des années 1770 a connu des « affaires »
autrement plus retentissantes, les conséquences du « cas Somerset » dans un
pays où le juge Mansfield s’est lui-même plaint des opérations dues en
particulier à des colons repassés à Londres s’étant notamment traduites par
des procès dans lesquels ce type de trafic n’a pas manqué d’éclabousser les
milieux négriers : c’est ainsi qu’à l’issue d’une nouvelle procédure le même
Mansfield a rendu un verdict favorable au nommé Amissa, marin africain
confirmé dans sa liberté et gratifié de 500 livres sterling aux dépens du
capitaine de Liverpool qui l’avait vendu comme esclave sur le sol anglais.
Ainsi, l’esclavage a connu quelques beaux jours dans la France de la fin
de l’Ancien Régime. À la fois rejeté par l’Église et dénoncé par la
monarchie, le statut servile s’est d’abord trouvé malmené en particulier
quand la première expansion coloniale a fait craindre sa renaissance dans le
pays. En s’appuyant sur l’édit de 1315, les juges royaux ont même élaboré à
partir de la fin du XVIe siècle le principe de la vertu affranchissante de la
terre des Francs, pilier de la justice française jusqu’au XVIIIe siècle.
1. Ce texte est une version réduite et mise à jour d’un précédent article : « L’esclavage dans la
France moderne », Dix-huitième siècle, volume 39, no 1, 2007.
2. Serge Daget, La Traite des Noirs. Bastilles négrières et velléités abolitionnistes, Rennes,
Ouest-France, 1990 ; Olivier Pétré-Grenouilleau, Les Traites négrières, Paris, Gallimard,
2004.
3. James Walvin, Black and White: The Negro and English Society, 1555-1945, Londres,
Allen Lane, 1973 [1945].
e
4. Pierre Pluchon, Nègres et Juifs au XVIII siècle. Le racisme au siècle des Lumières, Paris,
Tallandier, 1984.
5. Préambule des ordonnances des 31 mars et 5 avril 1762.
6. Marcel Koufinkana, Les Esclaves noirs en France sous l’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles),
Paris, L’Harmattan, 2008.
7. Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes, avec les jugemens qui les ont décidées,
Paris, Jean Neaulme, 1747 (1739-1750, en 20 volumes).
8. Archives départementales 44 : C 742, « Réponse au mémoire concernant les Nègres
esclaves ».
9. Archives nationales : Z 1D139.
10. Archives départementales 44 : C 742.
11. Marcel Koufinkana, op. cit.
12. Archives nationales : Z1D139.
13. Éric Saugera, Bordeaux, port négrier, Paris, Karthala, 1995.
14. Archives nationales : Col F1B1 (affaire du 3 novembre 1781).
Le premier empire colonial
et la Révolution française
Christelle Taraud
1. Mona Ozouf, L’Homme régénéré. Essais sur la Révolution française, Paris, Gallimard,
1989.
2. Le Véritable Messager boiteux de Bâle en Suisse, Bâle, Jean-Henri Decker, 1775, 1776,
1778 à 1780, 1782, 1783, 1785, 1787 à 1789, 1791, 1793, 1795 à 1798, 1803, 1806, 1815 ;
Bâle, Decker, 1801 ; Bâle, J. Decker, 1811, 1812, 1814 à 1816 ; Bâle, Frères de Mechel,
1812 ; Bâle, Fils de la Veuve de Jean Conrad de Mechel, 1787, 1788, 1790, 1800, 1802, 1804,
1808, 1813 ; Petit-fils de la Veuve de Jean Conrad de Mechel, 1814 ; Bâle, Libraires associés ,
1803 et 1804.
3. Étrennes intéressantes des quatre parties du monde, Paris, Langlois et Deschamps, 1779 ;
Paris, Langlois fils et Demoraine, an III ; Paris, Langlois, 1802-1803 ; Paris, Janet, 1815 et
1816.
4. Véronique Sarrazin, « Lumières et almanachs populaires. L’exemple du Messager
Boiteux », in Lise Andries, Colporter la Révolution, Montreuil, Bibliothèque R. Desnos, 1989.
5. « Nègre d’une figure assez curieuse », Le Véritable Messager…, 1788.
6. « Monstre remarquable et singulier », Le Véritable Messager…, 1777.
7. « Le diable blanc est plus fort que le diable noir », Le Véritable Messager…, 1788 ;
« L’homme volé secouru par un brave Nègre », Le Véritable Messager…, 1814.
8. « Atrocité cruelle d’un Nègre », Le Véritable Messager…, 1782.
9. « Grand soulèvement au Royaume du Maroc », Le Véritable Messager…, 1780.
10. « Relation de la prise de l’Isle de la Dominique par les Français » et « Conquête du
Sénégal à la côte d’Afrique par les troupes françaises », Le Véritable Messager…, 1780.
11. « Générosité d’un Esclave envers son Maître », Le Véritable Messager…, 1777.
12. Paul Butel, « Le grand commerce maritime », in Pierre Léon, Histoire économique et
sociale du monde. Inerties et révolutions, 1730-1840 (tome 3), Paris, Armand Colin, 1978.
13. « Coup d’œil général sur le tems présent et sur le siècle actuel », Le Véritable Messager…,
1791.
14. « De l’Afrique », Étrennes intéressantes…, 1779.
15. « Afrique », Étrennes intéressantes…, An III.
16. Éric Saugera, « Une expédition négrière nantaise sous le Consulat : “La Bonne-Mère à
Mathurin Trottier”, 1802-1803 », Enquêtes et documents, Centre de recherches sur l’histoire
du monde atlantique, université de Nantes, 1987.
17. « Détails des combats soutenus par l’armée française, à son débarquement à Saint-
Domingue, contre les noirs rebelles, sous la conduite de Toussaint », Le Véritable
Messager…,1803.
18. « L’Afrique », Étrennes intéressantes…, 1815.
19. « L’Amérique. De Saint-Domingue », Étrennes intéressantes…, 1816.
20. Ce texte dans sa version première a été publié sous le titre « L’esclavage vu par l’opinion
publique : la question coloniale et le colportage de l’information (1775-1815) », dans les
Annales historiques de la Révolution française, 1992.
L’expédition d’Égypte
et la construction du mythe
napoléonien
Jean-Paul Bertaud
Les militaires qui, lors la guerre du Golfe en 1990-1991, ont utilisé tous
les médias, affirmant que « la guerre est une affaire de relations
publiques », n’ont rien inventé 1. Déjà Louis XIV qui créa un ministère de la
Gloire sut mettre en œuvre la religion, les arts et les lettres 2 pour expliquer
ses guerres et les justifier aux yeux de ses sujets. Le gouvernement
républicain puis impérial procéda de même.
Napoléon Bonaparte comprit très vite qu’il devait lui aussi jouer de ces
vecteurs de propagande pour sa gloire personnelle et pour la justification de
sa politique militaire en Italie. Lui et les siens ne firent que continuer, lors
de l’expédition d’Égypte, une démarche qui depuis longtemps avait montré
son efficacité.
Abolitionnisme et colonisation
Le dernier élément qu’il faut souligner est que cet abolitionnisme des
e e
XVIII et XIX siècles, fondé sur la volonté explicite de ne pas laisser se
1. . Cette liste est publiée dans les Archives parlementaires, tome 26.
2. Peter Garnsey, Conceptions de l’esclavage d’Aristote à saint Augustin, Paris, Les Belles
Lettres, 2004.
3. Louis-Philippe May, Le Mercier de la Rivière (1719-1801). Aux origines de la science
économique, Paris, CNRS Éditions, 1975 ; Louis-Philippe May, Le Mercier de la Rivière
(1719-1801). Mémoires et textes inédits sur le gouvernement économique des Antilles, Paris,
CNRS Éditions, 1978.
4. Yann Moulier-Boutang, De l’esclavage au salariat. Économie historique du salariat bridé,
Paris, Presses universitaires de France, 1998.
5. Fred Célimène, André Legris, L’Économie de l’esclavage colonial. Enquête et bilan du
e e
XVII au XIX siècle, Paris, CNRS Éditions, 2012.
La Révolution française,
une révolution impériale ?
1. Ce texte, traduit de l’anglais, est issu de l’article de Pernille Røge « The Directory and the
Future of France’s Colonial Possessions in Africa, 1795-1802 », French Historical Studies,
volume 44, no 3, août 2021 (copyright 2021, Society for French Historical Studies. Tous droits
réservés. Réédité avec l’autorisation de l’éditeur).
2. François Émilie Blanchot, « Considérations sur l’organisation du Sénégal par Blanchot »,
3 juillet 1797, Aix-en-Provence, Archives nationales d’outre-mer, COL C6 20, fols. 50-54.
3. David A. Bell, « Questioning the Global Turn: The Case of the French Revolution »,
French Historical Studies, volume 37, no 1, 2014.
4. Ibid.
5. François Émilie Blanchot, op. cit.
6. M. Gourg, « Sur l’utilité d’un établissement projeté a Podor dans les Rivière du Sénégal »,
21 pluviôse, an V de la République française une et indivisible [9 février 1797], Archives
nationales d’outre-mer, COL C6 20, fols. 37-40.
7. François Émilie Blanchot, op. cit.
8. François Belon, « French Businessman’s Autobiography, Nineteenth Century », manuscrit,
1820 (chapitre 10), Temple University Library, Special Collections Archives.
9. Eustache Bruix, « Instructions pour le C. Blanchot, Commandant au Sénégal », 23 ventôse,
an VII [13 mars 1799], Archives nationales d’outre-mer, COL C6 20, fols. 5-6.
10. Ibid.
11. C. Girod, « Mémoire sur un établissement à faire au Sénégal », 25 messidor, an VI [13
juillet 1798], Archives nationales d’outre-mer, COL C6 20, fols. 38-47 bis.
12. Pierre-François Page, « Notes sur l’établissement des cultures coloniales en Égypte et au
Sénégal », 10 pluviôse, an X [30 janvier 1802], Archives nationales d’outre-mer, COL C6 20,
fol. 63.
13. Joseph-Philippe Bournet, « Essai sur la civilisation de l’Afrique », an XI, AF III 209, fol.
22.
14. Ibid.
L’expédition d’Alger :
premières expériences africaines
Vincent Joly
L’opération
Les hésitations
1. Ce texte est tiré de l’ouvrage de Vincent Joly, Guerres d’Afrique. 130 ans de guerres
coloniales. L’expérience française, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
2. Bruce Vandervort, Wars of Imperial Conquest in Africa, 1830-1914, Bloomington, Indiana
University Press, 1998.
3. Jacques Frémeaux, La France et l’islam depuis 1789, Paris, Presses universitaires de
France, 1991.
4. Henry Laurens, L’Expédition d’Égypte, 1798-1801, Paris, Seuil, 1997.
5. Jacques Frémeaux, L’Afrique à l’ombre des épées, tome 2, Officiers, administrateurs et
troupes coloniales, Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 1995.
6. Claude Fernel, La Campagne d’Afrique en 1830, Paris, Théophile Barrois et Benjamin
Duprat, 1831.
7. Patricia Lorcin, Imperial Identities: Stereotyping, Prejudice and Race in Colonial Algeria,
Londres, Tauris, 1995.
8. René Gallissot, Maghreb, Algérie, classes et nations, tome 1, Paris, Arcanthère éditions,
1987.
9. Xavier Yacono, Histoire de l’Algérie de la fin de la Régence turque à l’insurrection de
1954, Versailles, Éditions de l’Atlanthrope, 1993.
10. Anthony Clayton, Histoire de l’armée française en Afrique, 1830-1962, Paris, Albin
Michel, 1994.
Retour sur l’expédition d’Alger
David Todd
1. Ce texte est issu de l’article « Retour sur l’expédition d’Alger : les faux-semblants d’un
tournant colonialiste français », Monde(s), no 10, 2016.
2. Christian Scheffer, L’Algérie et l’évolution de la colonisation française, Paris, Honoré
Champion, 1928 ; Gabriel Esquer, Les Commencements d’un empire. La prise d’Alger, 1830,
Paris, Larose, 1929 [1923] ; Augustin Bernard, « L’Algérie », in Gabriel Hanotaux, Alfred
Martineau (dir.), Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le
monde, Paris, Société de l’histoire nationale et Librairie Plon, 1929-1933.
3. Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine, Paris, Presses universitaires
de France, 1983 ; Charles-André Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine, volume 1 : La
Conquête et les débuts de la colonisation (1827-1871), Paris, Presses universitaires de France,
1964.
4. Lettre de l’ambassadeur à Londres au ministre des Affaires étrangères, Archives du
ministère des Affaires étrangères, La Courneuve, Correspondance politique, Angleterre,
volume 627, 5 mai 1830 ; Lettre d’un agent britannique en Allemagne à Wellington, Hartley
Library, Southampton, Wellington Papers, 1/1120/13, 18 juin 1830.
5. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Essai sur les avantages à retirer de colonies
nouvelles dans les circonstances présentes, Paris, an V (1797).
6. « Rapport sur les Concessions d’Afrique », Archives du ministère des Affaires étrangères,
Correspondance consulaire et commerciale, Alger, volume 46, avril 1824.
7. « Affaire d’Alger », Archives du ministère des Affaires étrangères, MD, Algérie, volume 7,
mai 1830.
8. « Note sur les cessions territoriales à demander en Afrique », Archives du ministère des
Affaires étrangères, mai 1830.
9. « Note pour le conseil », Archives du ministère des Affaires étrangères, volume 6, 26 mai
1830.
10. Jennifer Pitts, A Turn to Empire: The Rise of Imperial Liberalism in Britain and France,
Princeton, Princeton University Press, 2005 ; Jennifer Pitts, « Republicanism, Liberalism, and
Empire in Post-Revolutionary France », in Sankar Muthu (dir.), Empire and Modern Political
Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
11. Jean-Baptiste Say, Traité d’économie politique (1803-1814-1817-1819-1826-1841), in
Œuvres complètes, Paris, Économica, 2006.
12. Alexandre de Laborde, Au Roi et aux Chambres. Sur les véritables causes de la rupture
avec Alger et sur l’expédition qui se prépare, Paris, Truchy, 1830.
13. David Todd, « Transnational Projects of Empire in France, c. 1815-1870 », Modern
Intellectual History, volume 12, no 2, 2015.
2. DE L’ABOLITION DE 1848
À L’IDÉE IMPÉRIALE
La seconde abolition
de l’esclavage dans les colonies
françaises (1848)
Myriam Cottias
Le maintien de l’indigénat
Les indigènes ou sujets, selon les termes de l’époque, sont des habitants
des colonies qui, tout en ayant la nationalité française, ne jouissent pas de
l’égalité civile et politique : ils sont régis par un statut particulier, appelé
statut personnel, c’est-à-dire régis par leurs propres lois et coutumes.
L’indigénat n’est remis en cause ni en 1833 ni par la IIe République.
En effet, dès les premières séances, la Commission de 1848 se demande
si l’abolition n’aurait pas pour effet de donner en Algérie davantage de
droits aux affranchis qu’à leurs anciens maîtres. Ainsi, la Commission
refuse de remettre en cause le système de l’indigénat en Algérie ; en outre,
elle n’évoque pas même les autres colonies où il est également appliqué,
notamment l’Inde et le Sénégal.
Quant à Victor Schœlcher, il n’a jamais dénoncé l’indigénat, ni
revendiqué la plénitude de la citoyenneté pour les indigènes. Si ceux-ci
obtiennent, dans certaines circonstances, le droit de vote, c’est en raison
d’une loi spéciale, jamais au nom d’une assimilation juridique complète.
Les « indigènes », tout en ayant la nationalité française, ne sont donc pas
citoyens. C’est une remise en cause de l’universalité du suffrage et de la
politique d’assimilation. L’assimilation culturelle semble être, dans ce cas,
un préalable nécessaire à l’assimilation politique.
Selon l’instruction du gouvernement provisoire pour les élections dans
les colonies, le droit de vote est octroyé à tous les Français libres des
vieilles colonies et des établissements du Sénégal et de l’Inde. Ces colonies
sont représentées devant l’Assemblée nationale. Ainsi, les indigènes des
établissements de l’Inde et du Sénégal obtiennent le droit de vote tout en
gardant leur statut personnel. C’est ce qui sera appelé plus tard une
citoyenneté dans le statut. En revanche, pour les Algériens, seuls les
citoyens français ont le droit de vote.
Si les habitants des vieilles colonies ont le droit de vote en raison de
leur citoyenneté française, les indigènes du Sénégal et de l’Inde ne
l’obtiennent, eux, que par cette disposition spéciale. L’octroi du droit de
vote n’est donc pas, dans ce cas précis, subordonné à l’assimilation civile et
sociale, mais celle-ci est espérée par les hommes de 1848. En effet, ces
derniers pensent que, par la pratique des droits politiques, les indigènes
seraient amenés à considérer les lois françaises comme vertueuses et
renonceraient à leur statut personnel. La IIe République adopte, quant aux
droits des habitants des colonies, une politique assimilationniste, sans
universalisme, puisque cette politique est appliquée avec des degrés
différents selon les catégories de personnes concernées. Par contre, pour le
statut juridique des colonies, la IIe République rejette l’assimilation.
1. Ce texte est issu dans sa version intégrale de la Revue française d’histoire d’outre-mer,
tome 85, no 320, 3e trimestre 1998. Outre-Mers. Revue coloniale et impériale est la première et
la plus ancienne revue à comité de lecture portant sur ce champ de recherche. L’association qui
la dirige – la SFHOM (https://www.sfhom.com) – est située à la Sorbonne. Elle publie deux
numéros par an, accessibles via Cairn, Persée et Gallica.
2. Abolition de l’esclavage. Procès-verbaux, Rapports et projets de décrets de la commission
instituée pour préparer l’acte d’abolition immédiate de l’esclavage, Paris, Imprimerie
nationale, séance du 6 mars 1848.
3. Ibid., séance du 9 mars 1848.
4. Ibid., séance du 13 mars 1848.
5. Id.
6. Richard D. E. Burton, La Famille coloniale. La Martinique et la mère patrie, 1789-1992,
Paris, L’Harmattan, 1994.
7. Victor Schœlcher, La Vérité aux ouvriers et cultivateurs de la Martinique, Paris, Pagnerre,
1849-1851, réédition Lausanne, Ponant, 1985, tome 2.
8. Nelly Schmidt, « Victor Schœlcher et le processus de destruction du système esclavagiste
aux Caraïbes au XIXe siècle », université Paris 4, thèse de doctorat d’État ès lettres et sciences
humaines, 1991.
9. Myriam Cottias, « “L’oubli du passé’’ contre la “citoyenneté’’ : troc et ressentiment à la
Martinique (1848-1946) », 1946-1996, Cinquante ans de départementalisation outre-mer,
Actes du colloque sous la direction de Fred Constant et Justin Daniel, Paris, L’Harmattan,
1997.
10. François Miclo, Le Régime législatif des départements d’outre-mer et l’unité de la
République, Paris, Économica, 1982.
Colonisation et colonialisme sous
le Second Empire
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
1. . Adaptation du texte « Jalons d’une culture coloniale sous le Second Empire », issu de
l’ouvrage collectif Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture
coloniale en France. De la Révolution française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement,
2008.
2. Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer et al., Histoire de la France coloniale.
La conquête (tome 1), Paris, Armand Colin, 1991.
3. Jean Martin, L’Empire renaissant (1789-1871), Paris, Denoël, 1987.
4. Charles-Robert Ageron, « L’évolution politique de l’Algérie sous le Second Empire », in
Charles-Robert Ageron (dir.), Politiques coloniales au Maghreb, Paris, Presses universitaires
de France, 1972.
5. Dans Le Moniteur du 6 février 1863, Napoléon publie une lettre-manifeste dans laquelle il
écrit : « Convaincre les Arabes que nous ne sommes pas venus en Algérie pour les opprimer et
les spolier, mais pour leur apporter la civilisation. »
6. Annie Rey-Goldzeiguer, Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III,
1861-1870, Alger, SNED, 1977.
7. Marcel Emerit, Les Saint-Simoniens en Algérie, Paris, Société d’édition « Les Belles
Lettres », 1941.
8. Charles-Robert Ageron, « Un apôtre de l’Algérie franco-musulmane : Thomas Ismaël
Urbain », Preuves, février 1961.
9. Michel Levallois, Ismaël Urbain. Une autre conquête de l’Algérie, Paris, Maisonneuve et
Larose, 2001.
10. Pierre Guiral, Prévost-Paradol. Pensée et action d’un libéral sous le Second Empire,
Paris, Presses universitaires de France, 1955.
Les colonies dans les premières
expositions universelles
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
La conquête de l’opinion
1. Adaptation du texte « Jalons d’une culture coloniale sous le Second Empire », issu de
l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture
coloniale en France. De la Révolution française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement,
2008.
2. L’Exposition universelle de 1867 illustrée, Paris, E. Dentu, 1867 (2 volumes).
3. Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France, 1871-1962, Paris, La Table ronde, 1972.
4. Annie Rey-Goldzeiguer, Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III,
1861-1870, Alger, SNED, 1977.
5. Jean-Pierre Bacot, La Presse illustrée au XIXe siècle. Une histoire oubliée, Limoges, Presses
universitaires de Limoges, 2005.
6. Pascal Blanchard, Éric Deroo, Gilles Manceron, Pierre Fournié, Driss El Yazami (dir.), Le
Paris arabe. Deux siècles de présence des Orientaux et des Maghrébins, Paris, La Découverte,
2003.
7. Sylviane Leprun, « Exotisme et couleurs », Ethnologie française, volume 20, 1990.
8. Raphaëlle Ernst, « Les mondes coloniaux dans les expositions universelles à Paris (1855-
1900). Le cas de l’Empire français », maitrise d’histoire, université de Paris 10, 1998.
La Vénus hottentote et l’invention
des « races sauvages » au temps
de la construction impériale
(1815-1888)
Nicolas Bancel
Le primat de la physiologie
démonstration.
La hiérarchisation est parfaitement explicite chez celui-ci et Henri de
Blainville, mais où classer la Vénus hottentote ? En lisant ces deux textes –
et bien d’autres qui suivront –, il n’est pas facile de répondre. La « race-
frontière » des Hottentots (ou des Boschimans) a un pied dans le monde
animal, l’autre dans le genre humain. Saartjie Baartman est dans les
recherches naturalistes puis l’anthropologie physique la figure dominante,
pendant tout le XIXe siècle, de la volatilité de ce statut. Simultanément, elle
stabilise les hiérarchies en cours : fréquemment comparée au « nègre », à
son désavantage, la Vénus hottentote confirme son infériorité par rapport à
celui-ci, et celle du « nègre » comparativement aux autres « races ».
Georges Cuvier et Henri de Blainville n’élaborent pas leurs conclusions
à partir d’une feuille blanche. Depuis la fin du XVIIIe siècle, la classification
des races humaines occupe plusieurs personnalités du monde scientifique
européen qui affinent les techniques de mesures des corps, tels Petrus
Camper, Friedrich Blumenbach, Louis Daubenton, Samuel Sœmmerring ou
Johann Caspar Lavater 13. Georges Cuvier est directement influencé par ces
théoriciens qui préfigurent l’anthropologie physique (raciale) et
l’anthropométrie, mais, en tant que fondateur de l’anatomie comparée, il
complexifie les mesures comparatives, à l’instar d’Henri de Bainville dans
son texte. La mesure de l’angle facial autorise Petrus Camper, puis Georges
Cuvier, à interpréter, dans le cas d’un angle facial de faible amplitude,
l’avancement du « museau » (c’est-à-dire des mâchoires) et le recul du front
comme les signes incontestables à la fois d’un appauvrissement des
capacités cognitives résultant du faible volume du cerveau, et d’un fort
développement des capacités olfactives et de mastication. La binarité et le
caractère tautologique du raisonnement taxonomique s’expriment
pleinement dans le rapport de Georges Cuvier sur la dissection de la Vénus
hottentote.
Un texte fondateur
6. Henri de Blainville, « Sur une femme de la race hottentote », Bulletins des sciences par la
Société philomathique de Paris, 1816.
7. Ibid.
8. Claude-Olivier Doron, L’Homme altéré. Races et dégénérescence (XVIIe-XIXe siècles),
Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016.
9. Ibid.
10. Ibid.
11. Georges Cuvier, « Extraits d’observations Faites sur le Cadavre d’une femme connue à
Paris et à Londres sous le nom de Vénus Hottentote », op. cit.
12. Ibid.
13. Nicolas Bancel, Thomas David, Dominic Thomas (dir.), L’Invention de la race. Des
représentations scientifiques aux exhibitions populaires, Paris, La Découverte, 2014.
14. François-Xavier Fauvelle, op. cit.
15. Julien-Joseph Virey, Nouveau Dictionnaire d’histoire naturelle appliquée aux arts, Paris,
Déterville, 1819.
16. Claude Blanckaert, op. cit.
17. Cité par Claude Blanckaert, op. cit.
18. Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, « Homme », Dictionnaire classique d’histoire
naturelle, Paris, Rey et Gravier & Baudouin Frères, 1822-1830.
19. Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, L’Homme. Essai zoologique sur le genre humain,
tome 2, Paris, Rey et Gravier, 1928.
20. Antoine Desmoulins, Histoire naturelle des races humaines du Nord-Est de l’Europe, de
l’Asie Boréale et Orientale et de l’Afrique australe, Paris, Méquignon-Marvis, 1826.
21. Pierre Gratiolet, Mémoire sur les plis cérébraux de l’homme et des primates, Paris, Arthus
Bertrand, 1854.
22. Raphaël Blanchard, « Sur le tablier et la stéatopygie des femmes boschimanes », Bulletin
de la Société zoologique de France, volume 8, 1883, cité par Delphine Peiretti-Courtis, « Les
médecins et le sexe des noir.e.s », in Gilles Boëtsch et al. (dir.), Sexualités, identités & corps
colonisés, Paris, CNRS Éditions, 2019.
23. Paul Topinard, L’Anthropologie, Paris, C. Reinwald et Cie, 1877.
24. Alfred Maury, La Terre et l’Homme. Aperçu historique de géologie, de géographie et
d’ethnologie générales, Paris, Hachette, 1891 [5e édition].
25. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire (dir.),
Zoos humains, op. cit.
26. Paul Topinard, « La stéatopygie des Hottentotes au jardin d’acclimatation », Revue
d’anthropologie, no 4, 1889.
27. François-Xavier Fauvelle, op. cit.
28. Paul Topinard, « La stéatopygie des Hottentotes au jardin d’acclimatation », op. cit.
29. Charles Darwin, The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex, tomes 1 et 2,
Londres, J. Murray, 1871.
Les derniers recours à l’esclavage
dans les colonies françaises
Christopher M. Church
Engagisme et rentabilité
Enseignement et insurrection
Pour apaiser les craintes d’insurrection parmi les élites des îles, le
système éducatif instauré dans les Caraïbes françaises se centrait
exclusivement sur l’enseignement agricole, qui, selon les fonctionnaires,
permettait d’apprendre aux Antillais à être de bons travailleurs, des
cultivateurs loyaux et des membres de la société sachant rester à leur place.
Par opposition, l’enseignement de la philosophie et d’autres concepts
« supérieurs » pouvait potentiellement encourager les travailleurs à essayer
de s’élever au-dessus de leur condition, ce qui n’aurait fait qu’aggraver les
troubles que les fonctionnaires étaient désireux d’éviter. Néanmoins, les
travailleurs antillais avaient une connaissance intime de la partie du
processus de culture, de récolte, de raffinage ou de distillation du sucre dans
laquelle ils étaient impliqués, même si les fonctionnaires, les propriétaires
de plantations et les directeurs d’usine les traitaient comme du personnel
non qualifié et interchangeable.
En réalité, les ouvriers étaient en position de pouvoir puisque, sur ces
îles, toute la suprématie des Blancs dépendait de la réussite de la culture du
sucre, et pour que celle-ci soit florissante, les ouvriers devaient venir
travailler dans les champs ou à la raffinerie. Malgré cela, ou peut-être à
cause de cela, les ouvriers antillais étaient confrontés au quotidien à la
discrimination et à l’animosité d’une riche classe de planteurs blancs qui, se
considérant comme ceux qui, sur ces îles, pilotaient l’agriculture et le
commerce, avaient la nostalgie de leurs privilèges politiques d’avant la
IIIe République qui préservaient jalousement la domination économique
dont ils avaient joui tout au long du XIXe siècle.
De la dernière décennie du XIXe siècle à la première du XXe siècle,
l’agitation ouvrière dans les Caraïbes françaises connut une progression
phénoménale, parallèlement au développement de l’idéologie socialiste, en
particulier sur l’île de la Guadeloupe. À la fin de la décennie, les
« Montagnards » de Victor Schœlcher étaient devenus un bloc électoral
dont la voix comptait – ce qui n’était pas sans alimenter les craintes de la
classe des planteurs blancs –, réclamant de meilleures conditions de travail,
des salaires plus élevés et une représentation plus équitable des travailleurs
de couleur.
En 1898, l’élection d’Hégésippe Légitimus, un socialiste noir, à
l’Assemblée nationale française enflamma la classe des propriétaires de
plantations, leurs préjugés racistes leur faisant redouter que le socialisme
noir ne fasse table rase des conditions de travail en vigueur sur l’île. En
quelques mois, l’île sœur de la Guadeloupe, la Martinique, en était arrivée à
une situation de grève générale pour protester contre la baisse des salaires à
la pièce et les mauvaises conditions de travail. De là, le mouvement
s’étendit avec les déplacements des travailleurs sur l’île. Seul, un ouvrier
était isolé, faible et vulnérable. Aussi, pour avoir du pouvoir, les travailleurs
antillais recouraient-ils souvent aux armes des faibles, au premier rang
desquelles le feu. Compte tenu de son immense capacité de destruction
couplée à son omniprésence dans la société humaine, le feu a longtemps
constitué un exutoire face à l’impuissance. Simple d’accès et d’utilisation, il
est disponible partout et à tout moment, et indispensable aux besoins
humains de base tout comme à la complexe économie caribéenne.
Aujourd’hui encore, le feu représente un facteur prépondérant de la vie
caribéenne, en particulier dans les îles en développement. En 2009, dans les
Antilles françaises, plus de cent mille personnes sont descendues dans la
rue lors de la plus grande grève générale que ces îles aient connue depuis
près d’un siècle, et si cette grève a pris surtout la forme d’une protestation
organisée, la menace d’incendies n’en était pas moins omniprésente. Faisant
référence au fait que les descendants blancs des propriétaires d’esclaves
possédaient toujours la plupart des industries antillaises, les manifestants
ont scandé « La Martinique est à nous, elle n’est pas à eux ! » lors de ce
qu’un reportage a présenté comme une « bataille contre les vestiges de
l’esclavage 7 ».
Tout comme l’émancipation avait changé le statut juridique et citoyen
des Antillais, la départementalisation modifia le cadre juridique et politique
des îles. À plusieurs reprises au cours du XIXe siècle, les Caraïbes françaises
furent la proie de flammes qui ravagèrent plantations et villes, un monde
dans lequel la vie des travailleurs antillais était façonnée par
l’environnement et le passage des saisons, mais aussi par la mémoire de
l’esclavage et son héritage. La résistance des esclaves joua un rôle clé dans
l’agitation ouvrière de la fin du XIXe siècle. Avec un passé esclavagiste et un
présent marqué du sceau de l’injustice, les autorités considéraient alors les
incendies comme un marqueur de l’inquiétude de la population et
anticipaient la menace d’une insurrection déclarée. Comme le faisait
remarquer le gouverneur de Guadeloupe en 1899, ces incendies rappelaient
une époque où la « torche était le seul instrument de vengeance laissé à
l’esclave 8 ».
1. . Ce texte, traduit de l’anglais, est issu de l’article de Christopher M. Church, « The Last
Resort of the Slave: Fire and Labour in the Late Nineteenth-Century French Caribbean »,
French History, volume 32, no 4, 2018.
2. Jacques Adélaïde-Merlande, Les Origines du mouvement ouvrier en Martinique, 1870-
1900, Paris, Karthala, 2000 ; Jean-Pierre Sainton, « Les Nègres en politique. Couleur, identités
et stratégies de pouvoir en Guadeloupe au tournant du siècle », Lille, Atelier national de
reproduction de thèses, 2003 ; Josette Fallope, Esclaves et citoyens. Les Noirs à la Guadeloupe
au XIXe siècle dans les processus de résistance et d’intégration, 1802-1910, Basse-Terre,
Société d’histoire de la Guadeloupe, 1992 ; Elizabeth Heath, Wine, Sugar, and the Making of
Modern France: Global Economic Crisis and the Racialization of French Citizenship, 1870-
1910, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
3. Bonham C. Richardson, Igniting the Caribbean’s Past: Fire in British West Indian History,
Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2004.
4. Daniel Yergin, The Prize: The Epic Quest for Oil, Money & Power, New York, Simon &
Schuster, 2014 [1990].
5. Comité officiel d’assistance et de secours aux sinistrés de la Martinique, Archives
nationales d’outre-mer, FM AFFPOL 782/2, 1909.
6. Nelly Schmidt, « Procès et condamnés politiques en Guadeloupe : 1848-1871 », in Philippe
Vigier, Alain Faure (dir.), Répression et prison politiques en France et en Europe au
e
XIX siècle, Paris, Créaphis, 1990.
7. Jonathan M. Katz et Danica Coto, « Unrest in Caribbean Has Roots in Slavery Past », San
Diego Union-Tribune, 22 février 2009.
8. Archives départementales de la Guadeloupe, transmission d’un rapport de M. le Procureur
Général au sujet des incendies qui ont eu lieu à la Grande-Terre, 1 Mi 677, 15 mars 1899.
Sexualités, domination
et colonialisme
Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch,
Christelle Taraud et Dominic Thomas
En 1865, au milieu de ces débats, le Sénat adopte une loi qui accorde
aux communautés autochtones d’Algérie la nationalité française tout en leur
refusant la citoyenneté 21. D’un côté, cette loi accorde pour la première fois
un statut officiel aux autochtones algériens 22. De l’autre, elle ouvre une voie
officielle très étroite pour l’obtention de la citoyenneté française. En même
temps, la loi marque un tournant définitif par rapport à l’idée que l’Algérie
est une nation arabe et n’accorde aux autochtones que peu de sécurité
supplémentaire en échange, voire aucune. Napoléon III reste au pouvoir en
France durant cinq années supplémentaires, mais après 1865 il se détourne
de plus en plus de l’Algérie, et ses rêves de bâtir un nouveau style d’empire
français disparaissent également, notamment après le renversement de
Ferdinand Maximilien au Mexique. À la fin des années 1860, son
« empire » redevient une affaire essentiellement intérieure.
Les réformes initialement proposées par Napoléon III ont donc fait long
feu en Algérie, tout comme son expédition militaire a échoué au Mexique.
Le royaume arabe n’a pas, en définitive, protégé et renforcé une nation
arabe. Comme au Mexique, la tentative de Napoléon III de remodeler
l’Empire français s’est effondrée face à la résistance locale sur le terrain.
Ces échecs se répercutent sur la métropole ; l’expédition mexicaine, en
particulier, contribue à discréditer l’empire bonapartiste dans le pays.
Ils ont néanmoins eu des effets importants : l’émergence d’un consensus
selon lequel l’empire colonial – et en particulier le colonialisme de
peuplement – pouvait et devait être un projet républicain. Sa recherche de la
latinité et d’un empire méditerranéen était née des contradictions ou des
tensions encore irrésolues des conceptions de l’empire, de la nation, du
territoire d’outre-mer et de la citoyenneté au XIXe siècle. Ces tensions
permanentes allaient également façonner les tentatives républicaines
postnapoléoniennes d’expliquer et de justifier l’expansion du territoire
français d’outre-mer dans les années 1870 et 1880 – et elles allaient être
compliquées par l’héritage dérangeant de Napoléon III lui-même.
1. Ce texte, traduit de l’anglais, est issu de l’article de Christina Carroll, « Imperial Ideologies
in the Second Empire: The Mexican Expedition and the “Royaume arabe” », French
Historical Studies, volume 42, no 1, février 2019. Copyright 2019, Society for French
Historical Studies. Tous droits réservés. Réédité avec l’autorisation de l’éditeur.
2. Benjamin Brower, A Desert Named Peace: The Violence of France’s Empire in the
Algerian Sahara, 1844-1902, New York, Columbia University Press, 2009.
3. Napoléon III, « Discours d’ouverture de la session législative de 1868 », in Œuvres de
Napoléon III, Paris, Plon, 1869.
4. Michele Cunningham, Mexico and the Foreign Policy of Napoléon III, New York,
Palgrave, 2001.
5. Sudhir Hazareesingh, « Napoleonic Memory in Nineteenth-Century France: The Making of
a Liberal Legend », MLN, volume 120, no 4, 2005.
6. Alfred Hanna, Kathryn Hanna, Napoleon III and Mexico: American Triumph Over
Monarchy, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1971.
7. Kristine Ibsen, Maximilian, Mexico, and the Invention of Empire, Nashville, Vanderbilt
University Press, 2010.
8. Napoléon III, La Politique impériale exposée par les discours et proclamations de
l’Empereur Napoléon III, Paris, Plon, 1868.
9. Martin Staum, Labeling People: French Scholars on Society, Race, and Empire, 1815-
1848, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2003.
10. Patricia Lorcin, Imperial Identities: Stereotyping, Prejudice, and Race in Colonial
Algeria, New York, I. B. Tauris, 1995.
11. Alice Conklin, In the Museum of Man: Race, Anthropology, and Empire in France, 1850-
1950, New York, Cornell University Press, 2013 ; Carole Reynaud-Paligot, De l’identité
nationale. Science, race et politique en Europe et aux États-Unis, Paris, Presses universitaires
de France, 2011.
12. Guy-Alain Dugast, La Tentation mexicaine en France au XIXe siècle. L’image du Mexique
et l’intervention française, Paris, L’Harmattan, 2008.
13. Nancy Barker, The French Experience in Mexico, 1821-1861: A History of Constant
Misunderstanding, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1979.
14. Prosper Enfantin, Colonisation d’Algérie, Paris, P. Bertrand, 1843.
15. Patricia Lorcin, « Rome and France in Africa: Recovering Colonial Algeria’s Latin Past »,
French Historical Studies, volume 25, no 2, 2002.
16. Gaël Nofri, Napoléon III, visionnaire de l’Europe des nations, Paris, Guibert, 2010.
17. Jennifer Sessions, By Sword and Plow: France and the Conquest of Algeria, Ithaca,
Cornell University Press, 2011.
18. Osama Abi-Mershed, Apostles of Modernity: Saint-Simonians and the Civilizing Mission
in Algeria, Stanford, Stanford University Press, 2010.
19. René de Saint-Félix, Le Voyage de S. M. L’Empereur Napoléon III en Algérie, Paris,
Eugène Pick, 1865.
20. David Prochaska, Making Algeria French: Colonialism in Bône, 1870-1920, New York,
Cambridge University Press, 1990.
21. Charles-Robert Ageron, L’Algérie algérienne. De Napoléon III à de Gaulle, Paris,
Sindbad, 1980.
22. Laure Blévis, « La citoyenneté française au miroir de la colonisation. Étude des demandes
de naturalisation des “sujets français” en Algérie coloniale », Genèses, no 53, 2003.
Les débuts de la conquête
de l’Indochine (1858-1873)
Pierre Brocheux et Daniel Hémery
La pause (1867-1878)
Le coût de la colonisation est estimé très élevé, étant donné ses coûts
directs et indirects. Il existe des coûts publics liés aux dépenses militaires,
mais aussi des coûts liés aux dépenses d’infrastructure et de fonctionnement
durant les premières années – « l’État ne peut faire des conquêtes, retenir
sous sa domination des pays lointains, détourner le cours naturel du
commerce par l’action des douanes, sans multiplier beaucoup le nombre de
ses agents 16 » – auxquelles doivent s’ajouter les dépenses induites.
Il y a ensuite un manque à gagner qui repose sur le fait que la
colonisation consiste à détourner des investissements de la France vers les
colonies. En raison des subventions accordées, on rend artificiellement
rentables des investissements qui ne le seraient pas autrement : « Des
intérêts naturels disparaissent sur un point, des intérêts factices se créent
sur un autre 17. » Gustave de Molinari développe le même argument de la
rentabilité artificielle des investissements coloniaux : « En se chargeant
d’établir à leurs frais des colonies et de pourvoir à leur sûreté, les
gouvernements d’Europe accordaient de véritables subventions aux
entreprises de colonisation. Quel était le résultat de ces subventions ?
C’était de donner aux capitaux de la métropole une direction artificielle,
direction plus mauvaise, moins fructueuse que celles qu’ils auraient prises
d’eux-mêmes. […] En subventionnant la colonisation, les gouvernements
d’Europe dépouillaient certaines branches de travail pour en favoriser
d’autres qui étaient en réalité moins productives 18. »
Finalement, la colonie est plus une sorte d’excroissance artificielle dont
on devrait se débarrasser au plus vite en raison des bases fragiles sur
lesquelles elle repose. Frédéric Bastiat le résume très bien d’ailleurs en
prenant soin de souligner que la colonisation n’est pas seulement un
investissement subventionné mais qu’elle est aussi une opération hostile la
plupart du temps, et donc fragile : « Lorsque pour se créer des débouchés,
une nation a recours à la violence, elle ne doit point s’aveugler : il faut
qu’elle sache qu’elle soulève au-dehors toutes les énergies sociales, et elle
doit être préparée à être toujours et partout la plus forte, car le jour où
cette supériorité serait seulement incertaine, ce jour-là serait celui de la
réaction 19. »
1. . Ce texte est issu d’un précédent article, « La question coloniale et la pensée économique
libérale française (1830-1914) », L’Économie politique, no 64, 2014.
2. Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, La Table ronde, 1972.
e
3. Claude Liauzu, Histoire de l’anticolonialisme en France du XVI siècle à nos jours, Paris,
Armand Colin, 2007.
4. Jennifer Pitts, A Turn to Empire : The Rise of Imperial Liberalism in Britain and France,
Princeton, Princeton University Press, 2005.
5. Raoul Girardet, op. cit.
6. Hubert Bonin, Catherine Hodeir, Jean-François Klein (dir.), L’Esprit économique impérial
(1830-1970), Paris, Société française d’histoire des outre-mers, 2008.
7. Frédéric Bastiat, Œuvres complètes mises en ordre, revues et annotées d’après les
manuscrits de l’auteur (6 tomes), Paris, Guillaumin, première édition 1854-1855 ; seconde
édition en deux volumes, 1862.
8. Ibid.
9. Adolphe Blanqui, Rapport sur la situation économique de nos possessions dans le nord de
l’Afrique, Paris, Coquebert, 1840.
10. Gustave Molinari, « Colonies », in Charles Coquelin, Gilbert Guillaumin (dir.),
Dictionnaire de l’économie politique, Paris, Guillaumin, 2 tomes, 1853.
11. Adolphe Blanqui, Cours d’économie industrielle, 1837-1838, Paris, J. Angé, 2 tomes,
1837.
12. Joseph Garnier, Traité d’économie politique, sociale ou industrielle, Paris, Garnier Frères
et Guillaumin, 1873.
13. Gustave Molinari, « Colonies », in Charles Coquelin, Gilbert Guillaumin (dir.),
Dictionnaire de l’économie politique, op. cit.
14. Adolphe Blanqui, Cours d’économie industrielle, op. cit.
15. Joseph Clément Juglar, Journal des économistes, tome 36, juillet-septembre, 1853.
16. Frédéric Bastiat, op. cit.
17. Ibid.
18. Gustave Molinari, « Colonies », in Charles Coquelin, Gilbert Guillaumin (dir.),
Dictionnaire de l’économie politique, op. cit.
19. Frédéric Bastiat, op. cit.
20. Claude Liauzu, op. cit.
21. Raoul Girardet, op. cit.
22. Charles Gide (1886), « Compte rendu de Paul Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les
peuples modernes », in Marc Pénin, Œuvres de Charles Gide. Contribution à la Revue
d’économie politique (1887-1931) (volume 5), Paris, L’Harmattan, 2003.
23. Paul Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les peuples modernes, Paris, Guillaumin et
Cie, 1882 [1874].
24. Paul Leroy-Beaulieu, « Colonisation au XIXe siècle », in Léon Say, Joseph Chailley-Bert
(dir.), Nouveau Dictionnaire d’économie politique, Paris, Guillaumin, 1900 [2e édition].
25. Ibid.
26. Ibid.
27. Charles Gide (1886), « Compte rendu de Paul Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les
peuples modernes », in Marc Pénin, Œuvres de Charles Gide, op. cit.
28. Ibid.
29. Léon Say, Joseph Chailley-Bert (dir.), Nouveau Dictionnaire d’économie politique, Paris,
Guillaumin et Cie, 1891-1892 (1re édition).
30. Léon Walras, « De la constitution de la propriété en Algérie » [1863], in Pierre Dockès et
alii (dir.), Œuvres économiques complètes d’Auguste et Léon Walras, volume 7, Mélanges
d’économie politique et sociale, Paris, Économica, 1987.
31. Léon Walras, « Colonisation » (1898), op. cit.
32. Léon Walras, « De la constitution de la propriété en Algérie » [1863], op. cit.
33. Paul Leroy-Beaulieu (1874), op. cit.
34. Ibid.
35. Frédéric Passy, « De l’utilité ou de l’inutilité des colonies », contribution au débat de la
Société d’économie politique, Journal des économistes, tome 33, 4e série, janvier-mars 1886.
36. Ibid.
37. Paul Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les peuples modernes, op. cit.
38. Joseph Chailley-Bert (1900), op. cit.
39. Paul Leroy-Beaulieu (1874), op. cit.
40. Ibid.
La conquête de la Tunisie
Sophie Bessis
Spoliation et exploitation
Les archives nous permettent de décrire les pratiques engendrées par ces
dispositifs, compromis entre la volonté du gouvernement métropolitain
d’accroître l’émigration et les réticences de l’administration coloniale à
l’égard d’une immigration dont le contrôle lui échapperait. Ces impératifs
contradictoires dessinent le portrait d’un migrant « désirable », en bonne
santé, de bonne moralité et doté de qualifications professionnelles. De
même que l’État s’efforçait de contrôler les mouvements de population à
l’intérieur du territoire français, les autorités locales ont joué un rôle
fondamental dans la gestion des flux vers l’Algérie. C’est aux préfets qu’on
confie la responsabilité de trier les « bons » migrants des « indésirables »,
tâche dont ils se sont acquittés en demandant aux fonctionnaires plus
proches de la population (sous-préfets, maires, commissaires de police) de
vérifier l’identité des demandeurs de passeport ou de passage gratuit et
d’enquêter sur leur situation financière, morale et professionnelle.
Un véritable matériel de propagande fut envoyé aux préfets et aux
maires qui firent publier des articles dans la presse locale, afficher des
placards sur les bâtiments publics et distribuer des livrets d’information
rédigés par le ministère de la Guerre. Pour les candidats à l’émigration, ces
fonctionnaires jouaient le rôle d’intermédiaires dans leurs démarches auprès
des préfets ou du ministère pour obtenir un passeport et un passage gratuit.
En pratique, l’importance donnée à l’administration locale s’est révélée
être à la fois un atout et une difficulté pour le contrôle administratif de
l’émigration coloniale, dans la mesure où ces fonctionnaires profitaient de
leur connaissance des candidats à l’émigration pour faire avancer ou au
contraire détourner les objectifs de leurs supérieurs hiérarchiques. Les
tensions entre l’État métropolitain, ses services décentralisés et
l’administration coloniale en Algérie sur la question de l’émigration
reflètent le paradoxe au cœur de tout projet de fondation d’une colonie de
peuplement : les fonctionnaires à tous les niveaux sont alors en situation de
se disputer des populations qu’ils considèrent désirables sur le plan social,
moral et économique.
On peut toutefois dégager deux autres conclusions de cette analyse
succincte de l’encadrement de l’émigration vers l’Algérie dans les dix
premières années de la conquête. D’une part, il existe une continuité
frappante dans la manière dont l’administration se représente les migrants et
tout particulièrement les plus pauvres d’entre eux. Même si, à partir des
années 1840, avec le développement des ouvrages de travaux publics, les
travailleurs entrent dans la catégorie de « migrants désirables », l’opposition
entre « désirable » et « indésirable » reste au fondement de la politique
d’émigration – que ses objectifs soient d’intensifier ou au contraire de
ralentir les flux vers l’Algérie. D’autre part, l’idéal affirmé à l’époque de la
colonisation agricole n’a que très partiellement correspondu aux besoins
réels d’un projet de peuplement.
La plupart des vingt mille individus qui s’étaient vu accorder un
passage gratuit entre 1841 et 1845 venaient d’un milieu urbain et exerçaient
des métiers artisanaux. Les analyses quantitatives faites à partir des
registres tenus par le ministère de la Guerre pendant cette période révèlent
non seulement que les trois quarts des bénéficiaires des passages gratuits
étaient originaires de communes de plus de deux mille habitants, mais aussi
que plus de la moitié d’entre eux résidaient dans les plus grandes villes de
France. Le portrait type du migrant assisté était bien loin du colon idéal
envisagé par les promoteurs de la colonisation de peuplement en Algérie, et
les individus admis à recevoir des aides à l’émigration dans les années 1840
ressemblaient au contraire à ceux dont se plaignaient si souvent les autorités
coloniales. Leur départ vers l’Algérie était précisément motivé par le désir
de fuir une situation critique, sur le plan économique ou familial.
Il faudrait poursuivre l’analyse pour obtenir une image plus précise des
stratégies d’émigration coloniale et des expériences de migrants en Algérie.
Des taux de mortalité élevés et un fort turnover suggèrent que pour
beaucoup l’émigration n’aura été qu’une courte parenthèse. Nous savons
encore très peu de choses des interactions entre les migrants français et la
population locale en Algérie, ou des relations sociales à l’intérieur de la
communauté européenne polyglotte durant la période de la conquête.
Cependant, le caractère paradoxal de la politique d’émigration des
premières années de la présence française est indiscutable. Faire de
l’Algérie une colonie de peuplement apparaissait comme une solution aux
difficultés de la France postrévolutionnaire, mais l’émigration d’individus
perturbateurs représentait une menace pour un ordre colonial en formation.
Ces difficultés, et le fait que les aides à l’émigration étaient considérées par
les agents de l’État comme une forme d’assistance, ont conduit à définir les
pauvres, les travailleurs migrants et les citadins comme des « indésirables »
à exclure de la colonie. L’idéal d’une colonisation agricole et familiale s’est
trouvé en porte-à-faux avec les réalités de la guerre de conquête et de
l’économie coloniale : une colonisation agricole à grande échelle exigeait
une infrastructure civile et militaire que seuls des ouvriers professionnels,
venant de milieux urbains, pouvaient bâtir. D’où le paradoxe d’une
politique française d’émigration qui se donne pour tâche d’identifier, de
recruter et de soutenir des migrants considérés comme indésirables.
Ce paradoxe ne se limite d’ailleurs pas aux émigrants français : en dépit
de la politique officielle favorisant l’émigration en provenance de la
métropole, le peu d’empressement des Français à s’installer en Algérie a
conduit le ministère de la Guerre à étendre les programmes d’assistance à
tous les Européens, quand ceux-ci ont été mis en place en 1838 8. De fait,
l’immigration méditerranéenne a été implicitement tolérée et l’encadrement
administratif des flux de migrants a donc surtout concerné les travailleurs
français.
Ce paradoxe d’une émigration assistée quoique indésirable est
caractéristique de la période de conquête pendant laquelle les autorités
étaient particulièrement sensibles à la précarité de la présence française en
Algérie. Ce n’est qu’avec la fin de la conquête militaire en 1857, suivie de
l’augmentation importante de la population européenne en Algérie, que les
fondements de la politique d’émigration ont changé de nature. Si en 1848 le
projet de colonies agricoles s’inscrit dans le programme républicain, la
réglementation en vigueur n’a pas fondamentalement changé, et à la fin du
siècle, les concessions agricoles étaient devenues le principal moyen
d’encourager l’émigration coloniale. Les passages gratuits ou
subventionnés ne concernaient plus que les concessionnaires qui étaient
chefs de famille français avec des connaissances agricoles, des ressources
d’au moins cinq mille francs, et l’intention de rester sur la terre algérienne
pour un minimum de cinq ans.
Des conditions similaires avaient été imposées aux concessionnaires
dès les premières cessions de terre dans le but d’éviter la spéculation
foncière et de s’assurer que les propriétaires exploiteraient eux-mêmes leurs
terres. Cet aspect de la politique coloniale n’avait donc rien de nouveau.
Mais la limitation des passages gratuits aux colons-concessionnaires
marqua une inflexion importante par rapport aux premières politiques
d’émigration assistée qui visaient avant tout les colons-ouvriers.
L’exclusion ultérieure des migrants de la classe ouvrière des programmes
d’assistance souligne les particularités de la période de conquête, au cours
de laquelle les impératifs de sécurité et de développement de
l’infrastructure l’avaient emporté sur l’idéologie de la colonisation agricole.
Avec l’instauration d’un régime civil et l’assimilation administrative à
la France sous la IIIe République, les objectifs de la politique d’émigration
prirent davantage en compte les nécessités de la colonisation dans les zones
rurales. Les migrants issus de la classe ouvrière étaient désormais libres de
se rendre dans les départements algériens, mais à leurs frais. Dorénavant, le
gouvernement n’offrirait son assistance qu’aux personnes habilitées à
recevoir des concessions de terres et capables de contribuer utilement au
développement de la colonisation rurale.
1. Ce texte est issu de l’article de Jennifer Sessions, « Le paradoxe des émigrants indésirables
pendant la monarchie de Juillet, ou les origines de l’émigration assistée vers l’Algérie », Revue
d’histoire du XIXe siècle, no 41, 2010.
2. Jean-Baptiste Say, Cours complet d’économie politique pratique, Paris, Rapilly, 1829.
3. Eugène Lerminier, « De la conservation d’Alger », Revue des Deux Mondes, 1836.
4. Jean-Jacques Baude, Archives nationales F7 3885, Bulletin de Paris, 4 janvier 1831.
5. Nancy Green, François Weil (dir.), Citoyenneté et émigration. Les politiques du départ,
Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2006.
6. Archives départementales de Corrèze 6M 400, circulaire du ministre de l’Intérieur,
18 mai 1831.
7. Archives nationales d’outre-mer, F80 1793, circulaire du ministre de l’Intérieur,
30 août 1838.
8. Jennifer Sessions, « “L’Algérie devenue française” : The Naturalization of Non-French
Colonists in French Algeria, 1830-1849 », Proceedings of the Western Society for French
History, tome 30, 2002.
Colons et colonisateurs dans
l’Empire
Christelle Taraud
Assimilation et colonisation
1. . Ce texte est issu du livre de Christelle Taraud, Idées reçues sur la colonisation. La France
et le monde, XVIe-XIXe siècles, Paris, Le Cavalier Bleu, 2018.
2. Jean-François Klein, Claire Laux (dir.), Les Sociétés coloniales à l’âge des empires.
Afrique, Antilles, Asie, années 1850-années 1950, Paris, Ellipses, 2012 ; Isabelle Surun (dir.),
Les Sociétés coloniales à l’âge des empires, 1850-1960, Paris, Atlande, 2012 ; François
Dumasy, Odile Goerg, Xavier Huetz de Lemps (dir.), Les Sociétés coloniales à l’âge des
Empires, Paris, Bréal, 2012.
3. Dominique Lejeune, Les Sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au
e
XIX siècle, Paris, Albin Michel, 1993 ; Isabelle Surun, « L’exploration de l’Afrique au
e
XIX siècle : une histoire pré-coloniale au regard des postcolonial studies », Revue d’histoire du
e o
XIX siècle, n 32, 2006.
4. Bruno Étienne, Abdelkader, Paris, Hachette, 1994 ; Smaïl Aouli, Ramdane Redjala,
Philippe Zoummeroff, Abd el-Kader, Paris, Fayard, 1994 ; Ahmed Bouyerdene, Abd el-Kader.
L’harmonie des contraires, Paris, Seuil, 2008.
e
5. Catherine Coquery-Vidrovitch, L’Afrique et les Africains au XIX siècle. Mutations,
révolutions, crises, Paris, Armand Colin, 1999.
6. Pierre Brocheux, Daniel Hémery, Indochine. La colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris,
La Découverte, 2001 ; Kham Vorapheth, Commerce et colonisation en Indochine (1860-1945).
Les maisons de commerce françaises, un siècle d’aventure humaine, Paris, Les Indes Savantes,
2004.
7. Edward Berenson, Les Héros de l’Empire. Brazza, Marchand, Lyautey, Gordon et Stanley à
la conquête de l’Afrique, Paris, Perrin, 2012 ; Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser.
Exterminer. De la guerre et de l’État colonial, Paris, Fayard, 2005.
8. Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale, 1830-1954, Paris, La Découverte, 1994.
9. Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale de la France, Paris, Calmann-Lévy,
1947 [1871].
10. Arthur Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, Paris, Larose, 1904
[1894].
L’indigénat dans l’Empire français
Sylvie Thénault
Le décret du 15 avril 1902 qui organisa une nouvelle fois la justice dans
les colonies de la Guinée, de la Côte-d’Ivoire et du Dahomey ne contenait
toujours aucune prescription formelle quant à l’organisation des juridictions
indigènes. Une innovation importante consistait toutefois à faire cesser leur
incompétence en matière criminelle, sous la double condition que le crime
eût été perpétré hors du ressort des tribunaux français et n’eût ni pour auteur
ni pour complice un Français, un Européen ou assimilé, ni même un
indigène des pays annexés 16. Mais cette reconnaissance était limitée par le
fait que les peines prononcées par les tribunaux indigènes devaient être
soumises à un tribunal d’homologation lorsqu’elles étaient supérieures à un
an d’emprisonnement. Cette juridiction supérieure siégeait au chef-lieu de
la colonie et comprenait, sous la présidence d’un magistrat français, deux
autres Français choisis par le chef du service judiciaire et deux sujets
indigènes.
Le système changea pour de bon avec le décret du 10 novembre 1903
qui concerna cette fois toute l’A-OF. Cet acte constitua une rupture avec les
textes précédents dans la mesure où il proposa d’organiser la justice
coutumière sous le contrôle d’institutions coloniales. Aux tribunaux de
village revenaient la répression des contraventions, aux tribunaux de
province les délits et enfin aux tribunaux de cercle les crimes (art. 58), à
l’exception de ceux qui étaient réservés aux tribunaux français (art. 34). Le
tribunal de province devait être présidé par le chef de province, assisté de
deux notables, nommés par le gouverneur de la colonie. L’appel de ces
décisions revenait au tribunal de cercle, présidé par l’administrateur
accompagné de deux notables assesseurs. Les jugements devaient être
rédigés, motivés avec un court exposé des faits, les conclusions des parties,
les dépositions des témoins et les noms des juges. La législation applicable
par les tribunaux indigènes ainsi organisés était énoncée dans l’article 75 du
décret : « La justice indigène appliquera en toute matière les coutumes
locales, en tout ce qu’elles n’ont pas de contraires aux principes de la
civilisation française 17. »
Cela signifiait en principe qu’« en toutes matières », c’est-à-dire y
compris dans le domaine criminel, la voix des assesseurs répercutant les
« coutumes locales » devait être prise en compte par l’administrateur. Ces
assesseurs étaient donc les garants du savoir juridique local mais, outre le
fait que les critères de nomination à ces fonctions n’étaient pas définis, le
transfert de leur connaissance se faisait dans un rapport de force inégal. En
effet, aux termes de l’article 60 du décret du 10 novembre 1903, ils
n’avaient que voix consultative et c’est le président du tribunal de cercle qui
prononçait seul la peine (contrairement à l’organisation des tribunaux
français où les assesseurs des cours d’assises avaient voix délibérative, en
vertu du décret du 10 novembre 1903, article 42). Le strict respect des
coutumes était tempéré par un principe d’atténuation fondamental puisqu’il
réservait la possibilité d’écarter du droit local toutes les dispositions qui
seraient « contraires aux principes de la civilisation française ». Le texte de
l’article 75 substituait l’emprisonnement aux châtiments corporels.
L’on saisit donc comment le droit colonial français s’échafauda par
tâtonnements empiriques, au cœur d’une tension entre principes
universalistes et exigences politico-administratives. Si la confusion des
pouvoirs était inadmissible pour les institutions françaises, elle fut
consacrée en A-OF par la réforme de 1903 sur la justice indigène.
Un autre enseignement concerne la sensibilité différente des acteurs
coloniaux à certains principes fondamentaux du droit. L’intégration
progressive de magistrats dans l’organisation de la justice coloniale entraîna
un certain nombre de tensions avec l’administration. Les premiers, chargés
de contrôler les décisions administratives, révélèrent un grand nombre
d’irrégularités dans l’application de l’indigénat et de la justice indigène.
Les administrateurs considéraient souvent la justice indigène et le Code
de l’indigénat comme deux champs d’action interchangeables. Les
magistrats étaient mus quant à eux par une certaine tendance universaliste,
considérant qu’il existe un droit naturel applicable en toutes circonstances.
Leurs interventions répétées au sujet de certains abus eurent le mérite de
clarifier un certain nombre de limites de compétences, mais le rôle central
de l’administrateur dans le fonctionnement de l’indigénat et de la justice
indigène ne fut à aucun moment remis en question par les autorités
coloniales avant les grandes réformes de 1946.
1. Ce texte est issu d’un article publié sous le titre : « Deux conceptions de l’action judiciaire
aux colonies. Magistrats et administrateurs en Afrique occidentale francaise (1887-1912) »,
Clio@Themis [en ligne], no 4, 2011.
2. Annexe au Code pénal applicable spécialement aux musulmans indigènes ou étrangers de
l’Algérie, Alger, 1871.
3. Journal officiel de la République française [JORF], 5 septembre 1874, no 243 ; JORF,
24 septembre 1874.
4. JORF, 24 septembre 1874.
5. Cité in Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France (1871-1919), Paris,
Presses universitaires de France, 1968.
6. Casimir Fournier, JORF, Sénat, Débats parlementaires, séance du 18 juin 1881.
7. Ibid.
8. Ibid.
9. Paul Le Breton, JORF, Sénat, Débats parlementaires, séance du 22 juin 1888.
10. Moniteur du Sénégal, 5 novembre 1887.
11. Journal officiel du Sénégal et Dépendances, 1er novembre 1888.
12. Emmanuelle Saada, « Citoyens et sujets de l’Empire français. Les usages du droit en
situation coloniale », Genèses, no 53, décembre 2003.
13. Décret du 26 juillet 1894, Journal officiel du Dahomey [JOD], 1er octobre 1894.
14. Albert Nebout, Passions africaines. Récit, Genève, Eboris, 1995.
15. « Rapport du ministre des Colonies au président de la République, suivi d’un décret
portant réorganisation du service de la justice dans les colonies de la Guinée française, de la
Côte-d’Ivoire et du Dahomey », Paris, 6 août 1901.
16. Décret du 15 avril 1902, articles 15 et 17.
17. Décret du 10 novembre 1903, article 75.
Les gouverneurs dans
les colonies françaises entre 1880
et 1914
Nathalie Rezzi
1. Ce texte reprend partiellement deux anciens articles de Nathalie Rezzi, « Les gouverneurs
dans les colonies françaises entre 1880 et 1914 : un modèle de fonctionnaires coloniaux ? »,
Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent, 2007 et « Les rapports entre les pouvoirs
locaux et le pouvoir central dans les colonies françaises entre 1880 et 1914 », in Samia El
Mechat (dir.), Les Administrations coloniales, XIXe-XXe siècles. Esquisse d’une histoire
comparée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
2. William B. Cohen, Empereurs sans sceptre. Histoire des administrateurs de la France
d’outre-mer et de l’école coloniale, Paris, Berger-Levrault, 1973 ; Véronique Hélénon, Les
Administrateurs coloniaux originaires de Guadeloupe, Martinique et Guyane dans les colonies
françaises d’Afrique, 1880-1939, Paris, EHESS, 1997.
3. Isabelle Dion, Pierre Savorgnan de Brazza. Au cœur du Congo, Marseille, Images en
manœuvres, 2007.
4. Marc Michel, Gallieni, Paris, Fayard, 1989.
5. Lewis H. Gann, Peter Duignan, African Proconsuls: European Governors in Africa,
Stanford, Hoover Institution, 1978 et The Rulers of British Africa (1870-1914), Stanford,
Hoover Institution, 1978.
6. Jeanne Siwek-Pouydesseau, Le Corps préfectoral sous la Troisième et la Quatrième
République, Paris, FNSP, 1969.
7. Nathalie Rezzi, « Les gouverneurs français de 1880 à 1914 : essai de typologie », Outre-
Mers, tome 99, no 370-371, 2011.
8. Christophe Charle, Les Élites de la République (1880-1900), Paris, Fayard, 1987.
9. Jean Estèbe, Les Ministres de la République (1871-1914), Paris, FNSP, 1982.
10. Cité par Jean-Pierre Biondi, Gilles Morin, Les Anticolonialistes (1891-1962), Paris,
Hachette, 1993.
11. Joseph Chailley-Bert, Dix années de politique coloniale, Paris, Armand Colin, 1902.
12. Louis Henrique-Duluc, La Politique coloniale, 19 février 1902.
La sécularisation du personnel
enseignant en Guadeloupe (1880-
1914). Enjeux sexués et raciaux
en contexte colonial
Clara Palmiste
Enjeux de pouvoir
1. Cet article est issu de Clio. Femmes, Genre, Histoire, volume 2, no 50, 2019
[https://www.cairn.info/revue-clio-femmes-genre-histoire-2019-2-page-37.htm].
2. Bulletin officiel de la Guadeloupe, « Arrêté concernant l’ouverture des classes élémentaires
pour les jeunes esclaves », 20 octobre 1846.
3. Nelly Schmidt, « Suppression de l’esclavage, système scolaire et réorganisation sociale aux
Antilles : les Frères de l’Instruction chrétienne, témoins et acteurs, instituteurs des nouveaux
libres », Revue d’histoire moderne et contemporaine, volume 31, no 2, 1984.
4. Bulletin de l’enseignement primaire de la Guadeloupe et dépendances, no 6, no 7, no 8, no 9,
mars-avril-mai et juin 1901.
5. Antoine Abou, L’École dans la Guadeloupe coloniale, Paris, Éditions Caribéennes, 1988.
6. Annuaire de la Guadeloupe, 1890.
7. Bulletin de l’enseignement primaire de la Guadeloupe et dépendances, no 7 et no 8, avril et
mai 1900.
8. Archives départementales de Guadeloupe, « Procès- verbaux des réunions des professeurs
du cours secondaire de jeunes filles, Michelet, Pointe-à-Pitre. Le cours Michelet : historique »,
cote 1J148.
9. Bulletin de l’enseignement primaire de la Guadeloupe et dépendances, no 11, no 12, août et
septembre 1901.
10. Journal officiel de la Guadeloupe, mercredi 25 novembre 1903.
11. Le Peuple, 1er avril 1894.
12. Philippe Cherdieu, « L’échec d’un socialisme colonial : la Guadeloupe (1891-1914) »,
Revue d’histoire moderne et contemporaine, volume 31, no 2, 1984.
13. Le Peuple, 30 août 1891.
14. Le Peuple, 12 septembre 1891.
15. Antoine Abou, op. cit.
16. Philippe Delisle, « La Caraïbe francophone, un refuge incertain », in Patrick Cabanel,
Jean-Dominique Durand (dir.), Le Grand Exil des congrégations religieuses françaises, 1901-
1914, Paris, Le Cerf, 2005.
17. « À l’école communale des sœurs », Le Peuple, 1er au 5 novembre 1892.
18. « La fédération des élus socialistes de la Guadeloupe en Assemblée ordinaire, le 2 mars
1905 », Archives nationales d’outre-mer, FM, Série géographique, Guadeloupe, carton 241,
dossier 1466.
19. Clara Palmiste, « Utilisation de la mémoire de l’esclavage dans les revendications des
féministes guadeloupéennes (1918-1921) », Sextant, no 24-25, 2008.
20. L’Émancipation, no 96, 25 décembre 1903.
21. Bulletin de l’enseignement primaire de la Guadeloupe et dépendances, no 2,
décembre 1903, no 3, janvier 1904 et no 4, février 1904.
22. Jean-François Condette (dir.), Éducation, religion, laïcité (XVIe-XXe siècle). Continuités,
tensions et ruptures dans la formation des élèves et des enseignants, Lille, Publications de
l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2010
[http://books.openedition.org/irhis/2757].
23. Archives départementales de Guadeloupe, « Rapport sur le service de l’Instruction
publique », 1Mi 671, carton 35, dossier 310, 1901.
24. Le Peuple, 9 septembre 1899.
25. Philippe Delisle, op. cit.
26. « Laïcisation des écoles (1905-1911) », Archives nationales d’outre-mer, FM, Série
géographique, Guadeloupe, carton 241, dossier 1466.
27. « Laïcisation des écoles (1905-1911). Rapport Loges “Les disciples d’Hiram” et la “Paix”.
Rapport sur les agissements des Pères du Saint-Esprit établis à la Guadeloupe », Archives
nationales d’outre-mer, FM, Série géographique, Guadeloupe, carton 241, dossier 1466, 1917.
28. Le Peuple, 20 juillet 1891.
Les missions catholiques
et la colonisation française sous
e
la III République
Claude Prudhomme
1. Ce texte est paru dans sa version intégrale dans Social Sciences and Missions, no 21, 2008.
2. Claude Prudhomme, Missions chrétiennes et colonisation, Paris, Le Cerf, 2004.
3. Claude Prudhomme, « Le Saint-Siège et le protectorat des missions en Chine (XIXe-XXe
siècle) », in Patrice Morlat (dir.), La Question religieuse dans l’empire colonial français, Paris,
Les Indes Savantes, 2003.
4. François Renault, Le Cardinal Lavigerie, Paris, Fayard, 1992 (citation extraite de Le
Moniteur de Rome, journal officieux du Vatican, 7 octobre 1887).
5. Claude Prudhomme, Stratégie missionnaire du Saint-Siège sous Léon XIII (1878-1903),
Rome, Collection de l’École française de Rome, 1994.
6. Gilles Manceron, Marianne et les colonies, Paris, La Découverte, 2003.
7. Jacques Thobie, Gilbert Meynier, Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch,
Histoire de la France coloniale. L’apogée, 1871-1931, tome 2, Paris, Presses Pocket, 1996.
8. Ministère des Colonies, Exposition coloniale internationale et des pays d’Outre-Mer, Paris
1931, Rapport général présenté par le Gouverneur Général Olivier, tome 5, Sections
coloniales, 1931.
Le moment « impérial »
de l’histoire des sciences sociales
(1880-1910)
Pierre Singaravélou
1. Ce texte, revu et mis à jour, est issu de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Sandrine
Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution française à nos
jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
2. Voir l’ouvrage collectif de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo,
Sandrine Lemaire (dir.), Zoos humains. De la Vénus hottentote aux reality shows, Paris, La
Découverte, 2002.
3. Eugen Weber, La Fin des terroirs, Paris, Fayard, 1983.
e e
4. Alain Ruscio, Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français, XIX -XX siècles,
Bruxelles, Complexe, 1996.
5. Paul Broca, « Volume et forme du cerveau suivant les individus et les races », Bulletins de
la Société d’anthropologie de Paris, 1861. Voir la critique de Stephen Jay Gould, La Mal-
Mesure de l’homme, Paris, Ramsay, 1983.
6. Paul Topinard, « Les Hottentots au Jardin d’acclimatation », La Nature, 1888.
7. Jean-François-Albert du Pouget, marquis de Nadaillac, « Les Peaux-Rouges », La Nature,
1891.
8. Jean-François-Albert du Pouget, marquis de Nadaillac, « Les sciences anthropologiques à
l’Exposition universelle de 1889 », La Nature, 1889.
9. Jean-Camille Fulbert-Dumonteil, « Les Ashantis de l’Afrique équatoriale », Jardin
zoologique d’acclimatation, 1887.
10. Dominique Lejeune, Les Sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au
e
XIX siècle, Paris, Albin Michel, 1993.
11. Arthur Bordier, La Colonisation scientifique et les Colonies françaises, Paris, Reinwald,
1884.
12. Louis Henrique (dir.), Exposition coloniale de 1889. Les colonies françaises, 5 volumes,
Paris, Quantin, 1889.
Genre, sexualité et médecine
coloniale.
Identité « indigène » et discours
de vérité
Malek Bouyahia
1. Cet article est paru dans sa version intégrale dans Les Cahiers du genre, no 50, 2011.
2. Anne McClintock, « Race, classe, genre et sexualité : entre puissance d’agir et ambivalence
coloniale », Multitudes, volume 26, no 3, 2006.
3. Éric Deroo, « Représentations des médecins coloniaux dans l’imagerie populaire française,
1860-1960 », Médecine tropicale, volume 65, no 3, 2005 (l’auteur élargit cette acception à tous
ceux qui secondaient l’armée dans le domaine médical).
4. Yvonne Turin, Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale. Écoles, médecines,
religion, 1830-1880, Paris, Maspero, 1971.
5. Jack D. Ellis, The Physician-Legislators of France: Medicine and Politics in the Early
Third Republic, 1870-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
6. Jean-Pierre Bonnafont (Dr), Pérégrinations en Algérie, 1830 à 1842, Paris, Challamel Aîné,
1884.
7. Ann Laura Stoler, « Genre et moralité dans la construction impériale de la race », Actuel
Marx, volume 38, no 2, 2005.
8. Fabien Gouriou, « Le sexe des indigènes. Adolphe Kocher et la médecine légale en
Algérie », Droit et cultures, volume 60, no 2, 2010.
9. Patricia M. E. Lorcin, Kabyles, Arabes, Français. Identités coloniales, Limoges, Presses
universitaires de Limoges, 2005.
10. Taïeb Ould Morsly (Dr), Contribution à la question indigène en Algérie, Constantine,
impr. Marle et Biron, 1894.
11. Julia Clancy-Smith, « Le regard colonial : islam, genre et identités dans la fabrication de
l’Algérie française, 1830-1962 », Nouvelles Questions féministes, volume 25, no 1, « Sexisme
et racisme : le cas français », 2006.
12. Jules Harmand (Dr), Domination et colonisation, Paris, Flammarion, 1910.
13. Gilles Boëtsch, Jean-Noël Ferrié, « Le paradigme berbère : approche de la logique
classificatoire des anthropologues français du XIXe siècle », Bulletins et mémoires de la Société
d’anthropologie de Paris, nouvelle série, tome 1, no 3-4, 1989.
14. Jean-Joseph Maximilien Lasnavères (Dr), De l’impossibilité de fonder des colonies
européennes en Algérie, Paris, E. Thunot, 1866.
15. Elsa Dorlin, Myriam Paris, « Genre, esclavage et racisme : la fabrication de la virilité »,
Contretemps, no 16, « Postcolonialisme et immigration », 2006.
16. Édouard-Adolphe Duchesne (Dr), De la prostitution dans la ville d’Alger depuis la
conquête, Paris, J.-B. Baillière, 1853.
17. Frantz Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, Gallimard, 1991 [1961].
18. Antoine Porot, Don Côme Arrii, « L’impulsivité criminelle chez l’indigène algérien. Ses
facteurs », Annales médico-psychologiques, volume 90, no 2, 1932.
Conquêtes coloniales
et propagande
e
à la fin du XIX siècle
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel,
Alain Mabanckou et Dominic Thomas
Dans les deux premiers tiers du XIXe siècle, la propagande coloniale est
encore peu visible. La presse ne s’intéresse guère au sujet, les ouvrages sur
la question s’adressent à un public de spécialistes, les sociétés de
géographie ne touchent qu’un public restreint et les expositions sur les
colonies sont encore assez rares, sauf dans le cadre des deux expositions
universelles parisiennes. L’Exposition universelle devait être la vitrine de
cette « politique nouvelle ».
S’inscrivant dans l’héritage de la conquête de l’Algérie de 1830 et des
conquêtes du Second Empire, mais aussi de ce discours « propagandiste »
émergent, la IIIe République prend possession au début des années 1870
d’un domaine colonial qui s’étend sur un peu moins d’un million de
kilomètres carrés et rassemble un peu plus de cinq millions d’habitants.
Mais ce n’est qu’à partir de 1878-1879 qu’un net regain d’intérêt pour les
conquêtes s’affirme au sein des élites dirigeantes de la IIIe République,
soutenu à la fois par les républicains opportunistes qui arrivent au pouvoir
en 1880 et leur figure de proue Jules Ferry, mais aussi les missions
catholiques et plusieurs personnalités issues des milieux économique,
militaire et politique, formant l’embryon d’un véritable lobby colonial qui
pousse à l’expansion ultramarine.
Cependant, cette politique d’expansion coloniale, placée sous l’égide de
la « mission civilisatrice », est très loin de faire l’unanimité. À la Chambre,
dès 1880, elle est violemment contestée par la droite et les monarchistes,
qui estiment que les « aventures coloniales » détournent la nation de la
reconquête de l’Alsace et de la Lorraine, tout en ruinant les finances de
l’État.
Durant toute cette première phase de conquête (1880-1885), l’idée
coloniale désormais soutenue de manière croissante par le lobby colonial –
embryon du futur « parti colonial » – est dynamisée par la création en 1883
du Conseil supérieur des colonies, qui a pour mission de conseiller et de
guider la politique d’expansion coloniale du gouvernement. La propagande
est désormais nécessaire pour non seulement faire « connaître » le domaine
colonial mais aussi soutenir la politique d’expansion, débloquer les budgets
au Parlement et mobiliser l’opinion autour des « valeurs » de la République
afin d’obtenir son soutien. Le parti colonial, convaincu de la supériorité de
la civilisation européenne, présente la colonisation comme un « acte
généreux » à l’égard des « peuples sauvages », ce qui permet d’ancrer cette
entreprise ultramarine dans les idéaux de la République.
La nécessité de cette « mission civilisatrice » est affirmée par un
discours et des images de propagande, tous supports confondus, qui
présentent la conquête, en particulier en Afrique, comme une croisade
contre l’anthropophagie et l’esclavage, justifiant les expéditions militaires
face aux « ténèbres » des sociétés colonisées. Toute une imagerie se
développe, utilisant le plus souvent l’allégorie de la vertu émancipatrice du
drapeau français, rappelant que, depuis 1848, ceux qui le touchent sont
affranchis et libérés de l’esclavage en se plaçant sous la protection de la
France.
Or, à la fin des années 1880 et surtout au début des années 1890, une
série d’organismes – tels la Société française de colonisation en 1886, forte
de huit cents adhérents, le Comité de l’Afrique française en 1890 ou encore
l’Union coloniale en 1893 – vient renforcer le lobby colonial et essaime
dans l’opinion l’idée d’une Plus Grande France. La nouvelle dimension
prise par les colonies, désormais perçues comme un instrument de
puissance économique potentiel, se traduit également par la naissance
officielle d’un ministère des Colonies autonome en mars 1894, à l’origine
de la structuration et de l’organisation de la propagande coloniale en
France. La diffusion de l’idée coloniale en métropole passe par de
nombreux organismes étatiques et privés, dont les Instituts coloniaux sont
les principaux pivots régionaux.
Un véritable réseau se structure dès la fin des années 1890 à la suite de
la constitution du ministère des Colonies et jusqu’à la Grande Guerre avec
la création, en deux décennies, des principaux comités et organisations qui
ont pour mission de développer les liens entre la métropole et ses colonies
par la diffusion d’informations régulières visant à sensibiliser la population.
L’État reprend ce modèle et structure sa propagande autour de l’Office
colonial en 1899 sur des principes similaires, avec pour objectif de
centraliser et de diffuser les renseignements de toute nature visant à
renforcer les liens avec les colonies.
De multiples moyens sont progressivement mis en œuvre pour diffuser
la narration des « exploits » des héros coloniaux dans l’opinion. Les
expositions universelles en constituent le fer de lance. Pendant un demi-
siècle, de 1855 à 1900, Paris accueille le reste du monde et exhibe son
empire dans plusieurs expositions universelles. Ces expositions, à travers
des pavillons spécifiques et la venue de figurants et de décorums
éphémères, attire des dizaines de millions de visiteurs. L’incorporation de
l’idée coloniale, sur un fond de gloriole nationale, se produit d’abord par le
cheminement dans les décors exotiques de ces expositions, l’enthousiasme
pour les spectacles avec figurants indigènes, l’émotion provoquée par les
reconstitutions des souks, des rues ou des casbahs, plus qu’à travers un
discours officiel massif.
La conscience coloniale
1. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Eric Deroo, Sandrine Lemaire (dir.),
Zoos humains. De la Vénus hottentote aux reality shows, Paris, La Découverte, 2002.
2. Nicolas Bancel, Thomas David, Dominic Thomas (dir.), L’Invention de la race. Des
représentations scientifiques aux exhibitions populaires, Paris, La Découverte, 2014.
3. Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Nanette Jacomijn Snoep (dir.), Exhibitions. L’invention
du sauvage, Paris/Arles, Actes Sud/musée du Quai Branly, 2011.
4. Sandrine Lemaire, « Lumières vs Ténèbres. L’esclavage et les Lumières dans
l’iconographie coloniale », in Pascale Pellerin (dir.), Les Lumières, l’esclavage et l’idéologie
coloniale (XVIIIe-XXe siècles), Paris, Classiques Garnier, 2020.
5. Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer, Jacques Thobie, Histoire de la France
coloniale. Des origines à 1914, Paris, Armand Colin, 1991.
6. Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Culture coloniale. La France conquise par son
Empire (1871-1931), Paris, Autrement, 2003.
7. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Laurent Gervereau (dir.), Images et colonies (1880-
1962), Paris, BDIC/Achac, 1993.
8. Daniel Foliard, Combattre, punir, photographier. Empires coloniaux, 1890-1914, Paris, La
Découverte, 2020.
9. Cet article de synthèse reprend et développe plusieurs chapitres de l’ouvrage collectif de
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Alain Mabanckou, Dominic Thomas,
Colonisation & propagande. Le pouvoir de l’image, Paris, Le Cherche-Midi, 2022.
L’invention de l’indigène dans
le système colonial français
Nicolas Bancel et Pascal Blanchard
Citoyen d’Empire ?
1. Ce texte est adapté de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas
Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution française à nos jours, Paris,
CNRS Éditions/Autrement, 2008. Il intègre également différentes contributions : Hommes et
Migrations (no 1207, mai 1997, et novembre 2000, no 1228) ; Passerelles, Afriques, juin 1998 ;
Hermès, no 30, 2001 ; Les Cahiers de la Méditerranée, no 61, décembre 2000 et des extraits de
l’ouvrage De l’indigène à l’immigré, Paris, Gallimard, 2008 [1998].
2. Ralph Schor, L’Opinion française et les étrangers en France (1919-1939), Paris,
Publications de la Sorbonne, 1985 ; Tzvetan Todorov, Nous et les autres. La réflexion
française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989.
3. Jean-François Bayart, L’Illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996 ; Jacques Sémelin, Purifier
et détruire. Usages politiques des massacres et génocides, Paris, Seuil, 2005.
4. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, « Les représentations du corps des tirailleurs
sénégalais », Africultures, janvier 2000.
5. Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli, La Culture de masse en France de la Belle
Époque à aujourd’hui, Paris, Fayard, 2002.
6. Même si l’on sait que la politique coloniale en la matière fut complexe et non dénuée,
parfois, d’admiration pour la culture arabe, voir par exemple Jacques Frémeaux, La France et
l’Islam depuis 1789, Paris, Presses universitaires de France, 1991 et, du même auteur, Les
Bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête, Paris, Denoël, 1993.
7. Delphine Demargne, « La représentation du Maghreb à travers les images du journal
L’Illustration de 1843 à 1918 », mémoire de maîtrise de l’université Paris 1, 2000.
8. Ralph Schor, Histoire de l’immigration en France de la fin du XIXe siècle à nos jours, Paris,
Armand Colin, 1996.
9. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire (dir.),
Zoos humains. Aux temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, 2002.
10. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Christelle Taraud, Dominic Thomas
(dir.), Sexe, race & colonies. La domination des corps, du XVe siècle à nos jours, Paris, La
Découverte, 2018.
11. Nicolas Bancel, Olivier Sirost, « Le corps de l’autre. Une nouvelle économie du regard »,
in Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire (dir.),
Zoos humains. Aux temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, 2002.
12. Claude Nicolet, L’Idée républicaine en France, 1789-1924. Essai d’histoire critique,
Paris, Gallimard, 1995.
13. Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la
Révolution, Paris, Grasset, 2002.
14. Sandrine Lemaire, « L’Agence économique des colonies : instrument de propagande ou
creuset de l’idéologie officielle en France ? (1860-1960) », Florence, Institut universitaire
européen, 2000.
15. Claude Blanckaert, Les Politiques de l’anthropologie. Discours et pratiques en France
(1860-1940), Paris, L’Harmattan, 2001.
16. Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, La Table ronde, 1971.
17. Patrick Weil, op. cit.
18. Pascal Blanchard, Farid Abdelouahab, Les Années 30. Et si l’histoire recommençait ?,
Paris, La Martinière, 2017.
19. Georges Mauco, Les Étrangers en France, Paris, Armand Colin, 1932.
20. Eugen Weber, Les Années 1930, Paris, Fayard, 1994.
2. LA FORMATION D’UNE CULTURE
COLONIALE
Colonies et exotisme dans
les expositions universelles
e
à la fin du XIX siècle
Pascal Blanchard
Tout Paris, dix ans après l’Exposition universelle de 1889, est encore
sous l’emprise exotisante de ces spectacles. Ce mythe exotique sera
d’ailleurs de nouveau présent au Jardin d’acclimatation avec les derviches
tourneurs en 1899 – un an avant l’Exposition universelle de 1900. Lorsque
s’annonce « l’exposition du siècle » avec ses travaux monumentaux
pendant de longs mois, les Parisiens baignent depuis désormais un quart de
siècle dans une sur-exotisation du monde du spectacle et un bain colonial
permanent. Ils sont prêts pour un nouveau « tour du monde » qui s’annonce
grandiose.
L’Exposition universelle de 1900 incarne le passage du mythe exotique
à une réalité coloniale. Sur des centaines d’hectares, tout ce que l’Orient,
l’Afrique, l’Amérique, l’Asie, l’Océanie et le Maghreb comptent de
monuments et de lieux exotiques est reproduit en carton-pâte sur les rives
de la Seine. Outre la construction des Petit et Grand Palais et l’inauguration
du pont Alexandre-III, l’Exposition universelle propose les pavillons de
nombreuses colonies et d’une myriade de pays perçus alors comme
« exotiques ».
Immédiatement, on découvre le « pays de Dahomey » qui est
surreprésenté avec un temple des sacrifices, un poste de brousse, des totems
et un village indigène, mais aussi la factorie du Congo, seul édifice
illustrant le pays, tandis que le kiosque de la Réunion présente différentes
essences de bois tropicaux. Le palais de la Turquie est imposant, réalisé par
l’architecte français Adrien-René Dubuisson qui a composé en miniature
une « nouvelle Constantinople ». C’est un événement considérable qui peut
donner l’illusion que le monde entier s’est, sur plus de 230 hectares, donné
rendez-vous à Paris.
Partout, des reconstitutions ethnographiques et coloniales sont
programmées. On note aussi une forte présence de militaires indigènes
(tirailleurs sénégalais et malgaches, mais aussi algériens), des civils (une
cinquantaine de Malgaches dont l’orchestre du gouvernement de
Tananarive, des Sénégalais, des Tunisiens, des Indochinois, des Soudanais
et des artisans dahoméens), qui croisent les 50 millions de visiteurs dans les
allées de l’Exposition.
Certains observateurs commencent à douter de ce qu’ils voient et
s’interrogent sur les figurants de l’Exposition et les conditions d’exhibition.
Le journaliste Georges Foucart relate dans l’édition du 8 juillet 1900 du
Journal des Voyages : « Les indigènes, ont-ils l’air assez malheureux dans
l’étroit couloir où on les a parqués et d’où ils ont peine à apercevoir un
lambeau de ciel bleu ! » Si les « figurants indigènes » dorment pour la
plupart sur le site de l’Exposition, certains sont logés dans des hôtels
populaires à Auteuil et Passy, alors qu’une centaine de Malgaches sont
hébergés par les autorités militaires à la porte de la Muette.
De toute évidence, les « danses du ventre » ou de transe des
« fantastiques Aïssaouas » fascinent comme lors de l’exposition précédente,
bien que le commissariat de l’exposition tunisienne ait précisé qu’aucun
divertissement critiquant l’islam ne serait autorisé. Dans la « rue d’Alger »,
étroite, les visiteurs frôlent les vendeurs, les hommes côtoient les femmes,
on achète, on vend, on discute, on négocie, on croirait débarquer dans la
« belle colonie ». L’Algérie est mise en valeur et la façade du bâtiment
principal reproduit l’entrée de la mosquée du sultan Pacha à Oran, alors
qu’un haut minaret, couvert de faïences, est flanqué sur le côté droit – copie
de la célèbre tour de Sidibou-Médine à Tlemcen –, offrant une émotion
forte aux visiteurs.
Tout est là : le minaret, la musique, les souks, les danseuses, le café, la
prière, le narguilé… Une myriade de stéréotypes promis à un grand succès
dans le siècle qui s’annonce. Bien entendu, en fin de matinée et en fin de
journée, une grande procession des chefs est organisée. C’est l’occasion
pour le photographe d’immortaliser l’événement. La carte postale est
parfaite. Au Champ-de-Mars, à droite de la tour Eiffel, s’élève le pavillon
du Maroc, qui réunit les types de plusieurs célèbres spécimens de
l’architecture chérifienne.
Enfin, après l’Afrique on débarque en Asie, dans la pagode
cambodgienne avec son escalier monumental, prémices des reconstitutions
d’Angkor Vat qui vont suivre, et qui est un émerveillement pour les yeux.
L’administration coloniale veut faire de l’Indochine le cœur splendide de
l’Empire et du Cambodge un symbole. Au total, cinq édifices sont
construits dont un palais, des pagodes et une grotte avec, comme attraction
majeure, le ballet royal khmer, mais aussi des artisans et des bonzes
annamites, ou des Moïs des Hauts Plateaux armés de lances et de boucliers.
L’empire colonial est partout et la grandeur impériale glorifiée en 1900.
Lorsque les portes de l’Exposition universelle se ferment, les Parisiens
ne le savent pas encore, mais il faudra attendre 1925 pour qu’une nouvelle
grande exposition ait lieu au cœur de la capitale et trois décennies pour
qu’une exposition coloniale internationale, en 1931, ouvre ses portes.
1. Ce texte est la version raccourcie d’un article paru originellement en 2003 dans Journal de
la Société des océanistes, sous le titre « De la prise de possession à l’accord de Nouméa : 150
ans de liens institutionnels et politiques entre la France et la Nouvelle-Calédonie », no 117
(https://doi.org/10.4000/jso.1259).
2. Joël Dauphiné, Les Spoliations foncières en Nouvelle-Calédonie (1853-1913), Paris,
L’Harmattan, 1989.
3. Le terme « kanak » est invariable en genre et en nombre. Ce palindrome, qui s’est imposé
au cours des années 1970, affirme l’existence du peuple kanak et symbolise son unité en dépit
de ses divisions coutumières, linguistiques et religieuse.
4. Joël Dauphiné, op. cit.
5. Arrêté du 6 mai 1871.
6. Alain Saussol, L’Héritage. Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-
Calédonie, Paris, Publications de la Société des océanistes, no 40, 1979.
7. Joël Dauphiné, op. cit.
8. Isabelle Merle, Expériences coloniales. La Nouvelle- Calédonie, 1853-1920, Paris, Belin,
1995.
9. Michel Naepels, Histoire de terres kanakes, Paris, Belin, 1998.
10. Léon Moncelon, Le Bagne et la colonisation pénale à la Nouvelle-Calédonie par un
témoin oculaire, Paris, C. Bayle, 1886.
11. P. Delabaume, La Nouvelle-Calédonie devant la France, Paris, Imprimeries Chaix, 1886.
12. Paul Feillet, Ouverture de la session ordinaire du Conseil général, 2 mai 1898.
13. Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France, Paris, Hachette, « Pluriel », 1995.
14. Isabelle Leblic, Les Kanak face au développement. La voie étroite, Grenoble, Presses
universitaires de Grenoble, 1993.
15. Ismet Kurtovitch, Aux origines du FLNKS. L’UICALO et l’AICLF (1946-1951), Nouméa,
Îles de Lumière, 1997.
16. Note sur les événements de Nouvelle-Calédonie, no 4913 AP/6, Paris, 27/06/1958
(ministère des Affaires étrangères, Océanie française, 13).
17. Manifeste pour la sauvegarde des institutions politiques de la Nouvelle-Calédonie et le
respect des principes républicain et démocratiques, Nouméa, 23 janvier 1962 (Centre des
archives contemporaines, 950175/8).
18. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle (tome 2), Paris, Fayard, 1997.
Le parti colonial français avant
la Première Guerre mondiale
Marc Lagana
Le « parti colonial » n’est pas un parti comme les autres. Non seulement
il n’est pas un parti hautement structuré et centralisé, mais il s’accommode
mal avec la politique purement politicienne. Le sens plutôt restrictif donné
aux partis politiques traditionnels, faisant de l’électoralisme leur essence, ne
s’applique guère au parti colonial. Sa spécificité tient à son implantation
dans différents milieux, à l’hétérogénéité de sa composition et à la diversité
des groupes qui le constituent, ce qui lui donne une grande envergure
politique aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du jeu politicien.
Le parti colonial a toujours tenté de rapprocher les appareils d’État et
ceux du capital, et ce, de multiples façons, mais principalement par
l’intermédiaire de structures parallèles (les groupes politiques) et
autonomes (les grandes associations), et par des rapports personnels. C’est
ainsi qu’il apportera une contribution féconde à l’avènement de
l’impérialisme en tissant des liens étroits entre hommes d’affaires et
hommes politiques, entre intérêts privés et intérêts publics.
Le parti colonial s’introduit dans les milieux de pouvoir avec la
détermination de renforcer la position internationale de la France et d’en
assurer l’avenir économique, et ce, depuis ses débuts jusqu’à la
décolonisation. Il agit ici comme groupe de pression, là comme mouvement
politique. Partout l’action impérialiste du parti se conjugue avec celle des
appareils d’État et des appareils du capital. Enfin, il se manifeste là où il
peut rallier les pouvoirs économiques et politiques à la « cause
impérialiste » ; il s’introduit dans les appareils et utilise les mécanismes du
pouvoir afin d’imposer sa vision et ses politiques impérialistes. L’ensemble
de ces pratiques fait de ce parti une force, sous la IIIe République, qui finira
par construire un impérialisme « made in France ».
Par ailleurs, l’une des ambitions du parti colonial était de faire
l’éducation coloniale de la société française. Nous verrons qu’il n’y a que
partiellement réussi. En effet, la « Plus Grande France » restait bien loin des
préoccupations quotidiennes de la plupart des Français à la veille de la
Première Guerre mondiale. Politiquement, l’impérialisme est resté un
phénomène mal compris et mal connu. Néanmoins, un grand effort a été
accompli et tous les moyens de production culturelle ainsi que la plupart
des appareils culturels ont été mis à contribution 1.
1. Ce texte est extrait (de manière synthétique) de l’ouvrage : Marc Lagana, Le Parti colonial
français. Éléments d’histoire, Sainte-Foy, Presses de l’université du Québec, 1990.
2. Charles-Robert Ageron, France coloniale ou parti colonial ?, Paris, Presses universitaires
de France, 1978 ; Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France, 1871-1962, Paris, La Table
ronde, 1972.
3. Eugène Étienne, « Discours », Comité de l’Asie française, 1901.
4. Lawrence Abrams, David Miller, « Who Were the French Colonialists ? A Reassessment of
the Parti Colonial, 1890-1914 », The Historical Journal, volume 19, no 3, 1976.
5. Christopher M. Andrew, Alexander Sydney Kanya-Forstner, « The “Groupe Colonial” in
the French Chamber of Deputies, 1892-1932 », The Historical Journal, volume 17, no 4, 1974.
6. Annales de la Chambre des députés, Débats parlementaires, 13 février 1888.
7. Martine Astier Loutfi, Littérature et colonialisme. L’expansion coloniale vue dans la
littérature romanesque française, 1871-1914, Paris, Mouton/De Gruyter, 1971.
8. Sophie Janin, « Étude des commandes artistiques de l’État à sujets politiques sous la
IIIe République, 1880-1900 », mémoire de maîtrise, université Paris-Nanterre, 1977.
9. Xavier Treney, « L’École coloniale », Revue politique parlementaire, volume 17, juillet-
septembre 1898 ; Camille Piques, Les Carrières administratives dans les colonies françaises et
les pays de protectorat, Corbeil-Essonnes, Crété, 1904.
10. Émile Boutmy, Le Recrutement des administrateurs coloniaux, Paris, Armand Colin,
1895.
11. Camille Piques, op. cit.
12. William B. Cohen, The French Encounter with Africans. White Response to Blacks, 1530-
1880, Bloomington, Indiana University Press, 1980.
L’invention du « sauvage »
au cœur de l’entreprise coloniale
française
Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch et Nanette Snoep
L’histoire des rapports humains entre le Nord et le Sud est une histoire
de domination. Ceux-ci peuvent prendre des expressions complexes et
diverses, mais le savoir européen sur autrui comme sa mise en scène, son
exhibition sont deux des formes les plus classiques. Depuis toujours
« l’Autre » a questionné, interrogé, étonné, souvent dans le but de le
maîtriser et le contrôler.
L’exhibition de l’« Autre » colonisé aide à penser et à se situer dans le
système colonial français. C’est pour cela que l’on s’est empressé de le
montrer puis de le mettre en scène en France comme dans les autres
puissances coloniales. Lorsque la mise en scène de l’« Autre », son
exhibition, devient l’expression d’une mise à distance de tout un peuple (ou
d’une « race autre »), le reflet d’une identité ou d’une difformité, voire la
fusion des deux, alors commence le processus de construction d’une altérité
radicale, prélude à l’exclusion et à la domination. C’est une mise en scène
qui s’associe à la construction des grands empires coloniaux, des sciences
de l’homme et à l’émergence des théories racialistes, eugénistes ou
ségrégationnistes 1.
Une puissance d’attraction sans équivalent
1. Ce texte, mis à jour, réécrit et réorganisé, est extrait de l’introduction du catalogue dirigé
par Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Nanette Jacomijn Snoep (dir.), Exhibitions. L’invention
du sauvage, Arles/Paris, Actes Sud/musée du Quai Branly, 2011.
2. Sylvie Chalaye, Du Noir au nègre. L’image du Noir au théâtre, de Marguerite de Navarre à
Jean Genet (1550-1960), Paris, L’Harmattan, 1998 ; Sylvie Chalaye, Nègres et images, Paris,
L’Harmattan, 2001.
3. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire, Charles
Forsdick (dir.), Human Zoos. Science and Spectacle in the Age of Colonial Empires,
Liverpool, Liverpool University Press, 2008.
4. Robert Rydell, « Africains en Amérique », in Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles
Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire (dir.), Zoos humains. Au temps des exhibitions
humaines, Paris, La Découverte, 2004.
5. Sibylle Benninghoff-Lühl, « Die Ausstellung der Kolonisierten: Völkerschauen 1874-
1932 », in Volker Harms (dir.), Andenken an den Kolonialismus, Tubingen, Attempto Verlag,
1984.
6. John MacKenzie, « Les expositions impériales en Grande-Bretagne », in Pascal Blanchard,
Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire (dir.), Zoos humains, op. cit.
7. Matthew Saunders, « End of an Empire? Palace of Engineering, 1924 British Empire
Exhibition, Wembley », Concrete Quarterly, avril 1978.
8. Zeynep Çelik, Leila Kinney, « Ethnography and Exhibitionism at the Expositions
universelles », Assemblages, no 13, 1990.
9. Hilke Thode-Arora, « Hagenbeck et les tournées européennes : l’élaboration du zoo
humain », in Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire
(dir.), Zoos humains, op. cit.
10. Elizabeth Anne McCauley, Likenesses: Portrait Photography in Europe, 1850-1870,
Albuquerque, Art Museum at the University of New Mexico, 1980.
11. Jane A. Legget, La Restitution et le rapatriement. Principes de bonnes pratiques, Londres,
Musées et Galeries Commission, 2000.
Le pavillon de l’Algérie à travers
les expositions coloniales,
internationales et universelles
Sami Boufassa
Exposition et colonialisme
L’espace réservé à l’Algérie avant 1867 avait été intégré aux grands
espaces des expositions mais, à partir de 1867, chaque pays eut droit à son
bâtiment spécifique. Dans les deux expositions universelles de Paris
en 1889 et 1900, l’Algérie occupait un espace clé. Divisé en deux parties, le
pavillon d’exposition occupait le côté droit et le village artisanal le côté
gauche. Les deux ailes étaient symétriquement placées par rapport à l’axe
principal de l’exposition qui démarrait de la galerie des Machines, passait
par la tour Eiffel et le Champ-de-Mars, puis traversait le pont d’Iéna pour
finir au palais du Trocadéro.
L’emplacement de l’Algérie était stratégique, à l’image de ce qu’elle
représentait pour l’économie française. La « pacification » de l’Algérie était
achevée, à l’exception des zones sahariennes. En cette fin de siècle, le
processus de colonisation atteignait son apogée. Occupant une place à part
au sein du domaine colonial, l’Algérie était donc souvent située sur des axes
de première importance. À Lyon (1894), le pavillon se trouvait juste en face
de la porte monumentale du parc de la Tête d’Or 6. À Paris (1931), il
donnait accès à la route de ceinture du Lac-Daumesnil.
Le principe qui dominait la conception des pavillons reposait sur
l’introversion spatiale, organisant le bâtiment autour d’un élément central
intérieur assimilé généralement au patio. En prenant comme référence
l’héritage architectural algérien et parfois en le copiant et en le
reproduisant, les architectes s’étaient condamnés, de fait, à le construire.
Cet espace intérieur et central répondait bien aux besoins fonctionnels des
lieux d’exposition. Si le patio était utilisé comme espace de repos,
d’éclairage et bien sûr d’exposition, il permettait aussi aux architectes
d’aménager des galeries couvertes tout autour pour installer les objets à
exposer.
Cette conception fut majoritaire pour les pavillons de l’Algérie, allant
de celui de Paris en 1878 jusqu’en 1937 – à l’exception de celui de
l’exposition de Londres à la White City (1908) où la cour avait été
remplacée par un atrium couvert par une coupole selon notre hypothèse
issue de l’analyse des documents iconographiques. L’éclairage de cet
espace était zénithal, il se faisait par des ouvertures sur les côtés de la
coupole. Les deux autres cas où la cour n’occupait pas le centre de gravité
se trouvaient à Paris (1931 et 1937) : il s’agissait du pavillon de Charles
Montaland réalisé à Paris (1931) et de celui de Jacques Guiauchain. La
complexité volumétrique du pavillon de 1931, ses nombreuses ailes qui se
juxtaposaient réduisaient à néant tout souhait de centralité. Pour des raisons
encore non élucidées, Charles Montaland mit côte à côte, et sans aucune
cohérence, deux pavillons totalement différents afin de représenter
l’Algérie. Cette différence se remarquait sur la façade sud. Le premier, de
conception Art déco, blanc, moderne et épuré, placé à droite d’une
fortification saharienne du Sud algérien, avait un revêtement en torchis.
Quant au pavillon de Jacques Guiauchain de 1937, la petite cour toute en
longueur n’était plus au centre et se résumait à un espace aligné sur
d’autres. L’ensemble était pensé en longueur, parallèlement au cours d’eau
du site d’accueil. La forme de la cour était généralement rectangulaire,
souvent ornée d’une fontaine placée au centre. Seul le pavillon de
l’architecte Albert Ballu, à Paris (1900), possédait, du côté du palais du
Trocadéro, un atrium arrondi sous une verrière.
1. Ce texte a été publié sous le titre « Le pavillon de l’Algérie à travers les expositions
coloniales, internationales et universelles », Diacronie. Studi di Storia Contemporanea, no 19,
2014.
2. Catherine Hodeir, Michel Pierre, L’Exposition coloniale de 1931, Bruxelles, Complexe,
1991.
3. Christiane Demeulenaere-Douyère (dir.), Exotiques Expositions… Les expositions
universelles et les cultures extra-européennes France, 1855-1937, Paris, Somogy Éditions
d’art/Archives nationales, 2010.
4. Chérif Rahmani, La Croissance urbaine en Algérie, Alger, Office des publications
universitaires, 1982.
5. Nabila Oulebsir, Les Usages du patrimoine. Monuments, musées et politique coloniale en
Algérie (1830-1930), Paris, Maison des sciences de l’homme, 2004.
6. Florence Vidal, « Lyon, 1894. La fête s’invite à l’expo ! », mémoire de master, université
Lyon 2, 2010.
Le cinéma colonial en tant
que genre populaire
Saïd Tamba
Les écrits coloniaux auraient pu, auraient dû, être les grands ancêtres de
la vogue actuelle si forte pour les romans des « étonnants voyageurs ». Or il
n’en est rien. La littérature coloniale est aujourd’hui bien oubliée, et
lorsqu’elle est encore parfois évoquée, c’est pour conforter sa mauvaise
réputation. En tant que littérature, elle a rarement produit de textes
suffisamment riches pour marquer durablement les lettres françaises.
Encore moins un – ou des – chefs-d’œuvre. Il n’y eut pas de Kipling
français – selon une litanie présente dans toutes les recherches à ce sujet.
Aucun recensement à prétention exhaustive, à notre connaissance, n’a
jamais été tenté, mais le corpus porte sur plusieurs centaines d’ouvrages 1,
mêlant le bon, à défaut du meilleur, et le pire. Même le spécialiste bien
informé découvre encore des titres qui lui étaient inconnus. Du début du
e
XIX siècle jusqu’à l’entre-deux-guerres, une grande quantité d’écrivains
renommés ont ainsi écrit sur les colonies : Victor Hugo, Alphonse Daudet,
Pierre Loti, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Jules Verne, Guy de
Maupassant, Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, André Gide, Henry
de Montherlant, Louis-Ferdinand Céline… Mais aussi d’autres, moins
connus aujourd’hui, qui eurent cependant leur heure de gloire : Claude
Farrère, les frères Jérôme et Jean Tharaud, les frères Paul et Victor
Margueritte, Marius-Ary Leblond, George Groslier, Isabelle Eberhardt,
Louis-Charles Royer, Myriam Harry, Pierre Mac Orlan, Louis-Henri
Boussenard, Louis Noir, Jules Boissière, Robert Randau, Louis Bertrand,
Jean d’Esme, Pierre Mille…
D’ailleurs, le prix Goncourt, créé en 1903, couronne dans ses premières
années plusieurs romans de ce genre. Enfin, une pléiade de petits auteurs,
désormais totalement oubliés, utilisèrent le cadre colonial comme lieu de
rencontres, d’affrontements, de rapprochements de leurs héros… S’il y eut
tant d’auteurs et de lecteurs durant un siècle au moins, la signification
dépasse alors largement l’étude de la littérature. Ce qui importe à l’historien
des mentalités coloniales, c’est d’abord l’impact sociologique du
phénomène.
Pour deux ou trois générations de Français, le roman colonial a été, avec
le cinéma – documentaire ou de fiction –, le moyen privilégié pour
beaucoup d’approcher, de « connaître » même, la réalité de l’implantation
française outre-mer. En un mot, ce fut un vecteur essentiel de l’édification
d’une certaine culture coloniale en France.
Un anticolonialisme en sourdine
1. Alain Ruscio, Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français, XIXe-XXe siècles,
Bruxelles, Complexe, 2002 [1996] ; Alain Ruscio, Amours coloniales. Aventures et fantasmes
exotiques de Claire de Duras à Georges Simenon, Bruxelles, Complexe, 1996.
2. La bibliographie exotico-coloniale de Jules Verne est étoffée, sans compter celles de Louis
Noir ou de Louis Boussenard.
3. La plus célèbre de ces exceptions étant le Batouala de René Maran (1921).
4. La Cina, Paris, Ollendorf, 1901.
5. Robert Randon, Les Colons, Paris, Sansot, 1907.
6. Alain Ruscio, Que la France était belle au temps des colonies. Anthologie de chansons
coloniales et exotiques françaises, Paris, Maisonneuve et Larose, 2001.
7. Ce texte réduit dans son développement est issu de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard,
Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution
française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
Apprendre l’Empire,
un jeu d’enfants ?
e
(second tiers du XX siècle)
Elizabeth Heath
Les enfants occupent une place cruciale dans le projet de promotion des
produits coloniaux comme le cacao et de valorisation de l’ordre impérial
conçu dans l’entre-deux-guerres par le ministère français des Colonies.
Cette idée émerge en fait avec la Première Guerre mondiale, qui a
profondément affecté la société métropolitaine et ses relations avec les
colonies. Pendant la guerre, les troupes et les travailleurs coloniaux ont joué
un rôle essentiel dans la protection et la défense de la France.
Après l’armistice, l’importance de l’Empire augmente encore. Soucieux
de stimuler l’économie nationale, le gouvernement français s’efforce aussi
de faire en sorte que l’Empire soit productif, utile aux consommateurs et
aux industries métropolitaines. Les denrées alimentaires jouent un rôle
essentiel dans cette entreprise. Les agents coloniaux encouragent la
production de cultures de base comme le riz, le tapioca, ou le manioc tandis
que les lobbys débattent des moyens de compléter la composition du régime
alimentaire français avec des produits coloniaux tels que le riz ou le
manioc 4.
Le ministère s’associe alors avec des producteurs coloniaux, des agents
commerciaux et des groupes professionnels pour augmenter la
consommation ménagère du café, du thé, du chocolat et des bananes. Car
les Français métropolitains, hommes et femmes, rejettent encore beaucoup
de ces aliments « exotiques ». Pourtant un petit nombre de ces produits,
comme le chocolat, sont depuis longtemps disponibles en métropole. Au
début du XXe siècle, ces articles sont régulièrement servis en complément au
régime alimentaire français, mais sans pour autant être totalement acceptés
comme de la « vraie » nourriture française 5. Les efforts officiels visent donc
à mieux les intégrer dans les habitudes culinaires des Français de
métropole.
Par ailleurs, le ministère a lancé, juste avant la Première Guerre
mondiale, une grande campagne pour promouvoir la production de cacao en
Côte-d’Ivoire – campagne dont il attend les retombées. Or le boom mondial
de la production dans les années 1920 et 1930 entraîne un effondrement du
marché global du cacao. Le ministère entend alors contrecarrer la crise et
protéger l’économie coloniale ainsi que l’industrie chocolatière
métropolitaine. Les mesures prises s’intensifient à la fin des années 1930.
En août 1938, le ministère fonde le Comité de propagande pour les
cacaos originaires des colonies françaises, financé par une taxe spéciale
prélevée sur le produit. Les membres du comité sont des producteurs et des
importateurs de cacao ainsi que des industriels métropolitains spécialisés
dans la fabrication du chocolat. Grâce au budget du comité, le ministère
finance la publicité dans les journaux parisiens et régionaux, dans les foires
et les expositions, diffuse des annonces à la radio et réalise même des
documentaires à destination des écoles – toutes ces initiatives étant conçues
comme parties prenantes d’un plus vaste projet colonial de soutien aux
ventes de chocolat. L’affiche du ministère des Colonies sur le cacao a sans
doute été produite dans le cadre de cette campagne publicitaire, puis
diffusée avec d’autres affiches sur le thé ou les bananes, dans des foires
locales et les expositions coloniales. D’autres formes de publicité, comme
les annonces publiées dans Paris-Soir, donnent une meilleure idée de leur
distribution et de leur impact, quoique, là aussi, l’intérêt des lecteurs ou
l’effet persuasif de la publicité restent difficiles à apprécier. Le comité a
pour but d’« atteindre une masse très importante de consommateurs et
surtout d’éveiller chez l’enfant le goût du chocolat », ce qui, estime-t-on,
doit « attirer l’attention des parents et surtout des mères de famille sur ce
produit national ». Il a même été envisagé de mettre du chocolat au menu
du goûter quotidien des écoles. À long terme, le comité a pour ambition
d’« implanter la notion d’Empire dans l’âme française ».
Des produits publicitaires diffusés par des acteurs privés complètent la
propagande officielle du ministère. Tout autant que l’État français, les
fabricants de chocolat souhaitent encourager la consommation de masse de
produits dérivés du cacao et ont créé un large éventail de matériel
promotionnel pour s’attirer des consommateurs. Cartes publicitaires,
affiches, jeux, jouets en papier, vignettes à coller et albums de vignettes
accompagnent les produits à leur sortie d’usine et pénètrent dans les foyers.
Même si la référence aux colonies n’est pas systématique, un pourcentage
considérable s’inspire de ce thème pour promouvoir la consommation de
chocolat. Ce matériel promotionnel insère les enfants dans une culture de la
consommation à l’échelle impériale. Il leur apprend leur futur rôle
d’homme ou de femme blancs métropolitains.
L’État perçoit les enfants comme de futurs parents, quand les
commerciaux les voient comme de futurs consommateurs. Pour les séduire,
tous créent des objets distrayants et éducatifs, en majorité éphémères. Les
jeux et les jouets sont faits de papier léger que l’on peut utiliser jusqu’à ce
qu’ils soient mis en pièces, déchirés ou décolorés. Les cartes publicitaires et
les couvertures d’albums sont plus durables, tout en étant, elles aussi,
jetables. Les enfants pouvaient bien sûr interpréter ces objets différemment
– peut-être les voyaient-ils comme de véritables trésors –, mais ils
finissaient, eux aussi, par comprendre leurs limites matérielles. Les objets
les plus expressifs et les plus durables sont probablement les albums de
vignettes que les enfants achètent par correspondance et qui représentent,
eux, un investissement en temps et en argent.
Ces objets sont en général impressionnants, visuellement parlant.
Certains historiens ont bien analysé ce qu’un matériel similaire reflète de la
pensée raciale en France 6. Car il ne s’agit pas d’images sur lesquelles on
jette un rapide coup d’œil, mais d’un matériel conçu pour inviter les enfants
à agir concrètement et les préparer à assumer leur rôle de soldat,
d’explorateur, d’agent commercial, de mère, de ménagère et, bien sûr, de
consommateur de chocolat. Sous cet angle, les objets ne se bornent
manifestement pas à exprimer une simple nostalgie pour l’ordre idéalisé
d’avant guerre ou à servir d’appât commercial astucieux ; ils sont au
contraire des éléments qui participent activement à l’édification d’une
culture qui place la famille française au cœur d’un vaste ensemble impérial.
1. Ce texte est issu dans sa version intégrale de « Apprendre l’Empire, un jeu d’enfants ? »,
Clio. Femmes, Genre, Histoire [en ligne], no 40, 2014.
2. David Groff, « Carrots, Sticks and Cocoa Pods : African and administrative Initiatives in
the Spread of Cocoa Cultivation, Assikasso, Ivory Coast, 1908-1920 », International Journal
of African Historical Studies, volume 20, no 3, 1987.
3. Robert Frost, « Machine liberation : Investing Housewives and Home Appliances in
Interwar France », French Historical Studies, volume 18, no 1, 1993.
4. Erica Peters, « Indigestible Indochina : Attempts to Introduce Vietnamese Food into France
in the Inter-War Period », in Martin Evans (dir.), Empire and Culture : the French Experience,
1930-1940, New York, Palgrave, 2004.
5. Susan Terrio, Crafting the Culture and History of French Chocolate, Berkeley, University
of California Press, 2000.
6. Jean Garrigues, Banania. Histoire d’une passion française, Paris, Du May, 1991 ;
Raymond Bachollet et al., Négripub. L’image des Noirs dans la publicité, Paris, Somogy,
1992 ; Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Laurent Gervereau (dir.), Images et colonies.
Iconographie et propagande coloniale sur l’Afrique française de 1880 à 1962, Paris,
Achac/BDIC, 1993 ; Petrine Archer-Straw, Negrophilia : Avant-Garde Paris and Black
Culture in the 1920s, Londres, Thames & Hudson, 2000.
7. Tony Chafer, Amanda Sackur, Promoting the Colonial Idea : Propaganda and Visions of
Empire in France, New York, Palgrave, 2002 ; Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard, Nicolas
Bancel, Alain Mabanckou, Dominic Thomas, Colonisation et propagande. Le pouvoir de
l’image, Paris, Le Cherche-Midi, 2022.
8. Michelle Rosaldo, « The Use and Abuse of Anthropology : Reflections on Feminism and
Cross-Cultural Understanding », Signs, volume 5, n° 3, 1980 ; Kathleen Canning, Gender
History in Practice : Historical Perspectives on Bodies, Class and Citizenship, Ithaca, Cornell
University Press, 2006.
9. Frances Gouda, Julia Clancy-Smith, Domesticating the Empire : Race, Gender and Family
Life in French and Dutch Colonialism, Charlottesville, University Press of Virginia, 1998 ;
Catherine Hall, Sonya Rose (dir.), At Home with the Empire : Metropolitan Culture and the
Imperial Word, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.
L’école et les colonies
Gilles Manceron
Les textes et plus encore les images des manuels scolaires de la IIIe
République ont ainsi modelé l’esprit de plusieurs générations d’écoliers.
Les livres scolaires (où les apprentissages de la langue, de l’« histoire de
France » et de la morale sont des éléments partout présents quelles que
soient les matières, et profondément entremêlés) sont tous chargés, à partir
des années 1880, de diffuser le même message patriotique et colonial.
Qu’ils soient destinés aux écoles laïques ou aux écoles religieuses, tous
mettent en avant l’œuvre « civilisatrice » de la France. Et, dans ce projet
explicite de façonnement des esprits, la visée prospective est avouée.
Nombreuses sont ainsi les occurrences du futur et les descriptions
prophétiques de l’avenir à construire : « L’Algérie sera une de nos plus
précieuses ressources dans l’avenir », peut-on lire par exemple dans un
livre de géographie 3.
De ce point de vue, plus encore que les manuels d’histoire et de
géographie, ce sont probablement les livres de lecture qui ont eu l’action la
plus durable et la plus efficace. Les exemples les plus symptomatiques sont
ceux des deux livres de lecture qui ont été utilisés l’un et l’autre pendant
près d’un siècle dans les écoles, avec de nombreuses rééditions. Ainsi Petit-
Jean, de Charles Jeannel, publié en 1846 et diffusé jusque dans les années
1930, livre de lecture presque officiel sous le Second Empire, a ensuite
prolongé sa carrière pendant toute la IIIe République dans les écoles
catholiques.
De même, Le Tour de la France par deux enfants, de G. Bruno, publié
pour la première fois en 1877 à partir d’une première version de 1871,
connut de nombreuses rééditions. Dans ces deux livres, où deux orphelins,
Louise et Petit-Jean dans le premier, Julien et André dans le second, font
l’apprentissage de la vie (les premiers en écoutant dans leur village le père
Maurice, un marin à la retraite, les seconds par une découverte personnelle
lors d’un périple à travers la France), les colonies et en particulier l’Algérie
sont présentes.
C’est surtout le cas dans Petit-Jean 4 de Charles Jeannel, qui a été publié
pour la première fois en 1846 et repris dans une deuxième version en 1853,
après l’avènement du Second Empire, aux éditions Delagrave, qui le
réimprimeront 29 fois jusqu’en 1874. Une troisième version paraît en 1879,
adaptée à la République, qui sera rééditée quatre fois jusqu’en 1884, où,
sans plus d’allusion à la Révolution et à Napoléon, le livre connaîtra encore
19 éditions jusqu’en 1930. Dans ce livre où les références à la France
d’avant 1789 sont omniprésentes, les allusions sont d’abord indirectes, par
le truchement de l’histoire des Sarrasins et des croisades, à laquelle trois
chapitres sont consacrés. La figure de Saint Louis y fait écho aux exploits
récents en Algérie du fils du roi Louis-Philippe, le duc d’Aumale, dont la
fameuse prise de la smala d’Abd el-Kader puis la mise en captivité de ce
dernier sont précisément contemporaines de l’écriture du livre et de sa
première édition.
L’allégorie historique est soulignée par le fait que le récit de la croisade
de Saint Louis par le père Maurice, d’abord prolongé par celui de la
campagne de Bonaparte en Égypte – « Il n’y a pas encore cinquante ans
qu’un Français, comme il n’y en a jamais eu de plus étonnant, nommé
Napoléon Bonaparte, attaqua l’Égypte avec une petite armée de braves et
remporta sur les musulmans, au pied même des Pyramides, des victoires
prodigieuses » –, se termine par l’annonce de ses propres souvenirs de la
conquête d’Alger en 1830 : « Trente ans après, les Français ont entièrement
détruit, en Afrique, un royaume de mahométans […] moi-même j’ai fait la
guerre contre eux […] et j’ai tiré des coups de canon contre la ville d’Alger,
qui était autrefois une ville mahométane et qui est maintenant une ville
chrétienne et française. »
Le livre consacre en effet à la prise d’Alger, 180 pages plus loin, deux
chapitres. Située dans le cadre d’un affrontement intemporel, la conquête de
1830 s’inscrit dans une longue suite d’expéditions punitives : « L’empereur
Charles Quint […] conduisit lui-même contre la ville d’Alger une grande
flotte et une nombreuse armée qui furent entièrement détruites. […]
Louis XIV envoya deux fois des flottes puissantes […]. » Faisant abstraction
de la chronologie, le débarquement de Sidi-Ferruch est justifié par les
activités corsaires en Méditerranée et les razzias – faits bien réels… mais
qui remontent à plus d’un siècle auparavant : « Au lieu de cultiver la terre et
de travailler pour vivre, ils montaient bien armés sur de légers vaisseaux,
construits exprès pour aller vite, et poursuivaient ou guettaient au passage
les vaisseaux marchands des chrétiens. Ils se jetaient impétueusement sur
des gens sans défense, égorgeaient ceux qui voulaient résister, garrottaient
les autres, pillaient l’argent et les marchandises, et s’en retournaient en
Afrique avec leurs prisonniers. Là, on tourmentait ces malheureux pour les
obliger à abandonner la religion de Jésus-Christ, et, s’ils résistaient, on les
vendait comme esclaves […]. »
Ces actes barbares dont la date est passée sous silence sont là pour
justifier un droit de conquête : « Avant que la poussière fût dissipée, nos
soldats avaient escaladé les remparts ; […] et le drapeau de la France,
paisible et radieux, flottait victorieusement au-dessus des ruines. Le repaire
des brigands était détruit. » Ce récit, qui suscite enthousiasme et
identification de la part de Petit-Jean, annonce un autre prolongement, car le
père Maurice dit à l’enfant qu’il est probablement appelé, lui aussi, à
combattre un jour en Algérie : « Le pays d’Alger, autrefois inhospitalier et
barbare, est devenu comme un prolongement de la France, où vous irez
peut-être bientôt vous battre à votre tour pour défendre, contre un peuple
cruel et sans foi, la cause de la religion, des lois et de l’humanité. »
La prédiction se réalise puisque le dernier chapitre est voué aux exploits
héroïques de Petit-Jean devenu jeune homme et soldat en Algérie. Sergent
dans l’infanterie, il s’illustre à son tour par un exploit : il sauve la vie de son
colonel, menacé par des Arabes sanguinaires. « Six Arabes embusqués
derrière un épais buisson l’avaient blessé d’un coup de feu. Il avait tué
celui qui, le croyant mort, s’était approché pour lui couper la tête, mais les
cinq autres approchaient pour l’égorger. Petit-Jean fond sur eux ; il fait si
bien manœuvrer sa baïonnette que presque du même coup il crève un œil à
l’un d’eux et en perce un autre de part en part. Le colonel, retrouvant un de
ses pistolets chargé, casse la tête à un troisième. Les deux autres s’enfuient,
et Jean en abattit encore un d’un coup de fusil. »
Mis dans la même position par la lecture de ce livre que Petit-Jean face
au père Maurice, les jeunes écoliers vibreront ainsi aux mêmes récits
poignants et recevront les mêmes prophéties que Petit-Jean sur les combats
qu’ils seront peut-être amenés à mener plus tard. D’autant que la scène
finale est représentée à partir de l’édition de 1884, qui comprend une
vingtaine d’illustrations, et cela jusqu’aux années 1930, voire à celles de
l’Occupation (pensons que les classes qui ont participé à la guerre d’Algérie
correspondent aux garçons nés entre 1932 et 1942).
Patriotisme et colonialisme
1. L’Africaine ou les Derniers Feux du grand opéra, Paris, Bibliothèque nationale, coll. « Les
dossiers du musée d’Orsay », 1995.
2. Paul de Saint-Victor, Le Moniteur universel, 8 septembre 1879.
3. Eugène Gugenheim, Georges Le Faure, Cinq Mois au Soudan, grande pantomime militaire
en quatre étapes, arènes du bois de Boulogne, 13 juillet 1891, Imprimerie des arts et
manufactures Dubuisson, s.d.
4. François Oswald, Eugène Gugenheim, Georges Le Faure, Au Dahomey, en cinq actes et dix
tableaux, Porte Saint-Martin, 10 décembre 1892, Paris, Paul Ollendorff, 1893.
5. René Doumic, Le Moniteur universel, 12 décembre 1892.
6. Sylvie Chalaye, L’Image du Noir au théâtre de Marguerite de Navarre à Jean Genet (1550-
1960), Paris, L’Harmattan, 1998.
7. Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Nanette Jacomijn Snoep (dir.), Exhibitions. L’invention
du sauvage, Arles/Paris, Actes Sud/musée du Quai Branly, 2011.
8. Henri-René Lenormand, À l’ombre du mal, pièce en trois actes et un intermède, Les
Cahiers dramatiques, no 24, supplément du Théâtre et Comœdia illustré, 1924.
9. André-Paul Antoine, Le Démon noir, drame en deux actes et trois tableaux, Grand-Guignol,
25 janvier 1922, supplément théâtral à la revue Le Capitole, revue littéraire, théâtrale et
biographique, 1923.
10. Léon Fanoudh-Siefer, Le Mythe du nègre et de l’Afrique noire dans la littérature française
de 1800 à la Deuxième Guerre mondiale, Abidjan/Dakar/Lomé, NEA, 1980.
11. Henri-René Lenormand, Terre de Satan, drame en trois actes, Paris, Albin Michel, 1942.
12. Sylvie Chalaye, « La nouba du tirailleur », in Nègres en images, Paris, L’Harmattan, 2002.
13. Sylvie Chalaye, « La mascotte “Y’a bon” à l’affiche », in Nègres en images, op. cit.
14. Jean Garrigues, Banania, histoire d’une passion française, Paris, Du May, 1991.
15. Ce texte remis à jour est issu de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Sandrine
Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution française à nos
jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
Sociétés et expositions artistiques
coloniales en France
e
de la fin du XIX siècle
aux indépendances
Stéphane Richemond
« Notre armée noire, qui depuis tant d’années, et à peu près chaque
jour, fut la première à la peine, partout, dans cette Afrique où l’on continue
de se battre, fut, cette fois, la première à l’honneur. […] On acclama [les
tirailleurs] à la revue, au défilé. Et de mille façons la sympathie populaire
se manifesta à ces beaux soldats bronzés, presque tous décorés de la
médaille militaire ou coloniale, et qui ne cessaient d’intéresser la foule
parisienne par leurs silhouettes pittoresques et leurs attitudes martiales. »
Voici comment L’Illustration décrit l’accueil réservé à Longchamp le
14 juillet 1913 au 1er régiment de tirailleurs sénégalais dont le drapeau est
décoré de la Légion d’honneur.
Cette cérémonie solennelle, organisée à la veille de la Première Guerre
mondiale, a la particularité de mettre les colonies en avant avec la présence
remarquée de divers détachements de tirailleurs algériens, annamites, de
spahis et de cavaliers soudanais. Mais, au-delà de cette reconnaissance
officielle et de l’attachement populaire vanté par la presse de l’époque, que
représentent les forces issues de l’empire colonial français 1 en 1914 ?
Constituent-elles une réelle réserve stratégique ou plutôt une force
d’appoint ? De même, la protection des colonies fait-elle l’objet d’une
attention particulière ou est-elle subordonnée aux intérêts supérieurs de la
défense nationale focalisée vers l’Allemagne ?
1. Ce texte est paru en version intégrale dans la Revue historique des armées, no 274, 2014.
2. Chantal Antier-Renaud, Les Soldats des colonies dans la Première Guerre mondiale,
Rennes, Ouest-France, 2008.
3. Jacques Frémeaux, Les Colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples
d’outre-mer, Paris, 14-18 Éditions, 2006.
4. Robert Galic, Les Colonies et les coloniaux dans la Grande Guerre. L’Illustration, ou
l’Histoire en images, Paris, L’Harmattan, 2013.
5. Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre. L’appel à l’Afrique (1914-1918), Paris,
Karthala, 2003.
L’Appel à l’Empire pour la guerre
en France
Éric Deroo
Un tournant symbolique
En 1913, la guerre avec l’Allemagne paraît à beaucoup de Français
inévitable, à la plupart même indispensable, malgré quelques oppositions
pacifistes minoritaires. Cette année-là marque aussi l’aboutissement d’un
long processus qui voit l’Empire, à travers ses hommes devenus soldats,
s’intégrer de plus en plus à la nation. Depuis 1870, la perte de l’Alsace et de
la Lorraine a amputé la France de deux zones économiques et stratégiques
essentielles. Paris, la capitale, est à portée d’une attaque massive de
l’ennemi. Bien qu’appuyée à l’est sur une ceinture de forts à casemates
d’artillerie performante, construite à grands frais, la défense du territoire est
fondée sur une doctrine résolument offensive. Une doctrine où l’on
proclame la suprématie de l’infanterie, la « reine des batailles » où le choc
des poitrines, soutenu par la volonté de revanche des citoyens en armes,
doit tout emporter sur son passage. Mais, pour soutenir un tel élan, il faut
des hommes, et la France en compte presque moitié moins que son voisin
d’outre-Rhin. De plus elle ne mobilise réellement tous ses fils que depuis la
loi de 1905 qui a rendu le service militaire obligatoire, universel et
égalitaire, tandis que l’Empire allemand, inspiré du modèle prussien de
1813, s’appuie sur des réserves nombreuses, bien entraînées, dotées d’un
matériel moderne.
L’immense domaine colonial (dix millions de kilomètres carrés) que la
République vient de se constituer en à peine quarante ans tombe à point
nommé et va répondre à des objectifs multiples et souvent contradictoires.
Ancrée sur le continent européen, de vocation et de tradition longtemps
paysannes, la nation n’a pas de véritable projet colonial. Intérêts financiers
des sociétés d’exploitation, des groupements de colons et de commerçants,
vision civilisatrice de grands commis de l’État, civils et militaires, de
savants et de religieux, et préoccupations continentales de la classe
politique émergent tour à tour. La qualité des orateurs et la propagande mise
en œuvre pour les soutenir finissent régulièrement par l’emporter sur la
réalité.
Sur le plan international, les colonies permettent d’affirmer le génie du
modèle français et sa capacité à rebondir très vite au lendemain de la sévère
défaite de 1870 et des aventures de la Commune de Paris. Le congrès de
Berlin en 1885 – à l’occasion duquel les grandes puissances européennes se
partagent l’espace outre-mer, en particulier le continent africain – marque le
retour de la France dans le concert des nations. Les traités d’alliance
négociés par la suite avec la Grande-Bretagne et surtout la Russie
confirment sa place face à une Allemagne en pleine expansion.
Sur le plan intérieur, l’édification de l’identité nationale, territoriale,
politique et culturelle s’établit en partie par rapport au fait colonial. En
définissant une hiérarchie des « races » colonisées et les valeurs d’emploi
qui en résultent, racisme scientifique et préjugés populaires permettent aux
Français de se reconnaître comme tels (jusque-là on était d’abord breton,
flamand, ariégeois ou corse…). Autre lien collectif : le progrès scientifique
et social républicain qui est offert, au nom de tous, à l’humanité entière,
« sauvages » compris. Avec la mission civilisatrice s’affichent et
s’expérimentent les principes et les ambitions de la République. Si en
métropole l’école et la caserne sont les lieux d’apprentissage du métier de
citoyen, aux colonies c’est à l’armée qu’est dévolu ce travail
d’encadrement. Les innombrables expéditions et colonnes dites « de
pacification », les campagnes de conquête en Asie et en Afrique noire –
précédées par celles de l’Algérie dès 1830 – ne peuvent se faire sans
l’appoint de forces supplétives indigènes.
Depuis l’Antiquité on sait utiliser des « bandes mercenaires », mais ici,
comme à Rome, on va transformer les « barbares » en hommes. Dans cette
perspective, le premier recrutement des tirailleurs sénégalais par Faidherbe
en 1850 se fait à partir des esclaves récemment affranchis par les lois
abolitionnistes. Sans statut ni fonction, ils végètent par milliers sur les
côtes, en butte à l’hostilité des anciennes populations négrières. Marqués
par de telles origines, les tirailleurs resteront souvent exogènes au sein des
différentes sociétés africaines qu’ils côtoient.
Par la suite, ces supplétifs, « noirs, jaunes ou arabes », considérés
comme « primitifs », esclaves de leur destin, à demi « sauvages » donc bons
guerriers dans les imaginaires de l’époque, vont se changer en élèves dont
la supposée sauvagerie s’estompera au contact de la mère patrie. La
grandeur d’une telle tâche absout par avance ces désormais « grands
enfants », innocents des inévitables exactions perpétrées sur le terrain.
Devenus fidèles sujets de la nation, ils devront en échange en assumer
toutes les contraintes et payer la dette de sang, la plus facile à honorer…
Cette « barbarie » canalisée, normalisée par les cadres européens, bientôt
relayés par les petits gradés indigènes, ce passage du « sauvage » au bon
soldat, coïncide avec la fin des grandes opérations militaires et le début de
la mise en valeur impériale – mise en valeur des terres et des hommes.
Dès les années 1900 paraissent des manuels d’instruction à l’usage des
officiers et sous-officiers appelés à servir dans les troupes coloniales ou
dans l’armée d’Afrique (celle qui est formée en Afrique du Nord). Toutes
les « races » de l’Empire y sont présentées avec des définitions physiques
particulières : « grand, fort, petit, robuste, malingre… » À ces types
correspondent des stigmatisations morales : « fragile, résistant, fidèle,
obéissant, fier, dur à l’effort, paresseux, méfiant, courageux, joueur,
récriminateur, intelligence moyenne, développée… » Et s’ébauche une
attitude dans les relations : « à encourager, s’en défier, à surveiller, à
pousser… »
À chacune de ces caractéristiques s’attache un usage déterminé sur le
champ de bataille : infanterie d’assaut, cavalerie légère de reconnaissance,
forces d’occupation, auxiliaires pour l’artillerie, services de l’arrière et
manutention. La campagne du Maroc, en 1908, met en pratique, avec
efficacité selon les officiers, cette rationalisation des moyens humains.
Mobilisation !
1. Antoine Champeaux, Éric Deroo, La Force noire. Gloire et infortunes d’une légende
coloniale, Paris, Tallandier, 2006.
2. Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La Guerre de 1914-1918 et le premier quart du
e
XX siècle, Lille, Publications de l’université de Lille, 1979 ; Marc Michel, L’Appel à l’Afrique.
Contributions et réactions à l’effort de guerre en AOF, 1914-1919, Paris, Publications de la
Sorbonne, 1982.
3. Chantal Valensky, Le Soldat occulté. Les Malgaches de l’armée française, 1884-1920,
Paris, L’Harmattan, 1995 ; Mireille Le Van Ho, « Travailleurs et tirailleurs vietnamiens en
France pendant la Première Guerre mondiale », thèse de 3e cycle, Paris 7, 1986.
4. Amadou Hampâté Bâ, Oui mon commandant !, Arles, Actes Sud, 1994.
5. Ce texte reprend un article publié initialement dans l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard,
Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution
française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
Les Maghrébins dans la Grande
Guerre
Yvan Gastaut, Naïma Yahi et Pascal Blanchard
À partir du printemps 1915, tout change. Lorsque l’on voit arriver les
troupes maghrébines dans un « élan furieux des démons en djellaba »,
comme l’écrira le futur maréchal Alphonse Juin, c’est le signe que le temps
de l’offensive ou de la contre-attaque est arrivé. L’imagerie s’empare de ces
nouveaux héros modernes et la grande presse en fait les emblèmes de la
victoire possible, tel l’hebdomadaire Le Miroir qui présente le 29 novembre
1914 ces « brillants chasseurs d’Afrique sur la ligne de feu » en page de
couverture.
Les situations sont très diverses en fonction des territoires et des
politiques de recrutement. Au Maroc, c’est l’Office du Maroc qui assure le
suivi de cette mobilisation dans un premier temps puis, l’année suivante,
l’Office parisien du gouvernement chérifien, qui siège à la galerie d’Orléans
du Palais-Royal, prend le relais pour les Marocains présents en métropole.
La mobilisation va s’accroître dans ce protectorat, jusqu’à concerner
40 000 à 45 000 combattants et sans doute tout autant de travailleurs.
En Tunisie, la situation s’organise à partir du décret du 10 août 1914
autorisant les populations à contracter un engagement pour toute la durée de
la guerre à partir de l’âge de 17 ans. Si, au début du conflit, on compte
quelques milliers de Tunisiens présents en métropole, trois ans plus tard ils
seront près de 70 000 à s’être engagés pour la France 4. En août 1914, sept
nouvelles classes de réservistes tunisiens sont appelées sous les drapeaux
pour renforcer la présence tunisienne en France. L’un d’entre eux, le
tirailleur Mohamed Ben Abdallah Ben Rezig Ez Zoghlani, en traitement à
l’hôpital no 44 de Montpellier, écrit en juillet 1915 au califat de Testour que
les « soldats tunisiens ne font qu’un avec les Français dans les attaques qui
sont irrésistibles ».
Finalement, sur 80 000 combattants, un peu moins de la moitié sont
envoyés sur le front français et 8 000 dans le corps expéditionnaire
d’Orient. En Algérie, la situation est plus complexe, dans la mesure où la
conscription a été instituée par décret depuis février 1912, mais qu’un
double système de recrutement perdure pour maintenir les flux de
combattants. Avec les décrets de septembre 1916, on bascule vers
l’incorporation « intégrale » des conscrits de la classe 1917. Puis, l’année
suivante, Georges Clemenceau, dans une dépêche datée du 16 décembre
1917, décide d’intensifier le recrutement des troupes.
Au final, le bilan est équilibré, puisque tout au long du conflit sont
recrutés 85 000 appelés et tout juste 1 000 engagés « volontaires » de plus.
Sur ce total, le nombre effectif de combattants mobilisés en Algérie est
estimé entre 150 000 et 160 000 hommes 5. Dès le début de la guerre, la
question de la religion est soulevée pour s’opposer à la propagande
allemande et turque, le sultan ottoman prônant explicitement la guerre
sainte et le djihad face aux Alliés. Ainsi, des journaux comme Le Jeune
Turc incitent les tirailleurs nord-africains à « la révolte face au
colonisateur ». Hormis dans quelques régions de l’Algérie et de la Tunisie,
les confréries religieuses des pays d’Afrique du Nord se sont tout de suite
élevées contre cette idée, de même que les cheikhs des trois grandes
communautés musulmanes de Tunisie, qui rassurent le 8 novembre 1914 le
résident général : « L’Allemagne est un pays barbare, nous resterons loyaux
au Bey et à la France 6. »
L’enjeu religieux va traverser tout le conflit : par exemple, lorsqu’ils
sont faits prisonniers par les Allemands, les indigènes maghrébins « sont
séparés des autres militaires et envoyés dans un camp spécial à Wünsdorf »
où l’on essaye de les enrôler dans l’armée turque. Pour renforcer
l’attachement des combattants musulmans, les autorités françaises se
montrent vigilantes en matière de respect des pratiques religieuses. Et le
peintre Étienne Dinet, converti à l’islam et qui s’inquiète de savoir si les
morts musulmans sont inhumés selon les rites de leur religion, va conseiller
les autorités militaires pour concevoir une stèle funéraire adaptée aux
attentes des combattants. Il sera écouté et, très vite, ce modèle-référence
sera envoyé aux commandements au front, de même que dans les hôpitaux.
Afin de suivre les combattants et de faire en sorte qu’ils restent « fidèles
à la France », des imams sont envoyés au front dès le mois de juin 1915, et
une mosquée est construite à Bachet près de Tarascon. Par la suite, les lieux
de culte se multiplient, à l’image de la mosquée du jardin colonial de
Nogent-sur-Marne où est installé un hôpital pour les blessés musulmans 7.
Soldats ou travailleurs ?
1. Cet article a été publié – dans une version plus longue – sous le titre « La Grande Guerre
des soldats et travailleurs coloniaux maghrébins » dans la revue Migrations Société, volume
156, no 6, 2014.
2. Jacques Frémeaux, « Les contingents impériaux au cœur de la guerre », Histoire, Économie
et Société, volume 23, no 2, 2004.
3. Elisabeth James, « Algériens, Marocains et Tunisiens de 1914 à 1920 », in John Barzman,
Éric Saunier (dir.), Migrants dans une ville portuaire. Le Havre (XVIe-XXIe siècle), Le Havre,
Publications des universités de Rouen et du Havre, 2005.
4. Pascal Le Pautremat, Héros de Tunisie : spahis et tirailleurs d’Ahmed Bey Ier à Lamine Bey
(1837-1957), Tunis, CÉRÈS éditions, 2005.
5. Thomas Compère-Morel, Mémoires d’outre-mer. Les colonies et la Première Guerre
mondiale, Péronne, Historial de la Grande Guerre, 1996.
6. Pascal Le Pautremat, Héros de Tunisie, op. cit.
7. Pascal Le Pautremat, La Politique musulmane de la France au XXe siècle. De l’Hexagone
aux terres d’islam. Espoirs, réussites, échecs, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003.
8. Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du
e
XX siècle, Genève, Librairie Droz, 1981.
Conflits et résistances
La conférence de Berlin
La colonisation moderne
1. Ce texte est issu du chapitre « L’ère coloniale et les transformations sociales de longue
durée » dans l’ouvrage de Catherine Coquery-Vidrovitch, Petite Histoire de l’Afrique.
L’Afrique au sud du Sahara, de la préhistoire à nos jours, Paris, La Découverte, 2011.
L’Agence générale des colonies
Sandrine Lemaire
La fiction coloniale :
le théâtre des apparences
Le début de la guerre
Le changement de stratégie
Le 28 juillet 1925, à Tétouane, le maréchal Philippe Pétain a rencontré
Primo de Rivera une nouvelle fois. Il a maintenant une stratégie à proposer
au gouvernement pour en finir avec cette guerre. Le plan est simple : il
passe par une action combinée avec les Espagnols. En choisissant le plan
Pétain, Paul Painlevé confie donc au chef de l’armée française la conduite
de la guerre au Maroc. Hubert Lyautey est en parfait décalage avec le plan
offert par Philippe Pétain au gouvernement et qu’est en train de mettre sur
pied le général Alphonse Georges. La solution que défend Philippe Pétain
est définitive, radicale. Il estime qu’il faut anéantir Mohammed Abdelkrim,
tandis que Hubert Lyautey pense qu’il s’éliminera de lui-même.
Sur le quai du port de Casablanca, le 22 août 1925, la passation de
pouvoir entre les deux maréchaux est immédiate et glaciale. Le maréchal
Philippe Pétain, qui fait tout dépendre de son offensive franco-espagnole,
n’a pourtant toujours pas d’engagement ferme de Primo de Rivera. Dès ses
préliminaires, l’offensive du maréchal Philippe Pétain rencontre des
difficultés. Le pivot du plan Pétain reste la jonction permanente qu’il veut
opérer avec les Espagnols au village de Si Ali Bou Rokba pour tenir le Kert,
qui formerait ainsi une ligne de frontière temporaire avec les Rifains.
Malgré l’insistance du maréchal auprès du dictateur, Primo de Rivera ne
veut prendre aucun risque avant de s’être consolidé dans la zone qu’il vient
d’occuper. Le temps passe, Philippe Pétain doit revoir ses prétentions à la
baisse.
En vérité, la reconquête du pays Beni Zeroual, le débarquement
espagnol, la prise d’Ajdir, l’offensive à l’est, les cent bataillons du front
nord, les deux cent mille kilos de bombes larguées en octobre, les tanks, le
blocus du Rif n’ont pas eu raison de la très coriace république du Rif.
Mohammed Abdelkrim, bien que désormais en défense, ne lâche pas prise 5.
En France, la jeune galaxie communiste a battu les estrades pour
mobiliser dans la rue, les usines, les casernes contre « la boucherie du Rif ».
La grève générale de 24 heures « contre la guerre du Maroc » décidée à la
fin août doit être le point d’orgue de la contestation. Préparée activement
par le PCF et la Confédération générale du travail unitaire (CGTU),
coordonnée par le comité d’action que dirige Maurice Thorez, cette
première grève générale (le 12 octobre 1925) contre un conflit colonial de
l’histoire syndicale française se solde pourtant par un échec.
Dans le même temps, la contre-offensive conçue par Philippe Pétain n’a
pas rencontré les succès espérés et la prolongation du conflit se profile au
moins pendant l’hiver. Le 12 octobre, tandis que Pétain est sur le point de
décréter la mise en hivernage des troupes, quelque deux cent cinquante
mille à cinq cent mille travailleurs débrayent en France. La mobilisation des
masses laborieuses contre la guerre du Rif n’ébranle pas le gouvernement
du Cartel, qui sait faire jouer la corde nationaliste pour inhiber la
propagande communiste. La dimension religieuse du conflit, alimentée par
les appels réitérés du chef rifain à la « guerre sainte », permet également au
Cartel de ratisser large ses soutiens, de la gauche laïque à la droite
catholique, sur le thème de Mohammed Abdelkrim « le fanatique » ou « le
champion de l’Islam ».
Dès le 16 octobre 1925, Philippe Pétain annonce officiellement « la
clôture des grandes opérations actives de la campagne » et la mise en
hivernage des troupes françaises. La pluie, comme toujours au Maroc, a
imposé son calendrier. Débarquant à Marseille le 6 novembre 1925, Pétain
déclare alors à la presse : « Le Maroc est désormais tranquille. Abdelkrim
n’est plus à craindre. Ma tâche militaire est terminée. Je passe la main à la
politique. »
Au début de l’année 1926, il suffit d’observer la carte du Rif. La ligne
de front officielle solidement tenue par les Français est désormais protégée
par un large glacis de tribus qui échappent à l’influence de Mohammed
Abdelkrim dont les expéditions punitives semblent contre- productives. Le
vent de la victoire a définitivement tourné.
1. Cet article, sous une forme synthétique, est issu de l’ouvrage de Vincent Courcelle-
Labrousse, Nicolas Marmié, La Guerre du Rif. Maroc, 1921-1926, Paris, Tallandier, 2008.
2. Daniel Rivet, Lyautey et l’institution du protectorat français au Maroc (1912-1925), 3
tomes, Paris, L’Harmattan, 1988.
3. Rachid Raha, Mimoun Charqi, Ahmed El-Hamdaoui, La Guerre chimique contre le Rif
(actes du colloque d’Al-Hoceima), Rabat, Éditions Amazigh, 2004.
4. Germain Ayache, La Guerre du Rif, Paris, L’Harmattan, 1996.
5. Zakya Daoud, Abdelkrim. Une épopée d’or et de sang, Paris, Séguier, 1999.
6. Jacques Roger-Mathieu, Mémoires d’Abdel-Krim, Paris, Librairie des Champs-Élysées,
1927.
7. Ibid.
Les diverses formes
de l’anticolonialisme et du refus
de l’Empire
Christelle Taraud
L’histoire des décolonisations est supposée être marquée par les deux
seules guerres d’Indochine et d’Algérie, mais le processus a commencé bien
avant les temps des indépendances « officielles 1 ». En effet, la réalité est
plus compliquée, dans la mesure où l’on peut objectivement considérer la
guerre du Rif (1920-1925) comme un conflit de décolonisation avant
l’heure, et les « événements du Cameroun » (1955-1961) comme une guerre
de décolonisation invisible et oubliée.
1. Ce texte est issu du livre de Christelle Taraud, Idées reçues sur la colonisation. La France
et le monde, XVIe-XIXe siècles, Paris, Le Cavalier Bleu, 2018.
2. Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun. Autopsie d’une décolonisation, Paris, François
Maspero, 1972 ; Mongo Beti, « Les procès du Cameroun : autopsie d’une décolonisation »,
Partisans, no 64, mars-avril 1972 ; Mongo Beti, Remember Ruben, Paris, Union générale
d’éditions, 1974 ; Mongo Beti, La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun, Paris, La
Découverte, 1993.
3. Patrice Gélinet, Indochine 1945-1954. Chronique d’une guerre oubliée, Paris, Acropole,
2014 ; Alain Ruscio, La Guerre française d’Indochine (1945-1954), Bruxelles, Complexe,
1993.
4. Yves Benot, Massacres coloniaux. 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des
colonies françaises, Paris, La Découverte, 2005.
5. Ahmed Sékou Touré, « Discours à Conakry », 25 août 1958.
6. Aoua Keïta, La Vie d’Aoua Keïta racontée par elle-même, Paris, Présence africaine, 1975.
Élites noires en France au temps
de l’empire colonial français
Tracy Sharpley-Whiting
Ruelles parisiennes
Les vies et expériences s’entrecroisant dans le dédale des rues,
arrondissements et quartiers de Paris, de Montmartre à Montparnasse, de la
montagne Sainte-Geneviève au cœur du Quartier latin jusqu’à Saint-
Germain-des-Prés, ces Américaines formaient un groupe à l’intérieur de la
communauté dont les habitants, souvent de passage, se renouvelaient sans
cesse. Si Paris, comme toute grande ville, était plus hospitalière
racialement, elle pouvait aussi se montrer aliénante, propice à l’isolement,
et excluante. Paris se hissait à la hauteur de sa réputation parce que les
désirs de communauté et d’appartenance que nourrissaient les femmes
expatriées pouvaient se rencontrer. Tyler Stovall a observé que
« l’expérience communautaire fut essentielle à l’histoire des Noirs
américains installés dans la capitale française. Les Noirs ne sont pas
arrivés isolés à Paris, ils bénéficiaient souvent du soutien des Africains-
Américains arrivés avant eux. […] Les réseaux informels leur permettaient
de récréer une présence culturelle noire à l’étranger affranchie du
racisme 7 ».
De la même façon, les expatriées africaines-américaines ne
recherchaient pas simplement la compagnie d’autres Américains, noirs ou
blancs, mais aussi celle de femmes novatrices à leur image. La petite
communauté, émergeant au croisement de la race, du genre et de la
nationalité, se trouvait par la vertu de l’espace et du temps à vivre, manger,
socialiser et travailler à proximité. Américains dans une ville étrangère,
cette expérience commune leur a permis de tisser des liens étroits dans la
Ville Lumière. De la même façon, les femmes étaient réunies par cette
expérience singulière, celle de se trouver au seuil de quelque chose de
nouveau, liées par leur désir de vivre autre chose et de « faire » autre chose.
Ada « Bricktop » Smith, icône de la culture cabaret, résida quinze ans à
Paris, où elle fit office de port d’attache et aimanta la communauté des
Africaines-Américaines expatriées. Les nombreux clubs qu’elle ouvrit
offraient un chez-soi à cette communauté de femmes éloignées de leur pays,
et son club était « à la fois un centre postal, une banque, une salle de
répétition, un club et un bistrot de quartier. Mais il n’a jamais cessé d’être
chic 8 ». D’après de nombreuses expatriées, comme la poétesse et peintre
Gwendolyn Bennett ou la portraitiste Laura Wheeler, Bricktop était
l’endroit où les noctambules faisaient leur dernière halte. La compositrice et
chanteuse Nora Holt et la performeuse Florence Mills dînaient
régulièrement avec l’hôte lorsqu’elles étaient de passage dans la ville. Ada
« Bricktop » Smith conseillait Joséphine Baker lors de ses derniers séjours à
Paris, et l’aidait à lire et écrire. Elle offrit aussi refuge à Ethel Waters qui,
tourmentée par le mal du pays, écœurée des croissants et du beurre blanc,
cherchait à tout prix un endroit où cuisiner du chou vert.
Nancy Prophet, dont le tempérament était notoirement difficile, se noua
d’amitié avec Augusta Savage, qui venait d’arriver, par l’entremise de
l’impresario panafricaniste William Edward Burghardt Du Bois (dit
W. E. B. Du Bois), tandis que Dorothy Peterson et Nella Larsen prenaient le
thé ensemble dans les salons parisiens et écrivaient d’innombrables lettres
relatant leurs voyages à Carl Van Vechten. Plusieurs d’entre elles s’étaient
rencontrées à Chicago où elles avaient socialisé et travaillé ensemble. Elles
reprenaient tout naturellement contact une fois arrivées à Paris. Cette
communauté comprenait aussi d’autres femmes de la diaspora africaine
comme Mabel Mercer, chanteuse britannique, ou Paulette Nardal, qui tenait
un salon littéraire et fonda en 1931 La Revue du monde noir, défendant un
projet assimilationniste et réformiste sur la question coloniale, en
compagnie de ses sœurs. La revue avait vu le jour dans le Salon de Clamart,
née de l’énergie bouillonnante qui s’était créée autour de l’Exposition
coloniale internationale. Six numéros ont été produits jusqu’en 1932, toutes
ces femmes ayant contribué ainsi à l’élaboration d’une vision alternative de
Paris.
Cependant, tout en poursuivant leurs vocations respectives à Paris, elles
demeuraient tournées vers chez elles. Paris représentait pour elles un espace
d’entraînement, un terrain où elles avaient la possibilité d’approfondir leurs
rêves jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment mûrs pour être rapportés à la
maison. Beaucoup d’entre elles allaient ensuite retrouver le milieu « New
Negro », où, dotées de toutes les ressources nécessaires, elles pouvaient
endosser des rôles de pionnières « de la race » dans les domaines de l’art,
de l’éducation, des lettres et des droits civiques. Elles revenaient lestées
d’une vision des choses élargie. Les liens qu’elles avaient forgés avec la
diaspora africaine lors de leur séjour à Paris, de même que leur
connaissance approfondie du continent africain, se manifestaient dans leur
art et leur écriture. Les rencontres avec des Martiniquaises lettrées comme
Jeanne et Paulette Nardal ainsi que l’expérience de l’Exposition coloniale
internationale de Paris en 1931 les avaient éclairées au sujet de la politique
complexe de la France en matière de race et d’empire, des rôles et des
privilèges qu’elles avaient en tant qu’Africaines-Américaines au sein du
drame colonial français.
L’histoire des Africaines-Américaines expatriées serpente à l’intérieur
d’un récit plus large, celui de l’expatriation américaine, un récit qui les a
exclues. Elle est affaire de communauté, de migration, le plus souvent
temporaire, de guérison et de ré-imagination. Ces femmes africaines-
américaines – artistes, féministes, intellectuelles, écrivaines, défenseurs des
droits civiques – ont pu se forger un espace au sein duquel s’exprimer,
susceptible d’encourager une prise de conscience politique et l’atteinte d’un
épanouissement personnel. Elles ont connu des libertés individuelles,
collectives et artistiques alors inconcevables aux États-Unis (ou dans
l’empire colonial français). Elles ont influencé les échanges culturels et
politiques et les positions prises par leurs homologues africains-américains,
les rapports avec l’élite intellectuelle qu’ils côtoyaient, leur statut par
rapport aux autres Américains à Paris, l’interpénétration d’une vision du
monde transatlantique, mais aussi les liens tissés avec d’autres artistes,
écrivaines et féministes à Paris, surtout en ce qui concerne les débats
contemporains sur l’identité et la construction de la notion de race et
l’histoire du XXe siècle.
Toutefois, il est important de souligner que de nombreuses Africaines-
Américaines ne quittaient pas l’Amérique pour fuir quelque chose.
Certaines d’entre elles étaient tout simplement en quête de changement,
elles cherchaient à faire l’expérience de quelque chose de différent, de
merveilleux et de nouveau : l’opportunité d’améliorer des compétences
langagières, d’étudier avec des maîtres des beaux-arts, ou de s’adonner à la
haute culture. Pourquoi ces « autres Américaines », si l’occasion leur était
donnée, n’auraient-elles pas voulu goûter à cette magie ? Les textes
littéraires, historiques et biographiques, les enregistrements, films,
illustrations, lettres, photographies, mémoires et affiches représentent une
véritable archéologie de ces années charnières, une période historique en
mutation permanente.
Les élites noires en France au temps de l’empire colonial français
contribuèrent ainsi à la mise en place, pendant l’entre-deux-guerres, d’un
réseau d’interconnexion entre les États-Unis et la France et d’une
expérience individuelle ou collective qui allait nourrir un nouveau discours,
et orienter et éclairer les débats sur le colonialisme.
La « mission civilisatrice »
En effet, les frères Régis négocièrent dans les années 1840 avec le
souverain du royaume du Dahomey de l’époque (sud du Bénin actuel), le
roi Ghézo, le monopole de l’achat sur ses terres de l’huile artisanale
fabriquée par ses femmes à partir des palmeraies naturelles de l’arrière-côte.
Ce commerce fut bientôt suivi par celui des arachides cultivées par les
paysans du Sénégal. Cette culture d’exportation fut en expansion
permanente, surtout après la construction par les Français du chemin de fer
Dakar-Saint-Louis (1883-1885) qui en facilita le transport et l’exportation.
Les importations d’arachide du Sénégal vers les huileries bordelaises,
continûment subventionnées au XXe siècle par le gouvernement français (la
toute première huilerie sénégalaise ne date que de la fin des années 1930),
ne s’écroulèrent qu’après l’indépendance.
Dès le début du XIXe siècle, les oléagineux tropicaux faisaient partie des
matières premières indispensables à l’industrialisation métropolitaine.
Toutes les firmes nationales en avaient directement ou indirectement besoin,
aussi bien pour huiler leurs machines que pour éclairer leurs ateliers.
L’industrie de la bougie (préférable aux chandelles à l’huile d’olive ou à la
cire d’abeille) date du milieu du XIXe siècle et ne fut concurrencée que
partiellement par le gaz d’éclairage issu de la distillation du charbon. Celui-
ci démarra surtout en France sous la monarchie de Juillet, en priorité pour
l’éclairage public et l’industrie, car il était alors considéré comme
dangereux ou nauséabond pour les domiciles privés. Quant à l’électricité,
elle ne se généralisa qu’au tournant du XXe siècle. Les besoins en éclairage,
devenus impératifs avec l’introduction du travail continu industriel (les
« trois huit »), s’accrurent énormément.
De même, l’industrie du savon dit « de Marseille » doit tout aux
colonies. Ce produit résulte d’une découverte française reposant sur la
technique de blanchiment à base d’oléagineux tropicaux du savon noir
primitivement fabriqué par les Britanniques et à ce titre snobé par la
clientèle française, qui lui trouvait une allure peu ragoûtante. Mais ce sont
des fabricants de savon britanniques, les frères Lever, qui créèrent à leur
tour une firme dans les années 1880 et entreprirent de mettre en place une
concentration verticale de leur production, depuis la matière première
jusqu’au produit de grande distribution. Ils commencèrent par acheter au
début du XXe siècle des terres au Congo belge pour y établir des palmeraies
et aboutirent en 1928 à la constitution de la firme multinationale Unilever
en unissant capitaux britanniques et néerlandais.
e
1. Catherine Coquery-Vidrovitch, L’Afrique et les Africains au XIX siècle, Paris, Armand
Colin, 1999.
2. Henri Brunschwig, Mythes et réalités de l’impérialisme colonial français, 1871-1914,
Paris, Armand Colin, 1960.
3. Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce, Paris,
Albin Michel, 1984.
4. Pierre Brocheux, Daniel Hémery, Indochine. La colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris,
La Découverte, 2001 [1995].
5. Christian Grataloup, Le Monde dans nos tasses. L’étonnante histoire du petit déjeuner,
Paris, Armand Colin, 2017.
6. Freddy Ghozland, Un siècle de réclames alimentaires, Toulouse, Milan, 1984.
7. Catherine Coquery-Vidrovitch, « Le postulat de la supériorité blanche et de l’infériorité
noire », in Marc Ferro (dir.), Le Livre noir du colonialisme, Paris, Robert Laffont, 2002.
8. Catherine Coquery-Vidrovitch, Le Congo au temps des grandes compagnies
concessionnaires, 1898-1930, Paris, EHESS, 2001 [1972].
9. Rapport général. Exposition coloniale internationale de Paris, 1931, notamment tome 5, 2e
partie, « Les sections coloniales françaises », Paris, Imprimerie nationale, 1935.
10. Ce texte reprend un article publié initialement dans l’ouvrage collectif de Pascal
Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la
Révolution française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
L’émergence d’une élite politique
noire dans la France du premier
e
XX siècle ?
Dominique Chathuant
1. Ce texte est une version revue et mise à jour d’un précédent article : « L’émergence d’une
élite politique noire dans la France du premier XXe siècle ? », Vingtième Siècle. Revue
d’histoire, volume 101, no 1, 2009.
2. Richard Fogarty, Michael Osborne, « Constructions and Functions of Race in French
Military Medicine, 1830-1920 », in Sue Peabody, Tyler Stovall (dir.), The Color of Liberty:
Histories of Race in France, Durham, Duke University Press, 2003 ; Lucy Ward, « History
Made as Boateng Becomes First Black Cabinet Minister », The Guardian, 30 mai 2002.
3. Eric Garcia-Moral, « Blaise Diagne, French Parliamentarian From Senegal », in Josep M.
Fradera, José María Portillo, Teresa Segura Garcia (dir.), Unexpected Voices in Imperial
Parliaments, Londres, Bloomsbury Academics, 2021 ; Dominique Chathuant, « Gratien
Candace: in the Name of the French Empire », in Josep M. Fradera, José María Portillo, Teresa
Segura Garcia (dir.), Unexpected Voices in Imperial Parliaments, op. cit.
4. ANOM, 125 APOM, directeur général à président de la SIAPAP, 24 janvier 1912 ; 134
APOM, courrier, 10 avril 1915 ; JO, Débats, Chambre, 26 juin 1912 ; Jacques Doriot, Les
Colonies et le communisme, Paris, Aubier-Montaigne, 1929 ; Philippe Cherdieu, « La vie
politique en Guadeloupe. L’affrontement Boisneuf-Légitimus (1898-1914) », thèse de doctorat
d’histoire, IEP, Paris, 1981 ; Jacques Dumont, « Conscription antillaise et citoyenneté
revendiquée », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, volume 92, no 4, 2006.
5. Wesley G. Johnson, Naissance du Sénégal contemporain. Aux origines de la vie politique
moderne (1900-1920), Paris, Karthala, 1991 ; Catherine Coquery-Vidrovitch, « Nationalité et
citoyenneté en AOF : originaires et citoyens dans le Sénégal colonial », Journal of African
History, volume 42, no 2, 2001 ; Iba Der Thiam, Le Sénégal dans la guerre 14-18 ou le prix du
combat pour l’égalité, Dakar, Nouvelles Éditions africaines du Sénégal, 1992 ; Iba Der Thiam,
La Révolution de 1914 au Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2014.
6. Rapport du préfet au ministre de la Guerre, 10 avril 1919, commissaire central à sous-préfet
et sous-préfet à préfet, 19 avril 1919 ; La Petite Patrie, 11 juin 1919 ; « Fâcheuse méprise »,
Le Phare de la Loire, 24 avril 1919 ; Yves Nouailhat, Les Américains à Nantes et à Saint-
Nazaire (1917-1919), Paris, Les Belles Lettres, 1972 ; Tyler Stovall, Paris Noir: African
Americans in the City of Light, Boston, Houghton Mifflin, 1996 ; Harvey Levenstein,
Seductive Journey: American Tourists in France from Jefferson to the Jazz Age, Chicago,
Chicago University Press, 1998.
7. Diagne au ministre de la Guerre, 16 novembre 1918 ; lettre A. René-Boisneuf à R.
Poincaré, 3 janvier 1923 ; Journal officiel, 23 mai 1919 ; 25 juillet 1919 ; La Petite Patrie,
14 juin 1919 ; « A French Directive », The Crisis, 18 mai 1919 ; Emmett J. Scott, The
American Negro in the World War, Chicago, Homewood Press, 1919 ; Benjamin Doizelet,
« L’intégration des soldats noirs américains de la 93e DI dans l’armée française en 1918 »,
Revue historique des armées, no 265, 2011.
8. « Colored Frenchmen and American “Metèques” », Literary Digest, volume 78, no 9,
1er septembre 1923 ; Philippe Dewitte, Les Mouvements nègres en France (1919-1939), Paris,
L’Harmattan, 1985.
9. Le Temps, 2, 10 et 19 août 1923 ; L’Homme libre, 1er, 2, 8, 11, 19 au 21 août 1923 ;
« Respect aux Français de couleur. Une lettre de M. Poincaré à M. Diagne », L’Homme libre,
11 août 1923 ; « Une lettre de M. Poincaré : les Français de couleur sont les égaux des
blancs », L’Homme libre, 1er septembre 1923 ; Dominique Chathuant, Nous qui ne cultivons
pas le préjugé de race. Histoire(s) d’un siècle de doute sur le racisme en France, Paris, Le
Félin, 2021.
10. Serge Mam-Lam-Fouck, Histoire de l’assimilation. Des « vieilles colonies » françaises
aux DOM : la culture politique de l’assimilation aux Antilles et en Guyane françaises (XIXe et
e
XX siècles), Matoury, Ibis rouge, 2006 ; Dominique Chathuant, « L’assimilationnisme », in
Cyril Serva (dir.), Études guadeloupéennes, hors-série, Pointe-à-Pitre, Jasor, 2000.
11. La Voix du peuple de la Guadeloupe, 12 août 1939 ; « Pas de colonies pour les racistes »,
Le Droit de vivre, 11 mars 1939 ; Galandou Diouf, « Un crime : céder nos colonies aux
barbares », Le Droit de vivre, 11 mars 1939 ; Dominique Chathuant, Nous qui ne cultivons pas
le préjugé de race, op. cit.
12. Groupe du souvenir de Victor Schœlcher, brochure, 1937, coll. Albert Larochelle ; Gratien
Candace, Le Deuxième Congrès de la race noire en 1921, Paris, Colonies et marine, 1921 ; J.
Ayodele Langley, Pan-Africanism and Nationalism in West-Africa (1900-1945), Oxford,
Clarendon Press, 1978 ; Philippe Dewitte, op. cit. ; François Manchuelle, « Le rôle des
Antillais dans l’apparition du nationalisme culturel en Afrique noire francophone », Les
Cahiers d’études africaines, volume 32, no 127, 1992.
13. « Hégésippe Légitimus », L’Assiette au beurre, no 414, 6 mars 1909 ; Jean Sennep, Cartel
et Cie, Paris, Bossard, 1928 ; Jean Martet, M. Clemenceau peint par lui-même, Paris, Albin
Michel, 1928 ; « Gratien Candace », Le Charivari, no 378, 23 septembre 1933 ; Yvon Le
Villain, Gerville-Réache, Matoury, Ibis rouge, 2001.
14. Léon Daudet, Député de Paris (1919-1924), Paris, Grasset, 1933 ; La Chambre nationale
du 16 novembre, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1925 ; Maurice Martin du Gard,
Chronique de Vichy (1940-1944), Paris, Flammarion, 1948 ; Gilles Normand, Politiques et
hommes politiques. Esquisse d’un recensement des compétences politiques du temps (tome 1),
Paris, Perrin, 1925 ; Jules Jeanneney, Journal politique, septembre 1939-juillet 1942, Paris,
Armand Colin, 1972.
15. Lettre W. E. B. Du Bois à Gratien Candace, 19 décembre 1929, W. E. B. Du Bois Library,
Amherst University ; Union interparlementaire, 25e Conférence, Berlin, Genève, Payot, 1928 ;
id., 29e Conférence, Madrid, Genève, Payot, 1933 ; Gratien Candace, « La leçon d’une
élection : union des races ! », Le Droit de vivre, 23 janvier 1939.
Fête et ordre colonial.
Centenaires et résistance
anticolonialiste en Algérie pendant
les années 1930
Jan C. Jansen
Cependant, ceux d’entre eux qui prononcent des discours font montre
de modération. Leurs contributions se cantonnent pour la plupart à des
déclarations de loyauté, de patriotisme et au soutien de la « mission
civilisatrice ». Dans la presse algérienne, ils sont soumis à des critiques et
se voient obligés de justifier leur comportement comme « une question de
correction, de tact et de mesure 21 ». De telles remarques ne sont pas
complètement infondées, comme l’atteste le cas du journaliste Rabah
Zenati. Après avoir donné, à Bône, une conférence tout à fait prudente sur
des réformes à l’occasion du centenaire, celui-ci est obligé de dissiper des
doutes concernant sa loyauté vis-à-vis de la France 22.
Le centenaire marque un échec cuisant quant à la stratégie
d’appropriation subversive et quant à sa tendance à s’adresser à la classe
politique métropolitaine. Seul un élément de la justice répressive coloniale,
les tribunaux répressifs, est en principe supprimé peu avant le voyage
présidentiel. L’absence d’un geste politique d’envergure déclenche des
querelles au sein du public modéré et celui des Jeunes Algériens sur
l’orientation à adopter. Divers cahiers de revendications, concurrents
quoique presque identiques dans leur contenu, circulent à l’apogée des
fêtes 23.
L’échec de 1930 ne discrédite pas entièrement la stratégie de
l’appropriation subversive qui va, notamment à l’époque du Front
populaire, atteindre encore un épanouissement inattendu. Le centenaire
révèle, toutefois, l’un de ses points faibles : sans force de mobilisation
suffisante, les appels à des réformes ne peuvent que paraître impuissants.
Pire encore, comme les élus n’ont d’autre choix qu’une participation
« positive », l’administration peut se réjouir de leur position « correcte et
modérée 24 ».
En Algérie, seuls les communistes appliquent une autre stratégie que
celle d’une critique modérée. Dès 1928, leurs sections de parti et
organisations travaillent pour créer un anticentenaire, un « centenaire
révolutionnaire 25 ». Les communistes sont les seuls à faire l’essai d’une
résistance organisée. Dans des publications et des tracts diffusés à cette
occasion, ils comptent opposer une version communiste et anticoloniale à
l’histoire officielle, centrée sur l’image de la lutte des classes, cachée
derrière la domination raciste 26. Par voie de tracts et d’affichage, des
associations et des syndicats appellent les ouvriers algériens et européens à
combattre les fêtes ; leur principal quotidien à Paris rapporte régulièrement
de petits actes de sabotage ; un congrès clandestin d’ouvriers musulmans est
censé développer une conscience de classe anticoloniale chez les colonisés.
Or tous ces efforts de mobilisation restent largement sans résultat,
principalement en raison du faible degré d’enracinement du Parti
communiste dans la population algérienne.
Le cinéma impérial
1. Ce texte reprend (avec une mise à jour) un article publié initialement dans l’ouvrage
collectif de Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en
France. De la Révolution française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
2. Jean-Marc Moura, La Littérature des lointains. Histoire de l’exotisme européen au
e
XX siècle, Paris, Honoré Champion, 1998.
3. Mary Louise Pratt, Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, Londres,
Routledge, 1992.
4. James Clifford, Routes: Travel and Translation in the Late Twentieth Century, Cambridge,
Harvard University Press, 1997.
5. Abdelkader Benali, Le Cinéma colonial au Maghreb, Paris, Le Cerf, 1998 ; David Henry
Slavin, Colonial Cinema and Imperial France, 1919-1939, Baltimore, Johns Hopkins
University Press, 2001.
6. Elizabeth Ezra, The Cinema of Things: Globalization and the Posthuman Object, New
York, Bloomsbury, 2017.
7. Pascal Blanchard, Éric Deroo, Gilles Manceron, Le Paris noir, Paris, Hazan, 2001 ; Pascal
Blanchard, Sylvie Chalaye, Éric Deroo, Dominic Thomas, Mahamet Timera (dir.), La France
noire, Paris, La Découverte, 2011 ; Jennifer Anne Boittin, « The Militant Black Men of
Marseille and Paris (1927-1937) », in Trica Danielle Keaton, Tracy Denean Sharpley-Whiting,
Tyler Stovall (dir.), Black France/France noire: The History and Politics of Blackness,
Durham/Londres, Duke University Press, 2012.
8. Elizabeth Ezra, The Colonial Unconscious: Race and Culture in Interwar France, Ithaca,
Cornell University Press, 2000.
9. Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, 1983 [1939].
10. Philippe Dewitte, Les Mouvements nègres en France, 1919-1939, Paris, L’Harmattan,
1985. Voir Lamine Senghor, La Violation d’un pays et autres écrits anticolonialistes, Paris,
L’Harmattan, 2012.
11. Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, La Table ronde, 1972.
L’Exposition coloniale
internationale (1931) : entre
contestations et adhésions
Catherine Hodeir
La « féerie coloniale »
Lire sa propre légende (au sens premier de « ce qui est à lire », ce que
l’on enseigne comme credo) depuis le point de vue de l’autre, telle est
l’injonction sur laquelle est construit l’argument de l’article intitulé
« Quelques réflexions sur les origines de l’hitlérisme ». Le passage suivant
représente cet argument : « On prétend que Napoléon a propagé, les armes
à la main, les idées de liberté et d’égalité de la Révolution française ?
Napoléon n’a pas inspiré au monde moins de terreur et d’horreur
qu’Hitler 4. »
Je ferai trois remarques sur cette comparaison entre Napoléon
Bonaparte et Adolf Hitler. La première est pour insister sur le fait qu’en
effet, le récit qui présente Napoléon Bonaparte comme celui qui en même
temps qu’il met fin à la Révolution française en exporte les idées qui vont
changer le visage du monde est l’exemple même du roman national,
cautionné on le sait par Hegel, qui voyait en l’empereur la figure par
excellence du grand homme élu par l’Esprit, entretenu par les historiens,
chanté par les poètes : Napoléon Bonaparte serait celui qui répand « cet air
de liberté au-delà des frontières aux peuples étrangers qui donnait le
vertige » (Ma France chantée par Jean Ferrat).
Voici à quoi invite Simone Weil : regarder cela depuis « le monde »,
depuis « les peuples étrangers » justement. Que disent-ils de « la France
éternelle », ou plutôt comment se présente-t-elle en son épisode
napoléonien dans le miroir que lui tendent les pays qui ont été violentés et
soumis par les « grognards » de Napoléon Bonaparte ? Eh bien, dit Simone
Weil, au miroir du monde, « il n’y a pas de “France éternelle”, tout au
moins en ce qui concerne la paix et la liberté 5 ». Ce contre-récit, c’est celui
que produisent la Hollande, la Suisse, l’Espagne : « Quiconque parcourt le
Tyrol, écrit Simone Weil, y trouve à chaque pas des inscriptions rappelant
les cruautés commises alors par les soldats français contre un peuple
pauvre, laborieux et heureux pour autant qu’il est libre. Oublie-t-on ce que
la France a fait subir à la Hollande, à la Suisse, à l’Espagne 6 ? » Récit
national/contre-récit depuis « le monde » : c’est cette dialectique que
Simone Weil fait également fonctionner à propos du colonialisme, de tous
les colonialismes (elle remonte aussi bien, dans la comparaison avec
l’hitlérisme, à la Rome impériale) 7.
Ma deuxième remarque est pour dire, avec Simone Weil, que s’il y a
quelque chose d’éternel parce que naturel, ce n’est pas le visage de la
civilisation mais au contraire celui de la barbarie. On retrouve ainsi chez la
philosophe l’idée bergsonienne que le naturel, l’instinct, est guerrier, qu’il
est clôture sur soi, c’est un tribalisme qui n’ouvre pas sur une politique de
l’humanité comme telle, c’est-à-dire comme totalité et idée régulatrice.
Simone Weil déclare en effet dans l’article sur les « origines de
l’hitlérisme » que « tout État centralisé et souverain est conquérant et
dictatorial en puissance, et devient tel en effet pour autant qu’il croit en
avoir la force 8 ». Et dans ses « Réflexions sur la barbarie » (1939), elle
trouve vérifié le postulat qu’« on est toujours barbare envers les faibles »,
même s’il faut peut-être apporter cette nuance : « sauf au prix d’un effort de
générosité aussi rare que le génie 9 ».
Alors, et c’est ma troisième remarque, s’il en est ainsi, si « le dogme de
la souveraineté nationale » porte en soi la barbarie qui ne demande qu’à se
manifester dès lors qu’elle peut mettre la force à son service, la solution est
d’élargir la civilité qui constitue la nation à la relation que la nation
entretient à d’autres. Cette relation s’appelle « le fédéralisme » et l’on voit à
la fin de l’article « Quelques réflexions sur les origines de l’hitlérisme »
Simone Weil proposer le fédéralisme comme ce qui doit remplacer le
colonialisme : « L’ordre international, écrit-elle, suppose qu’un certain
fédéralisme soit établi non seulement entre les nations mais à l’intérieur de
chaque grande nation [il faut donc jouer la Gironde contre le jacobinisme
pour respecter le pluralisme]. À plus forte raison, le lien entre les colonies
et leur métropole devrait-il devenir un lien fédéral au lieu d’être un rapport
de simple subordination. »
On peut voir que cette conclusion (et au fond tout l’article sur « les
origines… ») est nourrie de la réflexion que depuis 1931 – année où
s’organise, à Paris, l’immense Exposition coloniale internationale – selon
son propre compte, Simone Weil ne cesse de mener sur la colonie. Cela fait
l’objet de mon second point.
1. Ce texte est issu d’une conférence, sous le même titre, donnée au Collège de France le
12 juin 2017.
2. Simone Weil, « Qui est coupable des menées antifrançaises ? » (1938), in Écrits historiques
et politiques, Paris, Gallimard, 1960.
3. Ibid.
4. Simone Weil, « Quelques réflexions sur les origines de l’hitlérisme » (1940), in Écrits
historiques et politiques, op. cit.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. Je noterai au passage que Léopold Sédar Senghor, en amoureux qu’il était de la langue
française, a écrit un célèbre poème où il prie Dieu de « placer la France à la droite du Père ».
Il avait bien entendu à l’esprit cette « France éternelle » qu’il avait dite « structurelle » pour
l’opposer à la « France conjoncturelle » qu’il voyait attachée à se trahir dans les exactions
coloniales.
8. Simone Weil, « Quelques réflexions sur les origines de l’hitlérisme », in Écrits historiques
et politiques, op. cit.
9. Simone Weil, « Réflexions sur la barbarie (fragments) » (1939), in Écrits historiques et
politiques, op. cit.
10. Simone Weil, « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du
peuple français » (1943), in Écrits historiques et politiques, op. cit.
11. Ibid.
12. Simone Weil, « Le sang coule en Tunisie » (1937), in Écrits historiques et politiques, op.
cit.
13. Adriano Marchetti, « Réflexions de Simone Weil sur le colonialisme », Francophonia
(Studi e riserche sulle leterrature di lingua francese), no 19, 1990.
14. Simone Weil, « Qui est coupable de menées antifrançaises ? », in Écrits historiques et
politiques, op. cit.
15. Bernadette Cailler, « De Simone Weil à Aimé Césaire : hitlérisme et entreprise
coloniale », Présence Africaine, Nouvelle série, no 151/152, 1995.
16. Simone Weil, « Lettre à Georges Bernanos » (1938), in Écrits historiques et politiques, op.
cit.
Paris, capitale coloniale
Pascal Blanchard et Éric Deroo
La contradiction colonies/métropole
Dans les années 1920, faisant suite aux premiers et nombreux migrants
de la Grande Guerre, une nouvelle génération s’installe dans Paris et sa
banlieue. À l’immigration de travail s’ajoute celle, bientôt très importante,
de responsables politiques, d’artistes et d’étudiants, appelés à jouer un rôle
décisif lors des futures indépendances, tant en Afrique noire qu’au Maghreb
ou en Indochine. À travers des flux annuels de plus en plus réguliers, on
estime à plus d’une centaine de milliers les immigrés originaires du
Maghreb, pour l’essentiel d’Algérie (géographiquement la plus proche), au
milieu des années 1930 1.
À l’époque, pour s’embarquer vers la capitale, les immigrants
« légaux » d’Afrique du Nord doivent justifier d’un contrat de travail, d’un
certificat médical prouvant l’absence de « maladies contagieuses » et d’une
carte d’identité avec photographie. Quant à l’immigration « illégale », elle
représente jusqu’à un tiers des travailleurs en métropole. Une enquête
nationale, dans l’industrie métallurgique, sur plus de 60 000 travailleurs,
classe les « Nord-Africains » en bons derniers des différentes populations
« étrangères » identifiées par l’enquête. Mais, malgré ce « classement » et
ces réactions xénophobes de plus en plus affirmées, les départs vers la
métropole ne cessent de s’amplifier. Le patronat français a besoin de bras, à
bon marché et corvéables. Au total, de la fin de la Grande Guerre à la veille
du second conflit mondial, ce sont 500 000 Nord-Africains qui viennent en
France, chiffre conséquent si on le rapporte à la population adulte masculine
du Maghreb de l’époque.
Le nombre d’Africains, d’Antillais et d’Africains-Américains est plus
modeste, entre 5 000 et 10 000 personnes au maximum en France au milieu
des années 1920. Mais le nombre officiel des Africains et des Malgaches
résidant en métropole, estimé par le ministère des Colonies en 1926 à un
peu plus de 2 500 personnes, dont un peu moins de 800 dans la capitale,
paraît nettement au-dessous de la réalité et doit être probablement triplé 2.
Ce sont surtout des ouvriers (70 % du recensement officiel de 1926) qui
travaillent, entre autres, aux usines automobiles Renault, Citroën et à la
fabrique de chocolat Amieux, et des employés, notamment de la
Compagnie du gaz de Paris et de la Société des transports en commun.
On compte également quelques dizaines d’étudiants fréquentant surtout
les facultés de droit et de médecine, une soixantaine de marins, ainsi que
des domestiques dont le nombre est impossible à préciser, souvent conduits
à Paris par des coloniaux à la retraite. Le journal La Race nègre rapporte, en
septembre 1930, un fait divers significatif. Un Bambara de 18 ans, emmené
dans les bagages d’un médecin revenant du Sénégal, est littéralement
séquestré à l’office et rémunéré 50 francs par mois. Ayant réussi à s’évader,
vêtu de son seul pagne, il est retrouvé par la police place Gambetta.
Mais on ne peut pas parler, au milieu des années 1920, d’une véritable
immigration africaine à Paris ; il faudra attendre la décennie suivante pour
voir cette présence doubler progressivement. Le nombre d’Antillais est
sensiblement équivalent 3 et à cette communauté afro-antillaise s’ajoutent
quelques Haïtiens, Kanak, Éthiopiens et plusieurs centaines de Noirs
américains, pour la plupart artistes, sportifs ou écrivains 4.
Le chiffre des originaires d’Indochine oscille entre 4 000 et 5 000 dans
Paris et sa banlieue. En effet, depuis les instructions de 1926 sur le
recrutement des travailleurs coloniaux et les mesures de juillet 1934, puis la
loi de 1938 sur les centaines de milliers de travailleurs que l’on souhaitait
recruter, seuls 20 000 Indochinois arrivèrent en France de façon officielle.
Pourtant cette immigration est ancienne : lors de la Première Guerre
mondiale, aux côtés des 43 000 tirailleurs, des milliers de travailleurs
(40 000 Indochinois et le double de Chinois, ces derniers pris en charge par
les Français et les Britanniques) furent acheminés en France, employés
surtout dans les ports, les compagnies de chemins de fer, usines d’armement
ou forges. Liés aux localisations spécifiques de l’effort de guerre, très peu
séjournèrent à Paris, essentiellement en province, notamment à Bordeaux,
Marseille, Toulon, Pau, Toulouse, Moulins ou Tarbes.
Même si la plupart d’entre eux restent généralement peu de temps (de
un à trois ans), on peut estimer le nombre total des migrants « coloniaux »
venus entre les deux guerres à Paris à près d’un million de personnes.
Dans une telle perspective, on comprend mieux la pénétration dans la
société française de cette culture impériale « inversée » qui ne manque pas
de modifier le regard et les pratiques des Parisiens et, au-delà, des Français.
1. Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Alain Mabanckou, Dominic Thomas,
Colonisation & Propagande. Le pouvoir de l’image, Paris, Le Cherche-Midi, 2022.
2. Ce texte est adapté – dans une version plus courte – d’un article publié dans l’ouvrage
collectif de Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en
France. De la Révolution française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
3. Sandrine Lemaire, L’Agence économique des colonies. Instrument de propagande ou
creuset de l’idéologie coloniale en France (1870-1960) ?, Florence, Institut universitaire
européen, 2000.
4. Marc Martin, Trois Siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, 1992.
5. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Francis Delabarre (dir.), Images d’Empire, Paris, La
Documentation française/La Martinière, 1997.
6. Lauren James, Colonial Food in Interwar Paris: The Taste of the Empire, Londres,
Bloomsbury, 2016.
L’âge d’or du cinéma colonial
français
Olivier Barlet et Pascal Blanchard
1. Daniel Guerin, Front populaire, révolution manquée, Paris, Maspero, 1970 ; Jean Bouvier,
René Girault, Jacques Thobie, L’Impérialisme à la française, 1914-1960, Paris, La
Découverte, 1986 ; Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un
divorce, Paris, Albin Michel, 1984.
2. Ce texte, mis à jour et réduit, a été publié, dans une version initiale et développée, sous le
titre « L’échec de la commission d’enquête coloniale du Front populaire », Historical
Reflections/Réflexions historiques, volume 16, no 1, 1989.
3. Georges Lefranc, Histoire du Front populaire, Paris, Payot, 1974.
4. Archives nationales, ANSOM (Archives nationales section Outre-mer d’Aix-en-Provence),
Archives de la commission d’enquête sur les territoires d’outre-mer, Fonds Guernut
(dorénavant cité Guernut), « Séance inaugurale du 8 juillet 1937 », carton A VIII.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. ANSOM, « Rapport de Blum, Delbos, et Moutet au Président de la République sur la
constitution de la commission d’enquête aux colonies, pays de protectorats et sous mandat »,
1937, carton A XXII.
8. ANSOM, « Séance du 10 décembre 1937 », carton A VIII.
9. ANSOM, « Séance inaugurale du 8 juillet 1937 », op. cit.
10. ANSOM, « Vœux recueillis par la commission d’enquête territoires d’outre-mer », carton
BXXXII.
11. ANSOM, « Vœux de la section S.F.I.O. de Tourane » (le 12 décembre 1937), carton A IX.
12. ANSOM, « Note sur la commission d’enquête dans les territoires d’outre-mer », carton A
VII.
13. Ibid.
14. ANSOM, « Rapport de Blum, Delbos, Moutet au Président de la République sur la
constitution de la commission d’enquête aux colonies, pays de protectorat et sous mandat » (le
30 janvier 1937), carton A XXII.
15. Entrevue avec M. Maurice Paz le 25 juillet 1985.
16. Charles-André Julien, « Léon Blum et les pays d’outre-mer », in Pierre Renouvin, René
Rémond (dir.), Léon Blum, chef de gouvernement, 1936-1937, Paris, Les Presses de Sciences
Po, 1967 ; Jacques Marseille, « La conférence des gouverneurs généraux des colonies
(novembre 1936) », Le Mouvement social, no 101, octobre-décembre 1977 ; William B. Cohen,
« The Colonial Policy of the Popular Front », French Historical Studies, volume 7, no 3, 1972 ;
Manuela Semidei, « Les socialistes français et le problème colonial entre les deux guerres,
1919-1939 », Revue française de science politique, volume 18, no 6, décembre 1968 ; André
Nouschi, « La politique coloniale du Front populaire : le Maghreb », Cahiers Tunisie,
volume 27, no 109-110, 1979.
17. ANSOM, « Séance plénière du 7 juillet 1938 », carton A VIII.
18. « Une protestation du parti socialiste », Le Populaire, 21 juillet 1938.
1. LES PRÉMICES
DE L’EFFONDREMENT
Révolution impériale :
le mythe colonial de Vichy
Pascal Blanchard et Ruth Ginio
1. Ce texte (adapté et réduit) est issu de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Sandrine
Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution française à nos
jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
2. Michael Crowder, Colonial West Africa, Londres, Frank Cass, 1978.
3. La Légion, no 3, août 1941.
4. L’Afrique française, secrétariat général à l’Information et à la Propagande, 1942.
5. René Viard, L’Empire et nos destins, Paris, Sorlot, 1942.
6. Robert Delavignette, Petite Histoire des colonies françaises, Paris, Presses universitaires de
France, 1941.
7. L’Empire. Notre meilleure chance, Lyon, M. Audin, 1942.
8. Lallier du Coudray, « L’Empire colonial français », Semaine de la France d’outre-mer.
Série de conférences, Vichy, Chambre de commerce, 1941.
9. L’Empire. Notre meilleure chance, op. cit.
10. Robert Delavignette, op. cit.
11. Catherine Akpo-Vaché, L’AOF et la Seconde Guerre mondiale, Paris, Karthala, 1996.
12. Éric T. Jennings, Vichy sous les tropiques. La Révolution nationale à Madagascar, en
Guadeloupe, en Indochine, 1940-1944, Paris, Grasset, 2004.
13. Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Odile Jacob, 2002.
L’A-OF et Vichy
Catherine Akpo-Vaché
Un « vichysme » en A-OF ?
La « politique d’autonomie » convenait à Pierre Boisson, qui avait su
donner des gages au régime en 1940 : alors gouverneur général de l’A-EF, il
avait refusé l’appel au ralliement et prêté serment au maréchal Pétain… et
avait été récompensé en devenant le nouveau gouverneur général de l’A-
OF. Une promotion clairement politique. Cette politique lui permettait de
maintenir la souveraineté française tout en assurant un certain niveau de vie
aux populations locales, sous peine de les voir émigrer vers les colonies
britanniques plus favorisées.
C’est dans ce cadre qu’il faut situer la politique extérieure du
gouverneur général de l’A-OF, mais aussi ses bonnes relations avec les
États-Unis, sa fermeté diplomatique face aux puissances de l’Axe et son jeu
complexe face aux gaullistes, tout en restant fidèle à Vichy et au maréchal
Pétain. Par exemple, après neuf années de fermeture, le consulat américain
à Dakar rouvrit ses portes le 1er octobre 1940 et Thomas Campbell Wasson
arriva en A-OF avec une triple mission : obtenir la libre circulation des
navires américains dans les ports ouest-africains, rendre compte des
mouvements aériens et surveiller l’activité allemande 6.
Après avril 1942, au moins sur les deux premières composantes de sa
politique, Pierre Boisson se trouva en contradiction avec le gouvernement
de Vichy et cette position lui permit d’entretenir de très cordiales relations
avec les Américains malgré la rupture de décembre 1941 et la guerre
désormais mondiale. Selon le témoignage de l’ambassadeur Thomas
Campbell Wasson publié aux États-Unis en 1943, il aurait bénéficié d’une
totale liberté de réception au consulat et de circulation en Afrique, comme
l’attestait son dernier voyage de février 1942 7. La politique de Pierre
Boisson envers les puissances de l’Axe peut être résumée dans la formule :
« Ni Allemands ni Italiens en AOF. » Il affirma sans relâche auprès de ses
supérieurs que leur présence en Afrique aurait pour inévitable conséquence
de briser l’unité des coloniaux restaurée à grand-peine depuis l’armistice.
Une des questions fondamentales de cette période reste de savoir si le
pouvoir colonial en A-OF fut répressif du fait des lois et des moyens mis en
place par le régime de Vichy, ou bien si l’on assista seulement à une
accentuation du caractère autoritaire – notamment à l’encontre de certaines
populations européennes présentes dans la fédération – qu’il possédait
antérieurement dans le cadre du système colonial.
Le statut des juifs du 30 octobre 1940 s’appliqua à l’A-OF et au Togo à
partir du 8 novembre 1940. Les juifs devaient se faire recenser. La loi du
2 juin 1941 leur interdit certaines activités. L’administration acheva de les
dénombrer en janvier 1942 et la Sûreté générale de Dakar communiqua les
résultats à Vichy : il y avait 110 hommes, femmes et enfants de confession
juive répartis dans quatre colonies, soit 62 au Sénégal, 21 en Côte-d’Ivoire,
14 en Guinée et 11 au Soudan. À chaque fois, la législation antijuive est
mise en place en A-OF, certes avec un certain retard – le second statut de
juin 1941 est seulement promulgué le 17 novembre 1941 et Pierre Boisson
n’a de cesse de demander des informations et au Commissariat général aux
questions juives sur les mesures à prendre –, mais au final Pierre Boisson et
son administration restent légalistes et ne contestent en rien la politique du
régime. Ces textes interdisaient donc certains emplois aux juifs dans la
fonction publique, la magistrature et les banques. Ils ordonnaient aussi la
saisie des biens et des entreprises appartenant à des israélites 8.
Par ailleurs, entre août 1940 et octobre 1941, le gouvernement de Vichy
prononçait la dissolution des sociétés secrètes et la fermeture des loges
maçonniques. Suivirent la publication des listes de dignitaires et
l’interdiction pour les maçons d’exercer certains emplois, notamment dans
la fonction publique. L’administration d’A-OF appliqua cette législation et
les loges furent dissoutes, dont L’avenir du Sénégal, La Fraternité africaine
(ivoirienne), affiliées au Grand-Orient de France et celles du Togo 9.
1. Ce texte est la synthèse mise à jour d’un passage de l’ouvrage de Catherine Akpo-Vaché,
L’AOF et la Seconde Guerre mondiale. La vie politique, septembre 1939-octobre 1945, Paris,
Karthala, 1996.
2. ANSOM (Archives nationales, section outre-mer), Affaires politiques, 634, dossier 8
(mission Bourgeois-Gavardin, rap. 10 D).
3. Raoul Girardet, L’Idée coloniale en France, Paris, La Table ronde, 1972.
4. FO 371/28243 et 28244 et AN, Papiers Boisson, 367 mi/4, dossier 2 Défense, sous-dossier
10, pièce 493.
5. Archives nationales (Paris), Papiers Boisson, 367 mi/1, sous-dossier 3 (interrogatoire du
22/08/44, pièce annexe no 69, télégramme no 166 à 168 du 3/04/42).
6. Article repris dans le journal L’Afrique en guerre.
7. ANSOM, télégramme 807/1941 de Boisson à Vichy du 25 janvier 1941.
8. ANSOM, Affaires politiques, 889, dossier 4 et dossier 1.
9. ANSOM, Affaires politiques, 888, dossier 1 (lettre du gouverneur général au SEC le
30/12/40).
10. ANSOM, Affaires politiques, 883, dossier 20, sous-dossier 4 (« Propagande et
information aux colonies », s.d.).
11. ANSOM, Aff. Pol., 634, dossier 8 (mission Bourgeois- Gavardin, rapport n o 40 sur le
Niger, le 10/08/41).
12. ANSOM, Affaires politiques, 883, op. cit.
13. Archives du Sénégal, AN 200 mi/2439, fonds moderne AOF sous-série G, 17G/412 (note
a/s de l’information).
14. Archives du Sénégal, 200 mi/2439, circulaire n o 264/Information du 23 mars 1942.
15. Denise Bouche, « Le retour de l’AOF dans la lutte contre l’ennemi aux côtés des Alliés »,
Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, tome 29, no 114, avril 1979.
16. Charles-Robert Ageron, « Vichy, les Français et l’Empire », in Le Régime de Vichy et les
Français, Paris, Fayard, 1992.
17. Ruth Ginio, « La politique antijuive de Vichy en Afrique occidentale française », Archives
juives, volume 36, no 1, 2003.
18. D’autres chercheurs considèrent que Pierre Boisson fut au contraire un auxiliaire zélé du
pétainisme : Pierre Ramognino, « Le pétainisme sans Pétain. Révolution nationale et contrôle
social en AOF, 1940-1943 », Outre-Mers. Revue d’histoire, no 342-343, 2004.
Les tirailleurs sénégalais dans
la Seconde Guerre mondiale
Julien Fargettas
Mobilisation et combat
Captivité et prisonniers
Le « blanchiment » de 1944
« Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », vantait une
affiche pour les bons d’armement, avec l’empire colonial en son centre. Un
tel slogan n’empêche pas l’effondrement des armées françaises. Cette
défaite de la France face à l’Allemagne nazie (et aux troupes italiennes) se
solde par l’occupation des deux tiers du territoire métropolitain.
L’armistice, signé le 22 juin 1940, stipule que les possessions coloniales
françaises demeurent sous la nouvelle autorité du régime de Vichy dirigé
par le maréchal Pétain (dont le gouvernement reçoit les pleins pouvoirs le
10 juillet 1940), sous condition que celles-ci soient défendues par la France
contre toute mainmise britannique ou gaulliste et qu’elles restent neutres
dans le conflit.
L’Empire devient ainsi pour le régime de Vichy le dernier attribut d’une
puissance perdue, un « mythe consolateur » sur lequel le régime s’appuie en
le diffusant grâce à une propagande massive 1. Le 5 septembre 1940, le
général Weygand est nommé délégué général en Afrique française, il est
dans la ligne antibritannique du régime, attisée deux mois plus tôt lors de
l’attaque par la Grande-Bretagne, entre le 3 et le 6 juillet, des navires
français stationnés à Mers el-Kébir, en Algérie. Dans les autres territoires
coloniaux, dans un premier temps, les gouverneurs demeurent pour la
plupart fidèles à Vichy. Mais la puissance impériale est rapidement
ébréchée. Après l’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle, le
Tchad se rallie à la France libre le 26 août 1940, suivi le 27 août par le
Cameroun, l’Oubangui- Chari et le Congo français le 28 août. L’Afrique-
Équatoriale française (A-EF) est majoritairement ralliée à la France libre, à
l’inverse de l’Afrique-Occidentale française (A-OF) qui devient un
véritable laboratoire colonial pour le régime de Vichy 2.
En septembre 1940, une intervention militaire britannique et gaulliste à
Dakar est repoussée sous l’autorité du gouverneur Boisson, vichyste
convaincu. Malgré cet échec, le Gabon tombe aux mains des Forces
françaises libres en novembre de la même année, de même que la Syrie et la
Liban, en juillet 1941, après une invasion menée par les Alliés. Enfin,
Wallis-et-Futuna se rallie à la France libre en mai 1942, la Guyane en
mars 1943, alors que le débarquement allié a lieu en Afrique du Nord fin
1942.
L’empire colonial est donc divisé tout comme le territoire métropolitain,
mais plusieurs colonies développent le modèle pro-maréchaliste de
« Révolution nationale » de manière intense, nous l’avons vu avec l’Afrique
occidentale (depuis Dakar), mais aussi à Madagascar, aux Antilles 3 et en
Afrique du Nord (et plus spécifiquement en Tunisie et en Algérie 4). En
1944-1945, le dernier bastion vichyste restant est l’Indochine, une
fédération sur laquelle la propagande de la Révolution nationale n’a eu de
cesse de se déployer et de s’affirmer.
La coordination de la propagande
1. Jacques Cantier, Éric T. Jennings (dir.), L’Empire colonial sous Vichy, Paris, Odile Jacob,
2004.
2. Ruth Ginio, French Colonialism Unmasked: The Vichy Years in French West Africa,
Lincoln/Londres, University of Nebraska Press, 2006.
3. Léo Élisabeth, « Vichy aux Antilles et en Guyane : 1940-1943 », Outre-mers, tome 91,
no 342-343, 1er semestre 2004.
4. Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Odile Jacob, 2002.
5. Pascal Blanchard, Ruth Ginio, « Révolution impériale : le mythe colonial de Vichy », in
Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Culture impériale 1931-1961, Paris, Autrement, 2004.
6. Robert Delavignette, Petite Histoire des colonies françaises, Paris, Presse universitaire de
France, 1941.
7. Sandrine Lemaire, « L’agence économique des colonies. Instrument de propagande ou
creuset de l’idéologie coloniale en France (1860-1960) ? », Florence, thèse de doctorat, Institut
universitaire européen, 2000.
8. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire, Décolonisations françaises. La chute
d’un empire, Paris, La Martinière, 2020.
9. Une version plus développée de cet article de synthèse a été publiée dans l’ouvrage
collectif de Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Alain Mabanckou, Dominic
Thomas, Colonisation & propagande. Le pouvoir de l’image, Paris, Le Cherche-Midi, 2022.
De la guerre à l’Union française :
les transformations de l’espace
colonial français
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
La République outre-mer
1. Cet article se trouve dans sa version intégrale, sous le titre « De la France coloniale à
l’outre-mer », Pouvoirs, no 113, L’outre-mer, avril 2005 (en accès libre sur Revue-Pouvoirs.fr).
2. Robert Deville, Nicolas Georges, Les Départements d’outre-mer. L’autre décolonisation,
Paris, Gallimard, 1996 ; Jean-Luc Mathieu, Histoire des Dom-Tom, Paris, Presses
universitaires de France, 1993.
3. Véronique Dimier, « Décentraliser l’Empire ? Du compromis colonial à
l’institutionnalisation d’un gouvernement local dans l’Union Française », Outre-mers, revue
d’histoire, volume 90, no 338-339, 2003.
4. Véronique Dimier, « For a Republic “Diverse and Indivisible” ? Experience from the
Colonial Past », Journal of Contemporary European History, volume 13, no 1, 2004.
5. Véronique Dimier, Le Gouvernement des colonies. Regards croisés franco-britanniques,
Bruxelles, Presses de l’université de Bruxelles, 2004.
6. Alice Conklin, A Mission to Civilize. The Republican Idea of Empire in France and West
Africa, 1895-1930, Stanford, Stanford University Press, 1997 ; Emmanuelle Sibeud, Une
science impériale pour l’Afrique. La construction des savoirs africanistes en France, 1878-
1930, Paris, École de hautes études en sciences sociales, 2003.
7. Jacques Ziller, Les DOM-TOM, Paris, LGDJ, 1996.
8. Robert Delavignette, « Pour le paysannat noir, pour l’esprit africain », Esprit, no 39,
décembre 1935.
9. Journal officiel, Débats, Assemblée constituante, 18 septembre 1946.
10. Journal officiel, Débats, Assemblée constituante, 11 avril 1946.
11. Ibid., 12 avril 1946.
12. James I. Lewis, « The French Colonial Service and the Issues of Reform, 1944-1948 »,
Contemporary European History, volume 4, no 2, 1995.
13. Journal officiel, Débats, Assemblée constituante, 23 août 1946.
14. Ibid., 27 août 1946.
15. Journal officiel, Débats, Assemblée constituante, 11 mars 1946.
16. Journal officiel, Débats, Assemblée constituante, 14 mars 1946.
17. Ibid.
18. Véronique Dimier, « De la décolonisation… à la décentralisation : histoire de préfets
“coloniaux” », Politix, volume 13, no 53, 2001.
19. Véronique Dimier, « Unity in Diversity: Contending Conceptions of the French Nation
and Republic », West European Politics, volume 27, no 5, 2004 ; Véronique Dimier, « De la
citoyenneté de l’Union française (1946) à la citoyenneté de l’Union européenne (1992) : la
nation et la République françaises en débat », Revue politique et parlementaire, no 1013,
juillet 2001.
La fin de la présence française
en Syrie
Anne Bruchez
L’ultimatum britannique
1. Ce texte est paru dans sa version intégrale dans Relations internationales, volume 2, no 122,
avril-juin 2005.
L’Empire, mythe ou réalité
économique au temps
des décolonisations
Sandrine Lemaire, Catherine Hodeir et Pascal Blanchard
Dès 1952 toutefois, le grand patronat colonial doit remettre en cause son
soutien à cette politique économique : la guerre d’Indochine a rendu caduc
le plan de développement conçu par Paul Bernard ; au Maroc, en Tunisie et
déjà en Algérie, les indépendances en marche viennent s’opposer aux plans
mis en œuvre. En Afrique subsaharienne, une récession brutale met à mal le
fragile décollage économique. Pour avoir quelques chances de succès, la
politique d’industrialisation aurait dû démarrer vingt ans plus tôt, à l’époque
où Paul Bernard était encore bien seul à en faire la promotion. Sa vision
économique de développement de l’Empire a rencontré son public une
génération trop tard.
À la fin de la guerre, les grands patrons se sont fait l’écho des projets
d’industrialisation de la France d’outre-mer en tentant de constituer un
lobby efficace auprès des élites politiques et en liaison étroite avec les
projets et organismes gouvernementaux. Leurs efforts ne furent cependant
guère couronnés de succès et n’eurent aucun impact sur la décolonisation en
marche. Cependant, l’ensemble de la société a été touché par un
argumentaire dont on n’a perçu l’efficacité que plus tard, à un moment où le
discours colonial, durant la phase de décolonisation, s’est confondu avec
l’expression d’un nationalisme français.
Le réveil tardif de ce « capitalisme colonial moderne » prend sa source
dans les années 1930, s’affirme sous Vichy et tente de se réaliser au
lendemain de la conférence de Brazzaville. Après les « mirages » de
l’Empire viendra le temps d’une nouvelle « aventure ». Celle de l’Europe.
En quelques années, les milieux d’affaires français, ceux qui auront fait
leurs classes outre-mer, prendront le tournant de ce nouvel essor,
notamment en investissant les institutions européennes engagées dans la
coopération avec les nouveaux États indépendants. Ils maintiendront leurs
réseaux locaux, en créeront de nouveaux tout en s’engageant dans des
modes classiques d’exploitation des ressources de ces nouveaux États.
Ces quinze années charnières (1940-1955) soulignent les relations
complexes entretenues par les élites de la France avec une entité
« impériale » encore liée, mais pour très peu de temps, à l’identité
nationale. Une question demeure toutefois : cette élite patronale a-t-elle
véritablement cru à son engagement « impérial » ou a-t-elle simplement
bénéficié d’un contexte (les énormes investissements outre-mer au cours de
ces années) qui lui assurait des retours sur investissement confortables et la
capacité de se positionner dans la construction de l’Europe ? De toute
évidence, la réponse se trouve au carrefour de ces deux questions 9.
1. François Mitterrand, Les Perspectives économiques du couple France-Afrique, Comité
d’action et d’expansion économique, 26 avril 1951 (conférence) ; intervention d’Edmond
Giscard d’Estaing.
2. Jean Suret-Canal, Afrique noire. De la colonisation aux indépendances, tome 3, Paris,
Éditions sociales, 1972.
3. Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery- Vidrovitch, Gilbert Meynier, Jacques Thobie
(dir.), Histoire de la France coloniale, tome 2, Paris, Armand Colin, 1990.
4. Marc Lagana, Le Parti colonial français, Québec, Presses de l’université du Québec, 1990.
5. Paul Bernard, L’Indochine et la crise. Le problème du riz, Saigon, Imprimerie Jaspar,
1932 ; Paul Bernard, Le Problème économique indochinois, Paris, Nouvelles Éditions latines,
1934 ; Paul Bernard, Les Nouveaux Aspects du problème économique indochinois, Paris,
Nouvelles Éditions latines, 1937.
6. Nicolas Bancel, Ghislaine Mathy, « La propagande économique », in Nicolas Bancel,
Pascal Blanchard, Laurent Gervereau (dir.), Images et colonies, Paris, BDIC/Achac, 1993.
7. « Le plan décennal de modernisation et d’équipement de l’Indochine », Marchés coloniaux,
numéro spécial sur l’Indochine, 12 juin 1948.
8. Paul Bernard, Marchés coloniaux, no 119, 21 février 1948.
9. Ce texte (adapté et réduit) est issu de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard, Sandrine
Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution française à nos
jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008.
Territorialisation et autonomie
en Afrique française
Frederick Cooper
Le projet du FIDES
Les fonds du FIDES sont donc destinés à l’A-OF et l’A-EF, mais aussi
au Cameroun, au Togo et à Madagascar. L’organisme n’a pas de
personnalité juridique propre : il est géré par la Caisse centrale de France
d’outre-mer (CCFOM, créée par le décret du 2 février 1944 émis par le
Gouvernement provisoire de la République française – GPRF – et
institutionnalisée par la loi du 30 avril 1946 4) et administré par un comité
directeur. Le financement des projets du FIDES est assuré à 75 % par la
CCFOM – le reste étant du ressort des territoires –, laquelle peut, pour le
même motif, autoriser des crédits pour les territoires et les sociétés
publiques et privées qui participent à l’exécution des projets, et, enfin,
souscrire une part dans les sociétés d’économie mixte ou d’État.
Le Comité directeur du FIDES participe aux projets et les valide. La
situation socio-économique de l’empire colonial français, recelant de très
fortes inégalités internes de développement, n’était guère reluisant en 1945.
Pour un total de 9 150 000 km2 (550 000 km2 pour la France), on ne
comptait que 11 000 km de voies ferrées (84 000 km pour la métropole) ;
139 000 km de routes (souvent en mauvais état, contre 631 000 km pour la
France) et pour une population totale de cinquante et un millions
d’habitants (quarante et un millions pour l’Hexagone), 21 438 écoles
primaires et 87 écoles primaires supérieures et lycées (contre
respectivement 81 340 écoles primaires et 1 080 écoles primaires
supérieures et lycées pour la métropole), le taux de scolarisation étant
d’environ 4 %. En 1946, l’A-OF, l’A-EF, Madagascar, le Togo, le
Cameroun et Madagascar ne comptaient par ailleurs aucune industrie, et
l’économie reposait essentiellement sur une économie de rente consacrée à
l’exploitation et l’exportation – spécialisée selon les territoires – de
matières premières.
La conception du premier plan décennal du FIDES est d’abord l’œuvre
des technocrates du ministère de la France d’outre-mer (FOM) et des
ministères liés au plan et à l’économie. Les programmes d’investissement
sont structurés en deux sections. La Section générale élabore les projets
structurels qui intéressent l’ensemble des territoires visés. Elle finance
également les projets de recherche et les participations aux sociétés
d’économie mixte et d’État. Les projets élaborés par la Section générale
sont ensuite envoyés au Comité directeur qui peut les accepter ou les
amender. Les Sections locales pilotent quant à elles les projets concernant
un territoire ou un groupe de territoires.
Portant sur la somme très significative de trois cent cinquante milliards
de francs CFA de l’époque, le financement du FIDES est assuré par une
dotation de la métropole qui représente 75 % des coûts pour les
infrastructures (les 25 % restants étant à la charge des territoires,
éventuellement sur emprunt au FIDES) et 100 % pour la production et le
secteur social 5. Il est à noter que, d’une manière générale, les
investissements publics entre 1946 et 1958 représentent 50 % de la totalité
de ces investissements sur toute la période coloniale (1850-1960).
Le second plan
Le bourbier indochinois
Entre 1946 et 1949, le corps expéditionnaire français en Extrême-Orient
est engagé dans un conflit colonial de type guérilla face au Viêt-Minh. À
partir de 1950, la guerre d’Indochine change de nature et devient un conflit
typique de la guerre froide : il s’internationalise en opposant indirectement
les idéologies communiste et libérale. Ce tournant s’opère lorsque la
république populaire de Chine est proclamée, le 1er octobre 1949, et qu’elle
reconnaît la république démocratique du Viêt-Nam.
Le communisme gagne ainsi du terrain en Asie, le grand frère du Nord
apporte dorénavant une aide logistique régulière – initiée en réalité depuis
1947 –, mais aussi matérielle et financière au Viêt-Minh, via la « frontière
nord » entre la Chine et le Tonkin. Dans le même temps, un second front
s’ouvre lorsqu’en juin 1950 la guerre de Corée est déclarée, après que les
forces communistes du Nord ont franchi le 38e parallèle. Les États-Unis y
affrontent désormais les communistes coréens – soutenus par les Chinois et
l’URSS – et décident alors de changer de stratégie en Asie. L’aide
américaine commence à arriver en février 1950 en Indochine, officiellement
au cours de l’été. Mais il est trop tard.
Le basculement militaire arrive avec la défaite française sur la RC 4
allant de Cao Bang à Lang Son, en septembre-octobre 1950. La situation est
telle que le gouvernement français décide d’envoyer sur place le général
Jean de Lattre de Tassigny, et que les Américains doublent leur aide en fin
d’année. Le parallèle avec la guerre en Corée devient une évidence pour
tous 16, au point que Jacques Soustelle écrit en octobre 1950 : « Indochine et
Corée : un seul front. »
Mais les Américains et les Français ont un point de désaccord majeur :
la nature de l’indépendance des trois pays. Dans cette perspective, les États-
Unis souhaitent une diminution progressive de l’administration française,
afin de disposer d’États forts, capables de mobiliser les populations contre
le communisme. Fin 1950 et début 1951, l’option de l’accentuation de
l’action militaire l’emporte devant les premiers succès du général de Lattre
de Tassigny. Notamment, en janvier 1951, à Vĩnh Yên, où il parvient à
repousser le Viêt-Minh. Très vite, la situation en Indochine est une longue
suite de batailles sur plusieurs fronts.
À la veille de l’été 1951, la bataille du Day marque un coup d’arrêt
jusqu’à la victoire française, mi-juin 1951. Celle-ci est pourtant le symbole
de l’enlisement en Indochine. Même s’il a dû reculer lors de la bataille du
Day, le Viêt-Minh progresse sur d’autres fronts, les Français parviennent
tout juste à bloquer la contre-offensive du général Võ Nguyên Giáp en pays
thaï, qui se solde par un demi-échec à Nghia Lo.
Contrairement à ce qu’annonçait le gouvernement français avec la
création des « armées nationales » au sein des trois États et le soutien des
États-Unis, le budget militaire ne fait que croître – il passe de 5,4 % du
PNB français en 1950 à 11,4 % en 1953 – et la situation militaire s’enlise en
1952, conséquence directe du départ du général de Lattre de Tassigny.
L’armée est épuisée et le moral est au plus bas. En outre, l’allié américain
commence à jouer double jeu avec l’arrivée aux affaires du nouveau
président Dwight D. Eisenhower.
Depuis trois ans, les infiltrations des combattants du Viêt-Minh ne
cessent pas au Laos et au Cambodge. Après la défaite de Cao Bang en
1950, le doute s’est emparé des Français, surtout après le départ du général
de Lattre de Tassigny. Celui-ci avait quelque temps redonné le sentiment
qu’une victoire était possible, avec des opérations à succès comme à Vĩnh
Yên, Dong Trieu, Mao Khé ou encore la bataille du Day en juin 1951. Mais
depuis, la déprime l’emporte de nouveau 17, et l’armée française a dû
abandonner plusieurs zones aux communistes.
En janvier 1953, un nouveau sondage sert de repère au gouvernement
français : seuls 21 % des Français approuvent encore la guerre en
Indochine. Le 3 juin 1953, dans Le Figaro, le général Georges Catroux,
dépité, constate : « La France, dans de très larges couches de sa
population, subit la guerre beaucoup plus qu’elle ne la vit. » À l’été 1953,
la situation est critique en Indochine 18.
Au même moment, la guerre d’Indochine entre dans sa dernière année.
Au regard des erreurs stratégiques des militaires français et de l’impasse
politique, le pessimisme est de mise. Au Laos et au Cambodge, la France
sait qu’elle va devoir lâcher du lest, et au Viêt-Nam reprendre la main
militairement. Sur ces deux registres, elle échoue. Acmé de la crise, un
scandale marque les Français 19 : l’affaire du trafic de piastres (du nom de la
monnaie locale en Indochine). En 1953, un fonctionnaire français dénonce
dans un pamphlet ceux qui « s’enrichissent dans les bureaux cossus de
Saigon » pendant « que certains meurent dans les rizières 20 ». Certains
bâtirent au cours de ces années – comme Alain Delon – d’immenses
fortunes en quelques semaines, voire quelques jours. En mai 1953, le
gouvernement de René Mayer – l’homme du parti colonial – doit se
résoudre à rééquilibrer le cours de la piastre indochinoise. Une commission
parlementaire est mise en place… et finalement enterrée.
Devant une telle situation politique et militaire, le gouvernement de
Joseph Laniel, formé en juin 1953, est obligé d’accorder l’indépendance au
Laos et au Cambodge, à la suite de la campagne de Norodom Sihanouk, roi
du Cambodge, et sa « croisade pour l’indépendance », pour éviter d’ouvrir
un nouveau front militaire, offrant de facto la même option politique à Bảo
Đại au Viêt-Nam 21. Si la campagne du monarque cambodgien a été
efficace, la décision française a surtout été prise sous la pression de l’allié
américain, désormais encombrant, mais maître à bord puisque les États-
Unis financent 80 % du conflit.
Une double question structure notre approche de ces élus : d’une part,
ces élus font-ils l’objet d’une caractérisation spécifique ? ; d’autre part, que
représente le passage par une ou plusieurs de ces assemblées dans le
parcours d’un homme politique ultramarin ? Enfin, s’interroger sur la
possibilité de caractériser, c’est-à-dire de trouver des éléments communs,
particuliers aux élus d’outre-mer, revient à se demander en quoi ils sont
différents ou non des autres élus composants les trois assemblées
nationales. Nos travaux ont permis une analyse prosopographique fine de ce
corpus 4. Et cette interrogation générale peut se décliner en une succession
de questions relatives à leur formation, aux étapes de leurs parcours
politiques, à la corrélation entre le statut d’ancien combattant et le
positionnement politique, à la stabilité de leur engagement et de leur
apparentement politique, à l’incidence de l’exercice de mandats locaux sur
la pratique politique au niveau national… Il s’agit donc d’appliquer aux
élus d’outre-mer la grille d’analyse déjà mise en œuvre dans les recherches
prosopographiques sur les parlementaires afin de déterminer s’il existe une
singularité des ultramarins.
La question sous-jacente est en fait celle de l’existence ou non d’une ou
de figures-types des élus ultramarins. Certes, le nombre et la diversité des
élus peuvent d’emblée pousser à douter de la possibilité de brosser un
unique « portrait-robot » ou « portrait-type » de l’élu d’outre-mer. De fait
chercher à caractériser dans ce corpus un groupe ou des groupes nécessite
de résoudre plusieurs difficultés méthodologiques. Tout d’abord, pour
caractériser ces individus et groupes, il faut pouvoir au préalable discerner
des critères pertinents pour l’ensemble de l’outre-mer. De fait, le corpus
comprend à la fois d’illustres personnalités politiques telles que Ferhat
Abbas, Félix Houphouët-Boigny, Amadou Lamine-Guèye, Léopold Sédar
Senghor ou encore Aimé Césaire et des élus moins connus, presque
« invisibles », certains n’ayant même fait qu’une brève incursion dans la vie
politique.
Tel est, par exemple, le cas de Pierre Bertaux, un universitaire qui a
assuré le remplacement de Félicien Cozzano après son décès, et qui fut ainsi
sénateur du Soudan de 1953 à 1955, échéance au terme de laquelle il ne fut
pas réélu. Citons aussi Loubo Djessou, qui fut sénateur de la Côte-d’Ivoire
de 1955 à 1958, mais qui n’intervint presque jamais au Conseil de la
République. Compte tenu de l’hétérogénéité du corpus et de l’inégalité des
sources disponibles pour chacun des individus, il faut veiller à ne pas
amplifier ou minimiser le parcours des personnages les plus documentés.
En corollaire de l’évaluation de la singularité des représentants de l’outre-
mer, il est fondamental de nous interroger sur ce que représente pour eux la
participation à une ou plusieurs de ces assemblées nationales dans le cadre
de la IVe République et/ou de l’Union française. Il s’agit de saisir ce que
leur présence apporte à la représentation nationale mais aussi de
comprendre en quoi ce passage marque leur parcours politique personnel.
Si l’on s’attache, par exemple, aux Établissements français d’Océanie
(EFO), on constate que Pouvana’a a Oopa se maintient durant toute la
période à la députation, et que Joseph Quesnot, Robert Lassalle-Séré, Jean
Florisson et Gérald Coppenrath se succèdent au Conseil de la République.
On ne peut comprendre cette stabilité de la représentation des EFO au
Palais-Bourbon et, dans le même temps, le renouvellement régulier de la
sénatoriale qu’en s’attachant de manière fine au mode d’élection de ces
deux représentants. De fait, le député est élu au suffrage universel tandis
que le sénateur est désigné par les membres de l’Assemblée territoriale
(AT).
Souvent, la succession au palais du Luxembourg d’hommes aux
engagements politiques divers − voire contraires − s’explique donc par des
raisons de politiques locales. En effet, au décès de Joseph Quesnot en 1949,
l’Assemblée territoriale choisit de désigner à sa succession Robert Lassalle-
Séré. Alors que les EFO vivent une période politique troublée, l’Assemblée
fait le choix d’un des principaux adversaires de Pouvana’a a Oopa car elle
craint d’être débordée par le Rassemblement démocratique du peuple
tahitien (RDPT), parti créé par le député en vue des prochaines élections
territoriales. Le RDPT remporte ces élections du 18 janvier 1953 et la
nouvelle Assemblée porte Jean Florisson au Conseil de la République.
Certes, ce médecin métropolitain fut incarcéré pour activité pro-vichyste,
mais il est surtout un proche du député. En 1953, le RDPT détient donc la
députation, le siège de conseiller de la République et celui de conseiller à
l’Assemblée de l’Union française. Mais les débats sur la loi-cadre Defferre
et le référendum de 1958 divisent le RDPT et son adversaire l’Union
tahitienne (UT) remporte trois sièges à l’Assemblée territoriale. Gérald
Coppenrath, un des nouveaux élus UT, enlève en 1958 le siège de conseiller
de la République. L’exemple polynésien montre que la compréhension de
ces mouvements nécessite une connaissance approfondie de la vie politique
locale des territoires de l’Union française.
En appliquant le même traitement à des individus que l’histoire
coloniale distinguait par leur origine, ce travail sur les élus ultramarins
montre la nécessité d’une approche différente du contact entre la métropole
et ses territoires. En outre, s’intéresser à ces élus d’outre-mer constitue une
façon d’appréhender le retentissement des soubresauts des décolonisations
successives au cœur du débat politique français et dans les assemblées où se
votent les grandes orientations du pays, y compris en matière coloniale.
Par ailleurs, cela permet de déterminer si les assemblées constituent un
miroir révélateur ou non des positions coloniales. Enfin, l’analyse du
parcours et du rôle des représentants peut à la fois permettre d’approfondir
l’histoire politique de la IVe République, apporte une meilleure
connaissance de l’histoire politique locale des territoires mais aussi des
évolutions et des variations du lien entre la métropole et chacun de ses
territoires et plus largement avec son Outre-mer à l’heure des
décolonisations.
1. Cet article est paru dans sa version intégrale dans Outre-mers, no 370-371, 2011 sous le titre
« Les représentants de l’Outre-mer dans les Assemblées de la IVe République. Approche
prosopographique ». Outre-Mers. Revue coloniale et impériale est la première et la plus
ancienne revue à comité de lecture portant sur ce champ de recherche. L’association qui la
dirige – la SFHOM https://www.sfhom.com – est basée à la Sorbonne. Elle publie deux
numéros par an, accessibles via Cairn, Persée et Gallica.
2. DOM (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion), départements algériens (Alger,
Constantine, Oran), TOM de l’Afrique-Occidentale française (Côte-d’Ivoire, Dahomey,
Guinée, Haute-Volta, Mauritanie, Niger, Sénégal, Soudan), TOM de l’Afrique-Équatoriale
française (Moyen-Congo, Gabon, Oubangui-Chari, Tchad), autres TOM (Comores, Côte
française des Somalis, Établissements français de l’Inde, français de l’Océanie, Madagascar,
Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon), États associés (Cambodge, Laos, Viêt-Nam),
protectorats (Maroc, Tunisie), États sous tutelle des Nations unies (Cameroun, Togo).
3. Jacques Coenen-Huther, Sociologie des élites, Paris, Armand Colin, 2004 ; Christophe
Charle, Les Élites de la République, 1880-1900, Paris, Fayard, 2006 (1987) ; Hervé Joly (dir.),
Formation des élites en France et en Allemagne, Cergy-Pontoise, CIRAC, 2005.
4. Sarah Mohammed-Gaillard, Maria Romo-Navarrete, Des Français outre-mer. Une
approche prosopographique au service de l’histoire contemporaine, Paris, Sorbonne
Université presses, 2004.
Les décolonisations et les partis
de gauche en France
Sylvie Thénault
Réformer, réprimer…
1. Ce texte a été publie dans une version plus développée sous le titre « La gauche et la
décolonisation », in Jean-Jacques Becker (dir.), Histoire des gauches en France (tome 2),
Paris, La Découverte, 2005.
2. Pierre Vidal-Naquet, « Une fidélité têtue. La résistance française à la guerre d’Algérie »,
Vingtième Siècle, n° 10, 1986.
3. Charles-Robert Ageron, Marc Michel (dir.), L’Afrique noire française. L’heure des
indépendances, Paris, CNRS Éditions, 1992.
4. Gabriel Lisette, Le Combat du Rassemblement démocratique africain, Paris, Présence
africaine, 1983.
5. Jean-Pierre Biondi, Gilles Morin, Les Anticolonialistes (1881-1962), Paris, Robert Laffont,
1992.
6. Robert Deville, Nicolas Georges, Les Départements d’outre-mer. L’autre décolonisation,
Paris, Gallimard, 1996.
7. Alain Ruscio, Les Communistes français et la guerre d’Indochine, 1944-1954, Paris,
L’Harmattan, 1985.
8. François Bédarida, Jean-Pierre Rioux (dir.), Pierre Mendès France et le mendésisme.
L’expérience gouvernementale (1954-1955) et sa postérité, Paris, Fayard, 1985.
9. Jean-Pierre Biondi, Gilles Morin, op. cit.
10. Gilles Morin, « De l’opposition socialiste à la guerre d’Algérie au Parti socialiste
autonome, 1954-1960. Un courant socialiste de la SFIO au PSU », thèse de doctorat en histoire
à l’université de Paris 1, 1992.
Littérature afro-francophone
à l’époque coloniale
Dominic Thomas
Engagements transnationaux
1. Mongo Beti, « Afrique Noire, littérature rose », Présence Africaine, no 1-2, avril-juillet
1955.
2. Ce texte est issu de l’ouvrage Noirs d’encre. Colonialisme, immigration et identité au cœur
de la littérature afro-française, Paris, La Découverte, 2013.
3. Alain Mabanckou, L’Europe depuis l’Afrique, Paris, Naïve, 2009.
4. Ibid.
5. Francis Abiola Irele, The African Imagination: Literature in Africa and the Black Diaspora,
Oxford/New York, Oxford University Press, 2001.
6. Fabienne Guimont, Les Étudiants africains en France. 1950-1965, Paris, L’Harmattan,
1997.
7. Francis Abiola Irele, op. cit.
8. Lilyan Kesteloot, Les Écrivains noirs de langue française. Naissance d’une littérature,
Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Institut de sociologie, 1963.
9. Lilyan Kesteloot, Anthologie négro-africaine. Histoire et textes de 1918 à nos jours,
Vanves, EDICEF, 1992.
10. Christopher L. Miller, « The (Revised) Birth of Negritude: Communist Revolution and
“the Immanent Negro” in 1935 », PMLA, volume 125, no 3, mai 2010.
11. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, De l’indigène à l’immigré, Paris, Gallimard, 1998.
12. Alain Mabanckou, Lettre à Jimmy, Paris, Fayard, 2007.
13. Edward Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980 [1978].
14. Bernard Dadié, Un nègre à Paris, Paris, Présence africaine, 1959.
15. Paulin S. Vieyra, Le Cinéma africain, Paris, Présence africaine, 1969.
16. Ibid.
17. Achille Mbembe, Nicolas Bancel, « De la pensée postcoloniale », Cultures du Sud, no 165,
avril-juin 2007.
18. Alain Mabanckou, L’Europe depuis l’Afrique, op. cit.
19. Étienne Balibar, « Le retour de la race », Mouvements, no 50, mars-avril 2007.
2. LES DERNIERS FEUX
DE L’EMPIRE
Les enjeux de la guerre d’Algérie
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
L’Algérie algérienne
1. Ce texte est une synthèse de plusieurs contributions publiées dans l’ouvrage de Pascal
Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire, Décolonisations françaises. La chute d’un
empire, Paris, La Martinière, 2020.
2. Mohammed Harbi, Benjamin Stora (dir.), La Guerre d’Algérie, 1954-2004. La fin de
l’amnésie, Paris, Robert Laffont, 2004.
3. Michel Winock, François Mitterrand, Paris, Gallimard, 2015.
4. François Mitterrand, Aux frontières de l’Union française, Paris, Julliard, 1953.
5. François Malye, Benjamin Stora, François Mitterrand et la guerre d’Algérie, Paris,
Calmann-Lévy, 2010.
6. Bernard Ullmann, Jacques Soustelle, le mal-aimé, Paris, Plon, 1995.
7. Mohammed Harbi, Benjamin Stora (dir.), op. cit.
8. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort. L’école française, Paris, La Découverte,
2004.
9. Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, Paris, Armand Colin,
2005.
10. Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris, La Découverte, 2004
[1992].
11. Yves Courrière, La Guerre d’Algérie, 1957-1962, volume 2, Paris, Fayard, 2001.
12. Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris,
Gallimard, 2001.
13. Michel Rocard, Rapport sur les camps de regroupement et autres textes sur la guerre
d’Algérie, Paris, Mille et Une Nuits, 2003.
14. Jean Lacouture, De Gaulle. Le souverain (1959-1970), Paris, Seuil, 2010.
15. Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002.
16. Jacques Dalloz, Georges Bidault. Biographie politique, Paris, L’Harmattan, 1992.
17. Maurice Vaïsse, Jean-Charles Jauffret, Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie,
Paris, André Versaille, 2012.
18. Michael Kettle, De Gaulle and Algeria, 1940-1960. From Mers El Kebir to the Algiers
Barricades, Londres, Quartet Books, 1993.
19. Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002.
20. Henri Jacquin, La Guerre secrète en Algérie, Paris, Olivier Orban, 1977.
21. Jean-Pierre Rioux, La Guerre d’Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1990.
22. Olivier Dard, Voyage au cœur de l’OAS, Paris, Perrin, 2005.
23. Mohammed Harbi, Gilbert Meynier, Le FLN. Documents et histoire, 1954-1962, Paris,
Fayard, 2004.
24. Linda Amiri, « La répression en France vue par les archives », in Mohammed Harbi,
Benjamin Stora (dir.), La Guerre d’Algérie, Paris, Hachette, 2005.
25. Jean-Paul Brunet, Charonne. Lumières sur une tragédie, Paris, Flammarion, 2003.
26. Mohand Hamoumou, Et ils sont devenus harkis, Paris, Fayard, 1993 ; Michel Roux, Les
Harkis. Les oubliés de l’histoire, 1954-1991, Paris, La Découverte, 1991.
27. Jean-Jacques Jordi, De l’exode à l’exil. Rapatriés et pieds-noirs en France, Paris,
L’Harmattan, 1992.
28. Catherine Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français :
colonisateurs et colonisés (1860-1960), Paris, La Découverte, 1992.
Jeunes et soldats :
le contingent français en guerre
d’Algérie
Ludivine Bantigny
La jeunesse du soldat
Fraternité d’armes
La modification
Dès lors, pour nombre de ces jeunes, la guerre d’Algérie fut faite de
métamorphoses intimes. Le temps du conflit fut souvent celui de la
modification de tout l’être, d’autant plus décisive qu’elle intervenait dans la
pleine jeunesse. Le plus marquant, et le plus tragique, fut sans doute le
risque perpétuel de sombrer dans l’indifférence ou le cynisme, de consentir
à la violence aveugle et de revenir traumatisé, perdu. La sensibilité
progressivement émoussée pouvait enfanter une distance à la souffrance et à
la mort de l’autre, vécue sur le mode d’une terrible accoutumance :
« Chaque jour, je découvrais les horreurs de la guerre, je ne les approuvais
pas, mais je m’y accoutumais, et cela était presque pire 16. »
Des militants chrétiens, notamment, s’inquiétèrent de cet état d’esprit :
« Nous pouvons dire que nous assistons à une dégradation progressive de
la conscience des jeunes », nota un groupe d’aumôniers jocistes ; « par
l’action psychologique qui convertit plus les soldats eux-mêmes que la
population musulmane, et en face de laquelle ils sont isolés et démunis ;
par une surexcitation nerveuse venant du climat de guerre ; on vit au
niveau des instincts et des gestes réflexes ; par un perpétuel sentiment
d’angoisse, la peur de tout (souffrances, fatigues, isolement, mort) si bien
que les gars se durcissent même en face de la cruauté. Les lettres se vident
de leur contenu 17 ». Pour exemple de cette dernière affirmation, on
mentionnera cette lettre adressée à ses parents agriculteurs par un jeune
soldat du Causse quercynois, en 1957 : « J’espaire que vous allé bien, que
la brebi a mi bas et que la gran maire et gueri. Pour nous, ca va ; on a été
dan un village on pri toute les femme, on les a sorti, et puis on a brulé toute
la maison. A par ca, ca va 18. » Nul n’était vraiment à l’abri de cette
banalisation dramatique.
L’effroi de constater sa propre insensibilité, son anesthésie affective, a
été décrit par les spécialistes de psychiatrie militaire comme l’un des
conflits psychiques les plus douloureux 19. L’indifférence, cette « inhumaine
cuirasse » dont avaient parlé certains combattants de la Grande Guerre 20,
venait aux appelés d’Algérie avec une irritante inquiétude : « Au contact de
la réalité, les sentiments généreux s’estompent, on devient dur avec les
autres, dur avec soi-même. J’ai pleuré la mort de mon premier ami, qu’en
sera-t-il pour d’autres ? » s’interrogeait un appelé 21.
Dans ce détachement résidait la logique même du conflit. « Et c’est
cette défloraison de l’âme que j’ai pardonnée le moins facilement à la
guerre », disait un ancien combattant de « 14-18 » 22. Les appelés du djebel
pouvaient vivre eux aussi, dans toute sa violence, cette transformation
morale et usaient parfois de mots semblables à ceux qu’avaient employés
jadis les « poilus » pour décrire cette « acceptation passive des atteintes à
la dignité humaine, qui est une réelle infirmité de l’âme 23 ». La guerre
d’Algérie put donc ébranler les convictions, modifier les représentations
initiales tant sur le combat que sur les populations rencontrées, mais aussi
transformer l’image de soi.
Bien des témoins, observateurs de l’époque, redoutèrent d’ailleurs ce
que Jean-Marie Domenach appela alors un « ensauvagement de la
jeunesse 24 », quelque chose de l’ordre du dégoût et du flétrissement. Au
retour, un processus de mûrissement social, physiologique et moral s’était
produit. Partis presque adolescents encore, les jeunes rentraient anciens
combattants, sans que ce statut leur fût reconnu. La société dans laquelle ils
reprenaient pied avait changé 25. Les jeunes hommes qui la découvraient
pouvaient se sentir étrangers, voire exclus. La vie avait continué sans eux et
leur retour ne constituait pour personne, sinon pour leurs proches, un
événement. Ils s’apercevaient souvent aussi de la relative indifférence qui
régnait en France par rapport à la guerre d’Algérie, en dehors des grands
moments politiques. Un jeune agriculteur de Côte-d’Or relevait que « les
paysans s’intéressent pas beaucoup [sic] au problème algérien et se
montreraient volontiers ironiques à l’égard des soldats d’Algérie 26 ».
L’occultation de la parole naquit souvent d’un mur du silence auquel les
appelés se heurtèrent à leur retour, bâti par les autres sur le refus de les
écouter, de les laisser dire l’inopportun ou l’insupportable. Aucune
institution ne tenta de prendre en charge les jeunes démobilisés et de leur
apporter un soutien psychologique. Or la guerre d’Algérie fut pour
beaucoup un poids que certains traînent encore, aujourd’hui, comme un
fardeau ou comme une croix.
Une conclusion trop hâtivement globalisante ne saurait cependant être
avancée. La diversité des conditions dans lesquelles les soldats vécurent ce
conflit et la multiplicité des actions et réactions, par essence singulières,
l’empêchent radicalement. Sans doute même, pour certains de ces jeunes
hommes, cette guerre n’en fut-elle pas vraiment une, lorsque la peur, la
souffrance, le regard porté sur la mort d’autrui leur furent épargnés, dans
quelques postes protégés ou dans les bureaux des grandes villes.
D’une manière ou d’une autre, les appelés en guerre d’Algérie semblent
avoir pris appui sur les références laissées par leurs aînés : à la manière
d’une « mémoire volontariste », celle qui « célèbre, érige, décore ou
enterre 27 » – et c’est là toute l’importance accordée par l’armée à la
commémoration des précédentes guerres dans l’instruction militaire ; ou à
la façon d’une « mémoire latente », « implicite 28 », surgie parfois comme
par éclairs dans un système de représentations en construction.
In fine, il apparaît que cette génération, par son histoire et sa mémoire,
se différencia plus radicalement de ses cadets que de ses aînés. Ces
hommes, jeunes encore et marqués par leur expérience algérienne, ne se
reconnurent pas, à leur retour, dans les adolescents du « baby-boom » qui
les suivirent, cette « génération épargnée 29 » qui naquit et grandit en temps
de paix. Guerre et paix : il y eut là assurément une ligne de fracture
dissociant deux générations. En Algérie, quelque chose avait été perdu,
souvent douloureusement ; ce qui était mort là-bas peut sans doute se dire
d’un mot : la jeunesse.
1. Ce texte est issu de la revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 83, 2005.
2. Annie Crépin, La Conscription en débat ou le triple apprentissage de la nation, de la
citoyenneté et de la république (1798-1889), Arras, Artois Presses Université, 1998 ; Odile
Roynette, « Bon pour le service ». L’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle,
Paris, Belin, 2000.
3. Général Lorillot, chef d’état-major, « Directives sur la conduite de l’instruction en 1958 »,
29 novembre 1957, Service historique de l’armée de terre (SHAT) 12T27.
4. Ibid.
5. Marie-Catherine, Paul Villatoux, « Le cinquième bureau en Algérie », in Jean-Charles
Jauffret, Maurice Vaïsse (dir.), Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Bruxelles,
Complexe, 2001.
6. Général Miquel, « Rapport sur le moral (5e région militaire) (Dijon) », s. d. [1956], SHAT
6T265/3.
7. Noël Favrelière, Le Déserteur, Paris, Jean-Claude Lattès/Édition spéciale, 1973.
8. Causerie-veillée pour commémorer l’anniversaire du 18 juin, s. d. [1959], SHAT 27T154/6.
9. Général Miquel, op. cit.
10. Lettre du général Zeller au maréchal Juin, 11 mars 1959, SHAT 27T154/6.
11. « Suggestion pour la conduite et la mise en scène de la veillée », s. d. [avril 1959], SHAT
27T154/6.
12. 5e bureau de l’état-major, « L’instruction civique », Fiches pour l’instructeur, avril 1958,
SHAT 27T179/3.
13. Témoignage de Jean-Pierre Beltoise, L’Ancien d’Algérie, no 355, mars 1997.
14. Jean Brec, Derrière la Grande Bleue, Niort, édition de l’auteur, 1989.
15. Témoignage de Jean Stablinski, L’Ancien d’Algérie, no 315, mars 1993.
16. Jean-Baptiste Angelini, Soldat d’Algérie (1956-1959). Afin que nul n’oublie, Nîmes,
C. Lacour, 1997.
17. « Rencontre des aumôniers jocistes à propos des jeunes en AFN », s. d. [1956 ?], archives
du diocèse de Paris, 7K4.
18. Lettre citée par le président de la fédération interdépartementale de soldats mobilisés en
AFN (Villefranche-de-Rouergue) au cardinal Feltin, 15 septembre 1957, archives du diocèse
de Paris, 1D XV 12.
19. Claude Barrois, Psychanalyse du guerrier, Paris, Hachette, 1993.
20. L’Argonaute, juin 1918, cité par Stéphane Audoin-Rouzeau, À travers leurs journaux, 14-
18. Les combattants des tranchées, Paris, Armand Colin, 1986.
21. Jean Forestier, Une gueule cassée en Algérie, Paris, Saurat, 1987.
22. Cité par Stéphane Audoin-Rouzeau, La Guerre des enfants, 1914-1918. Essai d’histoire
culturelle, Paris, Armand Colin, 1993.
23. Lettre de Jacques P… au cardinal Feltin, 22 juillet 1957, archives du diocèse de Paris,
1D XV 12.
24. Jean-Marie Domenach, « Démoralisation de la jeunesse », L’Express, no 301, 29 mars
1957.
25. Benjamin Stora, Appelés en guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, 1997.
26. Enquête du GEROJEP, archives départementales du Val-de-Marne, 518J6.
27. Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, de 1944 à nos jours, Paris, Seuil, 1987.
28. Jean-François Sirinelli, Les Baby-boomers. Une génération (1945-1969), Paris, Fayard,
2003.
29. Ibid.
Les oppositions françaises
à la guerre d’Algérie
Tramor Quemeneur
« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel
âge de la vie 1. » L’incipit du récit autobiographique de Paul Nizan, réédité
au cours de la guerre d’Algérie, paraît résumer tout le destin d’une
génération qui a eu vingt ans dans les Aurès, pour paraphraser le célèbre
film de René Vautier 2. L’une des caractéristiques majeures de la guerre
d’Algérie est en effet d’avoir été menée, du côté français, par des appelés
du contingent 3. À la différence de la guerre d’Indochine, où les soldats de
métier n’étaient pas seuls à participer ; à la différence de la Première et de
la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait pas de mobilisation générale
appelant sous les drapeaux des Français jusqu’à cinquante ans.
La guerre d’Algérie a donc été menée par une armée essentiellement
composée de jeunes. Elle a marqué toute une génération du point de vue de
la classe d’âge. Certes, « la “jeunesse” n’est qu’un mot », pour reprendre
l’expression de Pierre Bourdieu 4. En effet, tous les jeunes ayant participé à
la guerre d’Algérie n’ont pas vécu et perçu la guerre de la même manière ;
ils n’appartiennent pas aux mêmes classes sociales. Néanmoins, certains
points communs peuvent apparaître.
Or parmi les questions soulevées par la guerre d’Algérie figure celle de
la désobéissance, étroitement liée à la torture qui en a constitué l’un des
principaux scandales 5. Comment la question de la désobéissance contre
cette guerre a-t-elle touché la jeunesse ? Quelles en ont été les
caractéristiques et les conséquences sociales ? Nous verrons tout d’abord
que la question de la désobéissance a été posée très tôt dans la guerre
d’Algérie, puis nous montrerons qu’une fracture intergénérationnelle s’est
progressivement creusée, conduisant à un débat public autour de la
désobéissance.
Vers Mai 68
Du harcèlement à la guerre
L’histoire de cette guerre n’est pas qu’un épisode des relations franco-
camerounaises. C’est en effet au Cameroun que s’est expérimentée puis
inventée la Françafrique, car c’est dans ce pays, sous tutelle de l’ONU, que
la France a été confrontée le plus tôt en Afrique subsaharienne à un
mouvement indépendantiste de masse avec la création de l’UPC. C’est donc
au Cameroun que l’administration française a été amenée en premier à
imaginer une alternative au statu quo devenu intenable tout en conservant
l’influence française, en inventant une décolonisation de « façade », pour
reprendre un terme fréquemment employé dans ses rapports confidentiels
par le premier ambassadeur de France au Cameroun.
Pour cela, il fallait donc mater discrètement mais violemment le
mouvement indépendantiste, en utilisant des méthodes qui seront ensuite
reproduites dans les autres pays africains francophones en cas de
contestation (les interventions militaires « à la demande du président », la
doctrine de la guerre révolutionnaire, la guerre psychologique, la
propagande médiatique…). Puis organiser une transmission de pouvoir
factice, entre les mains de leaders africains cooptés par la fraude électorale,
à la souveraineté encadrée par des accords de coopération et de défense
léonins négociés avant l’indépendance de façon à confier l’exploitation des
ressources à l’ancienne métropole, et par des « conseillers techniques »
français ou des agents secrets omniprésents, le tout dans le cadre d’un
régime dictatorial de parti unique reconduit régulièrement par les urnes
avec des scores frôlant chaque fois un peu plus les 100 %, d’institutions
autoritaires choisies par des juristes français et de hiérarchies parallèles
enserrant la population au plus près.
Cette indépendance sous contrôle, la première de ce type
chronologiquement en Afrique francophone, après la rupture de la Guinée
de Sékou Touré, servira de modèle aux autres pays du « pré carré » une fois
que la solution de « communauté franco-africaine », envisagée par le
général de Gaulle, aura montré ses limites au cours de l’année 1960.
Rassurées par l’expérience camerounaise sur leur capacité à encadrer
strictement les nouveaux leaders africains, les autorités françaises
concèdent une indépendance formelle pour mieux conserver l’influence
française sur cette partie du continent.
Jacques Foccart et ses successeurs à la cellule africaine de l’Élysée,
pendant les décennies suivantes, ne feront finalement qu’appliquer le
schéma inventé au Cameroun à la fin de la IVe République, sur les ruines du
rêve de l’UPC. Ce « modèle » s’avère, comme le montre la guerre du
Cameroun, relativement économe en hommes et en moyens pour la France,
tout en lui conférant dans les instances internationales l’image d’un pays
ayant accepté, voire octroyé, l’indépendance à des États qui lui restent
fidèles.
L’inspiration camerounaise de la Françafrique se lit aussi dans la
circulation des élites qui y ont fait leurs armes. Pierre Messmer, haut-
commissaire de la France au Cameroun de 1956 à 1958, sera l’inamovible
ministre des Armées du général de Gaulle pendant près de dix ans, puis le
Premier ministre de Georges Pompidou. Daniel Doustin, administrateur
colonial, stratège de la répression et de la vraie-fausse indépendance dès
1957, finira à la tête de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et
directeur de cabinet à Matignon sous Raymond Barre. Jean-Marie
Lamberton, chef d’orchestre militaire de la répression, fera carrière au
cabinet de Pierre Messmer et transmettra son expérience en tant que
théoricien d’une guerre révolutionnaire française enfin victorieuse sur un
théâtre d’opération colonial. Maurice Delauney, chef à poigne de la région
Bamiléké au début de l’insurrection, servira ensuite de cheville ouvrière de
la Françafrique et sera ambassadeur au Gabon. Moins connus, des militaires
comme le lieutenant-colonel René Gribelin, des policiers comme Georges
Conan ou des gendarmes comme Georges Maîtrier, spécialistes de la
« contre-insurrection », vont essaimer leur savoir-faire à travers le monde
de la « sécurité » et du « renseignement » en Françafrique, notamment au
Togo et au Gabon.
Cette guerre reste encore méconnue, si bien que le bilan humain est
difficile à chiffrer. D’après le général Max Briand, commandant des
opérations après l’indépendance, la guerre dans la seule région Bamiléké,
pour la seule année 1960, aurait fait 20 000 morts. Un rapport confidentiel
de l’ambassade britannique au Cameroun évaluait quant à elle à 76 000 le
nombre de victimes entre 1956 et 1964.
Mais la longueur du conflit et la nature même de la guerre rendent ces
décomptes difficiles à établir précisément. D’une part, l’interdiction
d’observateurs extérieurs et la censure de la presse ont compliqué la
description du conflit. D’autre part, le mépris dont font montre les autorités
françaises à l’égard des dommages collatéraux de leurs opérations produit
des décomptes très imprécis dans les archives militaires. Mais surtout, le
propre d’une « guerre révolutionnaire » est d’être menée « dans le peuple »,
sans opposer deux armées conventionnelles autour d’une ligne de front, si
bien qu’il est difficile de distinguer les combattants en uniforme des
militants politiques, des sympathisants, et de leurs proches. L’armée
française avait d’ailleurs reçu pour consigne d’« annihiler » sans distinction
les belligérants ainsi que leurs « sympathisants ». Les vastes opérations de
contrôle des populations et de leur territoire ont de plus constitué de
véritables actes de guerre, avec des conséquences humanitaires massives, en
particulier au moment du regroupement forcé des populations au sein de
villages fortifiés le long des grands axes routiers, en 1958 en Sanaga-
Maritime, puis en 1960 en région Bamiléké. Ce sont plus de 500 000
personnes qui ont ainsi vu leur vie quotidienne bouleversée soudainement et
leurs moyens de subsistance fragilisés, notamment quand l’armée a brûlé
les plantations des villageois pour les dissuader de se rendre dans les
« zones interdites ».
Cette guerre a ensuite été progressivement déléguée aux autorités
camerounaises, sous un étroit contrôle français : à l’armée nationale
camerounaise et à ses différentes troupes supplétives (gardes traditionnels,
milices, troupes d’autodéfense, garde civique bamiléké, militants du parti
unique de l’Union camerounaise…). Au final, combattants, partisans
upécistes et délinquants de droit commun ont fini par être amalgamés dans
un même opprobre, brouillant les frontières entre civils et militaires, entre
affrontement politique et guerre civile. Enfin, les autorités françaises puis
camerounaises ont systématiquement cherché à transformer une guerre
d’indépendance en conflit ethnique.
L’UPC a tour à tour été présentée comme un parti bassa ou bamiléké, ce
qui a dressé les groupes ethniques les uns contre les autres. Cette stratégie a
conduit à des actes de nettoyage ethnique dans certaines zones, plus ou
moins encadrés par les autorités. Celles-ci ont alimenté les discours de
haine, qu’il s’agisse du colonel Jean Lamberton s’en prenant, en 1960, dans
les colonnes de la revue Défense nationale au « caillou bamiléké » dans la
chaussure du Cameroun indépendant, ou du chef de la police politique
camerounaise (SEDOC), Jean Fochivé, allant jusqu’à parler de la « peste
bamiléké ».
1. Ce texte est issu de Manuel Domergue, « Cameroun : une guerre oubliée remonte à la
surface », Les Temps modernes, no 693-694, 2017.
2. « Note sur la répression au Kamerun », Les Temps modernes, no 165, novembre 1959.
3. Michel Debré, Gouverner. Mémoires, tome 3, 1958-1962, Paris, Albin Michel, 1988.
4. Daniel Galland, « Déchirant Cameroun ! », Réforme, 27 février 1960.
5. Pierre Messmer, Les Blancs s’en vont. Récits de décolonisation, Albin Michel, Paris, 1998.
La sexualité des appelés
en Algérie
Raphaëlle Branche
Bons pour le service 1, les hommes qui partent en Algérie sont aussi
« bons pour les filles » – selon l’expression populaire que les jeunes appelés
arborent parfois cousue dans un macaron sur leur poitrine. L’acte sexuel est
programmé, passage obligatoire pour tout militaire, sur le chemin d’une
virilité que la guerre est censée tremper 2. Certains vont s’empresser de
perdre leur virginité avant d’embarquer pour l’Algérie. D’autres, plus tard,
au voisinage de la mort, voudront faire l’amour une dernière fois ou ne pas
mourir sans l’avoir fait. Comme l’amour et la mort, le sexe et la guerre ont
bien plus en commun qu’il n’y paraît.
Excluant les professionnels de la guerre, cette étude s’intéresse à
quelques années ou quelques mois de la vie de ces jeunes hommes qui
durent partir se battre en Algérie. Leur sexualité rencontre la guerre alors
qu’ils ont une vingtaine d’années, la plupart du temps moins de 25 ans.
Certains sont mariés, d’autres ont des enfants, mais ils ne sont pas la
majorité. Leur « culture » sexuelle, comme l’écrit l’un d’entre eux a
posteriori, est « riche en tabous et pauvre en connaissances 3 ».
S’intéresser à leur sexualité n’est ni trivial ni secondaire. Cela permet de
poser un certain nombre de questions sur les spécificités de cette guerre,
mais aussi de s’interroger sur la manière dont la sexualité et, au-delà,
l’affectivité sont vécues, mais peut-être aussi utilisées ou canalisées, au sein
de ces groupes d’hommes que sont les unités militaires, prises dans un
contexte de danger, de peur et d’inconnu.
À première vue pourtant, les autorités se soucient peu de la sexualité
des militaires. Plus généralement, leur santé ne les intéresse que dans la
mesure où une fatigue importante ou, a fortiori, une maladie peut aboutir à
une invalidité plus ou moins longue et priver ainsi une unité de forces vives.
En Algérie, les textes officiels ne s’attachent pas à la dimension morale de
la sexualité des soldats 4, de même qu’aucune trace n’existe d’une crainte de
nature proprement guerrière : les relations avec des femmes algériennes ne
sont pas décrites comme dangereuses pour la vie des militaires
(contrairement au cas indochinois 5). Plus exactement, elles ne sont pas
décrites du tout : la sexualité est presque exclusivement présentée en liaison
avec le danger vénérien.
La morbidité vénérienne connaît en effet un taux assez élevé, toujours
due pour l’essentiel à des blennorragies – la syphilis et le chancre mou étant
les deux autres maladies les plus courantes, tandis que la maladie de
Nicolas Favre est beaucoup plus rare (le médecin lieutenant-colonel
Lacroux le déplore pour les premières années de la guerre 6). Secrétaire
médical de son unité, Pierre Gibert se souvient de soldats défilant l’un après
l’autre à l’infirmerie, dévoilant tous un slip souillé et se voyant prescrire le
même traitement tandis qu’il inscrit, imperturbablement, sur le cahier des
consultations « blennorragie, blennorragie 7… ».
Sexualité et prostitution
Que reste-t-il de ces habitudes une fois les militaires rentrés en France
et rendus à la vie civile ? Que deviennent certains réflexes acquis dans la
manière de considérer les femmes, algériennes ou européennes ? Période
d’initiation privilégiée de la virilité, la guerre construit, en miroir, une
certaine image des femmes 36. De même qu’ils mettent quelque temps pour
perdre certains réflexes – de peur, de violence, de protection –, de même les
nouveaux civils retrouvent-ils avec quelques balbutiements leurs modes de
relation et de vie sociale antérieurs à leur départ. Ainsi Jean Faure qui, de
retour en France, cherche toujours l’amour, mais se heurte, comme en
Algérie, à la guerre, qui fait obstacle. « Pourquoi faut-il que toutes les filles
qui s’offrent à moi ne m’emportent pas et me laissent indifférent ou indécis
alors que je rêve de “violence” ? », note-t-il huit mois après son retour. « Je
suis né dans le bled en Algérie, dans la guerre. Je voudrais mourir à la
guerre pour renaître à l’amour 37. »
Des permissions trop rares, souvent reportées ou trop courtes pour
pouvoir rentrer en métropole, n’ont pas permis d’atténuer notablement cette
situation. À l’inverse, le report régulier de leur date de libération qu’ont eu
à supporter beaucoup de militaires n’a pu qu’accentuer la coupure avec la
vie civile antérieure. Au retour, un désir de rattraper le temps perdu a pu
jouer. Ainsi, dans l’enquête de La Vie catholique illustrée en 1961 38, plus
des deux tiers des lecteurs qui répondent n’étaient « ni fiancé, ni marié »
avant de partir, et seul un gros tiers est encore dans cette situation au
retour : un tiers d’entre eux s’est marié. Quelle place prend, dès lors, leur
expérience algérienne dans la vie de couple ? Il est impossible de le dire
faute d’études précises jusqu’à ce jour – les indices étant, de toute façon,
difficiles à rassembler 39.
La dimension plus strictement sexuelle de cette question n’est pas
forcément plus simple. Il est évident que de nombreux militaires ont situé
d’emblée un certain nombre de leurs activités sexuelles en Algérie dans une
parenthèse, fort éloignée de leur vie civile, voire de leur vie d’hommes
mariés. Mais combien, au contraire, ont découvert là-bas des pratiques
nouvelles qu’ils ont rapportées en métropole ?
Même le journal du doux idéaliste qu’est Jean Faure pendant son séjour
en Algérie porte la marque de cette importation. À son retour, son langage
est devenu plus vulgaire, et son désir des femmes et de l’amour est exprimé
de manière beaucoup plus crue, plus explicitement sexuelle. Il note ainsi,
trois jours après son retour : « Il me faudrait une petite pour me changer les
idées. Mais je m’en méfie comme de la peste et je me méfie encore plus de
moi-même. Je préférerais encore me branler plutôt que de me lancer “corps
et biens” dans je ne sais quelle aventure ! Surtout, pas de chaînes », avant
de noter, étonné, « mon arme me manque. J’ai l’impression de chercher
sans arrêt mon P.M. 40 ».
Avec le temps, les sensations connues pendant la guerre se modifient et
l’expérience algérienne trouve peu à peu sa place parmi les souvenirs de
chacun. Parfois un livre de Mémoires vient dire ces premières années de
l’âge adulte mais les années qui suivent l’Algérie, elles, n’ont la plupart du
temps pas droit de cité dans ces écrits. L’historien.ne ne peut alors que
constater l’épuisement d’une source essentielle.
1. Ce texte est issu de Raphaëlle Branche, « La sexualité des appelés en Algérie », in Jean-
Charles Jauffret (dir.), Des Hommes et des femmes en guerre d’Algérie, Paris, Autrement,
2003.
2. À ce sujet, sur le siècle précédent, voir Odile Roynette, Bon pour le service. L’expérience
de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 2000.
3. Lettre de Jean Vuillez à Raphaëlle Branche, 27 février 2002.
4. Jean-Yves Le Naour, Misères et tourments de la chair durant la Grande Guerre, Paris,
Aubier, 2002. Sur le cas britannique, voir Mark Harrison, « Sex and the Citizen Soldier :
Health, Morals and Discipline in the British Army during the Second World War », in Roger
Cooter, Mark Harrison, Stev Sturdy (dir.), Medicine and Modern Warfare, Amsterdam/Atlanta,
Rodopi, 1999.
5. Michel Hardy, « BMC et prévention sanitaire », Revue historique des armées, no 1, 1994.
6. « Le service de santé des armées en Algérie, 1830-1958 », Regards sur la France réservé
au corps médical, numéro spécial, 1958.
7. Pierre Gibert, Il ne se passe rien en Algérie, février 1958-avril 1959, Paris, Bayard, 2001.
8. Note du capitaine Costerousse, médecin-chef du 77e B.S., datée vraisemblablement de
1957, 1H 3504/. Toutes les archives citées ici sont conservées au Service historique de la
Défense.
9. Note de service du médecin général Bizien, directeur du service de santé du CAO,
novembre 1957, 1H 3995/1.
10. Jean-Charles Jauffret, Soldats en Algérie, 1954-1962, Paris, Autrement, 2000.
11. Lettre du secrétaire d’État aux Forces armées « terre » aux généraux commandant les 3e,
4e, 6e, 7e, 9e et 10e RM [région militaire] ainsi qu’au commandant en chef des FFA [Forces
françaises en Allemagne], le 17 juillet 1956, 7U 572/10.
12. Lettre du général de Pouilly au général Crépin à leur propos, le 4 mars 1961.
13. Jean-Yves Le Naour, op. cit.
14. Gérard Zwang, Chirurgien du contingent, Montpellier, UMR 5609 CNRS-ESID,
université Paul-Valéry, 2000.
15. Fiche non datée, 1H 2452/1.
16. Lettre du général Lorillot au ministre de la Défense nationale, 25 novembre 1955, 1H
2452/1.
17. Rapport Simon sur le comportement sexuel des Français, Paris, Charron/Julliard, 1978.
18. Jean Faure, Au pays de la soif et de la peur. Carnets d’Algérie (1957-1959), Paris,
Flammarion, 2001.
19. Georges Mattéi, Les Disponibles, Paris, Maspéro, 1961.
20. Ibid.
21. Lettre de Jean Vuillez à Raphaëlle Branche, 27 février 2002.
22. Daniel Zimmermann, 80 exercices en zone interdite, Paris, édition Robert Morel, 1961.
23. Georges Mattéi, op. cit.
24. Jean Faure, op. cit.
25. Jean-Charles Jauffret, Soldats en Algérie, 1954-1962, op. cit.
26. « Le service de santé des armées en Algérie, 1830-1958 », op. cit.
27. Notes de service de la direction du service de santé de la 5e DB, ZNO (Zone Nord
Oranais), des 12 novembre 1956 et 14 août 1957, 1H 3995/1
28. Note du capitaine Costerousse, médecin-chef du 77e B.S., datée vraisemblablement de
1957, 1H 3504/1.
29. Raphaëlle Branche, « Des viols pendant la guerre d’Algérie », Vingtième Siècle. Revue
d’histoire, no 75, juillet-septembre 2002.
30. Andrew Orr, Ceux d’Algérie. Le silence et la honte, Paris, Payot, 1990.
31. « Journal de marche du sergent Paul Fauchon », Montpellier, UMR 5609 CNRS-ESID,
université Paul-Valéry, 1997.
32. Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard,
2001.
33. Ugo Iannucci, Soldat dans les gorges de Palestro, Lyon, Aléas éditeur, 2001.
34. Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, Paris, Seuil, 2011.
35. Jean Vuillez, « J’étais “appelé” à la guerre d’Algérie », manuscrit confié à l’auteure et
déposé à l’IHTP. Extrait de son journal daté du 27 octobre 1960. Voir aussi Raphaëlle Branche,
« Être soldat en Algérie face un ennemi de l’autre sexe », Annales de Bretagne et des pays de
l’Ouest, no 2, 2002.
36. George L. Mosse, L’Image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Paris,
Abbeville, 1997.
37. Jean Faure, op. cit.
38. « 607 anciens d’Algérie vous parlent », La Vie catholique illustrée, 25 janvier 1961.
39. J’ai, depuis, exploré cette question dans « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » Enquête sur
un silence familial, Paris, La Découverte, 2020.
40. Jean Faure, op. cit.
I958, la Communauté franco-
africaine :
un projet de puissance entre
e
héritages de la IV République
et conceptions gaulliennes
Frédéric Turpin
La Communauté
1. Ce texte a été publié initialement dans la revue Outre-mers, no 358-359, 1er semestre 2008.
Outre-Mers. Revue coloniale et impériale est la première et la plus ancienne revue à comité de
lecture portant sur ce champ de recherche. L’association qui la dirige – la
SFHOM https://www.sfhom.com – est située à la Sorbonne. Elle publie deux numéros par an,
accessibles via Cairn, Persée et Gallica.
2. Note du Secrétariat général à la Communauté (SGC), « Le statut des territoires français
d’outre-mer (A-OF, A-EF, Madagascar) sous le régime issu de la loi-cadre du 23 juin 1956 »,
s. d., Archives nationales, fonds public du secrétariat général pour la Communauté et les
affaires africaines et malgaches, FPU2595.
3. Ibid.
4. Note du SGC sur « la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958 », s. d.,
AN, FPU2595.
5. Note du SGC, « Le statut des territoires français d’outre-mer (A-OF, A-EF, Madagascar)
sous le régime issu de la loi-cadre du 23 juin 1956 », op. cit.
6. Maurice Ligot, Les Accords de coopération entre la France et les États africains et
malgache d’expression française, Paris, La Documentation française, 1964.
7. Ibid.
8. Ibid.
9. Note du SGC sur « la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958 », op.
cit.
10. Maurice Ligot, op. cit.
11. Note du SGC sur « la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958 », op.
cit.
12. Note du SGC, « Le statut des territoires français d’outre-mer (A-OF, A-EF, Madagascar)
sous le régime issu de la loi-cadre du 23 juin 1956 », op. cit.
13. Maurice Ligot, op. cit.
14. Éric Duhamel, François Mitterrand. L’unité d’un homme, Paris, Flammarion, 1996.
15. François Mitterrand, Présence française et abandon, Paris, Plon, 1957.
16. JORF, annexe au procès-verbal du 4 février 1958.
17. Yves Guéna, Historique de la Communauté, Paris, Arthème Fayard, 1962 ; Albert Bourgi,
« Les relations entre la France et l’Afrique noire en 1958 », in Fondation Charles de Gaulle,
L’Avènement de la Ve République, Paris, Armand Colin, 1999 ; Frédéric Turpin, De Gaulle,
Pompidou et l’Afrique. Décoloniser et coopérer (1958-1974), Paris, Les Indes savantes, 2010.
18. Jean Foyer, Sur les chemins du droit avec le Général. Mémoires de ma vie politique. 1944-
1988, Paris, Fayard, 2006.
19. Maurice Vaïsse, La Grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle. 1958-1969,
Paris, Fayard, 1998.
20. Roger Belin, Lorsqu’une République chasse l’autre. 1958-1962. Souvenirs d’un témoin,
Paris, Michalon, 1999.
21. Jean Foyer, op. cit.
22. Raymond Janot dans le Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires
des institutions de la Ve République, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la
Constitution du 4 octobre 1958, Paris, La Documentation française, 1992.
23. Maurice Ligot, op. cit. ; Jean Foyer, op. cit.
24. Jean Foyer, op. cit.
25. Roger Belin, op. cit.
26. Frédéric Turpin, De Gaulle, Pompidou et l’Afrique, op. cit.
27. Directive du général de Gaulle au Premier ministre, Paris, 25 avril 1959, AN, fonds privé
Jacques Foccart, FPR102.
28. Directive du général de Gaulle au Premier ministre, Paris, 24 avril 1959, AN, FPR102.
29. Note du SGC sur « la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958 », op.
cit. ; Maurice Ligot, op. cit.
30. Frédéric Turpin, Pierre Messmer. Le dernier gaulliste, Paris, Perrin, 2020.
31. Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir (tome 1), Paris, Plon, 1970.
32. Philippe Gaillard, Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard (tome 1), Paris,
Fayard/Jeune Afrique, 1995.
33. Lettre de Michel Debré au général de Gaulle, Paris, 15 août 1960, Fondation nationale des
sciences politiques, fonds Michel Debré, 2DE29.
34. Roger Belin, op. cit.
35. Émile Biasini, Grands travaux. De l’Afrique au Louvre, Paris, Odile Jacob, 1995.
La guerre des images d’une
fin d’empire et continuité
de l’influence française outre-mer
Sandrine Lemaire, Pascal Blanchard et Nicolas Bancel
La Communauté
1. Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, Paris, Armand Colin,
1998.
2. Emmanuel et Pierre Vérin, Histoire de la révolution comorienne. Décolonisation, idéologie
et séisme social, Paris, L’Harmattan, 1999.
3. Simon Imbert-Vier, Tracer des frontières à Djibouti. Des territoires et des hommes aux
e e
XIX et XX siècles, Paris, Karthala, 2011.
Reste que les gros bataillons arrivent toujours des pays les plus proches,
sans que Paris les ait sollicités. Espagnols, Italiens et Maltais sont souvent
perçus comme indésirables, mais c’est avec eux qu’il faut construire
l’Algérie, et avec ces populations françaises qui arrivent au gré
d’événements politiques, économiques ou d’accidents climatiques, et qui
sont bien utiles pour renforcer la communauté française (Languedociens,
Corses, Parisiens de 1848 ou de 1851…). Ils viennent assurément pour
travailler, et ils trouvent du travail.
C’est au départ une migration plutôt masculine, qui se transforme
rapidement en une migration familiale, d’autant que les réseaux familiaux
ou villageois sont opérants. Le mythe de la migration s’enracine, prélude à
l’autre enracinement, celui de l’appropriation d’un espace. Déjà, ces
hommes et ces femmes, dont la venue a été tolérée plus que souhaitée,
finissent par prendre, par endroits, la place des premiers colons, le plus
souvent par achat. À la veille des lois instituant la naturalisation
automatique, l’Oranie compte plus d’Espagnols que de Français ; à Oran,
les Espagnols sont deux fois plus nombreux que les Français, à Sidi Bel
Abbes, trois fois plus nombreux, à Saint-Denis-du-Sig, près de quatre fois !
Ils sont bien représentés aussi dans l’Algérois, où ils forment un peu plus du
quart de la population européenne, Français compris.
Ici, les chiffres ont leur importance et obligent les gouvernements
français à repenser la politique de la métropole. La colonisation de
peuplement en Algérie est fondamentalement différente de la migration
rêvée et préparée, en vain, de 1840 à 1870.
En 1866, Espagnols, Italiens et Maltais représentent près de 40 % des
Européens, Français compris. En 1876, malgré l’arrivée des Alsaciens-
Lorrains, ce pourcentage passe à 46 % et en 1886, en dépit de la dizaine de
milliers de naturalisés (Allemands, Italiens déjà et quelque deux mille
Espagnols) et malgré un peu plus de vingt-cinq mille juifs, français depuis
1870, ce pourcentage atteint 48 %. Devant ce « péril étranger » dénoncé par
le Parti radical, le gouvernement n’a d’autre solution que de rétablir la
dualité coloniale en naturalisant massivement les étrangers d’Algérie.
La cause des naturalisations ne pouvait être gagnée qu’avec
l’élimination du choix. Les deux lois du 26 juin 1889 et du 22 juillet 1893
instituent la naturalisation automatique et font entrer à une cadence
accélérée parmi les Français (et parmi le groupe colonisateur, comme les
juifs en 1870) tous les étrangers qui n’offrent pas une résistance acharnée
pour rester dans leur nationalité d’origine. Ce droit est appliqué ipso facto,
n’a pas à être revendiqué et s’effectue sans formalité. Désormais, la courbe
des Français devait augmenter dans des proportions considérables alors que
les courbes des étrangers, espagnols et italiens, devaient s’effondrer. Ce fut
le cas.
C’est dire que l’Algérie les avait « créolisés » et les avait enracinés,
comme elle l’avait fait des Français de métropole ou des Allemands. Et que
dire de la perception des couleurs, de la sensation des odeurs, d’un certain
rapport à la terre et à la mer qui pénètrent les corps et les âmes ? Les actions
de l’école, le coude à coude quotidien, l’armée, le test de la Grande Guerre
où l’on va éprouver la fidélité de ces nouveaux Français… un faisceau de
facteurs rend l’assimilation complète, non à la France de métropole mais à
une France mythifiée qui accepte que les communautés se fassent des
emprunts.
Ainsi, les liens qu’entretenaient les Français d’Algérie avec leur région
ou leur patrie d’origine s’estompent, et l’attachement au milieu natal
devient plus fort que le souvenir des origines paternelles. Les langues aussi
se perdent peu à peu, et si l’on remarque encore quelques traits espagnols
ou italiens, ils sont aussitôt folklorisés.
1. Cet article mis à jour et développé a été publié initialement sous le titre « Les pieds-noirs :
constructions identitaires et réinvention des origines », Hommes et Migrations, no 1236, mars-
avril 2002.
2. Charles-André Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine (tome 1), Paris, Presses
universitaires de France, 1964.
3. Jean-Jacques Jordi, « Les rapatriements (1954-1964) », in Laurent Gervereau, Pierre Milza,
Émile Temime (dir.), Toute la France, Paris, BDIC/Somogy, 1998 ; Jean-Jacques Jordi, De
l’exode à l’exil. Rapatriés et pieds-noirs en France, Paris, L’Harmattan, 1993 ; Jean-Jacques
Jordi, Émile Temime (dir.), Marseille et le choc des décolonisations, Aix-en-Provence,
Édisud, 1996.
Les « harkis »,
entre histoire, mémoire
et imaginaires
Abderahmen Moumen
Mais qui sont ces hommes, ces femmes, ces enfants que l’on désigne le
plus souvent par le terme de « harkis » ? Derrière ce mot, il y a un monde
confus 1. Le terme « harki » est un terme générique souvent employé pour
désigner tous les « musulmans français » qui s’étaient placés pour diverses
raisons aux côtés de l’armée française ou de la France en général durant la
guerre d’Algérie (1954-1962).
Cependant, ce terme ne désigne réellement qu’une catégorie de
supplétifs. Cinq catégories de formations supplétives civiles ont été créées
durant ce que l’on appelait les « événements » pour contribuer au
« maintien de l’ordre » – pour rappel, le terme de « guerre » n’était pas
employé par les pouvoirs publics, il faudra attendre 1999 pour que l’État
français reconnaisse officiellement la « guerre d’Algérie ». Il y avait les
groupes mobiles de police rurale (GMPR) créés en janvier 1955, dénommés
ensuite les groupes mobiles de sécurité (GMS) ; les mokhaznis (ou
moghaznis) chargés de la protection des Sections administratives
spécialisées (SAS) ; les groupes makhzen instaurés eux aussi en 1955 ; les
« assès » (gardiens) des Unités territoriales et les groupes d’autodéfense
(bénévoles et pour moitié armée) 2. Concernant les « harkis », les premières
harkas sont officiellement constituées en 1956. Mais le terme « harka » est
antérieur à la colonisation. Il signifie, en arabe, mouvement, déplacement,
mobilité, voire une expédition.
Militaires algériens de l’armée française ou appelés, élus, hauts
fonctionnaires, officiers et notables musulmans (caïds, aghas, bachaghas)
sont parfois aussi, bien malencontreusement, assimilés aux « harkis »,
malgré des différences sociales importantes.
Plusieurs difficultés sont posées quant aux données démographiques et à
la répartition géographique de ceux qui ont pu se réfugier en France, et ce
après la guerre d’indépendance algérienne. Au final, entre 1962 et 1965,
environ quarante-deux mille supplétifs et membres de leurs familles ont été
« transférés » en France par les autorités militaires, de même pour cinq
mille à huit mille engagés. À ces derniers s’ajoutent plusieurs milliers
d’autres qui ont pu se réfugier en France clandestinement ou par leurs
propres moyens.
Même si, officiellement, les pouvoirs publics estiment à soixante-six
mille le nombre d’anciens « harkis » et membres de leurs familles,
considérés comme rapatriés, on peut finalement réévaluer ce chiffre à
environ quatre-vingt-cinq mille personnes si l’on ajoute les familles non
recensées par l’administration ou venues plus tardivement en France.
La deuxième difficulté est relative à la répartition géographique de cette
population. Alors que les regards et les représentations se focalisent sur les
espaces de concentration, il n’est pas anodin de préciser que la plupart de
ces familles vivent très majoritairement, et ce dès la fin des années 1960,
dans des espaces diffus. Le Nord, avec ses espaces industriels, devient le
premier département où elles s’implantent. Néanmoins, les médias se
polarisent assez souvent sur les lieux de concentration des familles
d’anciens supplétifs, espaces régis par une tutelle sociale des pouvoirs
publics.
Durant les années 1960 et 1970, les camps ont été les lieux de
prédilection des reportages audiovisuels, à l’instar de Saint-Maurice-
l’Ardoise (Gard), ou de Bias (Lot-et-Garonne), deux camps ou « cités
d’accueil » qui regroupent alors les chefs de famille âgés ou de famille
nombreuse, les handicapés physiques ou les personnes démunies, jugées
difficilement reclassables dans la société française : les fameux
« irrécupérables » ou « déchets », ainsi dénommés par l’ancien ministre des
Rapatriés, François Missoffe.
À ces camps s’ajoutent d’autres espaces de ségrégation ou de
marginalisation sociale : plusieurs dizaines de hameaux forestiers (soixante-
neuf ont été recensés durant toute cette période) et de cités urbaines, comme
la cité des Tilleuls à Marseille, la cité des Oliviers à Narbonne ou la cité de
la Briqueterie à Amiens pour les plus connues. Enfin, les foyers Sonacotra
sont aussi des espaces où de nombreuses familles d’anciens supplétifs ont
résidé. Au 31 décembre 1977, 26,4 % des habitants des ensembles
familiaux de la Sonacotra sont des anciens harkis. En 1981, vingt-huit mille
cinq cents personnes, soit un peu plus de trois mille cinq cents familles,
vivent encore dans soixante-cinq zones à forte concentration (vingt-trois
hameaux ou anciens hameaux de forestage et quarante-deux cités urbaines).
1. Fatima Besnaci-Lancou, Abderahmen Moumen, Les Harkis, Paris, Le Cavalier Bleu, 2008.
2. Ce texte remis à jour et développé reprend une publication originale : « Les Harkis en 1983.
Discours médiatiques et représentations sociales », Hommes & Migrations, no 1313, 2016.
3. Nicolas Lebourg, Abderahmen Moumen, Rivesaltes. Le camp de la France, Perpignan,
Trabucaire, 2015.
4. Ordonnance no 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la
nationalité française, prises en application de la loi no 62-421 du 13 avril 1962.
5. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Fayard, 1994.
6. Abderahmen Moumen, « Reçus en harkis, traités en parias », in Driss El Yazami, Yvan
Gastaut, Naïma Yahi (dir.), Générations. Un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en
France, Paris, Gallimard, 2008.
7. Journal d’Antenne 2, 20 heures, 17 décembre 1982.
8. Journal d’Antenne 2, 20 heures, 19 mars 1982.
9. Saïd Ferdi, Un enfant dans la guerre, Paris, Seuil, 1981.
10. Apostrophes, Antenne 2, 11 septembre 1981.
11. Bernard Martinot (réalisateur), L’Amère Patrie, 1983.
12. Bouzid Kara, La Marche, Paris, Sindbad, 1984.
13. Catherine Wihtol de Wenden, Rémy Leveau, La Beurgeoisie, Paris, CNRS Éditions, 2007.
L’OAS et ses héritages
Nicolas Lebourg
1. Ce texte, mis à jour, a été publié originellement dans une version plus développée sous le
titre « La guerre d’Algérie et les extrêmes droites : six décennies de contre-terrorisme », dans
l’ouvrage dirigé par Giulia Fabbiano et Abderahmen Moumen, Algérie coloniale. Traces,
mémoires et transmissions, Paris, Le Cavalier Bleu (collection MiMed, en partenariat avec la
Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme), 2022.
2. Benjamin Stora, Une mémoire algérienne, Paris, Robert Laffont, 2020 ; Benjamin Stora, Le
Transfert d’une mémoire. De l’« Algérie française » au racisme anti-arabe, Paris, La
Découverte, 1999.
3. Charles-Robert Ageron, « L’opinion française devant la guerre d’Algérie », Revue
française d’histoire d’outre-mer, tome 63, no 231, 1976.
4. Archives nationales (ci-après AN) F/7/15645 : Direction des Renseignements généraux
(DRG), « Secret, étude sur le mouvement clandestin OAS, période du 10 février 1962 au
10 mars 1962 ».
5. AN/F/7/15645 : ministre de l’Intérieur aux chefs des SDRG et préfets, sous tampon
« secret », 24 février 1962.
6. AN/F/7/15646 : « Note Objet : a/s d’activités subversives », 9 mars 1961.
7. AN/F/7/15646 : DRG, « La Rébellion en Métropole », s.d.
8. AN/F/7/15646 : DRG, « Effectifs des principales formations nationalistes et de rapatriés
d’AFN », 20 avril 1961.
9. AN F/7/15645 : DRG « Bilan de l’activité de l’OAS et réseaux assimilés ainsi que la
répression de cette activité en métropole (Seine exceptée) pour l’année 1961 ».
10. AN/19970090/122 : ministère de la Justice, « Note sur l’intérêt de prononcer la
dissolution du groupement de fait OAS ».
11. AN/19800280/213 : Sûreté Nationale (SN), « La situation politique », 11 janvier 1962.
12. Alain Ruscio, Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS, Paris, La Découverte, 2015.
13. AN/F/7/15645 : DRG, « Secret, étude sur le mouvement clandestin OAS, période du
10 février 1962 au 10 mars 1962 ».
14. Archives de la préfecture de police (ci-après APP) H2/B1 : Bureau de liaison,
« Organisation de l’OAS, conférences plénières des directeurs de la Sûreté militaire, de la
Sécurité du territoire et de la Préfecture de police », 24 septembre 1962.
15. APP/H2/B2 : Conférences plénière des directeurs de la Sûreté nationale, de la Sécurité du
territoire et de la Préfecture de police, 3 mars 1965.
16. Éric Savarese, Algérie. La guerre des mémoires, Roubaix, Non lieu, 2006.
17. https://www.lci.fr/replay/replay-l-invite-de-lci- matin-du-12-septembre-2016-eric-
zemmour-200 2591.html ; https://www.rtl.fr/actu/politique/guerre-d-algerie-on-a-rien-fait-de-
mal-estime-eric-zemmour-7794694367
18. http://www.cerclealgerianiste.fr/index.php/archives/archives-d-actualites/152-actualites/le-
cercle-sur-tous-les-fronts/693-inauguration-de-la-rue-commandant-denoix-de-saint-marc
19. Police judicaire, procès-verbal, archives personnelles.
20. Direction générale de la sécurité intérieure, procès-verbaux, archives personnelles.
21. AN/F/7/15646 : Délégation générale en métropole OAS/METRO/ORO, « Note de
service ».
22. AN/F/7/15645 : DRG, « Étude sur le mouvement clandestin OAS (3 e partie) Période du
10 janvier 1962 au 10 mars 1962 ».
23. Centre d’histoire de la Fondation nationale des sciences politiques : FEN, « Rapport sur la
première conférence nationale de la FEN » (document interne).
24. APP/H2/B1 : « Organisation de l’OAS, conférences plénières des directeurs de la Sûreté
nationale, de la Sécurité du territoire et de la préfecture de Police », 16 novembre 1962.
25. AN/19800280/248 : DCRG, « La nouvelle tactique d’Europe-Action », 3 décembre 1964.
26. Jean Mabire, L’Esprit public, mai 1963.
27. Emmanuelle Comtat, Les Pieds-Noirs et la politique. Quarante ans après le retour, Paris,
Presses de Sciences Po, 2009.
28. Todd Shepard, 1962. Comment l’indépendance algérienne a transformé la France, Paris,
Payot, 2008.
29. Nicolas Lebourg, Isabelle Sommier (dir.), La Violence des marges politiques des années
1980 à nos jours, Paris, Reveneuve, 2018.
30. Troisième Voie, Lettre d’information, no 2, octobre 1988 (document interne).
31. AN/F/7/15591 : DCRG, « Confidentiel : 11 mouvements nationalistes français », mars
1958.
32. AN/F/7/15645 : DRG, « Étude sur le mouvement clandestin OAS 5 e partie 15 avril-1er
octobre 1962 ».
33. AN/20080389/16 : DCRG « L’extrême droite étudiante depuis la dissolution d’Occident »,
9 mai 1969 ; Jean-Marie Le Pen, Tribun du peuple, Paris, Muller, 2019.
34. AN/20080389/17 : Renseignements généraux de la préfecture de Police, blanc du 6 juin
1972.
35. Le Monde, 4 avril 1987.
36. Jérôme Fourquet, Nicolas Lebourg, Sylvain Manternach, Perpignan, une ville avant le
Front national ?, Paris, Fondation Jean-Jaurès, 2016.
Violence coloniale en métropole
au temps de la fin d’empire
Jean-Luc Einaudi
Humiliations et noyades
1. Ce texte est issu dans sa version intégrale de l’ouvrage collectif de Pascal Blanchard,
Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la Révolution
française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008 ; la publication de celui-ci dans
cet ouvrage est un hommage aux travaux fondateurs de Jean-Luc Einaudi sur ces enjeux et
cette histoire « oubliée » et notamment son livre La Bataille de Paris, Paris, Seuil, 1991.
2. Pascal Blanchard, Stéphane Blanchoin, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Hubert Gerbeau
(dir.), L’Autre et Nous. « Scènes et types » : anthropologues et historiens devant les
représentations des populations colonisées, des ethnies, des tribus et des races depuis les
conquêtes coloniales, Paris, Achac/Syros, 1995 ; Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, De
l’indigène à l’immigré, Paris, Gallimard, 1998.
3. Pascal Blanchard, Éric Deroo, Driss el-Yazami, Pierre Fournié, Gilles Manceron, Le Paris
arabe. Deux siècles de présence des Orientaux et des Maghrébins, Paris, La Découverte,
2003 ; Maurice Rajsfus, 1953, un 14 juillet sanglant, Paris, Agnès Viénot Éditions, 2003 ;
Daniel Kupferstein, Les Balles du 14 juillet 1953, Paris, La Découverte, 2017.
4. Emmanuel Blanchard, « Le mauvais genre des Algériens. Des hommes sans femme face au
virilisme policier dans le Paris d’après-guerre », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 27, 2008 ;
Emmanuel Blanchard, La Police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris, Nouveau
Monde Éditions, 2011.
5. Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN. 1954-1962, Paris, Fayard, 2002.
6. La Gangrène, Paris, Éditions de Minuit, 1959.
7. Monique Hervo, Chroniques du bidonville de Nanterre en guerre d’Algérie, Paris, Seuil,
2001.
8. Jean-Luc Einaudi, op. cit. ; Jean-Luc Einaudi, Octobre 1961. Un massacre à Paris, Paris,
Fayard, 2001.
La Polynésie française,
avec et sans la bombe
Jean-Marc Regnault
L’impact du CEP
1. Ce texte innovant a l’époque a été publie dans une version plus développée dans la revue
Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 53, janvier-mars 1997. Sur de nombreux points – au
regard des archives consultées et découvertes depuis 1997 –, plusieurs ont été modules dans la
présente version.
2. Jean-Marc Regnault, « De nouveaux atouts pour les indépendantistes de Tahiti », Le Monde
diplomatique, septembre 1995.
3. Philippe Mazellier, Bengt Danielsson, Marie-Thérèse Danielsson, Éric Monod, Jean-Marie
Dallet, Christian Gleizal (dir.), Mémorial Polynésien, volume 6, Noisy-le-Sec, Hibiscus
éditions, 1977.
4. Les Nouvelles de Tahiti, 11 janvier 1963.
5. Aimé Louis Grimald, Gouverneur dans le Pacifique, Paris, Berger-Levrault, 1990.
6. Marcel Duval, Yves Le Baut, L’Arme nucléaire française. Pourquoi et comment ?, Paris,
SPM, 1992.
7. Charles Ailleret, L’Aventure atomique française. Souvenirs et réflexions, Paris, Grasset,
1968.
8. Note du 19 juin 1995, Pr Maurice Vaïsse.
9. Bengt Danielsson, Moruroa mon amour, Paris, Stock, 1974. Pour une autre approche :
Jean-Marc Regnault, La Bombe française dans le Pacifique. L’implantation, 1957-1964,
Papeete, Scoop, 1993.
10. C’est un beau-frère de John Teariki, Henri Bouvier, qui s’affirme comme un farouche
adversaire des expériences nucléaires.
11. Yves Brard, « Autonomie interne et sources du droit en Polynésie française », L’Actualité
juridique-droit administratif, 20 septembre 1992.
12. En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement français réduit l’autonomie du territoire en 1963
et cherche à se débarrasser du leader autonomiste local, Maurice Lenormand. Jacques Foccart,
Foccart parle (entretiens avec Philippe Gaillard), Paris, Fayard/Jeune Afrique, 1995.
13. Pierre Angeli, « Quelques souvenirs d’une mission en Polynésie française », Journal de la
Société des océanistes, volume 38, no 74-75, 1982.
14. Jean-Marc Regnault, « La décentralisation outre-mer, un combat pour l’émancipation
politique et économique. L’exemple du statut de 1984 en Polynésie française », Les Cahiers
d’outre-mer, no 191, juillet-septembre 1995.
Le rôle de la France après
les indépendances
Jacques Foccart et la pax gallica
Jean-Pierre Bat
En août 1963, trois jours ont suffi pour renverser le président Fulbert
Youlou à Brazzaville, un personnage clé de la stratégie française en Afrique
centrale. Il ne peut être question ici d’analyser en détail les événements,
mais retenons que la réaction française s’est vue pénalisée par un manque
cruel de coordination entre les pôles de décision. La révolution a lieu les 13,
14 et 15 août, à une période de vacances. Jacques Foccart étant absent de
Paris au moment du déclenchement de la révolution, Pierre Messmer prend
sur lui de refuser l’engagement militaire : le général Louis Kergaravat, chef
d’état-major de la ZOM 2, estime qu’il se verrait dans l’obligation d’ouvrir
le feu sur les manifestants s’il devait intervenir. Un point de vue démenti
par Jacques Foccart quand il rentre en catastrophe à l’Élysée – trop tard
pour revenir sur cette décision. Les manifestants marchent donc devant les
soldats français restés l’arme au pied. Des années plus tard, le journal
révolutionnaire Dipanda continuera à dauber sur la passivité de l’armée
française.
Politiquement, il s’agit d’un échec majeur, engendré par la mauvaise
interprétation du rôle de l’élément militaire dans la philosophie sécuritaire
de Jacques Foccart : la France doit soutenir coûte que coûte ses alliés.
L’armée française n’avait donc pas à affronter les populations civiles
comme le redoutait Louis Kergaravat, mais à s’interposer. Elle devait être le
garant de l’ordre, c’est-à-dire selon Jacques Foccart empêcher que ne se
réunissent les circonstances pour qu’une manifestation de masse ne
dégénère en révolution – ce qui se passe à Brazzaville les 14 et 15 août.
Cette interposition aurait dû fournir à Fulbert Youlou du temps et des
circonstances favorables pour négocier et ainsi rester président.
Cette révolution, surnommée les « Trois Glorieuses », a provoqué un
profond traumatisme parmi les chefs d’État amis de la France. Jacques
Foccart décide que plus jamais pareil événement ne doit se reproduire. Ce
qui explique la violence de la réaction française à Libreville en
février 1964.
Dans la nuit du 17 au 18 février, le président Léon M’Ba est enlevé au
cours d’un coup d’État organisé par une équipe d’officiers gabonais. Sitôt
informé, Jacques Foccart tient une réunion de crise dans la nuit et décide
d’envoyer les parachutistes contre les putschistes. Le général de Gaulle
valide le lendemain matin la décision prise par son conseiller. Le vice-
président Paul-Marie Yembit appose sa signature au bas de l’ordre de
réquisition, en qualité de mandataire présidentiel. Les éléments français
lancent l’assaut sur Libreville le 19 février à l’aube, prennent le contrôle des
bâtiments officiels et affrontent les soldats gabonais au camp de Baraka.
L’affaire est close en fin d’après-midi. Après Brazzaville en 1963, la ligne
de conduite de Jacques Foccart est indiscutable : aucune négociation avec
les auteurs du putsch. Le président Léon M’Ba doit être restauré
intégralement. Dans l’esprit de Jacques Foccart, la solution militaire est
insuffisante. Les parachutistes, assurant le contrôle de Libreville environ un
mois, confèrent une mauvaise image internationale à la France, sans être
d’aucun secours à la reconstruction de l’État gabonais.
C’est pourquoi Jacques Foccart envoie quatre missions pour compléter
le volet tactique de la restauration de Léon M’Ba. Le colonel Lagarde est
censé étudier au plus tôt un plan de retrait des soldats français dans les
meilleures conditions. Le commissaire René Galy est envoyé pour le
compte du SCTIP réformer les services de sûreté et de renseignement, afin
de doter le régime d’un système de sécurité capable d’anticiper toute
menace à venir. Bob Maloubier, ancien capitaine du service Action du
SDECE, est rappelé pour constituer une garde présidentielle, destinée à
devenir une véritable garde prétorienne. Guy Ponsaillé, ancien
administrateur colonial reconverti chez Elf, devient le conseiller spécial du
président gabonais : sa première mission consiste à organiser des élections
législatives qui doivent confirmer publiquement la restauration du pouvoir
de Léon M’Ba.
Voilà une conclusion majeure sur la philosophie sécuritaire, selon
Jacques Foccart. L’intervention militaire n’est qu’un medium pour congeler
une situation, l’empêcher de dégénérer ; mais une crise politique nécessite
une réponse politique ! La résolution musclée de la crise gabonaise a un
écho retentissant démontrant la volonté foccartienne de défendre l’intégrité
du pré carré. Néanmoins, toute crise militaire ne trouve pas d’issue
politique, comme l’illustre le Tchad.
Premier constat d’échec, la construction de l’État tchadien. Jacques
Foccart mandate entre 1966 et 1967 deux agents gaullistes, Philippe
Lettéron et Pierre Debizet, pour optimiser la réforme du Parti populaire
tchadien (PPT), le parti présidentiel et parti unique. En vain. Entre-temps, la
contestation se transforme en rébellion après les troubles du Mangalme de
l’automne 1965 et la création du Frolinat en 1966, sous la houlette
d’Ibrahim Abatcha. Après les rezzous de 1968, l’armée française intervient
sporadiquement une première fois cette année-là – de manière relativement
inaperçue en France dans l’été qui suit les événements de Mai 68. Sous
peine de voir l’État imploser, la France s’engage dans un processus militaire
plus long l’année suivante. L’opération « Limousin » est donc déclenchée
en 1969, au terme d’une série d’échecs politiques.
Il s’agit de l’intervention française la plus importante depuis la guerre
d’Algérie. Le Tchad est devenu à plus d’un titre le symbole des accusations
néocoloniales contre la France. La principale raison qui motive le choix de
Jacques Foccart est que, dans le sillage de la rébellion, la Libye pratique
une politique d’ingérence à la frontière du pré carré. Foccart, tout en
validant l’opération « Limousin », reste bien conscient qu’elle ne peut en
aucun cas constituer une solution politique. Le Tchad fonctionne donc
comme une marche militaire à l’échelle de l’Afrique francophone. Dans ces
conditions, un terme est mis à l’intervention en 1972, après que la France a
rappelé militairement sa sphère d’influence géographique à ses challengers.
L’enjeu est de mesurer la capacité de résistance du Tchad, c’est-à-dire la
capacité d’investissement de la France pour défendre sa frontière
continentale.
Le gendarme de l’Afrique ?
1. Ce texte est issu de Jean-Pierre Bat, « Le rôle de la France après les indépendances. Jacques
Foccart et la pax gallica », Afrique contemporaine, no 235, 2010.
2. Pierre Biarnès, Les Français et l’Afrique noire de Richelieu à Mitterrand, Paris, Armand
Colin, 1987.
3. Antoine Glaser et Stephen Smith l’ont qualifié de Pax Franca (Comment la France a perdu
l’Afrique, Paris, Hachette, 2006).
4. Maurice Robert (entretiens avec André Renaud), Ministre de l’Afrique, Paris, Seuil, 2004.
5. Archives nationales, fonds privé Foccart 160. République centrafricaine, audiences 1960-
1966. Télégramme officiel de Barberot, décembre 1964.
6. Archives nationales, 90 AJ 144, archives Lettéron, Tchad. Note de Lettéron sur la crise du
Tchad, 24 octobre 1967.
7. Klaas van Walraven, « “Opération Somme” : La French Connection et le coup d’État de
Seyni Kountché au Niger en avril 1974 », Politique africaine, volume 134, no 2, 2014.
8. Service historique de la Défense, 10 T 640, 2e bureau, Centrafrique. Rapport mensuel du
colonel Mehay, 31 mai 1966.
9. Service historique de la Défense, 10 T 640, 2e bureau, Centrafrique. Rapport annuel du
colonel Mehay, novembre 1966.
10. Camille Évrard, « D’Écouvillon à Lamantin, l’indépendance mauritanienne vue par
l’armée française. Quelle transmission du “pouvoir militaire” ? », Afrique contemporaine,
no 235, 2010.
11. Maurice Vaïsse, La Puissance ou l’influence, Paris, Fayard, 2009.
12. Archives nationales, 90 AJ 68, archives Lettéron, Congo-Léopoldville. Conférence de
presse de Moïse Tshombé, 12 octobre 1964.
Les avatars du musée des Arts
d’Afrique et d’Océanie :
essai d’histoire d’un musée
inachevé
Dominique Taffin
1. Ce texte est une version condensée et mise à jour du chapitre « Les avatars du musée des
Arts d’Afrique et d’Océanie : essai d’histoire d’un musée inachevé », in Le Palais des
colonies, Paris, RMN, 2002. Depuis cette publication, le bâtiment de la Porte Dorée est devenu
le MNHI, tandis que les collections ont été transférées au musée du Quai Branly-Jacques
Chirac.
2. Entre 1928 et 1935, le musée change deux fois de nom : d’abord musée permanent des
Colonies, il est en 1932 musée des Colonies et de la France extérieure avant d’être baptisé
musée de la France d’outre-mer.
3. Sylviane Leprun, Le Théâtre des colonies, Paris, L’Harmattan, 1984.
4. Note du conservateur Ary Leblond lors de la création des séances de cinéma en 1937.
MQB, Arch. MFOM.
5. Discours de Louis Rollin, ministre des Colonies, lors de la réouverture du musée en
janvier 1935.
6. Dominique Taffin, « Le musée des Colonies et l’imaginaire colonial », in Nicolas Bancel,
Pascal Blanchard, Laurent Gervereau (dir.), Images et colonies, Paris, BDIC/Achac, 1993.
7. Interview de Ary Leblond par Ali Héritier, L’Intermédiaire forain, 27 juillet 1935.
8. Voir Catherine Bouché, « Un visage de l’exotisme au XXe siècle : du musée des Colonies au
musée de la France d’outre-mer 1931-1960 », in L’Exotisme au quotidien, Charleroi, musée
des Beaux-Arts, 1987.
9. Maurice de Waleffe, « Demain commenceront les fêtes du tricentenaire des Antilles
françaises », Paris-Midi, avril 1935.
10. Note de M. Lucain à Morlet, chef de la section d’art et d’histoire. Arch. Nat, 950514,
carton 8.
11. M. Lucain, « France-Outre-mer », Le Monde colonial illustré, 1952.
12. Arch. Nat., versement 950514, c.8. Souligné dans le texte.
13. Lettre à Châtelain, directeur des musées de France, du 14 mars 1969, et réponse du 3 avril
1969, MQB, Arch. MAAO.
14. Dominique Taffin, « Du musée de la France d’outre-mer au Musée national des Arts
africains et océaniens (1960-1980) », in Emilia Vaillant, Germain Viatte (dir.), Le Musée et les
cultures du monde, Paris, les Cahiers de l’École nationale du patrimoine, no 5, 1999.
15. Voir Magali Frapier, Pierre Meauzé et l’élaboration de la section « arts africains » au
musée des Arts africains et océaniens, Paris, monographie de l’école du Louvre, 1996.
16. Jean Guiart, rapport d’activités au 15 février 1966, MQB, arch. MAAO.
17. Cécil Guitart (dir.), Du musée des Colonies au dialogue des cultures. Pour un projet de
service au MAAO (rapport), Paris, MAAO, 1992.
18. Maurice Godelier, « Créer de nouveaux musées des arts et civilisations à l’aube du
IIIe millénaire », in Emilia Vaillant, Germain Viatte (dir.), Le Musée et les cultures du monde,
op. cit.
Bumidom : principes égalitaristes
et pratiques de marginalisation
et d’exclusion
H. Adlai Murdoch
Appartenance et altérité
Emplois et stéréotypes
Une fois arrivés en France, les domiens se sont vu proposer des emplois
peu qualifiés, et le Bumidom a même établi un contrat de travail qui
interdisait aux travailleurs de quitter l’emploi qui leur était attribué pendant
un an, tandis que l’obtention d’un logement décent, pourtant une vraie
gageure, a été largement laissée aux bons soins des migrants eux-mêmes.
Voilà l’un des « effets Bumidom » les plus frappants : il faut prendre la
mesure de la façon dont l’agence a activement orienté ces nouveaux
arrivants vers des catégories d’emploi spécifiques et indéniablement
stéréotypées. Elle a clairement mis en avant des types d’emploi pour
lesquels elles jugeaient les Noirs plus adaptés. Félix Germain a décrit la
manière dont les femmes ont été particulièrement ciblée par cette pratique :
« La plupart des fonctionnaires du Bumidom orientaient les migrants vers
des emplois potentiels, et ils avaient tendance à penser que le travail
domestique était le plus approprié pour les Antillaises. Affirmant que
l’industrie domestique parisienne était en “crise”, le Bumidom estimait que
les Antillaises pouvaient parfaitement se substituer aux Portugaises et aux
Espagnoles qui désertaient de plus en plus ces emplois mal payés. Ainsi,
agissant comme une agence de placement, le Bumidom sélectionnait les
femmes pour les placer dans des foyers français à la recherche de
personnel de maison 12. »
Il n’est pas difficile de percevoir ici à quoi fait écho la manière dont le
Bumidom a dirigé ces travailleuses vers les emplois domestiques : elle
s’inscrit dans l’historicité négative à laquelle les Noirs ont longtemps été
assujettis. Félix Germain poursuit son analyse ainsi : « Si l’offre d’un
emploi “correct et stable” assorti d’une prime de logement semblait
excellente aux responsables du Bumidom, elle constituait une régression
pour les femmes antillaises. Les femmes assimilaient la migration à
l’ascension sociale et avaient l’intention de rester à l’écart de ce type de
travail, que leurs mères, leurs grands-mères et leurs tantes avaient souvent
effectué pour les mulâtres et les békés (créoles blancs) privilégiés des
îles 13. » Ainsi, que l’État se soit entêté dans cette pratique souligne de
manière éloquente comment une interprétation racialisante et des
stéréotypes hérités de l’époque coloniale ont été perpétués de sorte à
maintenir une certaine perception des anciens colonisés, et ce malgré
l’avènement de la départementalisation.
La politique migratoire du Bumidom se donnait pour objectif
l’installation définitive des jeunes Antillais et Antillaises de part et d’autre
de l’Hexagone, l’agence allant jusqu’à leur écrire pour les dissuader de
tenter de s’installer à Paris. Mais la capitale et sa périphérie, qui ne
manquent pas d’attraits, les ont irrésistiblement attirés pour un certain
nombre de raisons. Un marché du travail en pleine expansion et le
soulagement d’échapper au racisme provincial n’en étaient pas des
moindres. L’orientation des migrants antillais, en particulier des femmes,
vers des emplois d’infirmières financés par l’État – un nombre relativement
important d’hôpitaux avaient été construits dans les années 1960 et 1970 –
et vers l’emploi domestique s’est instituée par la création en mars 1965
d’une école professionnelle pour les femmes migrantes antillaises dans le
village de Crouy-sur-Ourcq, à environ deux heures de Paris. On ne saurait,
par conséquent, minimiser ni sous-estimer la place prépondérante occupée
par les femmes antillaises dans ce déplacement de population. Alain
Anselin a souligné à juste titre « l’importance de l’émigration féminine
dans la diaspora : sans elle, la communauté antillaise en France n’aurait
jamais existé. Il n’y aurait pas eu de troisième île 14 ». Mais nombre de
celles qui avaient choisi d’aller en France ont déploré avoir été dirigées
systématiquement vers les emplois subalternes et orientés vers les métiers
du service. En bref, ces exigences domestiques et la rigueur qui les sous-
tendait n’ont pas seulement piégé les étudiantes dans des structures
domestiques de service auxquelles elles avaient tenté d’échapper, elles ont
aussi été des outils de renforcement des formes de la différenciation et de
l’exclusion qui ont défini le vécu des domien(ne)s en France.
Mentionnons enfin un dernier élément particulièrement essentiel.
Antoine Léonard-Maestrati, réalisateur métropolitain, et Michel Reinette,
journaliste guadeloupéen, ont produit ensemble un documentaire intitulé
L’avenir est ailleurs, sorti en 2007, qui porte un regard nouveau sur le
Bumidom et ses conséquences 15. Anny-Dominique Curtius a pris note des
réussites de cette enquête documentaire : « L’Avenir donne d’ailleurs aussi
la parole à plusieurs générations d’Antillais qui ont été pétris par le
Bumidom, celle des Antillais qui sont partis travailler en France, puis celle
de leurs enfants nés aux Antilles avant le départ des parents pour la
France, [et] les enfants […] d’une autre génération […] nés en France et
souvent affublés de lourdes étiquettes fort significatives telles que
négropolitains ou negzagonaux. Si ces termes semblent évoquer une
certaine coalescence entre communautés antillaises et métropolitaines, ils
semblent aussi suggérer un dénigrement des communautés du Bumidom
[…]. Le documentaire décrypte les malaises qui découlent de ces
déplacements et des problématiques identitaires qu’ils génèrent. La
perception de soi, la mise en scène de soi, le silence, l’invisibilité, la
visibilité, la honte, l’injustice, mais aussi l’opportunité, l’épanouissement
personnel et professionnel, la construction d’un avenir sont les divers
positionnements qui jaillissent constamment de ces témoignages 16. »
Pour conclure, il faut interroger la trajectoire effectuée depuis les
principes égalitaristes supputés par les statuts départementaux votés en
1946, qui, rencontrant les multiples effets qu’ont exercés du centre à la
périphérie les agences étatiques telles que l’ONI et le Bumidom dans les
années 1950 et 1960, a abouti à la consolidation de modèles et de pratiques
de marginalisation et d’exclusion. En témoigne l’émergence de nombreuses
associations culturelles activistes qui marquent aujourd’hui le paysage
métropolitain franco-antillais. Cette trajectoire trahit un modèle empreint
d’un ostracisme racialisant qui jure avec le principe d’intégration énoncé
par la France. L’affirmation diasporique d’une spécificité et d’une
différence culturelles des Antillais est donc un indicateur essentiel : elle
manifeste une réponse insistante à la promesse d’acceptation égalitaire que
la France fait à ses divers administrés ou ressortissants, cette histoire dénote
la soumission à une autorité souveraine. En d’autres termes, la contestation
active du statut d’étranger met au jour les formes continues de contrôle de
l’immigration en France et le rétrécissement des contours de la nation.
Les Lieux de mémoire 15, de Pierre Nora, ont été célébrés eux aussi
comme une véritable révolution historiographique. Jacques Le Goff écrivait
à ce propos dans le dossier du Monde du 5 février 1993 : « Ce n’est pas une
histoire de la France actuelle ; mais c’est l’histoire dont la France actuelle
a besoin. » Pour Lucien Febvre, l’histoire devait être « une réponse à des
questions que l’homme d’aujourd’hui se pose nécessairement », un moyen
pour les contemporains « de mieux comprendre les drames » dont ils sont
les acteurs et les spectateurs 16. Mais Les Lieux de mémoire ont-ils apporté
une réponse à la quête d’une histoire qui permettrait aux Français
d’aujourd’hui d’assumer la diversité de leurs origines ?
Les Lieux de mémoire sont un assemblage de textes savants, disparates,
répartis par thèmes. Le lecteur qui veut enrichir une culture historique déjà
avancée y picore une abondante nourriture, chaque contribution pouvant
être lue comme un bijou d’érudition. Mais certains approfondissements –
les « Mots », la « Coupole », la « Khâgne », les « Modèles », les « Grands
Corps », les « Singularités », la « Galanterie »… – ne parlent qu’à une élite
restreinte, homogène et privilégiée. Par les entrées ou les clôtures des
volumes, le maître d’œuvre donne le sens. Deux lignes se dessinent et
s’entrecroisent dans son propos. La première est celle du chantre de la
nouvelle histoire : l’historien démiurge qui, derrière l’arbitraire de l’objet,
retrouve le tout de l’histoire, cohabite avec le dilettante qui, indifférent à la
demande sociale, revendique « une histoire en miettes, éclectique, dilatée
vers des curiosités auxquelles il ne faut pas se refuser 17 ». La seconde ligne
est celle du dépositaire de l’héritage, qui entérine le récit national en
contournant sans les déconstruire les événements « fondateurs ».
La naissance intellectuelle des Lieux de mémoire, dans le séminaire de
Pierre Nora entre 1978 et 1981, a significativement coïncidé avec les
années où la thèse du « sabotage » de l’histoire était en vogue. Ainsi
l’auteur commence-t-il par évoquer la « disparition rapide de notre
mémoire nationale ». Développant sa problématique – « Entre Mémoire et
Histoire » –, il décrète la « fin de l’histoire-mémoire ». L’association
volontairement paradoxale des deux mots n’est jamais complètement
élucidée. Pierre Nora assure même que « loin d’être synonymes […] tout les
oppose, l’histoire est délégitimation du passé vécu » (toutes les citations à
suivre sont extraites de ses trois volumes sur les Lieux de mémoire). La
distinction entre les deux notions reste dans le flou et la longue dissertation
sur la « mémoire saisie par l’histoire » ne l’éclaire pas davantage. Cette
ambiguïté traverse tout l’ouvrage, donnant peut-être la clé de son succès.
L’« histoire-mémoire » désigne le récit national fabriqué par la
IIIe République. « Il y eut un temps où, à travers l’histoire et autour de la
nation, une tradition de mémoire avait paru trouver sa cristallisation dans
la synthèse de la IIIe République », écrit Pierre Nora : façon curieuse de (ne
pas) rappeler l’imposition de cette histoire comme mémoire collective par
l’école. L’arrachement de l’histoire à la mémoire, dit-il, serait l’éveil
d’« une conscience historiographique ». Mais dans les cinq chapitres de La
Nation consacrés à l’« historiographie » (dont « Francs et Gaulois » sont
arbitrairement exclus pour figurer dans Les France), les différentes strates
de l’« histoire-mémoire » ne sont pas saisies dans les modalités de leur
agencement en récit national : adjonction d’un peuple gaulois originel en
amont de l’historiographie royale des « trois dynasties », célébration des
Capétiens comme rassembleurs du territoire sacralisé par la Révolution.
De surcroît, certains auteurs cautionnent implicitement l’historiographie
sous-jacente aux textes qu’ils présentent en reprenant à leur compte la
confusion entre Francs et Français 18 qui permet d’enraciner la France dans
les temps les plus lointains. Si l’on apprend au passage qu’Augustin Thierry
cherchait à « déterminer le point précis où l’histoire de France succède à
l’histoire des rois francs », la question des origines est escamotée,
l’annonce de « mythes d’origine » à paraître dans le tome 3 ayant fait long
feu. L’identification au récit traditionnel trouve son point d’orgue dans le
choix des emblèmes clôturant Les France : le coq gaulois, Charlemagne, le
roi, l’État, Paris, le génie de la langue française… autant de non-réponses
aux quêtes mémorielles d’aujourd’hui.
Si, en habile jongleur de mots, Pierre Nora a pu passer pour l’inventeur
d’une nouvelle manière d’écrire l’histoire, lui-même ne s’est pas arraché de
cette « histoire-mémoire » dont il annonçait la fin. Sur Ernest Lavisse, il
conclut : « Il a fixé les images fortes et tendu, définitif, ce miroir où la
France n’a plus cessé de se reconnaître. » Dans le style de l’essentialisme
du XIXe siècle qui projette la nation dans un passé où elle n’existe pas, Pierre
Nora psalmodie : « Héritage ou projet, rêve ou réalité, célébrée ou maudite,
la Nation est là, c’est un donné […] la nation-tunique, la nation-nous, et
pour nous, Français sans début assignable. »
Lorsqu’il clôture son œuvre, Pierre Nora est désenchanté. La France
serait passée en moins de vingt ans « d’une conscience nationale unitaire à
une conscience de soi de type patrimonial ». Nouvelle « totalité » inventée
par l’historien démiurge ? Elle s’est en tout cas, semble-t-il, répercutée dans
les instructions officielles de l’Éducation nationale. Mais « peut-on
socialiser par l’inflexion patrimoniale ? » Au regard des enjeux de l’année
2005 et des débats depuis, en France, il est permis d’en douter 19.
Vers l’enseignement
d’une histoire nationale complexe
1. Ce texte reprend, développe et met à jour une contribution publiée dans l’ouvrage collectif
dirigé par Pascal Blanchard et Nicolas Bancel (dir.), Culture post-coloniale, 1961-2006. Traces
et mémoires coloniales en France, Paris, Autrement, 2006.
2. Laurence Corbel, Benoît Falaize, « L’enseignement de l’histoire et les mémoires
douloureuses du XXe siècle. Enquête sur les représentations enseignantes », Revue française de
pédagogie, no 147, 2004.
3. Philippe Bernard, « Des “enfants de colonisés” revendiquent leur histoire », Le Monde,
21 février 2005.
4. Sandrine Lemaire, « La colonisation contée aux enfants », Le Monde 2, mai 2006 ; Éric
Savarese, « Histoires héroïques », Histoire & Patrimoine, no 3, octobre 2005.
5. Benoît Falaize, « Histoire de l’immigration et pratiques scolaires », Diversité, ville, école,
intégration, no 149, 2007.
6. Benoît Falaize, Olivier Absalon, Nathalie Héraud, Pascal Mériaux, Enseigner l’histoire de
l’immigration à l’école, Paris, INRP, 2009.
Cinéma, chanson, littérature :
après le temps des colonies
Delphine Robic-Diaz et Alain Ruscio
Le regard cinématographique
1. Alain Ruscio, Que la France était belle au temps des colonies, Paris, Maisonneuve et
Larose, 2001 ; Alain Ruscio, Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français XIXe-
e
XX siècles, Bruxelles, Complexe, 2002 ; Alain Ruscio, Amours coloniales, Bruxelles,
Complexe, 1996.
2. Dina Sherzer, Cinema, Colonialism, Postcolonialism: Perspectives from the French and
Francophone World, Austin, University of Texas Press, 1996.
3. Pierre Boulanger, Le Cinéma colonial, de « L’Atlantide » à « Lawrence d’Arabie », Paris,
Seghers, 1975 ; Abdelkader Benali, Le Cinéma colonial au Maghreb, Paris, Le Cerf, 1998 ;
Fatimah Tobing Rony, The Third Eye. Race, Cinema and Ethnographic Spectacle, Durham,
Duke University Press, 1996, et le numéro spécial de la revue bruxelloise Journal of Film
Preservation, no 63, sous le titre « Cinéma colonial : patrimoine emprunté », d’octobre 2001.
4. La trilogie de Max Gallo, L’Empire ; volume 1, L’Envoûtement ; volume 2, La Possession ;
volume 3, Le Désamour, Paris, Fayard, 2004.
5. Ce texte (mis à jour et développé) est issu à l’origine de l’ouvrage collectif de Pascal
Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (dir.), Culture coloniale en France. De la
Révolution française à nos jours, Paris, CNRS Éditions/Autrement, 2008. Ce chapitre ne
considère pas la littérature postcoloniale produite par des écrivain(e)s issu(e)s de
l’immigration, et la partie concernant le cinéma postcolonial s’arrête à l’année 2005, date de la
première rédaction de ce texte.
Mémoires et patrimonialisation
de l’histoire coloniale :
l’introuvable musée colonial
Nicolas Bancel et Pascal Blanchard
Conflictualités mémorielles
Mémoriaux et monuments
Ainsi, c’est au cours des années 2000 10 que surgit l’idée de ce Mémorial
de la France d’outre-mer à Marseille (porté par la municipalité de Jean-
Claude Gaudin) et d’un équivalent spécifiquement dédié à l’Algérie à
Montpellier (soutenu activement par la gauche régionale derrière Georges
Frêche). Un maillage local impressionnant se met alors en place : Nice,
Toulon, Aix-en-Provence, Montpellier, Marseille, Nîmes, Béziers, Théoule-
sur-Mer, Marignane… La stratégie consiste à occuper l’espace mémoriel
laissé vacant au plan national sur la période coloniale, en imposant dans un
lieu « officiel » central de cette région un musée, situé idéalement à
Marseille, ancienne capitale d’empire – mais aussi à Montpellier,
directement liée à l’identité pied-noire –, afin d’affirmer une lecture
univoque du passé impérial 11.
À Marseille, le projet a progressivement pris le nom de Mémorial
national de la France d’outre-mer (MOM) pour lui donner une posture plus
acceptable (et comme le double nécessaire du Musée national de l’histoire
de l’immigration parisien). Ce projet marseillais mérite qu’on s’y arrête, car
il demeure le plus symbolique et le plus important, puisqu’il implique
l’État, une grande ville française et l’un des principaux responsables de
l’Union pour un mouvement populaire (l’UMP, ancêtre des actuels
Républicains). Une poignée d’universitaires l’ont soutenu, à l’image de
Daniel Lefeuvre et de Marc Michel, dans un groupe animé par Jean-Pierre
Rioux, inspecteur général de l’Éducation nationale. Très vite, la
participation de l’État va conférer une dynamique nouvelle au projet
marseillais qui passe de 2 800 à 3 800 mètres carrés, avec un budget
prévisionnel de 11 millions d’euros. Il était prévu que le mémorial soit
inauguré en 2007 sur le boulevard Rabatau.
Pour ses concepteurs, le Mémorial national de la France d’outre-mer est
avant tout destiné à retracer l’histoire et entretenir la mémoire des Français
ayant vécu dans l’ex-Empire au cours des XIXe et XXe siècles, plutôt qu’à
porter un regard critique sur le passé colonial. Il s’agit bien d’un hommage
à leur action « civilisatrice », et non d’un lieu de savoir. À la demande des
associations de rapatriés, partie intégrante du Conseil scientifique, l’Algérie
est définie comme le « point central du mémorial ». Il est à noter que, dans
le premier texte gouvernemental porté par la ministre UMP Michèle Alliot-
Marie en 2003 (faisant suite à la mobilisation orchestrée par Philippe
Douste-Blazy auprès des députés), qui aboutira à la loi de février 2005
(portée par les députés Christian Kerk, Michèle Tabarot et Christian
Vanneste) 12, le projet de mémorial était clairement lié à la loi sur la
« colonisation positive ».
À Montpellier, le musée d’histoire de la France en Algérie (1830-1962),
placé sous la conduite initiale de l’historien de l’Algérie coloniale Daniel
Lefeuvre (l’un des porte-parole du combat contre la « repentance » jusqu’à
sa démission tardive du conseil scientifique à la suite des polémiques
devant le projet du musée qui devait d’abord glorifier les réalisations des
Français en Algérie), s’affirme comme le second pilier de cette nostalgie
coloniale. Amorcée par Georges Frêche, l’initiative sera mise en sommeil
quelque temps, puis ranimée par la nouvelle maire de la ville, Hélène
Mandroux, à partir de 2008, avec un conseil et un concept désormais plus
ouverts sur le plan historiographique. Cependant, l’élection en 2014 de
Philippe Saurel signe la fin d’un projet que le candidat avait effectivement
promis de supprimer, en raison des nombreuses polémiques ayant
accompagné sa genèse 13. Vieux serpent de mer, il est relancé en 2021, sous
une forme différente, par la nouvelle municipalité et dans le cadre des
propositions du rapport Stora 14.
Les polémiques nées de la loi de février 2005 (obligeant Jacques Chirac
à revenir sur l’article 4 de celle-ci) vont rendre caduques ces deux
ambitions. Les réactions sont alors vives en effet, car la conjoncture est
justement à la découverte de ce passé colonial au cours de ces années
charnières. De nombreux historiens se mobilisent, dont la grande majorité
refuse tout soutien à cette entreprise clairement nostalgique 15. Désormais, il
est trop tard pour les nostalgiques, l’époque (2007-2010) ne permet plus de
bâtir de tels lieux alors que dans toute l’Europe le mouvement d’une
revisitation critique de l’histoire coloniale se développe dans les musées.
À l’issue de ce long processus, l’échec des projets marseillais et
montpelliérain, ainsi que celui de la création d’une Maison de l’histoire de
France conçue dans une perspective comparable 16, sont évidents. Dans le
même temps, ces initiatives ont neutralisé pendant près de deux décennies
(1995-2012) toute possibilité de voir émerger un véritable concept muséal
pour un lieu de savoir sur la colonisation. À cet égard, l’un des objectifs est
atteint : obliger ceux qui veulent poser un autre regard sur le passé colonial
à se tenir sur la défensive.
Dès le 21 mai 2020, c’est-à-dire avant la mort de George Floyd 17, qui a
suscité la dégradation de nombreuses statues liées à la période coloniale à
travers le monde, deux statues de Victor Schœlcher sont dégradées en
Martinique, provoquant de vives polémiques en France sur la présence,
dans l’espace public, de statues telles celles de Faidherbe, Colbert ou
Gallieni. Ces interrogations sur la période coloniale, qui revêtent
manifestement une dimension intergénérationnelle – comme si la nouvelle
génération demandait des comptes à celles qui l’ont précédée –, mettent
d’autant plus en évidence l’absence d’une patrimonialisation muséale de
l’histoire coloniale en France alors qu’est interrogée la présence de statues
et monuments coloniaux dans l’espace public.
Quelques monuments coloniaux focalisent ainsi l’intérêt militant en
France – à la fois dans l’Hexagone comme dans les régions ultramarines –,
mais ils sont peu nombreux (à l’image du palais des Colonies de la Porte
Dorée) et mal connus. En tout premier lieu, sur tous les monuments
« coloniaux » identifiés en France (en retenant sous cette appellation ceux
qui rendent hommage à des personnes ou des événements, et donc
essentiellement des statues), seule une petite dizaine sont connus. Bien peu
d’observateurs ont remarqué que ces monuments ont très souvent été
installés et inaugurés durant la période coloniale, puis réinstallés après les
décolonisations, au fil des années 1960 et 1970, dans les villes de naissance
de ces « héros coloniaux ». Ces statues ne sont donc pas seulement des
commémorations du « temps des colonies », mais également des
« souvenirs » postcoloniaux qui circulent avant de se fixer dans l’espace
public. Le travail d’identification commence à peine et des recherches à
poursuivre s’ouvrent clairement.
Plusieurs espaces méritent que l’on s’y attache pour commencer à les
questionner. On pense par exemple au monument du sculpteur Jean-
Baptiste Belloc dans le XIIe arrondissement de Paris « À la gloire de
l’expansion coloniale », voulu en 1909 par le leader du parti colonial
Eugène Étienne. Inaugurée en 1913 dans le Jardin tropical de Nogent-sur-
Marne, avant d’être transférée au palais des Colonies, après 1931 – à sa
place sera érigé devant le palais en 1949 (donc tardivement) le monument à
la gloire de la colonne Marchand, dont la statue du commandant Marchand
a été détruite par un attentat des mouvements indépendantistes antillais en
1983 –, et revenue aujourd’hui dans le Jardin tropical, cette sculpture
indique la circulation possible de ce type de monument. Tout le Jardin
tropical (ou colonial) est d’ailleurs un lieu de vestiges majeurs, avec une
dizaine de monuments coloniaux qui semblent n’intéresser ni les militants
ni les autorités publiques.
Dans Paris et dans toute la France, d’autres monuments tout autant
oubliés questionnent le passé, comme la statue dédiée à Francis Garnier due
à Denys Puech, érigée en 1898 et située avenue de l’Observatoire, ou bien
celle du maréchal Joseph Gallieni, place Vauban, installée en 1926 après
une « souscription publique organisée par la Ligue coloniale et maritime
française ». Ces monuments – comme la statue du sergent Bobillot à Paris,
celle de Lyautey place Denys-Cochin, le grand escalier de la gare Saint-
Charles inauguré en 1927, la statue de Bugeaud dans sa ville natale
d’Excideuil, celle en hommage à Lamoricière à Saint-Philibert-de-Grand-
Lieu, la statue du duc d’Orléans à Neuilly-sur-Seine et à l’origine à Alger –
esquissent la trame des centaines d’ouvrages coloniaux parsemant la France
et qui demeurent invisibles, ininterrogés. Dans le sillage d’un contexte
international explosif concernant ces vestiges, seuls quelques-uns d’entre
eux ont été mis en lumière après avoir été la cible de militants. Ces
monuments représentent pourtant une source encore peu exploitée pour
l’historien, et qui devraient être intégrés à tout projet de patrimonialisation
muséal.
Il y a presque dix ans [ce texte a été publié en 2011], deux choses
m’avaient frappée 1 : premièrement, l’explosion d’un intérêt commémoratif
pour l’histoire coloniale française, qui se reflétait dans la prolifération des
publications à ce sujet tant en France qu’aux États-Unis ; et deuxièmement,
les expressions commodes qui servaient à connoter le silence qui avait
entouré jusque-là les questions coloniales : il s’agissait en l’occurrence d’un
« trou de mémoire », d’une « amnésie collective », d’une « histoire
oubliée » qui s’était en quelque sorte perdue au moment où la France avait
finalement fait ses comptes avec Pétain, Vichy, et les sympathies nazies qui
s’étendaient bien au-delà des collaborations les plus évidentes.
Pour nombre d’entre nous qui travaillions depuis longtemps sur une
histoire coloniale française lourde de déterminants raciaux, cette
exubérance semblait étrange, presque fébrile et hors de propos. Elle n’était
pas seulement tardive, comme les spécialistes du colonialisme français
s’empressent désormais de le faire observer. À la lumière du développement
vertigineux des débats et des publications que l’on a pu observer au cours
des dernières années, il est possible de considérer ce précédent frénétique
comme un simple renouvellement* 2 de ce qui s’apparentait alors à
l’annonce de la « découverte » des liens profonds qui liaient et qui
continuent de lier la République* à la race.
Bien entendu, l’enjeu de cet épisode n’était pas la « découverte » de la
place de la torture dans l’histoire coloniale française, ni les révélations au
sujet des camps de concentration présents dans tout l’archipel carcéral de
l’Empire. Publié en juin 1959, l’ouvrage La Gangrène documentait les
technologies intimes auxquelles recouraient les soldats français pour
infliger des traitements avilissants aux hommes algériens. L’ouvrage 3 fut
saisi et interdit en France par le gouvernement, et publié par la suite en
anglais 4.
En 1962, Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi avaient publié un
compte rendu de la torture et du viol de Djamila Boupacha, qui était âgée de
vingt-trois ans à l’époque des faits 5. Les informations sur les premières
colonies agricoles et pénales établies en Algérie et ailleurs étaient
disponibles depuis longtemps. Quant au rôle de la violence exercée en
fonction de critères raciaux dans la constitution de la république, il n’était
pas absent de la littérature populaire et universitaire. Jean-Paul Sartre,
Albert Camus et, bien entendu, Frantz Fanon et Aimé Césaire l’avaient
appelée par son nom à maintes reprises.
Si en 1992 Tony Judt pouvait aisément ne consacrer que huit pages aux
aventures coloniales dans un ouvrage sur les intellectuels français de
l’après-guerre qui fut fort bien accueilli, il ne pourrait plus se le permettre
aujourd’hui 6. Nombre de choses ont en effet changé : la façon dont
l’histoire est aujourd’hui censée peser sur les choix présents et futurs des
individus et sur la politique contemporaine ; le lieu où se situent les
politiques sociales d’exclusion systématique dans la topologie des valeurs
républicaines ; et par conséquent la place centrale de l’histoire.
Dépasser l’universalisme
Nombreux sont ceux qui se demandent si, avec la fin des tutelles
formelles, tout est vraiment remis en jeu, tout est suspendu, tout
recommence vraiment, au point où l’on peut dire des ex-colonies qu’elles
rouvrent leur existence et se placent à distance de leur état antérieur. Pour
certains, la réponse à cette question est purement négative. Colonie ou
postcolonie : il s’agit du même théâtre, des mêmes jeux mimétiques, avec
des acteurs et des spectateurs différents certes, mais avec les mêmes
convulsions et la même injure. C’est, à titre d’exemple, le point de vue des
militants anti-impérialistes aux yeux desquels la colonisation française en
Afrique n’a jamais vraiment pris fin 5. Elle aurait simplement changé de
visage, revêtant désormais mille autres masques. Selon ce point de vue, les
sociétés francophones constitueraient des exemples achevés de l’aliénation
culturelle et un parfait paradigme du néocolonialisme et de la servitude.
Cette rhétorique prétend qu’au moment de la décolonisation, l’ancienne
puissance coloniale aurait tout fait pour empêcher l’émergence en Afrique
d’un sujet véritablement libre et autonome 6.
Malgré le caractère parfois polémique de ces affirmations, il serait naïf
de prétendre qu’elles sont toutes infondées. La France, comme toute autre
puissance dans le monde, est soucieuse de ses intérêts idéologiques,
stratégiques, commerciaux et économiques. Le primat de ses intérêts tant
publics que privés commande, en très grande partie, sa politique extérieure.
Historiquement, elle a su exploiter l’avantage que lui conférait sa position
d’ancienne puissance impériale pour cimenter, avec les élites africaines
francophones, des rapports inégaux marqués tantôt du sceau de la brutalité,
tantôt de celui de la vénalité.
Ces rapports ont revêtu des formes diverses selon les époques. Dans la
plupart des cas, ils s’inscrivaient dans une logique de corruption mutuelle.
Du côté africain, le moteur de la vénalité et de la brutalité se trouvait alors
être la conjonction de deux sortes de pulsions culturelles qui précèdent
historiquement le moment colonial : d’une part, le désir illimité – et à la
limite pervers – d’acquisition et de destruction des biens et des richesses
(chrématistique) ; et, de l’autre, la reproduction sur le temps long de formes
excessives de jouissance (pleonexia 7). En maintes autres circonstances
cependant, la relation prenait purement et simplement la forme d’une
panoplie d’attitudes racistes à peine cachées sous le manteau d’un
paternalisme de bon aloi 8. Puis, lorsqu’il le fallait, la France n’hésitait pas à
recourir à la force tout court, voire à l’assassinat.
Il serait cependant erroné de réduire l’analyse des dynamiques
politiques et culturelles des sociétés francophones d’Afrique aux seuls
rapports – souvent délirants – que leurs élites entretiennent avec la France 9.
En fait, ces rapports eux-mêmes, ainsi que leur structure, n’ont cessé de se
transformer. Cette lente transformation a pris un cours erratique à la faveur
de la faillite financière de nombre d’États, puis de la généralisation des
guerres de rapine dans l’ensemble du continent au cours du dernier quart du
e
XX siècle notamment. Comme nous l’avons montré dans d’autres études,
deux des principales conséquences de ces processus sont la dispersion du
pouvoir d’État et la diffraction de la société 10.
Un certain nombre d’inflexions sont donc en cours. Aussi bien les
dispositifs et modes d’intervention de la France en Afrique que les acteurs
sociaux et politiques chargés de la mise en œuvre de ces stratégies sont en
train de changer. Si les réseaux affairistes traditionnels n’ont pas encore
totalement perdu du terrain, ils ne peuvent cependant plus agir comme si
l’Afrique était une « chasse gardée » de la France. Au nom du maintien des
grands équilibres macro-économiques (discipline fiscale, maîtrise de
l’endettement public et de l’inflation), de la libéralisation des échanges,
voire de la lutte contre la pauvreté, le poids des fonctionnaires
internationaux s’est accru – même si, dans les faits, les réformes devant
conduire à plus de compétitivité s’enlisent.
Les besoins de rééchelonnement de la dette, les processus d’ajustement
structurel et les privatisations ont rendu inévitable une gestion multilatérale
de la crise africaine et des guerres et catastrophes humanitaires qui en sont
sinon la cause, du moins le corollaire. Il en a résulté un accroissement de
l’influence des institutions internationales (qu’elles soient financières, à
l’instar de la Banque mondiale et du FMI, ou qu’elles se spécialisent dans
l’action dite humanitaire) et l’émergence d’une forme de gouvernementalité
que nous avons décrite comme le « gouvernement privé indirect 11 ».
Du coup, l’Afrique francophone ne constitue plus le « domaine
réservé » de la France. Même des organismes tels que l’Agence française de
développement (AFD) – autrefois l’un des outils privilégiés de la présence
économique de ce pays en Afrique – sont désormais obligés de naviguer
dans le sillage des institutions multilatérales de financement 12. Face aux
contraintes qu’entraîne le choix d’appartenance à l’Europe, la France doit
dès lors alléger l’encombrant et dispendieux arsenal qui, longtemps, fit
d’elle une « puissance africaine » à part entière. Les dividendes qu’elle tirait
de ce mode de domination apparaissent aujourd’hui tout à fait accessoires 13.
Plus fondamentalement, la France est en train de perdre – ou, dans
certains cas, a déjà perdu, de manière sans doute irrévocable – une très
grande partie de l’influence culturelle qu’elle exerçait autrefois sur les élites
africaines. Cette perte s’explique en partie par son incapacité à soutenir les
mouvements de démocratisation et par sa politique d’immigration. Il n’y a
plus, aujourd’hui, un seul grand intellectuel africain disposé à célébrer, sans
façons, les noces de la « négritude » et de la « francité », comme n’hésitait
pas à le faire Léopold Sédar Senghor 14. Chez la plupart d’entre eux, prévaut
une attitude blasée. Les États-Unis sont manifestement les principaux
bénéficiaires de cette défection.
Ils offrent, à cet égard, plusieurs atouts dont la France ne dispose guère.
Dans cette perspective, comment ne pas mentionner, d’entrée de jeu, leur
capacité presque illimitée de capter et de recycler les élites mondiales, y
compris francophones ? Au cours du dernier quart du XXe siècle, leurs
universités sont parvenues à attirer presque tous les meilleurs intellectuels
africains formés en France, voire des citoyens français d’origine africaine
auxquels les portes des institutions françaises sont restées fermées 15.
Un autre atout est d’ordre racial. C’est l’immense réserve symbolique
qu’est la présence aux États-Unis d’une communauté noire dont les classes
moyenne et bourgeoise sont relativement bien intégrées dans les structures
politiques nationales et fort visibles sur la scène culturelle, même s’il est
vrai par ailleurs que ladite communauté continue de souffrir de diverses
formes de discrimination. Contrairement à la France, l’impératif d’égalité
requis pour faire de chacun un sujet de droit et un citoyen américain à part
entière n’a pas nécessairement conduit, aux États-Unis, à cette forme
d’abstraction que représente le sacre juridique de l’individu – l’une des
pierres d’angle de la fiction républicaine 16.
Les politiques de discrimination positive (affirmative action) font certes
l’objet de contestations. Mais elles permettent de garantir une certaine
présence des minorités raciales et des femmes dans différentes sphères de la
vie publique. Enfin, derniers atouts, les puissantes institutions
philanthropiques (fondations, Églises et autres) dont certaines disposent de
sièges sur le continent même. À travers les subventions qu’elles distribuent,
les programmes qu’elles soutiennent et l’ethos qu’elles promeuvent, ces
institutions auxquelles s’ajoutent de nombreuses Églises conservatrices
jouent un rôle considérable dans la socialisation globale et l’« acculturation
à l’américaine » des militants, activistes et élites africaines en général.
Pendant ce temps, dans la lumpen-société composée pour l’essentiel des
ruraux et des déclassés sociaux urbains des années de crise – mais dont la
plupart sont instruits –, le sentiment antifrançais n’a jamais été aussi aigu.
Nombreux sont, parmi cette masse, ceux pour qui la brutalité et la violence
muette de la mort sont devenues un style de vie, tandis que le fusil
représente le seul espoir d’accès aux ressources 17. Parfois enrôlés dans des
gangs et des milices urbaines, ils rêvent de la « deuxième indépendance »,
lorsqu’il sera possible de liquider, au besoin par la force et une fois pour
toutes, les vestiges de la présence coloniale française chez eux 18.
La France en tant que symbole signifiant majeur dans l’imaginaire de
l’Afrique contemporaine est donc menacée de désuétude par de telles
situations. Une période de désaffiliation culturelle est désormais ouverte.
Les causes ayant conduit à la dissipation, puis à l’écroulement de son aura
en Afrique, sont trop nombreuses pour être toutes examinées ici.
1. Ce texte, mis à jour, est issu de l’article d’Achille Mbembe, « La République et l’impensé
de la “race” », in Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire (dir.), La Fracture
coloniale. La société française au prisme de l’héritage colonial, Paris, La Découverte, 2005.
2. Marie-Louise Mallet (dir.), La Démocratie à venir. Autour de Jacques Derrida, Paris,
Galilée, 2004.
3. Jacques Hassoun, L’Obscur Objet de la haine, Paris, Aubier, 1997.
4. Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial,
Paris, Fayard, 2005.
5. Thomas Borrel, Amzat Boukari Yabara, Benoît Collombat, Thomas Deltombe, L’Empire
qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique, Paris, Seuil, 2021.
6. AGIR ICI et SURVIE, L’Afrique à Biarritz. Mise en examen de la politique française,
Paris, Karthala, 1995 ; François- Xavier Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de
la République, Paris, Stock, 1998 ; John Chipman, French Power in Africa, Oxford,
Blackwell, 1989.
7. Joseph Miller, Way of Death, Madison, University of Wisconsin Press, 1988.
8. François Constantin, « La privatisation de la politique étrangère à partir de la scène
africaine », Pouvoirs, no 88, 1999 ; Jean-François Médard, La Patrimonialisation des relations
franco-africaines. Échanges politiques, économiques et sociaux, Leiden/Bordeaux, ECPR
Joint Sessions, CEAN, 1993.
9. Jacqueline Damon, John Igué (dir.), L’Afrique de l’Ouest dans la compétition mondiale.
Quels atouts possibles ?, Paris, Karthala, 2003.
10. Achille Mbembe, « Essai sur le politique en tant que forme de la dépense », Cahiers
d’études africaines, no 1-2, 2004.
11. Achille Mbembe, « Du gouvernement privé indirect », Politique africaine, no 73, 1999 ;
Béatrice Hibou (dir.), La Privatisation des États, Paris, Karthala, 2000.
12. « Power list : les vrais patrons de l’Afrique », Ecofinance, no 45, juillet 2004.
13. Daniela Kroslak, « France’s Policy towards Africa. Continuity or Change ? », in Ian
Taylor, Paul Williams (dir.), Africa in International Politics. External Involvement in the
Continent, New York, Routledge, 2004.
14. Léopold Sédar Senghor, Liberté V. Le dialogue des cultures, Paris, Seuil, 1993.
15. Didier Gondola, « La crise de la formation en histoire africaine en France vue par les
étudiants africains », Politique africaine, no 65, 1997 ; Jean-Pierre Chrétien, « Une crise de
l’histoire de l’Afrique en langue française ? », Politique africaine, no 65, 1998 ; Michel Cahen,
« Africains et africanistes. À propos de l’article de Didier Gondola », Politique africaine,
no 65, 1998.
16. Pierre Rosanvallon, Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en
France, Paris, Gallimard, 1998.
17. Éliane de Latour, « Les ghettomen. Les gangs de rue à Abidjan et San Pedro », Actes de la
recherche en sciences sociales, no 129, 1999.
18. « Côte-d’Ivoire en guerre : dynamiques du dedans et du dehors », numéro spécial,
Politique africaine, no 89, 2003.
Restitution du patrimoine africain :
histoire, mémoire, traces,
réappropriation
Felwine Sarr
En mars 2018, j’ai été chargé avec ma collègue Bénédicte Savoy, par le
président de la République Emmanuel Macron, de rédiger une étude sur la
restitution par la France d’objets du patrimoine africain, pris pendant la
période coloniale en Afrique. Nous avons remis le compte rendu en
novembre 2018 1. Ce rapport a créé un débat important en Europe et en
Afrique sur la question, et ouvert la voie à la restitution de vingt-six objets
du Bénin et du sabre d’El Hadji Oumar Tall pour le Sénégal.
Je n’insisterai pas trop sur les principaux résultats de notre travail, ils
sont disponibles dans un livre que Bénédicte Savoy et moi avons publié,
mais je veux partager quelques leçons de cette expérience liées à l’histoire,
la mémoire, les traces, la réappropriation et la relationalité 2. Je voudrais
commencer par un bref rappel de la longue histoire des demandes de
restitution de leurs objets par les Africains.
La demande de restitution du patrimoine africain présent dans les
collections nationales françaises et européennes est ancienne. Plusieurs pays
africains, dès leur accession à l’indépendance, notamment l’Éthiopie,
l’Égypte, l’Algérie, le Bénin, le Nigeria, ont réclamé le retour des objets de
leur patrimoine pillés durant la période coloniale, subtilisés lors de missions
ethnographiques, ou acquis dans des conditions douteuses sur divers
marchés. En 1978, Amadou Mahtar Mbow, secrétaire général de l’Unesco,
lançait un appel à la restitution des œuvres du patrimoine africain. La
restitution de ces œuvres, disait-il, permettrait aux peuples d’Afrique de
recouvrer une partie de leur mémoire et de leur identité. À l’exception de
quelques cas notables (l’Algérie après les accords d’Évian s’est vu restituer
trois cents tableaux pris au musée des Beaux-Arts d’Alger, un tabouret
royal Ashanti retourné au Ghana et une centaine d’objets rendus par les
Belges au Zaïre), les demandes de restitution de la part des pays africains
n’ont pas connu de suite favorable aux lendemains des indépendances. Le
dernier livre de Bénédicte Savoy, Africa’s Struggle for Its Art: History of a
Postcolonial Defeat (La lutte de l’Afrique pour son art. Histoire d’une
défaite postcoloniale), traite d’ailleurs de la longue lutte des Africains pour
récupérer leur héritage culturel 3.
La dernière demande du Bénin à la France pour le retour de ses artefacts
a été formulée le 26 août 2016. La France répondit à ce courrier, le
12 décembre 2016, qu’elle avait conscience de la valeur historique et
culturelle de ces objets, mais que conformément à sa législation en vigueur,
ces biens étaient soumis au principe d’inaliénabilité. Elle admettait donc la
légitimité de la demande béninoise, mais lui opposait un point du droit
patrimonial français.
Lors de son discours du 28 novembre 2017 à Ouagadougou, le président
de la République Emmanuel Macron annonçait sa volonté de procéder à des
restitutions, et rompait ainsi avec une longue tradition française de refus
répétés de restituer aux pays africains leurs objets du patrimoine : « Le
premier remède c’est la culture, dans ce domaine, je ne peux pas accepter
qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en
France. Il y a des explications historiques à cela mais il n’y a pas de
justification valable, durable et inconditionnelle, le patrimoine africain ne
peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées
européens. Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi
à Dakar, à Lagos, à Cotonou, ce sera une de mes priorités. Je veux que
d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires
ou définitives du patrimoine africain en Afrique 4. » Le 19 mars 2018, il
nous confiait, à Bénédicte Savoy et à moi, la mission de réfléchir aux
conditions et modalités de cette restitution.
La restitution est une problématique enchevêtrée. Les questions qu’elle
soulève ne se limitent pas à celles de la propriété légitime des objets. Ses
implications sont politiques, symboliques, philosophiques et relationnelles.
Elle ouvre à une réflexion sur l’histoire, les mémoires, le passé colonial, la
genèse et le développement des musées et collections ethnographiques
occidentaux. Elle permet aussi de penser les différentes conceptions du
patrimoine culturel, les diverses modalités d’exposition des objets, ainsi que
de leur circulation et de leurs translocations. Elle permet, enfin, de penser la
question plus vaste de la transmission du patrimoine culturel et celle de la
trace.
L’un des aspects qui m’intéresse particulièrement dans la question de la
restitution est le rôle que le patrimoine et l’histoire peuvent jouer, pour les
jeunes Africains, dans le projet de reconstruction du continent. Pour moi, ce
dont le continent africain a le plus besoin, c’est un nouvel imaginaire de
l’avenir : la reconstruction d’une estime de soi affectée par des décennies
d’aliénation, et la capacité pour les jeunes Africains de s’inscrire dans une
longue histoire de créativité et de production de sens. Les objets, les
artefacts sont des archives de la longue histoire de la créativité en Afrique.
Ce sont aussi des textes et des supports des pratiques sociales et spirituelles
du continent. Chacun sait le rôle crucial qu’ils ont joué dans l’histoire de
l’art contemporain en Europe, en inspirant les avant-gardes (Pablo Picasso,
Maurice de Vlaminck, André Derain, Guillaume Apollinaire). La
réappropriation d’une partie importante de leur patrimoine culturel matériel
par les Africains, en particulier sa jeunesse, ouvre des espaces de création,
d’imagination et de réinvention des formes sociétales, économiques et
politiques. Mon premier point portera sur la réappropriation de sa propre
mémoire et de son histoire.
Pour les sociétés qui ont attendu plusieurs décennies le retour de leurs
objets culturels, et qui ont, dans certains cas, enduré des siècles d’absence,
une question fondamentale se pose naturellement quant à leur
réappropriation symbolique. Est-il possible de réinsérer les artefacts
culturels dans leurs milieux sociétaux d’origine, de les voir retrouver leur
fonction et leurs usages propres, après une si longue absence ?
Si des dispositifs symboliques restent opérationnels en certains lieux, la
grande majorité de ces environnements d’origine ont connu de profondes
mutations, des géographies ont été déplacées, et l’histoire a continué à
tracer ses chemins imprévisibles. Les objets déplacés sont passés par des
processus successifs de re-sémantisation, et ont connu une imposition de
plusieurs couches de significations. Comment alors restituer à ces objets le
sens et les fonctions qui leur appartenaient autrefois, sans négliger le fait
qu’ils ont été captés puis remodelés par une pluralité de dispositifs
sémantiques, symboliques et épistémologiques pendant plus d’un siècle ?
Dans certains cas, les objets sacrés du culte sont devenus des œuvres
d’art à contempler en soi, ou des objets ethnographiques, ou encore des
artefacts. Le retour des objets ne signifie pas les restituer tels qu’ils étaient
autrefois, mais les réinvestir d’une fonction sociale. Il ne s’agit pas d’un
retour du même, mais d’un « autre même ». On voit ici tout
l’enchevêtrement des questions qu’implique la restitution des objets du
patrimoine dans un espace-temps différent : l’identité des objets, leur
resocialisation, les additions et soustractions de sens. La majorité des objets
présents dans les musées ethnographiques européens ont été acquis dans le
cadre colonial. Pour les nations africaines, dans certains cas, il est encore
possible de restituer le contexte esthétique et culturel des pièces une fois
qu’elles ont été rendues. Certaines communautés ont pu maintenir vivante
une relation avec leurs objets, à travers la perpétuation de traditions et de
rituels : chefferies dans l’ouest du Cameroun, communautés religieuses au
Bénin, au Sénégal ou au Nigeria. Dans ces contextes sociaux, des objets
peuvent facilement retrouver une fonction, même si cette fonction est en
quelque sorte réinventée, dans le paysage culturel des communautés.
Pour d’autres communautés africaines, l’amnésie a déjà fait son œuvre,
et l’effacement de la mémoire a été tellement réussi que les communautés
ont perdu le souvenir de ce patrimoine culturel ; ou ignorent la profondeur
de la perte qu’elles ont subie. Pour les pays africains, il s’agit d’accomplir
une double tâche : en priorité, la reconstruction de leurs mémoires ; puis
d’engager un travail de réinvention, à travers une re-sémantisation et une
resocialisation des objets de leur patrimoine culturel, en reconnectant ces
objets aux sociétés actuelles, et aux questions et problèmes auxquels ces
sociétés contemporaines sont confrontées. Il appartient aux communautés
africaines de définir leur propre vision du patrimoine culturel, le dispositif
épistémologique et les écologies dans lesquelles elles souhaitent réinsérer
ces objets, et ces écologies sont nécessairement plurielles.
Sur l’ensemble du continent africain, les sites du patrimoine culturel
existent, et dans certains pays ils sont nombreux et nous en avons observé
une variété de typologies. Selon les différentes fonctions attribuées aux
objets, ceux-ci peuvent trouver leur place au sein de centres d’art, de
musées universitaires, d’écoles, ou encore au centre des communautés pour
des usages rituels, avec la possibilité d’un va-et-vient des objets entre
musées et communautés. Ce que Bénédicte Savoy et moi avons observé sur
le terrain nous a convaincus que la répartition des objets du patrimoine
culturel dans l’espace social pourrait être conçue dans une variété de
configurations. Le modèle d’un musée centralisé pour tous les objets du
patrimoine culturel n’est qu’un exemple possible parmi tant d’autres.
Une distribution spatiale du patrimoine culturel permet de disséminer
les objets dans l’espace social et de remplir ainsi une fonction différente à
chaque endroit (pédagogique, mémorielle, créative, spirituelle,
médiatrice…). Il s’agit aussi de repenser la fonction du musée.
Tout au long d’une grande partie de leur histoire, les sociétés africaines
ont produit des formes originales de médiation entre l’esprit, la matière et le
vivant. Certains de ces artefacts ne sont pas que des objets, mais des sujets
actifs. Et c’est par des rituels que se fait l’opération d’attribution d’une
subjectivité à un objet inanimé donné. Ces objets deviennent ainsi les
dépositaires de flux et de champs énergétiques qui les transforment en
sujets animés et en forces actives, médiateurs entre les différents ordres de
réalité.
Ces objets/sujets sont les médiateurs de correspondances et de
métamorphoses, au sein d’un écosystème caractérisé par la fluidité et la
circularité. Dans un univers réticulaire, ils deviennent les opérateurs d’une
identité relationnelle et plastique, où le but est de participer au monde, et
non de le dominer. Dans l’art africain, Souleymane Bachir Diagne montre
que la statuaire africaine ne peut être comprise uniquement comme un art
figuratif ou analogique : elle est le support et le vecteur d’un discours
philosophique et symbolique, ainsi que l’expression de l’ontologie d’une
force vitale 7. Il souligne aussi que la création des objets que nous appelons
« art » découle d’une cosmologie de l’émergence qui vise une plus grande
abondance de vie.
Dans certaines sociétés africaines, les statues meurent aussi. Elles ont
une durée de vie et sont prises dans un cycle de régénération, fondé sur une
matérialité fluide. Certains masques sont enterrés après plusieurs années de
vie et sont ensuite reproduits, afin de renouveler les influx énergétiques qui
leur confèrent un pouvoir opératoire. Un autre aspect de cette philosophie
de vie mis en évidence par Souleymane Bachir Diagne est que les œuvres
que ces sociétés créent ne prétendent pas être éternelles. Elles ne sont pas
l’expression de la monumentalité et de la permanence, mais de la mutation
continue qu’est la vie. Loin de vouloir défier le temps et lui échapper, les
objets (artefacts) lui appartiennent.
La nécessité d’une réparation – en lien avec le passé colonial – et d’un
entretien continu et périodique est donc inscrite dans leur production. Ces
objets sont aussi des réserves d’imagination ainsi que la manifestation
matérielle de formes de savoir (par exemple certains filets de pêche codent
des algorithmes et des fractales) : le travail de décodage des différentes
formes de savoir qu’ils recèlent, ainsi que la compréhension des épistémès
qui les ont produits, restent encore largement à faire. De même, la
biographie des objets est à renouveler en révisant le savoir anthropologique
occidental par le savoir des communautés qui ont produit ces objets. Ceci
ouvre la possibilité d’une pluralité de conception du patrimoine, des
relations aux objets et à leurs écologies, ou à leur fonction sociale. Toutes
ces archives, formes de savoirs, univers, et les ressources cognitives qu’ils
renderment, restent à explorer et pourraient donner lieu à des programmes
de recherche (académiques et artistiques) ambitieux.
La question de la Trace
La question de l’objet comme trace matérielle de l’histoire et du génie
créateur des peuples a été au cœur du débat sur la restitution de l’héritage
culturel africain. Bénédicte Savoy et moi sommes revenus sur l’importance
de ces traces matérielles pour l’histoire, la mémoire, la créativité et la
spiritualité des sociétés africaines. Nous avons indiqué que ces objets
étaient des mondes, des forces d’engendrement du réel, des réservoirs
d’énergies, des puissances de germination. Qu’en est-il des autres traces,
plus immatérielles, plus friables, mais, du fait de leur non-matérialité,
moins « prélevables » et moins volables ? Ces traces semblent un peu plus à
l’abri du geste de spoliation. Même si elles demeurent « ruinables ».
Un objet est l’expression d’un savoir-faire, d’un art ; on peut le prendre,
le détruire, le voler, le spolier, cependant le savoir-faire reste (si sa
transmission a eu lieu). La bonne nouvelle est que dans bien des cas, l’art a
survécu à la ruine. Ceci m’amène à une interrogation sur la nature de la
trace. Les dominants ont des traces dont la matérialité est forte (textes
écrits, archives de l’administration, monuments, pierres dressées). Ceux qui
ont été momentanément dominés ont souvent des traces plus friables, plus
fugaces (dans la plantation esclavagiste, la maison du maître est grande et
solide, celle de l’esclave est dans la rue cases nègres et ne résiste pas au
passage du temps).
Patrick Chamoiseau rappelle que la trace n’est pas un monument, elle
est multiple, ouverte et sensible 8. Elle est horizontale. Elle ne témoigne pas
d’un ordre ou d’une injonction. Elle appelle. Avec des traces, les humains
réduits en esclavage dans les Caraïbes réinventeront des cultures. Avec des
traces, l’Afrique s’est vue démultipliée dans le monde. Ceci permet de
penser l’Afrique et ses transformations actuelles, autrement. Ses matières,
ses formes, libérées de leurs cosmogonies, deviennent des Traces et
œuvrent en permanence à sa mise en devenir.
Les traces immatérielles aussi peuvent être prises par un travail d’oubli
et d’oblitération de la transmission. Bien que les traces matérielles soient
des formes que les sociétés africaines créent et continuent à produire, ce
sont cependant les traces immatérielles, qui n’ont pas pu être prélevées, qui
(nous) ont probablement sauvé (les Africains) de l’abîme (les langues, les
musiques, les savoirs incorporés, textes oraux), car ces traces ont survécu
dans les langues, dans les lieux non matériels.
Ceci nous amène à la question de la transmission de la matrice
culturelle. Les sociétés ne transmettent que ce qu’elles jugent digne d’être
transmis à la génération suivante (couple mémoire/oubli). Il n’y a pas de
groupe humain sans langue, donc sans moyen codifié de perpétuer sa
mémoire collective dans le temps. Les sociétés africaines sont verbo-
motrices. L’essentiel de l’héritage culturel fut transmis par la mémoire
orale. Mamoussé Diagne a montré que ces sociétés, bien que n’ignorant pas
l’écrit, ont développé une Raison orale et des processus intellectuels qui
organisent la parole vive et son écriture (c’est-à-dire sa fixation et sa
transmission). La violence épistémique s’est beaucoup portée sur la
matérialité et les savoirs du logos. Par exemple, la musique, comme lieu
d’une trace, rythmique et sonique, a semblé avoir échappé. Les textes oraux
aussi. En dépit de tout, les matrices culturelles africaines ont donc survécu
et furent transmises aux générations suivantes.
1. . Felwine Sarr, Bénédicte Savoy, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain.
Vers une nouvelle éthique relationnelle, 18 novembre 2018
[http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_fr.pdf].
2. Felwine Sarr, Bénédicte Savoy, Restituer le patrimoine africain, Paris, Philippe Rey/Seuil,
2018.
3. Bénédicte Savoy, Africa’s Struggle for Its Art : History of a Postcolonial Defeat, Princeton,
Princeton University Press, 2022.
4. Emmanuel Macron, Discours d’Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou,
[https ://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/11/28/discours-demmanuel-macron-a-
luniversite-de-ouagadougou, 28 novembre 2017].
5. Lynn Hunt, L’Histoire. Pourquoi elle nous concerne, Genève, Markus Haller, 2019.
6. Karima Lazali, Le Trauma colonial. Une enquête sur les effets psychiques et politiques
contemporains de l’oppression coloniale en Algérie, Paris, La Découverte, 2018.
7. Souleymane Bachir Diagne, Léopold Sédar Senghor. L’art africain comme philosophie,
Paris, Riveneuve éditions, 2007.
8. Patrick Chamoiseau, Rodolphe Hamadi, Guyane. Traces-mémoires du bagne, Paris,
CNMHS, 1993.
9. Krzysztof Pomian, Le Musée, une histoire mondiale. I. Du trésor au musée, Paris,
Gallimard, 2020.
La colonisation, les années
charnières :
du débat sur la guerre d’Algérie
au discours de Dakar
Nicolas Bancel et Pascal Blanchard
Le retour de mémoire
1. Martin Fort, « Sarah Gensburger, sociologie de la mémoire : le déboulonnage est une façon
parmi d’autres de transformer le sens des statues », CNews, 16 juin 2020.
2. Ce texte, inédit dans sa synthèse, est une version plus développée de plusieurs
contributions : l’article « Esclavage, colonisation et iconoclastie (2015-2020) », qui a été
publié sur le blog de la Société d’histoire de la révolution de 1848 et des autres révolutions du
e
XIX siècle, 12 juin 2020 ; un texte publié sur le site de la Fondation Jean-Jaurès, sous le titre
« Esclavage, colonisation : des statues en question », le 16 juin 2020. Ces deux textes ont été
publiés quasi en même temps et à la suite des « déboulonnages » aux Antilles et du meurtre, le
25 mai 2020, à Minneapolis, de George Floyd.
3. Jacqueline Lalouette, Un peuple de statues. La célébration sculptée des grands hommes.
1801-2018, Paris, Mare et Martin, 2018.
4. Christian Amalvi, Les Héros des Français. Controverses autour de la mémoire nationale,
Paris, Larousse, 2011.
5. Vincent Manilève, « Gommer le passé négrier des villes françaises » (le lien n’est plus
disponible) ; « Pontoise : cette statue est scandaleuse, c’est un criminel de guerre », Le
Parisien (Île-de-France, Val-d’Oise), 12 septembre 2017.
6. Aïssatou Diallo, Jules Crétois, « “Faidherbe doit tomber” : des collectifs français et
sénégalais à l’assaut du mythe du colon bâtisseur », Jeune Afrique, 10 avril 2018.
7. https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/destruction-statues-victor-schoelcher-est-justifiee-
militants-condamnee-certaines-figures-martiniquaises-835524.html
8. En juin 2021, Franco Lollia fut condamné à une amende de 500 € et à payer une indemnité
de 1 040 € à l’Assemblée nationale, propriétaire de l’œuvre.
9. Cité par Hadrien Mathoux, « De Charlottesville à Colbert : Faut-il déboulonner tous les
personnages historiques qui dérangent ? », Marianne, 4 septembre 2017.
10. Ibid.
11. Catherine Calvet, « À Paris, il faudrait redonner du sens plutôt qu’effacer les noms »,
interview de Marcel Dorigny, Libération, 22 août 2017.
12. Voir Jean-François Lopez, « Les investissements de Voltaire dans le commerce colonial et
la traite négrière : clarifications et malentendus », Cahiers Voltaire, no 7, 2008 et
https://societe-voltaire.org/cqv/negrier.php
e
La francophonie au XXI siècle :
continuité ou rupture avec
le passé colonial ?
Dominic Thomas
Recadrer la diplomatie
Recadrer la francophonie
L’imaginaire francophone
Les historiens – comme le montre ce livre – ont fait leur travail ; c’est
plutôt la transmission de cette page d’histoire au sein de la société qui n’a
pas fonctionné. L’école historique française est une grande école qui s’est
renouvelée dans les années 1950 avec des chercheurs absolument
remarquables comme, par exemple, Charles-André Julien qui a signé des
ouvrages inégalés tels que L’Afrique du Nord en marche, en 1952.
En matière d’écriture de l’histoire de l’Algérie, qui a fait mieux que
Charles-Robert Ageron ? Jusqu’à aujourd’hui, il reste le monument de
référence. Quant à l’histoire du Maghreb, Jacques Berque est, lui aussi,
incontournable. Je pourrais citer ainsi des dizaines de noms : l’ethnologue
Georges Balandier, grand spécialiste de l’Afrique, René Gallissot qui, dans
les années 1970, a ouvert un champ de recherche considérable sur
l’anthropologie de l’histoire coloniale ; il est l’auteur d’un remarquable
dictionnaire biographique du mouvement ouvrier au Maghreb 9 ou encore
Annie Rey-Goldzeiguer, auteure d’un grand livre sur le royaume arabe 10.
Sur la guerre d’Algérie sort, en 1982, le premier ouvrage de synthèse,
dirigé par Bernard Droz et Évelyne Lever 11. La même année, Henri Alleg
dirige la publication de trois ouvrages sur le point de vue communiste. Jean-
Pierre Rioux dirige le premier colloque sur la guerre d’Algérie, en 1988,
organisé par l’Institut d’histoire du temps présent 12 et Patrick Eveno fait
paraître La Guerre d’Algérie la même année 13.
Les archives militaires s’ouvrent, en 1992, et permettent la réalisation
de nombreux travaux universitaires. Ainsi, Jean-Louis Planche fait paraître,
en 2006, un remarquable travail sur les massacres de Sétif en 1945 14.
Désormais, il suffit de jeter un regard sur le fichier central des thèses pour
voir que des dizaines de sujets sont à l’étude sur un large spectre de
l’histoire coloniale. Les thèses de Raphaëlle Branche sur la torture et
l’armée pendant la guerre d’Algérie 15 et de Sylvie Thénault sur la justice
militaire 16 ont été essentielles. Voilà deux jeunes universitaires qui n’étaient
pas, vu leur âge, engagées personnellement dans cette histoire, et dont le
travail n’en a que plus de force. Elles ont démontré ce que Pierre Vidal-
Naquet, ou d’autres, avaient écrit quarante ans plus tôt, à savoir que l’État
français a couvert des pratiques de torture. Ces faits étaient connus des
chercheurs, mais pas encore inscrits dans la mémoire collective. À ces deux
thèses, il faut ajouter les travaux de Claire Mauss-Copeaux 17 et de Dalila
Aït-El-Djoudi 18.
Notons aussi que, depuis plus de deux décennies, des historiens (comme
ceux du groupe de recherche Achac 19 et de l’Institut d’histoire du temps
présent) travaillent sur les représentations et les imaginaires de guerre,
prenant en compte des archives du cinéma, la propagande et la presse,
notamment. Tous ces débats, nourris des prises de position d’acteurs
historiques comme les généraux Paul Aussaresses ou Jacques Massu, ont
trouvé un terme avec la fermeture des archives, en 2002. On recense aussi
de nombreux colloques tous les ans, depuis 1997.
Désormais, aux États-Unis ou dans les centres de recherche de l’ancien
Empire britannique, il existe des départements de postcolonial studies qui
étudient la langue, la civilisation, l’Histoire, la sociologie,
l’anthropologie… Ceci existe maintenant aussi au Japon qui travaille sur
son passé d’ancienne puissance coloniale. À l’université française, en 2011,
il n’existait effectivement toujours pas de chaire consacrée à l’histoire
coloniale. Très peu d’enseignements et de séminaires existent au Collège de
France et à l’École des hautes études en sciences sociales. À la Faculté, il
n’existait pas, à cette époque, de diplômes spécifiques en histoire coloniale.
On peut comprendre ce retard par le fait que, dans notre pays, l’État joue un
grand rôle dans la fabrication des récits nationaux. Une vision unitaire est
imposée, qui refuse les cultures « indigènes », différentes.
Les recherches de grande qualité menées en France, et relevant du droit,
de la littérature, de la sociologie ou de l’Histoire, n’ont pas de territoires
communs, de textes fondateurs ou de polémiques partagées. La méfiance
reste grande à l’égard d’une histoire différente. Le soupçon de « relativisme
culturel » est lancé comme une accusation visant à délégitimer toute
approche originale, ou critique… Il ne faut pas porter atteinte aux
mythologies nationales.
En outre, la perte de l’empire colonial a été une grande blessure
narcissique du nationalisme français. De l’Algérie à l’Indochine en passant
par l’Afrique, n’oublions pas que l’armée française avait construit son
prestige sur l’Empire. Les militaires, les administrateurs coloniaux, les
hauts fonctionnaires… c’était un imaginaire considérable. La perte de
l’Empire a conduit à une crise du nationalisme français. Il ne faut jamais
oublier qu’une grande majorité des universitaires français ont cru, presque
jusqu’au bout, à l’Algérie française. La perte de l’Algérie, déploraient-ils,
c’était la fin de l’Empire, la perte de la France. On connaît les noms les plus
fameux : Raoul Girardet, Jacques Soustelle… Mais la majorité des
universitaires des années 1960 campaient sur cette position. Et la presse, à
de rares exceptions près, tirait à boulets rouges sur les professeurs qui
« trahissaient » la patrie comme les courageux André Mandouze ou
Germaine Tillion.
Dans ce contexte, la Fracture coloniale est une réalité 20. Les familles
immigrées issues de la colonisation le vivent en tout cas ainsi ; elles ont le
sentiment que la société porte sur elles le même regard que la France portait
sur les colonisés. Elles vivent très mal cette infériorisation, cette relégation
qu’on a essayé de dissimuler. Ceux qui pensent que le débat sur la
colonisation est clos se trompent lourdement. Le travail de l’historien
consiste précisément à « déterrer les cadavres ». Sinon, on ne fait plus
d’Histoire, ou alors seulement hagiographique, en encensant un passé
merveilleux. Chercher, fouiller, gratter les plaies, mais aussi célébrer les
victoires, commémorer les choses les plus extraordinaires qu’a réalisées la
France, voilà ma conception du métier d’historien.
Depuis 2001, s’opposent en France ceux qui célèbrent la colonisation,
embellissent son histoire – ils sont plusieurs millions et ont toujours existé
dans la société française –, et ceux qui estiment que la colonisation n’a pas
été un bienfait pour l’humanité. Faut-il entretenir cette guerre et « choisir
son camp » ? Personnellement, nos travaux ont toujours tenté de dresser des
passerelles entre ces deux mémoires différentes et de trouver des espaces
mémoriels communs, comme nos engagements institutionnels par la suite.
On ne peut pas non plus – autre travers très répandu – renvoyer les
blessures dos à dos, et dire simplement « qu’il y a eu des souffrances des
deux côtés », comme l’a fait Nicolas Sarkozy lors de son déplacement à
Alger, en novembre 2006. La guerre d’Algérie, c’est 400 000 morts,
minimum, côté algérien, 30 000 victimes côté français.
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K-L
Sous la direction de :
Images in-texte
Ici, ici, ici et là : © Coll. Groupe de recherche Achac. Ici : © Brice
Noreh.
1
3. L’Europe offre aux peuples primitifs les techniques du vieux continent, illustration publiée
dans Histoire philosophique et politique des établissements de François Denis, 1774.
© Bibliothèque nationale de France.
4
6. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe, estampe par Jean-Charles Baquoy
d’après un dessin de Moreau le Jeune, publiée dans Candide de Voltaire, 1767.
© Bibliothèque nationale de France.
7
8. Prise du Sénégal, dessin par William, estampe par Nicolas Ponce, 1784.
[Lors de l’installation des Français sur la côte atlantique de l’Afrique, ces scènes de
soumission des populations « indigènes » veulent glorifier la puissance militaire et
ultramarine du royaume de France.]
© Library of Congress.
9
9. Les mortels sont égaux. Ce n’est pas la naissance. C’est la seule vertu qui fait la
différence, estampe anonyme, 1794.
[La dynamique de la Révolution française, qui abolit l’esclavage en février 1794, dégage un
horizon possible pour une égalité entre tous les citoyens.]
© Roger-Viollet / Musée Carnavalet.
10
11. Les Sauvages de la mer Pacifique, papier peint panoramique à partir des dessins de
Jean-Gabriel Charvet, édité par Joseph Dufour et Cie [France], 1804.
[Le mythe du « bon sauvage », popularisé par Jean-Jacques Rousseau, fait l’objet de
nombreuses illustrations et de décorations intérieures, décrivant un univers édénique,
représentations, vues d’Europe, du « paradis perdu ».]
© Musées départementaux de la Haute-Saône / Jacques Monnin.
12
12. Saint-Domingue (1802-1804), estampe sur papier par Jean-Jacques Frilley d’après un
dessin d’Auguste Raffet, 1834.
[L’expédition de Saint-Domingue (1801-1803) est lancée par le Premier consul Bonaparte
pour mater la rébellion antiesclavagiste et renverser Toussaint Louverture, un esclave
affranchi devenu général de la République française puis gouverneur autoproclamé de
Saint-Domingue.]
© Archives départementales de la Guadeloupe.
13
13. Conquête et civilisation, lithographie signée Jean-Victor Adam, publiée dans L’Algérie
historique, pittoresque et monumentale, 1843.
[Alors que la conquête de l’Algérie se caractérise par son incroyable brutalité, une partie de
l’iconographie décrit la France (symbolisée ici par une femme) comme la « libératrice » des
Algériens.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
14
16. Siège de Constantine. Prise de la ville, 13 octobre 1837, huile sur toile signée Horace
Vernet, 1838-1839.
[La conquête de l’Algérie est l’occasion de magnifier les « exploits » de l’armée française,
force organisée contre les « multitudes indigènes » déchaînées, promesse de carrières
glorieuses et rapides pour les officiers : ce tableau est installé en 1842 à Versailles dans la
salle de Constantine.]
© RMN/Château de Versailles.
17
17. Colon frappant un esclave enchaîné, impression photomécanique sur papier, 1840.
[Illustration venant soutenir le mouvement abolitionniste en soulignant la violence des
maîtres envers les esclaves.]
© Archives départementales de la Guadeloupe.
18
18. Homme du Sénégal faisant son salam ou prière près du Fort Saint-Louis, lithographie
en couleur, 1853.
© Bibliothèque nationale de France.
19
20. Arrivée du maréchal (Patrice de) Mac Mahon à Alger le 19 septembre 1864, lithographie
publiée dans Le Monde illustré, 1864 [octobre].
[En 1864, l’empereur Napoléon III le désigne pour le gouvernement général de l’Algérie,
qu’il administre jusqu’en 1870.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
21
22
23. « Le lieutenant Mizon », lithographie publiée dans Le Petit Journal. Supplément illustré,
1892 [juillet].
[La mission Mizon a été suivie par la presse et les Français pendant plusieurs mois à
travers son périple en Afrique centrale, la presse relatant les péripéties de l’expédition, mais
aussi les enjeux et tensions diplomatiques avec les Allemands et les Anglais.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
24
26. « La mission du roi Béhanzin à Paris », lithographie publiée dans Le Petit Journal.
Supplément illustré, 1893 [décembre].
[Le 4 novembre 1892, Alfred Dodds est vainqueur de l’armée du roi Béhanzin et le palais
royal d’Abomey est pris. Pour négocier avec les Français, il envoie une mission en France
qui ne sera jamais reçue par le président de la République. Le conflit prendra fin le 15
janvier 1894 avec la reddition de Béhanzin.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
27
27. « Nos soldats à Madagascar. L’enterrement d’un officier tué à l’ennemi », couverture de
presse, Le Petit Parisien. Supplément illustré, 1895 [août].
© Coll. Groupe de recherche Achac.
28
28. La Guerre à Madagascar, affiche publicitaire éditée par Garnier Frères pour la parution
du livre de H. Galli, La Guerre à Madagascar, 1895.
[Illustration qui symbolise la « victoire française » à Madagascar à travers l’allégorie du
drapeau planté sur la capitale Tananarive.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
29
29. Types d’immigrants chinois, travailleurs libres à la Guadeloupe, gravure publiée dans
L’Illustration, 1860.
[La fin de l’esclavage provoque une vague d’immigration de travailleurs asiatiques. Ce sont
les « engagés », qui vont alimenter en main-d’œuvre les colonies, notamment aux Antilles.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
30
32. « Civilisation ! », dessin de couverture de presse signé Lucien Métivet, Le Rire, 1897
[janvier].
© Coll. Groupe de recherche Achac.
33
33. Bassin de Vichy, Saint-Yorre, affiche imprimerie Vercasson & Cie, 1898.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
34
35. Le Commandant Marchand à travers l’Afrique, affiche signée Jean-Louis Tinayre, 1900.
[L’affaire de Fachoda est illustrée par une importante iconographie héroïsant la figure du
commandant Marchand.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
36
36. Bons, bons petit Français, chromolithographie publicitaire des chaussures Aux armes
de France, 1895.
[Le thème des exhibitions ethnographiques, notamment celles au Jardin zoologique
d’acclimatation de Paris, participe d’une incroyable production iconographique mettant en
scène le « sauvage » issu des colonies.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
37
39
40. Dans le Sud. L’Assimilation. Ouled Nail en auto, cliché de Jean Geiser [Alger], carte
postale, 1908-1910.
[Les milliers de cartes postales liées à l’Empire éditées depuis la fin du XIXe siècle sont un
formidable vecteur de diffusion de l’imagerie coloniale. Ici sont mêlés exotisme et modernité
coloniale, avec une référence (ironique) à l’assimilation des populations colonisées.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
41
45. Ce que nous devons à nos colonies, affiche signée Victor Prouvé, 1918.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
46
46. « Héros d’Afrique », dessin couverture de presse signée Paule Crampel, Journal des
voyages, 1911 [janvier].
[Dans l’imaginaire colonial, le « Noir » est associé au cannibalisme, pratique qui fut toujours
considérée comme une ligne de démarcation radicale entre civilisation et sauvagerie. La
dessinatrice était l’épouse de l’explorateur Paul Crampel, disparu en 1891.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
47
48
48. « Le docteur Dupont versant un verre de Vin Mariani », lithographie signée Henri
Brauer, publiée dans Album Mariani, 1911.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
49
50. « Touristes suivant les derniers préparatifs de l’Exposition qui s’ouvre à Hanoï le
16 novembre », couverture de presse, Soleil du dimanche, 1902 [novembre].
[Les expositions coloniales n’ont pas seulement lieu en France, mais aussi dans les
colonies, comme ici à Hanoï en 1901-1902.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
51
51. Mendiants arabes, carte postale, Union postale universelle, sans date (c. 1905).
© Coll. Groupe de recherche Achac.
52
52. Samory, puissant Almamy Soudanais, ennemi de la France, capturé en 1898 après
15 ans de lutte, carte postale, Collection générale Fortier, sans date (1898).
[L’Almamy Samory Touré, né c. 1830 dans l’actuelle Guinée, est le fondateur de l’éphémère
empire Wassoulou en Afrique de l’Ouest. Il lutte militairement contre la pénétration
française et britannique en Afrique occidentale pendant près de vingt ans avant d’être
arrêté le 29 septembre 1898.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
53
53. Y’a bon, y’a pinard, carte postale illustrée par Drack-Oub, 1917.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
54
54. Nos troupes coloniales en France [Hospice de la Charité, Marseille], carte postale,
1913.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
55
55. « Le maréchal Lyautey, bâtisseur d’empires », couverture de presse, Vu, 1934 [août].
© Coll. Groupe de recherche Achac.
56
57
57. Le Plus Beau Voyage à travers le monde, couverture d’un album de photographies,
éditions Braun & Cie, 1931.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
58
60. Les Tirailleurs sénégalais, revenant de l’exercice, traversent la place Ménélik, à Djibouti,
photographie publiée dans L’Illustration, 1935 [novembre].
© Coll. Groupe de recherche Achac.
61
63
64. Pour la défense de l’Empire. Engagez-vous, affiche signée Maurice Toussaint pour le
ministère de la Guerre, 1939.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
65
67
67. Français sur le chantier du chemin de fer Congo-Océan, photographie, 1933 [juillet].
© Coll. Groupe de recherche Achac.
68
68. Pour les missions, donnez à la Propagation de la foi, affiche signée Charles Plessard,
1935.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
69
70. Société coloniale des artistes français. Salon de 1930, affiche signée Charles
Fouqueray, 1930.
© Coll. part. / DR.
71
72. Exposition nationale coloniale Marseille 1922, affiche officielle de l’exposition signée
David Dellepiane, 1922.
[Les populations des trois ensembles géographiques des colonies sont ici signifiées selon
un code qui les hiérarchise
dans l’affiche officielle de l’exposition.]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
73
74. La France continue… Souscrivez aux bons du Trésor, affiche signée Robert Falcucci,
1942.
[Vichy met en avant dans sa propagande le mythe d’un domaine colonial mis en valeur par
une politique d’équipement, comme ici avec l’office du Niger et le Transsaharien.]
© Coll. Groupe de recherche Achac / Adagp, Paris, 2022.
75
75. Trois Couleurs, un drapeau, un empire, affiche du secrétariat d’État aux Colonies signée
Éric Castel, 1942.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
76
77. La France d’outre-mer dans la guerre [exposition], affiche signée Paul Colin, 1945.
[La France d’outre-mer dans la guerre est la première exposition organisée à la Libération
pour rendre hommage aux troupes coloniales.]
© Coll. Groupe de recherche Achac / Adagp, Paris, 2022.
78
78. Regards sur l’Afrique, affiche du film réalisé par Walter Kapps, 1942.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
79
79. Exposition d’art colonial, avec au centre une œuvre de Jeanne Thil [Vichy],
photographie, 1943.
© Albert Harlingue/Roger-Viollet.
80
80. Me voilà... et maintenant vous allez voir ce que vous allez voir, carte postale publicitaire
signée R. K., 1945.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
81
82. L’Union française s’étend sur 12 500 000 kilomètres carrés et groupe 110 000 000
d’habitants, affiche par G. Dumarçay, 1948.
[L’image que veut projeter la France de l’Union française est celle d’une nouvelle
construction, plus égalitaire. Le progrès économique en est alors le leitmotiv. On voit pour la
première fois sur des affiches officielles les drapeaux du Viêt-Nam, du Laos et du
Cambodge présentés comme des « États associés ».]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
83
93
97. Un ouvrier déplaçant une balle de coton, photographie de Robert Carmet pour le
ministère de la France d’outre-mer, 1949.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
98
98. « Palestro. Ils n’ont eu pitié de personne ! », couverture de presse, Radar, 1956.
[L’embuscade de Palestro (ou Djerrah) en Algérie, le 18 mai 1956, voit une colonne de
l’ALN attaquer une section du 9e régiment d’infanterie coloniale, dont seul un soldat survit.
L’événement déclenche une intense émotion en France sur le sort des appelés et l’horreur
de la guerre (tous les corps ont été mutilés).]
© Coll. Groupe de recherche Achac.
99
99. Notre Sahara qui ressuscite, couverture du livre de Georges Le Fèvre et Pierre
Mannoni, 1956.
© Coll. Groupe de recherche Achac.
100
101. Manifestation des membres du mouvement mahorais portant des banderoles « Nous
voulons rester français », photographie, 1975.
[En réaction à la volonté de la France d’accorder à Mayotte un traitement différent dans le
processus d’indépendance des Comores, le président du gouvernement, Ahmed Abdallah,
proclame unilatéralement l’indépendance de l’archipel le 6 juillet 1975, ce qui déclenche
des manifestations des habitants de Mayotte, qui souhaitent à une très large majorité rester
attachés à la France.]
© AFP.
102
106. Briser les urnes colonialistes. Conquérir l’indépendance coloniale, affiche du Gong
[Antilles], 1968.
[Le Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe (GONG) a été fondé en 1963 par
Pierre Sainton.]
© Coll. part. / DR.
107
Abatcha, Ibrahim : 1
Abbas, Ferhat : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Abbès, Abdelkader : 1
Abdelhafid, Moulay (sultan du Maroc) : 1
Abdeljalil, Omar : 1
Abdelkader (Abdelkader ibn Muhieddine, dit) : 1
Abdelkrim (Mohammed ben Abdelkrim El Khattabi, dit) : 1, 2-3, 4, 5
Abdelouahab, Farid : 1, 2
Abderrahmane, Sidi : 1, 2, 3, 4
Abdur-Rahman, Aliyyah I. : 1, 2
Abel, M. H. (Louis Rieunier, dit) : 1
Abidat, Abed : 1, 2
Abi-Mershed, Osama : 1
Abitbol, Michel : 1
Abou, Antoine : 1, 2
Aboudrar, Bruno Nassim : 1
Abrams, Lawrence : 1
Absalon, Olivier : 1
Achille, Étienne : 1, 2
Achille, Louis : 1, 2
Adam, Jean-Victor : 1
Adélaïde-Merlande, Jacques : 1
Afana, Osendé : 1
Affergan, Francis : 1
Ageron, Charles-Robert : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20-21, 22, 23
Agier, Michel : 1
Agmon, Danna : 1
Agulhon, Maurice : 1
Ahidjo, Ahmadou : 1-2, 3-4
Ailleret, Charles : 1-2, 3, 4
Aït Ahmed, Hocine : 1
Ait Ahmed, Mohand : 1
Aït-El-Djoudi, Dalila : 1, 2, 3
Akhemlich, Si : 1
Akpo-Vaché, Catherine : 1-2, 3, 4, 5
Alain, Clément : 1
al-Atrach, Pacha (sultan druze) : 1
al-Atrache, Zayd : 1
Alcaraz, Emmanuel : 1
Aldrich, Robert : 1, 2
Alduy, Paul : 1
Alexander, Elizabeth : 1
Alexandra de Danemark, princesse de Galles : 1
Alexandre le Grand : 1, 2-3
Aliot, Louis : 1
Allain, Jean-Claude : 1, 2
Alleg, Henri : 1, 2, 3
Allégret, Marc : 1-2, 3
Alliot-Marie, Michèle : 1
Allis, Harry (Hippolyte Percher, dit) : 1
Almeida-Topor, Hélène d’ : 1, 2
Aloys (instituteur) : 1
al-Qadir al-Jilani, Abd : 1
Alquier, Jean-Yves : 1
Altink, Henrice : 1
Al Wardi, Sémir : 1
Amalvi, Christian : 1
Amine, Laila : 1
Amiri, Linda : 1, 2
Ammar, Ben H. : 1
Amrane-Minne, Danièle-Djamila : 1
Amrani, Mehana : 1, 2
Amselle, Jean-Loup : 1
Anderson, Benedict : 1
Andreis, Giacomo de : 1
Andreu, Gaby : 1
Andrew, Christopher M. : 1
Andries, Lise : 1, 2
Angeli, Pierre : 1-2, 3
Angelini, Jean-Baptiste : 1, 2
Angelleli, Jean-Paul : 1
Angio, Agnès d’ : 1, 2
Angleviel, Frédéric : 1
Anselin, Alain : 1-2, 3-4, 5
Antier-Renaud, Chantal : 1, 2
Antoine, André-Paul : 1, 2, 3
Aouli, Smaïl : 1
Apollinaire, Guillaume : 1, 2
Appadurai, Arjun : 1
Appiani, Andrea : 1
Apter, Emily : 1
Arago, François : 1
Aragon, Louis : 1, 2-3
Arbellot, Simon : 1
Archer-Straw, Petrine : 1, 2
Arenberg, Auguste d’ : 1
Arène, Paul : 1
Argenlieu, Thierry d’ : 1-2
Argounès, Fabrice : 1
Argout, Robert d’ : 1
Aristote : 1, 2, 3
Arkoun, Mohammed : 1, 2
Armengaud, André : 1
Arnold, Georges : 1
Arnold, James : 1
Arnoux d’Épernay, Laurent : 1
Aron, Robert : 1
Arrii, Don Côme : 1
Arsan, Andrew : 1, 2, 3
Aruri, Naseer H. : 1, 2
Arzalier, Francis : 1
Arzel, Lancelot : 1
Asso, Raymond : 1
Astier Loutfi, Martine : 1, 2
Ataï (grand chef kanak de Komalé) : 1, 2, 3
Atangana, Martin-René : 1, 2
Athané, François : 1
Atlani-Duault, Laëtitia : 1, 2
Atouf, Elkbir : 1-2
Attuly, Robert : 1
Aubaret, Louis Gabriel Galdéric : 1
Aubry, Pierre : 1
Audoin-Rouzeau, Stéphane : 1, 2
Audouin-Dubreuil, Louis : 1, 2
Audrat, Didier : 1
Augagneur, Victor : 1
Augé, Marc : 1
Augeron, Mickaël : 1
August, Thomas : 1, 2
August, Tom : 1
Augustin, saint : 1, 2
Auriol, Vincent : 1
Aussaresses, Paul : 1
Avelar Rebelo, José de : 1
Ayache, Germain : 1, 2
Aymard, Aubin : 1, 2
Aymonier, Étienne : 1
Ayrault, Jean-Marc : 1
Azan, Paul : 1
Azema, Jean-Pierre : 1
Azerkane, Si Mohammed : 1, 2
Azongo, A. K. : 1
B
Cabanel, Patrick : 1, 2, 3, 4
Cabantous, Alain : 1
Cable, James : 1
Cabort-Masson, Guy : 1
Cachin, Marcel : 1, 2
Cadé, Michel : 1, 2
Cadeau, Ivan : 1
Cadi, Chérif : 1
Caffié, Auguste : 1
Cahen, Michel : 1, 2
Cailler, Bernadette : 1, 2, 3
Caillet, Élisabeth : 1
Caillié, René : 1
Caix, Robert de : 1, 2, 3
Calmont, Régine : 1
Calvet, Catherine : 1, 2
Calvet, Jean-Louis : 1
Calvino, Italo : 1
Cambon, Paul : 1
Campbell, Gwyn : 1
Camper, Petrus : 1
Camus, Albert : 1, 2
Camus, Jean-Yves : 1
Candace, Gratien : 1, 2-3
Canet, Nicole : 1
Canning, Kathleen : 1, 2
Cantier, Jacques : 1, 2, 3, 4, 5
Capdevila, Luc : 1
Capeci, Dominic J. : 1
Caporossi, Olivier : 1
Carbonell, Charles-Olivier : 1
Cardoso, Ciro Flamarion : 1
Carmet, Robert : 1
Carotenuto, Audrey : 1
Carpeaux, Jean-Baptiste : 1
Carret, Jean-Marie : 1
Carroll, Christina B. : 1, 2, 3, 4, 5
Cartier, Jacques : 1
Casali, Dimitri : 1
Castel, Éric : 1, 2
Castelnau, Paul : 1, 2
Castex, Raoul : 1, 2
Castries, Christian de : 1
Catinat, Nicolas de : 1
Catroux, Georges : 1, 2, 3
Célia (esclave) : 1
Çelik, Zeynep : 1, 2
Célimène, Fred : 1, 2
Céline, Louis-Ferdinand : 1, 2, 3, 4, 5
Cellier, Marine : 1
Cendrars, Blaise : 1
Certeau, Michel de : 1, 2
Césaire, Aimé : 1, 2-3, 4-5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21-22, 23, 24-25, 26, 27
César, Jules : 1
Cesari, Laurent : 1
Cetshwayo (roi) : 1
Chaabita, Rachid : 1
Chaban-Delmas, Jacques : 1
Chafer, Tony : 1, 2
Chagny, L. : 1
Chailley-Bert, Joseph : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8
Chaillou-Atrous, Virginie : 1
Chalaye, Sylvie : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Challaye, Félicien : 1, 2
Challe, Maurice : 1-2, 3
Chambon (monsieur) : 1
Chambrun, Aldebert de : 1-2
Chamoiseau, Patrick : 1-2, 3, 4, 5
Champeaux, Antoine : 1, 2, 3, 4, 5
Champlain, Samuel de : 1
Chandernagor, Françoise : 1
Chanson-Jabeur, Chantal : 1
Chantre, Ernest : 1
Chappell, David A. : 1
Chappey, Jean-Luc : 1
Chappuis, Mélanie : 1
Char, René : 1
Charle, Christophe : 1, 2, 3, 4, 5
Charlemagne : 1, 2
Charles Martel : 1, 2
Charles Quint : 1
Charles X : 1
Charner, Léonard Victor : 1, 2
Charqui, Mimoun : 1
Charvet, Jean-Gabriel : 1, 2
Chase-Riboud, Barbara : 1
Chasles, Romain : 1
Chasseloup-Laubat, Prosper de : 1, 2, 3, 4
Chassériau, Arthur : 1
Chassériau, Théodore : 1
Chassin, Lionel : 1
Chataigneau, Yves : 1
Chateaubriand, François-René de : 1
Châtelain (directeur des musées de France) : 1
Chathuant, Dominique : 1, 2, 3, 4, 5
Chaumel, Alfred : 1
Chaumont, Jean-Michel : 1
Chautemps, Camille : 1, 2
Chauvin, Derek : 1
Chauvin de Tonnetuit, Pierre de : 1
Chenal, Pierre : 1
Cherdieu, Philippe : 1, 2, 3
Chérif, Méziane : 1
Cheval, François : 1
Chevaldonné, François : 1, 2, 3
Chevalier, Auguste : 1
Chevalier, Jean-Claude : 1
Chevalier, Jean-Louis : 1
Chevalier, Michel : 1, 2
Chevènement, Jean-Pierre : 1
Chiapello, Ève : 1
Chiheb, Youssef : 1, 2
Chikeka, Charles O. : 1
Chipman, John : 1, 2
Chirac, Jacques : 1, 2-3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11
Chivallon, Christine : 1
Chivas-Baron, Clotilde : 1
Chocolat (le clown) : 1
Choi, Sung-Eun : 1
Choiseul, Étienne-François de : 1, 2, 3
Choiseul-Gouffier, Marie-Gabriel-Florent-Auguste, marquis de : 1
Chollet, Laurent : 1
Cholley, André : 1
Chomedey de Maisonneuve, Paul de : 1
Chrétien, Jean-Pierre : 1, 2, 3
Christian-Jaque (Christian Albert François Maudet, dit) : 1
Christie, Nancy : 1
Christophe, Henri : 1
Church, Christopher M. : 1, 2, 3, 4
Churchill, Winston : 1, 2, 3
Cincinnatus, Lucius Quinctius : 1
Cissoko, Sékéné Mody : 1, 2, 3
Citroën, André : 1
Citron, Suzanne : 1, 2, 3, 4
Clair, René : 1
Clancy-Smith, Julia : 1, 2, 3, 4
Claudot-Hawad, Hélène : 1
Clauzel, Jean : 1, 2
Claverit (madame) : 1
Clavière, Étienne : 1-2, 3
Clavreul, Gilles : 1
Clayton, Anthony : 1, 2
Clemenceau, Georges : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8
Clément, Alain : 1, 2
Clermont-Tonnerre, Aimé Marie Gaspard, marquis de : 1
Clifford, James : 1, 2
Clifton, Crais : 1
Cloarec, Vincent : 1
Clovis (roi) : 1
Clozier, René : 1
Cochet, François : 1
Cochin, Denys : 1
Cocteau, Jean : 1
Codaccioni, Vanessa : 1, 2
Coenen-Huther, Jacques : 1, 2
Cohen, Claudine : 1
Cohen, Jim : 1, 2
Cohen, William B. : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Cohn, Bernard : 1
Colantonio, Laurent : 1
Colardelle, Michel : 1
Colas, Dominique : 1
Colbert, Jean-Baptiste : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10
Colbert de Seignelay, Jean-Baptiste : 1
Colibert, Nicolas : 1
Colin, Mariella : 1
Colin, Paul : 1, 2
Collin, Thibaud : 1
Collombat, Benoît : 1, 2
Colney, Anne de : 1
Colomb, Christophe : 1
Colston, Edward : 1, 2
Combeau-Mari, Évelyne : 1
Combier, Marc : 1, 2
Compagnon, Antoine : 1
Compère-Morel, Thomas : 1
Comtat, Emmanuelle : 1, 2
Conan, Éric : 1
Conan, Georges : 1
Condette, Jean-François : 1-2, 3
Condon, Stéphanie A. : 1, 2
Condorcet, Nicolas de Caritat, marquis de : 1, 2, 3, 4, 5
Confiant, Raphaël : 1
Confier, Gilda : 1
Conklin, Alice : 1, 2, 3, 4, 5
Connell, John : 1, 2
Constant, Benjamin : 1
Constant, Fred : 1, 2
Constantin, François : 1
Conte, Éric : 1
Cook, James (capitaine) : 1
Cook Andersen, Margaret : 1
Cooper, Anna Julia : 1
Cooper, Frederick : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11
Cooper, Gary : 1
Cooter, Roger : 1
Copin, Henri : 1, 2
Coppenrath, Gérald : 1, 2
Coquelin, Charles : 1, 2
Coquery-Vidrovitch, Catherine : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 16
Coquio, Catherine : 1
Corbel, Laurence : 1, 2, 3, 4
Corbet, Charles-Louis : 1
Corcuff, Philippe : 1, 2, 3
Cornette, Joël : 1, 2
Cornut-Gentille, Bernard : 1, 2
Coronil, Fernando : 1
Cosnier, Henri : 1
Cossy, Valérie : 1
Costantini, Dino : 1
Costaz, Louis : 1
Coste-Floret, Paul : 1
Costerousse (médecin-chef) : 1, 2
Coto, Danica : 1
Cotrell, Simon : 1
Cottet, Charles : 1
Cottias, Myriam : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10
Coty, François : 1, 2
Coty, René : 1, 2, 3
Couderc-Morandeau, Stéphanie : 1
Coulon, Marc : 1
Courau, Henri : 1
Courbet, Gustave : 1
Courcelle-Labrousse, Vincent : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Courcelles, Dominique de : 1
Courrière, Raymond : 1
Courrière, Yves : 1, 2, 3, 4
Courtin, Jean-Jacques Ignace, chevalier : 1
Courtin, Nicolas : 1
Courtois, Stéphane : 1, 2
Cousin, Anne : 1, 2
Cousseau, Vincent : 1
Coutard, Raoul : 1
Couti, Jacqueline : 1
Cowell, Andrew : 1
Coypel, Antoine : 1
Cozzano, Félicien : 1
Crampel, Paul : 1, 2
Crampel, Paule (dessinatrice) : 1
Creagh, Ronald : 1
Crémieux, Benjamin : 1, 2
Crenn, Julie : 1
Crépel, Pierre : 1
Crépin, Annie : 1, 2
Crépin, Jean : 1
Crétois, Jules : 1, 2
Croidys, Pierre : 1
Crowder, Michael : 1, 2
Cruikshank, Isaac Robert : 1
Cultru, Prosper : 1, 2
Cunningham, Michele : 1
Curtius, Anny-Dominique : 1-2, 3
Curtiz, Michael : 1
Curutchet, Jean-Marie : 1-2
Cuvier, Georges : 1-2
D
Eberhardt, Isabelle : 1
Éboué, Félix : 1, 2, 3, 4
Echenberg, Myron : 1, 2
Écouvillon, D’ : 1, 2
Eddé, Carla : 1, 2
Edenz, Maurice : 1
Edwards, Kathryn M. : 1
Ehrard, Jean : 1, 2
Eichthal, Gustave d’ : 1
Eidelman, Jacqueline : 1
Einaudi, Jean-Luc : 1, 2, 3, 4, 5
Eisenhower, Dwight D. : 1, 2
Elbourne, Elizabeth : 1
El Fassi, Malika : 1
El-Ftouh, Youssef : 1, 2
El Hadj Omar : 1
el-Halim Hemche, Abd : 1
El-Hamdaoui, Ahmed : 1, 2
Eliot, T. S. : 1
Élisabeth, Léo : 1, 2
Ellington, Duke (Edward Kennedy Ellington, dit) : 1
Ellis, Jack D. : 1
Ellul, Jacques : 1
El Mechat, Samia : 1, 2, 3
El-Mokrani, Mohammed : 1
El Ouafi, Ahmed Boughera : 1
Eltis, David : 1
Éluard, Paul : 1
Ély, Paul : 1
El Yazami, Driss : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Emerit, Marcel : 1, 2
Ena, Christophe : 1
Enfantin, Prosper : 1, 2
Enrico, Robert : 1
Ensminger, Robert : 1
Ernest, John : 1
Ernst, Raphaëlle : 1, 2, 3
Escudero, Leny : 1
Eshleman, Clayton : 1
Esme, Jean d’ (Jean Henri d’Esmenard, dit) : 1, 2, 3
Esnault, Philippe : 1
Espiet-Kilty, Raphaële : 1
Esquer, Gabriel : 1, 2
Essadok Bey, Mohamed : 1, 2
Estaing, Charles Henri d’ : 1
Estèbe, Frédéric : 1
Estèbe, Jean : 1, 2, 3
Estienne, Jean : 1
Etemad, Bouda : 1-2
Étienne, Bruno : 1, 2
Étienne, Eugène : 1, 2, 3-4, 5, 6
Étiévant, Henri : 1
Eugénie de Montijo (impératrice) : 1
Evans, Martin : 1, 2, 3, 4
Ève, Prosper : 1, 2
Eveno, Patrick : 1, 2, 3
Évrard, Camille : 1, 2
Ezra, Elizabeth : 1, 2, 3, 4, 5
F
Fabbiano, Giulia : 1, 2, 3
Faberon, Jean-Yves : 1, 2
Fabian, Johannes : 1
Fabre, Martine : 1
Fagéol, Pierre-Éric : 1
Faidherbe, Louis Léon César : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14-
15, 16, 17
Faivre, Louis (Robert Louis Delavignette, dit) : 1
Falaize, Benoît : 1, 2, 3, 4
Falcucci, Robert : 1
Fall, Babacar : 1, 2
Fallope, Josette : 1, 2, 3
Fanon, Frantz : 1, 2-3, 4, 5, 6
Fanoudh-Siefer, Léon : 1, 2
Farge, Arlette : 1, 2
Fargettas, Julien : 1, 2, 3-4, 5
Farini, Guillermo Antonio (William Léonard Hunt, dit) : 1
Farrère, Claude : 1, 2
Fassin, Didier : 1
Fates, Youssef : 1
Fauchon, Paul : 1
Faucon, Philippe : 1, 2
Fauconnier, Grégoire : 1
Faugier, Stéphane : 1
Faure, Alain : 1
Faure, Jean : 1, 2-3, 4
Faure, Roger : 1
Faure II, Charles : 1
Fauset, Jessie Redmon : 1, 2
Fauvelle, François-Xavier : 1, 2, 3, 4
Favory, Michel : 1
Favre, Nicolas : 1
Favrelière, Noël : 1, 2, 3, 4, 5
Favrod, Charles-Henri : 1
Fayaud, Viviane : 1
Febvre, Lucien : 1-2, 3, 4
Feillet, Paul : 1, 2-3, 4
Feltin, Maurice : 1
Feraoun, Mouloud : 1, 2, 3
Féray, Pierre-Richard : 1, 2
Ferdi, Saïd : 1, 2, 3
Ferdinand, Alex : 1
Fernandel (Fernand Joseph Désiré Contandin, dit) : 1
Fernández Silvestre, Manuel : 1
Fernel, Claude : 1, 2
Ferrari, Gianpaolo : 1
Ferrat, Jean : 1, 2
Ferrère, Claude : 1
Ferrié, Jean-Noël : 1, 2-3
Ferro, Marc : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Ferry, Abel : 1
Ferry, Jules : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18
Fescourt, Henri : 1
Fèvre, Joseph : 1, 2
Feyder, Jacques : 1, 2, 3, 4
Fichter, James R. : 1
Fillon, François : 1
Finkelstein, Norman G. : 1
Finkielkraut, Alain : 1, 2, 3
Finley, Moses I. : 1, 2
Finot, Louis : 1
Firpo, Christina Elizabeth : 1
Fisher, Allan G. B. : 1
Fisher, Humphrey J. : 1
Fitzgerald, Francis Scott : 1, 2, 3
Fix-Masseau, Pierre : 1
Flahault, François : 1
Flament, Marc : 1
Flandrin, Marcelin : 1
Fleury, Georges : 1, 2
Florey, Robert : 1
Florisoone, Michel : 1
Florisson, Jean : 1
Flosse, Gaston : 1
Floyd, George : 1, 2, 3, 4, 5
Foccart, Jacques : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Foch, Ferdinand : 1, 2
Fochivé, Jean : 1
Fogarty, Richard : 1
Foliard, Daniel : 1, 2, 3
Folliet, Joseph : 1
Foltz, William J. : 1, 2
Foncin, Pierre : 1
Fonck, Bertrand : 1
Fontenay, Élisabeth de : 1
Forcade, Olivier : 1
Ford, Caroline : 1, 2
Ford, Hugh : 1
Forest, Alain : 1
Forestier, Jean : 1, 2
Forsdick, Charles : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Fort, Martin : 1, 2
Forth, Christopher E. : 1
Fortier, François-Edmond : 1
Fosco, Piero : 1
Fossard, Brice : 1
Foster, Elizabeth A. : 1
Foucart, Georges : 1
Foucault, Michel : 1, 2, 3
Fouillée, Alfred : 1
Fouqueray, Charles : 1
Fourest, Georges : 1
Fourier, Joseph : 1
Fournié, Pierre : 1, 2, 3, 4, 5
Fournier, Casimir : 1, 2
Fourquet, Jérôme : 1, 2, 3
Foutoyet, Samuël : 1
Foyer, Jean : 1, 2, 3
Frachon, Alain : 1, 2
Fradera, Josep M. : 1, 2
France, Anatole : 1-2
Francis, Mustapha : 1
François Ier : 1, 2
Frank, Robert : 1, 2, 3
Frapier, Magali : 1, 2
Frayssinet-Dominjon, Jacqueline : 1
Frêche, Georges : 1-2
Freitas-Ekué, Franck : 1
Frémeaux, Jacques : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8
Freud, Sigmund : 1
Freycinet, Charles Louis de : 1
Freyre, Gilberto : 1, 2
Friedmann, Jacques : 1
Frilley, Jean-Jacques : 1
Frost, Robert : 1, 2
Fulbert-Dumonteil, Jean-Camille : 1-2
Fuma, Suel : 1
Fumaroli, Marc : 1
Furet, François : 1, 2, 3
G
Gaida, Peter : 1
Gaillard, Félix : 1, 2
Gaillard, Gusti-Klara : 1
Gaillard, Philippe : 1, 2, 3
Gainot, Bernard : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Galani-Moutafi, Vassili : 1
Galic, Robert : 1, 2
Galland, André : 1
Galland, Daniel : 1, 2
Galland, Olivier : 1, 2
Gallegos, Gabilondo Simón : 1
Gallieni, Joseph : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13, 14, 15
Gallissot, René : 1, 2, 3, 4, 5
Gallo, Max : 1-2, 3
Gallois, Pierre Marie : 1
Galloro, Piero-D. : 1
Galy, René : 1
Gambetta, Léon : 1, 2-3, 4
Gandhi, Mohandas : 1, 2, 3
Gandin, Éliane : 1
Gann, Lewis H. : 1, 2
Ganz, Pierre : 1
Garanger, Marc : 1
Garcia, Nicole : 1
Garcia, Patrick : 1, 2
Garcia-Moral, Eric : 1
Garde, François : 1
Garnier (dessinateur) : 1
Garnier, Emmanuel : 1
Garnier, Francis (alias C. Francis) : 1-2, 3
Garnier, Joseph : 1, 2, 3
Garnier, Léon : 1
Garnsey, Peter : 1, 2
Garraway, Doris Lorraine : 1, 2
Garreau, Alphonse : 1
Garrigues, Jean : 1, 2, 3
Garrigus, John : 1
Garvey, Marcus : 1
Gassama, Makhily : 1
Gastaut, Yvan : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Gastyne, Marco de (Marc Henri Benoist, dit) : 1
Gaud, Fernand : 1
Gaudez, Pierre : 1-2
Gaudin, Jean-Claude : 1
Gauguin, Paul : 1, 2, 3
Gaulupeau, Yves : 1, 2
Gauthier, Guy : 1, 2
Gauthier, Lionel : 1
Gauthier, Lucien : 1
Gautier, Arlette : 1, 2, 3, 4, 5
Gauvin, Gilles : 1
Gauvin, Lise : 1
Gauvreau, Michael : 1
Gauzère, Bernard-Alex : 1
Gay, Jean-Christophe : 1
Gay, Oscar : 1
Gayibor, Nicoué Lodjou : 1
Gazeau, Véronique : 1
Gbedemah, Seti Y. G. : 1-2
Geiser, Jean : 1
Geisser, Vincent : 1
Gélinet, Patrice : 1, 2, 3
Gelino (adjudant-chef) : 1
Gemeaux, Christine de : 1
Genet, Jean : 1, 2, 3, 4
Gensburger, Sarah : 1, 2, 3
Gentil, Émile : 1
Georges, Alphonse : 1
Georges, Nicolas : 1, 2, 3
Georget, Jean-Louis : 1
Gérando, Joseph-Marie de : 1
Géraud, André : 1
Gerbeau, Hubert : 1, 2, 3-4
Gerber, Matthew : 1
Géréon (esclave) : 1
Germain, Félix : 1-2, 3
Gérôme, Jean-Léon : 1
Gervereau, Laurent : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Gerville-Réache, Gaston : 1, 2, 3, 4, 5
Ghachem, Malick : 1
Ghaisne de Bourmont, Louis Auguste Victor de : 1, 2, 3, 4
Gheerbrandt, J. L. : 1
Ghézo (roi d’Abomey) : 1, 2
Ghisoni, Dominique : 1, 2
Ghozland, Freddy : 1, 2
Giacomini, Sonia Maria : 1
Giáp, Võ Nguyên : 1-2
Gibert, Pierre : 1, 2, 3
Gide, André : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Gide, Charles : 1-2, 3, 4
Gignac, Yves : 1
Gilbert-Jules, Jean : 1, 2
Gildea, Robert : 1
Gilroy, Paul : 1, 2
Ginio, Ruth : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Girard, Étienne : 1
Girard de Rialle, Julien : 1
Girardet, Eugène : 1
Girardet, Raoul : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Giraud, Henri : 1
Girault, Arthur : 1-2, 3-4, 5
Girault, René : 1, 2, 3
Girod, C. : 1, 2
Girollet, Anne : 1, 2, 3
Giroud, Françoise (Léa France Gourdji, dite) : 1
Giscard d’Estaing, Edmond : 1-2, 3
Giscard d’Estaing, Valéry : 1, 2, 3, 4, 5
Glaser, Antoine : 1, 2
Gleizal, Christian : 1, 2
Gleize, Maurice : 1
Gliozzi, Giuliano : 1
Glissant, Édouard : 1
Gloeden, Wilhelm von : 1
Godard, Jean-Luc : 1
Godeheu, Charles Robert : 1
Godelier, Maurice : 1-2
Godfroy, Marion F. : 1
Godicheau, François : 1
Goebel, Michael : 1
Goerg, Odile : 1, 2, 3
Gohin, Olivier : 1, 2
Gomane, Jean-Pierre : 1
Gondola, Didier : 1, 2, 3, 4
Gonidec, Pierre-François : 1, 2
Gonzalez, José : 1
Gordon, Mathew S. : 1, 2
Gouda, Frances : 1, 2
Gough, Hugh : 1, 2
Gouharo (secrétaire général de l’Exposition calédonienne) : 1
Gouin, Félix : 1
Gould, Stephen Jay : 1, 2
Goulet, Alain : 1
Gouraud, Henri : 1
Gourg, M. (ancien directeur du fort français de Juda) : 1-2, 3
Gourguet, Jean : 1
Gouriou, Fabien : 1
Gourou, Pierre : 1
Goutalier, Régine : 1, 2
Goya, Michel : 1
Goyau, Georges : 1
Gracq, Julien : 1, 2
Gradis, Abraham : 1
Grah Mel, Frédéric : 1
Grandidier, Alfred : 1
Grandière, Marcel : 1
Grandjouan, Jules : 1
Granier, Solène : 1
Granvaud, Raphaël : 1, 2
Grataloup, Christian : 1, 2
Gratiolet, Pierre : 1, 2
Green, Nancy : 1, 2
Greenhalgh, Paul : 1
Grégoire (Henri Grégoire, dit l’abbé) : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Gregório, Amélie : 1
Gréki, Anna : 1
Grémillon, Jean : 1
Grenet, Mathieu : 1
Grenier, Clément : 1, 2
Grenn, Christopher : 1
Gréville, Edmond de : 1
Griaule, Marcel : 1, 2-3
Gribelin, René : 1
Griffith, David : 1
Grimald, Aimé Louis : 1, 2, 3, 4
Griolet, Gaston : 1
Groff, David : 1, 2
Gros, Antoine-Jean : 1
Groslier, George : 1
Grunberg, Bernard : 1
Grunitzky, Nicolas : 1
Gsell, Émile : 1
Guazzoni, Enrico : 1
Guéant, Claude : 1
Guelmani, Abdelmajid : 1
Guéna, Yves : 1, 2
Guénif-Souilamas, Nacira : 1, 2
Guerena, Jean-Louis : 1
Guerin, Daniel : 1
Guernier, Charles : 1
Guernut, Henri : 1, 2-3
Gugenheim, Eugène : 1, 2
Guiard, Claudine : 1
Guiart, Jean : 1, 2
Guiauchain, Jacques : 1-2
Guibert, Jean-Sébastien : 1
Guibert, Pierre : 1, 2
Guichen, Louis de : 1
Guicheteau, Gérard : 1, 2
Guignard, Didier : 1, 2
Guihur, Evelyne : 1, 2, 3, 4, 5
Guillain, Antoine Florent : 1
Guillain, Charles : 1, 2
Guillaumet, Gustave : 1
Guillaumin, Colette : 1
Guillaumin, Gilbert : 1, 2
Guillemot, François : 1, 2
Guillen, Pierre : 1
Guimont, Fabienne : 1, 2
Guiral, Pierre : 1, 2
Guissou, Henri : 1
Guitart, Cécil : 1, 2
Guitry, Sacha (Alexandre Guitry, dit) : 1, 2
Guy, Michel : 1
Guyon, Anthony : 1
H
Iannucci, Ugo : 1, 2
Ibrahim Pacha (vice-roi d’Égypte) : 1
Ibsen, Kristine : 1
Idriss, Mamaye : 1
Ighilahriz, Louisette : 1
Igué, John : 1, 2
Iguerbouchen, Mohamed : 1
Imbert-Vier, Simon : 1, 2
Impey, Olivier : 1
Ingersoll, Thomas N. : 1
Ingold, François : 1
Ingram, Rex : 1
Ingres, Jean-Auguste- Dominique : 1
Iopué, Wassissi : 1
Iqbal, Mohamed : 1
Irele, Francis Abiola : 1-2, 3, 4
Irvin Painter, Nell : 1
Isaac, Alexandre : 1-2
Isambert, François-André : 1
Ishaghpour, Youssef : 1, 2
Ismard, Paulin : 1
Ivanoff, Hélène : 1
Iveton, Fernand : 1
J
Jacob, Annie : 1
Jacobs, Harriett : 1, 2
Jacquemot, Pierre : 1, 2
Jacquin, Henri : 1, 2
Jacquinot, Louis : 1
Jaffrelot, Christophe : 1
Jahan, Sébastien : 1, 2
Jalabert, Laurent : 1
James, David F. : 1
James, Elisabeth : 1
James, Lauren : 1
Jamin, Jean : 1
Janes, Lauren : 1
Janin, Sophie : 1-2
Janot, Raymond : 1
Jansen, Jan C. : 1, 2, 3, 4
Jarrassé, Dominique : 1
Jauffret,Jean-Charles : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11
Jaurès, Jean : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7
Jautel, Georges : 1
Jeanne d’Arc : 1, 2, 3
Jeannel, Charles : 1-2
Jeanneney, Jean-Noël : 1
Jeanneney, Jules : 1, 2
Jeannet-Oudin, Georges Nicolas : 1
Jeanniot, Pierre-Georges : 1
Jeanson, Francis : 1-2
Jefferson, Thomas : 1
Jenni, Alexis : 1, 2
Jennings, Éric T. : 1, 2, 3, 4, 5
Jennings, Lawrence : 1
Jesné, Fabrice : 1
Jobert, Timothée : 1
Johnson, Wesley G. : 1
Joly, Hervé : 1, 2, 3
Joly, Vincent : 1, 2
Jones, Hilary : 1
Jonnart, Charles : 1, 2
Jordi, Jean-Jacques : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Joseph, Gaston : 1
Jospin, Lionel : 1
Jossot, Henri Gustave : 1
Joubert, Barthélémy- Catherine : 1-2
Jouhaud, Edmond : 1, 2, 3
Jouhaux, Léon : 1
Journiac, René : 1
Journoud, Pierre : 1, 2, 3
Jouvenel, Henry de : 1
Joyaux, François : 1
Juárez, Benito : 1
Juchault de Lamoricière, Louis : 1
Judt, Tony : 1, 2, 3
Juglar, Joseph Clément : 1-2, 3
Juhé-Beaulaton, Dominique : 1
Juin, Alphonse : 1, 2
Jules-Rosette, Bennetta : 1
Julia, Dominique : 1, 2, 3, 4
Julien, Charles-André : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8
Julliand, Jean-Pierre : 1
Jullien, Marc Antoine : 1
K
Kabir, Hour : 1
Kacimi, Mohamed : 1
Kaddache, Mahfoud : 1
Kader Kane, Abdoul : 1
Kadri, Aïssa : 1
Kahn, Albert : 1
Kalifa, Dominique : 1
Kalman, Samuel : 1
Kalter, Christopher : 1, 2
Kane, Cheikh Hamidou : 1
Kanya-Forstner, Alexander Sydney : 1, 2
Kapferer, Jean-Noël : 1
Kaplan, Steven L. : 1, 2
Kapps, Walter : 1
Kara, Bouzid : 1-2, 3
Karmen, Roman : 1
Kastell, Serge : 1, 2
Katz, Jonathan M. : 1
Katzenellenbogen, Simon : 1
Kaufman, Asher : 1, 2
Kauma, Michel : 1
Kazadi, Ntole : 1
Keaton, Trica Danielle : 1, 2, 3
Keese, Alexander : 1, 2
Keïta, Aoua : 1-2
Keïta, Modibo : 1, 2
Keller, Kathleen : 1
Kelman, Gaston : 1
Kemal, Mustafa : 1
Kérékou, Mathieu : 1
Kergaravat, Louis : 1-2
Kerk, Christian : 1
Keslassy, Éric : 1
Kessel, Joseph : 1
Kesteloot, Lilyan : 1, 2
Kettle, Michael : 1, 2
Khaled (Khaled el-Hassani ben el-Hachemi, dit émir) : 1, 2
Khalidi, Rashid : 1, 2
Khatibi, Abdelkébir : 1, 2
Khebaili, Moussa : 1
Khellas, Mériem : 1
Khiari, Sadri : 1
Khider, Mohamed : 1
Khoury, Bechara el- : 1
Khoury, Gérard D. : 1, 2, 3
Khoury, Philip Shukry : 1, 2
Khudori, Darwis : 1
Khuong, Mê : 1
Kim, David : 1, 2, 3
Kimba, Idrissa : 1
Kinney, Leila : 1, 2
Kintzler, Catherine : 1
Kipling, Rudyard : 1, 2
Kipré, Pierre : 1, 2
Kirsanoff, Dimitri : 1, 2
Kisukidi, Nadia Yala : 1, 2, 3
Kleiber-Schwartz, Liliane : 1
Klein, Jean-François : 1, 2, 3, 4, 5
Klein, Martin A. : 1
Knibiehler, Yvonne : 1, 2
Kobelinsky, Carolina : 1
Kocher, Adolphe : 1
Koelle, Sigismund Wilhelm : 1
Koenig, Pierre : 1
Konaré, Adame Ba : 1, 2, 3, 4
Kopf, Martina : 1, 2
Kopytoff, Igor : 1
Kouatli, Choukri al- : 1, 2
Koufinkana, Marcel : 1, 2
Kounkou, Charles Thomas : 1
Kountché, Seyni : 1, 2
Kourouma, Ahmadou : 1
Kouyaté, Tiemoko Garan : 1, 2
Krivine, Alain : 1
Kroslak, Daniela : 1
Ksentini, Rachid (Rachid Belakhdar, dit) : 1
Kuba, Richard : 1
Kuharski, Jan de : 1
Kunstler, Charles : 1
Kupferstein, Daniel : 1
Kurtovitch, Ismet : 1, 2
L
Labarthe, Gilles : 1
Labica, Georges : 1
Laborde, Alexandre de : 1-2
Labrecque, Marie-France : 1
Labro, Philippe : 1
Lacassagne, Alexandre : 1
Lacassin, Francis : 1
Lachaussée, Jeune : 1
Lacheroy, Charles : 1
Lacoste, Robert : 1, 2
Lacouture, Jean : 1, 2
Lacroix, Jean : 1
Lacroux (lieutenant- colonel) : 1
Laffon, Gustave : 1
Laffont, Pierre : 1
Lafont, Robert : 1, 2, 3
Lagaillarde, Pierre : 1
Lagana, Marc : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Lagarde, Jean (colonel) : 1
La Grandière, Pierre-Paul de : 1
Lagrosillière, Joseph : 1-2
Laïdi, Zaki : 1
Lakroum, Monique : 1, 2, 3
Lallier du Coudray : 1, 2
Lalouette, Jacqueline : 1, 2, 3, 4, 5
Lama, Serge : 1
Lamant, Pierre : 1
Lamartine, Alphonse de : 1
La Mazière, Alice : 1
Lambert, David : 1
Lamberton, Jean-Marie : 1, 2, 3, 4
Lamine-Guèye, Amadou : 1, 2
Lamontagne, Samuel : 1, 2
Lamotte, Mélanie : 1
Lamy, Georges : 1, 2
Lande d’Alcour, Estienne de : 1
Landelle, Charles : 1
Lander, Richard : 1
Landowski, Paul : 1
Landrock, Ernst : 1, 2
Lanessan, Jean-Marie : 1, 2, 3, 4, 5
Langanay, André : 1
Langley, John : 1
Laniel, Joseph : 1
Lanly, André : 1
Lannoy, François de : 1, 2
La Pérouse, Jean-François de : 1
Larcher, Silyane : 1
Larcher-Goscha, Agathe : 1
Larguèche, Dalenda : 1
La Roche de Mesgouez, Troilus de : 1
Larsen, Nella : 1
Lartéguy, Jean (Jean Pierre Lucien Osty, dit) : 1
Lartet, Édouard : 1
Lasnavères, Jean-Joseph Maximilien : 1-2
Lassalle-Séré, Robert : 1
Latour, Eliane de : 1, 2
Latreille, André : 1
Lattre de Tassigny, Jean de : 1
Laubreau, Alain : 1
Laurant (artiste graveur) : 1
Laurens, Henry : 1
Laurent, Georges : 1
Laurent, Sébastien : 1, 2
Laurentie, Henri de : 1
Laux, Claire : 1
Laval, Pierre : 1, 2, 3-4
Lavater, Johann Caspar : 1
Laveaux, Étienne : 1
Lavigerie, Charles : 1, 2, 3
Lavisse, Ernest : 1, 2, 3, 4
Lavroff, Dmitri-Georges : 1, 2
Lawrance, Benjamin N. : 1
Lawson, Alan : 1
Laye, Camara : 1, 2
Lazali, Karima : 1, 2, 3
Lazarus, Neil : 1
Leapman, Michael : 1
Lear, Edward : 1
Le Baut, Yves : 1, 2
Lebel, Roland : 1
Lebesque, Morvan : 1
Leblan, Vincent : 1
Leblic, Isabelle : 1, 2
Leblond, Ary : 1-2, 3
Leblond, Marius-Ary : 1, 2
Le Bouëdec, Gérard : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8
Lebourg, Nicolas : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7
Lebovics, Herman : 1, 2, 3, 4
Le Bras, Hervé : 1, 2
Le Breton, Auguste : 1
Le Breton, David : 1, 2
Le Breton, Paul : 1
Le Bris, Michel : 1, 2, 3, 4
Lebrun, Albert : 1, 2
Lecanuet, Jean : 1
Leclerc, Charles Victoire Emmanuel (général) : 1, 2, 3, 4, 5
Leclerc, George-Louis, comte de Buffon : 1
Leclerc de Hauteclocque, Philippe : 1
Leclère, Thierry : 1, 2, 3, 4
Le Cour Grandmaison, Olivier : 1, 2-3, 4, 5-6,7, 8
Le Crom, Jean-Pierre : 1
Le Doudic, Kévin : 1, 2, 3, 4, 5
Leduc, Jean : 1, 2
Lee, Christopher : 1
Lee, Robert E. : 1
Le Faure, Georges : 1, 2
Lefebvre, Camille : 1
Lefebvre, Marcel : 1
Lefeuvre, Daniel : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8
Le Fèvre, Georges : 1
Lefevre, Jacques-Louis : 1
Lefèvre, Raymond : 1
Le Flaguais-Hess : 1
Lefranc, Georges : 1
Legendre, A. (docteur) : 1
Léger, Fernand : 1
Legg, Charlotte Ann : 1
Legget, Jane A. : 1, 2
Légitimus, Hégésippe Jean : 1, 2, 3, 4-5, 6
Le Goff, Jacques : 1-2, 3, 4, 5, 6
Le Goffic, Charles : 1
Legris, André : 1, 2
Lehnert, Rudolf : 1
Leichman, Jeffrey M. : 1
Leiris, Michel : 1, 2, 3, 4, 5
Lejeune, Dominique : 1, 2, 3, 4, 5
Le Jeune, Françoise : 1
Lejeune, Max : 1
Le Joubioux, Hervé : 1
Le Jumeau de Kergaradec, Camille : 1
Lelieur, Claude : 1
Lemaignen, Robert : 1-2
Lemaire, Sandrine : 1, 2-3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27-28, 29, 30, 31, 32, 33-34, 35, 36, 37,
38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55-56, 57-
58, 59, 60-61, 62, 63-64, 65-66, 67, 68, 69, 70
Le Mao, Caroline : 1
Lembezat, Bertrand : 1
Lémery, Henry : 1-2, 3
Lemot, François-Frédéric : 1
Le Myre de Vilers, Charles Marie : 1, 2, 3
Le Naour, Jean-Yves : 1, 2, 3-4, 5
Le Navigateur, Henri : 1
Lenglet, Édouard : 1
Lénine (Vladimir Ilitch Oulianov, dit) : 1
Lenormand, Henri-René : 1-2, 3, 4
Lenormand, Maurice : 1-2, 3
Lentz, Thierry : 1
Léon, Pierre : 1, 2
Léon XIII (pape) : 1-2, 3
Leonard, Douglas W. : 1
Léonard, Nicolas-Germain : 1
Léonard, Roger : 1
Léonard-Maestrati, Antoine : 1-2
Léopold II : 1, 2
Le Pautremat, Pascal : 1, 2
Le Pen, Jean-Marie : 1-2, 3
Le Pen, Marine : 1, 2
Le Play, Pierre Guillaume Frédéric : 1, 2
Leprohon, Pierre : 1
Leprun, Sylviane : 1, 2, 3, 4
Le Quellec-Cottier, Christine : 1
Lequesne, Christian : 1
Lerminier, Eugène : 1, 2
Le Roux, Huges : 1
Leroy, Olivier : 1
Leroy, Paul : 1
Leroy-Beaulieu, Paul : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8
Lescanff, Nicolas : 1
Lescot Junior, Elie : 1
Le Somptier, René : 1
Lespagnol, Alain : 1
Lesseps, Ferdinand de : 1
Lesseps, Jules de : 1
L’Estoile, Benoît de : 1, 2
Lestringant, Frank : 1
Lesueur, Boris : 1, 2
Lesueur, Charles-Alexandre : 1
Letchimy, Serge : 1
Le Toux, Stéphanie : 1
Le Tréguilly, Philippe : 1, 2, 3
Lettéron, Philippe : 1-2
Levallois, Michel : 1, 2
Le Van Ho, Mireille : 1, 2
Levaré, A. : 1
Leveau, Rémy : 1, 2
Levenstein, Harvey : 1
Lever (frères) : 1
Lever, Évelyne : 1, 2, 3
Le Villain, Yvon : 1
Levisse-Touzé, Christine : 1, 2
Lévi-Strauss, Claude : 1, 2
Lévy, Laurent : 1
Levy-Kinsbourg, Clarisse : 1
Lévy-Leboyer, Maurice : 1
Lewis, James I. : 1, 2
Lewis, Mary Dewhurst : 1
Leygues, Georges : 1
L’Herbier, Marcel : 1
Lhuilier, Gilles : 1, 2
Liauzu, Claude : 1, 2, 3, 4, 5
Liechti, Alban : 1, 2, 3
Lien, Tran, Thi : 1
Ligner, Sarah : 1
Ligot, Maurice : 1-2, 3, 4
Linard, Jean-Louis Albert (lieutenant-colonel) : 1
Lincoln, Abraham : 1
Lindenberg, Daniel : 1
Lindon, Jérôme : 1
Linné, Carl von : 1
Liotard, Jean-Étienne : 1
Liotard, Victor : 1
Lipnitzki, Boris : 1
Lipovetsky, Gilles : 1
Lisette, Gabriel : 1, 2
Livingstone, David : 1, 2, 3, 4
Lloret, Sylvain : 1
Lochak, Danièle : 1
Lollia, Franco : 1-2
Lombard, Denys : 1, 2
Londres, Albert : 1, 2, 3, 4, 5
Longecourt, Thibaut de : 1
Longeot, Henri : 1
Longuet, Robert-Jean : 1
Lopez, Jean-François : 1, 2
Lorcerie, Françoise : 1
Lorcin, Patricia : 1, 2, 3, 4, 5
Lorillot, Henri (général) : 1, 2
Lorin, Amaury : 1
Loti, Pierre : 1, 2, 3
Louis, Joe : 1
Louis IX : 1
Louis X : 1
Louis XIII : 1
Louis XIV : 1, 2, 3-4, 5
Louis XV : 1-2, 3
Louis-Philippe Ier : 1-2, 3
Loum, Ndiaga : 1
Louvois, François Michel Le Tellier, marquis de : 1
Louyot, Alain : 1
Louzon, Robert : 1
Love, Edgar F. : 1, 2
Lovejoy, Paul E. : 1, 2, 3
Loving, Pierre : 1, 2
Lozeray, Henri : 1-2
Lucain, Marcel : 1, 2, 3
Luguern, Liêm-Khê : 1
Luitz-Morat (Maurice Louis Radiguet, dit) : 1
Luizard, Pierre-Jean : 1, 2, 3
Lumière (frères) : 1, 2
Lumière, Louis : 1
Lung-Fou, Marie-Thérèse : 1, 2
Lunois, Alexandre : 1
Luynes, Augustin de : 1
Lyautey, Hubert : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19
Lyautey, Pierre : 1
M
Ma (maréchal chinois) : 1
Maalouf, Amin : 1
Maat, Harro : 1
Mabanckou, Alain : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-13, 14, 15, 16-17,
18, 19, 20, 21, 22, 23
Mabire, Jean : 1, 2
Mabire, Jean-Christophe : 1
Mabon, Armelle : 1, 2, 3
Macé, Éric : 1
MacGregor, Arthur : 1
Machin, Alfred : 1, 2
Macias, Enrico : 1
MacKenzie, John : 1, 2, 3, 4
Mac Mahon, Patrice de : 1, 2
MacMaster, Neil : 1
Mac Orlan, Pierre (Pierre Dumarchey, dit) : 1
Macron, Emmanuel : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10-11, 12, 13, 14
Madeline, Fanny : 1
Maggi, Luigi : 1
Magon, René : 1
Mahé de la Bourdonnais, Bertrand-François : 1, 2, 3
Mahjoubi, Ali : 1
Mahtar Mbow, Amadou : 1
Maillard, Bruno : 1
Maillot, Henri : 1
Maillot-Rosély, Henri : 1
Maingueneau, Dominique : 1, 2
Maîtrier, Georges : 1
Makandal, François : 1
Makaremi, Chowra : 1
Malet, Léo : 1
Malleret, Louis : 1
Mallet, Marie-Louise : 1, 2
Malon, Claude : 1, 2
Maloubier, Bob : 1
Malraux, André : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7
Malye, François : 1, 2
Mam-Lam-Fouck, Serge : 1, 2
Manceron, Gilles : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10-11, 12-13, 14
Manchuelle, François : 1
Mandel, Georges : 1, 2, 3
Mandouze, André : 1, 2
Mandroux, Hélène : 1
Manet, Édouard : 1
Mangan, James A. : 1
Mangeon, Anthony : 1, 2
Mangin, Charles : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7
Manière, Laurent : 1, 2, 3
Manilève, Vincent : 1
Mann, Gregory : 1, 2, 3, 4
Mannoni, Octave : 1
Manternach, Sylvain : 1, 2
Manue, Georges-R. : 1, 2, 3
Maquin, Étienne : 1
Mar, Jacob : 1
Maran, René : 1, 2, 3
Marçais, Philippe : 1
Marcel, Pierre : 1
Marchand, Jean-Baptiste : 1
Marchand, Max : 1-2, 3
Marchetti, Adriano : 1, 2, 3
Marchoux, Émile : 1
Margairaz, Michel : 1
Margueritte, Victor : 1, 2
Margueron, Daniel : 1
Mari, Éric de : 1
Marie, Alain : 1
Marie, Claude-Valentin : 1, 2, 3
Marie de l’Incarnation (Marie Guyart, dit) : 1
Marion, Gérard Gabriel : 1, 2
Marion, Paul : 1
Marker, Chris : 1
Markovits, Claude : 1
Marmié, Nicolas : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Marnot, Bruno : 1, 2
Marquet de Vasselot, Anatole : 1
Marquette, Émile : 1, 2, 3
Marrast, Armand : 1
Marrou, Henri-Irénée : 1
Marsan, Eugène : 1
Marseille, Jacques : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9
Marsh, Kate : 1
Martet, Jean : 1
Martin, Angèle : 1
Martin, Denis-Constant : 1
Martin, François : 1
Martin, Henri (militant du Parti communiste français) : 1, 2
Martin, Henry (général) : 1
Martin, Jean : 1
Martin, Marc : 1, 2, 3
Martin, Marguerite : 1
Martin, Trayvon : 1
Martin-Chauffier, Louis : 1
Martin du Gard, Maurice : 1, 2
Martineau, Alfred : 1, 2, 3, 4
Martinel, Marie-Thérèse : 1
Martinet, Gilles : 1-2
Martini, Lucienne : 1
Martinkus-Zemp, Ada : 1
Martinot, Bernard : 1
Marx, Karl : 1
Mary, Sylvain : 1, 2-3
Marye, Georges : 1
Marynower, Claire : 1
Maschino, Maurice T. : 1
Massacrier, Jacques : 1
Masseaut, Jean-Marc : 1
Massigli, René : 1
Massignon, Louis : 1, 2
Massu, Jacques : 1, 2
Mathieu, Henri : 1
Mathieu, Jean-Luc : 1, 2
Mathieu, Louisy : 1, 2
Mathon, Eugène : 1, 2, 3
Mathot, Léon : 1
Mathoux, Hadrien : 1, 2, 3
Mathy, Ghislaine : 1, 2, 3
Matsoua, André : 1
Mattéi, André : 1
Mattéi, Georges : 1, 2, 3
Mattéi, Jacques : 1
Matton, Arsène : 1
Mattos, Hebe : 1
Mauco, Georges : 1-2, 3, 4
Maunier, René : 1, 2
Maunoir, Charles : 1
Maupassant, Guy de : 1-2, 3
Maura, Antonio : 1
Mauriac, François : 1
Mauricheau-Beaupré, Jean : 1
Maurienne (Jean-Louis Hurst, dit) : 1, 2, 3
Maurras, Charles : 1, 2
Maury, Alfred : 1-2
Mauss-Copeaux, Claire : 1, 2, 3, 4
Maxence, Jean-Pierre : 1
Maximilien, Ferdinand : 1, 2, 3
Maxwell, Anne : 1
May, Louis-Philippe : 1, 2
Mayer, Daniel : 1
Mayer, Nonna : 1, 2, 3, 4
Mayer, René : 1
Mazard (anthropologue) : 1
Mazellier, Philippe : 1, 2
Mazuline, Victor : 1, 2
M’Ba, Léon : 1
M’Baye, Babacar : 1
Mbembe, Achille : 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16-17,
18, 19, 20
McCarthy, Joseph : 1
McCauley, Elizabeth Anne : 1, 2
McClintock, Anne : 1, 2, 3
McDonald, Christie : 1
McGranahan, Carole : 1, 2
McLeod, John : 1
McLeod, Mark W. : 1
Meauzé, Pierre : 1, 2, 3
Meda, Jean-Claude Yrzoala : 1
Médard, Jean-François : 1, 2, 3
Meddeb, Abdelwahab : 1
Meddour, Azzedine : 1
Méfret, Jean-Pax : 1
Megherbi, Abdelghani : 1
Mehay, Alfred : 1-2
Meimon, Julien : 1, 2
Melford, George : 1
Mélia, Jean : 1-2
Méliès, Georges : 1
Mellier, Gérard : 1
Melzer, Sara E. : 1
Memmi, Albert : 1, 2, 3
Ménard, Julie : 1
Ménard, Robert : 1, 2
Ménard-Jacob, Marie : 1, 2, 3, 4
Mendès France, Pierre : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Ménélik (empereur d’Éthiopie) : 1
Menouar, Abdelaziz : 1
Menut, Nicolas : 1
Méouchy, Nadine : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9
Mercer, Mabel : 1
Mercié, Antonin : 1
Mercier, Gustave : 1
Mercier, Louis-Sébastien : 1
Mercier, Michèle : 1, 2
Merhi, Jihad : 1, 2
Mériaux, Pascal : 1
Merlande, Jacques Adélaïde : 1, 2, 3, 4
Merle, Isabelle : 1, 2, 3, 4
Mernissi, Fatima : 1
Merwart, Émile : 1
Meschonnic, Henri : 1
Mesguich, Félix : 1, 2
Messaoudi, Alain : 1
Messimy, Adolphe : 1, 2, 3, 4
Messmer, Pierre : 1-2, 3-4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Métailié, Anne-Marie : 1, 2
Métivet, Lucien : 1
Metternich, Klemens Wenzel, prince de : 1
Metzger, Chantal : 1
Meuleau, Marc : 1, 2
Meyer, Jean : 1, 2, 3, 4, 5
Meyerbeer, Giacomo : 1, 2
Meynier, Gilbert : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Michaux, Henri : 1
Michel, Aurélia : 1
Michel, Franck : 1
Michel, Joël : 1
Michel, Marc : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10-11
Michel V. (militaire) : 1
Michelet, Jules : 1
Michon, Bernard : 1
Miclo, François : 1, 2, 3
Midy, Franklin : 1
Miège, Jean-Louis : 1
Miers, Suzanne : 1, 2
Migani, Guia : 1
Mignot-Giorgi, Béatrice : 1
Mihalesco, Alexandre : 1
Mill, John Stuart : 1
Mille, Pierre : 1, 2, 3
Miller, Christopher L. : 1, 2
Miller, David : 1
Miller, Henry : 1
Miller, Joseph : 1, 2
Miller, Robert L. : 1, 2
Millerand, Alexandre : 1
Millot, Ernest : 1
Mills, Florence : 1
Milza, Pierre : 1, 2
Minges, Patrick : 1
Minost, Suzanne : 1
Mintz, Sidney W. : 1, 2
Mioche, Philippe : 1, 2
Miot, Paul-Émile : 1
Miquel, Roger (général) : 1
Mirabeau, Honoré-Gabriel Riqueti, marquis de : 1, 2, 3
Miské, Karim : 1
Missoffe, François : 1
Mitchell, Robin : 1
Mitchell, Timothy : 1
Mitterrand, François : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22
Mizon, Louis Alexandre Antoine (lieutenant) : 1
Mohamed-Gaillard, Sarah : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Mohammed Azerkane, Si : 1, 2
Mohammed V (Mohammed Ben Youssef, sultan, puis roi du Maroc) : 1
Molin, Michel : 1
Molinari, Gustave de : 1, 2-3, 4, 5
Molle, Guillaume : 1
Mollet, Guy : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7
Mollien, Gaspard Théodore : 1
Moncelon, Léon : 1, 2
Monchablon, Alain : 1
Monfreid, Henri de : 1
Moniot, Henri : 1, 2
Monjaret, Anne : 1
Monnais, Laurence : 1
Monnerville, Gaston : 1, 2-3
Monnier, Jehanne- Emmanuelle : 1
Monod, Éric : 1, 2
Montagnac, Lucien-François de : 1
Montagne, Robert : 1
Montaland, Charles : 1-2
Montandon, Valérie : 1
Montanelli, Indro : 1
Montesquieu, Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède : 1, 2
Montherlant, Henry de : 1, 2
Monzie, Anatole de : 1
Moore, Bob : 1
Morais, Cristóvão de : 1
Morazé, Monique : 1, 2, 3
More, Jean-Baptiste : 1
Moreau, René : 1
Moreau de Jonnès, Alexandre : 1
Morel, Edmund : 1
Morgan, Jennifer : 1
Morgani (cuirassé) : 1
Morice, André : 1
Morin, Gilles : 1, 2, 3, 4
Morin, Paul Max : 1
Morland, George : 1
Morlat, Patrice : 1, 2, 3, 4-5, 6
Morlet : 1
Morlhon, Camille de : 1
Morris, Frances : 1
Mortenol, Camille : 1
Morton, Patricia A. : 1, 2, 3
Moscardo, Gianna : 1
Mosse, George L. : 1, 2, 3
Mottet, Jean : 1, 2
Motylewski, Patricia : 1
Moudileno, Lydie : 1, 2, 3, 4, 5
Mouëzy-Éon, André : 1
Moulier-Boutang, Yann : 1, 2, 3
Moumen, Abderahmen : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Moumié, Félix : 1, 2
Mounza (roi des Mombouttous) : 1
Moura, Jean-Marc : 1, 2, 3, 4
Mouralis, Bernard : 1, 2
Mourre, Martin : 1
Moutet, Marius : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8
Moynac, Charles : 1
Mucchielli, Laurent : 1
Muckle, Adrian : 1, 2
Mudimbe, Valentin Y. : 1
Mulot, Stéphanie : 1
Mun, Albert de : 1
Munholland, Kim : 1
Muracciole, Jean-François : 1, 2
Murdoch, H. Adlai : 1, 2, 3, 4
Murphy, Agnès : 1
Murphy, David : 1, 2, 3, 4
Murphy, Maureen : 1
Murray, William, comte de Mansfield : 1, 2-3
Mussolini, Benito : 1
Mustakeem, Sowande M. : 1
Muthu, Sankar : 1, 2
N
Obenga, Théophile : 1
Offenstadt, Nicolas : 1
Ogden, Philip E. : 1, 2, 3
Olivat-Roget (Fernand Olive, dit) : 1, 2
Olivier (gouverneur général) : 1, 2
Olry, Jean-Baptiste Léon : 1
Olympio, Sylvanus : 1
Onana, Charles : 1
Oopa, Pouvana’a a : 1
Orkibi, Eithan : 1
Orléans, Ferdinand-Philippe duc d’ : 1
Orléans, Henri d’, duc d’Aumale : 1, 2
Orr, Andrew : 1, 2, 3
Ortiz, Joseph : 1
Ory, Pascal : 1
Osborn, Emily Lynn : 1
Osborne, Michael : 1
Osborne, Milton E. : 1
Osche, Jean : 1
Osterhammel, Jürgen : 1
Oswald, François : 1
Otele, Olivette : 1
Ouandié, Ernest : 1, 2
Ouazzani, Mohamed Hassan : 1
Oudin-Bastide, Caroline : 1, 2
Oulebsir, Nabila : 1, 2
Oushakine, Serguei : 1
Outrey, Ernest : 1
Oyono, Ferdinand : 1
Ozouf, Jacques : 1, 2
Ozouf, Mona : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
P
Pacha, Ourabi : 1
Page, Pierre François : 1-2
Paget, Bernard : 1
Pago, Gilbert : 1
Paillard, Jean : 1
Painlevé, Paul : 1-2
Palewski, Gaston : 1
Pallu, François : 1
Palmer, Jennifer : 1
Palmiste, Clara : 1, 2, 3, 4, 5
Paluel-Marmont, Albert : 1
Pame, Stella : 1
Pams, Jules : 1
Pandolfi, Paul : 1
Panijel, Jacques : 1
Paoli, Paul-François : 1
Papon, Maurice : 1, 2
Paringaux, Roland-Pierre : 1
Paris, Myriam : 1
Park, Mungo : 1
Parker, Gabrielle : 1
Passy, Frédéric : 1-2, 3
Pastoureau, Michel : 1
Pastrone, Giovanni : 1
Pattieu, Sylvain : 1
Paul-Boncour, Joseph de : 1, 2-3
Paulme, Denise : 1-2
Paxton, Robert : 1
Paz, Maurice : 1-2
Peabody, Sue : 1
Pearce, Philip : 1
Pécresse, Valérie : 1
Pedler, Frederick Johnson : 1
Pedroncini, Guy : 1
Péhaut, Yves : 1, 2
Peirce, Leslie : 1
Peiretti-Courtis, Delphine : 1, 2
Pélisson, Pierre : 1
Pellerin, Pascale : 1, 2, 3, 4, 5
Pénin, Marc : 1, 2
Pennequin, Théophile : 1, 2, 3, 4
Penot, Pierre-Étienne : 1
Perdue, Peter : 1, 2
Perier, Casimir : 1
Pernotte, André Joseph : 1, 2
Péron, Françoise : 1
Pérotin-Dumon, Anne : 1
Perret, Marius : 1
Perret, Pierre : 1
Perrinon, Auguste-François : 1
Perrot, Michelle : 1, 2
Pervillé, Guy : 1
Peschanski, Denis : 1
Pétain, Philippe : 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9-10, 11-12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20
Peters, Erica : 1, 2
Peterson, Dorothy : 1
Petit, Édouard : 1, 2
Petit, Pierre : 1
Petiteville, Franck : 1, 2
Petithomme, Mathieu : 1
Pétré-Grenouilleau, Olivier : 1, 2
Peyrefitte, Alain : 1, 2, 3
Peyriere, Marie-Christine : 1
Peyroulou, Jean-Pierre : 1, 2, 3, 4, 5
Peytraud, Lucien : 1
Pflimlin, Pierre : 1, 2
Pham, Linh-Dan : 1
Phan, Bernard : 1
Phan, Thanh Gian : 1, 2, 3, 4
Pharaon, Henri : 1
Philastre, Paul : 1
Philip, André : 1, 2, 3
Phips, William : 1
Piaf, Édith : 1
Piault, Marc-Henri : 1, 2, 3
Picasso, Pablo : 1, 2, 3
Pichot, André : 1
Picq, Françoise : 1
Pierre, Constant : 1-2, 3
Pierre, José : 1
Pierre, Michel : 1, 2, 3, 4, 5
Pietri, François : 1
Pie XI (pape) : 1
Pigeaud, Fanny : 1
Pigenet, Michel : 1
Piketty, Guillaume : 1, 2
Pilleau, Gerald Arthur : 1-2
Pillot, Stéphane Victor (général) : 1
Pinardel, François : 1
Pinel, Gustave : 1
Piques, Camille : 1
Piquet, Jean-Daniel : 1
Pitaval, Gayot de : 1
Pitts, Jennifer : 1, 2, 3, 4
Pivot, Bernard : 1
Planchais, Jean : 1, 2
Planche, Jean-Louis : 1, 2, 3-4, 5
Planté, Georges Victor : 1
Platania, Marco : 1
Platon, Charles : 1
Plenel, Edwy : 1
Plessard, Charles : 1
Plessy, Homère : 1
Pleven, René : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Plomion, Charles : 1, 2
Plouviez, David : 1
Pluchon, Pierre : 1, 2, 3
Plüschow, Wilhelm von : 1
Pociello, Christian : 1, 2
Poher, Alain : 1
Poincaré, Raymond : 1, 2, 3-4, 5
Point, Armand : 1
Poirier, Léon : 1, 2-3, 4, 5, 6
Poirier (musicien) : 1
Poissonnier, Ariane : 1
Polangie de Rancé, Alexandre : 1
Policar, Alain : 1, 2, 3
Polignac, Jules de : 1, 2-3
Poligny, Serge de : 1
Pomian, Krzysztof : 1-2, 3
Pompidou, Georges : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Ponce, Nicolas : 1
Poncet, Jean : 1
Poncet de La Grave, Guillaume : 1, 2
Pons, Alexandre : 1
Pons, Sylvain : 1, 2
Ponsaillé, Guy : 1
Pontchartrain, Jérôme Phélypeaux de : 1
Poorter, Carel de : 1
Porot, Antoine : 1, 2
Port, Rémy : 1
Portafax (capitaine) : 1
Porter, Cole : 1
Portillo, José María : 1
Pory-Papy, Pierre-Marie : 1-2
Pouillon, François : 1
Pouilly, Henri de (général) : 1
Poukombo : 1
Poulaine, Robert : 1
Powell, Nathaniel : 1
Prados, John : 1, 2
Pratt, Mary Louise : 1, 2
Pré, Roland : 1, 2
Pretceille, Madeleine : 1
Prévert, Jacques : 1
Prévost-Paradol, Lucien-Anatole : 1-2, 3, 4
Primo de Rivera y Orbaneja, Miguel : 1
Prince, Mary : 1, 2
Priollaud, Nicole : 1
Prochaska, David : 1
Prophet, Nancy : 1
Proust, Marcel : 1
Prouvé, Victor : 1
Prudhomme, Claude : 1, 2
Ptolémée, Claude : 1
Puginier, Paul-François : 1
Pujarniscle, Eugène : 1, 2
Pujol, Paul : 1
Pury, David de : 1
Pyrard de Laval, François : 1
Q
Rabah : 1
Raberh, Achi : 1
Rabin, Camille : 1
Rabinow, Paul : 1
Raffet, Auguste : 1
Raffin, Anne : 1
Raha, Rachid : 1, 2
Rahal, Malika : 1, 2
Rahmani, Chérif : 1
Raiberti, Flaminius : 1
Raimond, Julien : 1
Raimu (Jules Muraire, dit) : 1
Rajsfus, Maurice : 1, 2
Ralph, Louis : 1
Ramadier, Paul : 1
Ramdane, Abane : 1
Ramdani, Karima : 1
Ramirez, Francis : 1
Ramognino, Pierre : 1, 2
Ramsay, Raylene : 1
Ranavalona III : 1
Rancière, Jacques : 1, 2
Randau, Robert : 1, 2, 3
Randon, Jacques Louis : 1-2
Randon, Robert : 1
Rao, Sathya : 1
Rapp, Bernard : 1
Rappoport, Charles : 1
Raspail, Jean : 1
Raspail, Julien : 1
Ratton, Charles : 1
Rau, Charles : 1
Rauch, André : 1
Raymond-Millet, J. K. : 1-2
Raynal (Guillaume-Thomas, dit l’abbé) : 1, 2
Rebell, Hugues : 1
Rebérioux, Madeleine : 1, 2, 3
Reclus, Onésime : 1-2, 3
Recouly, Raymond : 1
Rédier, Antoine : 1
Rediker, Marcus : 1, 2
Redjala, Ramdane : 1
Regaldo, Marc : 1, 2
Régent, Frédéric : 1, 2, 3
Régis (frères) : 1, 2, 3, 4, 5
Régis, Victor : 1
Regnault, Eugène : 1
Régnault, Félix-Louis : 1
Regnault, Jean-Marc : 1, 2, 3, 4
Régnier, Philippe : 1, 2
Régnier, Pierre de : 1
Reinaldo, Funes Monzote : 1
Reinette, Michel : 1-2
Rémond, René : 1, 2
Renan, Ernest : 1, 2
Renard, Raymond : 1
Renaud, André : 1, 2
Renaud, Jean : 1-2
Renault, François : 1
René-Boisneuf, Achille : 1-2, 3
Renel, Charles : 1
Rennes, Juliette : 1
Reno, Fred : 1, 2, 3
Renoir, Jean : 1, 2, 3
Renouvin, Pierre : 1
Reséndez, Andrés : 1
Resnais, Alain : 1
Revel, Jacques : 1, 2
Rey, Alain : 1
Rey-Goldzeiguer, Annie : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Reynaud, Paul : 1, 2, 3, 4, 5
Reynaud-Paligot, Carole : 1, 2, 3
Rezzi, Nathalie : 1, 2, 3, 4
Rhodes, Cecil : 1
Ribière, Jean : 1, 2
Ribot, Alexandre : 1
Richardson, Bonham C. : 1, 2
Richelieu, Armand Jean du Plessis de : 1, 2, 3, 4, 5
Richemond, Stéphane : 1, 2, 3, 4
Richepance, Antoine : 1
Ricœur, Paul : 1
Ricord, Maurice : 1
Rigault de Genouilly, Charles : 1
Rigouste, Mathieu : 1
Rimbaud, Arthur : 1
Rioux, Jean-Pierre : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Risi, Florence : 1
Rivers, Christopher : 1
Rives, Jean : 1
Rives, Maurice : 1, 2
Rivet, Daniel : 1, 2, 3, 4, 5
Rivet, Paul : 1
Rivière, Georges-Henri : 1, 2
Rivière, Paul-Louis : 1
Rivoire, Claudius : 1
Robert, Maurice : 1, 2, 3
Roberts, Richard L. : 1
Roberts, Sophie B. : 1
Robespierre, Maximilien : 1
Robic-Diaz, Delphine : 1, 2, 3, 4
Robin, Marie-Monique : 1, 2
Robin, Régine : 1
Robles, Fanny : 1
Rocard, Michel : 1, 2
Rochebrune, Bruno de : 1
Rochet, Louis : 1
Rodríguez-Luis, Julio : 1
Røge, Pernille : 1, 2, 3, 4
Roger, Mathieu : 1
Rogers, Dominique : 1
Roissy, Lambert de : 1
Roland (guerrier franc) : 1, 2
Rolland, Dominique : 1
Rollin, Louis : 1
Rolot, Christian : 1
Rony, Fatimah Tobing : 1, 2
Romo-Navarrete, Maria : 1, 2, 3, 4
Roosevelt, Franklin D. : 1
Roques, Georges : 1
Rosa, Miquel de la : 1
Rosaldo, Michelle : 1, 2
Rosanvallon, Pierre : 1
Rose, Phyllis : 1
Rose, Sonya : 1, 2
Rosenberg, Clifford : 1
Rosenfeld, Oreste : 1
Rosenthal, Michael : 1
Ross, Kristin : 1, 2, 3, 4
Rossetto, Jean : 1
Rossi, Benedetta : 1
Rossi, Tino : 1
Rossignol, Marie-Jeanne : 1
Rothman, Joshua D. : 1
Rotman, Patrick : 1, 2, 3, 4
Rotman, Youval : 1
Roüan, Brigitte : 1-2
Rouaud, Jean : 1, 2, 3, 4
Roubaud (Pierre-Joseph-André, dit l’abbé) : 1
Rouch, Jean : 1
Roudaut, David : 1, 2
Roulet, Éric : 1
Rous, Jean : 1
Rous, Marie : 1
Rousseau, Jean-Jacques : 1, 2, 3
Rousseau, Sabine : 1
Roussell, Henry : 1
Rousso, Henry : 1, 2, 3
Roustan, Mélanie : 1
Roustan, Théodore : 1
Rouvier, Maurice : 1
Roux, Emmanuel de : 1
Roux, Michel : 1, 2
Rowlandson, Thomas : 1
Roy, Jules : 1, 2, 3
Royal, Ségolène : 1
Royer, Louis-Charles : 1
Royer, Patrick : 1
Roynette, Odile : 1, 2, 3
Rudder, Véronique de : 1
Ruel, Georges Aristide : 1
Runstedtler, Theresa : 1
Ruscio, Alain : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15-16, 17
Rydell, Robert : 1, 2
Ryfman, Philippe : 1, 2
S
Saada, Emmanuelle : 1, 2, 3
Saaïdia, Oissila : 1
Saâl, Bouzid : 1
Sabbagh, Georges Hanna : 1
Sablé, Victor : 1-2, 3
Sackur, Amanda : 1, 2
Sacriste, Fabien : 1
Sadji, Abdoulaye : 1
Sahli, Mohand Cherif : 1
Said, Edward : 1, 2, 3-4, 5, 6
Saidi, Hédi : 1
Sainteny, Jean : 1, 2, 3
Saint-Félix, René de : 1
Saint-George, Joseph Bologne de (chevalier) : 1
Saint-Germain, Jacques : 1
Saint-Germain, Marcel : 1
Saint-Hilaire, Albert Geoffroy : 1
Saint-Hilaire, Étienne Geoffroy : 1-2
Saint-Jean d’Angély, Regnaud de : 1
Saint-Laurent (capitaine) : 1
Saint-Méry, Médéric Louis Élie Moreau de : 1, 2, 3, 4
Sainton, Jean-Pierre : 1, 2, 3
Saint-Sauveur, Jacques Grasset de : 1
Saint-Simon, Claude-Henri de Rouvroy, comte de : 1
Saint-Victor, Paul de : 1
Saisset, Jean-Marie : 1
Saladin, Henri : 1
Salan, Raoul : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Salaün, Marie : 1, 2
Saleh, Mohammed Alie : 1
Salhi, Kamal : 1
Salifou, André : 1
Salluste (Caius Sallustius Crispus) : 1
Salter, John : 1
Samandi, Zeyneb : 1
Samba Sylla, Ndongo : 1
Sanchez, Pierre : 1, 2
Sandison, Alan : 1
Sandrel, Carole : 1
Sanner, Pierre : 1
Sanogo, Sékou : 1
Santoro, Massimiliano : 1
Sanvoisin, Gaëtan : 1, 2
Sapiro, Gisèle : 1
Sardou, Michel : 1
Sarkozy, Nicolas : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26-27
Sarr, Felwine : 1, 2, 3, 4, 5, 6
Sarr, Ibrahima : 1
Sarr, Mohamed Mbougar : 1, 2
Sarraut, Albert : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Sarrazin, Véronique : 1, 2
Sartine, Antoine de : 1
Sartre, Jean-Paul : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9
Satineau, Maurice : 1
Saugera, Éric : 1, 2, 3
Saul, Samir : 1, 2, 3, 4
Saunders, Matthew : 1, 2
Saunier, Éric : 1, 2, 3
Saurel, Philippe : 1
Saussol, Alain : 1, 2, 3, 4
Savage, Augusta : 1-2
Savarese, Éric : 1, 2, 3, 4, 5
Savary, Alain : 1-2, 3
Savoie, Georges : 1
Savorgnan de Brazza, Pierre : 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Savoy, Bénédicte : 1-2, 3-4, 5, 6
Say, Jean-Baptiste : 1-2, 3, 4, 5, 6
Say, Léon : 1, 2
Sayad, Abdelmalek : 1
Schachter Morgenthau, Ruth : 1, 2
Schaeffer, Jean-Marie : 1
Schandeler, Jean-Pierre : 1
Schaub, Jean-Frédéric : 1
Schayegh, Cyrus : 1, 2
Scheck, Raffael : 1, 2, 3
Scheffer, Christian : 1, 2
Schmidt, Nelly : 1, 2, 3, 4, 5
Schnakenbourg, Christian : 1
Schnapper, Dominique : 1, 2
Schneider, William : 1, 2, 3
Schœlcher, Victor : 1, 2, 3-4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22
Schoendoerffer, Pierre : 1, 2, 3
Schor, Ralph : 1, 2, 3
Schultz, Yvonne : 1
Schwartz, Laurent : 1
Schwartz, Vanessa R. : 1
Schweinfurth, Georg August : 1
Scott, Emmet : 1
Scott, James C. : 1
Scribe, Eugène : 1
Scully, Pamela : 1
Sebastiani, Silvia : 1
Sebbar, Leïla : 1
Segalen, Victor : 1, 2
Segura Garcia, Teresa : 1
Sékou Touré, Ahmed : 1, 2, 3, 4
Selz, Jean : 1
Semard, Pierre : 1
Sembène, Ousmane : 1
Sémelin, Jacques : 1, 2
Semidei, Manuela : 1, 2
Semley, Lorelle : 1
Senghor, Lamine : 1, 2, 3
Senghor, Léopold Sédar : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14-15,
16, 17-18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Senhaji, Abdelhamid : 1, 2
Sennep, Jean : 1
Sergent, Pierre : 1-2
Serva, Cyril : 1
Servan-Schreiber, Jean- Jacques : 1, 2
Servet, Jean-Michel : 1
Sessions, Jennifer E. : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Seveno, Caroline : 1
Shaler, William : 1-2, 3
Sharpley-Whiting, Tracy Denean : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Shepard, Todd : 1, 2, 3, 4
Sherman, Daniel : 1
Sherzer, Dina : 1, 2
Shinonaga, Nobutaka : 1, 2
Shone, sir Terence : 1
Siari Tengour, Ouanassa : 1, 2
Sibeud, Emmanuelle : 1, 2, 3, 4
Sibo, Marcelline : 1
Siegfried, Jules : 1
Signoncet (affichiste) : 1
Siméant, Johanna : 1, 2
Simenon, Georges : 1, 2, 3, 4
Simon, Jacques : 1, 2
Simon, Patrick : 1
Singap, Martin : 1
Singaravélou, Pierre : 1, 2, 3, 4, 5
Sirinelli, Jean-François : 1, 2, 3, 4
Sirost, Olivier : 1, 2
Sismondi, Jean de : 1
Si Votha : 1
Siwek-Pouydesseau, Jeanne : 1, 2
Skinner, Rob : 1
Slavin, David Henry : 1, 2
Slemon, Stephen : 1
Slimani, Leïla : 1, 2
Sluglett, Peter : 1, 2, 3
Smith, Ada « Bricktop » (Ada Beatrice Queen Victoria Louise Virginia
Smith, dite) : 1, 2, 3
Smith, Adam : 1, 2
Smith, Annette : 1
Smith, Stephen : 1, 2
Smouts, Marie-Claude : 1, 2
Smyth, Rosaleen : 1
Snoep, Nanette Jacomijn : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Socé, Ousmane : 1, 2, 3
Sœmmerring, Samuel : 1
Soglo, Christophe : 1
Somerset (ou Somersett), James : 1-2
Sommier, Isabelle : 1, 2, 3
Sonnerat, Pierre : 1
Sonthonax, Léger-Félicité : 1, 2, 3, 4, 5
Souami, Benaïssa : 1
Soumahoro, Maboula : 1
Soummoud, Djilalli : 1
Sournia, Gérard : 1
Soustelle, Jacques : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Sow, Ousmane : 1
Spas, Louis : 1
Spencer, Michael : 1
Spensky, Martine : 1, 2, 3
Spielmann, Victor : 1
Spire, Alexis : 1
Sportès, Morgan : 1
Springhall, John : 1
Stablinski, Jean : 1
Stanley, Henry Morton : 1, 2, 3, 4, 5
Stasi, Bernard : 1
Staum, Martin : 1
Stech, Zorian : 1
Steeg, Théodore : 1, 2, 3, 4
Stein, Gertrude : 1-2
Steiner, Benjamin : 1
Steiner, Philippe : 1
Stenou, Katérina : 1
Sternberg, Joseph von : 1
Stevens, Mary : 1
Stibbe, Pierre : 1
Stirbois, Jean-Pierre : 1
Stockwell, Sarah : 1
Stoler, Ann Laura : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Stora, Benjamin : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21-22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31
Storm, Jerome : 1
Stovall, Tyler : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Strizhevsky, Vladimir : 1
Sturdy, Stev : 1, 2
Sua (achar) : 1
Suleiman, Susan Rubin : 1
Surcouf, Robert : 1
Suremain, Marie-Albane de : 1, 2
Suret-Canal, Jean : 1, 2, 3
Surun, Isabelle : 1
Swinney, David A. : 1, 2
T
Tabarot, Michèle : 1
Taboulet, Georges : 1
Tadjo, Véronique : 1, 2, 3
Taffin, Dominique : 1, 2, 3-4, 5, 6
Taguieff, Pierre-André : 1, 2
Tahon, Mathias-Jules-Pierre : 1
Taillemite, Étienne : 1
Taithe, Bertrand : 1
Tajasque, Georges : 1
Tall, El Hadji Oumar : 1
Talleyrand (Charles- Maurice de Talleyrand-Périgord) : 1, 2, 3
Tamba, Saïd : 1, 2, 3, 4
Tambo : 1
Tarade, Jean : 1, 2
Taraud, Christelle : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Tardieu, André : 1
Tardieu, Victor : 1
Tartakowsky, Danielle : 1-2, 3
Tascher de La Pagerie (famille) : 1
Tatsitsa, Jacob : 1, 2
Taubira, Christiane : 1
Taupin, Jules : 1
Tauriac, Michel : 1
Ta Van, Phong (Lê Zuy Phung, dit) : 1
Tavernier, Bertrand : 1, 2, 3
Tavernier, Yves : 1
Taylor, Ian : 1
Taylor, John : 1
Taylor, Keeanga-Yamahtta : 1, 2
Tazi, Nadia : 1
Tcherkézoff, Serge : 1, 2
Teal, Tim : 1
Teariki, John : 1, 2
Teitgen, Pierre-Henri : 1, 2, 3
Temaru, Oscar : 1, 2
Temime, Émile : 1, 2, 3, 4, 5
Ten Rhyne, W. : 1
Tercafs, Jane : 1
Terray, Emmanuel : 1, 2, 3
Terrien, Pascal : 1
Terrio, Susan : 1, 2
Tertrais, Hugues : 1, 2
Teulié, Gilles : 1
Tevanian, Pierre : 1
Teysseire, Joseph : 1
Tharaud, Jean : 1, 2, 3
Tharaud, Jérôme : 1, 2, 3
Thénault, Sylvie : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Théodat, Jean-Marie : 1
Thibaud, Clément : 1
Thiebault-Sisson, François : 1
Thierry, Augustin : 1
Thiers, Adolphe : 1
Thiesse, Anne-Marie : 1
Thil, Jeanne : 1
Thiong’o, Ngùgì wa : 1
Thiriet, Robert : 1
Thiveaud, Jean-Marie : 1, 2
Thobie, Jacques : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Thode-Arora, Hilke : 1, 2
Thomas, Clément : 1
Thomas, Dominic : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32
Thomas, Martin : 1, 2
Thomazi, Auguste : 1
Thomson, Ann : 1
Thorez, Maurice : 1, 2
Tidiane, Dioh : 1, 2
Tiffin, Chris : 1
Tillaud, Jean : 1
Tillion, Germaine : 1, 2
Timera, Mahamet : 1, 2, 3
Tin, Louis-Georges : 1
Tinayre, Jean-Louis : 1
Tiquet, Romain : 1
Tirard, Pierre : 1
Tirefort, Alain : 1
Tirman, Louis : 1
Tisseau, Violaine : 1
Titaÿna (Élisabeth Sauvy, dite) : 1
Tixier-Vignancour, Jean-Louis : 1, 2
Tjibaou, Jean-Marie : 1
Tlili, Béchir : 1
Tocqueville, Alexis de : 1, 2
Todd, David : 1, 2, 3, 4
Todd, Emmanuel : 1
Todorov, Tzvetan : 1, 2
Tombalbaye, François (alias Ngarta Tombalbaye) : 1, 2, 3
Tomich, Dale W. : 1
Topinard, Paul : 1-2, 3-4
Toqué, Georges : 1
Torrens, Robert : 1-2
Tortochot, Éric : 1
Touré, Samory : 1
Toussaint, Franz : 1
Toussaint, Maurice : 1
Toussaint Louverture, François-Dominique : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11
Tovalou Houénou, Kojo : 1, 2
Tramond, Joannès : 1
Treney, Xavier : 1
Trépied, Benoît : 1
Trézel, Camille Alphonse : 1
Trézemen, Édouard : 1
Tri Phuong, Nguyen : 1
Tristan, Anne : 1
Trotha, Lothar von : 1
Trottier, Mathurin : 1, 2
Trouillot, Michel-Rolph : 1
Truguet, Laurent Jean François : 1, 2
Truitard, Léon : 1
Truman, Harry : 1
Tshimanga, Charles : 1
Tshombé, Moïse : 1, 2
Tsiranana, Philibert : 1
Tsuboï, Yoshiharu : 1
Tubert, Paul : 1
Tú Dúc : 1
Turgot, Anne Robert : 1, 2, 3
Turin, Yvonne : 1, 2
Turits, Richard : 1
Turki, Yahia : 1
Turpin, Frédéric : 1, 2, 3, 4, 5, 6
U
Ullmann, Bernard : 1, 2
Ulrich-Girollet, Anne : 1, 2, 3
Umbdenstock, Gustave : 1, 2
Um Nyobé, Ruben : 1
Ungar, Steven : 1, 2
Urbain, Jean-Didier : 1
Urbain, Thomas Ismaël (alias Geoges Voisin) : 1, 2, 3
V
Vacher, Luc : 1
Vaghi, Massimiliano : 1
Vaillant, Emilia : 1, 2
Vaillant-Couturier, Paul : 1
Vaïsse, Maurice : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7
Valensky, Chantal : 1, 2
Valentino, Rudolph : 1
Valette, Jacques : 1, 2, 3, 4, 5
Valls, Manuel : 1
Valluy, Jérôme : 1, 2, 3-4
Vandervort, Bruce : 1
Van Houten, Casparus : 1
Vanlande, René : 1
Vanneste, Christian : 1
Van Thiegem, Paul : 1
Văn Thinh, Nguyễn : 1
Van Vechten, Carl : 1
Varikas, Eleni : 1
Vasseur, Lucien : 1
Vauban, Sébastien Le Prestre, marquis de : 1
Vautier, René : 1, 2, 3, 4
Veillerette, Odile : 1
Veillot, Claude : 1, 2
Venayre, Sylvain : 1
Venegas Fornias, Carlos : 1
Venner, Dominique : 1-2
Vercingétorix : 1, 2
Verdier, Robert : 1-2
Verdin, Philippe : 1
Vergès, Françoise : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9-10, 11, 12, 13, 14
Vérin, Emmanuel : 1
Vérin, Pierre : 1, 2
Ver-Ndoye, Naïl : 1
Verne, Jules : 1, 2, 3, 4
Vernet, Carle : 1
Vernet, Daniel : 1, 2
Vernet, Horace : 1
Verschave, François-Xavier : 1, 2
Veyne, Paul : 1
Veyrat-Masson, Isabelle : 1, 2, 3
Veyssière, Laurent : 1
Vial, Guillaume : 1
Vialatoux, Joseph : 1
Viard, René : 1, 2, 3
Viatte, Germain : 1-2, 3-4, 5-6
Vidal, Cécile : 1, 2
Vidal, Florence : 1
Vidal-Naquet, Pierre : 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10
Videlier, Philippe : 1
Vieira, José Antonio : 1
Vieyra, Paulin S. : 1-2, 3
Vigier, Philippe : 1
Vignon, Louis : 1
Villain-Gandossi, Christiane : 1
Villatoux, Marie-Catherine : 1
Villatoux, Paul : 1, 2
Villerbu, Soazig : 1
Villeret, Maud : 1, 2
Villiers, Gérard de : 1
Vincent, Élise : 1
Vinci, Claude : 1
Viollette, Maurice : 1-2
Viollis, Andrée : 1
Virey, Julien-Joseph : 1, 2
Virgili, Fabrice : 1
Vital-Dubray, Gabriel : 1
Vitale, Philippe : 1
Vivant Denon, Dominique : 1, 2
Viviani, René : 1, 2
Vlaminck, Maurice de : 1
Vogüé, Melchior de : 1, 2
Voisin, Georges (Ismaël Urbain, dit) : 1-2, 3, 4
Volkoff, Alexandre : 1
Vollenhoven, Joost van : 1, 2
Voltaire (François Marie Arouet, dit) : 1, 2, 3, 4
Vorapheth, Kham : 1, 2, 3
Vuillez, Jean : 1, 2, 3
Vu Thanh, Hélène : 1
W
Waberi, Abdourahman A. : 1, 2
Wable, Charles : 1, 2
Wachtel, Nathan : 1, 2
Wacquant, Loïc : 1
Wagener, Albin : 1
Wahnich, Sophie : 1
Wainstock, Dennis : 1, 2
Wakefield, Edward : 1
Walas, Teresa : 1
Waleffe, Maurice de : 1
Wallerstein, Immanuel : 1
Walras, Auguste : 1
Walras, Léon : 1-2, 3
Walraven, Klaas van : 1, 2
Walsh, John Patrick : 1
Walsh, Raoul : 1
Walvin, James : 1, 2, 3, 4
Wang, Nora : 1
Wanquet, Claude : 1
Ward, Alan : 1
Ward, Lucy : 1
Wargnier, Régis : 1-2
Washington, George : 1
Wasson, Thomas Campbell : 1
Waters, Ethel : 1
Wauthier, Claude : 1
Weber, Albert : 1, 2
Weber, Eugen : 1, 2, 3
Weber, Jacques : 1, 2
Weber, Max : 1
Weddeye, Goukouni : 1
Wei, Guoqing : 1
Weil, François : 1, 2
Weil, Patrick : 1-2, 3, 4, 5, 6-7
Weil, Simone : 1, 2-3, 4, 5, 6
Weill, Alain : 1
Weiss, René : 1
Wen, Siao : 1
Westerman, Frank : 1
Weygand, Maxime (général) : 1, 2
Wharton, Edith : 1
Wheeler, Laura : 1
White, Owen : 1, 2
White, Richard : 1
White, Sophie : 1
Whitton, Thimothy : 1
Wiesinger, Véronique : 1
Wieviorka, Michel : 1
Wihtol de Wenden, Catherine : 1, 2
Wilberforce, William : 1
Wilde, Oscar : 1
Wilder, Gary : 1
Wilernoz : 1
Wilhelmus, Adolphus : 1
Wilkerson, Martha : 1
William (dessinateur) : 1
Williams, Paul : 1
Willis, Deborah : 1
Wilson, Thomas Woodrow : 1, 2, 3
Winock, Michel : 1, 2
Wolf, Joan B. : 1
Wolton, Dominique : 1
Wood, Ean : 1
Woollacott, Angela : 1
Wright, Richard : 1-2
Wybot, Roger : 1
X
Xhuu (lieutenant) : 1
Y
Yacine, Kateb : 1, 2
Yacono, Xavier : 1, 2
Yacoub, Abdelkader : 1
Yahi, Naïma : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Yee, Jennifer : 1, 2
Yembit, Paul-Marie : 1
Yergin, Daniel : 1
Youlou, Fulbert : 1-2, 3
Youssef, Moulay (sultan alaouite) : 1
Z